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CRITIQUES

Sur le fil

Comment un individu vire-t-il à l’extrémisme ?

Comment en vient-on à adopter un point de

vue radical, quitte à devoir nier, voire abandonner,

une partie de soi afin d’atteindre l’adéquation parfaite

avec sa doctrine ?

Telles sont les questions auxquelles cet ouvrage

nous livre une réponse, bien que forcément partielle.

Tout en se basant sur des cas spécifiques,

tel Al-Qaïda, l’auteur met en évidence avec brio

des mécanismes psychologiques valables pour des

mouvements extrémistes de tous bords et non pas

seulement pour l’extrémisme religieux.

Par la vie d’Ahmed, ce jeune Égyptien tiraillé entre

son vieux mollah et son charismatique professeur,

on en vient à se questionner sur notre nature influençable

et, ainsi, sur l’impact qu’ont eu sur nous

ceux que l’on a pris comme mentors tout au long de

notre existence. En regardant évoluer Ahmed, c’est

un engrenage que l’on voit, un engrenage terrible qui

va, sans qu’un point de rupture puisse être clairement

défini, le conduire en toute logique de la douce

vie d’étudiant à celle de vandale puis de criminel. Ce

qui interroge sur la responsabilité de l’individu et sur

sa liberté, de si petites choses, si dérisoires, pouvant

en entraîner tant d’autres, bien moins innocentes.

Mais ce roman s’enracine bien plus profondément

que le simple récit, n’hésitant pas à remonter aux

origines du Coran, le citant même à de nombreuses

reprises. Au chapitre des révélations surprenantes,

il explore encore, en insérant une trame secondaire,

un autre domaine : celui des armes atomiques. Et

si la découverte des textes fondateurs de l’islam se

révèle à la fois passionnante et pleine de surprises,

l’incursion au royaume des isotopes instables s’avère

fracassante.

Ainsi donc gare à toi lecteur · rice, ce roman n’est pas

de ceux qui se lisent pour leur intrigue, mais bien

de ceux qui risquent de t’apprendre de nouvelles

choses, dont certaines que tu aurais préféré ignorer,

et de t’ouvrir les yeux sur un monde nouveau.

Michèle Dussex

Furie divine

José Rodrigues dos Santos

HC Editions

2016 (2009 en portugais)

541 pages

Derrière nos écrans de fumée

Ne vous a-t-on pas déjà conseillé Derrière nos

écrans de fumée sur Netflix ? Si ce n’est pas le

cas, voici une petite esquisse de cette thématique

actuelle qu’est la place des réseaux sociaux dans

notre société.

Le fil rouge de ce documentaire nous présente la vie

quotidienne d’une famille américaine typique. Pour

ne pas dire très connectée. Prenons deux exemples

révélateurs. D’abord, la jeune adolescente, archétype

de la génération Z. Vous savez, ces jeunes gens

de 10-25 ans accaparés par leurs écrans, sans cesse

inquiets de leur « réputation virtuelle ». La jeune

fille ne peut même plus décrocher de son smartphone

pendant les repas de famille. Il en résulte un

quotidien familial sans discussions. Quel rêve ! De

l’autre côté, son frère représente le rat de laboratoire

moderne, comme tant d’usager·ère·s des réseaux

sociaux d’ailleurs, puisque désormais, nous sommes

le produit connecté qui répond aux attentes des magnats

de la Tech. Les réseaux sociaux sont devenus

l’opium du peuple, tandis que nos datas personnels

sont sacrifiés sur l’autel du profit de la publicité

suggérée.

Tout au long du reportage, plusieurs concepteur·rice·s

d’applications telles que Pinterest, Facebook

et Twitter nous avouent leurs bonnes intentions

premières lors de l’élaboration d’artéfacts

devenus communs comme le like et le fil continu.

Leurs motifs étaient philanthropiques, voire révolutionnaires,

dans le but de connecter les gens.

Néanmoins, ces docteurs Frankenstein admettent

qu’ils ont ouvert une boîte de Pandore et que leur

monstre est devenu tentaculaire. La face sombre des

réseaux sociaux pousse de nos jours à la destruction

du lien social, puisque toute information est désormais

personnalisée. On ne vit que sous l’angle de sa

propre réalité et la désinformation devient chronique,

puisqu’aucun débat, ni opinion contraire ne

sont plus acceptables.

Il convient de se distancier du point de vue de ce

reportage. Il est trop facile de jeter la pierre aux

seuls réseaux sociaux et d’en faire la cause de toutes

les plaies actuelles. Peut-on vraiment les considérer

comme la source originelle dont jaillissent les fake

news et les tensions sociales galopantes ? Ces phénomènes

existaient avant leur apparition. Au fond,

les réseaux sociaux ne profitent-ils pas simplement

d’une bêtise humaine ancestrale ?

Maxime Corpataux

Derrière nos écrans de fumée

Jeff Orlowski

Netflix

2020

1h34

22 spectrum 10.20

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