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The Red Bulletin Septembre 2020 (FR)

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GEORGE MARSHALL<br />

« Ces gens qui s’embarquent dans<br />

des voyages à l’issue incertaine sont<br />

plutôt optimistes et enthousiastes. »<br />

j’avais acquises au sein de ces organisations.<br />

J’étais très motivé pour repartir de<br />

zéro là-bas. » En 2016, il retourne à<br />

Mexico pour commencer à photographier<br />

les paysages que voient les migrants lorsqu’ils<br />

voyagent en train, un projet qu’il<br />

pensait pouvoir réaliser en un an mais<br />

qui s’est transformé en deux projets dans<br />

trois pays, qui sont toujours en cours<br />

près de quatre ans plus tard.<br />

Allison a rapidement fait l’expérience<br />

directe de la vulnérabilité des personnes<br />

qui empruntent ces trajets. « Pour aller<br />

du sud au nord, un seul train ne suffit<br />

pas. Il faut comprendre la route que l’on<br />

emprunte ; il faut monter et descendre.<br />

Ces trains de marchandises transportent<br />

des milliers et des milliers de dollars de<br />

marchandises vers les États-Unis ou le<br />

Canada. Des banditos volent régulièrement<br />

des céréales, des téléviseurs, etc.<br />

Il est donc très risqué de voyager de cette<br />

façon. » Allison a été témoin de violences,<br />

a été dévalisé et a failli être tué, il y a deux<br />

ans, par un gang de criminels alors qu’il<br />

voyageait avec deux amis. « Nous avons<br />

été détenus dans un train sous la menace<br />

d’une arme, dit Allison. J’ai prié pour<br />

avoir la vie sauve. Nous avons eu de la<br />

chance de nous en sortir vivants. » Et<br />

pourtant, Allison était de retour au travail<br />

le mois suivant, armé de son appareil<br />

photo, voyageant à pied et en train avec<br />

un convoi d’environ 7 000 personnes.<br />

« Il faut parfois arriver à oublier certaines<br />

choses pour pouvoir continuer. C’est ce<br />

que j’ai choisi de faire. »<br />

Puis l’année dernière, la détermination<br />

d’Allison a été une nouvelle fois mise à<br />

l’épreuve. Après s’être vu refuser l’entrée<br />

au Canada, des agents américains ont<br />

découvert qu’Allison avait dépassé la<br />

durée de validité du visa qui lui avait été<br />

délivré après avoir assisté à une exposition<br />

à New York quelques mois plus tôt.<br />

Il a été détenu par le département de l’immigration<br />

et des douanes et emprisonné<br />

à Tacoma, dans l’État de Washington. Une<br />

erreur administrative selon Allison, qui<br />

passera près d’un mois en prison.<br />

Enfermé à nouveau, il se plonge dans<br />

l’écriture et le dessin. Il fait poser ses<br />

codétenus pour des portraits et réussi à<br />

dégager pour chacun d’entre eux des<br />

aspects positifs, palliant ainsi à l’angoisse<br />

de ces immigrants illégaux en attente<br />

d’être expulsés. « Nous plaisantions sur<br />

la situation. J’ai tellement ri. Ce fut une<br />

véritable thérapie. J’ai réalisé que je<br />

n’avais pas besoin d’aller au Canada.<br />

J’avais besoin d’être dans cette prison.<br />

C’est là que le travail que je fais avec passion<br />

depuis quelques années devait me<br />

conduire: au centre de détention dont<br />

j’avais entendu parler par les migrants.<br />

Lorsque j’étais enfermé dans cette prison,<br />

j’étais traité comme n’importe quel autre<br />

prisonnier. C’était la première fois que je<br />

me sentais comme une personne non privilégiée<br />

travaillant sur ce sujet. »<br />

Après qu’Allison ait été autorisé à partir,<br />

il a attendu dans une cellule de détention.<br />

« La plupart des gens qui étaient là<br />

avec moi étaient en train d’être expulsés<br />

et perdaient tout ce qu’ils avaient, mais<br />

c’était une fête. Nous étions toujours<br />

enfermés, mais c’était une célébration<br />

de la liberté. »<br />

Allison est de nouveau sur la piste<br />

des migrants au Mexique. « Les<br />

gens essaient toujours d’échapper<br />

aux mauvaises conditions, dit-il,<br />

la migration ne s’arrête pas. » Comment<br />

envisage-t-il la fin de ses projets ?<br />

« Lorsque cela cesse de me stimuler, je<br />

m’arrête, déclare-t-il. Mais malgré les<br />

dangers, je me sens toujours vivre. J’ai vu<br />

des gens trouver la force d’aller de l’avant.<br />

Ces gens qui s’embarquent dans des<br />

voyages à l’issue incertaine pour essayer<br />

de survivre et de vivre – et peut-être un<br />

peu plus que cela – apprécient la vie. Ils<br />

sont plutôt optimistes, résistants et<br />

enthousiastes. Ils rigolent. Cela me fascine.<br />

Nous devrions célébrer la migration<br />

et la considérer non pas comme un problème<br />

mais comme un phénomène. L’idée<br />

de Trump qu’ils seraient tous des criminels,<br />

c’est de la foutaise. Il y aura toujours<br />

des exceptions, mais tous les gens avec<br />

lesquels je suis devenu ami sont des gens<br />

qui travaillent dur. »<br />

C’est ce concept d’optimisme dans la<br />

difficulté qui a inspiré le titre du prochain<br />

livre d’Allison, <strong>The</strong> Light of the Beast (trad.<br />

La lumière de la Bête). « La Bête est le nom<br />

que les migrants ont donné au train,<br />

explique-t-il. C’est dangereux, il y a le<br />

grondement du moteur. C’est comme un<br />

énorme monstre sur le dos duquel les<br />

gens doivent grimper. La lumière, c’est<br />

aussi l’espoir qu’il représente. »<br />

<strong>The</strong> Light of the Beast aux éditions<br />

Pavement (en anglais). La galerie Make<br />

Your Mark à Helsinki consacre une expo<br />

au travail d’Allison (2-30 septembre).<br />

pabloallison.co.uk<br />

THE RED BULLETIN 77

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