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The Red Bulletin Septembre 2020 (FR)

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LORD ESPERANZA<br />

Le collectif<br />

au pouvoir<br />

“In us we trust” (trad. nous croyons en nous), c’est la devise<br />

du label de vêtements écoresponsables lancé par le rappeur<br />

Lord Esperanza. Il évoque la puissance du travail collectif.<br />

the red bulletin : Quelles furent<br />

vos collaborations artistiques les<br />

plus marquantes ?<br />

lord esperanza : Je suis arrivé à la<br />

musique par l’écriture, et puis j’ai eu<br />

un groupe de rock qui s’est arrêté<br />

au bout d’un an et demi à cause des<br />

aléas de la vie, mais aussi des ego<br />

et des jalousies. Avec un ami rappeur<br />

de Lille, Pollux, j’ai ensuite monté<br />

un duo (Lord & Lux, ndlr). À ce<br />

moment, j’étais très avide de collaborations<br />

parce que pour moi, la<br />

musique est avant tout quelque<br />

chose qui se partage. Dès que je<br />

trouvais quelqu’un prêt à me suivre<br />

dans ma folie créative, je me lançais.<br />

Je voulais tout le temps être en studio,<br />

mais je n’avais pas d’argent, il<br />

fallait trouver des sessions gratuites,<br />

emprunter un micro ou un logiciel…<br />

Plus tard, j’ai monté une tournée<br />

pour créer des clips vidéo avec un<br />

réalisateur dans chaque ville, et on<br />

faisait élire le gagnant par les fans.<br />

Je donne aussi des cours d’écriture<br />

bénévoles à des enfants souvent<br />

issus de quartiers défavorisés qui<br />

ont des destins incroyables. Certains<br />

ont traversé la Méditerranée sur un<br />

bateau en plastique. J’ai envie de<br />

faire participer la communauté le<br />

plus possible.<br />

Qu’est-ce qui vous anime dans ces<br />

projets collectifs ?<br />

La notion de transmission collective.<br />

Quand j’ai commencé le rap à<br />

14-15 ans, j’ai eu la chance de rencontrer<br />

un ami de dix ans mon aîné.<br />

Il m’a fait confiance, m’a enregistré<br />

gratuitement chez lui et m’a donné<br />

des conseils. Il m’a accueilli avec<br />

beaucoup de générosité. Et très vite,<br />

il m’a dit : « Tu sais, ce que je fais<br />

pour toi, il faudra que tu le fasses<br />

pour d’autres. » Ça m’a marqué et<br />

c’est resté ancré dans mon rapport<br />

à autrui. Même si j’ai beaucoup travaillé,<br />

j’ai une chance unique par<br />

rapport à d’autres artistes qui ne<br />

vivent pas de leur musique. Cette<br />

reconnaissance, j’essaye de la transformer<br />

et ça passe par des projets<br />

comme ceux-là.<br />

Comment se déroule le processus<br />

d’écriture à plusieurs sur un titre ?<br />

En général, chacun écrit son couplet,<br />

puis on trouve le refrain et l’idée<br />

ensemble. Mon souvenir de collaboration<br />

le plus notable, c’était un séminaire<br />

d’écriture pour Patrick Bruel.<br />

On a écrit la chanson Le Fil, qui<br />

évoque la relation entre un père et<br />

son fils. J’ai travaillé avec un auteur<br />

de 45 ans qui avait des enfants,<br />

contrairement à moi. Je me suis donc<br />

mis à la place de mon père pour<br />

écrire. Pour d’autres chansons, je me<br />

suis mis à la place de femmes. C’était<br />

un défi assez excitant, qui cassait les<br />

codes du « moi, je ». Quand je suis<br />

revenu au rap, j’avais l’impression<br />

d’avoir un point de vue différent.<br />

En 2018, vous avez créé un label de<br />

musique, Paramour, nouvelle forme<br />

d’aventure collective. Pourquoi ?<br />

L’idée était d’officialiser des collaborations<br />

avec des gens qui étaient là<br />

depuis le début et qui donnaient<br />

« Quand tu<br />

collabores avec<br />

des artistes<br />

que tu produis,<br />

tu as une partie<br />

de leur vie entre<br />

les mains. »<br />

#EnFeatAvecLord<br />

Au printemps dernier, le<br />

<strong>Red</strong> Bull Studios Paris a<br />

proposé à Lord Esperanza<br />

de se rapprocher encore<br />

plus de sa communauté<br />

en lançant le projet<br />

#EnFeatAvecLord : composer<br />

un morceau collaboratif<br />

avec des centaines de personnes.<br />

Le rappeur proposait<br />

quatre mesures et<br />

les fans pouvaient ensuite<br />

envoyer les leurs, chaque<br />

semaine, sur une plateforme<br />

digitale dédiée. L’artiste<br />

a sélectionné les meilleurs<br />

textes, et au bout de<br />

6 300 sets de mesures et<br />

80 000 visiteurs venus lire<br />

les propositions ou voter,<br />

le morceau (qui sortira bientôt)<br />

compte seize contributeurs<br />

: les trois artistes<br />

Lord Esperanza, Nelick<br />

et Fouki, ainsi que treize<br />

utilisateurs de la plateforme<br />

qui le rencontreront en<br />

septembre.<br />

Excité par l’idée de « sortir<br />

de sa zone de confort »<br />

avec ce nouveau défi créatif,<br />

Lord Esperanza a été agréablement<br />

surpris par la qualité<br />

des propositions, et<br />

notamment cette image<br />

qui l’a fait rêver : « Funambule<br />

au bord du trou noir /<br />

en blouson sombre. » Il a<br />

aussi fallu s’adapter à cette<br />

méthode de composition :<br />

« Ça représente plus de<br />

travail de composer avec<br />

les idées d’autrui, dit Lord.<br />

On est dans un rapport plus<br />

rationnel que quand on écrit<br />

seul. Avec ses propres<br />

mots, il y a un côté un peu<br />

magique dans l’inspiration.<br />

Là, c’était plus scientifique,<br />

parce qu’il faut trouver les<br />

bonnes formules pour que<br />

tout s’agence bien. »<br />

Pour lui, ce sera une chanson<br />

qui compte. « Ce titre<br />

a une valeur émotionnelle<br />

forte. En général, en studio,<br />

le morceau est plié en<br />

quelques heures. Ce texte<br />

a été écrit, travaillé, élaboré<br />

pendant quasiment six<br />

semaines donc j’ai eu le<br />

temps de le voir évoluer,<br />

ce qui est rare. Cela nous a<br />

permis de prendre plus de<br />

recul pour ne garder que le<br />

meilleur. C’était vraiment<br />

un exercice intéressant. »<br />

JASON PIEKAR SMAËL BOUAICI<br />

16 THE RED BULLETIN

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