24.10.2020 Views

Dumas de Demain Volume 6

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

6

DUMAS

de DEMAIN

The French Literary Magazine

Fall 2020

POEMES ET PROSE

M. Aguilar

J. Button

M. Hiles

M. L. Johnson

S. B. Madanu

W. Mason

P. Mvula

E. Schmidt-Zorner

A. Va


DANS CETTE PUBLICATION

Note de l’éditeur 2

POÉSIE

Philippe Mvula Dumas de demain 4

Coronavirus 5

Les vautours 6

John Button Appel aux étudiants 7

Wayne Mason Le monde explose 9

Un poème pour le vieillissement 10

Vieux os 11

Shekinah Blessy Madanu Chut 12

Aurori Va Froid 14

Michael Lee Johnson Dance of Tears, Chief Nobody 17

Missing Feeding of the Birds 19

Open Eyes Laid Back 21

Tequila 22

Marianna Hiles chapeau vert dans une ville noire 23

Eduard Schmidt-Zorner Couleurs de la nuit 25

Vendredi 27

Afrique 28

PROSE

Michel Aguilar Extraits de journal 31

Eduard Schmidt-Zorner Bottes de travail abandonnées 39

Mûriers 41

Jour de pluie 43

Sixième édition | 1


Note de l’éditeur

C’est avec une fierté profonde que j’annonce la publication

du 6ème volume de Dumas de Demain. C’est une immense réussite

de pouvoir fêter notre sixième anniversaire. Cependant le monde est

en pleine révolution. Nous nous trouvons au sein d’une pandémie

globale, récession économique et crise existentielle autour de la race.

Personne ne sait si la prochaine levée du soleil sera la dernière ou s’il

y aura un vaccin contre le coronavirus disponible pour tout le monde.

Personne ne sait si la vie retournera à la norme ou si nous allons

devoir nous habituer à vivre derrière un masque. Malgré toutes ces

incertitudes, une chose est certaine : la littérature doit persévérer. Si

nous lâchons notre main mise sur l’art et la culture, les forces de

notre société, nous risquons de perdre notre humanité. C’est donc

notre responsabilité d’écrire, de lire, de créer, de protéger l’art et la

vie dans chacun de nos actes et de rester connectés afin de ne pas

perdre le peu qui nous reste. Certes, je suis capable d’admettre mes

défauts. Pourtant, je reconnais de la paix dans cette tempête d’une

année ; lorsque nous serons capables de convenir ensemble, de fêter

la beauté de la vie, de faire les choses les plus basiques d’une société,

nous aurons la nouvelle expérience, la nouvelle clarté, la nouvelle

révélation que la vie est éphémère. Nous aurons appris à apprécier les

simplicités de la vie, la lumière scintillante du soleil lorsqu’il

illumine l’herbe inégalement, ou l’arôme de la ville lorsqu’on se

promène pendant le printemps ; la prochaine fois qu’on nous invitera

danser ou de faire un piquenique, peut-être on trouvera le temps. La

prochaine fois que l’opportunité de vivre se présentera, peut-être on

pourra l’essayer. Le but de cette introduction est, en somme, de vous

conseiller de ne pas vous inquiéter. J’espère que vous et les membres

de votre famille, vos amis plus proches et les choses que vous adorez

sont toujours intactes et de bonne santé. Quant aux œuvres de cette

édition – comme chacun de nos volumes d’ailleurs – vous pouvez

anticiper des pièces de qualité ultime qui communiquent avec beauté

notre humanité sans précédent.

— Phillip Michalak

2 | DUMAS de DEMAIN


Sixième édition | 3


PHILIPPE MVULA

Dumas de demain

Désormais, nous, écrivains émergents, avons

Une occasion en or qui nous permet de pouvoir

Montrer au grand public nos talents littéraires,

Avec espoir de devenir un jour comme ceux qui

Sont, à ce jour, devenus fameux en littérature.

Des poèmes, des pièces de théâtre, des contes

Et des bandes dessinées sont les bienvenus !

Dès à présent, le magazine Dumas de Demain

Est disposé à nous accorder une promotion.

Mettons-nous ainsi à l’œuvre, nous, novices et

Amateurs de la littérature. Produisons et publions !

Il nous est donné une chance à ne pas rater car

Nul ne sait d’où lui viendrait une baguette magique !

4 | DUMAS de DEMAIN


Coronavirus

Comment peux-tu nous abandonner,

Ô méchant univers, toi qui nous as

Réparti sur différents continents ?...

On se demande où tu nous amène !

Nous sommes confus et perdus ! Et

Avec ce vent qui souffle sur nous,

Véritable coup de fouet de ta part,

Il nous est jusque-là difficile d’y

Résister. Nous sommes limités, ô

Univers. Tu es incontournable et le

Seul qui peut nous venir en aide !

Sixième édition | 5


Les vautours

Les rapaces diurnes nécrophages qui

Envahirent la terre de mes ancêtres

Sont les mêmes qui la déstabilisent.

Voyant comment ils atterrissent, ces

Accipitridés, comme d'autres rapaces,

Unis autour d'un objectif majeur fixé

Tant d'années avant par les chefs de leur

Organisation politico-militaire, vinrent et

Usurpèrent le pouvoir de notre peuple,

Régnant en maîtres illégitimes, pillant et

Saccageant tout à leur passage brutal.

6 | DUMAS de DEMAIN


JOHN BUTTON

DI DOBROSLAV SMILJANIC

Appel aux étudiants

On reçoit des emails dans lesquels ils nous dissent

Qu’il faut qu’on ne reste qu’avec nos familles.

N’hésitez pas d’avoir peur

N’hésitez pas d’être fâché

La seule chose qu’on peut faire c’est de sentir désespéré.

Ils ferment les marchés

Ils ferment les écoles

Pendant que le président ment avec ses paroles :

Il tweet comme un oiseau de proie

En oubliant de nombreuses lois

Comment peut-on continuer

En écoutant ce fou ?

Sachez bien, sachez bien : la fin, elle nous approche

Sinon on doit continuer avec d'autres reproches.

L’Amérique, elle est sale, fatiguée, et elle a faim

Sixième édition | 7


Les médecins, on les remercie pour stopper ce drame.

Allez ! Ne quittez jamais votre maison,

On dit tous “au revoir” à toute une saison.

Songez bien, songez bien, la fin, elle nous obsède,

Mais pas aujourd’hui, ne sortez pas … le pire — il précède.

8 | DUMAS de DEMAIN


WAYNE MASON

Le monde explose

Et je me perds

dans l’ennui du travail

L’horloge bouge lentement ici

que tout

j’oublie

est en train de s’effondrer

Sixième édition | 9


Un poème pour le vieillissement

Regardez !

Dans le miroir !

C’est Han Shan

C’est Li Po !

L’aube s’est brisée tranquillement

Apporté aucune sagesse, seulement

Poils gris

10 | DUMAS de DEMAIN


Vieux os

Il faut prendre la

fragilité d'être avec

sens de l'humour

Comme de la viande enrobée

squelettes rient

dans le vide

La punch line étant

nous ne sommes pas seulement de vieux os

nous sommes aussi vides

Sixième édition | 11


SHEKINAH BLESSY MADANU

Chut

Alors, je crée Émilie.

Les cris dans la nuit. Les rires.

Les arbres sont comme le rideau.

J’existe encore ici.

Mes voisins viennent. Quels sont les sons ?

Le tonnerre est arrivé comme la raison.

Les lèvres les connaissent. Je dis

– C’est Émilie.

Donc, tu sais le secret. Chut.

Je demande le silence. Pour maintenant.

Les bêtes écoutent bien.

– Elle est cinglée. Elle aime hurler.

Le vent coule, le vent jaune et fort.

Je cligne mes yeux.

Ils viennent chez moi. Le ciel boit du vin.

Les pièces. J’existe.

– Émilie a mon cœur.

Ils ne comprennent pas rien, tant mieux.

– Tu es géniale.

La vipère est dans la fleur. Tu la regardes ?

12 | DUMAS de DEMAIN


Alors, je crée Émilie.

Sixième édition | 13


AURORI VA

Froid

Froid

Il te ment et sourit

Froid qui gèle vos artères et ne désespère pas, qui effraie les mauvais

yeux, la perte d'amour et d'espoir.

Froid qui remplit votre verre de limonade glacée et vous empêche de

le boire, ce qui vous rend parfois amer et ennuyeux jusqu'à ce que vous

trouviez la forme la plus désirée.

Le froid qui peut atteindre la pluie goutte à goutte, au cerveau, à l'action

et au désespoir, à la faible tentation de ressentir une chaleur placide.

Froid qui est polaire et singulier, froid des nuages du ciel et de la forêt

de ciment qui se crée dans votre tête de papier qui ne fait que tourner

le non-sens qui vous arrive.

Le froid qui va et vient et ce sont des façons de penser et de réfléchir à

fond.

Un froid qui pèse, qui ment et sourit, qui parle et bénit. Froid de la mort

dans l'infini. Froid qui veut te prendre. Mais ne cessez pas de le

ressentir. Avant qu’il vaille mieux mourir.

14 | DUMAS de DEMAIN


Cold

It lies to you and smiles

Cold that freezes your arteries and does not despair, that frightens the

evil eyes, the loss of love and hope.

Cold that fills your glass of ice lemonade and makes it impossible for

you to drink it, which makes you bitter and bored at times until you

find the most desired form tasty.

Cold that can reach the rain drop by drop, to the brain, to action and

despair, to the faint temptation to feel placid heat.

Cold that is polar and singular, cold from the clouds of the sky and

from the cement forest that is created in your paper head that only turns

the nonsense that happens to you.

Cold that comes and goes, and there are ways in which to think and to

consider thoroughly.

Cold that weighs, that lies and smiles, that speaks and blesses. Cold of

death in the infinite. Cold that wants to take you. But don't stop feeling

it. Before it would be better to die.

Frío

Te miente y sonríe

Frío que hiela tus arterias y no te desespera, que espanta los males de

ojo, la perdida de amor y de esperanza.

Frío que colma tu vaso de limonada de hielo y te hace imposible

beberla, que te amarga y aburre en ocasiones hasta que encuentras

gustoso la forma más deseada.

Frío que puede llegar a la lluvia gota a gota, al cerebro, a la acción y el

desespero, a la tenue tentación de sentir plácido calor.

Frío que es polar y singular, frío desde las nubes del firmamento y

desde el bosque de cemento que se crea en tu cabeza de papel que no

hace más que darle vueltas a las tonterías que te pasan.

Sixième édition | 15


Frío que va y viene y que son formas en las que pensar y a las que

considerar bien a fondo.

Frío que pesa, que miente y sonríe, que habla y bendice. Frío de muerte

en el infinito, Frío que te quiere llevar. Pero no dejes de sentirlo. Antes

sería mejor, morir

.

16 | DUMAS de DEMAIN


MICHAEL LEE JOHNSON

Dance of Tears, Chief Nobody

I’m old Indian chief story

plastered on white scattered sheets,

Caucasian paper blowing in yesterday’s winds.

I feel white man’s presence

in my blindness−

cross over my ego my borders

urinates over my pride, my boundaries−

I cooperated with him until

death, my blindness.

I’m Blackfoot proud, mountain Chief.

I roam southern Alberta,

toenails stretch to Montana,

born on Old Man River−

prairie horse’s leftover

buffalo meat in my dreams.

Eighty-seven I lived in a cardboard shack.

My native dress lost, autistic babbling.

Sixième édition | 17


I pile up worthless treaties, paper burn white man.

Now 94, I prepare myself an ancient pilgrimage,

back to papoose, landscapes turned over.

I walk through this death baby steps,

no rush, no fire, nor wind, hair tangled−

earth possessions strapped to my back rawhide−

sun going down, moon going up,

witch hour moonlight.

I’m old man slow dying, Chief nobody.

An empty bottle of fire-water whiskey

lies on homespun rug,

cut excess from life,

partially smoked homemade cigar−

barely burning,

that dance of tear

18 | DUMAS de DEMAIN


Missing Feeding of the Birds

Keeping my daily journal diary short

these sweet bird sounds lostreviews

January through March.

Joy a dig deep snow on top of my sorrows.

Skinny naked bones sparrows these doves

beneath my balcony window,

lie lifeless without tweet

no melody lost their sounds.

These few survivors huddle in scruffy bushes.

Gone that plastic outdoor kitchen bowl that held the seeds.

I drink dated milk, distraught rehearse nightmares of childhood.

Sip Mogen David Concord Wine with diet 7Up.

Down sweet molasses and pancake butter.

I miss the feeding of the birds, these condominiums regulations,

callous neighbors below me, Polish complaints.

Their parties, foul language, Polish songs late at night,

these Vodka mornings-no one likes my feeding of birds.

I feel weak and Jesus poor, starving, I can’t feed the birds.

I dry thoughts merge day with night, ZzzQuil, seldom sleep.

Guilt I cover my thoughts of empty shell spotted snow

these fragments, bone parts and my prayers-

Sixième édition | 19


Jesus dwelling in my brain cells, dead birds outside.

I miss feeding of the birds.

20 | DUMAS de DEMAIN


Open Eyes Laid Back

Open eyes, black-eyed peas,

laid back busy lives,

consuming our hours,

handheld devices

grocery store

“which can Jolly Green Giant peas,

alternatives,

darling, to bring home tonightthese

aisles of decisions.”

Mind gap:

“Before long apps

will be wiping our butts

and we, others, our children

will not notice.”

No worries, outer space,

an app for horoscope, astrology

a co-pilot to keep our cold feet

tucked in.

Sixième édition | 21


Tequila

Single life is Tequila with a slice of lime,

Shots offered my traveling strangers.

Play them all deal them jacks, some diamonds

then spades, hold back aces play hardball,

mock the jokers.

Paraplegic aging tumblers toss rocks,

Their dice go for the one-night stand.

Poltergeist fluid define another frame.

Female dancers in the corner

Crooked smiles in shadows.

Single ladies don’t eat that tequila worm

dangle down the real story beneath their belts.

Men bashful, yet loud on sounds, but right times soft spoken.

Ladies men lack caring verbs, traitors to your skin.

Ladies if you really want the worm, Mescal,

don’t be confused after midnight.

22 | DUMAS de DEMAIN


MARIANNA HILES

chapeau vert dans une ville noire

I’ve been to hell and back and heard laughter there

echoing off the buildings and prancing through the embedded layers

of death

est-ce qu’elles n’ont pas pu la voir, la sentir comme moi pendant que

je me suis promenée sur, autour, et sous cette morte

Unseemly noises trailed me through the killing field,

ill-suited and raucous in this hall of death

Les nuages étaient là, ils ont voulu pleuvoir ou peut-être pleurer —

est-ce qu’il n’y avait plus une différence ? —

frotter la morte durable, la morte irrécusable

I hoped for the depressive shuffle of footsteps to drown out what did

not belong,

but nothing is louder than an ignorance too blissful for death

Ici le passé est gelé dans marbre et supporté par la brise

Il n’y a pas une place pour tes histoires dans le sillage de la morte

Sixième édition | 23


Even a swift breath felt out of place

What does it mean, Marianna, when silence fits better than speaking?

24 | DUMAS de DEMAIN


EDUARD SCHMIDT – ZORNER

Couleurs de la nuit

Rouge soufflé par le vent,

dix mille pétales

tombants dans la rivière,

sont des flammes.

Feu dans l’enchevêtrement vert.

Mon cri pourpre pénètre

le réseau lumineux de la nuit.

Bois pourri qui rougeoie et roses amères

rouges comme tes lèvres attentives,

vraies comme la pluie.

Dansante en ondes nuageux,

sanglante mousse violette du soir.

Soleil, mis en forme,

insoluble dans la frénésie du tard,

tissage gris, passionné.

La croisée bleuâtre de la lune,

la lumière bleue des cimetières

Sixième édition | 25


brillent dans les flaques et

la lueur chaleureuse

rougit les jardins pâles.

Comme ils sont aveugles

les maisons, les rues scintillantes,

comme ils sont nombreux

et étroits, somptueux

ces tracts de pierre.

26 | DUMAS de DEMAIN


Vendredi

La semaine s'écoule

Un soupir de soulagement

Dans le monde du travail.

Télévision, nouvelles en bref,

Les batailles sont partout, partout la douleur.

Le muezzin appelle à la prière,

Le Kiddouch est dit,

Aucune paix n'est rencontrée,

Triste monde.

Mais si après ce vendredi

Le samedi ne sera plus ?

Paix pour cette planète, je-dirais.

Sixième édition | 27


Afrique

Afrique, en forme d'une plaque ovale,

une ardoise noire,

écrite là-dessus, effacée, marquée de nouveau,

hier, aujourd'hui, demain,

un vaste terrain.

Afrique, en forme d'une plaque ovale,

une table dressée avec de la nourriture exotique:

racine de patata,

aubergines, rose harissa,

les bananes, noix de coco

la patate douce, melon d'eau.

Afrique, en forme de peinture

composée de couleurs terreuses

brun, rouge, terre cuite,

encadrée de vert et de terre de Sienne

bleu et ocre

ambre.

Afrique, la forme d'une sculpture:

montagnes, oasis, vert pâturages

forêt tropicale, mangrove,

les lacs et les savanes,

déserts, montagnes.

28 | DUMAS de DEMAIN


Afrique, formé comme un bijoux luxueuse,

ornée de rubis et d'émeraudes,

saphirs bleus

et aigues-marines,

précieux diamants.

Afrique, en forme d'une plaque ovale,

une ardoise noire,

gravée, effacée, rayée, oubliées

aujourd'hui, demain, pourrie.

Afrique, en forme de plaque ovale

le taux de mortalité infantile élevé,

Tables vides, les gens privés de nourriture,

tout exporté, exhorté.

Afrique, ayant la forme d'un tableau,

composée avec des couleurs sombres de la mort,

la peau grise, purulente pourpre,

la couleur du sang mélange avec le gazon,

camouflage vert, faible marin.

Afrique, en forme de sculpture

exploitée, pliée et déserte.

Sur le mur le vautour

regardant sa proie.

Villes abandonnées.

Afrique un bijoux luxueux

Sixième édition | 29


violée, volée,

diamants sont des larmes

et rubis comme des grumeaux de sang.

De Rutenga à Cape Town Bay

Le train rugit toute la nuit,

rampe à travers la journée,

tape au rythme des bosses de la piste

plaques vibrantes et boulons répondants,

écho retentissant de la terre

nadonga donga ... la mélodie.

30 | DUMAS de DEMAIN


MICHEL AGUILAR

Parc national du Kakadu, Nord-Est

Australie, Août 1990

Le jeune homme pousse un soupir lorsque son regard accroche

l'étiquette portant son nom à l'intérieur de son col de chemise : Jason

Freeman. Comment ses aïeuls ont-ils pu accepter ce nom si

ridiculement éloigné de la réalité de sa pseudo-identité australienne ?

Maintenant qu'il a plié ses vêtements et qu'il les a glissés sous le

grand rocher avec ses chaussures, il est redevenu Tchangala Purrungu

du clan des Bininj.

Après un dernier regard à la lune qui inonde la plaine désertique

d'une lumière diaphane, il s'élance entre les grandes ombres noires

des broussailles. Pieds nus dans la poussière, chacune des foulées qui

le portent sur le chemin du rêve l'entraîne loin de celui qu'il était il y a

quelques minutes à peine. Il n'est pas encore temps de murmurer avec

ravissement le nom secret qu'il a reçu à sa naissance et que seul le

bush peut entendre. Du haut de ses quatorze ans, il va, grâce à ce

parcours, prendre possession de son héritage culturel. Le chant qui

monte de sa gorge l'emporte sur un chemin invisible tracé il y a des

millénaires et ses maigres jambes le mèneront bientôt aux portes du

temps du rêve.

Son grand père lui a dit qu'il était prêt, et c'est sans aucune hésitation

que le garçon chétif du township de Jabiru va disparaître. Le présent

et le passé vont se rejoindre et le jeune homme se débarrassera de

cette crasse moderne pour s'imprégner de sa culture clanique. Pour la

toute première fois, il assumera seul ce voyage vers ses racines et, si

le chant ne l'amènera qu'à une trentaine de kilomètres de chez lui, il

Sixième édition | 31


va lui permettre de franchir une frontière invisible qui le basculera

dans un autre monde.

Sa course est souple et régulière et Tchangala devient peu à peu

insensible à l'effort. Rien ne semble vouloir ralentir son avancée entre

les herbes sèches et les grandes termitières. Un varan tourne la tête à

son passage mais ne paraît pas plus effrayé que les quelques chauvessouris

qui doivent effectuer un virage serré pour l'éviter.

Depuis que le ranger l'a laissé au bord de la piste, la voie qu'il

emprunte l'éloigne résolument de la route goudronnée qui traverse le

Kakadu pour se rapprocher du « south alligator river ». Les autorités

du parc ont volontairement utilisé une partie de cet itinéraire damé

par des milliers de passages de pieds nus pour créer un sentier

pédestre destiné aux touristes. Toutefois, ils ont sciemment éloigné le

circuit balisé des abords de la rivière où il est possible de rencontrer

un crocodile. Les « salties » remontent rarement jusqu'ici mais le

risque que ce reptile de plus de cinq cents kilos soit présent n'est pas

à écarter. Dans le monde où évolue Tchangala, il n'existe pas un

balisage physique, c'est le chant qui donne la direction. C'est donc

sans hésiter qu'il bifurque à angle droit sur la gauche pour suivre son

propre itinéraire. Abandonnant le sentier, il traverse un espace dégagé

qui le portera vers les berges du cours d'eau. Profitant d'un passage

ouvert par un buffle, le buste bien droit, il entre sans ralentir dans

l'épaisse végétation qui borde les rives. Dans la noirceur du sousbois,

il doit modérer peu à peu son allure pour l'adapter aux obstacles

qui freinent sa progression. Des enchevêtrements de branches laissées

par les crues s'accrochent aux rares troncs qui ont su résister à la

force de la rivière.

Le murmure mélodieux qui occupe son esprit le pousse à suivre ce

parcours difficile qui le ramènera à quelques centaines de mètres

d'une des artères les plus fréquentées du parc national. Mais rejoindre

le groupe de rochers sacrés par un chemin d'asphalte créé par les

blancs n'a aucun sens. Après deux bonnes heures de voyage, le jeune

garçon débouche enfin près du site naturel, gardien des secrets de son

peuple. Son effort n'a pas été vain car il lui a permis de se décharger

de sa carapace de modernité avant d'atteindre son but. Le site est

intact et reste inconnu des Blancs qui passent à deux portées de

boomerang sur la Kakadu highway. Aucun membre de son peuple ne

viendra directement ici par ce qui pourrait être l'itinéraire le plus

32 | DUMAS de DEMAIN


facile car aucune trace humaine ne doit fouler le sol au-delà des

rochers.

Les rayons de la lune donnent à l'herbe sèche de la clairière une teinte

argentée qui fait ressortir la masse noire des deux énormes blocs de

granit qui se côtoient au centre de cet amphithéâtre naturel. Son

grand-père lui a montré les signes peints dans la faille étroite formée

par les deux rochers déposés là lors de la création du monde.

Le jeune garçon reprend son souffle pour s'avancer avec respect vers

le site sacré…

Soudain, à moins de cent mètres le cri aigu d'une femme retentit. Cet

appel qui déchire la nuit réveille Jason Freeman enfoui au plus

profond de l'esprit de Tchangala, l'obligeant à sortir du temps du

rêve…

Sixième édition | 33


Extrait du journal de Carla : 12 juillet

1984

Je n'en peux plus de cette angoisse qui m'étreint. Mon patron n'arrête

pas de me faire des avances et il se fait de plus en plus pressant.

Sa femme va nous rejoindre que dans quelques jours et je m'arrange

pour qu'il y ait en permanence ses enfants entre nous. Ce soir, j’ai

trop peur qu'il tente de me rejoindre dans ma chambre et je suis

retournée comme hier au bar de l'hôtel. C'est une chance que le

Waldorf Astoria soit un établissement de luxe et que la clientèle du

bar de nuit reste « sélect » même à une heure avancée.

Je ne sais pas si c'est bien… mais j'ai rencontré un homme qui est

très gentil. Nous nous étions déjà vus deux fois et je dois avouer que

j'espérais le revoir ce soir. Je viens de rentrer dans ma chambre et il

est 5 heures du matin, nous avons discuté toute la nuit sans voir le

temps passer. Lui aussi travaille pour un homme riche ; je n'ai pas

compris exactement sa fonction mais son employeur n’a rien à voir

avec le mien… il a de la chance. Je remercie ma mère de m'avoir

appris le français car c'est grâce à cette langue que j'ai sympathisé

avec ce Christopher. Cet homme est doux et compréhensif et ne

manque pas de charme ; mais il est trop vieux ! Il s'est intéressé à

moi et a même envisagé de me présenter à son patron qui cherche

justement une baby-sitter. Il me paraît évident que je lui plais mais

j'ai des scrupules à accepter sa proposition car si cela marche, je

serai en dette avec lui. Pourtant s'il me fait embaucher je pourrai

échapper au Señor Garcia qui ne voit en moi qu'une indigène inculte.

Ce chilien raciste a l'habitude de se servir sans état d'âme des gens

de ma condition. Si je pars en France à 22 ans, ma mère, toujours làbas

sur notre île, sera fière de moi.

34 | DUMAS de DEMAIN


Au large de l’île de Pâques, mars 2013

Je reste médusé devant le spectacle offert par le Kao Kao. Nous

sommes à quelques encablures du versant abrupt du plus grand

cratère de l'île de Pâques face à ce pic de granit qui sort tout droit

entre la côte sud et un grand îlot. Le roc a la forme d'une pointe de

lance qui surgirait des grands fonds. L'extrémité doit être entre vingtcinq

et trente mètres de haut pour sept à huit mètres de large à sa

base. A première vue, il n'y a aucun espoir d'accoster du côté où nous

allons l'aborder. Le temps est gris, et la vue de ce mégalithe noir

trônant dans cette mer argentée me fait plus penser à un paysage

nordique qu'à une île du triangle polynésien.

Le GPS à la main, Léna me confirme que le bateau de l'équipe jaune

est en train de faire du surplace très près de la zone indiquée sur le

message récupéré chez Paula. Adrien et son acolyte nous ont doublés

il y a moins de cinq minutes et ils ont presque fini de s'équiper. Il est

donc inutile de chercher à passer de l'autre côté de cet éperon rocheux

et j'invite notre pilote à se rapprocher de l'embarcation de nos

adversaires. A ma grande surprise, il éclate de rire quand je lui

demande de jeter l'ancre à une vingtaine de mètres du ressac frappant

le monolithe. Notre guide pascuan m'explique qu'il n'existe aucune

corde sur l'île suffisamment longue pour atteindre le fond à cet

endroit. Avisant le bateau de l'équipe concurrente, je constate

qu'effectivement, ceux-ci n'ont pas lâché leur ancre. Au pied de la

muraille, le piton est encore plus impressionnant d'autant plus que la

houle de trois ou quatre mètres nous fait faire le yoyo de haut en bas.

Nullement perturbée par le va et vient de notre ascenseur, ma

coéquipière me montre d'un mouvement circulaire de l'index l'aire

donnée par la géolocalisation. Au-dessus de nous la paroi rugueuse

de la roche n'offre pas vraiment de prise pour un amarrage et encore

moins pour une escalade. Je remonte le haut de ma combinaison et

m'empresse de mettre ma ceinture de plombs.

Deux minutes plus tard, nous continuons notre danse verticale à

quelques mètres de l'îlot mais cette fois -ci les yeux au ras de l’eau.

La vision en dessous est impossible car les vagues qui frappent la

roche créent un tourbillon d'écume qui n'a pas le temps de se dissiper

entre chaque coup de boutoir de la houle. L'eau est relativement

Sixième édition | 35


fraîche mais je dois avouer que le frisson qui me parcourt est sans

doute dû à la masse gigantesque qui me domine. Prenant mon

courage à deux mains, j'inspire un grand coup, casse mon corps en

deux et bascule vers le fond. Loin d'être un spécialiste, j'ai une petite

expérience en apnée acquise lors de sorties de chasse sous-marine

dans le sud de la France. Mais rien ne pouvait me préparer à cela.

En dessous de moi, le mur de granit s'enfonce droit et lisse vers les

profondeurs et il m'est impossible d'en voir la fin. Sous le nuage

d’écume, l'eau est d'une clarté cristalline et les parois de cette tour

obscure se perdent dans le bleu marine des abysses. La beauté

presque maléfique de ce paysage vertical est telle que j'ai l'impression

de rester suspendu au-dessus de ce décor irréel. Mais un message

d'alerte retentit dans mon cerveau ; je n'ai absolument pas préparé

mon apnée et je commence déjà à ressentir l'envie de respirer.

Regardant vers le haut, j'ai la surprise de voir le nuage de bulles qui

traîne en surface déjà à quinze mètres au-dessus de moi et mes

plombs me tirent toujours vers le fond.

Je me tords en deux, me cambre au maximum et donne toute la

puissance de mes jambes pour remonter. Un banc de grosses

aiguillettes nage sous la voûte brumeuse du ressac, je n'en ai cure et

j'explose leur formation en une myriade de traits argentés. Je crève la

surface comme un bouchon de champagne tout en m'arrachant le tuba

afin d'avaler plus d'air. Comme souvent en plongée, en un dixième de

seconde je suis passé d'un monde calme et coloré à un univers de

grisaille et de violence. Le bruit des vagues qui se fracassent sur la

roche, les remous et l'écume ne m'empêchent pas de voir que la pluie

vient de se remettre à tomber. Ballotté par la houle, j'ai du mal à

apercevoir notre zodiac qui n'est pourtant qu'à une vingtaine de

mètres. Plus inquiétant : je n’arrive pas à repérer Léna.

36 | DUMAS de DEMAIN


Kruger parc, Mpumalanga, Afrique du

Sud, 2013

Après avoir jeté un coup d'œil attentif aux alentours, il sort de

l'habitacle et passe à l'arrière du véhicule pour en ouvrir le coffre.

Une fois le hayon relevé, il soulève la valise et dégage le tapis

recouvrant le fond pour dégager la roue de secours de son logement.

Sortant son calibre 38, du sachet noir censé contenir des outils, il

caresse un instant la crosse comme pour se rassurer. Cette arme n'est

pas assez puissante pour stopper net un lion mais il espère que la

détonation suffira à l'éloigner. Bien sûr, il va lui falloir éviter au

maximum cette éventualité car elle ferait rappliquer les gardes du

parc en moins d'un quart d'heure.

Glissant le révolver dans son dos, il se dirige prudemment vers la

butte surplombée par les mopanes. D'après la femme, il y aurait dans

l'arbre de droite un tube renfermant des messages et peut être même

du cash. L'homme espère vraiment que le résultat sera à la hauteur

des risques qu'il est en train de prendre. A quelques mètres du

mopane, Bruno ralentit son pas et fronce les sourcils car il vient

d'apercevoir un objet brillant sur le sol au pied du tronc.

S'approchant, il reconnaît la lame d'un couteau de petite taille qui a

été ligaturé au bout d'un bâton. Sortant son arme, il s'accroupit

réalisant qu'il n'est peut-être pas seul dans le secteur.

Le dos appuyé contre le tronc afin d’occulter sa silhouette au sommet

du mamelon, l'homme effectue un rapide tour d'horizon. La faible

clarté apportée par la pleine lune lui permet de contrôler facilement

les abords du point d'eau et la portion de savane qu'il vient de

franchir. Par contre l'orée des broussailles en haut de la cuvette et la

portion de terrain située sous le remblai de la route sont dans le noir

complet. L'oreille aux aguets Bruno reste de longues minutes à épier

les bruits environnants. Là-bas du côté des buissons d'épines, il a

entendu un piétinement à peine audible mais son expérience de la

brousse lui fait dire que ce mouvement n'a rien d'humain ;

certainement un groupe de phacochères en maraude.

Sixième édition | 37


A moitié rassuré, il ramasse l'arme rudimentaire abandonnée là et

examine les liens qui ont servi à attacher le couteau. Ce ruban bleu

ressemble à s'y méprendre, hormis la couleur, à celui accroché à

chacun des bagages du couple marseillais. Grâce à son esprit

d'observation il relie cet objet à la compétition et comprend que ce

n'est pas un hasard s'il vient de le trouver au pied de cet arbre.

Relevant la tête pour la première fois, il avise une branche basse

susceptible de l'aider à monter vers le message. Posant la tige de bois

surmontée du couteau, il glisse son révolver au creux des reins et

saute en l'air pour agripper la branche. Ayant repéré une fourche au

bout de celle-ci, il compte se hisser pour prendre appui d'un pied à la

jonction des deux bras formés par la ramure. Forçant sur ses biceps

Bruno tire de toutes ses forces son corps vers le haut en lançant une

jambe loin devant lui.

A cet instant précis son autre cheville qui pend sous lui est prise dans

un étau qui lui broie les os du pied. La douleur est telle que l'homme

bascule en arrière et choit sur le sol en atterrissant sur le dos. Par un

réflexe de survie, Bruno lance son autre pied dans la gueule de la

hyène qui enserre toujours le bas de sa jambe. La prédatrice n'a

jamais attaqué un homme et, grâce à sa formidable capacité

d'adaptation, comprend qu’il lui faut craindre cette espèce. Les cris et

la résistance de l'humain lui font relâcher sa prise alors qu'elle a

commencé à la traîner vers la rive du lac. Conscient que sa vie est en

jeu, Bruno se relève et, trébuchant dans la pente, doit faire quelques

pas à cloche pied pour retrouver son équilibre.

D'autres hyènes apparaissent et se mettent en arc de cercle devant lui

alors qu'il envoie la main dans son dos. Hélas le revolver n'est plus

coincé dans le creux de ses reins et il peut l'apercevoir sur le sol

derrière la meute qui le cerne en grondant. Soudain un cri, mais cette

fois-ci humain retentit en haut de la butte.

38 | DUMAS de DEMAIN


EDUARD SCHMIDT – ZORNER

Bottes de travail abandonnées

Une ruelle étroite entre prunelliers s’élargit à un chemin de terre. Une

ferme abandonnée et délaissée est cachée derrière les mûriers. La

clôture est encore reconnaissable. Les poteaux de porte se penchent

de côté, la barrière rouille, le métal s'effondre, laissant des traces

marrons à l'entrée de la cour.

Les ardoises de toit, comme les écailles de poisson, ont laissé l'eau

s'écouler pendant des décennies. Maintenant on peut reconnaître les

poutres de toit entre les ardoises cassées et les touffes d'herbe mettent

des signes verts de changement.

La couleur blanche, qui donne toujours une apparence prétendue,

donne maturité aux murs. Les fenêtres sont aveugles. Une figure

sainte est faiblement visible derrière les vitres couvertes de

poussières et de toiles d'araignées. Les hirondelles ont construit leur

nid sous les gouttières et annoncent un printemps toujours récurrent.

Devinant la peinture rouge, la porte en bois est entrouverte.

L'intérieur est doucement éclairé par le soleil de midi, offrant une

ambiance muséale. Un buffet avec une porcelaine cassée, une table

avec un dépliant de messe, datant de Noël 2007, un jeu de mots

croisés, qui n'a pas été complété, une chaise à trois pieds. La

cheminée ne fournit plus de chaleur. Aucune vie n'est perceptible,

aucune créature vivante ne bouge dans la maison.

S'appuyant contre le mur de pierre, une paire de bottes portant un

manteau de boue observe l’espace.

Un escargot a pris son chemin et a laissé une trace sur le cuir usé.

Sixième édition | 39


mûriers remplacent la clôture

feuilles de calendrier comptent les jours

laissant les traces du temps

40 | DUMAS de DEMAIN


Mûriers

Je devais libérer le rhododendron, situé dans l’arrière-cour, des

fourrés de bruyère et de mûriers. Ils dépassaient vers le vide, dans le

vide en quête des premiers rayons du soleil, comme les brindilles de

la couronne d’épines. Plus tard, je vis des gouttelettes de sang sur

mes bras. Les épines des mûriers me grattaient subtilement,

imperceptiblement.

Un souvenir de la mise à mal de l'étouffement, de la contrainte et des

cordes de tissage. Un souvenir de véracité. Les mûriers protégeaient

la mûre et l'arbuste, est-ce que je pénétrais dans leur sphère ? Sans

invitation ?

À la fin de l'été, ils m'offrent ces mûres bleu foncé. Est-ce que je suis

ingrat ? Ils me tiennent par la veste. Attendez. Mais attendez. Oh,

laissez-moi. Mais laissez-moi ! Des bras minces, comme les bras d'un

homme consommé par l’amour mais toutefois abandonné, qui ne veut

pas accepter une décision, un destin.

Le rhododendron semble être libre, capable de s’allonger, de

s’épanouir, d’atteindre de nouveaux horizons. Probablement parce

que l'horizon s’est élargi, il n'est plus retenu, l'image a été simplifiée,

nettoyée, non, éclaircie.

La première abeille vole rapidement en dessinant des cercles. Ai-je

empêché ces premières fleurs de s’épanouir, ces fleurs que l’abeille

cherche, dont elle a besoin comme nourriture ?

Le chemin est dégagé pour permettre de se promener librement entre

buissons et arbustes. Je me repose et regarde les montagnes. Il y a

encore de la neige sur la cime.

Liberté. Liberté de mouvement. Croissance sans entraves.

Au fond, encore peu spectaculaire, une pensée sauvage demande de

l’attention. Comme un fruit, qui n'est pas encore mûr, qui n'a pas

encore trouvé une fin satisfaisante, aucune phrase de conclusion.

Ce n’est pas un jardin parfait que je désire : je n’entreprends que des

corrections et prends simplement parti.

Sixième édition | 41


fil épineux de la nature

gardien des plantes vulnérables

petite fleur me regardant

42 | DUMAS de DEMAIN


Jour de pluie

Des feuilles et des pétales des roses sauvages sont dans la haie, l'eau

s'écoule et dégouline sur la fougère.

De temps en temps, le poids de l'eau met les tiges de l'herbe haute sous

tension. Tendues comme les bandes élastiques d'un lance-pierre, elles

catapultent les gouttes d'eau sur la prairie.

De minuscules capsules de fruits sur des tiges saillantes, des parcelles

et des coussinets de mousse sont prélevées par une fourmi qui échappe

à une goutte d'eau.

J'adore la pluie. Elle m'oblige à me retirer dans mon atelier et

m'encourage à continuer à peindre.

Je trempe le pinceau dans la peinture et connecte le vert fraîchement

lavé avec le coup de pinceau vert sur la peinture.

La pluie intensifie le parfum du paysage ouvert, une perception des

sens : l'odeur de l'herbe qui se transforme en foin, la brise qui attire les

corbeaux avant la première neige, la lumière du soleil du printemps qui

brille sur les champs et qui porte les premières feuilles vertes et les

fleurs, qui dégagent un arôme envoûtant.

Le soleil apparaît et transforme la poussière de pluie en diamants qui,

en s'asséchant, cèdent la place à une multitude de nuances vertes. La

brume s'élève et, comme sur une scène, le rideau s'ouvre et les

moutons, les fruits, l'écorce des arbres et un oiseau noir donnent de la

couleur à la toile de la nature.

J'ai mis le pinceau de côté, la concurrence est trop puissante.

chaîne de perles d'argent

découle de la pente

rose fanée cramoisie

Sixième édition | 43


44 | DUMAS de DEMAIN

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!