De la minoration extrait
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
de <strong>la</strong> <strong>minoration</strong> à l’émancipation<br />
25<br />
d’éviter nombre d’écueils régulièrement rencontrés en cas de standardisation en<br />
contexte minoritaire. Nous qualifions donc <strong>la</strong> polynomie à travers ce chapitre de<br />
choix « original » dans <strong>la</strong> mesure où traditionnellement, un processus de standardisation<br />
consiste davantage à réduire <strong>la</strong> variation, « […] en tentant d’aboutir à<br />
une re<strong>la</strong>tive uniformité des pratiques linguistiques sur tous les axes de variation »<br />
(Robil<strong>la</strong>rd, 1997 : 266). Didier de Robil<strong>la</strong>rd ajoute que « <strong>la</strong> standardisation ne<br />
vise cependant pas à faire disparaître toute forme de diversité dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue :<br />
elle prend pour objectif de réduire les cas de concurrence formelle, car ils sont le<br />
plus souvent non fonctionnels et source d’ambiguïtés » (Robil<strong>la</strong>rd, 1997 : 266).<br />
Pourtant, dans le cas de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue corse le processus de standardisation de ces<br />
cinquante dernières années s’inscrit a priori en totale opposition avec ce qui vient<br />
d’être évoqué.<br />
Malgré l’accueil très favorable dont bénéficie le concept dans le cadre<br />
universitaire corse, nous posons <strong>la</strong> question suivante à <strong>la</strong>quelle nous tentons de<br />
répondre : « La polynomie : une idéologie pensée pour les déjà corsophones et<br />
dans un cadre non-officiel ? ». Nous rappelons par conséquent à travers cette<br />
question ainsi formulée que toute stratégie de standardisation – ce qui inclut<br />
<strong>la</strong> non-standardisation d’une norme unique – relève d’un choix, et ce choix est<br />
toujours conditionné par les orientations idéologiques des différents acteurs et<br />
institutions ainsi que par les rapports de force qu’ils entretiennent. Ajoutons aussitôt<br />
par souci d’honnêteté intellectuelle, que les réponses que nous apportons à cette<br />
question sont d’ores et déjà partielles et qu’elles nécessiteraient par conséquent<br />
de plus amples développements.<br />
Les travaux de Chiorboli (1991) et Comiti (1992) interviennent au début du<br />
processus d’institutionnalisation du corse (avec à cette époque, par exemple, <strong>la</strong><br />
première session du Capes de corse). Ils s’inscrivent donc dans un contexte sociolinguistique<br />
différent de celui d’aujourd’hui. Il manque à ce jour un travail de fond<br />
mettant l’accent sur les impacts concrets de <strong>la</strong> polynomie autant comme idéologie<br />
que comme modèle de standardisation au niveau notamment des imaginaires, usages<br />
et pratiques glottopolitiques. Il s’agirait dès lors, dans un tel travail et en fonction<br />
de cette double approche, de corroborer, infirmer ou confirmer les limites et les<br />
vertus normalisatrices, standardisatrices, sociales et socioéducatives supposées du<br />
concept de polynomie, en particulier selon une perspective glottopolitique future<br />
avec un corse de plus en plus institutionnalisé et de moins en moins <strong>la</strong>ngue transmise<br />
au sein de <strong>la</strong> sphère familiale comme nous le suggérons dans notre question posée<br />
ci-dessus. Le but de ce chapitre est ici davantage de poser <strong>la</strong> standardisation et <strong>la</strong><br />
réponse corse en termes d’idéologie linguistique et politique et de les questionner<br />
plus que d’engager telle ou telle affirmation de manière définitive.<br />
Une telle étude renvoie, au moins implicitement, à un autre chantier de<br />
recherche d’envergure pour les années à venir. Ce champ d’investigations concerne<br />
aussi bien le corse que toute autre <strong>la</strong>ngue dont <strong>la</strong> position est analogue ou presque :<br />
il s’agit des néolocuteurs (Costa, 2015 ; Jaffe, 2015). En effet, <strong>la</strong> <strong>minoration</strong> et <strong>la</strong><br />
domination linguistiques ont pour conséquence principale de particu<strong>la</strong>riser l’acquisition<br />
de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue dominée. Soit en réduisant considérablement <strong>la</strong> part des locuteurs