De la minoration extrait

de la minoration à l’émancipation
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xx e siècle. Un agriculteur aujourd’hui ne va-t-il pas sur internet au même titre que
n’importe quel cadre de la fonction publique par exemple ? Ne consomme-t-il de
la presse comme n’importe quel banquier ? Croire à un possible compartimentage
parfaitement hermétique des espaces sociaux est un leurre au vu de l’organisation
sociale d’une bonne partie de la planète et de la superposition permanente des
sphères privée et publique. Réduire en outre l’expression légitime à sa portion
folklorique est une erreur d’appréciation manifeste des forces sociales en présence.
En effet, comment penser raisonnablement que par ce biais-ci, une langue puisse
se maintenir face à une autre totalement investie dans et par l’appareil d’État, les
nouvelles technologies, l’école, les médias etc. ?
Terminons donc sur ce point-là avec un extrait du document édité par
l’Unesco en 2003. On peut y lire que « les mesures prises pour éviter la disparition
d’une langue et sauvegarder la diversité linguistique ne se révéleront positives
que si l’on attribue un rôle significatif aux langues minoritaires, en fonction des
nécessités de la vie contemporaine, tant sur le plan local que national et international.
Cela conduira à leur usage quotidien dans le commerce, l’éducation,
l’écriture, les arts et/ou les médias » (Unesco, 2003). Ceci nous semble important
puisqu’il y est défendu l’idée qui est la nôtre, d’assigner un rôle à telle ou telle
expression langagière qui ne serait pas de facto un rôle interchangeable en tout
point et à tout moment. Pour autant cette assignation se ferait en fonction de tous
les besoins contemporains, à diverses échelles spatiales et en fonction des usages
quotidiens quelle que soit leur nature au-delà des hiérarchies diglossiques. Cela
nous apparaît conforme à l’idée qui peut être raisonnablement défendue en matière
de diversité linguistique.
Aussi, fonctionnaliser l’espace langagier à un certain niveau, comme nous
l’avons justifié précédemment pour certains écrits scientifiques par exemple,
n’empêche en rien de produire un savoir scientifique ambitieux et exigeant dans
une langue dont le rapport serait plus affectif ou à moindre portée communicationnelle.
Au contraire, et cela relève du côté de la langue minorée de ce qu’il a
été convenu d’appeler au travers de la sociolinguistique l’élaboration linguistique.
Investir ainsi les champs de la langue dominante est également la manifestation
significative d’un projet de revitalisation linguistique. C’est en partie ce qui
nous a conduit à publier un essai scientifique en langue corse sur le concept de
la co-officialité intitulé Cuufficialità. 50 argumenti in giru à a ricunniscenza di
u corsu 2 (Colonna, 2015a). Sa publication a eu lieu après plus de deux années
d’âpres débats dans l’île concernant le statut du corse et après le vote du projet
de co-officialité intervenu majoritairement au sein de l’Assemblée de Corse en
mai 2013. Les écrits en langue corse de cette nature, outre l’expression littéraire
notamment, sont très rares et disons-le sans ambages, ceci est dommageable. La
production en langue corse de ce type d’écrit favorise ce que nous avons défini
à travers le processus d’autonomie de la langue (Colonna, 2013a) selon lequel
2. [Co-officialité. 50 arguments autour de la reconnaissance du corse.]