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En long et en large : le message des graffitis d’Allison est limpide. L’amour est plus fort que la peur.<br />
GEORGE MARSHALL<br />
I<br />
l est minuit et Pablo Allison s’accroche<br />
au sommet d’un train de<br />
marchandises lancé à toute<br />
vitesse vers le sud à travers le<br />
désert mexicain. Une pluie intense meurtrit<br />
son corps, il fait un froid glacial. Le<br />
train tremble. Il roule bruyamment à<br />
100 km/h et Allison se cramponne à<br />
grand peine, de crainte de tomber dans<br />
l’obscurité pendant ce périple de dix<br />
heures. Voyager dans l’illégalité sur ce<br />
réseau industriel comporte de nombreux<br />
risques – il n’est pas rare non plus que ces<br />
longs trains déraillent. Il n’en reste pas<br />
moins que des rares possibilités de voyage<br />
offertes aux migrants qui traversent le<br />
Mexique, celle-ci est la plus sûre.<br />
Le photographe et graffeur Pablo<br />
Allison effectue ces voyages avec eux<br />
depuis plus de trois ans afin de documenter<br />
et de mieux comprendre les<br />
expériences de quelques-uns parmi les<br />
dizaines de milliers de migrants qui<br />
traversent le pays chaque année en<br />
direction des États-Unis. Allison a commencé<br />
à circuler dans ces trains en 2016,<br />
dans le but de photographier les paysages<br />
inaccessibles le long des lignes de<br />
chemin de fer privées du Mexique. « Sauf<br />
que j’ai réalisé que je ne pouvais pas<br />
détourner mon objectif des migrants que<br />
je rencontrais. Je suis fasciné par la persévérance,<br />
la force, la façon dont les gens<br />
effectuent ces voyages extraordinairement<br />
difficiles. Leur détermination pour<br />
s’échapper, pour chercher une vie meilleure,<br />
est stupéfiante. »<br />
La plupart des migrants qu’Allison<br />
rencontre fuient la pauvreté, la violence,<br />
voire les deux. Il y a des hommes, des<br />
femmes, des enfants, des jeunes et des<br />
moins jeunes issus de tous les milieux<br />
et toutes les situations, venus du monde<br />
entier, qui luttent contre les difficultés<br />
et des conditions souvent hostiles pour<br />
commencer une nouvelle vie.<br />
« Certains viennent d’aussi loin que<br />
l’Irak, la Syrie, l’Iran, le Bangladesh et<br />
se retrouvent en Amérique du Sud. Ils se<br />
lancent ensuite dans un périple à travers<br />
différents pays, traversent la célèbre<br />
jungle sans foi ni loi du sud de la Colombie,<br />
la région du Darién, puis arrivent de<br />
peine et de misère au Panama. Une fois<br />
au Mexique, ils sont loin d’être “arrivés”…<br />
Ce sont des gens dont nous, qui<br />
menons une vie passablement confortable,<br />
devrions tirer des enseignements,<br />
plutôt que de les diaboliser ou de les traiter<br />
comme des criminels. »<br />
Quand Allison rencontre <strong>The</strong> <strong>Red</strong><br />
<strong>Bulletin</strong> en février <strong>2020</strong>, il est loin<br />
du Mexique, dans la ville côtière<br />
de Hastings, en Angleterre. Allison<br />
est au Royaume-Uni pour animer un atelier<br />
sur la migration lors d’un événement<br />
de street art : peindre à la bombe un mur<br />
de la ville et y écrire le poème d’un<br />
migrant guatémaltèque avec lequel il<br />
a voyagé. Ces dernières années, Allison<br />
a animé des ateliers dans plusieurs pays,<br />
THE RED BULLETIN 75