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The Red Bulletin Septembre 2020 (FR)

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En long et en large : le message des graffitis d’Allison est limpide. L’amour est plus fort que la peur.<br />

GEORGE MARSHALL<br />

I<br />

l est minuit et Pablo Allison s’accroche<br />

au sommet d’un train de<br />

marchandises lancé à toute<br />

vitesse vers le sud à travers le<br />

désert mexicain. Une pluie intense meurtrit<br />

son corps, il fait un froid glacial. Le<br />

train tremble. Il roule bruyamment à<br />

100 km/h et Allison se cramponne à<br />

grand peine, de crainte de tomber dans<br />

l’obscurité pendant ce périple de dix<br />

heures. Voyager dans l’illégalité sur ce<br />

réseau industriel comporte de nombreux<br />

risques – il n’est pas rare non plus que ces<br />

longs trains déraillent. Il n’en reste pas<br />

moins que des rares possibilités de voyage<br />

offertes aux migrants qui traversent le<br />

Mexique, celle-ci est la plus sûre.<br />

Le photographe et graffeur Pablo<br />

Allison effectue ces voyages avec eux<br />

depuis plus de trois ans afin de documenter<br />

et de mieux comprendre les<br />

expériences de quelques-uns parmi les<br />

dizaines de milliers de migrants qui<br />

traversent le pays chaque année en<br />

direction des États-Unis. Allison a commencé<br />

à circuler dans ces trains en 2016,<br />

dans le but de photographier les paysages<br />

inaccessibles le long des lignes de<br />

chemin de fer privées du Mexique. « Sauf<br />

que j’ai réalisé que je ne pouvais pas<br />

détourner mon objectif des migrants que<br />

je rencontrais. Je suis fasciné par la persévérance,<br />

la force, la façon dont les gens<br />

effectuent ces voyages extraordinairement<br />

difficiles. Leur détermination pour<br />

s’échapper, pour chercher une vie meilleure,<br />

est stupéfiante. »<br />

La plupart des migrants qu’Allison<br />

rencontre fuient la pauvreté, la violence,<br />

voire les deux. Il y a des hommes, des<br />

femmes, des enfants, des jeunes et des<br />

moins jeunes issus de tous les milieux<br />

et toutes les situations, venus du monde<br />

entier, qui luttent contre les difficultés<br />

et des conditions souvent hostiles pour<br />

commencer une nouvelle vie.<br />

« Certains viennent d’aussi loin que<br />

l’Irak, la Syrie, l’Iran, le Bangladesh et<br />

se retrouvent en Amérique du Sud. Ils se<br />

lancent ensuite dans un périple à travers<br />

différents pays, traversent la célèbre<br />

jungle sans foi ni loi du sud de la Colombie,<br />

la région du Darién, puis arrivent de<br />

peine et de misère au Panama. Une fois<br />

au Mexique, ils sont loin d’être “arrivés”…<br />

Ce sont des gens dont nous, qui<br />

menons une vie passablement confortable,<br />

devrions tirer des enseignements,<br />

plutôt que de les diaboliser ou de les traiter<br />

comme des criminels. »<br />

Quand Allison rencontre <strong>The</strong> <strong>Red</strong><br />

<strong>Bulletin</strong> en février <strong>2020</strong>, il est loin<br />

du Mexique, dans la ville côtière<br />

de Hastings, en Angleterre. Allison<br />

est au Royaume-Uni pour animer un atelier<br />

sur la migration lors d’un événement<br />

de street art : peindre à la bombe un mur<br />

de la ville et y écrire le poème d’un<br />

migrant guatémaltèque avec lequel il<br />

a voyagé. Ces dernières années, Allison<br />

a animé des ateliers dans plusieurs pays,<br />

THE RED BULLETIN 75

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