19.10.2020 Views

The Red Bulletin Octobre 2020 (FR)

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>FR</strong>ANCE<br />

OCTOBRE <strong>2020</strong><br />

HORS DU COMMUN<br />

Votre magazine<br />

offert chaque<br />

mois avec<br />

SON CORPS<br />

EST UN ART<br />

Stefanie Millinger,<br />

acrobate de classe<br />

mondiale, croit en<br />

vos capacités...


IPONE et Tom Pagès, un partenariat de haut vol.<br />

Stroke 2R est une huile moteur 2 temps 100% synthétique à base<br />

d’esters. Validée dans le cadre des compétitions les plus exigeantes,<br />

Stroke 2R est recommandée pour un usage compétition en piste<br />

comme en tout-terrain.<br />

MADE IN <strong>FR</strong>ANCE | RETROUVEZ-NOUS SUR IPONE.COM &


Éditorial<br />

ARRÊTEZ-VOUS<br />

UN INSTANT...<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

RICK GUEST (COUVERTURE), DOMENIK TAMEGGER, <strong>FR</strong>ANK STOLLE<br />

… Avez-vous bien regardé notre photo de couverture<br />

? (Prenez quelques secondes pour y revenir.)<br />

Ce que vous voyez semble impossible à réaliser.<br />

C’est faux. Si Stefanie Millinger est à l’honneur<br />

dans ce numéro, ce n’est pas seulement pour ses<br />

incroyables contorsions et les endroits vertigineux<br />

où elle se plaît à les réaliser, c’est aussi (et peutêtre<br />

surtout – finalement) parce que sa motivation<br />

est transmissible, et applicable à chacun et<br />

chacune d’entre nous. Si vous ne devenez pas<br />

contorsionniste en lisant l’interview de cette<br />

Autrichienne, vous gagnerez probablement en<br />

détermination et positivité. Sans douleur.<br />

Progresser en skate sans se faire mal semble<br />

par contre délicat, mais le portfolio de Fred<br />

Mortagne vous convie dans son esthétique en<br />

douceur. Et nous vous offrons en complément<br />

deux visions des opportunités aquatiques : celles<br />

développées depuis son plus jeune âge par le<br />

waterman Kai Lenny, et celles exploitées, sur le<br />

tard, par un ex-chauffeur de tram devenu navigateur<br />

en solitaire. Vous pouvez à présent regarder<br />

notre couverture pour la troisième fois.<br />

Belle lecture !<br />

Votre Rédaction<br />

Le talent de Stefanie Millinger, c’est donner l’impression<br />

que ses acrobaties ont l’air faciles à réaliser.<br />

PAULINE LUISA<br />

KRÄTZIG<br />

La journaliste et auteure<br />

allemande entretient un rapport<br />

presque érotique avec<br />

la langue. Les subtilités linguistiques<br />

lui permettent de<br />

saisir la singularité de celles<br />

et ceux qu’elle interroge. Le<br />

port du masque pour le trajet<br />

en train Berlin- Vienne, neuf<br />

heures durant, afin de réaliser<br />

le portrait de l’acrobate<br />

Stefanie Millinger, en valait<br />

vraiment la peine, page 48.<br />

<strong>FR</strong>ED MORTAGNE<br />

Vainqueur du premier<br />

concours photo <strong>Red</strong> Bull<br />

Illume en 2007, Fred est un<br />

photographe reconnu dans<br />

le monde du skate, et audelà.<br />

« Le skateboard m’ayant<br />

appris la faculté à m’adapter<br />

à tous types de situations,<br />

puisque les spots et les conditions<br />

varient tout le temps,<br />

je suis assez à l’aise quand<br />

il s’agit de documenter des<br />

domaines que je ne connais<br />

pas de premier abord », dit<br />

ce collaborateur de la marque<br />

Leica. Sa vision esthétique<br />

du skate est en page 22.<br />

THE RED BULLETIN 3


36<br />

Le waterman hawaïen<br />

Kai Lenny explore<br />

toutes les facettes<br />

du surf à l’envi.<br />

6 Galerie : quatre athlètes et<br />

quatre photographes qui ne<br />

touchent plus terre<br />

12 Comme si vous vous retrouviez<br />

dans l’espace en maillot de bain<br />

14 Cette Népalaise a préféré la<br />

course à pied à l’uniforme<br />

16 Un petit-fils de Marley nous<br />

éclaire sur les titres de Bob<br />

17 Vous allez pouvoir créer vos<br />

propres compils sur vinyle<br />

18 La genèse de la bière et le génie<br />

des hommes préhistoriques<br />

20 Le combo véhicule-logement<br />

parfait pour bouger en congés<br />

85<br />

Un saut en Angleterre pour améliorer votre niveau en VTT à la sauce Atherton.<br />

RICHARD HALLMAN, MOONHEAD MEDIA, RICK GUEST<br />

4 THE RED BULLETIN


CONTENUS<br />

octobre <strong>2020</strong><br />

48<br />

Stefanie Millinger,<br />

acrobate de l’extrême,<br />

ne se laisse<br />

pas mettre en boîte.<br />

22 Beauté dure<br />

Ce que le béton et des as du<br />

skate aux quatre coins du globe<br />

révèlent au photographe<br />

Fred Mortagne.<br />

36 Lenny gravite<br />

Immobilisé, le waterman Kai<br />

Lenny revient sur son parcours<br />

déjà copieux et ses envies sans<br />

cesse affirmées.<br />

48 Confiance est force<br />

Stefanie Millinger est l’un des<br />

talents les plus particuliers<br />

(et flexibles) que nous ayons<br />

rencontrés.<br />

56 Une autre Jamaïque<br />

Si cette île se résume pour vous<br />

à son reggae, sa violence et son<br />

herbe, lisez ce sujet d’urgence.<br />

60 Tous gagnants !<br />

Aux États-Unis, l’esport (les<br />

sports électroniques) ont leur<br />

place à l’université. Et c’est bien.<br />

72 Un autre cap<br />

Ce type normal conduisait des<br />

tramways en Autriche, puis il est<br />

devenu un navigateur de renom.<br />

85 Vélo : la fratrie Atherton vous<br />

convie sur son terrain de jeu<br />

89 Focus Merrell : c’est le pied<br />

90 Course : prenez de l’altitude<br />

91 Matos : quelque chose cloche<br />

92 Gaming : LE jeu de skate. Point<br />

94 Agenda : passion écluses...<br />

96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

98 Carte postale : elle est timbrée<br />

THE RED BULLETIN 5


DÉSERT DE<br />

MOJAVE, USA<br />

Combiné<br />

Bradley « Slums » O’Neal est le pionnier<br />

du BASE jump en moto : décollage<br />

en dirt bike (un engin conçu par ses<br />

soins) et atterrissage en parachute.<br />

À ce jour, aucune autre cascade ne<br />

rivalise avec ce saut, le plus grand<br />

jamais effectué dans le désert, dans<br />

les dunes du Mojave. « Mon instinct<br />

était à l’affût du moindre détail qui ne<br />

collerait pas, car Bradley aurait pu y<br />

rester, narre le photographe californien<br />

Chris Tedesco, qui, grâce à ce cliché<br />

spectaculaire, est arrivé en finale<br />

du concours <strong>Red</strong> Bull Illume Special<br />

Image Quest. Nous nous trouvions à<br />

des heures de toute assistance médicale,<br />

sans réseau. J’ai failli lâcher l’appareil<br />

quand j’ai vu Bradley atterrir. »<br />

bradleyslums.com ;<br />

Instagram : @tedescophoto


CHRIS TEDESCO/RED BULL ILLUME<br />

7


CERGY, <strong>FR</strong>ANCE<br />

L’énergie<br />

de Cergy<br />

La connaissance d’un lieu peut s’avérer<br />

inestimable pour un photographe.<br />

Théo Burette le vérifie avec ce cliché<br />

de Jonathan Viardot, « trickeur » d’arts<br />

martiaux. « Nous avons tous les deux<br />

grandi à Cergy, confie-t-il, et nous<br />

connaissons très bien son amphithéâtre<br />

où la principale source de lumière vient<br />

du pont. L’endroit idéal pour ce genre<br />

de photo. » Encore peu connu, le tricking<br />

combine des éléments d’arts martiaux,<br />

de gym et de breakdance. « Je voulais<br />

rendre la beauté de ses mouvements,<br />

au moment précis où le temps semble<br />

s’arrêter », explique Burette.<br />

theoburette.com


LAC DU BOURGET,<br />

<strong>FR</strong>ANCE<br />

Tel un<br />

mirage<br />

Depuis quand des VTT jaillissent des<br />

lacs ? Ne vous laissez pas bluffer par<br />

ce cliché de l’inventif photographe<br />

français Germain Favre-Felix : l’action<br />

qu’il a documentée est quasi normale.<br />

« L’idée m’est venue assez simplement,<br />

explique-t-il. Le lac du Bourget<br />

s’est mis à déborder et j’ai remarqué<br />

que l’eau commençait à passer sur les<br />

pontons. Du coup j’ai téléphoné à mon<br />

pote Léo Nobile pour lui dire qu’il y<br />

avait une super photo à faire. Il a un<br />

peu hésité, et puis il s’est pointé avec<br />

son vélo pour tenter le coup. »<br />

Instagram : @germ_photography<br />

THEO BURETTE/ RED BULL ILLUME, GERMAIN FAVRE FELIX/RED BULL ILLUME<br />

9


MATTEO PAVANA/RED BULL ILLUME


CASTELMEZZANO,<br />

ITALIE<br />

Parlons<br />

de toits<br />

Considéré comme l’un des plus beaux<br />

villages d’Italie, Castelmezzano, dans<br />

la province de Potenza, est un pôle<br />

d’attraction touristique. Mais voici un<br />

spectacle que ni les visiteurs ni les<br />

habitants ne s’attendaient à voir : le<br />

slackliner italien Benjamin Kofler<br />

s’aventurant au- dessus des toits.<br />

« Même avec le bruit ambiant, je pouvais<br />

entendre les commentaires de la<br />

foule rassemblée sur la Piazza Emilio<br />

Caizzo, rapporte le photographe italien<br />

Matteo Pavana, dont celui d’une<br />

dame âgée : “Oh mon Dieu, je ne peux<br />

pas regarder ce fou !” »<br />

theverticaleye.com<br />

11


TK<br />

Vue panoramique :<br />

voici la caméra<br />

360° montée sur<br />

Overview 1.<br />

RV SPATIALE<br />

Être sur orbite<br />

Du sulfate de magnésium dans l’eau pour simuler l’apesanteur.<br />

Le créateur d’une start-up techno américaine veut<br />

populariser l’expérience de la Terre vue de l’espace.<br />

Pour ce voyage interstellaire, un maillot suffit.<br />

Sous surveillance : une esquisse du satellite Overview 1<br />

qui transmet la vue depuis l’orbite terrestre basse.<br />

Observer la Terre en étant<br />

sur orbite a un impact psychologique<br />

indéniable. Un phénomène<br />

constaté dès les débuts<br />

des voyages dans l’espace,<br />

comme en témoignent les<br />

astronautes de la mission<br />

Apollo 11 en 1969 : voir leur<br />

propre planète dans sa globalité<br />

fut encore plus bouleversant<br />

que les premiers pas<br />

qu’ils ont effectués sur la lune.<br />

Ce moment où l’on réalise<br />

que la vie que nous connaissons<br />

repose sur la surface<br />

d’un monde fragile suspendu<br />

dans l’espace, est appelé<br />

overview effect ou effet d’ensemble,<br />

par l’écrivain Frank<br />

White dans son livre du même<br />

nom publié en 1987.<br />

Une source d’inspiration<br />

pour Ryan Holmes, fondateur<br />

et PDG de SpaceVR, qui a<br />

demandé à Frank White de<br />

l’aider à développer sa grande<br />

idée : expérimenter cet effet<br />

d’ensemble sans quitter la<br />

Terre. « Aller dans l’espace<br />

coûte environ 90 millions de<br />

dollars ; seulement 500 personnes<br />

ont eu l’occasion de<br />

vivre cette expérience, explique<br />

Holmes. Notre prix est de 99 $<br />

par personne. » Pour ce tarif, le<br />

sujet est placé dans un bassin<br />

de flottaison rempli d’eau et de<br />

sel d’Epsom pour transmettre<br />

cette sensation d’apesanteur<br />

puis, grâce à un casque étanche<br />

4K VR, plongé au cœur d’un<br />

enregistrement vidéo à 360 °<br />

de la Terre vue de l’espace.<br />

« De nombreux participants<br />

sont tellement émus par la profondeur<br />

de cette expérience<br />

qu’ils fondent en larmes », nous<br />

raconte Holmes.<br />

Aux États-Unis, l’expérience<br />

est déjà opérationnelle dans<br />

de nombreux spas. Mais ce<br />

n’est que la première étape du<br />

projet d’Holmes : l’an prochain,<br />

SpaceVR prévoit d’envoyer un<br />

satellite équipé d’une caméra<br />

à 360 ° – Overview 1 – dans<br />

l’orbite terrestre basse au<br />

moyen d’une fusée SpaceX.<br />

Financé par sa société et par<br />

une campagne Kickstarter,<br />

ce projet permettrait de diffuser<br />

la vue de la Terre en direct<br />

dans les bassins de flottaison.<br />

Pour Holmes, cela va bien<br />

au-delà d’une belle expérience ;<br />

il souhaite des changements<br />

positifs sur le public. « Il faut<br />

opérer un renversement dans<br />

le fondement même de l’humanité,<br />

déclare-t-il. Ceux qui<br />

reviennent sur Terre ont une<br />

idée plus claire de la manière<br />

dont fonctionne le monde et<br />

se sentent davantage concernés<br />

par la planète. »<br />

spacevr.co<br />

KLAUS THUMANN/INSTITUTE, SPACE VR LOU BOYD<br />

12 THE RED BULLETIN


Copyright © <strong>2020</strong> MNA, Inc. All rights reserved.<br />

THE TRACK DOESN’T<br />

MAKE ITSELF FAMOUS.<br />

WHAT ARE YOU BUILDING FOR?<br />

150 years of engineering progress. Check it out at www.BFGoodrichTires.com/150years .


MIRA RAI<br />

Le bonheur est<br />

dans les pieds<br />

À 14 ans, elle quitte l’isolement familial pour rejoindre la guerre. Aujourd’hui,<br />

cette Népalaise court pour soutenir et motiver les femmes de son pays.<br />

Mira Rai, 31 ans, a remporté le 80 km<br />

du Mont-Blanc (un ultra- marathon<br />

très exigeant à travers les Alpes françaises)<br />

en juin 2015 avec 22 minutes<br />

d’avance sur le second et en explosant<br />

le record du vainqueur de 2014<br />

de six minutes. C’était la première<br />

course européenne de haut-niveau<br />

à laquelle participait cette Népalaise<br />

– 26 ans à l’époque. Seize mois plus<br />

tôt, elle ne savait même pas ce<br />

qu’était un ultra-marathon ; et douze<br />

ans auparavant, elle s’était enfuie<br />

de son village natal de Bhojpur pour<br />

s’engager comme enfant soldat<br />

dans la guerre civile népalaise. Huit<br />

semaines avant la course du Mont-<br />

Blanc, son pays était frappé par le<br />

tremblement de terre de Gorkha,<br />

causant la mort de 9 000 personnes.<br />

En franchissant la ligne d’arrivée,<br />

Rai a déployé le drapeau de son pays<br />

au-dessus de sa tête – un symbole<br />

d’espoir pour son pays qui a résonné<br />

dans le monde entier.<br />

Si Rai rejoint la révolution<br />

maoïste, ce n’est pas par choix politique<br />

mais parce qu’elle aspire à une<br />

vie meilleure que celle des femmes<br />

de son village. À la fin de la guerre,<br />

elle veut rester dans l’armée, mais<br />

on le lui refuse car à 17 ans, elle est<br />

encore mineure. Sa carrière de coureuse<br />

naît d’une rencontre fortuite<br />

lorsqu’en 2014, elle croise le chemin<br />

de deux coureurs qui l’invitent à une<br />

course. Rai s’inscrit au Himalayan<br />

Outdoor Festival 50 km. Elle n’a<br />

aucune préparation, court cette<br />

distance pour la première fois, et<br />

pourtant remporte la victoire. La<br />

première d’une longue série.<br />

À présent, Rai veut encourager<br />

les autres femmes népalaises à<br />

pratiquer ce sport et à reprendre le<br />

contrôle de leurs vies. « Courir me<br />

rend heureuse, nous confie-t-elle de<br />

son domicile à Katmandou, capitale<br />

du Népal. Quand on fait quelque<br />

chose qui rend heureux, la souffrance<br />

passe au second plan. »<br />

the red bulletin : Comment imaginiez-vous<br />

votre futur quand<br />

vous étiez jeune ?<br />

mira rai : Je viens d’un village très<br />

isolé. Faire de la course sportive<br />

était hors de question, mais je trottais<br />

dans les montagnes du matin au<br />

soir pour assurer la bonne tenue de<br />

notre foyer. Je me disais que si j’étais<br />

née ailleurs, dans une ville, j’aurais<br />

pu étudier, aller à l’école, poursuivre<br />

une carrière. Quand l’armée m’a disqualifiée,<br />

je me suis inscrite à l’université.<br />

Deux ans plus tard j’ai<br />

achevé mes études secondaires.<br />

Vous avez été enrôlée dans l’armée<br />

à 14 ans…<br />

Pas vraiment par choix. Je suis<br />

entrée dans l’armée populaire de<br />

libération (PLA, People’s Liberation<br />

Army, ndlr), pour offrir un meilleur<br />

futur à ma famille. J’y ai découvert<br />

la course sous son aspect sportif.<br />

L’Himalayan Outdoor Festival<br />

était votre premier marathon.<br />

J’avais participé à un semi-marathon<br />

de 21 km, mais je m’étais effondrée<br />

à 400 m de l’arrivée à cause de la<br />

chaleur. En ce qui concerne le HOF,<br />

je n’avais aucune idée du parcours<br />

ou de la distance, j’avais simplement<br />

été invitée par des coureurs de l’armée<br />

népalaise. Je n’en attendais<br />

rien. J’ai couru, et j’ai fini première.<br />

Vous étiez à peine équipée…<br />

Je portais des chaussures bon marché.<br />

Mes pieds étaient recouverts<br />

d’ampoules et les chaussures étaient<br />

complètement ruinées.<br />

Quand on vous regarde courir,<br />

même en compétition, vous avez<br />

l’air tellement calme.<br />

Je suis agile dans les montagnes et<br />

les collines escarpées me rappellent<br />

mon enfance. Quand on a couru<br />

dans les montagnes du Népal, on<br />

peut courir partout dans le monde.<br />

Mais j’ai du mal avec la course sur<br />

route, avec le plat.<br />

Dans quel état d’esprit étiez-vous<br />

pour la course du Mont-Blanc<br />

juste après les séismes ?<br />

Je me sentais forte. Après ma victoire,<br />

j’étais folle de joie, parce<br />

qu’elle appartenait à tous les Népalais<br />

du monde. J’étais heureuse de<br />

pouvoir offrir une médaille à notre<br />

pays si durement frappé.<br />

Aujourd’hui vous êtes plus qu’une<br />

coureuse : vous êtes une activiste.<br />

J’ai fondé la Mira Rai Initiative, une<br />

association de soutien aux femmes<br />

népalaises qui veulent devenir coureuses.<br />

Je veux leur offrir une plateforme<br />

– des cours d’anglais, des<br />

études universitaires, un entraînement<br />

physique, une prise en charge<br />

thérapeutique. Nous recrutons cinq<br />

coureuses par an et avons déjà complété<br />

deux cursus.<br />

À quels défis êtes-vous confrontée<br />

lorsque vous introduisez des<br />

femmes au monde du sport ?<br />

Il faut convaincre les parents, et<br />

ensuite faire comprendre à ces<br />

femmes que si elles s’y mettent<br />

sérieusement, ce ne sera que du<br />

positif. Nous avons envoyé plusieurs<br />

coureuses à Hong Kong, au Japon,<br />

à Oman – Sunmaya Budha et Humi<br />

Budha Magar – elles ont participé<br />

à des courses internationales et les<br />

ont gagnées. Mission accomplie.<br />

Suivez la fondation de Mira sur<br />

miraraiinitiative.org. Regardez son<br />

histoire dans l’épisode <strong>The</strong> Way<br />

of the Wildcard sur redbull.com<br />

MARTINA VALMASSOI TOM GUISE<br />

14 THE RED BULLETIN


« Courir me rend<br />

heureuse. La<br />

souffrance passe<br />

au second plan. »<br />

THE RED BULLETIN 15


SKIP MARLEY<br />

Mettons<br />

un Bob<br />

Cette année, Bob Marley, l’ambassadeur<br />

du reggae, aurait eu 75 ans.<br />

Son petit-fils a sélectionné quatre<br />

chansons majeures du formidable<br />

catalogue de Mr Bobby.<br />

Comme beaucoup dans son illustre<br />

famille, Skip Marley, 24 ans, s’est<br />

taillé une carrière dans la musique.<br />

Ayant fait ses premiers pas sur la<br />

scène en 2015, l’auteur-compositeur-interprète<br />

jamaïcain est revenu<br />

sur le devant de la scène l’année<br />

dernière avec les singles That’s Not<br />

True et Slow Down, ce dernier mettant<br />

en scène la star du R&B H.E.R.,<br />

récompensée par un Grammy<br />

Award. Cette année, la légende du<br />

reggae Bob Marley, mort en 1981<br />

à l’âge de 36 ans, aurait fêté ses<br />

75 ans. Skip se souvient de l’impact<br />

de la musique de son grand-père :<br />

« Sa détermination, sa discipline et<br />

son éthique de travail ont influencé<br />

le monde, y compris moi et la<br />

musique que je fais. » Voici ses<br />

quatre titres préférés.<br />

Le nouveau single de Skip, Make<br />

Me Feel, avec Rick Ross et Ari<br />

Lennox, est déjà disponible.<br />

Natty Dread<br />

(de l’album Natty Dread)<br />

« Mon grand-père a influencé<br />

ma façon de vivre et de penser.<br />

Il m’a inculqué une mission, et<br />

c’est pourquoi j’aime Natty<br />

Dread. C’est comme un hymne<br />

pour le rasta : “Peu importe le<br />

monde, je ne pourrais jamais<br />

m’égarer.” C’est une chanson<br />

qui m’a toujours accompagné<br />

dans mon travail, elle me<br />

conforte dans ma mission. »<br />

Revolution<br />

(également de Natty Dread)<br />

« Nous vivons une révolution en<br />

ce moment, ce titre est toujours<br />

d’actualité car il parle de<br />

vérité. Des chansons comme<br />

celle-ci nous rappellent la ferveur<br />

de mon grand-père. Nous<br />

sommes sa famille, nous vivons<br />

dans l’amour, nous sommes lui.<br />

Nous continuons à transmettre<br />

son héritage. L’amour ne peut<br />

pas prendre de congés. »<br />

<strong>The</strong> Heathen<br />

(de l’album Exodus)<br />

« C’est l’une des premières<br />

chansons où j’ai appris à tout<br />

jouer : batterie, basse, guitare,<br />

piano. <strong>The</strong> Heathen est une<br />

véritable racine brute. La vie est<br />

un combat. Nous devons continuer<br />

à survivre. Nous sommes<br />

en train de nous battre en ce<br />

moment. Il faut rester ferme,<br />

aller de l’avant et être assurés<br />

au plus haut niveau.»<br />

<strong>Red</strong>emption Song<br />

(de l’album Uprising)<br />

« Un de mes souvenirs d’enfance<br />

préférés : sur la plage<br />

avec ma famille, en train de<br />

chanter <strong>Red</strong>emption Song.<br />

C’est un hymne mondial, une<br />

histoire de survie, de combat<br />

qui a changé le monde : “Les<br />

vieux pirates, oui, ils me volent,<br />

ils me vendent aux navires<br />

marchands.” La chanson vous<br />

colle à la peau différemment. »<br />

JACK MCCAIN WILL LAVIN<br />

16 THE RED BULLETIN


On s’en<br />

grave un<br />

petit ?<br />

Le mini<br />

dubplate,<br />

un rêve<br />

devenu<br />

réalité.<br />

GAKKEN, PENTAGRAM LOU BOYD<br />

À l’époque où Yuri Suzuki était<br />

étudiant dans les années 90 à<br />

Tokyo, il avait deux obsessions :<br />

la musique punk et les vinyles.<br />

« J’ai toujours rêvé de fabriquer<br />

une machine me permettant<br />

de créer mes propres disques,<br />

raconte cet artiste sonore japonais<br />

âgé de 40 ans. Quand<br />

j’étais étudiant, j’essayais de<br />

réparer de vieilles machines à<br />

graver achetées dans des<br />

ventes au rabais, mais ça ne<br />

marchait jamais. » Trente ans<br />

plus tard, il invente un appareil<br />

qui permet de graver et de lire<br />

des enregistrements maison.<br />

L’Instant Record Cutting<br />

Machine (trad. machine de gravure<br />

de disque instantanée) –<br />

élaborée en partenariat avec<br />

Gakken, un fabricant de jeux<br />

éducatifs – se compose de<br />

deux bras : l’un pour la gravure<br />

des sillons sur le vinyle, l’autre<br />

pour la lecture audio.<br />

« On utilise la prise casque<br />

du portable pour se connecter<br />

via USB, explique-t-il. C’est<br />

assez sommaire : l’audio reçoit<br />

l’information sous formes de<br />

vibrations et le stylet grave le<br />

tout sur le vinyle. Mon projet<br />

n’était pas de fabriquer un<br />

équipement hifi, le son rendu a<br />

un côté bricolé et low-fi. »<br />

Certains s’en servent également<br />

pour créer de la musique.<br />

« Je connais un DJ qui s’en sert<br />

pour enregistrer des boucles<br />

lors de ses performances en<br />

public », ajoute Suzuki. Il les<br />

grave en situation sur un<br />

disque de 13 cm qu’il utilise<br />

pour la suite du show, ce qui en<br />

fait quasiment un instrument<br />

de musique à part entière.<br />

« Quand j’étais ado, je faisais<br />

tout le temps des mixtapes<br />

pour mes amis », raconte<br />

Suzuki. C’est cette touche<br />

émotionnelle des compilations<br />

K7 de l’époque que les gens<br />

retrouvent avec le procédé<br />

vinyle du Japonais. « Le côté<br />

palpable d’une galette vinyle<br />

sur laquelle tu poses le diamant<br />

– surtout si tu as créé ce vinyle<br />

toi-même – c’est quelque<br />

chose de vraiment unique. »<br />

yurisuzuki.com/design-studio/<br />

easyrecordmaker<br />

MACHINE DE GRAVURE<br />

Disque dure<br />

On pensait que le streaming avait enterré<br />

la bonne vieille compil K7. Mais un passionné<br />

japonais de son la fait revivre façon vinyle.<br />

Suzuki et son IRCM (comme on aime à l’appeler).<br />

THE RED BULLETIN 17


CODY CASSIDY<br />

L’histoire questionnée<br />

Qui a bu la première bière ? Qui a inventé les blagues ? En quoi les hommes<br />

préhistoriques sont-ils plus avancés que nous le pensons ? Un Américain<br />

s’est attaqué à ce genre de questions et y a apporté certaines réponses.<br />

Il y a encore des questions auxquelles<br />

même une recherche google<br />

n’apporte pas de réponse satisfaisante.<br />

Des questions qui nous<br />

passent soudain par la tête, comme<br />

« qui a bu la première bière ? » et<br />

« qui a inventé les inventions ? ».<br />

L’écrivain scientifique Cody Cassidy,<br />

âgé de 36 ans et originaire de San<br />

Francisco, a passé plus de trois ans<br />

à arpenter les librairies, à débattre<br />

avec des experts et à parcourir le<br />

monde pour résoudre tous ces mystères<br />

cachés derrière les innovations<br />

les plus significatives de l’humanité.<br />

Son nouvel ouvrage, Who Ate the<br />

First Oyster? <strong>The</strong> Extraordinary<br />

People Behind the Greatest Firsts<br />

in History (trad. Qui a mangé la première<br />

huître ?) déterre les histoires<br />

de 17 pionniers majeurs mais injustement<br />

méconnus – de la personne<br />

qui a découvert le feu à celle qui a<br />

raconté la première blague.<br />

the red bulletin : Quelle était<br />

l’idée derrière le livre ?<br />

cody cassidy : Quand on pense<br />

à l’histoire ancienne, on ne pense<br />

pas forcément en termes d’individus.<br />

Et pourtant, ce sont bien des génies<br />

singuliers qui ont inventé et découvert<br />

des choses que nous utilisons<br />

encore et toujours aujourd’hui. Mon<br />

livre s’intéresse à ces personnes et<br />

décrit leurs vies et les circonstances<br />

qui ont conduit à leur première fois.<br />

Comment avez-vous sélectionné<br />

ces premières fois ?<br />

Je me suis concentré sur ce que l’on<br />

sait qu’un individu a accompli. Il<br />

existe de nombreux exemples de<br />

premières fois qui ont probablement<br />

évolué au cours du temps, comme<br />

par exemple la première personne<br />

qui a inventé la religion ou parlé une<br />

langue – cela n’a pas été accompli<br />

par un seul et unique individu.<br />

Quel a été votre procédé de<br />

recherches ?<br />

Je me suis rendu dans des endroits<br />

tels que le nord de l’Italie pour<br />

visiter la scène du crime d’Ötzi<br />

(« l’homme des glaces » âgé de plus de<br />

5 300 ans, dont le corps momifié et<br />

bien conservé a été découvert en 1991,<br />

ndlr) et dans la grotte Chauvet pour<br />

voir le premier chef-d’œuvre pictural.<br />

Et j’ai lu énormément de publications<br />

scientifiques, qui m’ont<br />

certes apporté une base de compréhension<br />

nécessaire pour le sujet,<br />

mais souvent pas assez à mon goût,<br />

sur un individu spécifique. Je suis<br />

donc allé parler avec les auteurs et<br />

je les ai invités à émettre des hypothèses<br />

avec moi sur les motivations<br />

d’innover. Certaines de ces histoires<br />

prennent une direction inattendue.<br />

Comme l’invention de la roue, qui<br />

a probablement contribué à la diffusion<br />

de la peste noire en Europe.<br />

Quel est le point commun entre<br />

tous ces innovateurs ?<br />

Tous avaient un problème qu’ils<br />

essayaient de résoudre ; déjà il y<br />

a trois millions d’années de cela<br />

lorsqu’une jeune mère devait tenir<br />

un bébé dans ses bras. Faire une<br />

écharpe ne paraît pas très compliqué,<br />

mais à l’époque, les jeunes<br />

mères ont eu du mal. La taille de<br />

la tête des bébés grossissait mais le<br />

canal génital des mères restait identique,<br />

condition nécessaire pour<br />

marcher debout. Du coup, les bébés<br />

naissaient de manière prématurée,<br />

ce qui en faisaient des proies faciles.<br />

Alors, une maman a trouvé la<br />

manière de porter son bébé tout<br />

en continuant à récolter de la nour-<br />

riture. Grâce à l’écharpe, on pouvait<br />

enfin naître au début de notre développement<br />

– comme aujourd’hui –<br />

et les mères pouvaient nous porter<br />

environ un an avant que nous puissions<br />

marcher par nos propres<br />

moyens.<br />

Avons-nous trop de mépris pour<br />

le génie des inventions<br />

préhistoriques ?<br />

Oui. On fait cette erreur classique de<br />

penser que les hommes des cavernes<br />

étaient des sauvages illettrés et stupides.<br />

À cet égard, les BD et autres<br />

caricatures n’ont rien arrangé. En<br />

fait, ils étaient plus sophistiqués,<br />

ou en tout cas ils avaient bien plus<br />

de connaissances générales de leur<br />

environnement que nous actuellement.<br />

Ils devaient connaître tous les<br />

types de plantes et savoir comment<br />

les préparer et les manger. Regardez<br />

ce que nous considérons comme<br />

le premier chef-d’œuvre de l’art<br />

(le groupe de chevaux dans la cave<br />

Chauvet, ndlr) : il a été peint il y a<br />

33 000 ans pendant l’âge de glace.<br />

Impossible de le regarder sans y<br />

voir du génie.<br />

Que vous a apporté l’écriture de<br />

ce livre ?<br />

On part souvent du principe que<br />

c’est parce que nous sommes intelligents<br />

que nous avons des outils.<br />

Mais j’ai réalisé que c’est parce que<br />

nous avons inventé ces outils que<br />

nous sommes devenus intelligents.<br />

On pense souvent que ces outils sont<br />

de simples extensions naturelles de<br />

ce que nous sommes, alors que c’est<br />

souvent le contraire. La découverte<br />

de la bière a eu pour résultat l’un<br />

des plus grands changements de<br />

notre mode de vie. Ces outils et ces<br />

découvertes ne font pas qu’améliorer<br />

ou simplifier nos vies : très souvent,<br />

elles ont changé le cours de<br />

notre évolution.<br />

Who Ate the First Oyster?<br />

<strong>The</strong> Extraordinary People Behind<br />

the Greatest Firsts in History,<br />

en anglais, chez Penguin Books<br />

WOLFGANG ZAC FLORIAN OBKIRCHER<br />

18 THE RED BULLETIN


« Tous les<br />

innovateurs<br />

essayaient de<br />

résoudre un<br />

problème. »<br />

THE RED BULLETIN 19


Le Z-Triton :<br />

un genre de<br />

remake des<br />

Transformers<br />

(mais à petit<br />

budget).<br />

Z-TRITON<br />

Vacances à emporter<br />

Ce tricycle/caravane amphibie qui adapte le concept de minimaison au<br />

voyage d’évasion pourrait être la réponse aux vacances loin des foules.<br />

Il y a quelques années, lorsque<br />

le designer urbain Aigars<br />

Lauzis a imaginé le Z-Triton –<br />

un mélange de bateau, tricycle<br />

électrique et camping-car –<br />

l’idée de voyager dans une<br />

minimaison autosuffisante en<br />

aurait laissé plus d’un perplexe.<br />

En <strong>2020</strong>, l’invention de Lauzis<br />

passe pour visionnaire.<br />

Il a développé le concept<br />

lors d’un périple de 31 100 km<br />

à vélo entre Londres et Tokyo.<br />

Au cours du séjour, il s’est mis<br />

à imaginer comment il pouvait<br />

faire de ce voyage une expérience<br />

familiale. « J’ai imaginé<br />

une minimaison amphibie avec<br />

une alimentation électrique et<br />

solaire, explique-t-il. On peut<br />

rouler, naviguer, et le petit<br />

camping-car permet d’y dormir<br />

en totale immersion dans<br />

la nature. »<br />

Tous les<br />

frissons<br />

du tour du<br />

monde à<br />

vélo et du<br />

sommeil<br />

à la belle<br />

étoile, mais<br />

sans les<br />

piquets<br />

de tente.<br />

Le Z-Triton peut passer pour<br />

un gros jouet flottant, mais en<br />

fait, c’est un concentré de technologies<br />

: le tricycle peut parcourir<br />

les routes à une vitesse<br />

de 40 km/h et se transforme<br />

en bateau à moteur pour naviguer<br />

en eau douce. L’habitacle<br />

dispose d’éclairage, de chauffage<br />

et abrite une kitchenette.<br />

À l’avant, il y a suffisamment<br />

de place pour un passager pendant<br />

que l’autre pédale et il y a<br />

même un siège d’appoint pour<br />

les animaux.<br />

Lauzis espère que le Z-Triton<br />

sera une source d’inspiration<br />

pour lancer une nouvelle mode<br />

de voyages naturalistes à propulsion<br />

humaine.<br />

« Même s’il y a une assistance<br />

électrique, la première<br />

source d’énergie c’est nousmême,<br />

affirme-t-il. J’ai envie<br />

de rester en forme et de voyager<br />

au moyen de ma propre<br />

énergie – pour créer quelque<br />

chose à la fois sympa et un<br />

peu dingue tout en abordant<br />

certains enjeux mondiaux. »<br />

zeltini.com<br />

AIGARS LAUZIS, GATIS PRIEDNIEKS-MELNACIS LOU BOYD<br />

20 THE RED BULLETIN


ALPHATAURI.COM


BEAUTÉ DURE<br />

Les skateurs n’appréhendent pas la ville comme vous<br />

et moi : là où nous voyons du béton, ils voient un<br />

immense espace d’expression. Un instinct créatif que<br />

le photographe français <strong>FR</strong>ED MORTAGNE a sublimé.<br />

Texte ANDREAS WOLLINGER<br />

Photos <strong>FR</strong>ED MORTAGNE<br />

À PLEIN TUBE<br />

Ces énormes cylindres traînaient<br />

devant une usine de chaudronnerie,<br />

en banlieue lyonnaise – de quoi<br />

ravir le Grenoblois Charles Collet,<br />

grand nom du skate et ébéniste.<br />

23


ITINÉRAIRE BIS<br />

Charles Collet, encore lui : cette<br />

fois-ci, c’est un pilier d’autoroute<br />

près de Mâcon qu’il prend pour<br />

terrain de jeu.<br />

25


DÉCOLLAGE IMMINENT<br />

À voir la détermination sur le visage<br />

de Nick Garcia, on se dit que le<br />

Californien est sur le point de nous<br />

livrer un trick somptueux.<br />

26


POUR LA JOIE DE<br />

MONSIEUR LE MAIRE<br />

Si la place devant la mairie de<br />

Créteil fascine Fred depuis vingt<br />

ans, ce n’est que très récemment<br />

qu’il est parvenu à mettre en lumière<br />

toute sa beauté. Avec cette<br />

photo du Finlandais Jaakko Ojanen.


COUP DOUBLE<br />

On a souvent comparé le musée<br />

d’art contemporain de Niterói<br />

(près de Rio de Janeiro), conçu par<br />

l’architecte-star Oscar Niemeyer,<br />

à un ovni. Ce cliché y mettant en<br />

scène Hernando « ÑaÑo » Ramirez<br />

ne peut que le confirmer.<br />

29


L’EFFET MIROIR<br />

Dans un recoin de l’Institut du<br />

monde arabe, à Paris : un Australien<br />

(Sammy Winter), un switch<br />

kickflip… Une seconde de grâce.<br />

30


PARKING LOINTAIN<br />

Jérémie Daclin évoluant dans le<br />

parking du Centre des congrès<br />

à Tokyo… Une photo que Fred<br />

a prise du dix-septième étage<br />

de son hôtel.


ET LA LUMIÈRE FUT<br />

Un aqueduc au milieu de nulle part,<br />

dans un coin paumé de la Californie :<br />

pour l’Américain Brandon Westgate,<br />

il s’agit surtout de ne pas se cogner<br />

la tête sur les poutres en métal.<br />

« J’ai attendu trois ans pour avoir<br />

la lumière parfaite », dit Fred.<br />

33


« Tu as beau essayer<br />

encore et encore,<br />

il y a toujours un truc<br />

qui cloche. Et puis<br />

tout à coup, bam,<br />

on y est ! »<br />

Fred Mortagne


RESTER DE GLACE<br />

Les risques du métier : Charles<br />

Collet vient de se tordre la cheville<br />

et se repose avec une compresse<br />

refroidissante posée dessus…<br />

ah non pardon, c’est un sachet de<br />

petits pois surgelés.<br />

35


À Jaws, Hawaï,<br />

en 2016, le swell<br />

produit par El Niño<br />

s’associe au surfeur<br />

pro Kai Lenny.<br />

<strong>FR</strong>ED POMPERMAYER<br />

36


A U X S O U R C E S<br />

D U W A T E R M A N<br />

À la veille de la sortie de sa série, Life of Kai, l’as des sports d’eau,<br />

KAI LENNY, 28 ans, ravive son étincelle créative à domicile,<br />

à Hawaï, et redécouvre pourquoi il est tombé amoureux<br />

de l’océan en premier lieu.<br />

Texte CHRISTINE YU


Kai Lenny devant<br />

les vagues, à<br />

domicile, à Paia, Maui,<br />

en octobre 2019.


JAKE MAROTE<br />

Kai Lenny dit qu’il est à la recherche du<br />

plaisir à l’état pur. Ne l’a-t-il pas toujours<br />

été ? Mais il aura finalement fallu une<br />

pandémie mondiale pour parvenir<br />

à ralentir l’Américain.<br />

Je ne vous étonnerai pas si je vous dis<br />

qu’il n’aura fallu que deux minutes pour<br />

que le surfeur professionnel de 28 ans<br />

ne commence à s’agiter. Même au téléphone,<br />

son énergie contagieuse se transmet<br />

et il ne fait aucun doute qu’il n’aime<br />

pas l’immobilité. Après tout, c’est le<br />

même gars que ses parents emmenaient<br />

tous les jours à la plage quand il était<br />

petit afin de l’épuiser pour qu’il dorme<br />

toute la nuit. Désormais, il a l’habitude<br />

de prendre l’avion toutes les semaines.<br />

Ou presque. « C’est probablement la<br />

plus longue période passée à la maison<br />

depuis mes 12 ans ou quelque chose<br />

comme ça », nous dit-il.<br />

C’est ainsi qu’il a fini par traverser le<br />

Canal de Kauai sur un catamaran à foils<br />

avec le double champion de la World<br />

Surf League, John John Florence, à la<br />

mi-juillet. « Nous étions au téléphone et<br />

nous nous sommes dit : “Hey, on devrait<br />

faire quelque chose d’amusant. Et si<br />

nous naviguions sur notre catamaran<br />

d’Oahu à Kauai ? On le fait !” », rembobine<br />

Lenny.<br />

Une semaine plus tard, ils quittaient<br />

Oahu à bord du Flying Phantom de<br />

Florence. Ce bateau ressemble à un vaisseau<br />

spatial. Les foils descendent des<br />

coques rouge vif, soulevant le bateau et<br />

lui permettant de filer sur l’eau. Lenny<br />

et Florence sont suspendus sur le côté,<br />

de façon assez précaire. Neuf heures plus<br />

tard, ils arrivaient à Hanalei sur l’île de<br />

Kauai. Interrogé sur la traversée, Lenny<br />

répond, enthousiaste : « C’était super ! »<br />

Mais ce qui a emballé Lenny n’est pas<br />

tant le défi de la traversée du Canal que<br />

la spontanéité derrière cela. En temps<br />

normal, il aurait fallu un an ou plus<br />

pour réaliser quelque chose de semblable.<br />

Lenny et Florence (et leurs collaborateurs)<br />

auraient dû coordonner leurs<br />

horaires. Entre les compétitions, les obligations<br />

liées au sponsoring et les autres<br />

projets, les chances de trouver un jour<br />

ou deux de chevauchement où les deux<br />

auraient été chez eux à Hawaï auraient<br />

été pratiquement nulles.<br />

Cette spontanéité constitue un<br />

contraste énorme avec la façon dont<br />

Lenny mène généralement sa vie méticuleusement<br />

concentrée sur la poursuite de<br />

grands projets et d’objectifs importants.<br />

« Il est incroyable de candeur – “Je peux<br />

le faire, je vais le faire !” – pendant que<br />

tout le monde dit : “Tu es complètement<br />

fou, mec” », dit Johnny DeCesare, le<br />

fondateur de Poor Boyz Productions<br />

qui filme Lenny depuis l’âge de 11 ans.<br />

« Il voit les choses différemment. Ce qu’il<br />

voit vraiment, c’est l’occasion et la<br />

possibilité. »<br />

Lenny avait des projets pour <strong>2020</strong> :<br />

voyager avec ses amis, pourchassant<br />

les vagues gigantesques de chacune<br />

des grandes houles du monde tout en<br />

se donnant à fond sur le circuit de la<br />

compétition. « Dès que je me suis vraiment<br />

engagé, c’est littéralement comme<br />

si le monde entier s’était arrêté », dit-il.<br />

Alors que ses objectifs sont pour<br />

l’instant en suspens, son dernier projet,<br />

Life of Kai, lancé en octobre, offre un<br />

aperçu de certains des exploits innovants<br />

et époustouflants que l’athlète<br />

professionnel a réalisés et dont il est<br />

capable. Ses autres séries web, comme<br />

Positively Kai et 20@20, qui ont débuté<br />

cet été, présentent les aventures amu-<br />

Enfant de Maui, le jeune Kai Lenny a trouvé ses mentors en s’inspirant<br />

de Laird Hamilton, Dave Kalama et Robby Naish.<br />

39


santes de Lenny et ses performances<br />

qui défient la physique, tant au niveau<br />

national qu’international. En revanche,<br />

Life of Kai suit Lenny dans sa quête et<br />

sa réalisation d’importants projets, qu’il<br />

s’agisse d’un stage de survie surf ou de<br />

compétitions comme le Peahi Challenge<br />

ou le Nazaré Tow Surfing Challenge.<br />

« Je pense que la vision générale<br />

qu’ont les gens de la plupart des athlètes<br />

professionnels, la mienne y compris, est<br />

qu’il ne suffit que d’y aller et de le faire,<br />

dit-il. Je souhaitais vraiment capturer<br />

ce que je dois traverser – les bons et les<br />

mauvais moments, les plus difficiles<br />

aussi, tout ce qui mène à mes meilleurs<br />

moments, que ce soit sur le podium ou<br />

sur la plus grosse vague de ma vie. » Il<br />

veut aussi inspirer les gens. « Combien<br />

de toi es-tu prêt à investir pour accomplir<br />

quelque chose… et quelle passion<br />

alimente ce feu ? Cette détermination<br />

indéfectible est mon secret. J’espère que<br />

j’inspirerai les jeunes à suivre leur passion<br />

et à se dire que si je peux le faire,<br />

ils peuvent le faire aussi », déclare-t-il.<br />

« Combien de toi es-tu prêt<br />

à investir pour accomplir<br />

quelque chose… et quelle<br />

passion alimente ce feu ? »<br />

Lenny est un jeune prodige dont les<br />

parents ont déménagé à Maui pour<br />

faire du windsurf. Il a lui-même<br />

été un jeune prodige de cette discipline,<br />

un petit garçon qui volait haut au-dessus<br />

des vagues au Hookipa Beach Park et<br />

qui cousait des mini-voiles et des cerfsvolants<br />

alors qu’il était à l’école Montessori.<br />

Parmi ses mentors figurent Laird<br />

Hamilton, Dave Kalama, Robby Naish<br />

et d’autres pionniers célèbres qui inventaient<br />

littéralement de nouveaux sports<br />

nautiques tout près de chez lui. Cela a<br />

déteint sur Lenny. Il est plusieurs fois<br />

champion du monde de stand up paddle<br />

(il a remporté son premier titre à l’âge<br />

de 18 ans), vainqueur des éreintants<br />

Molokai 2 Oahu Paddleboard World<br />

Championships et l’un des meilleurs<br />

wind et kitesurfeurs. Hé oui, il surfe<br />

aussi et peut aussi faire des aerials<br />

impressionnants sur shortboard.<br />

Lenny n’est pas seulement un<br />

excellent athlète. C’est un waterman<br />

doué. Il a une vision aiguë de l’océan<br />

et l’observe différemment que la plupart<br />

des gens. « Il voit la surface de la mer<br />

et ce qui se trouve dessous, et utilise<br />

cette énergie », dit DeCesare. Dans les<br />

grosses vagues, DeCesare dit que l’esprit<br />

de Lenny est comme une calculatrice,<br />

mettant la peur de côté pour calculer les<br />

variables et les facteurs. Cela lui donne la<br />

confiance pour performer dans des<br />

conditions qui effraieraient des humains<br />

<strong>FR</strong>ED POMPERMAYER<br />

40


Jaws, janvier 2015 :<br />

Lenny fait avec<br />

la pluie pour trouver<br />

son climax au bout<br />

de l’arc-en-ciel.


normalement constitués. Difficile d’imaginer<br />

que le gamin au large sourire<br />

espiègle n’ait pas eu automatiquement<br />

son ticket d’entrée quand il était plus<br />

jeune. En vérité, il n’était pas pris au<br />

sérieux car c’était un athlète multisports.<br />

Ses premières amours étaient le windsurf,<br />

le stand up paddle et le kitesurf<br />

alors que tout le monde faisait du surf.<br />

Même ses mentors comme Naish ont<br />

essayé de le préparer au jour où il devrait<br />

ranger une partie de son équipement et<br />

se consacrer à un seul sport. Son père<br />

Martin se souvient d’avoir vu d’autres<br />

jeunes asticoter son fils et lui demander<br />

s’il voulait uniquement se concentrer sur<br />

le surf. Lenny a regardé son père et lui a<br />

dit : « Pourquoi voudrais-je faire ça ? Tout<br />

ce que je fais est tellement chouette. »<br />

Au fond de lui-même, Lenny savait<br />

qu’il pouvait être un waterman complet.<br />

Il aimait l’océan et ne voulait pas se<br />

laisser cataloguer. Il voulait profiter de<br />

toutes les conditions offertes et utiliser<br />

tout l’équipement dont il avait besoin<br />

pour sortir et s’amuser. Mais même<br />

quand Lenny est devenu un athlète doué<br />

et un champion de stand up paddle, il<br />

n’avait toujours pas vraiment acquis de<br />

crédibilité. Les autres surfeurs étaient<br />

du genre : « Stand up paddle kid, windsurfeur,<br />

weirdo. Ils ne lui ont pas vraiment<br />

accordé beaucoup de crédit en tant<br />

que surfeur », raconte DeCesare.<br />

Il a fallu un certain temps à Lenny<br />

pour gagner le respect de ses pairs et<br />

c’est son surfing sur les grosses vagues<br />

qui l’a aidé à faire ses preuves. Lenny a<br />

surfé sur les énormes vagues de Peahi,<br />

le célèbre break de Maui, également<br />

connu sous le nom de Jaws, sur tous les<br />

types de planches depuis l’âge de 16 ans.<br />

Il est capable de réaliser de bonnes performances<br />

justement grâce à son expérience<br />

en windsurf et en kitesurf. On a<br />

commencé à parler de lui, d’autant plus<br />

lorsqu’il s’est mis à se concentrer davantage<br />

sur le surf.<br />

« On a réalisé que Lenny n’était pas<br />

un surfeur unidimensionnel, mais un<br />

surfeur complet, des grosses vagues à<br />

celles de Sunset, du Pipeline aux figures<br />

aériennes de shortboard et aux vagues<br />

géantes de tow-in surfing. C’est maintenant<br />

un champion dans le monde des<br />

grosses vagues », explique DeCesare. En<br />

2019, Lenny a remporté deux Big Wave<br />

Awards : XXL Biggest Wave et performance<br />

globale chez les hommes. Pour<br />

les <strong>Red</strong> Bull Big Wave Awards <strong>2020</strong>, il<br />

a été nominé à cinq reprises dans trois<br />

catégories.<br />

Un tournant majeur s’est produit<br />

lorsque Lenny a commencé à performer<br />

sur le circuit des grosses vagues. Il a<br />

remporté la compétition de Puerto<br />

Escondido en 2017. Il a répété l’exploit<br />

en remportant le Nazare Tow Surfing<br />

Challenge avec son coéquipier Lucas<br />

« Chumbo » Chianca en février <strong>2020</strong>.<br />

Lenny et Chianca sont à la fois bons amis<br />

et adversaires. Ils étaient ensemble au<br />

camp de survie surf, ce qui a renforcé<br />

leur amitié et leur confiance aveugle :<br />

en tant que partenaires, ils savaient que<br />

l’un irait chercher l’autre sur un jet-ski<br />

si des vagues de vingt mètres menaçaient<br />

de les engloutir. Cette solide camaraderie<br />

a permis à Lenny de participer à la<br />

compétition en étant calme, concentré<br />

et serein.<br />

Le talent de Lenny et de Chianca sur<br />

les grosses vagues est devenu manifeste<br />

au Portugal. « Lucas et moi voulons surfer<br />

sur les plus grosses vagues du monde,<br />

mais pas seulement glisser dessus et survivre.<br />

Nous voulons accomplir des performances<br />

et des manœuvres géantes,<br />

dit-il. Depuis des années, je me concentre<br />

sur la manière dont je peux transposer<br />

les manœuvres de snowboard vers le surf<br />

sur grosses vagues. Ces gars peuvent le<br />

faire sur de grosses montagnes en<br />

Alaska. Pourquoi ne pourrais-je pas le<br />

faire sur de grosses vagues dans<br />

l’océan ? » Alors que d’autres ont peutêtre<br />

choisi des voies plus sûres, Lenny a<br />

choisi d’autres avenues et fait des 360 °<br />

tout en dévalant les parois abruptes des<br />

vagues de Praia do Norte.<br />

Une fois hors de l’eau, Lenny a<br />

regardé les images sur un portable. Il a<br />

gloussé et a dit : « J’adore le surf sur les<br />

grosses vagues. »<br />

Kai Lenny savait qu’il pouvait<br />

être un waterman complet.<br />

Il aimait l’océan et ne voulait<br />

pas se laisser cataloguer.<br />

JAKE MAROTE<br />

42


Un instant de<br />

réflexion : Lenny<br />

en toute quiétude<br />

avant une session<br />

de surf à Hookipa le<br />

6 octobre 2019.


« Il n’a jamais été question de<br />

battre quelqu’un, mais plutôt<br />

de me battre moi-même. »


Pourtant, malgré son succès et la reconnaissance<br />

qu’il a acquise au sein de la<br />

communauté du surf, on s’attendrait<br />

à ce que Lenny ait conservé une certaine<br />

rancœur. Mais il se concentre plutôt sur<br />

la performance au plus haut niveau et<br />

sur l’élimination du plus grand nombre<br />

possible de zones d’ombre.<br />

« Pour moi, il n’a jamais été question<br />

de battre quelqu’un d’autre, mais plutôt<br />

de me battre moi-même », concède-t-il.<br />

Il aime se montrer à la hauteur dans les<br />

compétitions où il affronte les meilleurs<br />

du monde. Cela l’oblige à se surpasser,<br />

à aller là où il n’irait pas s’il n’y avait pas<br />

de pression – ou ce qu’il appelle l’encouragement<br />

– de quelqu’un qui surfe mieux<br />

que lui. « La raison pour laquelle j’ai été<br />

si constant et que je me suis amélioré<br />

dans tous mes sports vient de ma passion<br />

profonde pour ce que je fais. J’aime le<br />

sport jusqu’à ses aspects techniques,<br />

comme mon équipement. J’aime le fait<br />

que, en fin de compte, je peux réaliser<br />

quelque chose que je ne pouvais pas faire<br />

avant. En plus, j’aime l’aspect artistique<br />

de tout cela », développe-t-il.<br />

Cette poussée inlassable vers le progrès<br />

et l’innovation est inscrite dans<br />

l’ADN de Lenny. Dès son plus jeune âge,<br />

ses parents l’ont aidé à se fixer des objectifs,<br />

des petits pas qui lui ont permis de<br />

se frayer peu à peu un chemin jusqu’à<br />

chevaucher des vagues de la taille d’une<br />

montagne. Par exemple, lorsqu’il avait<br />

environ neuf ans, son père Martin lui a<br />

montré le spot de Hookipa où tous les<br />

windsurfeurs finissent par se retrouver.<br />

Martin lui a appris par où arriver afin<br />

de pouvoir monter au milieu des rochers.<br />

« Quand il y allait et qu’il poussait ses<br />

limites, il prenait des coups. Mais on<br />

le voyait négocier autour des rochers.<br />

Il savait ce qu’il faisait et ça allait », se<br />

remémore Martin.<br />

Ado, Lenny s’asseyait avec son père<br />

pour établir la feuille de route des<br />

objectifs qu’il voulait atteindre. Ils la<br />

revoyaient ensemble chaque année,<br />

la peaufinaient ici et là et ajoutaient<br />

d’autres buts. Aujourd’hui, au lieu de<br />

déterminer la date à laquelle il deviendra<br />

champion du monde, son père dit<br />

que Lenny pense à des objectifs plus<br />

ambitieux et trace sa voie vers une<br />

carrière d’athlète professionnel qui<br />

durera toute sa vie.<br />

JAKE MAROTE<br />

Prouesses du<br />

quotidien, octobre<br />

2019 : Lenny réalise<br />

un backflip avec son<br />

foil board dans les<br />

vagues de Hookipa.<br />

45


Quand vous donnez à Lenny un<br />

peu de corde et de liberté, il est<br />

difficile de le suivre. En fait, la<br />

contrainte de rester à la maison a permis<br />

à Lenny de devenir encore plus créatif<br />

et de s’amuser davantage. Au lieu de<br />

s’entraîner pour sa prochaine compétition,<br />

de vérifier méticuleusement son<br />

matériel pour son prochain voyage ou<br />

de s’inquiéter de ses obligations liées<br />

au sponsoring, il se reconnecte avec ce<br />

qu’il veut faire.<br />

« J’ai maintenant la possibilité de me<br />

concentrer sur ce qui a attiré mon attention<br />

quand j’étais petit, lorsque je suis<br />

tombé amoureux de ce sport, c’est-à-dire<br />

le sport lui-même au lieu de ce qui l’entoure,<br />

vous comprenez ? » Il est plus soucieux<br />

de perfectionner les subtilités de<br />

diverses manœuvres comme la sensation<br />

de regarder par-dessus son épaule<br />

gauche quand il fait un flip en windsurf<br />

ou de bien négocier l’amerrissage quand<br />

il fait un 360 ° dans les airs lorsqu’il surfe.<br />

Il a aussi développé de nouvelles figures.<br />

Après des mois de cocooning à la maison,<br />

de reconstruction, d’entraînement et<br />

de préparation sans distractions ni obligations<br />

externes, il ne serait pas surprenant<br />

que Lenny explose à nouveau sur la scène<br />

une fois que les compétitions reprendront<br />

et que les restrictions de voyage seront<br />

levées. Il dit que cela lui a donné une<br />

nouvelle perspective, plus introspective<br />

et plus analytique. Au cours des derniers<br />

mois, Lenny a essayé de décomposer les<br />

situations pour comprendre ce qui lui<br />

permet d’être qui il est et de vivre ses<br />

meilleurs moments. « Est-ce quand<br />

mon équipement est ajusté d’une telle<br />

manière ? Est-ce la façon dont je me<br />

réveille ou celle dont je l’aborde ? Est-ce<br />

que j’aime être un peu plus détendu ou<br />

plutôt concentré ? Ce genre de choses me<br />

permettra d’être encore plus performant<br />

quand tout reviendra à la normale ».<br />

Et Lenny est impatient de retrouver<br />

tout cela car il a encore beaucoup d’objectifs.<br />

« Avec le foiling, je veux chevaucher<br />

une énorme houle au milieu de<br />

l’océan et voyager d’une masse terrestre<br />

à l’autre. Avec le big wave riding, je veux<br />

surfer sur les plus grandes vagues du<br />

monde et sur des parties de la vague que<br />

personne ou presque n’a jamais faites. »<br />

Il y aura peut-être aussi une deuxième<br />

partie de Life of Kai dans le futur. Et<br />

encore, ce n’est que ce qui lui vient à<br />

l’esprit pour le moment. Il y a beaucoup<br />

de missions qu’il n’a même pas encore<br />

imaginées.<br />

« Ce que je veux, c’est tout faire. Je<br />

vois quelqu’un à l’autre bout du monde<br />

réaliser quelque chose d’incroyable et il<br />

faut ensuite que je m’y essaie. L’approche<br />

de ces personnes m’inspire tellement. En<br />

ce qui me concerne, bien plus que d’arriver<br />

à ce point, c’est son accomplissement<br />

qui m’intéresse. Pour le reste de ma vie,<br />

tant que j’aurai des objectifs devant moi,<br />

j’aurai toujours du plaisir et je m’éclaterai<br />

», assure Kai Lenny dans un sourire.<br />

« Ce que je veux, c’est tout<br />

faire. Tant que j’aurai des<br />

objectifs, j’aurai du plaisir. »<br />

<strong>FR</strong>ED POMPERMAYER


Le photographe<br />

Fred Pompermayer<br />

a capturé cet instant à<br />

Jaws, en janvier <strong>2020</strong> :<br />

« Dès que Kai est à<br />

l’eau, quelque chose<br />

de spécial est sur le<br />

point de se produire. »<br />

47


Confiance<br />

est force<br />

Elle tord son corps dans<br />

des positions incroyables,<br />

fait des équilibres au bord<br />

de précipices, réalise<br />

des records du monde<br />

démentiels… L’artiste ATR<br />

et athlète de l’extrême<br />

autrichienne STEFANIE<br />

MILLINGER va toujours<br />

plus loin. Une discussion<br />

sur l’art de se rester fidèle,<br />

celui d’éviter les erreurs<br />

et le courage, de vivre<br />

pleinement son talent.<br />

Texte PAULINE LUISA KRÄTZIG<br />

Photos RICK GUEST<br />

48 THE RED BULLETIN


Stefanie Millinger,<br />

28 ans, en équilibre<br />

au sommet de l’Hôtel<br />

Daniel (dans le centre<br />

de Vienne, Autriche).


« Mon corps se régénère<br />

rapidement et me<br />

pardonne beaucoup. »<br />

I l est difficile de décrire Stefanie Millinger.<br />

C’est une acrobate, une contorsionniste, une<br />

équilibriste, une star des sports extrêmes – sauf<br />

qu’aucun de ces termes ne lui convient parfaitement.<br />

C’est parce que l’Autrichienne de 28 ans,<br />

1,54 mètre, s’est taillé une place incomparable<br />

dans son domaine, faisant preuve d’une force<br />

et d’une souplesse extraordinaires : en réalisant<br />

une série de 342 équilibres en équerre en<br />

52 minutes sans que ses pieds ne touchent le sol,<br />

un record du monde officieux ; elle peut aussi<br />

utiliser n’importe quel support pour ses exercices<br />

(elle peut porter le poids de son corps rien<br />

qu’avec la bouche). Il est tout aussi probable<br />

de la voir sur un toit, accrochée à un pont ou<br />

au bord d’une falaise, et presque toujours sans<br />

filet. La seule sécurité dont elle dispose est sa<br />

confiance en elle.<br />

Cela vaut tant dans la vie de tous les jours<br />

qu’au sommet d’une falaise. Stefanie Millinger<br />

a dû enchaîner les petits boulots pour payer<br />

son loyer tout en consacrant six à dix heures par<br />

jour à son entraînement. Elle a balayé les critiques<br />

qui ne voyaient pas d’avenir dans ses spectacles<br />

acrobatiques hallucinants. Grâce à ses<br />

400 000 followers Instagram ou le soutien de<br />

fans très en vue comme le comédien et podcasteur<br />

américain Joe Rogan, Stefanie Millinger<br />

assure sa voie : à l’envers, n’utilisant que ses<br />

pieds. Et ses mains.<br />

50 THE RED BULLETIN


Au premier abord,<br />

Stefanie Millinger<br />

est timide. À bien y<br />

regarder, c’est une<br />

femme aux muscles<br />

qui en imposent.


Freestyle au-dessus<br />

de la ville. Le voilier<br />

est une œuvre de<br />

l’artiste autrichien<br />

Erwin Wurm, sur le<br />

toit de l’Hôtel Daniel.


the red bulletin : Hello, Stefanie !<br />

Je peux vous interviewer pendant<br />

qu’on vous maquille ?<br />

stefanie millinger : Bien sûr, je suis<br />

flexible.<br />

Ça se voit : personne ne se contorsionne<br />

sur une chaise comme vous.<br />

Demeurer assise bien droit n’est manifestement<br />

pas votre truc…<br />

Ne rien faire du tout est la chose la plus<br />

difficile pour moi. Ma mère pourrait<br />

vous le confirmer. Même enfant, j’avais<br />

l’habitude d’être toujours fourrée partout<br />

et de me suspendre aux branches et à<br />

tout ce qui se trouvait en hauteur.<br />

On prend souvent modèle sur ses<br />

parents. Que font les vôtres ?<br />

Mon père est entrepreneur de pompes<br />

funèbres ; ma mère, employée des télécommunications<br />

autrichiennes. Personne<br />

d’autre dans ma famille n’est acrobate<br />

ou gymnaste.<br />

D’où vous vient cet amour pour le<br />

contorsionnisme ?<br />

J’ai commencé à faire de la voltige<br />

équestre à l’âge de 13 ans. J’ai donc fait<br />

de la gymnastique à cheval et aussi de<br />

l’équilibre sur les mains. J’aimais cette<br />

position et l’amplitude des mouvements<br />

qu’elle permettait et je l’ai essayée chez<br />

moi dans ma chambre. Puis je suis devenue<br />

accro, comme pour les tatouages –<br />

je voulais m’arrêter au dixième et depuis<br />

deux semaines, j’en ai douze.<br />

© MISCONCEIVABLE PAR ERWIN WURM/HÔTEL DANIEL VIENNE, AUTRICHE<br />

Vous aviez un but en particulier ?<br />

Rien du tout. Je l’ai d’abord fait juste pour<br />

moi et j’aimais la sensation. Puis j’ai augmenté<br />

le nombre de minutes où je pouvais<br />

me tenir en équilibre sur les mains.<br />

J’ai monté un programme d’entraînement<br />

avec des exercices de stabilisation, de<br />

force et d’étirement et me suis levée à<br />

4 heures tous les matins pour m’entraîner<br />

avant l’école à la voltige équestre.<br />

Comment vous est venue l’idée de<br />

faire de l’ATR (appui tendu renversé)<br />

votre métier ?<br />

Comme la plupart des gens, j’étais désorientée<br />

au sujet de mon avenir pendant<br />

que j’étais à l’école et après. Enfant, je<br />

jouais souvent au cirque, je construisais<br />

une piste avec des chaises, je faisais du<br />

pop-corn et faisais ensuite tous les numéros<br />

pour mon public. J’étais tour à tour<br />

animal, acrobate et clown. J’ai pris les<br />

faits en considération ainsi que mes<br />

« Je me suis levée<br />

à 4 heures tous les<br />

jours pour m’entraîner<br />

avant l’école. »<br />

attentes et j’ai trouvé quelque chose qui<br />

m’a plu, quelque chose que je voulais<br />

prendre comme base.<br />

Vous avez en effet passé trois<br />

semaines avec le Cirque du Soleil<br />

au Canada en 2014.<br />

C’était un grand honneur pour moi de<br />

pouvoir faire partie de ce monde du<br />

cirque que j’aimais tant enfant. Mais j’ai<br />

compris assez vite que le monde du<br />

showbiz ne me correspondait pas. Je suis<br />

une artiste, j’ai besoin de me renouveler<br />

quotidiennement.<br />

Vous avez eu beaucoup de succès avec<br />

la voltige équestre et avez remporté la<br />

médaille de bronze au pas de deux<br />

avec votre partenaire aux Championnats<br />

d’Europe en 2015.<br />

J’avais 25 ans à l’époque, il fallait que je<br />

me décide. La voltige équestre est un<br />

sport marginal, on y investit beaucoup<br />

d’argent mais cela ne rapporte rien. Et<br />

comme passe-temps, cela n’allait plus.<br />

Je ne fais pas les choses à moitié.<br />

Mais vous ne pouviez pas savoir que<br />

l’ATR rapporterait davantage…<br />

C’est vrai. Pendant les premières années,<br />

j’ai tenu bon grâce à des emplois à temps<br />

partiel : la livraison de journaux, la distribution<br />

de prospectus.<br />

Vous deviez avoir une très grande<br />

confiance en vos talents acrobatiques…<br />

Je n’ai aucun talent acrobatique.<br />

THE RED BULLETIN 53


Vous vous contorsionnez dans tous<br />

les sens en souriant, vous êtes en<br />

équilibre sur les mains avec des<br />

disques d’haltères attachés aux<br />

pieds… et vous dites n’avoir aucun<br />

talent pour cela ?<br />

La plupart des gens pensent que je suis<br />

née hyperflexible. Ce n’est pas le cas.<br />

En fait, avant, j’étais plutôt raide. Que<br />

mon anatomie soit adaptée à toutes ces<br />

contorsions est un gène positif. Peut-être<br />

de la chance, mais pas du talent. Mais<br />

j’ai toujours été très ambitieuse. Les gens<br />

me disent souvent : « J’aimerais bien faire<br />

ton boulot ! » Parce que ça a l’air si facile<br />

quand je repasse avec mes pieds ou que<br />

je fais une figure à une altitude de<br />

2 700 mètres. S’ils travaillaient aussi<br />

dur que moi, ils pourraient le faire.<br />

Je m’entraîne six à dix heures par jour<br />

depuis huit ans. Sans exception. Même<br />

en vacances.<br />

Jamais de congés ?<br />

Quand je dors.<br />

Mais la régénération est essentielle<br />

dans les sports de compétition.<br />

Mon corps se régénère rapidement et<br />

me pardonne beaucoup.<br />

Cela semble impitoyable.<br />

Pourquoi ne pas utiliser ce qui, manifestement,<br />

fonctionne bien pour moi ? Je<br />

sais que je suis un peu folle. Mais je sais<br />

aussi ce que je peux supporter, je connais<br />

mon corps par cœur. En janvier 2019, je<br />

me suis cassé le scaphoïde du poignet<br />

droit en grimpant. Cinq jours plus tard,<br />

je me suis à nouveau produite. Bien sûr,<br />

les gens ont pensé que j’étais folle quand<br />

j’ai enlevé le plâtre et fait mon spectacle.<br />

C’était vraiment cool.<br />

Comment va votre main aujourd’hui ?<br />

Ça va. Pendant six mois, je n’ai pu m’entraîner<br />

qu’en position de ménagement,<br />

sur le poing. Quand je suis en équilibre<br />

sur les mains, la douleur est toujours là.<br />

Mais bon, les médecins disaient que je<br />

ne pourrais plus faire de l’ATR.<br />

Vos évolutions se déroulent le plus<br />

souvent à des hauteurs extrêmes,<br />

parfois même à côté de précipices.<br />

Pourquoi ces risques ?<br />

La plupart des gens ont beaucoup de mal<br />

à comprendre que tous les risques que je<br />

prends sont calculés. Je ne laisse pas de<br />

place au hasard. Ma vie, c’est le sport<br />

extrême, c’est la raison pour laquelle je<br />

fais ce métier. Je suis née pour l’altitude.<br />

Enfant, je m’amusais à faire des tractions<br />

sur la gouttière de la maison de mes<br />

parents… Je me définis comme une<br />

artiste et une sportive de l’extrême.<br />

C’est pourquoi je me mets constamment<br />

au défi, ce qui veut dire jusqu’au kick<br />

ultime. Le pire dans mon boulot, c’est<br />

la routine, l’habitude – cela ne fait pas<br />

avancer et rend négligent. Le premier<br />

moment d’une cascade est celui qu’il faut<br />

le plus respecter. Si je le répète trop souvent,<br />

avec l’adrénaline qui pompe, je<br />

risque de perdre la sensation du danger.<br />

Vous faites toujours des prestations<br />

sans filet.<br />

Car il n’y a que comme cela que je peux<br />

éprouver ce sentiment de liberté intense,<br />

qui est ma sécurité : concentrée à fond,<br />

mes sens sont ultra développés et à<br />

l’affût, je ne peux pas m’autoriser la<br />

moindre erreur. J’apprends, mais je ne<br />

me fie pas aux protections. Je ne fais<br />

confiance qu’à moi-même. Je suis une<br />

control freak finie, c’est pourquoi<br />

le solo de style libre me convient si bien.<br />

Je ne peux compter que sur moi-même<br />

et ne suis responsable que de moi.<br />

Contrairement à la voltige équestre<br />

où tu t’entraînes comme une folle pour<br />

ton programme libre avant que ton<br />

cheval ne prenne peur parce que<br />

quelqu’un dans le public s’est levé.<br />

Tout ça pour rien.<br />

Vous n’avez pas peur que l’âge ne vous<br />

rattrape ? Pas de plan B ?<br />

Je ne pense pas à demain. Je fais ce que<br />

j’aime et cela n’a pas de prix.<br />

54 THE RED BULLETIN


« Que mon anatomie<br />

soit adaptée à toutes<br />

ces contorsions est<br />

un gène positif. Peutêtre<br />

de la chance,<br />

mais pas du talent. »<br />

Chaque pose est<br />

ultra maîtrisée.<br />

Pour acquérir une<br />

telle souplesse,<br />

un entraînement<br />

intensif est la clé.<br />

N’est-ce pas un peu naïf ?<br />

Oui ce sont des idées puériles. Mais ce<br />

sont probablement elles qui me donnent<br />

ma confiance, ma foi en moi. Cela ne me<br />

sert à rien de m’inquiéter pour l’avenir.<br />

J’ai 28 ans – c’est très vieux en termes de<br />

gymnastique et d’acrobatie. Mais il y a<br />

une mamie qui a plus de 90 ans et qui<br />

fait encore des exercices sur des barres<br />

parallèles (Johanna Quaas, une gymnaste<br />

de 94 ans, ndlr).<br />

Mais si quelque chose ne se passe pas<br />

comme vous le souhaitez ?<br />

Si une cascade échoue par ma faute, je<br />

persiste jusqu’à ce que je réussisse. Il y<br />

a toujours place à amélioration et si je<br />

ne vois pas de progrès, je deviens grincheuse.<br />

Mon ambition devient souvent<br />

de l’entêtement, c’est ma grande<br />

faiblesse. Je me mets en colère contre<br />

moi-même parce que je ne peux pas aller<br />

à plein régime – et ensuite en colère<br />

parce que je suis en colère… Blocage<br />

complet. Je dois absolument trouver un<br />

moyen de travailler sur ce point.<br />

Mauvaise perdante ?<br />

Je me fixe des objectifs ambitieux, et ça<br />

me pousse. Malheureusement, l’art de<br />

l’ATR n’est pas une discipline olympique<br />

sinon j’aurais un record mondial. Mais<br />

dans l’art, il n’est pas question de concurrence<br />

mais de création ; on cherche son<br />

propre style, on le soigne. On n’est pas<br />

dans la compétition.<br />

Vous l’avez établi en avril dernier :<br />

342 ATR en force de l’équerre en<br />

52 minutes sans toucher le sol une<br />

seule fois avec vos pieds. Respect !<br />

Je me suis entraînée pendant douze ans<br />

pour cela. Le Guinness des records m’a<br />

rejetée plusieurs fois. J’ai donc décidé de<br />

me filmer moi-même selon les directives<br />

pour une candidature normale et de<br />

mettre la vidéo en ligne. Finalement, la<br />

Record Holders Republic m’a approchée<br />

et a reconnu le record.<br />

Y a-t-il quelque chose qui peut se<br />

mettre en travers de votre chemin ?<br />

Je mentirais si je disais que les critiques<br />

ne m’affectent pas. Il n’est pas facile<br />

d’être insultée par des gens qu’on ne<br />

connaît pas parce qu’ils n’apprécient pas<br />

mon art ou qu’ils ne m’aiment pas. Mais<br />

heureusement, j’ai le soutien de mes<br />

proches, ma mère, mon copain, mon<br />

manager.<br />

STYLISME : SIMON WINKELMÜLLER, COIFFURE ET MAQUILLAGE : INA MAURER<br />

Comment gérez-vous la situation avec<br />

les réseaux sociaux ?<br />

Je suis fière de mes 400 000 followers<br />

Instagram et c’est cool quand un gars<br />

comme l’humoriste américain Joe Rogan<br />

poste sur Twitter que mon compte est<br />

l’un des plus inspirants qu’il connaisse.<br />

Mais je n’oublie pourtant pas que les<br />

meilleurs moments de ma vie sont ceux<br />

où j’ai réussi quelque chose de très particulier,<br />

de majeur ou d’extraordinaire, et<br />

que j’étais complètement en phase avec<br />

moi-même, hautement concentrée. La<br />

seule chose qui compte alors, c’est de<br />

savoir que j’ai réalisé ce que je voulais,<br />

et d’en être consciente. Et dans ces<br />

moments-là, il n’y a jamais de public.<br />

Instagram : @stefaniemillinger<br />

THE RED BULLETIN 55


Une nouvelle île<br />

en vue : Louis<br />

Josek, 26 ans,<br />

veut montrer<br />

une Jamaïque<br />

qui motive.<br />

REDÉCOUVREZ<br />

LA JAMAÏQUE<br />

Selon le réalisateur LOUIS JOSEK, un kid de Kingston<br />

ou de Cologne se pose les mêmes questions. Son documentaire<br />

Out Deh honore des destins surprenants.<br />

Texte RUTH MCLEOD<br />

Photos JÉRÉMY BERNARD<br />

Lorsque le cinéaste allemand<br />

Louis Josek s’est rendu en<br />

Jamaïque pour la première<br />

fois, il ne s’attendait pas à se<br />

faire des amis pour la vie, ni<br />

à se lancer, cinq ans durant,<br />

dans un projet personnel de<br />

film qui le mènerait aussi aux<br />

États-Unis et même jusqu’au Japon. Son<br />

premier film, Out Deh, témoigne des destinations<br />

inattendues que la vie nous fait<br />

parfois atteindre. Il se concentre sur les<br />

histoires de trois jeunes hommes dans<br />

leur vingtaine, alors qu’ils s’efforcent<br />

de trouver leur voie : Elishama Beckford,<br />

un surfeur pro, Romar Rose qui vit dans<br />

l’un des quartiers les plus chauds de<br />

Kingston, et le rappeur Daniel Simpson,<br />

surnommé Bakersteez. Louis Josek, un<br />

ancien surfeur professionnel de 26 ans,<br />

nous explique comment son histoire s’est<br />

mêlée à celle de ses protagonistes.<br />

the red bulletin : C’est votre premier<br />

projet en tant que réalisateur. Comment<br />

cela est-il arrivé ?<br />

louis josek : Mon père était photographe<br />

et le cinéma m’accompagne<br />

depuis longtemps. J’ai surfé à un niveau<br />

professionnel jusqu’à l’âge de 18 ans,<br />

puis il y a environ sept ans, quand j’ai<br />

arrêté, j’ai commencé à suivre mes amis<br />

surfeurs pros avec une caméra et à me<br />

concentrer davantage là-dessus. Mais je<br />

suis allé en Jamaïque sans projet en tête.<br />

Un ami m’a invité, et j’y suis allé. Et je<br />

suis tombé amoureux de cette île.<br />

Qu’est-ce qui a particulièrement<br />

stimulé votre imagination ?<br />

Les jeunes gens là-bas m’ont vraiment<br />

inspiré par leur énergie et leur résilience.<br />

Dès leur plus jeune âge, on leur a dit :<br />

« Vous ne pouvez pas être ceci, vous ne<br />

serez jamais cela. » Ça m’a rappelé<br />

OUTDEH – THE YOUTH OF JAMAICA<br />

56


« Les jeunes<br />

gens à Kingston<br />

m’ont vraiment<br />

inspiré par leur<br />

énergie et leur<br />

résilience. »


Cologne en Allemagne, la ville où j’ai<br />

grandi. Cela peut ne pas sembler être le<br />

cas, mais c’est semblable en Europe. On<br />

est supposé aller à l’école, étudier, puis<br />

aller travailler. Je me suis senti vraiment<br />

proche de ces gens qui ont trouvé le<br />

moyen de faire ce qu’ils voulaient au lieu<br />

de suivre une voie toute tracée. Ils avaient<br />

beaucoup de rêves, et surtout la passion et<br />

le courage de les poursuivre. Une compréhension<br />

et une confiance réciproques ont<br />

été le fondement de ce film.<br />

Tournage aux Caraïbes.<br />

Vous avez donc senti que vos histoires<br />

étaient en quelque sorte connectées<br />

dès le début ?<br />

Exactement. J’ai senti que le type d’énergie<br />

que ces gars avaient manquait en<br />

Europe, dans notre génération. Ils m’ont<br />

vraiment inspiré à réfléchir à ce que je<br />

veux faire.<br />

Quels sont les trois personnages que<br />

vous présentez dans le film ?<br />

Shama a 23 ans, il vit à Eight Miles, Bull<br />

Bay, et est le premier surfeur professionnel<br />

de l’île. Romar vit à Tivoli Gardens,<br />

à Kingston, qui est connu pour être l’un<br />

des quartiers les plus chauds de Jamaïque.<br />

Il est devenu papa après avoir perdu<br />

presque toute sa famille lorsqu’il était<br />

très jeune. Bakersteez vit à Kingston<br />

Downtown. Dans une île où règne le reggae,<br />

il débute une carrière de musicien,<br />

l’un des rares rappeurs émergents.<br />

Votre relation avec ces protagonistes<br />

a-t-elle changé au cours du projet ?<br />

Lorsque j’ai commencé à tourner avec<br />

eux, nous savions quel était notre sujet,<br />

mais nous ignorions où cela nous mènerait.<br />

Nous avons grandi ensemble pendant<br />

les cinq années qu’a duré ce projet.<br />

J’ai rencontré Shama lorsqu’il n’était<br />

qu’un môme de 17 ans qui racontait à<br />

tout le monde : « Je vais devenir un surfeur<br />

professionnel. » On lui répondait :<br />

« Comment comptes-tu t’y prendre ? »<br />

Et puis nous avons commencé à tourner.<br />

Nous nous sommes retrouvés à Hawaï<br />

après qu’il ait décroché un contrat avec<br />

Hurley. Pendant le tournage, nous avons<br />

toujours essayé de nous aider les uns les<br />

autres. Nous nous sommes vus grandir,<br />

prendre des raclées, etc. Et toujours,<br />

nous nous sommes aidés mutuellement<br />

pour nous relever. Le film montre une<br />

grande partie de la vie de chacun d’entre<br />

eux, leurs premiers pas. J’espère surtout<br />

qu’il permettra de changer le regard du<br />

Bakersteez balance ses rimes.<br />

« Nous avons<br />

essayé de<br />

montrer une<br />

Jamaïque<br />

différente. »<br />

public sur notre île. Tout le monde a une<br />

image très arrêtée de ce pays. Nous<br />

avons essayé de montrer une Jamaïque<br />

différente.<br />

Quel est l’élément qui procure à chacun<br />

de vos protagonistes la capacité<br />

de vivre autrement ?<br />

Ils sont intelligents, humbles et ils ont<br />

un cœur en or. Ils possèdent une énergie<br />

incroyable. Ils ont le courage de suivre<br />

leur voie. Ils font des choses différentes,<br />

58 THE RED BULLETIN


« Ils ouvrent un<br />

nouveau monde<br />

aux jeunes. »<br />

Shama en pleine action.<br />

communauté. Ce qui n’a pas été facile.<br />

Puis on nous a dit qu’il aimait les livres,<br />

nous nous sommes donc retrouvés à en<br />

ramener toute une cargaison à Tivoli et<br />

à les apporter chez lui. Heureusement,<br />

ça a marché.<br />

OUTDEH – THE YOUTH OF JAMAICA ,<br />

MARIAMI KURTISHVILI, DONALD DE LA HAYE<br />

Le noyau dur de Out Deh (depuis la gauche) : le surfeur Elishama Beckford aka Shama, le skateur<br />

Romar Rose, le réalisateur Louis Josek et le rappeur Daniel Simpson aka Bakersteez.<br />

mais sont reliés par cette même<br />

confiance en soi, c’est ce qui les distingue<br />

des autres. Ils se sont dit : « Je peux y<br />

arriver » même quand tout le monde leur<br />

soutenait le contraire. Aujourd’hui, ils<br />

incarnent des modèles pour beaucoup<br />

de personnes en Jamaïque. Je l’ai senti<br />

dès le début. Il n’y avait pas de skateurs<br />

là-bas, mais il y avait une vingtaine de<br />

surfeurs. Il n’y avait pas beaucoup de<br />

rap. Maintenant, la Jamaïque construit<br />

son deuxième skate park, la communauté<br />

de skateurs s’est développée, avec<br />

beaucoup de très bons surfeurs et<br />

rappeurs. Ces gars influencent les jeunes<br />

et leur ouvrent un nouveau monde.<br />

C’est en train d’exploser là-bas.<br />

Vous êtes-vous retrouvé dans des<br />

situations qui vous ont surpris ?<br />

Constamment. Par exemple, lorsque<br />

nous avons voulu tourner dans l’un des<br />

logements sociaux de Tivoli, nous avions<br />

besoin d’obtenir l’accord du boss de la<br />

Dans le film, vous allez à Hawaï avec<br />

Shama et aussi au Japon, lorsque<br />

Bakersteez effectue sa première tournée.<br />

Était-ce prévu ?<br />

Non. Retrouver Bakersteez et son équipe<br />

à Osaka pour lancer sa première tournée<br />

a été surréaliste. Il y avait un show par<br />

jour dans différentes villes – Osaka,<br />

Fukuoka, Sendai, Tokyo. Nous ne savions<br />

jamais à quoi nous attendre, ni où nous<br />

irions. À Sendai, la plus petite ville de<br />

notre tournée, on nous a conduits dans<br />

un petit club souterrain au milieu de rues<br />

sombres. Le club était bondé. Il faisait<br />

chaud, il y avait plein de bruit et la foule<br />

scandait “Sendai neva die” (trad. Sendai<br />

ne mourra jamais). Trois mois auparavant,<br />

nous tournions au milieu de<br />

Kingston, Bakersteez rêvait de partir en<br />

tournée, de faire une carrière internationale.<br />

Ce soir-là, Bakersteez a donné son<br />

meilleur concert de la tournée. La foule<br />

continuait de chanter ses paroles lorsqu’il<br />

a quitté la scène.<br />

Quel est le meilleur souvenir que vous<br />

gardez du tournage ?<br />

Le dernier jour. Nous nous sommes mis<br />

en route à 3 heures du matin. Il y avait<br />

une grande croix rouge illuminée en<br />

ville, nous avons voulu la filmer. Alors<br />

nous avons demandé à Shama de parcourir<br />

le plan de gauche à droite. À la<br />

seconde précise où il a quitté le côté droit<br />

du cadrage, les lumières se sont éteintes.<br />

Puis une demi-heure plus tard, il s’est mis<br />

à pleuvoir. Le lendemain, il a plu aussi.<br />

Je sentais enfin que le travail était achevé.<br />

C’était comme si l’île nous disait :<br />

« C’est bon, c’est dans la boîte. On éteint<br />

tout, vous pouvez rentrer chez vous. »<br />

Le film sur redbull.com/outdeh<br />

THE RED BULLETIN 59


Tous gagnants !<br />

Plus de 130 universités aux USA proposent des cursus esport.<br />

Avec un secteur du jeu vidéo en expansion, les établissements<br />

scolaires les plus clairvoyants se bougent pour attirer les élèves<br />

désireux de faire carrière dans un nouveau monde d’opportunités.<br />

Texte SCOTT JOHNSON<br />

Pionnière des sports<br />

universitaires, l’université<br />

Full Sail (Floride) a ouvert<br />

en 2019 sa salle esport<br />

à 6 millions de dollars.


FULL SAIL UNIVERSITY<br />

61


Megan Danaher,<br />

étudiante à Full Sail,<br />

est capitaine de<br />

l’équipe Armada sur<br />

Overwatch.<br />

imanche matin, en mars. Megan Danaher<br />

pénètre <strong>The</strong> Fortress, un auditorium de<br />

la Full Sail University. Situé à Orlando<br />

(Floride), cet établissement supérieur<br />

propose des formations sur deux ans et<br />

prépare les étudiants à faire carrière<br />

dans l’industrie du divertissement. Avec<br />

ses 1 000 m², <strong>The</strong> Fortress est la plus<br />

grande arène de sport électronique, ou<br />

e-sport, aux États-Unis : un symbole fort<br />

pour cette nouvelle mission universitaire.<br />

Un écran géant surplombe une scène<br />

parée de la bannière « Hall of Fame<br />

Week ». Du R&B tabasse dans d’énormes<br />

haut-parleurs. Cameramen et photographes<br />

fendent une foule de jeunes.<br />

Certains portent des maillots noir et<br />

orange pour marquer leur appartenance<br />

à Armada, l’équipe d’esport universitaire<br />

de la Full Sail University. Confiante,<br />

Megan se dirige à grands pas vers un<br />

groupe de garçons réunis en cercle. Elle<br />

ôte son sweat-shirt, révélant son maillot<br />

Armada. Son pseudo de gamer est brodé<br />

en lettres capitales en haut du dos :<br />

PeptoAbysmal.<br />

Megan Danaher est la capitaine de<br />

l’équipe universitaire Overwatch d’Armada,<br />

et c’est la seule fille de l’équipe.<br />

Dans le domaine des jeux de tir subjectif<br />

en équipes, Overwatch se caractérise par<br />

sa rapidité et la complexité de son graphisme.<br />

Plusieurs coéquipiers de Megan<br />

ont peint des traits noirs sous leurs yeux.<br />

Ils sont tous rassemblés, leurs maillots<br />

scintillant sous les stroboscopes. Lleaf,<br />

Anarchy, Yakisoba, 2A1Z et Beaverbiskit<br />

font tous partie de l’équipe. Alors que la<br />

menace de la COVID-19 pointe le bout de<br />

son nez, les organisateurs ont tout prévu :<br />

du gel hydroalcoolique, des lingettes<br />

désinfectantes, et même des autocollants<br />

62 THE RED BULLETIN


Megan, alias<br />

PeptoAbysmal, seule<br />

femme de son équipe.<br />

Ci-dessous : goodies<br />

Covid lors d’un event<br />

début mars <strong>2020</strong>.<br />

FULL SAIL UNIVERSITY<br />

afin de signaler si l’on préfère un salut<br />

du coude plutôt qu’une poignée de main,<br />

mais le groupe ne tient pas en place : tout<br />

le monde est impatient de monter sur<br />

scène pour le tournoi à venir.<br />

Ce jour-là, <strong>The</strong> Fortress est le paradis<br />

des gamers : compétitions acharnées,<br />

commentaires pointus réalisés par des<br />

spécialistes, sessions pratiques sur des<br />

ordinateurs Stealth Thin haut de gamme<br />

fournis par le sponsor MSI, goodies et la<br />

possibilité de rencontrer vos joueurs favoris.<br />

Une douzaine d’étudiants appartenant<br />

aux deux équipes League of Legends s’affrontent<br />

déjà. L’action est retransmise sur<br />

l’écran géant. Jonglant avec leurs crayons,<br />

deux commentateurs décryptent les<br />

actions. Dans un coin de la salle, un élève<br />

se mesure à Toxsic, un gamer pro, sur le<br />

jeu de basketball NBA 2K. L’un des animateurs<br />

s’époumone sur scène : « Restez avec<br />

nous ! Ne manquez pas le prochain<br />

match ! ».<br />

Au début, le tournoi est déséquilibré.<br />

Les joueurs s’affrontent, crient dans leur<br />

casque, pianotent frénétiquement sur leur<br />

clavier et cliquent sans relâche sur leur<br />

souris. Les équipes esport d’Armada sont<br />

fortes. Très fortes.<br />

Les challengers, les espoirs universitaires<br />

de la Full Sail University, ne font<br />

pas le poids. Mais la débâcle imminente<br />

ne semble pas freiner leur enthousiasme.<br />

Un fan particulièrement expressif au<br />

premier rang hurle et conspue sans<br />

aucune retenue, bondissant de son siège,<br />

insensible aux regards, tandis que derrière<br />

lui, une jeune femme assiste avec<br />

inquiétude et fascination au drame qui<br />

se joue à l’écran. L’événement est retransmis<br />

dans son intégralité et en direct sur<br />

Twitch, la plateforme fétiche des gamers<br />

du monde entier.<br />

Le secteur de l’esport se développe<br />

depuis plusieurs années. Récemment, des<br />

universités ont commencé à s’y frotter.<br />

Et si elles ne s’y intéressent pas encore,<br />

elles devraient sérieusement y penser. En<br />

effet, l’esport devrait dépasser 1,5 milliard<br />

de revenus d’ici à 2023, selon l’Esports<br />

Ecosystem Report, publié par Business<br />

Insider Intelligence. Selon le cabinet d’audit<br />

Deloitte, les investissements en capital<br />

de risque ont doublé entre 2017 et 2018,<br />

ce qui représente une augmentation de<br />

plus de 800 % en dollars réels, pour un<br />

montant dépassant les 4,5 milliards de<br />

dollars. Dans tous les États-Unis, des centaines<br />

d’écoles ont ouvert des cursus<br />

esport ces dernières années, et le phénomène<br />

n’en est qu’à ses prémices. La<br />

Robert Morris University de Chicago, qui<br />

a fusionné avec la Roosevelt University<br />

cette année, a été le premier établissement<br />

scolaire à faire le choix de l’esport<br />

en 2014. Par la suite, plus de 130 cursus<br />

universitaires ont vu le jour dans des<br />

dizaines d’États à travers le pays. Toutes<br />

les universités sont concernées, des plus<br />

petites comme la Roosevelt University aux<br />

plus grandes comme l’université de Californie,<br />

Irvine, qui a été la première université<br />

publique à créer un cursus d’esport<br />

en 2015. En 2018, lorsque la Boise State<br />

University (Idaho) a ouvert son cursus<br />

d’esport, 20 élèves se sont inscrits. L’an<br />

dernier, on comptait 200 candidats. « L’intérêt<br />

de notre université pour l’esport<br />

délie les langues », explique Chris Haskell,<br />

responsable du cursus de la Boise State<br />

Dans tous les États-Unis, des<br />

centaines d’écoles ont ouvert des<br />

cursus esport ces dernières années.<br />

THE RED BULLETIN 63


« Les gens issus de l’esport ont<br />

dû résoudre des tas de problèmes<br />

pour en arriver là où ils en sont. »<br />

University. « Nous conseillons aux universités<br />

qui envisagent l’ouverture d’un cursus<br />

d’esport de doubler toutes les prévisions<br />

de la première année pour l’année<br />

suivante », assure Michael Brooks de la<br />

National Association of Collegiate<br />

Esports, organisme qui régit l’esport<br />

universitaire.<br />

Mais ce n’est pas tout. Un écosystème<br />

tout entier est en train de voir le jour : il<br />

alimentera presque tous les aspects de la<br />

vie créative et professionnelle susceptibles<br />

de découler de l’omniprésence des jeux<br />

vidéo dans la société actuelle. Avant que<br />

le monde n’entre en confinement, les<br />

stades étaient souvent remplis de dizaines<br />

de milliers de spectateurs venus assister<br />

à des tournois professionnels de<br />

l’Overwatch League. Aux USA, les audiences<br />

des compétitions de jeux vidéo<br />

ont éclipsé celles des ligues sportives plus<br />

traditionnelles telles que la NFL ou la<br />

NBA. Et les universités ressentent de plus<br />

en plus les retombées économiques. Les<br />

établissements scolaires membres de la<br />

NACE ont accordé environ 15 millions<br />

de dollars de bourses pour l’étude des<br />

jeux vidéo en 2019.<br />

Dans les écoles et les entreprises<br />

du pays tout entier, un rapprochement<br />

s’opère. D’un côté, les employeurs<br />

recherchent des esprits indépendants et<br />

dotés de compétences variées : gestion<br />

d’une communauté en ligne, construction<br />

ou bidouillage de PC pour accélérer ou<br />

optimiser son travail ou pour améliorer<br />

le graphisme, etc. De l’autre côté, compte<br />

tenu de sa capacité à résoudre les problèmes,<br />

l’immense communauté gaming<br />

actuelle est parfaitement adaptée à cette<br />

demande. « Si votre société évolue rapidement,<br />

vos collaborateurs doivent disposer<br />

de compétences techniques dans le domaine<br />

logiciel et matériel, mais aussi être<br />

en mesure de résoudre les problèmes.<br />

Or, le monde de l’esport foisonne de personnes<br />

de cette trempe, se réjouit Michael<br />

Brooks. Car elles ont dû résoudre des tas<br />

de problèmes pour en arriver là où elles<br />

en sont. »<br />

À commencer par le suivi de leurs<br />

études en période de pandémie. À la Full<br />

Sail University, où une bonne moitié des<br />

élèves ont initialement choisi une formation<br />

à distance, l’ensemble des élèves a<br />

repris les cours à distance dans la semaine<br />

qui a suivi les premières fermetures d’établissements.<br />

Les élèves ont continué leur<br />

apprentissage sur Zoom et ils se sont<br />

davantage impliqués dans des actions<br />

collaboratives au travers de réunions<br />

de clubs en ligne.<br />

Ici, on vient<br />

vibrer pour les<br />

jeux vidéo.<br />

64


FULL SAIL UNIVERSITY<br />

Nommée <strong>The</strong> Fortress,<br />

l’arène esport de Full Sail<br />

est la plus grande des<br />

USA. Elle a une capacité<br />

d’accueil jusqu’à 500<br />

spectateurs sur 1000 m 2 .


Selon la NACE, les<br />

écoles ont dépensé<br />

15 millions de dollars<br />

dans les bourses de<br />

gaming en 2019.<br />

Les événements à<br />

l’université Full Sail<br />

sont gelés, mais s’il y<br />

a un secteur qui peut<br />

passer à une réalité<br />

purement virtuelle,<br />

c’est celui du gaming.


FULL SAIL UNIVERSITY<br />

« J’adorerais vivre de l’esport.<br />

Mener une vie confortable grâce<br />

aux jeux vidéo serait formidable. »<br />

En mars dernier, alors que Megan<br />

Danaher et ses équipiers savourent<br />

leur victoire sur Overwatch, Gus<br />

Hernandez rallie la foule devant un<br />

match NBA 2K, de l’autre côté de <strong>The</strong><br />

Fortress. Véritable boute-en-train, Gus<br />

Hernandez est très reconnaissable avec<br />

ses boucles rousses. Il s’est inscrit au<br />

cursus de commentateur sportif de la<br />

Full Sail University, et tandis qu’il suit<br />

Toxsic, le gamer pro, il met ses compétences<br />

à l’épreuve. « Et… Booker se déplace,<br />

passe et… marque ! », s’écrie-t-il,<br />

vraisemblablement aussi ravi par les feux<br />

des projecteurs que par le jeu à l’écran.<br />

Élevé dans une famille brésilienne<br />

au nord de Boston, Gus a grandi en regardant<br />

son beau-père jouer à Fifa et Pro<br />

Evolution Soccer sur une PlayStation 2<br />

dans le modeste T3 familial. Gus a passé<br />

des heures à écouter la légende Jack<br />

Edwards commenter les rencontres sportives<br />

locales sur une vieille radio et il s’est<br />

vite imaginé derrière le micro. Il a aussi<br />

commencé à apprécier les « commentaires<br />

intenses et pleins d’énergie » des matches<br />

de foot de la New England Revolution<br />

qu’il a découverts sur des stations de<br />

son secteur. « Ça m’a tout de suite attiré »,<br />

raconte-t-il.<br />

Jeune adolescent lorsque Twitch est<br />

apparu, Gus Hernandez a commencé à<br />

commenter des parties sur sa propre<br />

chaîne. La société Sinai Village l’a repéré<br />

et lui a demandé de commenter plusieurs<br />

matches de football Pro Clubs. Lorsqu’il<br />

a eu 17 ans, une ligue britannique lui a<br />

offert l’avion pour venir commenter l’une<br />

de ses parties. Le voyage a finalement<br />

été annulé, mais une étincelle avait jailli.<br />

Avec le développement de sa chaîne<br />

Twitch, Gus s’est intéressé à d’autres jeux,<br />

comme Counter-Strike. Récemment, Gus<br />

a ouvert le stream Twitch Counter-Strike:<br />

Global Offensive, et sa chaîne s’est retrouvée<br />

en top tendance. « Je me dis que ces<br />

streams attireront des patrons d’entreprises<br />

», a-t-il expliqué. À 19 ans seulement,<br />

il a déjà une belle image de marque<br />

et son positionnement sur le marché peut<br />

attirer l’attention. « Certains disent que<br />

mes commentaires sont passionnants. »<br />

« J’adorerais vivre de l’esport à plein<br />

temps, se confie-t-il. Mener une vie<br />

confortable grâce aux jeux vidéo serait<br />

formidable. Quand on pense que le gaming<br />

était un refuge pendant mon adolescence…<br />

» Celui qui rêvait d’un poste<br />

de commentateur sportif traditionnel<br />

dans un média local ou une chaîne<br />

comme ESPN entrevoie des possibilités<br />

grâce à des compétitions de sports électroniques.<br />

« Avec l’esport, mon objectif<br />

devient réaliste. »<br />

Les profils comme celui de Gus<br />

Hernandez sont de plus en plus recherchés,<br />

alors même que les infrastructures<br />

qui nourrissent les rêves de ces personnes<br />

continuent à se développer. Les choix de<br />

carrière abondent : commentateur pour<br />

inviter des millions de fans à suivre les<br />

parties, organisateur d’un nombre croissant<br />

d’événements en direct qui égalisent<br />

voire surpassent les audiences de la NFL<br />

ou de la NHL… Mais aussi codeurs,<br />

designers, animateurs, copywriters,<br />

responsables produits, concepteurs de<br />

jeux ou encore techniciens. Tous ces<br />

métiers sont très demandés dans le secteur<br />

du divertissement. C’est le boom<br />

que tout le monde attendait, en particulier<br />

les étudiants. « La dynamique actuelle<br />

est totalement différente », décrit<br />

Sari Kitelyn, responsable des cursu s<br />

esport de la Full Sail University. « Aujourd’hui,<br />

les jeux vidéo offrent de véritables<br />

opportunités d’emploi. »<br />

Aux USA, le sport a toujours été<br />

une voie vers l’emploi. Les athlètes<br />

traditionnels conjuguaient<br />

leurs compétences à des cursus de gestion<br />

du sport pour se reconvertir. Mais<br />

les compétences et les outils développés<br />

dans l’esport mènent à des opportunités<br />

différentes. « Pensez aux marques et à<br />

leur engagement vis-à-vis du grand public<br />

», suggère Michael Brooks, responsable<br />

de la NACE. « Désormais, presque<br />

tout tourne autour des interactions en<br />

ligne, de la gestion des communautés,<br />

du streaming – surtout du streaming en<br />

live, et implique des personnalités et<br />

des événements dédiés. La publicité,<br />

Gus Hernandez, talent à suivre, commente les matches esport dans toute la Floride.<br />

THE RED BULLETIN 67


le marketing et le journalisme sont particulièrement<br />

présents. Dans ce contexte,<br />

l’esport constitue un moyen idéal d’acquérir<br />

ces compétences. »<br />

En début d’après-midi, <strong>The</strong> Fortress<br />

commence à se vider. Megan<br />

Danaher, Gus Hernandez et un<br />

autre élève de la Full Sail University, Eric<br />

Alpizar, font une pause dans le lounge.<br />

La conversation dévie vers les jeux vidéo.<br />

Eric Alpizar, qui a fait un bref passage<br />

dans la Navy, est un joueur assidu de<br />

Dragonball (un jeu de combat de type<br />

joueur contre joueur), l’un des meilleurs<br />

compétiteurs en Floride. Il évoque le cas<br />

d’Arslan Ash, le joueur pakistanais de<br />

Tekken sponsorisé par <strong>Red</strong> Bull, apparemment<br />

venu de nulle part : en battant<br />

un champion sud-coréen nommé Knee<br />

lors de l’EVO 2019, Arslan s’est emparé<br />

du titre de champion du monde. Tekken<br />

a ainsi mis la lumière sur le Pakistan de<br />

manière assez inattendue, explique Eric.<br />

Ce pays souvent à la une des journaux<br />

pour des questions de terrorisme ou de<br />

géopolitique fait maintenant parler de<br />

lui grâce aux jeux vidéo. « C’est l’un des<br />

avantages de l’esport, précise Eric. Il n’y<br />

a aucun préjugé sur les Pakistanais, car<br />

tout le monde s’en fiche. Les joueurs s’en<br />

fichent. Avec la mondialisation et l’essor<br />

de l’esport, n’importe quelle communauté<br />

peut très facilement débouler et dire<br />

“Eh, nous voilà ! Salut, nous sommes<br />

du Pakistan. Salut, nous sommes de<br />

Jordanie. Salut, nous sommes de tous<br />

ces endroits du monde et nous pouvons<br />

tous jouer ensemble.” »<br />

La Hall of Fame Week de la Full Sail<br />

University a lieu chaque année depuis<br />

plus de dix ans. Un cercle restreint de<br />

diplômés qui ont excellé dans leur<br />

domaine et apporté une contribution<br />

Eric Alpizar, étudiant de Full Sail, est un joueur<br />

dévoué du jeu de combat Dragonball.<br />

68 THE RED BULLETIN


La prochaine génération de jeunes<br />

actifs viendra directement du<br />

monde de l’esport universitaire.<br />

FULL SAIL UNIVERSITY<br />

Les membres d’Armada,<br />

l’équipe sportive universitaire<br />

de l’université Full Sail,<br />

affrontent leurs adversaires<br />

sur Overwatch.<br />

à l’université d’une manière ou d’une<br />

autre sont invités chaque année pour être<br />

intronisés et s’adresser aux étudiants<br />

actuels. Erin Eberhardt fait partie des<br />

diplômés honorés en mars dernier : elle<br />

est sortie de l’université il y a dix ans et<br />

travaille aujourd’hui chez Blizzard<br />

Entertainment, le géant du jeu vidéo<br />

à Los Angeles. Élevée sur un terrain de<br />

3 hectares dans la campagne de l’Ohio,<br />

Erin Eberhardt a grandi en toute liberté.<br />

Le soir, la famille se rassemblait pour<br />

regarder son père, contrôleur aérien,<br />

jouer aux jeux vidéo avec ses amis.<br />

« Nous étions assis sur nos chaises, derrière<br />

papa, et nous regardions par-dessus<br />

son épaule. Nous passions juste la tête<br />

et nous criions comme des hystériques. »<br />

Erin a étudié dans une université classique,<br />

mais elle s’y ennuyait ferme. Elle<br />

a finalement obtenu son diplôme de la<br />

Full Sail University en 2010. Lorsqu’elle<br />

est arrivée sur le marché du travail,<br />

YouTube et les autres services de<br />

streaming n’en étaient qu’à leurs balbutiements.<br />

Twitch n’existait pas encore.<br />

Elle a obtenu un poste chez Disney, dans<br />

la branche Développement, puis elle a<br />

rejoint PlayStation pendant cinq ans.<br />

En 2016, l’esport a enregistré une<br />

forte hausse avec l’annonce de<br />

l’Overwatch League. Erin a postulé chez<br />

l’éditeur du jeu, Blizzard Entertainment,<br />

et elle a été retenue. Depuis lors, elle observe<br />

un afflux constant de professionnels<br />

d’autres secteurs qui viennent dans<br />

l’univers du gaming. « Beaucoup de gens<br />

arrivent des secteurs traditionnels de la<br />

télévision et du cinéma, mais aussi de<br />

la NFL et de la NBA », raconte-t-elle.<br />

« Nous avons une incroyable cellule de<br />

personnes fantastiques qui travaillent<br />

toutes ensemble sur ce produit. »<br />

Selon elle, la prochaine génération<br />

de jeunes actifs viendra directement<br />

du monde de l’esport universitaire.<br />

« Voilà ce qui forme la prochaine<br />

génération des professionnels d’esport »,<br />

explique-t-elle. « Tout se passe à l’université.<br />

Pratiquement chaque major de la Full<br />

Sail University pourra travailler dans l’esport<br />

à un moment de sa vie, car c’est un<br />

peu “tout le monde sur le pont” en ce moment.<br />

» La Full Sail University a rendu<br />

hommage à Erin Eberhardt notamment<br />

pour son rôle dans l’organisation d’un gigantesque<br />

événement live l’an dernier<br />

pour un jeu appelé Hearthstone. Megan<br />

Danaher, disciple d’Erin Eberhardt, considère<br />

cet événement comme une étape clé<br />

de son propre développement. « C’était<br />

juste parfait », s’extasie-t-elle.<br />

D’une certaine manière, les parcours<br />

respectifs de Megan Danaher et d’Erin<br />

Eberhardt reflètent l’essor de l’industrie.<br />

Il y a dix ans, lorsqu’Erin est arrivée sur le<br />

marché du travail, le jeu vidéo était encore<br />

un secteur naissant. La Full Sail University<br />

n’avait pas encore d’équipe esport.<br />

Aujourd’hui, Megan Danaher se trouve<br />

face à une multitude d’opportunités plus<br />

alléchantes les unes que les autres.<br />

À présent, Megan Danaher rêve d’organiser<br />

de gros événements live dédiés<br />

aux jeux vidéo et qui rassemblent des<br />

centaines de milliers de personnes dans<br />

les arènes du monde entier. Ses parents<br />

ont fini par se rallier à son avis. « À une<br />

époque, ils se disaient sans doute :<br />

“Lâche ces fichus jeux vidéo et fais tes<br />

devoirs”, ou quelque chose du même<br />

genre, explique-t-elle. Mais aujourd’hui,<br />

ils voient qu’il existe des débouchés professionnels<br />

dans ce domaine. Et que je<br />

ne fais pas que m’amuser. »<br />

Lorsqu’elle sera diplômée au mois<br />

d’octobre, Megan Danaher débutera un<br />

Master en gestion du sport à la Full Sail<br />

University. Elle envisage de faire carrière<br />

dans l’esport, et notamment dans la gestion<br />

de projet, la gestion d’équipe et la cohésion<br />

d’équipe. Elle observe du coin de<br />

l’œil une équipe texane qui dirige un<br />

stade esport. « J’aimerais aider à renforcer<br />

la cohésion de l’équipe, gérer l’équipe,<br />

et m’assurer que tout le monde s’entraîne.<br />

Dorme correctement. Se sente bien mentalement,<br />

révèle-t-elle. Je veux juste faire<br />

tout mon possible pour la bonne entente<br />

de l’équipe, en gros ce que je fais déjà<br />

maintenant, mais à plus grande échelle…<br />

et être rémunérée pour ça. »<br />

Pour la Full Sail University, tout a commencé<br />

dans un camion, au sens littéral du<br />

terme : un camping-car GMC de 8 mètres<br />

de long. C’était à l’origine un studio d’enregistrement<br />

de musique mobile, dans<br />

L’ex-étudiante<br />

Erin Eberhardt<br />

raconte sa voie<br />

dans le gaming.<br />

THE RED BULLETIN 69


Au moins un étudiant diplômé de la<br />

Full Sail University a travaillé dans<br />

chacun des films Marvel diffusés.<br />

Le campus<br />

de l’université de<br />

Full Sail à Winter<br />

Park, Floride.<br />

lequel les artistes pouvaient apprendre les<br />

bases de la production musicale lors de<br />

sessions courtes et ciblées.<br />

Aujourd’hui, le campus compte plusieurs<br />

bâtiments à un étage dans<br />

une zone assez déserte où seuls<br />

quelques espaces de bureaux et petites<br />

entreprises se sont installés au nord-est<br />

d’Orlando. Ses étudiants diplômés ont<br />

été embauchés par les plus grands studios<br />

d’Hollywood, parmi lesquels Netflix,<br />

Amazon et Disney. Au moins un – et souvent<br />

plus d’un – étudiant diplômé de la<br />

Full Sail University a travaillé dans chacun<br />

des films Marvel sortis au cinéma à<br />

ce jour. L’école de commentateurs sportifs<br />

porte le nom d’un de ses fondateurs,<br />

Dan Patrick, qui vient souvent sur place.<br />

Dave Arneson, le créateur de Donjons<br />

et Dragons, a enseigné la conception de<br />

jeux au sein de l’université jusqu’en 2008.<br />

Sachant que les cours coûtent 450 dollars<br />

de l’heure, ce n’est pas donné. Mais les<br />

candidatures continuent à affluer.<br />

Le lendemain du tournoi Overwatch,<br />

Megan Danaher revient sur le campus<br />

pour assister à d’autres événements Hall<br />

of Fame. Vers midi, elle se dirige vers un<br />

salon de l’emploi destiné aux étudiants,<br />

accompagnée par l’un de ses coéquipiers<br />

Overwatch, un ancien marine de New<br />

York qui consacre actuellement sa thèse<br />

aux effets positifs des jeux vidéo sur les<br />

syndromes de stress post-traumatiques.<br />

(« Et il y en a beaucoup ! ») Ils consultent<br />

les brochures entre deux saluts de coude<br />

et quelques giclées de gel hydroalcoolique.<br />

Quelques recruteurs tentent d’appâter<br />

Megan avec des contrats temporaires,<br />

et elle accepte poliment de réfléchir à ces<br />

offres. Un homme qui faisait la queue derrière<br />

elle lui demande ce qu’elle aimerait<br />

faire. « Je m’intéresse aux shows en live et<br />

à la production », répond-elle. Marquant<br />

son approbation d’un signe de tête, il lui<br />

explique qu’il travaille pour une petite société<br />

de production en Virginie. « Super ! »,<br />

s’exclame-t-elle en lui remettant sa carte<br />

de visite. Après avoir discuté quelques minutes<br />

avec une femme qui tenait un stand,<br />

Megan raconte à son coéquipier : « Elle me<br />

disait : “Ce job est fait pour vous. N’attendez<br />

pas pour poser votre candidature !” »<br />

On ne parle pas seulement de gosses<br />

qui jouent à des jeux vidéo et qui font<br />

baver d’envie les cadres d’Hollywood<br />

jusqu’à Orlando. « Twitch propose actuellement<br />

un millier de postes, mais les candidats<br />

qualifiés ne sont pas assez nombreux<br />

», explique Michael Brooks de la<br />

NACE. Les ingénieurs en informatique, les<br />

responsables de bases de données et les<br />

ingénieurs du son, surtout ceux qui s’y<br />

connaissent en jeux vidéo, sont particulièrement<br />

demandés. « Et nous entendons<br />

le même refrain chez Microsoft. Ils<br />

constatent naturellement que leurs collaborateurs<br />

actuels sont aussi des gamers.<br />

C’est là qu’ils vont chercher leurs collaborateurs.<br />

Voilà le genre de personnes qu’ils<br />

souhaitent avoir dans leurs équipes. »<br />

Les paysages professionnel et universitaire<br />

sont étroitement liés, et<br />

cela commence même beaucoup<br />

plus tôt. « Des gamins semi-pro, à moitié<br />

entraînés, débarquent de leur lycée et<br />

sont recrutés dans des cursus universitaires,<br />

raconte Erin Eberhardt. Ils sont<br />

là pour leurs compétences dans les jeux<br />

vidéo. » Elle évoque le tournoi Overwatch<br />

organisé au sein de <strong>The</strong> Fortress, et toute<br />

l’expérience Hall of Fame proposée par<br />

la Full Sail University. « C’était des étudiants,<br />

dit-elle. Les gars au son, les<br />

runners, les assistants de production,<br />

les personnes chargées de la lumière,<br />

70 THE RED BULLETIN


Du son à la<br />

retransmission,<br />

la production<br />

des tournois de<br />

Full Sail, est<br />

entièrement<br />

auto-gérée par<br />

les étudiants.<br />

FULL SAIL UNIVERSITY<br />

les truqueurs… une production 100 %<br />

estudiantine. Les studios recherchent<br />

exactement ce type d’expérience. »<br />

La journée touche à sa fin. À la Full<br />

Sail University, la foule se rassemble devant<br />

une immense scène extérieure : un<br />

écran y a été installé derrière deux chaises<br />

et une console de jeux. Pendant que les<br />

spectateurs s’installent, Gus Hernandez<br />

et Eric Alpizar montent sur scène.<br />

L’équipe Super Smash Bros de la Full Sail<br />

University affrontera des challengers<br />

choisis dans le public. Quelques courageux<br />

se manifestent. D’autres spectateurs<br />

viennent s’asseoir et s’apprêtent à assister<br />

à une longue soirée de jeux vidéo. Sur<br />

scène, Gus Hernandez et Eric Alpizar<br />

trouvent leur rythme. En cette agréable<br />

soirée, il semble que toutes les personnes<br />

présentes soient exactement là où elles<br />

souhaitent être. « C’est ça, l’esport ! »,<br />

s’exclame Erik Alpizar.<br />

De Twitch à Microsoft, des employeurs cherchent des talents avec un background dans le gaming.<br />

THE RED BULLETIN 71


VOILIER<br />

VOLCANIQUE<br />

Norbert Sedlacek,<br />

58 ans, teste son yacht<br />

en fibre de roche<br />

volcanique au large de<br />

la côte vendéenne.<br />

L’homme qui a<br />

fui l’ordinaire<br />

Un tour du monde de sept mois en solitaire et sans<br />

escale, sur un tracé qu’aucun autre navigateur n’a<br />

jamais tenté avant lui. NORBERT SEDLACEK évoque<br />

cette force qui sommeille en chacun de nous – et qui ne<br />

s’éveille que si l’on porte le regard au-delà de l’horizon.<br />

Texte ALEXANDER MACHECK<br />

Photos KONSTANTIN REYER<br />

73


« J’étais fonctionnaire.<br />

Un jour, j’ai décidé de changer<br />

radicalement de vie. »


EN SOLITAIRE<br />

Sedlacek gère son<br />

projet titanesque tout<br />

seul à bord du yacht<br />

qu’il a construit avec<br />

son équipe.<br />

75


LA COURSE<br />

AU RECORD<br />

DU MONDE<br />

Norbert Sedlacek au<br />

gouvernail de son<br />

bateau. Le reste du<br />

temps, c’est le pilote<br />

automatique qui<br />

prend le relais.


Appareillage aux Sables d’Olonne sur la côte atlantique, point de départ et d’arrivée de la tentative de record du monde.<br />

Norbert Sedlacek,<br />

navigateur de légende<br />

1977 – 1984<br />

Serveur à l’hôtel Hilton de Vienne (Autriche).<br />

1984 – 1992<br />

Conducteur de tramway.<br />

1996 – 1998<br />

Premier tour du monde en solitaire. Entrée<br />

sur la scène internationale des navigateurs<br />

professionnels.<br />

2000 – 2001<br />

Norbert Sedlacek est le premier Autrichien<br />

à faire le tour de l’Antarctique sans escale<br />

en 93 jours.<br />

2004<br />

Sedlacek termine dans les dix premiers de la<br />

TRANSAT en 17 jours, 18 heures, 35 minutes<br />

et 36 secondes.<br />

2004 – 2005<br />

Sedlacek est le premier navigateur germanophone<br />

à participer au Vendée Globe, course<br />

à la voile en solitaire autour du monde.<br />

En raison d’une sévère avarie technique, il<br />

doit abandonner la course prématurément<br />

avant d’arriver au Cap.<br />

2008 – 2009<br />

Vendée Globe, deuxième essai. Au bout de<br />

126 jours 5 heures 31 minutes et 56 secondes,<br />

Sedlacek franchit la ligne d’arrivée<br />

au onzième rang sur trente participants, et<br />

fait ainsi son entrée au panthéon des grands<br />

navigateurs de ce monde.<br />

Des tempêtes de la force d’un<br />

ouragan, des vagues hautes<br />

comme des maisons, des températures<br />

allant de − 45 °C<br />

à + 40 °C, des icebergs, la solitude,<br />

la lutte jusqu’à l’épuisement. L’ancien<br />

conducteur de tramway viennois<br />

Norbert Sedlacek, 58 ans, s’est lancé le<br />

12 juillet <strong>2020</strong> dans une aventure qu’aucun<br />

navigateur n’a encore jamais tentée<br />

avant lui : un tour du monde intégrant la<br />

traversée du mythique passage du Nord-<br />

Ouest. Un parcours de 63 000 kilomètres<br />

sans escale à travers tous les océans du<br />

monde, sept mois en solitaire et sans<br />

assistance extérieure.<br />

C’est autour d’un café que nous rencontrons<br />

le navigateur de légende autrichien<br />

aux Sables d’Olonne, sur la côte<br />

atlantique, point de départ et d’arrivée<br />

de sa tentative de record du monde –<br />

dans le hangar-même où, ces dernières<br />

années, Norbert Sedlacek et son équipe<br />

ont construit le bateau de près de vingt<br />

mètres de long avec lequel il a pris la mer.<br />

Ici, à la Mecque des navigateurs épris<br />

de tours du monde, l’Autrichien est une<br />

véritable star et il répond en français<br />

quand on l’aborde dans la rue. Il est l’un<br />

d’entre eux, tous unis par cette même<br />

passion pour la navigation. Alors que<br />

nous nous asseyons à notre table, encerclés<br />

par des centaines de caisses de matériel,<br />

de nourriture et d’équipement et de<br />

vêtements techniques, l’expression fait<br />

sourire l’Autrichien. Il reconnaît bien<br />

volontiers qu’il est – encore et toujours –<br />

le même Norbert qui, voilà déjà presque<br />

trente ans, a osé s’aventurer plus loin<br />

que la majorité des gens. Il me demande :<br />

« Un café ? » Bien sûr, avec du lait et du<br />

sucre. Et c’est parti.<br />

the red bulletin : Comment vous<br />

sentiez-vous quelques semaines avant<br />

de lever l’ancre ? Anxieux ? Inquiet ?<br />

Impatient ?<br />

norbert sedlacek : Je dirais plutôt<br />

concentré. Et submergé de doutes : estce<br />

que je n’ai pas oublié quelque chose<br />

d’important ? Ne me serais-je pas trompé<br />

quelque part ? Est-ce que tous mes calculs<br />

et toutes mes prévisions sont bons ?<br />

« Anxieux ? Inquiet ?<br />

Non. Je dirais<br />

plutôt concentré. »<br />

THE RED BULLETIN 77


Une grande<br />

première !<br />

Passage du<br />

Nord-Ouest<br />

Pour le Vendée Globe,<br />

la course en haute mer<br />

la plus difficile au monde,<br />

les navigateurs partent<br />

de la côte française pour<br />

rallier l’Afrique du Sud<br />

et font ensuite le tour du<br />

monde, des mers du Sud<br />

au nord de l’Antarctique,<br />

avant de franchir le Cap<br />

Horn, de traverser l’Atlantique<br />

puis revenir à leur<br />

point de départ. Sedlacek<br />

en rajoute une couche :<br />

il va tenter un détour par<br />

le passage du Nord-Ouest<br />

avant de redescendre<br />

en longeant toute la côte<br />

ouest du continent<br />

américain pour ensuite<br />

rejoindre le parcours<br />

du Vendée Globe.<br />

Cap Horn, CHI<br />

Les Sables, <strong>FR</strong>A<br />

Cap de Bonne-Espérance,<br />

RSA<br />

Cap Leeuwin,<br />

AUS<br />

Par exemple ?<br />

Eh bien, déjà, le passage du Nord-Ouest.<br />

Il se trouve au nord du continent américain.<br />

C’est assez rare que les navigateurs<br />

le franchissent. Là-bas, il y a soit beaucoup<br />

de vent, soit pas du tout. Si c’est<br />

le calme plat, il y a un risque de ne plus<br />

pouvoir avancer et de se retrouver piégé<br />

dans les glaces. C’est ce qui est arrivé<br />

à un équipage argentin. Ils ont pu être<br />

récupérés juste à temps par un hélicoptère<br />

avant que les ours polaires ne<br />

viennent les dévorer. Ce que je veux<br />

dire par là, c’est qu’on a que très peu<br />

de retours d’expérience pour pouvoir<br />

évaluer correctement la situation.<br />

Pourquoi vous infligez-vous cela ?<br />

Parce que je veux prouver que c’est possible<br />

avec mon bateau. Nous l’avons<br />

construit en fibre de roche volcanique.<br />

C’est un tout nouveau matériau, à la fois<br />

léger et extrêmement solide. Le bateau<br />

est un Open60AAL, un yacht de course.<br />

Il est suffisamment rapide pour pouvoir<br />

avancer, même avec très peu de vent,<br />

dans le passage du Nord-Ouest.<br />

« Un hélicoptère les<br />

a récupérés juste<br />

avant qu’ils ne se<br />

fassent dévorer par<br />

les ours polaires. »<br />

De la fibre de roche volcanique ?<br />

Oui, en fait, des roches volcaniques sont<br />

d’abord transformées en fibres, et puis<br />

en nappes, dont nous nous servons<br />

ensuite pour fabriquer les éléments du<br />

bateau. Contrairement aux yachts fabriqués<br />

dans les matériaux habituels, notre<br />

coque en fibre de roche volcanique est<br />

entièrement recyclable. On peut broyer<br />

la fibre pour en faire des palettes, qui<br />

peuvent par exemple servir à fabriquer<br />

des receveurs de douche. C’est véritablement<br />

une seconde vie que l’on offre au<br />

matériau.<br />

Soyons clairs : vous allez naviguer avec<br />

un bateau fabriqué dans un nouveau<br />

matériau qui n’a encore jamais été<br />

soumis à des conditions extrêmes, sur<br />

un tracé que personne n’a jamais suivi<br />

parce qu’il n’y a pas assez de retours<br />

d’expérience. C’est plutôt risqué, non ?<br />

C’est vrai que le matériau n’a pas été<br />

testé dans des régions glaciaires, mais il<br />

l’a été avec un plus petit prototype quand<br />

mon fils a traversé l’Atlantique. Le risque<br />

et la sécurité, c’est toute une histoire.<br />

Même dans la vie quotidienne, on pense<br />

que tout est sous contrôle. Mais la vérité,<br />

c’est qu’on ne maîtrise pas grand-chose.<br />

Prenons le travail par exemple. On<br />

apprend tous un métier lambda, on se<br />

cherche une entreprise, grosse, de préférence,<br />

et on y reste. Mais ce sentiment<br />

de sécurité est trompeur. Aujourd’hui,<br />

les entreprises passent tellement vite de<br />

main en main, ou bien il peut toujours<br />

VAISSEAU<br />

SPATIAL<br />

Le « tableau de bord »<br />

du yacht sous le pont.<br />

C’est ici que Norbert<br />

dort par tranches de<br />

quinze minutes.<br />

arriver quelque chose (ces choses inattendues<br />

qui peuvent arriver, on est justement<br />

en plein dedans, ndlr) et pouf – on<br />

se retrouve sans boulot. Ou bien on est<br />

éjecté parce qu’on est trop vieux. Ce qui<br />

est encore plus tragique, c’est quand on<br />

accepte un boulot pour cette apparente<br />

sécurité et que l’on n’aime même pas ce<br />

que l’on fait. Moi, le déclic, je l’ai eu à<br />

trente ans. J’étais fonctionnaire et je travaillais<br />

pour les transports en commun<br />

viennois, en Autriche. Je m’asseyais tous<br />

les jours dans mon tram, je m’efforçais<br />

d’être aussi sympathique que possible et<br />

j’attendais que tout cela soit enfin fini.<br />

Mais ce n’est pas une vie ! C’est là que j’ai<br />

décidé de prendre un risque et de gagner<br />

ma vie en faisant quelque chose qui me<br />

plaît, à savoir naviguer.<br />

Et donc vous avez eu de la chance.<br />

Si c’est de la chance, c’est la chance<br />

du bosseur.<br />

ALAMY STOCK VECTOR<br />

78 THE RED BULLETIN


Ce n’est pas un peu arrogant ?<br />

Je ne trouve pas. C’est une manière de<br />

voir la vie et ses propres capacités. Je<br />

vois cela tellement souvent, des gens<br />

qui pensent qu’ils ne peuvent pas faire<br />

ce qu’ils veulent, mais la vérité, c’est<br />

qu’ils n’ont jamais vraiment rien fait<br />

pour. Ils ont une idée, ils commencent<br />

à y réfléchir et puis, ouh, ça a l’air compliqué,<br />

je n’y arriverai jamais. Ce qu’ils<br />

voudraient en fait, c’est quelqu’un qui<br />

vienne les prendre par la main. C’est le<br />

grand classique de notre époque. Je veux<br />

dire : quand un carton est trop lourd à<br />

porter, il suffit d’en faire trois plus petits<br />

et de les prendre les uns après les autres.<br />

Quand on fait ça, au bout d’un moment,<br />

on arrive aussi à porter les gros. Mais il<br />

faut vraiment le vouloir. C’est pour cela<br />

que c’est important de découvrir ce qu’on<br />

aime vraiment faire dans la vie. Et quand<br />

on a trouvé quelque chose, on prend ses<br />

responsabilités et on s’améliore de jour<br />

LE MATOS POUR UN TOUR DU MONDE<br />

Provisions, matériel technique, vêtements spécifiques et matériel médical. Tout est fin prêt.<br />

Le navigateur aura la possibilité de faire escale en chemin pour embarquer du nouveau matériel.<br />

THE RED BULLETIN 79


Le bateau<br />

Catégorie Open60AAL<br />

Longueur 18,28 mètres<br />

Largeur 5,82 mètres<br />

Hauteur de mât au-dessus<br />

du niveau de la mer 29 mètres<br />

Matériau de construction de<br />

la coque Fibre de roche<br />

volcanique et balsa écocertifié<br />

Moteurs Deux moteurs Oceanvolt<br />

(électriques, de 10 kW et 14 CV<br />

chacun) pour la navigation et<br />

l’électricité ; le bateau bénéficie<br />

ainsi d’une alimentation 100 %<br />

sans énergies fossiles


en jour. À chaque pas dans cette direction,<br />

le risque diminue.<br />

Votre tour du monde est probablement<br />

le meilleur exercice en la matière.<br />

Vous naviguerez en solitaire pendant<br />

sept mois. Sans personne à bord sur<br />

qui rejeter la faute quand quelque<br />

chose se passera de travers.<br />

Exact. J’ai même construit mon bateau<br />

moi-même. Donc quand je veux savoir<br />

qui a fait une connerie, je me regarde<br />

dans le miroir et je me dis : « Tu as<br />

déconné, mais maintenant, tu vas tout<br />

arranger. » C’est la base : quand on foire<br />

quelque chose, on répare. Et quand on<br />

y arrive, il n’y a rien de mal à être fier<br />

de ce que l’on a fait.<br />

Être fier de ce qu’on fait, c’est un peu<br />

passé de mode, il me semble.<br />

Je trouve aussi. Et pourtant, c’est une<br />

très bonne manière de transformer les<br />

épreuves en succès.<br />

En mode : « Si j’assume maintenant,<br />

je pourrai être fier de ce que j’ai fait<br />

ensuite. »<br />

Oui, et il faut aussi se bouger avant qu’il<br />

n’arrive quelque chose qui nous tire vers<br />

le bas. Un exemple : selon nos estimations,<br />

le bateau devra résister à environ<br />

40 millions de vibrations en sept mois<br />

passés en mer. Donc il y aura toujours<br />

quelque chose à réparer. Il faut repérer<br />

les failles avant qu’elles ne deviennent<br />

graves. Toutes les zones de frottement<br />

par exemple. On voit une corde qui est<br />

un peu déchirée. On se dit que ça ira<br />

bien. Faux ! Trois jours plus tard – bam !<br />

Elle se déchire. Là, pas de bol, la voile<br />

vous glisse des mains et tombe dans<br />

l’eau, ça fait un trou et la corde de la<br />

voile se prend dans l’hélice – réaction<br />

en chaîne classique. C’est pour cela qu’il<br />

faut être vraiment méticuleux. Si on<br />

remarque quelque chose qui cloche, pas<br />

le choix : il faut réparer ou remplacer –<br />

même quand on est fatigué.<br />

Et ça marche à tous les coups ?<br />

C’est sûr qu’il y a des moments où j’ai<br />

envie de tout laisser tomber. Je me dis<br />

que je m’en tape de tout ça, mais au<br />

même moment, je remarque qu’il y a une<br />

partie de mon cerveau qui cherche déjà<br />

une solution dans son coin.<br />

OCEAN RACER<br />

Le yacht devra résister à<br />

40 millions de vibrations<br />

pendant sa course autour<br />

du monde.<br />

81


Ça aide d’exprimer ses émotions ?<br />

De hurler en pleine mer ?<br />

Bien sûr. Il faut faire redescendre la pression.<br />

Ensuite, on est plus à même de<br />

réfléchir et de trouver une solution. C’est<br />

mieux que de ronger son frein, de râler,<br />

etc. C’est aussi de cette manière que l’on<br />

fonctionne dans notre couple avec ma<br />

femme. Quand quelque chose ne va pas,<br />

on le dit. Au moment où ça ne va pas.<br />

Et pas : oui, bon, je l’aime après tout, et<br />

puis, vient un moment où les rancunes<br />

s’accumulent et on finit par se déchirer<br />

sans savoir pourquoi.<br />

En parlant des amis et de la famille,<br />

comment supporte-t-on sept mois<br />

de solitude ? Est-ce que ça vous aide<br />

d’avoir des contacts avec l’extérieur ?<br />

C’est à double tranchant. Il faut bien se<br />

dire que quand on part comme ça, au<br />

bout d’un ou deux jours, on est déjà dans<br />

un autre monde. On se retrouve seul face<br />

à soi-même, la mer et son bateau et,<br />

« Ne pas dormir<br />

plus de quinze<br />

minutes d’affilée<br />

pendant sept mois ?<br />

On s’y fait. »<br />

quand c’est possible, on s’assure de<br />

reprendre quelques forces, de dormir<br />

un peu et de se la couler douce ou de<br />

faire ce qu’on a à faire. Ce n’est pas bon<br />

de trop communiquer avec ses proches.<br />

Et ce qu’il faut éviter à tout prix, ce sont<br />

les mauvaises nouvelles. On a établi une<br />

règle entre nous : je ne me plains pas<br />

et ils en font autant. Cela ne nous apporterait<br />

rien.<br />

Vous allez naviguer d’une traite et<br />

vous n’accosterez jamais pour vous<br />

reposer. Comment faites-vous pour<br />

dormir ?<br />

En faisant des siestes éclair. Je m’équipe<br />

de pied en cap et je m’installe devant les<br />

armatures. Elles m’avertissent quand<br />

quelque chose ne va pas. Et mon réveil<br />

sonne toutes les quinze minutes. Là, je<br />

fais une vérification d’ensemble et je me<br />

rendors.<br />

Donc vous passez 200 jours à ne pas<br />

dormir huit heures d’affilée, mais<br />

seulement par tranches de quinze minutes.<br />

Est-ce que vous gardez un semblant<br />

de rythme jour/nuit ?<br />

Non. Il faut se consacrer entièrement aux<br />

besoins de son bateau. Et ils dépendent<br />

principalement de la météo. Donc je profite<br />

de vraiment toutes les opportunités,<br />

quelle que soit l’heure, pour me reposer<br />

et me détendre. D’une manière générale,<br />

je suis un petit dormeur. Mais c’est sûrement<br />

une question de tempérament.<br />

Qu’en est-il des repas ?<br />

Je les ai répartis très précisément.<br />

Les provisions que j’embarque représentent<br />

en tout 1,3 million de kilocalories.<br />

Je mange plus souvent, mais en<br />

petites portions, pour pouvoir réagir<br />

de la manière la plus flexible possible<br />

à mes besoins en calories selon mon<br />

activité du moment.<br />

Que faites-vous en cas de blessure ou<br />

de problème de santé ?<br />

J’ai trois grosses caisses de matériel<br />

médical à bord. Elles contiennent à peu<br />

près tout ce dont on peut avoir besoin<br />

pour les premiers soins et les traitements<br />

complémentaires quand il n’y a aucun<br />

médecin à la ronde sur plusieurs centaines<br />

de milles marins.<br />

Même en cas de problème plus grave,<br />

vous vous débrouillez seul ?<br />

Dans ce cas-là, je contacte un spécialiste,<br />

un dentiste ou un chirurgien pour qu’il<br />

m’explique ce qu’il faut que je fasse et<br />

quels médicaments je dois prendre. Mais<br />

c’est plus facile à dire qu’à faire. Parce<br />

que la plupart des médecins diront : « Ce<br />

n’est pas possible, vous devez tout de<br />

suite vous rendre à l’hôpital. » Mais en<br />

plein milieu de l’Atlantique, il faut se<br />

POSTE DE<br />

TRAVAIL<br />

Dans le cockpit,<br />

Sedlacek manipule<br />

les voiles pour<br />

diriger le bateau.<br />

82 THE RED BULLETIN


AU-DELÀ DE<br />

L’HORIZON<br />

Norbert Sedlacek,<br />

en pleine mer sur son<br />

bateau, mettant le cap<br />

sur l’inconnu, là où<br />

l’on peut se découvrir<br />

soi-même.<br />

débrouiller avec ce que l’on a. Donc on<br />

n’arrête jamais d’apprendre, c’est aussi<br />

ça, la beauté de la chose.<br />

Quelle superficie avez-vous à bord ?<br />

Le pont fait 75 m², mais il n’est pas habitable<br />

et pas facilement praticable, vu<br />

qu’il est toujours humide dès qu’on prend<br />

un peu de vitesse. Donc il y a le cockpit<br />

à l’extérieur et il y a l’intérieur – en tout,<br />

ça doit faire 10 ou peut-être 12 m².<br />

Et ça vous va d’y passer des mois ?<br />

C’est un domicile que l’on choisit de<br />

son plein gré. On en a besoin pour partir<br />

à la quête de soi-même. Vivre de nouvelles<br />

choses, faire tout ce que l’on n’a<br />

pas le temps de faire en temps normal.<br />

Apprendre de nouvelles choses par soimême<br />

au lieu d’appeler des gens quinze<br />

fois par jour ou de surfer sur Internet.<br />

De temps en temps, on peut aussi tout<br />

simplement se poser, observer la nature<br />

et s’écouter soi-même. Ou alors s’interroger<br />

: est-ce que je vis la vie que j’ai envie<br />

de vivre ? C’est important de se poser<br />

cette question de temps en temps.<br />

Une introspection en environnement<br />

spartiate, en somme. À ce propos,<br />

est-ce vrai que vous n’avez pas de<br />

chauffage à bord, alors que vous allez<br />

endurer des températures de – 20 °C<br />

dans les zones arctiques et antarctiques<br />

?<br />

C’est vrai. D’après ce que j’ai vécu en<br />

Antarctique, la température, c’est un<br />

stress permanent pour le corps, parce<br />

qu’il doit sans cesse s’adapter à une<br />

alternance chaud-froid-chaud-froid. Il<br />

faut monter sur le pont toutes les deux<br />

minutes parce qu’on est le seul à faire<br />

le job. Donc, on enfile deux ou trois<br />

couches de vêtements spéciaux pour<br />

résister au froid. Et puis, on retourne<br />

dans la cabine et là, on se prend les<br />

+ 20 °C dans la face. Donc on enlève<br />

tout. Mais déjà, il faut ressortir. Donc<br />

on renfile tout. En fait, on a le choix :<br />

soit on transpire comme pas possible à<br />

l’intérieur, soit on sort pas assez habillé<br />

à l’extérieur, soit on perd des plombes<br />

à renfiler toutes ces couches de vêtements<br />

encore et encore.<br />

« Je n’ai pas besoin<br />

de chauffage, même<br />

dans les régions<br />

glaciaires. »<br />

Oui, et donc, le froid ?<br />

On s’y habitue avec le temps. À l’intérieur,<br />

il ne fait pas aussi froid que sur<br />

le pont en plein vent. Et puis, je porte<br />

des vêtements spéciaux. Comme ça, par<br />

exemple (il prend un tee-shirt à manches<br />

longues super fin sur une pile de vêtements),<br />

ça permet au moins de garder<br />

le buste bien au chaud, qu’il fasse – 10 °C<br />

ou + 15 °C. Ce n’est pas encore vendu en<br />

magasin – je fais le cobaye sur ce coup.<br />

Quelqu’un qui envisagerait de laisser<br />

sa vie ordinaire derrière soi et de<br />

réaliser ses rêves – quels conseils<br />

auriez-vous à lui donner ?<br />

D’abord, soyez honnête avec vous-même.<br />

Trouvez ce que vous voulez vraiment<br />

faire et ce dont vous êtes capable.<br />

Ensuite, allez-y à fond, sans filet de sécurité.<br />

C’est la meilleure manière de mobiliser<br />

son énergie, sa détermination, et les<br />

soutiens. Et aussi, profitez de toutes les<br />

occasions pour apprendre. Enfin, gardez<br />

les pieds sur terre. Vous n’êtes pas un<br />

champion, seulement un être humain qui<br />

évolue sans cesse et qui fait chaque jour<br />

avec une grande détermination un petit<br />

peu plus de ce qui le fait vraiment vibrer.<br />

ant-arctic-lab.com<br />

THE RED BULLETIN 83


RED BULL SANS SUCRE<br />

MAIS RED BULL QUAND MÊME.<br />

<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />

POUR VOTRE SANTÉ, ÉVITEZ DE MANGER TROP GRAS, TROP SUCRÉ, TROP SALÉ. WWW.MANGERBOUGER.<strong>FR</strong>


PERSPECTIVES<br />

Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />

DANS LE<br />

SILLAGE DES<br />

ATHERTON<br />

Dyfi Bike Park,<br />

Pays de Galles<br />

85


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

Dan Atherton mène une clique de pilotes<br />

sur les pistes du Dyfi. Ci-dessous, de<br />

gauche à droite : Dan et son frère Gee<br />

veillent sur les 260 hectares de leur bike<br />

park ; Al Bond convie les riders à une<br />

séance d’entraînement ; vous serez peutêtre<br />

le prochain à prendre de l’altitude.<br />

86 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

A four-blade design<br />

made from layers of<br />

woodA four-bla A fourblade<br />

design made<br />

from layers of woodA<br />

four-blade design<br />

made from layers of<br />

woodA four-blade design<br />

made from layers<br />

of woodA four-blade<br />

design made from<br />

layers of wood<br />

de design made from<br />

layers of wood<br />

« Il y a des trails partout, ils vous<br />

font parcourir un paysage fantastique<br />

de rivières, de forêts et<br />

de vues à couper le souffle. »<br />

Al Bond, entraîneur VTT de la Fédération<br />

de Cyclisme de Grande-Bretagne<br />

Je me trouve juste en dessous<br />

du sommet de Tarren y Gesail<br />

en Snowdonia, au Pays de<br />

Galles, avec ses 667 m d’altitude surplombant<br />

les cimes de la forêt d’Esgair<br />

et les plages de sable de Cardigan Bay.<br />

C’est ici que commence la piste – une<br />

descente à pic à travers Dyfi Valley, qui<br />

se terminera pratiquement au niveau de<br />

la mer. Avec ses 263 hectares, le Dyfi<br />

Bike Park est le plus grand bikepark du<br />

Royaume-Uni et le terrain d’entraînement<br />

des Atherton, vététistes et champions<br />

de descente et d’enduro.<br />

Voilà six ans que Dan Atherton – le<br />

technicien de la famille – a construit les<br />

trails d’origine dans ces collines pour<br />

que sa sœur et son frère, Rachel et Gee,<br />

puissent s’entraîner. Depuis, ils ont remporté<br />

huit championnats du monde et<br />

49 coupes du monde. C’est également ici<br />

que se trouve le bébé le plus redoutable<br />

de Dan, le parcours <strong>Red</strong> Bull Hardline.<br />

Ils ont décidé d’ouvrir le parc au public<br />

l’année dernière, afin que tout le monde<br />

puisse en profiter.<br />

Je fais du VTT avec les Atherton<br />

depuis que j’ai 17 ans, et je parcours les<br />

trails de Dyfi Valley depuis que Dan les a<br />

construits. Ils m’ont beaucoup appris, j’ai<br />

participé à des coupes du monde et au<br />

<strong>Red</strong> Bull Hardline, et ai remporté le titre<br />

de British Elite overall DH champion en<br />

2011, avant que des blessures ne<br />

m’obligent à arrêter la compétition.<br />

Désormais je suis entraîneur et enseigne<br />

l’art du VTT dans ce superbe bikepark.<br />

Je n’ai jamais vu de paysage comparable<br />

en Grande-Bretagne. Lorsque vous<br />

êtes au sommet, des trails partent dans<br />

toutes les directions et vous font parcourir<br />

un paysage fantastique de rivières, de<br />

forêts et de vues à couper le souffle. Les<br />

descentes palpitantes mettant la gravité<br />

à profit n’ont de semblable que dans les<br />

Alpes. Il y a des pistes pour tous les<br />

types de pilotes, dont deux pistes rouges<br />

toutes neuves, pour acquérir de nouvelles<br />

compétences, que vous pourrez<br />

appliquer sur les pistes noires ensuite.<br />

La piste que j’emprunte aujourd’hui<br />

est la 50 Hits, qui porte bien son nom<br />

étant donné les cinquante sauts qu’elle<br />

vous fera effectuer. Elle commence à<br />

400 m d’altitude, juste en dessous de la<br />

zone de vols militaires à basse altitude<br />

de la Royal Air Force. Sur 3 600 mètres,<br />

elle suit la crête tandis que les avions de<br />

chasse sifflent au-dessus de vos têtes.<br />

Même à fond, il y en a pour huit minutes<br />

de descente, truffées de passerelles,<br />

à faire pomper l’adrénaline.<br />

Chaque saut est conçu de manière<br />

à vous lancer dans les airs et à vous faire<br />

atterrir exactement là où vous entamerez<br />

le prochain, à la bonne vitesse ; je n’ai<br />

quasiment aucun de coup de pédale à<br />

donner. La répétition est une base parfaite<br />

pour le processus d’apprentissage<br />

– il est plus simple d’apprendre à sauter<br />

en effectuant cinquante sauts en sécurité,<br />

sur un seul trail. Il en est de même<br />

pour les bosses et les virages ; si vous<br />

vous trouvez sur une piste étroite et<br />

rocheuse bordée d’arbres, votre cerveau<br />

ne pourra pas traiter plus d’informations.<br />

Un Land Rover aura beau vous emmener<br />

au sommet en onze minutes, il vous<br />

THE RED BULLETIN 87


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

LA FOURCHE AVANT<br />

ET LES AMORTIS-<br />

SEURS ARRIÈRE<br />

Absorption des chocs<br />

avec la fourche et le<br />

système DW6 : 150 mm<br />

de débattement.<br />

LE CADRE<br />

Une géométrie sophistiquée<br />

permet une<br />

position parfaite du<br />

corps pour les descentes<br />

raides et pour<br />

pédaler efficacement.<br />

LES ROUES<br />

Les roues de 29<br />

pouces encaissent<br />

mieux que les anciens<br />

standards de 26.<br />

Atherton Bikes<br />

Enduro 29”<br />

Comment les VTT Atherton vous permettent<br />

de « flotter » en descente.<br />

TOUS TERRAINS<br />

Le design est inspiré<br />

de l’expérience de Dan<br />

Atherton en compétition<br />

de VTT enduro.<br />

faudra mériter votre descente. Avec<br />

chaque passerelle et chaque drop, vos<br />

bras et vos jambes servent de suspension,<br />

tandis que les muscles de la partie<br />

supérieure du corps vous maintiennent<br />

en position et votre tronc solidifie l’ensemble.<br />

En travaillant votre agilité vous<br />

aurez une meilleure posture sur votre<br />

VTT, peut-être même que vous éviterez<br />

quelques chutes.<br />

Le secret du succès de Dan, Gee et<br />

Rachel est d’être partis dans la forêt et<br />

d’avoir construit leurs propres sauts et<br />

pistes. Leur savoir réuni sur la manière<br />

de combiner les sauts à la vitesse et à la<br />

pente, ainsi que leur compréhension du<br />

virage parfait, ont abouti à des pistes<br />

intelligentes.<br />

Lorsqu’un trail vous porte, vous<br />

n’avez pas à vous efforcer de gagner en<br />

vitesse, en fait cela vous aidera même<br />

à accélérer. Concentrez- vous sur les<br />

trajectoires que vous trouvez les plus<br />

confortables, puis efforcez- vous de lever<br />

consciemment les yeux et de regarder<br />

ce qui se trouve devant vous.<br />

D’ici votre dernière descente vers la<br />

base, vous aurez un immense sentiment<br />

d’accomplissement, et vous réaliserez<br />

que vous êtes capable de dévaler les<br />

mêmes pistes que les meilleurs pilotes<br />

du monde empruntent pour s’entraîner<br />

tous les jours.<br />

Dyfi Bike Park<br />

Localisation Bordure sud du<br />

Snowdonia National Park<br />

Surface 263 hectares<br />

Distance des trails<br />

0,62 km à 3,6 km<br />

Durée des descentes<br />

5 à 10 min par trail<br />

Ascension<br />

Remontée uniquement<br />

Niveau<br />

Rouge à « triple black diamond »<br />

dyfibikepark.co.uk<br />

Liverpool<br />

Dyfi Bike<br />

Park<br />

<strong>The</strong> Super<br />

Swooper<br />

Rachel Atherton, multiple<br />

championne du monde,<br />

nous décrit l’un des<br />

nouveaux trails du Dyfi :<br />

la piste rouge.<br />

« Cette piste vous permet de<br />

développer vos compétences<br />

en matière de bosses et de<br />

sauts, ce qui s’ajoutera<br />

parfaitement au savoir-faire<br />

acquis dans les bikeparks plus<br />

classiques, afin de devenir un<br />

pilote accompli.<br />

Le trail part du sommet<br />

de la montagne, et lors des<br />

quinze premières bosses, sur<br />

la partie haute de la montagne,<br />

la vue sur les alentours est<br />

imprenable.<br />

Vous dévalez la pente d’une<br />

bosse à l’autre, presque<br />

comme un oiseau. Puis trois<br />

grands tunnels de bois vous<br />

font passer sous la piste de<br />

downhill et la jumpline.<br />

Ensuite, vous passez sous<br />

les arbres avec encore plus de<br />

bosses. Puis viennent deux<br />

passerelles, plutôt faciles, qui<br />

vous permetteront de gagner<br />

en confiance pour les sauts.<br />

C’est le trail le plus fun sur<br />

lequel je suis descendue<br />

depuis des années. »<br />

DAN GRIFFITHS/MOONHEAD MEDIA, ALAMY MATT RAY<br />

88 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

RANDO<br />

Un pas<br />

assuré<br />

Merrell MQM Flex 2<br />

Les lacets intégrés<br />

à la languette et une<br />

semelle intérieure<br />

doublée de mérinos<br />

assurent confort<br />

et maintien sur tous<br />

les terrains.<br />

TIM KENT<br />

Les randonneurs se divisent en deux groupes : ceux qui marchent et ceux qui courent. Pour les distinguer, un coup d’œil à<br />

leurs chaussures suffit. Ces dernières années, les randonneurs se sont habitués à porter des chaussures de trail running<br />

lors de leurs promenades, c’est pourquoi Merrell a conçu une chaussure spécialement pour eux. L’acronyme MQM signifie<br />

Move Quickly in the Mountains et, à cet égard, elles sont dotées d’une semelle extérieure antidérapante, de rainures<br />

flexibles sur la semelle intermédiaire qui facilitent le contact avec le sol et d’un talon à coussin d’air qui absorbe les chocs.<br />

La partie supérieure est constituée d’une maille imperméable, d’une membrane Gore-TEX respirante et d’une languette<br />

à soufflet, ainsi que d’un embout en polyuréthane thermoplastique. Une plaque en dur sous la semelle matelassée protège<br />

contre les pierres tranchantes. Elles sont si belles que vous pourriez même les porter en ville. merrell.com<br />

THE RED BULLETIN 89


PERSPECTIVES<br />

fitness<br />

« Lorsque l’air<br />

est pauvre en<br />

oxygène, notre<br />

corps produit<br />

plus de globules<br />

rouges. »<br />

Dylan Bowman<br />

Dylan a remporté<br />

des ultramarathons<br />

en Australie et<br />

Nouvelle-Zélande.<br />

Manquer<br />

d’air pour se<br />

surpasser !<br />

Comment produire plus<br />

de globules rouges sans<br />

technologie coûteuse.<br />

ENTRAÎNEMENT AU TOP<br />

Air raréfié pour<br />

perf de pointe<br />

Des sportifs de haut niveau s’entraînent avec de l’air à<br />

faible teneur en oxygène pour booster leurs capacités.<br />

Moins il y en a, mieux c’est.<br />

Les sportifs de haut niveau<br />

le savent bien : plus l’altitude<br />

à laquelle on s’entraîne est<br />

élevée, moins il y a d’oxygène<br />

dans l’air. Ainsi, pour rester<br />

performant, notre corps produit<br />

plus de globules rouges<br />

afin d’optimiser l’apport<br />

d’oxygène aux muscles. Cette<br />

concentration plus élevée en<br />

globules rouges perdure<br />

quinze jours, ce qui, à une<br />

altitude plus basse, a pour<br />

effet d’améliorer la performance<br />

lors de compétitions.<br />

Et si l’on ne peut pas s’entraîner<br />

en haute montagne ?<br />

Des entreprises comme<br />

Hypoxico ont développé des<br />

outils qui simulent les conditions<br />

que l’on trouve en altitude.<br />

Ainsi, le coureur américain<br />

d’ultramarathon Dylan<br />

Bowman, 34 ans, se prépare<br />

aux courses en passant ses<br />

nuits à dormir dans une tente<br />

à l’intérieur de laquelle la<br />

teneur en oxygène correspond<br />

à celle à 4 200 mètres<br />

d’altitude. Si vous préférez<br />

vous entraîner de jour, vous<br />

pouvez vous équiper d’un<br />

masque spécial connecté<br />

à un générateur d’air raréfié<br />

– par exemple lors de vos<br />

séances à l’ergomètre.<br />

hypoxico.com<br />

À pleins poumons :<br />

un générateur<br />

d’air raréfié pour<br />

l’entraînement<br />

à la maison.<br />

ENTRAÎNEMENT À<br />

L’HYPERVENTILATION<br />

Retenir son souffle pendant<br />

un nombre fixéde tours de<br />

pédale, de brasses ou de pas.<br />

L’EFFET<br />

Comme lors d’une séance<br />

en haute montagne, le corps<br />

est en stress hypoxique et<br />

augmente l’apport d’oxygène<br />

vers les muscles.<br />

ATTENTION !<br />

L’équilibre entre intensité<br />

de l’entraînement et hypoxie<br />

est crucial. 3 à 5 secondes<br />

de pause respiratoire<br />

suffisent.<br />

AARON ROGOSIN/RED BULL CONTENT POOL, MICHAEL CLARK/RED BULL CONTENT POOL<br />

FLORIAN OBKIRCHER TOM MACKINGER<br />

90 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

MUSCU<br />

Matière<br />

grise<br />

JaxJox KettlebellConnect<br />

Cet accessoire d’entraînement<br />

a des racines historiques.<br />

Les Grecs anciens<br />

connaissaient déjà la<br />

forme originale du kettlebell<br />

(un poids avec une<br />

poignée de préhension).<br />

Sa forme actuelle remonte<br />

à la girya russe, un poids<br />

en fonte qui servait à<br />

peser le grain avant que<br />

les haltérophiles et les<br />

entraîneurs de fitness<br />

ne s’en emparent. Le<br />

plus jeune rejeton de la<br />

famille des girya se<br />

nomme JaxJox Kettlebell­<br />

Connect, et se connecte<br />

à votre smartphone pour<br />

mesurer vos progrès à<br />

l’entraînement. En outre,<br />

des poids sous forme<br />

de disques, allant de 5,5<br />

jusqu’à 19 kilos, peuvent<br />

être ajoutés en appuyant<br />

sur un bouton situé dans<br />

la poignée. Les Grecs de<br />

l’Antiquité auraient salué<br />

une telle ingéniosité.<br />

jaxjox.com<br />

TIM KENT<br />

THE RED BULLETIN 91


PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

JOUER<br />

Pourquoi<br />

il restera<br />

légendaire<br />

La postérité d’un classique du jeu<br />

vidéo, Tony Hawk’s Pro Skater.<br />

La fin du XX e siècle a été une<br />

période faste pour Tony Hawk.<br />

En juin 1999, le skateur californien<br />

a réalisé le tout premier<br />

900 (deux rotations<br />

et demie à mi-hauteur) puis<br />

a abandonné le skate de compétition.<br />

Mais ce dont on se<br />

souvient le plus de cette<br />

année-là, c’est d’un jeu vidéo.<br />

Avec sa bande-son punk rock<br />

et son gameplay qui vous<br />

permettait de pénétrer dans<br />

l’univers des plus grands<br />

talents de ce sport, Tony<br />

Hawk’s Pro Skater a été un<br />

moment culturel pour tous<br />

ceux qui l’ont vécu – les<br />

gamers, les skateurs et Hawk,<br />

qui est devenu une superstar<br />

mondiale. Un an plus tard,<br />

Tony Hawk’s Pro Skater 2 est<br />

paru et a remporté encore<br />

plus de succès. Vingt ans<br />

plus tard, les deux jeux ont<br />

été remasterisés sous le nom<br />

de Tony Hawk’s Pro Skater<br />

1+2 et une nouvelle génération<br />

s’est jointe à l’équipe<br />

originale de skateurs (que<br />

l’on voit à leur âge actuel).<br />

Trois des pros qui apparaissent<br />

dans le jeu nous<br />

parlent de l’impact que la<br />

série a eu sur eux…<br />

Il m’a rendue célèbre<br />

« C’est une chose incroyable<br />

qui m’est arrivée, raconte la<br />

skateuse américaine Elissa<br />

Steamer, qui est apparue dans<br />

le jeu original quand elle avait<br />

25 ans. C’était bizarre d’aller<br />

dans des endroits où les gens<br />

ne faisaient pas de skate et<br />

de se faire dire : “Hey, tu es<br />

dans le Tony Hawk !” Je suis<br />

devenue super reconnaissable<br />

pour les gens qui ne faisaient<br />

même pas de skate. »<br />

Fait de la même étoffe : Riley Hawk, le fils de Tony Hawk, tel<br />

qu’il apparaît dans Tony Hawk’s Pro Skater 1+2.<br />

Il m’a encouragé à<br />

passer pro<br />

Leo Baker (ci-dessus) est un<br />

skateur trans californien qui<br />

fait ses débuts dans la version<br />

remasterisée. « J’avais la<br />

version pour la Nintendo 64<br />

quand j’avais huit ans, dit<br />

Baker, qui en a maintenant<br />

28. Rien que le titre, Pro<br />

Skater, m’a fait réaliser que<br />

ça pouvait être une carrière.<br />

Tu t’imagines faire des<br />

figures, traverser les niveaux.<br />

Maintenant que je me vois<br />

dans le jeu, c’est difficile à<br />

décrire. J’ai envoyé un texto<br />

à ma mère : “Je suppose que<br />

je suis devenu un skateur<br />

professionnel.” J’ai fait ce<br />

que j’avais dit que je ferais<br />

il y a vingt ans. »<br />

Sa bande-son a<br />

marqué les joueurs<br />

« Entendre toute cette<br />

musique pour la première<br />

fois a été un choc pour moi,<br />

dit Riley Hawk. Ces chansons<br />

sont gravées dans mon cerveau.<br />

Je ne pense pas que<br />

beaucoup d’enfants de mon<br />

âge auraient écouté quelque<br />

chose de semblable si cela<br />

n’avait pas fait partie du jeu. »<br />

Les skateurs ont été<br />

mis à contribution<br />

« Il y a eu plusieurs réunions<br />

pendant la conception de la<br />

première version. On parlait<br />

de ce que nous voulions porter,<br />

on nous apportait des<br />

vêtements puis on prenait<br />

quelques photos de nous,<br />

explique Steamer à propos<br />

du processus de création.<br />

La conception de la nouvelle<br />

version a été pratiquement<br />

identique sauf qu’il y avait<br />

ce gros appareil photo 360 °<br />

en forme de grosse boule<br />

avec des flashes. Je suis<br />

super sensible à la lumière<br />

et cela m’a fortement affectée<br />

pendant trois jours – tout<br />

ce que je voyais, c’était des<br />

boules de lumière. »<br />

C’est une source<br />

d’inspiration pour une<br />

nouvelle génération<br />

« Depuis que j’ai posté sur<br />

Instagram que je suis dans<br />

le jeu, beaucoup de gens qui<br />

s’identifient comme queer,<br />

non- binaires et trans ont dit<br />

qu’ils auraient aimé avoir ça<br />

en grandissant, dit Baker.<br />

Je suis tout simplement heureux<br />

pour ces jeunes queer<br />

qui voient un trans dans un<br />

jeu vidéo et qui se sentent<br />

capables de le faire aussi. »<br />

Cela nous rassemble,<br />

qui que nous soyons<br />

« Je pense que c’est un point<br />

commun entre les skateurs,<br />

les non-skateurs et les<br />

gamers, dit Steamer. Tous<br />

les gens que vous rencontrez<br />

vous demandent : “Qu’est-ce<br />

que tu fais ?” Toi : “Je fais du<br />

skate.” Et ils disent : “Oh, tu<br />

connais Tony Hawk ? T’as déjà<br />

vu le jeu vidéo ?” C’est toujours<br />

la première question. »<br />

Tony Hawk’s Pro Skater 1+2<br />

sur PS4, Xbox One et Windows ;<br />

tonyhawkthegame.com<br />

ACTIVISION JAKE TUCKER<br />

92 THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN<br />

Retrouvez votre prochain numéro le 29 octobre avec et le 5 novembre avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />

LITTLE SHAO / RED BULL CONTENT POOL


PERSPECTIVES<br />

agenda<br />

30<br />

octobre<br />

RED BULL NEPTUNE STEPS<br />

À vos maillots, combinaisons et bonnets de bain : le <strong>Red</strong> Bull Neptune Steps revient à Hédé-Bazouges,<br />

en Bretagne ! Et le concept reste inédit pour un événement sportif et convivial hors normes : une<br />

course de natation avec franchissement d’écluses. Une épreuve de nage en eau libre sur 670 mètres<br />

à contre-courant qui intègre une série de cinq obstacles (dont les fameuses trois écluses). Le tout<br />

dans une eau très froide, autour de 10 °C, ce qui rend la mission d’autant plus exigeante. Ce format<br />

de course séduira assurément les passionnés de natation et de défis extrêmes. 500 vaillants nageurs<br />

et nageuses sont attendus, et ça vaudra aussi le coup côté public… Hédé-Bazouges ; redbull.com<br />

Déjà dispo<br />

A LAND SHAPED<br />

BY WOMEN<br />

Les snowboardeuses freeride Anne-<br />

Flore Marxer et Aline Bock ont passé<br />

un hiver à réaliser ce film, dans les<br />

paysages inspirants de l’Islande, pays<br />

classé en tête pour l’égalité des sexes<br />

par le Forum économique mondial<br />

onze ans de suite. Cette production<br />

originale honore l’égalité des droits<br />

dans un sport historiquement dominé<br />

par les hommes.<br />

redbull.com<br />

Déjà dispo<br />

RETURN TO<br />

EARTH<br />

On se souviendra de<br />

<strong>2020</strong> pour ces longues<br />

périodes passées à domicile.<br />

Ce film de VTT<br />

célèbre le temps qui<br />

s’écoule, et ceux qui<br />

savent en profiter. Tourné<br />

dans des lieux magnifiques,<br />

des déserts de<br />

l’Utah aux montagnes<br />

de Patagonie, et mettant<br />

en lumière les performances<br />

de Brett Rheeder,<br />

Thomas Vanderham<br />

et Casey Brown, ce<br />

voyage cinématographique<br />

va vous reconnecter<br />

avec la nature.<br />

redbull.com<br />

Déjà dispo<br />

OPEN THE<br />

DOORS<br />

Ce documentaire se voulait<br />

une célébration d’une<br />

nouvelle équipe de F1 :<br />

LA Scuderia AlphaTauri,<br />

ex-Toro Rosso. Mais suite<br />

à l’annulation du Grand<br />

Prix d’Australie en mars,<br />

il est devenu un témoignage<br />

sans précédent<br />

de l’état d’esprit d’une<br />

équipe de Formule 1<br />

pendant la période de<br />

confinement, et ses<br />

débuts tardifs au GP<br />

d’Autriche en juillet.<br />

redbull.com<br />

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, NICK PUMPHREY<br />

94 THE RED BULLETIN


PROMOTION<br />

Grâce à l’application<br />

komoot, Sofiane<br />

Sehili optimise ses<br />

itinéraires.<br />

NILS LAENGNER<br />

L’AVENTURE<br />

À VÉLO EN<br />

EXCLUSIVITÉ<br />

Komoot propose des parcours<br />

à vélo sans stress, conçus sur<br />

des itinéraires à votre envergure.<br />

Voyager à vélo est une manière très<br />

enrichissante de découvrir le monde.<br />

Mais si vos sorties vous font tourner<br />

en rond, il est temps de changer<br />

votre façon de rouler.<br />

Bienvenue dans komoot : l’application<br />

de planification d’itinéraire et<br />

de navigation permet de vivre de<br />

nouvelles expériences et de rouler<br />

dans des endroits où vous n’êtes<br />

jamais allé auparavant, en toute<br />

sérénité. Plus de déconvenues : vous<br />

ne vous perdrez plus, vous ne roulerez<br />

plus sur des routes encombrées,<br />

des sentiers impraticables ou des<br />

chemins inexistants.<br />

Komoot offre ces spécificités<br />

grâce à un algorithme éprouvé qui<br />

donne la priorité au type de routes<br />

et pistes que vous préférez et en<br />

basant les itinéraires suggérés sur<br />

les recommandations d’autres utilisateurs.<br />

Komoot vous mène à votre<br />

destination via des itinéraires<br />

approuvés par les riders et truffés<br />

de joyaux cachés à découvrir.<br />

Pour utiliser cette application en<br />

téléchargement gratuit, il vous suffit<br />

d’entrer vos points de départ et<br />

d’arrivée, votre niveau de forme<br />

physique et de préciser le type de<br />

sortie envisagée (route, gravel ou<br />

VTT). Komoot vous proposera un<br />

parcours exclusif affichant distance,<br />

profil de dénivelé et type de surface :<br />

plus de mauvaises surprises !<br />

Coursier à Paris et cycliste<br />

d’ultra- endurance, Sofiane Sehili a<br />

l’esprit curieux de nature. « Komoot<br />

est la meilleure appli pour planifier<br />

ses itinéraires », explique celui qui<br />

a remporté l’édition inaugurale de<br />

la PEdALED Atlas Mountain Race<br />

au Maroc (soit 1 145 km réalisés en<br />

trois jours).<br />

Pour des sorties en France ou des<br />

challenges à travers l’Europe, l’appli<br />

lui assure des parcours exclusifs.<br />

« Avec komoot, j’apprécie les informations<br />

ultra précises qui sont données<br />

sur la nature des routes empruntées,<br />

explique celui qui a roulé en Turquie,<br />

à Taïwan, en Ouzbékistan, en<br />

Nouvelle- Zélande ou encore au Tibet.<br />

Mais surtout, j’apprécie la capacité<br />

de komoot à calculer des itinéraires<br />

directs tout en évitant les routes fréquentées<br />

», se réjouit Sofiane.<br />

Suivez notre<br />

cycliste aventurier<br />

avec ce QR Code.


MENTIONS LÉGALES<br />

THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans six pays.<br />

Vous voyez ici la une<br />

de l’édition américaine<br />

qui convie la phénoménale<br />

rappeuse Saweetie.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

Rédacteur en chef<br />

Alexander Macheck<br />

Rédacteur en chef adjoint<br />

Andreas Rottenschlager<br />

Directeur créatif<br />

Erik Turek<br />

Directeurs artistiques<br />

Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />

Miles English, Tara Thompson<br />

Directrice photo<br />

Eva Kerschbaum<br />

Directeurs photos adjoints<br />

Marion Batty, Rudi Übelhör<br />

Responsable des infos et du texte<br />

Jakob Hübner, Andreas Wollinger<br />

Responsable de la production<br />

Marion Lukas-Wildmann<br />

Managing Editor<br />

Ulrich Corazza<br />

Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />

Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />

Booking photo<br />

Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza<br />

Directeur de la publication<br />

Andreas Kornhofer<br />

Directeur du management<br />

Stefan Ebner<br />

Directeur des ventes médias et partenariats<br />

Lukas Scharmbacher<br />

Publishing Management Sara Varming (Dir.),<br />

Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz<br />

Marketing B2B & Communication<br />

Katrin Sigl (Dir.), Alexandra Ita,<br />

Teresa Kronreif, Stefan Portenkirchner<br />

Directeur créatif global<br />

Markus Kietreiber<br />

Co-publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth<br />

Staber (Dir.), Mathias Blaha, Raffael Fritz,<br />

Thomas Hammerschmied, Valentina Pierer,<br />

Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />

Sara Wonka, Julia Bianca Zmek,<br />

Edith Zöchling-Marchart<br />

Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.),<br />

Simone Fischer, Alexandra Hundsdorfer,<br />

Martina Maier, Julia Schinzel, Florian Solly<br />

Emplacements publicitaires<br />

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />

Production Friedrich Indich, Walter O. Sádaba,<br />

Sabine Wessig<br />

Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.),<br />

Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />

Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />

Fabrication Veronika Felder<br />

MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler<br />

Opérations Melanie Grasserbauer,<br />

Alexander Peham, Yvonne Tremmel<br />

Assistante du Management général<br />

Patricia Höreth<br />

Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.),<br />

Nicole Glaser (Distribution), Victoria Schwärzler,<br />

Yoldaş Yarar (Abonnements)<br />

Siège de la rédaction<br />

Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche<br />

Téléphone +43 (0)1 90221-28800,<br />

Fax +43 (0)1 90221-28809<br />

Web redbulletin.com<br />

Direction générale<br />

<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />

Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />

5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />

Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />

Directeurs généraux<br />

Dietrich Mateschitz, Dietmar Otti,<br />

Christopher Reindl, Marcus Weber<br />

THE RED BULLETIN<br />

France, ISSN 2225-4722<br />

Country Editor<br />

Pierre-Henri Camy<br />

Country Coordinator<br />

Christine Vitel<br />

Country Project Management<br />

Alessandra Ballabeni,<br />

alessandra.ballabeni@redbull.com<br />

Traductions Willy Bottemer,<br />

Suzanne Kříženecký, Jean-Pascal<br />

Vachon, Gwendolyn de Vries<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Audrey Plaza<br />

Abonnements<br />

Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />

getredbulletin.com<br />

Siège de la rédaction<br />

29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />

+33 (0)1 40 13 57 00<br />

Impression<br />

Quad/Graphics Europe Sp. z o.o.,<br />

Pułtuska 120, 07-200 Wyszków,<br />

Pologne<br />

Publicité<br />

PROFIL<br />

134 bis rue du Point du jour<br />

92100 Boulogne<br />

+33 (0)1 46 94 84 24<br />

Thierry Rémond,<br />

tremond@profil-1830.com<br />

Elisabeth Sirand-Girouard,<br />

egirouard@profil-1830.com<br />

Edouard Fourès<br />

efoures@profil-1830.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Allemagne, ISSN 2079-4258<br />

Country Editor<br />

David Mayer<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Natascha Djodat<br />

Publicité<br />

Matej Anusic,<br />

matej.anusic@redbull.com<br />

Thomas Keihl,<br />

thomas.keihl@redbull.com<br />

Martin Riedel,<br />

martin.riedel@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Autriche, ISSN 1995-8838<br />

Country Editor<br />

Christian Eberle-Abasolo<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Publishing Management<br />

Bernhard Schmied<br />

Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />

Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />

Publicité<br />

anzeigen@at.redbulletin.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

Country Editor<br />

Ruth Morgan<br />

Rédacteur associé<br />

Tom Guise<br />

Rédacteur musical<br />

Florian Obkircher<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Davydd Chong (Dir.),<br />

Nick Mee<br />

Publishing Manager<br />

Ollie Stretton<br />

Publicité<br />

Mark Bishop,<br />

mark.bishop@redbull.com<br />

Fabienne Peters,<br />

fabienne.peters@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Suisse, ISSN 2308-5886<br />

Country Editor<br />

Wolfgang Wieser<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Meike Koch<br />

Manager des partenariats<br />

commerciaux<br />

Stefan Bruetsch<br />

Publicité<br />

Marcel Bannwart (D-CH),<br />

marcel.bannwart@redbull.com<br />

Christian Bürgi (W-CH),<br />

christian.buergi@redbull.com<br />

Goldbach Publishing<br />

Marco Nicoli,<br />

marco.nicoli@goldbach.com<br />

THE RED BULLETIN USA,<br />

ISSN 2308-586X<br />

Rédacteur en chef<br />

Peter Flax<br />

Rédactrice adjointe<br />

Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

Directrice de publication<br />

Cheryl Angelheart<br />

Country Project Management<br />

Laureen O’Brien<br />

Publicité<br />

Todd Peters,<br />

todd.peters@redbull.com<br />

Dave Szych,<br />

dave.szych@redbull.com<br />

Tanya Foster,<br />

tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


ABONNEZ-<br />

VOUS<br />

DÈS MAINTENANT!<br />

Recevez votre magazine<br />

directement chez vous :<br />

16 € SEULEMENT POUR<br />

11 NUMÉROS<br />

Simple et rapide, je m’abonne<br />

en ligne sur :<br />

getredbulletin.com<br />

PASSEZ VOTRE<br />

COMMANDE ICI<br />

COUPON D’ABONNEMENT<br />

À compléter et à renvoyer avec votre règlement sous enveloppe à affranchir à :<br />

THE RED BULLETIN (ABOPRESS) - 19 rue de l’Industrie - BP 90053 – 67402 ILLKIRCH<br />

Nom<br />

OUI, je m’abonne à THE RED BULLETIN : 1 an d’abonnement pour 16 € seulement<br />

Mme Melle M.<br />

Prénom<br />

Adresse<br />

CP<br />

Email<br />

Ville<br />

Je demande à recevoir gratuitement la newsletter THE RED BULLETIN<br />

Je joins mon règlement par : Chèque bancaire ou postal à l’ordre de THE RED BULLETIN<br />

DATE<br />

SIGNATURE<br />

Offre valable uniquement en France métropolitaine. Conformément à la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification<br />

aux données vous concernant auprès de THE RED BULLETIN, adresse : 12 rue du Mail, 75002 Paris.<br />

TRBMAG


Pour finir en beauté.<br />

Un flip sans flop<br />

Au cas où vous l’ignoriez, Dimitris Kyrsanidis adore la plage. « L’archipel<br />

de San Blas au Panama est unique en son genre », dit le freerunner né<br />

à <strong>The</strong>ssalonique. Ce projet de parkour, tourné dans les Caraïbes en février<br />

dernier, s’intitule From the Office to the After Office. Heureusement,<br />

le job de Kyrsanidis ne nécessite pas de costard, ni de bureau.<br />

Regardez-le en action sur redbull.com.<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

sera disponible<br />

dès le 29 octobre<br />

<strong>2020</strong><br />

EDUARDO VASQUEZ/RED BULL CONTENT POOL<br />

98 THE RED BULLETIN


*<br />

INSTINCT ® SOLAR - SURF EDITION<br />

MONTRE GPS ROBUSTE ET CONNECTÉE<br />

* Vivez pleinement votre passion


L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!