Atlas Botanique_extrait
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Comme<br />
tout un chacun<br />
Erba strega (Stachys glutinosa), Santa Reparata<br />
Daniele et Olivier Gonnet<br />
C<br />
Comme tout un chacun, je questionne sans cesse mon rapport<br />
au monde et à tout ce qui m’entoure… à l’heure où je rédige une<br />
petite introduction à ce nouvel ouvrage consacré aux plantes et fleurs<br />
recensées en Corse, que sais-je de cet univers fascinant et mystérieux<br />
de la botanique ? Rien ou presque ! Seuls me reviennent en mémoire,<br />
des souvenirs de mon enfance passée à Palmentu (Santa Riparata<br />
di Balagna) où, chaque jour ou presque, les anciens évoquaient en<br />
ma présence, les miracles de Ziu Peppé, Sylvestre Franceschini,<br />
mon arrière-grand-père qui soignait par les plantes. On racontait que<br />
les « patients » arrivaient par caravanes entières de toute la Corse,<br />
pour consulter celui qui était considéré par certains médecins<br />
eux-mêmes, comme le dernier rempart, l’ultime recours face à<br />
des maux « irréparables » (incurables eut été exagéré !).<br />
Combien d’hommes et de femmes m’ont dit avoir été sauvés par<br />
celui dont le jardin, au village, avait été baptisé par la communauté<br />
« u paradisu » ; c’est de cet espace-là que provenaient les herbes et<br />
plantes qu’en alchimiste il utilisait en en combinant toutes les vertus.<br />
Les temps ont changé. Loin de moi l’idée de verser dans la nostalgie<br />
dont j’ai toujours considéré qu’elle constituait une forme quelque peu<br />
boiteuse de la mémoire qui, en se gavant de paradis perdus,<br />
nous empêche parfois de nous projeter avec enthousiasme et lucidité<br />
dans le temps présent, mais force est de constater que nous avons<br />
pris nos distances avec la connaissance la plus élémentaire du milieu<br />
dans lequel nous évoluons. Aujourd’hui, pour l’immense majorité<br />
d’entre nous, les plantes, les herbes, les fleurs dont nous ignorons<br />
souvent le nom même, ne parlent plus… Elles nous apparaissent tout<br />
au plus comme de jolies voisines, quelquefois encombrantes, alors<br />
même qu’elles sont, à la fois, origine de notre présence sur terre et<br />
garantie de notre survie en tant qu’espèce !<br />
C’est sans doute parce que je sais combien mon ignorance coupable<br />
participe au déclin de la biodiversité (tous responsables !) que je voue<br />
une admiration sans bornes à celles et ceux qui consacrent leur vie à<br />
observer, étudier, inventorier ces « minuscules » trésors parce<br />
qu’ils ont, eux, conscience de ce que ces derniers représentent dans<br />
le grand voyage de la vie à travers les époques. Quel réconfort que<br />
d’apprendre que nous partageons tel ou tel taxon, vestige d’une ère<br />
glaciaire avec les grandes étendues du Nord de l’Europe, que<br />
l’on trouve ici ou là sur nos terres, des espèces qui ne s’épanouissent,<br />
par ailleurs, que dans le Nord du continent africain, que notre île<br />
abrite des espèces endémiques par dizaines tout comme elle accueille<br />
des végétaux rares venus d’autres contrées.<br />
On pourrait évidemment faire le parallèle avec tout ce qui fonde<br />
notre être : notre langue, notre chant, nos pratiques sociales,<br />
nos croyances… quelle parfaite illustration de ce qu’est notre identité<br />
même : une longue et belle odyssée !<br />
Jean-Claude Acquaviva<br />
S’appliquer à protéger en commençant par recenser, c’est une façon<br />
de magnifier notre île, ce gigantesque joyau resplendissant parmi<br />
les immenses richesses de ce confetti qu’est notre planète !<br />
Comment mon arrière-grand-père aurait-il accueilli cet ouvrage ?<br />
Il l’aurait probablement dévoré des yeux ne serait-ce que pour mieux<br />
cerner encore les formidables facultés de ces organismes précieux,<br />
dons inestimables de la terre Mère. Quant à nous qui n’avons pas su<br />
recueillir son savoir, nous nourrir de son expérience et protéger<br />
son jardin, saluons tout au moins les efforts et le travail remarquable<br />
de ces scientifiques, chercheurs, tous passionnés qui croient<br />
résolument en un monde forcément meilleur où nous vivrions en<br />
symbiose avec notre milieu, une fois réconciliés avec sa mémoire,<br />
notre mémoire.<br />
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