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<strong>FR</strong>ANCE<br />
SEPTEMBRE <strong>2020</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec<br />
FABIO WIBMER<br />
Comment la<br />
star de YouTube<br />
va vous rendre<br />
plus créatif
MANY PATHS. ONE TRAIL.<br />
MQM FLEX 2<br />
MERRELL.COM<br />
@MERRELLEU
Éditorial<br />
FABIO EST<br />
FABULEUX<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
C’est fou ce que l’on peut faire à vélo. Surtout<br />
quand les options sont restreintes… Le pilote VTT<br />
autrichien Fabio Wibmer imagine et crée sans<br />
cesse, transformant son environnement en un terrain<br />
d’expression et de performance illimité. Vous<br />
avez probablement déjà vu ses vidéos incroyables<br />
sur YouTube, et pour <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>, il présente<br />
sa méthode, vous invitant à élever votre jeu, que<br />
ce soit au taf, dans votre vie perso ou vos loisirs.<br />
Que dire de nos autres guests du mois, que la<br />
passion a menés loin : Ozzy Osbourne, issu d’une<br />
Angleterre ouvrière peu fertile côté carrière, mais<br />
qui fondera le heavy metal. Jill Heinerth qui, à<br />
55 ans, explore un monde sous-marin où la plupart<br />
d’entre nous n’oseraient pas tremper un doigt<br />
de pied. On vous parle aussi de Pablo Allison,<br />
ex-taggeur qui s’agrippe à des trains d’enfer pour<br />
documenter l’exode des migrants au Mexique –<br />
et changer notre point de vue sur ces populations.<br />
JILL HEINERTH<br />
Jill Heinerth est une exploratrice<br />
sous-marine, écrivaine,<br />
photographe, conférencière<br />
et vidéaste canadienne. Pionnière<br />
de la plongée technique<br />
en recycleur, elle a mené des<br />
expéditions dans les icebergs<br />
de l’Antarctique, les tubes de<br />
lave volcanique et les grottes<br />
submergées du monde entier.<br />
Son livre Into the planet a été<br />
salué par <strong>The</strong> Wall Street<br />
Journal et <strong>The</strong> New York<br />
Times. Reportage page 26.<br />
C’est le moment de passer en mode illimité.<br />
Votre Rédaction<br />
Aux racines d’un phénomène : Fabio Wibmer prépare<br />
une petite rampe naturelle pour grimper aux arbres.<br />
DAVE HOWARD<br />
« L’Eco-Challenge n’a pas<br />
d’équivalent, dit le journaliste<br />
américain à propos de cette<br />
émission d’aventure extrême.<br />
Quatre hélicos, des cameramen<br />
suspendus à des cordes<br />
et poursuivant des équipes à<br />
travers une jungle dense, des<br />
équipes de soutien s’étendant<br />
sur plus de 150 km de nature<br />
sauvage. C’est comme regarder<br />
Godzilla se tenir au-dessus<br />
de la ligne d’horizon de Hong<br />
Kong. En vrai. » Récit page 54.<br />
HANNES BERGER (COUVERTURE), SUUNTO UK<br />
4 THE RED BULLETIN
Copyright © <strong>2020</strong> MNA, Inc. All rights reserved.<br />
THE ENTIRE RIDE OUT,<br />
THERE WAS NEVER A SECOND THOUGHT.<br />
WHAT ARE YOU BUILDING FOR?<br />
150 years of engineering progress. Check it out at www.BFGoodrichTires.com/150years .
CONTENUS<br />
septembre <strong>2020</strong><br />
88<br />
Une selle pour deux<br />
ambiances. On vous<br />
présente le gravel,<br />
un vélo open.<br />
8 Galerie : que vous pratiquiez<br />
le VTT, le skateboard ou le surf,<br />
vous allez être refaits<br />
14 Quand vos légumes poussent<br />
en tournant… dans votre salon<br />
16 Le rappeur Lord Esperanza ne<br />
marche pas seul et s’investit<br />
18 Si ça continue, on ira clubber<br />
dans ce genre de tenues…<br />
20 Ólafur Elíasson nous questionne<br />
sur notre rapport au monde<br />
21 Les îles Faroé sans y aller !<br />
22 Jessica Nabongo se mobilise<br />
pour un tourisme différent<br />
24 Playlist : <strong>The</strong> 1975, en <strong>2020</strong><br />
72<br />
Le message de Pablo Allison pour sensibiliser au sort des migrants.<br />
DUNCAN PHILPOTT, JILL HEINERTH, GEORGE MARSHALL<br />
6 THE RED BULLETIN
26<br />
Jill Heinerth plonge son<br />
objectif là où de rares<br />
humains évoluent.<br />
26 La dame du dessous<br />
Habite un univers fait d’eau, de mystère et d’émerveillement.<br />
38 L’ordinaire extra<br />
Plus l’endroit est banal et limité, plus Fabio et son vélo s’éclatent.<br />
46 Monde miroir<br />
Quand l’entertainment vient s’incruster dans le gaming.<br />
54 Mission impossible<br />
Un défi en milieu hostile sur vos écrans : validé par Bear Grylls !<br />
64 Ici c’est Ozzy<br />
La villa du Prince des ténèbres est sympa. Comme ses toutous.<br />
72 Le facteur humain<br />
Enfermé ou en liberté, ce que Pablo apprend des migrants.<br />
80 Vélo : passez en catégorie pro<br />
sans vraiment toucher le sol<br />
84 Course auto en simulateur :<br />
pour rouler à vélo, sans sa F1<br />
86 Ce mois-ci, l’événement est<br />
aussi sur votre écran<br />
88 On fait le point sur le gravel<br />
96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
98 Iggy et ses amis en sueur<br />
THE RED BULLETIN 7
STEPHEN SHANNON/RED BULL ILLUME<br />
FARWELL CANYON,<br />
CANADA<br />
On a vu<br />
bien pire<br />
Une session photo dans le Farwell Canyon<br />
qu’il décrit comme « le berceau du VTT<br />
freeride » : voilà un projet longuement<br />
convoité par Steve Shannon, originaire de<br />
Colombie-Britannique. Après des tentatives<br />
infructueuses, le photographe a enfin<br />
réalisé son rêve en avril dernier, avec l’aide<br />
de Cory « Coco » Brunelle, mécano et<br />
virtuose du VTT. « Nous sommes arrivés au<br />
sommet juste avant l’aube et avons pu<br />
assister à un magnifique lever de soleil sur<br />
la rivière Chilcotin. Comme il a grandi dans<br />
le coin, Coco est familier des lignes raides<br />
de Farwell, qu’il achève toujours de dévaler<br />
avec un petit twist très stylé. »<br />
steveshannonphoto.com<br />
9
<strong>FR</strong>ANCFORT,<br />
ALLEMAGNE<br />
Le plein<br />
de vide<br />
Cette image étonnante, prise avant<br />
le confinement par Robert Garo dans<br />
les souterrains du métro de Francfort,<br />
a demandé beaucoup de patience<br />
au photographe croate et à son<br />
modèle, le skateur allemand Milan<br />
Hruska. « Nous nous sommes donné<br />
rendez- vous ici un soir car mon ami<br />
Milan travaille juste à côté de la<br />
station, raconte Garo, qui réside lui<br />
aussi à Francfort. Seulement nous<br />
avons sous-estimé le trafic en heure<br />
de pointe. Il nous a fallu attendre<br />
quelques heures jusqu’à ce que<br />
les couloirs soient déserts pour<br />
obtenir cette photo finale. »<br />
robertgaro.net
ROBERT GARO/RED BULL ILLUME<br />
11
WILL SAUNDERS/RED BULL ILLUME<br />
BARACOA, CUBA<br />
Où est le<br />
surfeur ?<br />
Will Saunders, photographe basé en<br />
Utah, suivait un groupe de surfeurs<br />
et de skateurs à Cuba depuis une<br />
quinzaine de jours quand ils l’ont<br />
finalement emmené sur l’un de leurs<br />
spots favoris. « J’avais du mal à en<br />
croire mes yeux, s’exclame Saunders<br />
à propos de cette épave rouillée. On<br />
aurait dit une scène tout droit sortie<br />
du jeu vidéo Tony Hawk’s Pro Skater.<br />
Nous avons passé une matinée entière,<br />
moi à prendre des photos et<br />
eux à surfer cette vague incomparable,<br />
jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de<br />
houle. Le jeu consistait à surfer sous<br />
la proue du bateau et glisser à côté<br />
en effleurant la coque de la main –<br />
tout en évitant de choper le tétanos.<br />
Pour Yojany Pérez, ça a vraiment<br />
l’air d’être un jeu d’enfant ! »<br />
willsaundersphoto.com<br />
13
ROTOFARM<br />
Circuit très court<br />
L’horticulture high-tech durable prend racine grâce à un<br />
inventeur australien. Et ça se passe chez vous.<br />
Contempler<br />
un buffet de<br />
crudités est<br />
plus captivant<br />
que jamais.<br />
Un anneau argenté fixé à un<br />
socle tourne sur lui-même.<br />
En son sein, une myriade de<br />
plantes pousse en silence.<br />
L’élégance de l’objet évoque<br />
une pièce sortie tout droit<br />
d’une galerie d’art. Il n’en est<br />
rien. Cet appareil moderne est<br />
un potager d’intérieur, qui se<br />
passe de terre et de soleil.<br />
Créé pour un monde au climat<br />
imprévisible et où la terre<br />
arable se raréfie, le Rotofarm<br />
est présenté comme une<br />
« révolution dans l’agriculture<br />
urbaine ».<br />
Grâce à la culture hydroponique,<br />
il permet de cultiver des<br />
légumes-feuilles, des herbes,<br />
des micropousses et bien<br />
d’autres choses encore. Son<br />
inventeur Toby Farmer l’a<br />
habillé d’une esthétique<br />
contemporaine. « Le concept<br />
étant inédit, cela m’a laissé une<br />
plus grande liberté créative<br />
pour ajouter une touche de<br />
magie et de poésie au produit »,<br />
confie l’Australien de 23 ans.<br />
Farmer s’inspire de la<br />
méthode utilisée par les astronautes<br />
dans l’espace. « La<br />
NASA a démontré que les<br />
plantes peuvent pousser sans<br />
géotropisme, c’est-à-dire sans<br />
l’influence de la pesanteur sur<br />
les racines et les tiges. Ainsi,<br />
la culture des plantes en cercle,<br />
configuration spatiale la plus<br />
optimale, est viable. » Cette<br />
belle structure dans laquelle<br />
les légumes effectuent une<br />
rotation autour d’une lampe<br />
LED toutes les 46 minutes<br />
assure un rendement trois fois<br />
supérieur à la méthode classique<br />
en extérieur. « La source<br />
de lumière unique permet par<br />
ailleurs de profiter des angles<br />
des faisceaux lumineux et de<br />
réduire ainsi la consommation<br />
d’énergie, poursuit Farmer.<br />
L’hydratation et le drainage en<br />
rotation assurent aux racines<br />
un apport continu d’oxygène<br />
pour une meilleure santé des<br />
plantes. »<br />
Bien plus qu’une innovation<br />
chic, le Rotofarm est selon<br />
Farmer une première étape<br />
vers un mode de vie respectueux<br />
de l’environnement.<br />
« Chaque heure, d’énormes<br />
étendues de terres sont réaffectées<br />
à la culture biologique,<br />
explique-t-il. Beaucoup disposent<br />
déjà d’un espace de vie<br />
suffisant pour cultiver leurs<br />
propres légumes. » Ce dispositif<br />
sans effort avec son élégant<br />
dispositif aérien risque d’en<br />
inciter certains à se lancer<br />
dans la culture de salon.<br />
bace.co/rotofarm<br />
BACE LOU BOYD<br />
14 THE RED BULLETIN
CARE FOR THE<br />
OCEAN *<br />
* PRENEZ SOINS DE L’OCÉAN<br />
SEASTRONG DIVER GYRE<br />
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LORD ESPERANZA<br />
Le collectif<br />
au pouvoir<br />
“In us we trust” (trad. nous croyons en nous), c’est la devise<br />
du label de vêtements écoresponsables lancé par le rappeur<br />
Lord Esperanza. Il évoque la puissance du travail collectif.<br />
the red bulletin : Quelles furent<br />
vos collaborations artistiques les<br />
plus marquantes ?<br />
lord esperanza : Je suis arrivé à la<br />
musique par l’écriture, et puis j’ai eu<br />
un groupe de rock qui s’est arrêté<br />
au bout d’un an et demi à cause des<br />
aléas de la vie, mais aussi des ego<br />
et des jalousies. Avec un ami rappeur<br />
de Lille, Pollux, j’ai ensuite monté<br />
un duo (Lord & Lux, ndlr). À ce<br />
moment, j’étais très avide de collaborations<br />
parce que pour moi, la<br />
musique est avant tout quelque<br />
chose qui se partage. Dès que je<br />
trouvais quelqu’un prêt à me suivre<br />
dans ma folie créative, je me lançais.<br />
Je voulais tout le temps être en studio,<br />
mais je n’avais pas d’argent, il<br />
fallait trouver des sessions gratuites,<br />
emprunter un micro ou un logiciel…<br />
Plus tard, j’ai monté une tournée<br />
pour créer des clips vidéo avec un<br />
réalisateur dans chaque ville, et on<br />
faisait élire le gagnant par les fans.<br />
Je donne aussi des cours d’écriture<br />
bénévoles à des enfants souvent<br />
issus de quartiers défavorisés qui<br />
ont des destins incroyables. Certains<br />
ont traversé la Méditerranée sur un<br />
bateau en plastique. J’ai envie de<br />
faire participer la communauté le<br />
plus possible.<br />
Qu’est-ce qui vous anime dans ces<br />
projets collectifs ?<br />
La notion de transmission collective.<br />
Quand j’ai commencé le rap à<br />
14-15 ans, j’ai eu la chance de rencontrer<br />
un ami de dix ans mon aîné.<br />
Il m’a fait confiance, m’a enregistré<br />
gratuitement chez lui et m’a donné<br />
des conseils. Il m’a accueilli avec<br />
beaucoup de générosité. Et très vite,<br />
il m’a dit : « Tu sais, ce que je fais<br />
pour toi, il faudra que tu le fasses<br />
pour d’autres. » Ça m’a marqué et<br />
c’est resté ancré dans mon rapport<br />
à autrui. Même si j’ai beaucoup travaillé,<br />
j’ai une chance unique par<br />
rapport à d’autres artistes qui ne<br />
vivent pas de leur musique. Cette<br />
reconnaissance, j’essaye de la transformer<br />
et ça passe par des projets<br />
comme ceux-là.<br />
Comment se déroule le processus<br />
d’écriture à plusieurs sur un titre ?<br />
En général, chacun écrit son couplet,<br />
puis on trouve le refrain et l’idée<br />
ensemble. Mon souvenir de collaboration<br />
le plus notable, c’était un séminaire<br />
d’écriture pour Patrick Bruel.<br />
On a écrit la chanson Le Fil, qui<br />
évoque la relation entre un père et<br />
son fils. J’ai travaillé avec un auteur<br />
de 45 ans qui avait des enfants,<br />
contrairement à moi. Je me suis donc<br />
mis à la place de mon père pour<br />
écrire. Pour d’autres chansons, je me<br />
suis mis à la place de femmes. C’était<br />
un défi assez excitant, qui cassait les<br />
codes du « moi, je ». Quand je suis<br />
revenu au rap, j’avais l’impression<br />
d’avoir un point de vue différent.<br />
En 2018, vous avez créé un label de<br />
musique, Paramour, nouvelle forme<br />
d’aventure collective. Pourquoi ?<br />
L’idée était d’officialiser des collaborations<br />
avec des gens qui étaient là<br />
depuis le début et qui donnaient<br />
« Quand tu<br />
collabores avec<br />
des artistes<br />
que tu produis,<br />
tu as une partie<br />
de leur vie entre<br />
les mains. »<br />
#EnFeatAvecLord<br />
Au printemps dernier, le<br />
<strong>Red</strong> Bull Studios Paris a<br />
proposé à Lord Esperanza<br />
de se rapprocher encore<br />
plus de sa communauté<br />
en lançant le projet<br />
#EnFeatAvecLord : composer<br />
un morceau collaboratif<br />
avec des centaines de personnes.<br />
Le rappeur proposait<br />
quatre mesures et<br />
les fans pouvaient ensuite<br />
envoyer les leurs, chaque<br />
semaine, sur une plateforme<br />
digitale dédiée. L’artiste<br />
a sélectionné les meilleurs<br />
textes, et au bout de<br />
6 300 sets de mesures et<br />
80 000 visiteurs venus lire<br />
les propositions ou voter,<br />
le morceau (qui sortira bientôt)<br />
compte seize contributeurs<br />
: les trois artistes<br />
Lord Esperanza, Nelick<br />
et Fouki, ainsi que treize<br />
utilisateurs de la plateforme<br />
qui le rencontreront en<br />
septembre.<br />
Excité par l’idée de « sortir<br />
de sa zone de confort »<br />
avec ce nouveau défi créatif,<br />
Lord Esperanza a été agréablement<br />
surpris par la qualité<br />
des propositions, et<br />
notamment cette image<br />
qui l’a fait rêver : « Funambule<br />
au bord du trou noir /<br />
en blouson sombre. » Il a<br />
aussi fallu s’adapter à cette<br />
méthode de composition :<br />
« Ça représente plus de<br />
travail de composer avec<br />
les idées d’autrui, dit Lord.<br />
On est dans un rapport plus<br />
rationnel que quand on écrit<br />
seul. Avec ses propres<br />
mots, il y a un côté un peu<br />
magique dans l’inspiration.<br />
Là, c’était plus scientifique,<br />
parce qu’il faut trouver les<br />
bonnes formules pour que<br />
tout s’agence bien. »<br />
Pour lui, ce sera une chanson<br />
qui compte. « Ce titre<br />
a une valeur émotionnelle<br />
forte. En général, en studio,<br />
le morceau est plié en<br />
quelques heures. Ce texte<br />
a été écrit, travaillé, élaboré<br />
pendant quasiment six<br />
semaines donc j’ai eu le<br />
temps de le voir évoluer,<br />
ce qui est rare. Cela nous a<br />
permis de prendre plus de<br />
recul pour ne garder que le<br />
meilleur. C’était vraiment<br />
un exercice intéressant. »<br />
JASON PIEKAR SMAËL BOUAICI<br />
16 THE RED BULLETIN
eaucoup pour moi. Ce label, c’était<br />
un moyen de les remercier de<br />
manière concrète.<br />
Est-ce qu’on se sent plus fort en<br />
équipe ?<br />
Au contraire, ça me donne un sentiment<br />
de vulnérabilité, ça nécessite<br />
de prendre des décisions et d’apprendre<br />
un langage qui m’était<br />
étranger il y a un an et demi, celui<br />
des tableaux Excel et des contrats<br />
juridiques. Quand tu collabores avec<br />
des artistes que tu produis, tu as une<br />
partie de leur vie entre les mains.<br />
Le fait d’être artiste permet de mieux<br />
aborder la question. Le problème<br />
de la plupart des chefs de projets<br />
en maisons de disques, c’est qu’ils<br />
sortent d’école de commerce et que<br />
leur vision repose sur un point de<br />
vue très rationnel. Ils n’ont pas toujours<br />
cette sensibilité artistique.<br />
Qu’est-ce qui vous a motivé à<br />
lancer votre marque de vêtements<br />
en mai dernier, à 23 ans ?<br />
J’avais fait beaucoup de merchandising<br />
et je voulais développer des<br />
vêtements à part entière, pas juste<br />
des produits dérivés. Et aussi, je souhaitais<br />
toucher une autre clientèle<br />
que ma communauté. Ce sont des<br />
vêtements sobres, écoresponsables,<br />
sans logo. Je voulais créer des<br />
coupes et vivre l’expérience de toucher<br />
au tissu. Mon grand-père était<br />
tailleur, il y avait toujours une<br />
machine à coudre chez lui. Cette<br />
envie était donc en moi depuis longtemps.<br />
Et je l’ai concrétisée grâce<br />
à l’un de mes meilleurs amis, Léo<br />
Delolme, qui m’accompagne depuis<br />
le début sur de nombreux aspects<br />
de ma carrière, que ce soit le community<br />
management ou la direction<br />
artistique. Il est mon bras droit et<br />
un véritable couteau suisse.<br />
Cette collaboration avec Léo a-t-elle<br />
été essentielle à votre carrière ?<br />
Complètement, Léo a été fondamental.<br />
Plusieurs personnes de mon<br />
entourage ont joué un rôle important<br />
dans ma carrière. Elles m’ont fait<br />
confiance à un moment où tout était<br />
flou, à une époque où il ne se passait<br />
pas grand-chose dans ma vie. Les<br />
avoir autour de moi a tout changé.<br />
Instagram : @lordesperanza<br />
THE RED BULLETIN 17
MICRASHELL<br />
En mode ultra-looké<br />
Si un clubbing sous protection devait s’instaurer à l’avenir, cette combi<br />
pourrait préfigurer l’accoutrement de certains fêtards de demain.<br />
pandémie, Production Club,<br />
l’une des sociétés de Miguel<br />
Risueño, développe un équipement<br />
de protection pour<br />
fêtards.<br />
Le Micrashell confère au<br />
clubbeur l’allure d’un personnage<br />
sorti d’un film de SF, mais<br />
sa technologie intégrée est<br />
bien réelle. « Nous avons privilégié<br />
la sécurité avec un système<br />
de filtration similaire à celui<br />
des combinaisons PAPR (avec<br />
appareil respiratoire et purificateur<br />
d’air), explique Risueño.<br />
Mais les fonctionnalités et l’esthétique<br />
ne sont pas en reste. »<br />
Un dispositif pour boire et<br />
vapoter, des haut-parleurs et<br />
des LEDs sont aussi prévus.<br />
« Le système de boisson en<br />
canette évite les files d’attente<br />
et le risque d’être drogué à son<br />
insu, et les enceintes intégrées<br />
réduisent l’impact sonore. »<br />
Le Micrashell est en phase<br />
de prototype, testé par Miguel<br />
Risueño lui-même. « J’écris<br />
ces lignes en portant un casque<br />
très bruyant, très résistant<br />
et très laid », confie-t-il. La<br />
société envisage même un<br />
usage au-delà de la piste de<br />
danse. « Se rendre aux toilettes<br />
ou avoir un rapport sexuel<br />
sont des situations que nous<br />
ne pouvons négliger, ajoutet-il.<br />
Cela explique pourquoi le<br />
Micrashell ne couvre que la<br />
moitié du corps. »<br />
production.club/micrashell<br />
On le sait désormais, les nuits<br />
passées à danser dans des<br />
lieux bondés, enlacés les uns<br />
aux autres ou à trinquer sont<br />
des plaisirs qui peuvent être<br />
mis sur pause en un instant.<br />
Mais c’est sans compter sur<br />
la détermination d’un collectif<br />
passionné de fêtes en clubs.<br />
« Le contact humain procure<br />
une sensation que rien ne remplace,<br />
explique Miguel Risueño,<br />
directeur de création à Los<br />
Angeles. Les émotions ainsi<br />
partagées sont plus riches et<br />
plus gratifiantes. »<br />
Pour répondre au besoin<br />
d’un potentiel clubbing sous<br />
PRODUCTION CLUB LOU BOYD<br />
18 THE RED BULLETIN
LITENING C:68X<br />
RACE<br />
SORTEZ DU PELOTON,<br />
PRENEZ LA TÊTE<br />
DE LA COURSE.<br />
Comment définiriez-vous la vitesse ? Pour certain, c’est parcourir la plus grande distance, en un minimum<br />
de temps. Pour nos ingénieurs, c’est réaliser plus de 100 heures d’analyse en soufflerie, pour optimiser<br />
chaque partie du cadre de notre nouveau Litening C:68X. C’est intégrer au maximum chacun de ses<br />
éléments, de la fourche à la tige de selle, en passant par le cintre et les câbles, pour plus de performance<br />
face au vent. Et c’est flirter avec les limites des règlementations UCI, pour plus d’aérodynamisme. Le<br />
résultat, un vélo de course rapide et léger, au design exceptionnel.<br />
CUBEBIKES.<strong>FR</strong>
La calotte glaciaire<br />
du Groenland (ici en<br />
noir) a enregistré une<br />
fonte record en 2019 :<br />
environ 370 milliards<br />
de tonnes.<br />
ÓLAFUR ELÍASSON<br />
Une planète multiple<br />
Rendre le monde meilleur exige sûrement un changement de perspective.<br />
La dernière création de<br />
Ólafur Elíasson (ici à gauche)<br />
entend faire de nous des<br />
artistes du changement.<br />
Earth Perspectives, le projet<br />
de cet artiste islando-danois<br />
de réputation mondiale,<br />
réunit neuf images fluorescentes<br />
de notre planète ; afin<br />
d’en saisir le sens, le spectateur<br />
est invité à les observer<br />
avec attention. En fixant par<br />
exemple le point blanc au<br />
centre de l’image ci-dessus<br />
pendant dix secondes avant<br />
de déplacer le regard sur<br />
une surface neutre. L’image<br />
produite par vos yeux<br />
devient votre propre œuvre<br />
d’art, une vision nouvelle<br />
et unique de la Terre.<br />
Si l’interaction avec Earth<br />
Perspectives est aisée, la<br />
démarche de l’artiste reste<br />
complexe. Plus connu pour<br />
ses grandes installations<br />
conceptuelles, Elíasson a<br />
créé cette œuvre participative<br />
à petite échelle pour<br />
contribuer, en cette ère de<br />
crise écologique, à modifier<br />
notre vision de la planète.<br />
Les zones menacées par le<br />
changement climatique qu’il<br />
présente — la Grande Barrière<br />
de Corail, la calotte glaciaire<br />
du Groenland ou le site<br />
de la catastrophe nucléaire<br />
de 1986 à Tchernobyl, en<br />
Ukraine — appellent à rectifier<br />
notre vision du monde.<br />
« Earth Perspectives repré-<br />
sente à travers différents<br />
points de vue la Terre où<br />
nous souhaitons vivre,<br />
explique Elíasson. La perspective<br />
des humains, mais<br />
aussi celles des plantes, des<br />
animaux, de la nature. Celle<br />
d’un glacier diffère de celle<br />
d’un humain. Cela vaut aussi<br />
pour une rivière. »<br />
Le travail d’Elíasson s’inscrit<br />
dans le cadre du programme<br />
Back To Earth initié<br />
par les galeries Serpentine.<br />
Ce projet pluriannuel réunit<br />
plus de soixante artistes,<br />
architectes, cinéastes,<br />
poètes, scientifiques, penseurs<br />
et designers mobilisés<br />
contre la crise climatique.<br />
La récente pandémie a renforcé<br />
l’urgence de l’action.<br />
« La crise sanitaire actuelle<br />
a paralysé nos sociétés,<br />
affecté nos économies, nos<br />
libertés et nos liens sociaux,<br />
poursuit Elíasson. Nous<br />
devons nous montrer solidaires<br />
de tous ceux que la<br />
crise a frappés, et saisir<br />
cette occasion pour imaginer,<br />
ensemble, un monde<br />
meilleur, soucieux de ses<br />
merveilles et de sa beauté,<br />
ainsi que des défis qui nous<br />
attendent. »<br />
Retrouvez Earth Perspectives<br />
et les œuvres des<br />
autres artistes, dont Judy<br />
Chicago et Jane Fonda, sur le<br />
site des galeries Serpentine.<br />
serpentinegalleries.org<br />
OLAFUR ELIASSON, GETTY IMAGES LOU BOYD<br />
20 THE RED BULLETIN
Un type aux<br />
Féroé est là<br />
pour faire<br />
(presque)<br />
tout ce qui<br />
vous botte.<br />
KIRSTIN VANG/VISIT FAROE ISLANDS LOU BOYD<br />
Pour les habitants des îles<br />
Féroé, la distanciation sociale<br />
introduite en <strong>2020</strong> est un épiphénomène.<br />
Cet archipel autonome<br />
de l’Atlantique Nord est<br />
l’une des sociétés humaines<br />
les plus isolées de la planète.<br />
Un éloignement géographique<br />
qui n’empêche pas les 52 110<br />
âmes qui y vivent d’être très<br />
sociables, à commencer par<br />
leur Premier ministre dont le<br />
numéro de téléphone est<br />
connu de tous.<br />
En 2016, les îles s’ouvrent<br />
au monde en lançant Google<br />
Sheep View, des visites virtuelles<br />
avec des webcams<br />
fixées sur des moutons. En avril<br />
dernier, alors que le monde se<br />
confine, les Féroïens renouvellent<br />
leur geste d’ouverture :<br />
des visites virtuelles de leurs<br />
dix-huit îles aux paysages sauvages,<br />
grâce aux habitants<br />
équipés d’une caméra et d’un<br />
micro. « Le visiteur sélectionne<br />
les instructions sur l’écran de<br />
son appareil mobile qui les<br />
transmet à l’oreillette du guide<br />
en quelques millisecondes,<br />
explique Levi Hanssen, de<br />
l’office du tourisme des Féroé.<br />
Nous informons nos visiteurs<br />
virtuels que nous nous plaçons<br />
sous leur contrôle total, à<br />
condition de ne pas nous<br />
mettre en danger. » Les excursions<br />
virtuelles se font à pied,<br />
à cheval et même en hélicoptère.<br />
« Certains demandent<br />
à nos guides de sauter dans<br />
l’océan, ou de pourchasser des<br />
moutons. Nous nous contentons<br />
d’en rire en expliquant<br />
que cela n’est pas possible, et<br />
proposons une alternative. »<br />
Grâce à cette initiative touristique<br />
innovante, les visiteurs<br />
sont plus nombreux qu’avant le<br />
confinement. « La rigueur des<br />
éléments qui nous entourent<br />
façonne notre peuple depuis<br />
des générations, souligne<br />
Hanssen. Nous sommes un<br />
savant mélange de solitude,<br />
de résilience, d’authenticité et<br />
de chaleur. » Avec la réouverture<br />
des frontières, les Féroïens<br />
espèrent attirer des visiteurs<br />
bien réels cette fois.<br />
remote-tourism.com<br />
TOURISME À DISTANCE<br />
Demandez<br />
au guide !<br />
Alors que l’humanité s’installait dans le<br />
confinement, l’une de ses communautés<br />
parmi les plus isolées innovait afin<br />
d’accueillir des visiteurs en toute sécurité.<br />
THE RED BULLETIN 21
JESSICA NABONGO<br />
Une tout autre idée<br />
du tourisme<br />
Jessica Nabongo est une photographe, influenceuse et entrepreneure<br />
déterminée à secouer l’industrie du voyage. En l’humanisant.<br />
En octobre dernier, Jessica Nabongo<br />
devient la première femme noire<br />
à visiter tous les pays de la planète.<br />
Son arrivée aux Seychelles, sa<br />
195 e destination, achève un périple<br />
de deux ans et demi qui a mené<br />
l’Américaine d’origine ougandaise<br />
de 36 ans des villes africaines aux<br />
plages indonésiennes, des déserts<br />
du Moyen-Orient aux campagnes<br />
d’Europe. Un voyage suivi en ligne<br />
par ses quelque 180 000 abonnés.<br />
Toutefois, Nabongo ne se limite<br />
pas à promouvoir des voyages sur<br />
Instagram et son site web ; elle y<br />
interroge aussi les idées préconçues<br />
des Occidentaux sur les destinations<br />
touristiques et les publics cibles<br />
associés. Grâce à sa tournée historique<br />
et à sa société de voyage Jet<br />
Black, Nabongo défend la nécessité<br />
d’une représentation plus équilibrée<br />
dans une industrie qui reste majoritairement<br />
blanche. Cinq mois<br />
après la fin de son circuit, voyager<br />
librement à travers le monde devenait<br />
impossible. Pour Nabongo, un<br />
esprit vagabond et curieux reste<br />
néanmoins un bon moyen de tisser<br />
de solides liens.<br />
the red bulletin : D’où vous est<br />
venue l’idée de visiter tous les<br />
pays ?<br />
jessica nabongo: Je m’étais fixé<br />
ce but au début de mes vingt ans.<br />
En 2017, j’en étais à soixante pays<br />
visités, j’ai alors décidé de me rendre<br />
dans tous les autres avant mes<br />
35 ans. J’ai réussi cinq mois après<br />
mon anniversaire.<br />
Vous êtes la première femme noire<br />
à y parvenir. Pourquoi est-ce<br />
important pour vous ?<br />
L’accès des Noirs au voyage n’a pas<br />
toujours été aussi aisé que pour les<br />
Blancs. Une situation liée aux nombreuses<br />
discriminations coloniales,<br />
mais aussi à celles internes à certains<br />
pays. Brandir un passeport<br />
américain ou un passeport ougandais<br />
ne produit pas les mêmes effets.<br />
J’ai compris l’importance pour les<br />
titulaires d’un passeport africain,<br />
que les douaniers du monde entier<br />
comprennent qu’il peut aussi servir<br />
à faire du tourisme.<br />
Qu’est-ce qui a motivé la création<br />
de votre agence de voyages ?<br />
L’envie de proposer une offre spécialisée<br />
dans l’Afrique, l’Amérique<br />
centrale, l’Amérique du Sud, et les<br />
Caraïbes. Ces régions abritent des<br />
coins exceptionnels, mais demeurent<br />
peu visitées parce que mal connues.<br />
Les touristes n’ont d’yeux que pour<br />
Paris, mais Dakar, Accra ou Lagos<br />
c’est bien aussi. L’idée est de changer<br />
le discours afin de développer ces<br />
destinations.<br />
Quelle est la leçon la plus importante<br />
que votre expérience vous<br />
a apprise ?<br />
Partout où j’allais, je posais cette<br />
question aux habitants : « Qu’est-ce<br />
qui vous rend heureux ? » La réponse<br />
était toujours la même : être avec<br />
ceux qu’ils aiment et voir leurs<br />
enfants heureux. Quelles que soient<br />
nos différences – ethniques, sociales,<br />
sexe, religion, nationalité – nous<br />
aspirons à peu près aux mêmes<br />
choses. La pandémie nous a rapprochés.<br />
Mes échanges avec des citoyens<br />
européens, africains ou asiatiques<br />
ont montré que nous vivons partout<br />
une expérience similaire. Nos actes<br />
n’affectent pas seulement notre voisin<br />
direct, mais la planète entière.<br />
Nous sommes tous voisins.<br />
Comment avez-vous vécu le<br />
confinement ?<br />
J’adore voyager et cela me manque<br />
terriblement, mais nous sommes<br />
tous soumis à cette situation. J’ai<br />
connu un moment difficile. Je mangeais<br />
peu, buvais avec excès et maigrissais<br />
à vue d’œil. Mais j’ai fini<br />
par me reprendre. J’ai téléchargé<br />
Headspace (une application de méditation,<br />
ndlr). Je désirais pratiquer la<br />
méditation depuis des années, mais<br />
les déplacements fréquents et mon<br />
manque de discipline ont retardé ce<br />
moment. La méditation m’apporte<br />
calme et pleine conscience et développe<br />
ma capacité de concentration.<br />
Comment explore-t-on le monde<br />
quand on est confiné ?<br />
On l’explore localement. Des<br />
Kenyans me disaient que leur passeport<br />
ne leur servait à rien. Qu’à cela<br />
ne tienne, visitez Lamu, Mombasa,<br />
le mont Kenya, leur ai-je conseillé.<br />
Le pays natal reste à découvrir. L’interdiction<br />
de voyager vise à protéger<br />
la santé de chacun. Mais les vidéos<br />
et les livres nous font voyager sans<br />
se déplacer et nous font mieux<br />
connaître une destination avant<br />
de s’y rendre.<br />
Pourquoi les voyages sont-ils si<br />
importants ?<br />
Cela nous aide à voir l’autre avant<br />
tout comme un semblable et pas<br />
seulement comme un Pakistanais,<br />
un Anglais, un Français, un Sénégalais<br />
ou un Ghanéen. L’Occidental a<br />
peur des épouvantails, surtout s’ils<br />
ont les traits d’une personne noire<br />
ou typée. Avec les voyages, les gens<br />
se rencontrent, s’apprivoisent. Ainsi,<br />
les peurs ancestrales se dissipent et<br />
laissent place à plus de tolérance et<br />
d’amour. Nous nous humanisons.<br />
thecatchmeifyoucan.com ;<br />
Instagram : @thecatchmeifyoucan<br />
ELTON ANDERSON JESSICA HOLLAND<br />
22 THE RED BULLETIN
« Les touristes<br />
n’ont d’yeux<br />
que pour Paris,<br />
mais Dakar, c’est<br />
bien aussi. »<br />
THE RED BULLETIN 23
THE 1975<br />
Message<br />
reçu 5/5<br />
Matty Healy, le leader de<br />
l’un des groupes les plus<br />
engagés du Royaume-Uni,<br />
revient sur quatre chansons<br />
qui l’ont stimulé.<br />
Pourquoi se limiter à un seul genre<br />
musical quand on peut tous les<br />
jouer ? Avec trois albums numéro<br />
un au Royaume-Uni, <strong>The</strong> 1975 ont<br />
chaque fois étoffé leur éventail<br />
sonore, créant un mélange unique<br />
de R&B, punk, ambient et synth pop<br />
leur assurant une base de fans tout<br />
aussi éclectique. Basé à Manchester,<br />
le quatuor est aussi connu pour<br />
son activisme politique plaidant<br />
notamment en faveur de spectacles<br />
durables, des droits des<br />
LGBTQ+ et de la parité hommesfemmes<br />
dans les festivals. Le<br />
morceau d’ouverture du dernier<br />
album, Notes On A Conditional<br />
Form, inclut un discours de Greta<br />
Thunberg. Vocaliste du groupe,<br />
Matty Healy nous fait part de sa<br />
playlist aux messages forts…<br />
Notes On A Conditional Form<br />
est déjà disponible ; the1975.com<br />
Peter Tosh<br />
Equal Rights (1977)<br />
« J’adore ce morceau. Un<br />
manifeste aux paroles (Peter<br />
Tosh, artiste reggae jamaïcain,<br />
y défend la priorité de la justice<br />
et de l’égalité des droits<br />
sur la paix, ndlr) très justes et<br />
réalistes. L’esprit de la chanson<br />
constitue la matrice de<br />
tous nos textes. Voilà le genre<br />
de morceau qui change le<br />
cours d’une vie. »<br />
James Brown<br />
It’s A Man’s Man’s Man’s World<br />
(1966)<br />
« Voilà une chanson épatante<br />
dont le sujet reste d’actualité.<br />
James Brown y aborde les<br />
droits civils et la misogynie,<br />
et chante que le monde “ne<br />
serait rien, sans une femme<br />
ou une jeune fille” — une vérité<br />
imparable. Je l’écoutais encore<br />
récemment et j’en avais<br />
des frissons. »<br />
Refused<br />
Rather Be Dead (1996)<br />
« Ce groupe suédois hardcore<br />
exerce une influence majeure<br />
sur nous — People, notre<br />
récent single peut en témoigner<br />
— cela tient à son activisme<br />
politique, mais aussi<br />
à son énergie et son urgence.<br />
Ce morceau est pour moi la<br />
quintessence du punk rock.<br />
Refused, c’est le dernier<br />
groupe heavy notable. »<br />
Radiohead<br />
<strong>The</strong> Daily Mail (2011)<br />
« Thom Yorke peut écrire des<br />
chansons d’une incroyable singularité.<br />
Celle-ci me rappelle<br />
l’Angleterre et la désillusion<br />
qui l’anime. Nous sommes<br />
déçus de nous-même, mais<br />
en plus nous célébrons cette<br />
déception de manière excessive<br />
et systématique. C’est<br />
une attitude bien britannique<br />
somme toute. »<br />
BRETT LLOYD MARCEL ANDERS<br />
24 THE RED BULLETIN
Jill Heinerth en train<br />
de tester un rebreather :<br />
cet appareil permet<br />
de recycler l’air expiré,<br />
et donc de plonger<br />
plus longtemps.<br />
PASSION ABYSSALE<br />
Grande dame de la plongée-spéléo, la Canadienne JILL HEINERTH<br />
explore les endroits les plus inaccessibles du monde sous-marin.<br />
Un métier où le risque et l’émerveillement sont toujours au rendez-vous.<br />
Texte ANDREAS WOLLINGER<br />
Photos JILL HEINERTH<br />
26 THE RED BULLETIN
Plongée en mer inconnue<br />
Dans ce gigantesque cénote<br />
( appelé « <strong>The</strong> Pit »), situé sous la<br />
péninsule du Yucatán au Mexique,<br />
Jill Heinerth a eu un grave accident<br />
qui a bien failli mettre fin à sa<br />
carrière. Pourquoi n’a-t-elle jamais<br />
raccroché ? « Il n’y a pas de plus<br />
belle sensation que de pénétrer<br />
dans un endroit où aucun Homme<br />
n’a encore plongé. »
Paradis interdit<br />
Pour pouvoir admirer ces paysages<br />
sous-marins à couper le souffle,<br />
il faut une autorisation spéciale,<br />
la grotte étant fermée depuis<br />
quarante ans pour des raisons<br />
de sécurité. « Cette beauté m’a<br />
toujours fascinée, s’exclame Jill.<br />
Je crois que c’est une des plus<br />
belles choses que j’aie jamais vues. »<br />
29
Le Sahara dans<br />
les Bahamas<br />
Plongée au fin fond de Dan’s Cave sur<br />
l’île d’Abaco, au nord des Bahamas.<br />
Cette grotte vieille de 350 000 ans est<br />
fréquentée par les plongeurs mais<br />
aussi les climatologues. Sur ses<br />
stalagmites, on trouve en effet<br />
du sable provenant du Sahara, ce qui<br />
permet de retracer les périodes de<br />
sécheresse sur Terre.<br />
31
Pas de panique !<br />
Dans la plongée-spéléo, mieux vaut<br />
ne pas être claustrophobe : « L’idée<br />
est toujours de garder la balance<br />
entre la peur et la confiance en soi »,<br />
explique Jill Heinerth.<br />
Le monde des ténèbres<br />
Même si le Crystal Palace de la Dan’s Cave<br />
est toujours plongé dans le noir, il regorge<br />
d’êtres vivants : des petits crustacés sans<br />
yeux ni pigments qui n’ont pas changé<br />
depuis la fin des dinosaures.<br />
32 THE RED BULLETIN
Vestiges de guerre<br />
devant Terre-Neuve<br />
Ce navire français fut coulé<br />
en novembre 1942 par un sousmarin<br />
allemand devant l’île de<br />
Terre-Neuve (Canada). Échouée<br />
près de Bell Island, l’épave sert<br />
aujourd’hui d’habitation à de<br />
nombreux animaux marins.
Jill Heinerth, 55 ans, devant le Wookey Hole,<br />
au sud-ouest de l’Angleterre. C’est ici qu’a eu<br />
lieu la première plongée-spéléo en 1935.<br />
SUUNTO UK<br />
L’indispensable<br />
fil d’Ariane<br />
Le collègue de Jill Heinerth est en<br />
train de monter le filin de sécurité<br />
à l’entrée du Devil’s Eye Spring,<br />
une grotte souterraine en Floride.<br />
Surnommé « fil d’Ariane »,<br />
il est parfois le seul moyen de<br />
retrouver la sortie quand les particules<br />
soulevées par les plongeurs<br />
empêchent toute visibilité.<br />
Un peu plus près<br />
des étoiles… de mer<br />
C’est l’histoire d’une petite<br />
fille qui rêvait de devenir<br />
une astronaute.<br />
À défaut de pouvoir réaliser son rêve d’enfance,<br />
Jill Heinerth découvre, en grandissant,<br />
un autre univers fascinant : celui des<br />
abysses. Avant son trentième anniversaire,<br />
elle quitte sa vie tranquille et son boulot de<br />
graphiste pour se consacrer à sa passion<br />
et devenir exploratrice de grottes sousmarines.<br />
Depuis, la Canadienne de 55 ans<br />
s’est aventurée dans les grottes les plus<br />
étroites, les plus profondes et les plus longues<br />
du monde aquatique, notamment<br />
dans un iceberg de l’Antarctique : un exploit<br />
qui lui a valu cette année son entrée dans<br />
le Scuba Diving Hall of Fame.<br />
Se frayer un chemin dans ces labyrinthes<br />
de calcaire, plongés dans l’eau et l’obscurité,<br />
n’est évidemment pas sans risque. La plongée-spéléo<br />
fait en moyenne une vingtaine de<br />
victimes par an. Mais pour Jill, ce risque est<br />
largement compensé par l’émerveillement<br />
que l’on ressent lorsqu’on plonge dans des<br />
lieux où personne n’est jamais allé. La peur ?<br />
« Elle est présente, avoue-t-elle, mais vous<br />
ne devez jamais la laisser vous contrôler,<br />
pour ne pas gaspiller votre oxygène. » Comment<br />
fait-elle ? « Face au danger, il faut respirer<br />
un grand coup et se concentrer sur<br />
sa survie, un pas après l’autre. »<br />
intotheplanet.com<br />
35
Cadeau du ciel<br />
Un rai de lumière transperce<br />
la pénombre d’un cénote : Jill a<br />
baptisé ce cliché, pris au Yucatán,<br />
Beam Me Up. En le regardant,<br />
on comprend mieux pourquoi<br />
les Mayas considéraient ces puits<br />
naturels comme le territoire des<br />
dieux de l’inframonde.<br />
36 THE RED BULLETIN
La Floride en<br />
immersion totale<br />
Le Floridan Acquifer est un vaste<br />
réseau de canaux souterrains qui<br />
alimentent en eau potable 60 % de<br />
la population de cet État. Il attire<br />
aussi les (intrépides) plongeurs<br />
du monde entier. Sur la photo :<br />
l’entrée du Orange Grove Sink,<br />
au nord-est de la Floride.
ÊTES-VOUS<br />
BIEN ÉLEVÉ ?<br />
Le bonheur, la forme et le succès sont à portée de main.<br />
Difficile à croire ? C’est grâce à cet état d’esprit que<br />
FABIO WIBMER, un spécialiste du VTT trial, a séduit<br />
cinq millions de fans sur YouTube. Il révèle ses trucs<br />
pour voir votre quotidien différemment. Et vous élever.<br />
Texte ALEX LISETZ<br />
Photos HANNES BERGER
LA VOIE DES AIRS<br />
Les vélos sont interdits sur le ponton<br />
du Hallstättersee en Haute-Autriche.<br />
Fabio a la solution : ne pas toucher<br />
le sol, tout simplement.<br />
39
UNE ASCENSION<br />
FULGURANTE<br />
L’accrobranche, c’est<br />
surfait : à 14 ans, Fabio<br />
est passé du motocross<br />
au VTT trial. La suite de<br />
l’histoire, on la connaît.
Fabio Wibmer a passé son<br />
enfance dans un véritable terrain<br />
de jeu. Ses parents lui ont<br />
offert LE cadeau parfait pour<br />
lui permettre de développer ses<br />
talents. Et aujourd’hui, quand il se filme<br />
en faisant son activité préférée, 80 millions<br />
de personnes admirent le spectacle<br />
sur YouTube… Chanceux le type. Facile...<br />
La vérité, c’est que Fabio Wibmer a<br />
beaucoup plus d’imagination que nous.<br />
« Les choses les plus banales autour de<br />
moi, je les regarde toujours sous un autre<br />
angle, explique-t-il. Je réfléchis aux idées<br />
sympa qu’il pourrait y avoir derrière.<br />
Puis je les mets en pratique. »<br />
C’est en suivant ce principe que<br />
Fabio Wibmer s’est élevé, pour devenir<br />
un vététiste de niveau international et<br />
le YouTubeur le plus célèbre d’Autriche.<br />
Mais cette philosophie de vie, il l’applique<br />
aussi à des idées commerciales et<br />
des projets de vie d’un autre genre. Ainsi<br />
qu’à ses sorties VTT. « Pas besoin de budget<br />
ni de spots classieux pour faire marcher<br />
sa créativité. Parfois, on a même de<br />
meilleures idées quand les possibilités<br />
sont limitées. »<br />
Fabio Wibmer a grandi dans un village<br />
de l’est du Tyrol. Pas exactement<br />
l’endroit rêvé pour devenir célèbre.<br />
« J’adore Oberpeischlach, dit-il, mais il<br />
n’y avait rien à faire là-bas. On n’avait<br />
même pas de terrain plat. Quand on<br />
jouait au foot, au bout de cinq minutes,<br />
on perdait le ballon et il fallait aller le<br />
récupérer en bas de la pente. »<br />
Fabio Wibmer a six ans quand il fait<br />
cet important constat : un pré peut être<br />
plus qu’un simple pré et un arbre abattu<br />
peut être plus qu’un simple arbre abattu.<br />
Eh oui, car quand on pense de manière<br />
créative, un pré peut aussi être une piste<br />
de motocross et un arbre abattu peut<br />
devenir un obstacle de trial. Après une<br />
sortie en famille à la Coupe du monde<br />
de motocross en Carinthie, Fabio et son<br />
frère Gabriel supplient leurs parents<br />
de faire l’acquisition de mini motos<br />
cross. C’est ainsi que le champ de leur<br />
oncle passe du statut de mauvais terrain<br />
de foot à celui de parcours de motocross<br />
idoine. Et la forêt derrière la maison<br />
devient un véritable terrain de jeu<br />
offrant mille possibilités de défis et<br />
d’acrobaties.<br />
Leçon de créativité n°1 : continuer<br />
d’avoir six ans dans la tête. Et considérer<br />
le monde comme un terrain de jeu où<br />
mettre en pratique son talent et ses idées.<br />
Fabio, qui a aujourd’hui 25 ans et vit<br />
à Innsbruck, est devenu une véritable<br />
star : sa chaîne YouTube compte près de<br />
cinq millions d’abonnés et ses vidéos les<br />
plus populaires font entre 80 (Wibmer’s<br />
Law) et 100 millions de vues (Urban<br />
Freeride Lives).<br />
Fabio est un spécialiste<br />
du VTT trial et downhill<br />
de niveau international,<br />
et le YouTubeur le plus<br />
célèbre d’Autriche.<br />
LE QUOTIDIEN COMME<br />
SOURCE D’INSPIRATION<br />
Son succès, Fabio le doit – outre son<br />
talent exceptionnel en trial et en downhill<br />
– à sa créativité sans bornes. Ses<br />
vidéos racontent des histoires, ses tricks<br />
sont à la fois drôles et incroyables. Son<br />
secret pour arriver à un tel résultat : penser<br />
comme le gamin de six ans qu’il a été<br />
un jour. En pratique, il prend des choses<br />
du quotidien, les sort de leur contexte<br />
et en tire des idées géniales.<br />
Meilleur exemple : Fabiolous Escape, la<br />
vidéo avec laquelle il a percé, il y a maintenant<br />
quatre ans. « Au départ, j’ai tourné<br />
Escape pour un concours vidéo où il fallait<br />
filmer une séquence cool en une seule<br />
prise. Là, je me suis dit : pourquoi ne pas<br />
raconter une histoire – et faire participer<br />
tout mon village ? » Dans sa « fuite » face<br />
aux policiers – un peu patauds – du village,<br />
Fabio dévale les toits des maisons<br />
et les tables à manger, enchaînant avec<br />
« Ce qu’il me faut,<br />
c’est un trick que<br />
je retente 200<br />
ou 300 fois avant<br />
d’y arriver. »<br />
THE RED BULLETIN 41
une aisance déconcertante les frontflips,<br />
les drops, et même un numéro d’équilibriste<br />
sur le guidon de son vélo. Résultat :<br />
il a remporté le concours et sa vidéo en<br />
est aujourd’hui à 56 millions de vues.<br />
« Je prends des choses que tout le monde<br />
connaît et je les aborde d’une manière<br />
différente », explique l’ancien étudiant<br />
en marketing sportif au sujet du succès<br />
de son concept, dont pourraient aussi<br />
tout à fait s’inspirer les fondateurs de startup<br />
et sportifs amateurs. « Comme dans<br />
Urban Freeride Lives, où je descends des<br />
escaliers – tout le monde peut se projeter<br />
là-dedans, pas comme avec une rampe<br />
dont les dimensions échappent<br />
totalement aux profanes. »<br />
Quand il est en vadrouille, les idées<br />
jaillissent dans sa tête les unes après<br />
les autres. « Je vois un mur et je me<br />
demande comment je pourrais rouler<br />
dessus ou sauter par-dessus. » Un jour,<br />
en cherchant un lieu sympa, il a atterri<br />
dans la vallée de la Malta en Carinthie.<br />
Là-bas, il a flashé sur un mur de barrage<br />
de 200 mètres de haut, sécurisé par une<br />
rambarde en haut. « J’ai vu la rambarde<br />
et je me suis dit : si elle n’était qu’à dix<br />
centimètres du sol, je pourrais rouler<br />
dessus sans problème. Donc je dois juste<br />
m’enlever de la tête qu’il y a 200 mètres<br />
de vide en dessous. » Et il s’est retrouvé<br />
quelques jours plus tard, assuré par une<br />
corde, à rouler sur la rambarde – de la<br />
largeur d’un pneu – du début jusqu’à la<br />
fin du barrage, faisant fi de l’immense<br />
gouffre à sa gauche. « Une sensation<br />
indescriptible, surtout après coup »,<br />
raconte-t-il. Nous, rien qu’à regarder la<br />
vidéo Riding a Bike on a 200 m High Rail,<br />
on en a des sueurs froides.<br />
« Parfois, on a<br />
de meilleures<br />
idées quand<br />
les possibilités<br />
sont limitées. »<br />
LE DROIT DE SE PLANTER<br />
Fabio nous explique qu’il a aussi pas mal<br />
d’idées qui ne mènent nulle part. « Parce<br />
que dans la réalité, elles ne fonctionnent<br />
pas comme je me l’étais imaginé. Ou bien<br />
parce qu’elles sont complètement nulles,<br />
alors que je pensais qu’elles seraient<br />
super géniales. » Pas grave : la créativité,<br />
ça ne fonctionne que si on s’accorde le<br />
droit de se tromper, d’être ridicule et de<br />
faire n’importe quoi.<br />
Leçon de créativité n°2 : n’en avoir<br />
rien à foutre.<br />
En fait, parfois, ça vaut le coup de<br />
poursuivre des idées qui semblent vouées<br />
à l’échec. « Il y en a qui lâchent l’affaire<br />
quand ils n’arrivent pas à passer un trick<br />
au bout de trente tentatives, dit Fabio.<br />
Moi, quand il ne me faut que trente fois<br />
42 THE RED BULLETIN
LE JUSTE ÉQUILIBRE<br />
Dans ses vidéos YouTube,<br />
Fabio alterne tricks de dingue<br />
et séquences délirantes.<br />
THE RED BULLETIN 43
5 indispensables<br />
pour une<br />
journée de VTT<br />
mémorable<br />
pour y arriver, le trick ne m’intéresse<br />
plus. C’est qu’il n’était pas assez difficile.<br />
Ce qu’il me faut, c’est un trick que je<br />
retente 200 ou 300 fois – comme dans la<br />
vidéo Home Office où je mets un panier<br />
avec ma roue arrière. »<br />
Pour ses tricks (ici un 180<br />
depuis un Mercedes Marco<br />
Polo), Fabio s’inspire<br />
fréquemment des skateurs<br />
et athlètes de parkour.<br />
D’IDOLE À POTE<br />
Comment faire pour penser de manière<br />
aussi créative que Fabio Wibmer ?<br />
« Je me suis toujours inspiré de ce que<br />
faisaient les autres pour en faire mon<br />
truc à moi. » Revenons à ce propos à un<br />
fameux jour de printemps 2009, qui fut<br />
le plus important de sa vie. C’est ce jourlà,<br />
alors âgé de 14 ans, qu’il tombe par<br />
hasard sur la vidéo Inspired Bicycles de<br />
l’Écossais Danny MacAskill, la légende<br />
du VTT trial. « J’ai de suite su que je voulais<br />
faire ça moi aussi. »<br />
Fabio abandonne le motocross pour<br />
le VTT trial et se sert des vidéos de<br />
Danny MacAskill pour apprendre des<br />
tricks. En parallèle, il poste ses propres<br />
vidéos et se constitue une communauté<br />
qui compte de plus en plus de fans. Et en<br />
2012, il rencontre son idole en personne<br />
lors d’un atelier de la <strong>Red</strong> Bull Wings<br />
Academy. Ils ne se perdent pas de vue et<br />
Danny finit même par faire une proposition<br />
à Fabio : l’accompagner dans sa<br />
tournée de démonstration. Aujourd’hui,<br />
Fabio est l’un des piliers majeurs de<br />
l’équipe Drop and Roll qui fait tourner<br />
les têtes des fans en enchaînant les<br />
frontflips par-dessus les clôtures de<br />
jardin et les backflips au guidon d’anciens<br />
vélos pour dames.<br />
Leçon de créativité n°3 : commencer<br />
par regarder ce que font les autres. Et<br />
s’en inspirer pour en faire quelque chose<br />
de personnel.<br />
VOIR PLUS LOIN<br />
Le mieux serait peut-être de dévoiler tout<br />
de suite la leçon n°4 pour cette partie :<br />
voir plus loin que le bout de son nez.<br />
L’inspiration se trouve partout, parfois<br />
même dans les endroits les plus inattendus.<br />
« J’aime bien savoir comment les<br />
autres communautés ou disciplines<br />
gèrent tel ou tel challenge, explique<br />
Fabio. Parfois, j’observe un skateur et<br />
j’essaie de refaire les mêmes mouvements<br />
avec ma bécane. Dans la vidéo<br />
Home Office, je saute sur un arbre depuis<br />
le toit de la maison avant de glisser sur<br />
le côté et d’atterrir au sol – c’est une idée<br />
que j’ai eue en regardant des vidéos de<br />
parkour. »<br />
1. Un VTT (forcément)<br />
« S’il ne fonctionne pas parfaitement,<br />
un vélo n’est rien de plus qu’un tas<br />
de ferraille. Il est donc indispensable<br />
de s’assurer avant le départ que les<br />
freins marchent bien, que les roues<br />
tournent correctement et qu’il n’y<br />
a rien qui vibre ou qui frotte. »<br />
2. Les meilleurs potes<br />
« Le VTT, c’est encore plus cool entre<br />
potes. Mais pour que chacun puisse<br />
en profiter, il faut que tout le monde<br />
ait le même niveau. Je m’entraîne<br />
avec un crew pour la descente et<br />
un autre pour le trial et j’ai vécu des<br />
trucs incroyables avec les deux. »<br />
3. De quoi manger<br />
« Dès que j’ai la dalle, ça ne va pas.<br />
Donc je vérifie toujours avant qu’il y<br />
aura de quoi manger là où je vais rouler<br />
– et que le restaurant ou le snack<br />
en question sera bien ouvert. Quand<br />
j’ai faim, je suis insupportable. »<br />
4. Un temps parfait<br />
« De 20 à 25 degrés et du soleil.<br />
Simple, mais tellement important. »<br />
5. Un portable éteint<br />
« Il faut toujours avoir un portable<br />
avec soi quand on part en virée. Mais<br />
quand je ne filme pas, le mien, je préfère<br />
encore le laisser éteint. Le truc,<br />
c’est qu’on est connectés 24h/24,<br />
donc j’aime bien débrancher un peu.<br />
Au moins quand je suis sur mon VTT. »<br />
Récapitulons : les meilleures idées se<br />
trouvent juste sous notre nez ; on peut<br />
s’inspirer de gens qui partagent nos idées,<br />
mais l’inspiration peut aussi parfois se<br />
trouver là où l’on s’y attend le moins ; et<br />
pour trouver de bonnes idées, il ne faut<br />
pas avoir peur de se tromper. Quelque<br />
chose à rajouter, Fabio ?<br />
« Oui ! Idées et stress ne font pas bon<br />
ménage. Pour développer sa créativité, il<br />
faut avoir quelque chose qui aide à rester<br />
concentré. Donc il faut trouver un moyen<br />
de réussir à déconnecter et à écouter sa<br />
petite voix intérieure. »<br />
Fabio a trouvé, lui. On aurait pu continuer<br />
cette discussion éternellement, mais<br />
le rider doit y aller. Le ciel s’éclaircit<br />
au-dessus d’Innsbruck, et pour lui, cela<br />
ne signifie qu’une chose : ses potes du<br />
VTT l’attendent déjà dans la forêt.<br />
44 THE RED BULLETIN
À LA HAUTEUR<br />
Le fameux Handlebar<br />
Ride de Fabio offre une<br />
belle vue d’ensemble,<br />
mais réfléchissez avant<br />
de le tenter sur une<br />
piste cyclable.
Travis Scott surplombe l’île<br />
de Fortnite Battle Royale lors<br />
de l’événement Astronomical<br />
en avril. Près de 28 millions<br />
de joueurs y ont assisté.<br />
EPIC GAMES
REJOIGNEZ<br />
L’AUTRE<br />
UNIVERS<br />
Alexandria Ocasio-Cortez,<br />
Travis Scott ou encore Sting<br />
ont rejoint le MÉTAVERS,<br />
une société en parallèle au<br />
sein des jeux vidéo en ligne.<br />
Rencontrez les pionniers qui<br />
construisent une alternative<br />
numérique à notre existence<br />
analogique.<br />
Texte TOM GUISE<br />
47
Marc Goehring (à gauche) et Kara Chung animent leur défilé dans Animal Crossing.<br />
Travis Scott est énorme. C’est l’un des<br />
rappeurs les plus chauds de la planète en ce<br />
moment. Ce Texan de 28 ans est aussi<br />
énorme, littéralement : 100 m de haut,<br />
enjambant les immeubles pendant qu’il<br />
crache les paroles de son track à succès,<br />
Sicko Mode. La foule lévite. Ici encore, littéralement<br />
: elle tourne autour de lui en apesanteur.<br />
Nous sommes le 23 avril <strong>2020</strong>, et c’est<br />
l’Astronomical de Travis Scott, un concert virtuel<br />
dans le jeu vidéo en ligne Fortnite.<br />
Les spectacles de Scott dans le monde réel sont<br />
célèbres pour leur ambiance survoltée. Ses performances<br />
physiques entraînent son public dans une<br />
véritable frénésie. Il est connu pour survoler la foule<br />
à bord d’un aigle animatronique géant. Sa tournée<br />
Astroworld: Wish You Were Here de 2018-19 faisait<br />
apparaître des montagnes russes qu’il dévalait audessus<br />
du mosh pit. Mais ça, c’est d’un autre niveau.<br />
Alors que les joueurs de Fortnite se précipitent avec<br />
enthousiasme vers une île habituellement réservée<br />
aux combats entre joueurs, le titan du rap – qui surgit<br />
après qu’un astre pulsant se soit écrasé sur Terre<br />
– commence à se téléporter à travers le paysage,<br />
se transformant en un être translucide doté d’un<br />
système nerveux psychédélique.<br />
« OMG, il atteint les étoiles », crie Tyler « Ninja »<br />
Blevins, joueur et superstar de Fortnite, à son public<br />
sur Twitch, la plateforme de streaming en direct,<br />
alors que son propre personnage, de taille normale,<br />
cesse d’agiter un pied du micro flamboyant. Scott<br />
arrache deux corps célestes et les rassemble en un<br />
éclair aveuglant avant que le monde ne se reforme<br />
sous l’eau. Le chanteur géant est maintenant suspendu<br />
dans l’obscurité, vêtu d’une combinaison<br />
d’astronaute. Dix minutes plus tard, l’odyssée se<br />
termine dans l’espace avec le début de sa nouvelle<br />
chanson, <strong>The</strong> Scotts – une collab avec son collègue<br />
Kid Cudi – alors que tout le monde est entraîné à<br />
travers une stargate pour ressortir dans le Fortnite<br />
normal. Travis a quitté la planète et les joueurs,<br />
désorientés, retournent automatiquement au mode<br />
jeu, prêts à se friter avec des pioches et des armes.<br />
« C’est tout ? », s’exclame Ninja. C’est la célébrité<br />
la plus célèbre du jeu. Correction : c’était. Plus de<br />
12,3 millions de joueurs de Fortnite se sont connectés<br />
simultanément à Astronomical– plus que les<br />
populations de New York et Los Angeles réunies.<br />
Au cours des prochains jours, quatre autres concerts<br />
porteront ce total à 27,7 millions. Il s’agit de l’événement<br />
culturel de <strong>2020</strong> dont on a le plus parlé jusqu’à<br />
présent. Et il s’est déroulé dans le cadre d’un jeu.<br />
C<br />
e n’est pas la première fois que Fortnite secoue<br />
le monde réel. En janvier 2019, DJ Marshmello<br />
a attiré plus de 10 millions de joueurs à son<br />
concert virtuel, et onze mois plus tard, le réalisateur<br />
d’Hollywood J. J. Abrams est venu avec<br />
le Faucon Millenium avec des images du dernier épisode<br />
de Star Wars : L’ascension de Skywalker.<br />
En 1989, le sociologue urbain américain Ray<br />
Oldenburg a inventé le terme de « tiers-lieu » pour<br />
décrire nos environnements sociaux. À côté de notre<br />
demeure (le premier lieu) et de notre lieu de travail<br />
KARA CHUNG, ONDŘEJ VACHEK, MALTEEZ/BXBW<br />
48 THE RED BULLETIN
Le groupe de rock Against <strong>The</strong> Current sur la scène principale du Block by Blockwest.<br />
« IL Y A UNE DISCUSSION EN COURS AU SUJET<br />
DU MÉTAVERS. EST-ON EN TRAIN D’Y MIGRER ? »<br />
L’une des « photographies » d’Ondrej Vachek, prise par son perso dans <strong>Red</strong> Dead Online.<br />
(le deuxième lieu), il s’agit d’un lieu de sociabilité<br />
et d’échange – un rôle traditionnellement rempli par<br />
les pubs, les cafés et les cinémas. Mais, à mesure que<br />
la jeune génération se tourne vers ses écrans pour<br />
sa participation sociale, la popularité de ces endroits<br />
a diminué. Une pandémie mondiale a ensuite frappé<br />
et ils ont complètement cessé d’exister. Lorsqu’un<br />
Travis Scott de la taille d’un gratte-ciel a émergé<br />
d’un astre en chute libre dans Fortnite, ce n’était pas<br />
seulement le plus grand concert au monde, c’était<br />
aussi le seul.<br />
« On parle beaucoup en ce moment des “métavers”<br />
et de la question de savoir si nous allons de<br />
plus en plus migrer vers ces espaces en ligne,<br />
explique Gary Whitta, un scénariste et podcasteur<br />
de jeux de 48 ans basé à San Francisco. Ce processus<br />
a été accéléré par la pandémie. » En tant qu’auteur<br />
des films de science-fiction dystopiques Le Livre<br />
d’Eli (2010) et After Earth (2013), ainsi que de<br />
Rogue One de la série des Star Wars réalisé en 2016,<br />
Whitta a de solides références en matière de futurisme.<br />
Mais, plus important encore, il anime un<br />
talk-show à succès qui se déroule tard dans la nuit.<br />
Vous connaissez le format : un monologue d’ouverture,<br />
des segments musicaux et de comédie, des<br />
célébrités sur le canapé. Parmi les invités récents,<br />
les acteurs Elijah Wood et Danny Trejo et le rappeur<br />
T-Pain. La différence, c’est que tout cela est diffusé<br />
dans le cadre d’un jeu vidéo Nintendo.<br />
Dans Animal Crossing, vous créez un personnage<br />
qui commence une nouvelle vie sur une île idyllique.<br />
Au cours de vos voyages, vous trouvez des<br />
THE RED BULLETIN 49
Travis Scott débute sa<br />
chanson <strong>The</strong> Scotts lors<br />
de l’Astronomical. Le<br />
streaming de sa musique<br />
a bondi de 138 % juste<br />
après cette performance.<br />
« LA TÉLÉ NE PEUT PAS RASSEMBLER<br />
LES GENS COMME LE MÉTAVERS. »<br />
objets qui peuvent être échangés avec le commerçant<br />
local – un raton laveur vêtu d’une chemise<br />
hawaïenne – en échange de devises pour acheter<br />
une maison et des objets cool pour la meubler. Avec<br />
ses graphismes sympas, le jeu propose une simulation<br />
positive du monde du travail, de l’économie,<br />
de la construction d’une maison – et de l’importance<br />
d’être prudent lorsque l’on secoue un arbre<br />
pour y trouver des pommes, de peur de déranger<br />
un nid de guêpes. Son créateur japonais, Katsuya<br />
Eguchi, a réalisé la première version en 2001 après<br />
avoir travaillé loin de sa famille et de ses amis.<br />
Whitta a commencé à se livrer à sa propre expérience<br />
à l’intérieur même de ce jeu. « Je voulais<br />
juste voir si je pouvais faire ressembler mon soussol<br />
d’Animal Crossing à un plateau de talk-show.<br />
Puis des gens sur Twitch ont commencé à me dire :<br />
“Tu devrais vraiment le faire”, explique-t-il. Au<br />
début, il n’y avait que moi et mes amis. Mais comme<br />
je travaille dans le show-business, certains d’entre<br />
eux sont bien connus. » Parmi eux, l’actrice Felicia<br />
Day, Justine Ezarik (alias Justine, la mégastar de<br />
YouTube) et le réalisateur de Jurassic World, Colin<br />
Trevorrow. En quatre épisodes, Twitch a mis la série<br />
de Whitta, Animal Talking, en première page, attirant<br />
15 000 spectateurs. À l’épisode 10, près de<br />
340 000 étaient au rendez-vous. « Maintenant,<br />
chaque fois qu’une célébrité se montre sur Twitter<br />
en jouant à Animal Crossing, je suis tagué. C’est<br />
comme ça que l’affaire AOC est arrivée. » Oui,<br />
EPIC GAMES, GARY WHITTA<br />
50 THE RED BULLETIN
L’acteur Elijah Wood (2 e depuis la gauche) dans le talk-show Animal Talking.<br />
E<br />
n ce qui concerne le métavers, <strong>Red</strong> Dead Online<br />
est fin prêt. Le jeu multijoueur en ligne Wild<br />
West se déroule dans une simulation des<br />
grands espaces de l’ouest américain. Il y a des<br />
missions hors la loi et des primes à réclamer,<br />
mais l’exploration de ce monde suffit déjà. Les<br />
forums sont remplis de récits d’attaques imprévues<br />
d’ours et de loups malades après s’être abreuvés en<br />
aval des installations minières ; les chasseurs de<br />
tempêtes ont dressé la carte des conditions météorologiques<br />
; même les testicules des chevaux se<br />
rétractent dans le froid.<br />
« Le monde est tellement bien conçu », dit Ondrej<br />
Vachek. Le terrain d’expérimentation du photographe<br />
de rue est Londres, mais lorsque la ville a été<br />
fermée, lui et son collègue Sean Tucker se sont tournés<br />
vers <strong>Red</strong> Dead Online. « Nous nous promenions<br />
à cheval ou pêchions au bord du lac, en parlant<br />
photo. Puis nous nous sommes dit : “Faisons quelque<br />
chose avec les appareils photo.” » L’avatar de chaque<br />
joueur est équipé d’une boîte photographique.<br />
« Dans la vie réelle, on peut attendre toute une<br />
journée pour dix minutes de bonne lumière, dit<br />
Tucker. Ici, elle change toutes les vingt minutes et<br />
elle est toujours bonne. Nous avons commencé à<br />
nous diriger les uns les autres, puis nous sommes<br />
allés à Saint Denis pour faire de la photo de rue. »<br />
Dans la reconstitution de la Nouvelle-Orléans du<br />
XVIII e siècle, ils ont fixé des personnages non-joueurs<br />
(PNJ) en train de vivre leurs vies simulées. « Quand<br />
vous sortez l’appareil photo, le monde continue de<br />
bouger ; vous devez saisir le moment, explique<br />
Vachek, 28 ans. C’est à peu près ce à quoi ressemble<br />
ma photographie normale. » Ils ont créé une commuthe<br />
AOC – la politicienne américaine Alexandria<br />
Ocasio-Cortez, qui tweete passionnément au sujet<br />
des réformes sociales et d’Animal Crossing, et qui<br />
attend son tour pour apparaître dans la série.<br />
« J’aimerais visiter les îles de gens au hasard…<br />
Je peux ? », a tweeté la représentante de New York<br />
le 7 mai dernier.<br />
Whitta préfère que les invités soient d’authentiques<br />
joueurs d’Animal Crossing qui peuvent amener<br />
leurs propres personnages dans la série. « Mais,<br />
pour les célébrités, nous pouvons en créer un.<br />
Quand Sting est arrivé, nous lui avons demandé<br />
“Que souhaitez-vous porter ?”, puis nous avons<br />
essayé de trouver quelque chose dans le rayon des<br />
costumes. Nous sommes en train de créer un avatar<br />
pour Shaggy (un musicien et DJ jamaïcain, ndlr). »<br />
Animal Talking a reçu des critiques élogieuses et<br />
<strong>The</strong> Verge, le site qui traite de l’actualité technologique,<br />
l’a proclamé « le talk-show le plus tendance<br />
de <strong>2020</strong> ». Les temps sont plus durs pour les homologues<br />
de Whitta à la télévision américaine : « Colbert,<br />
O’Brien, Fallon, tous ces gars sont géniaux, et je les<br />
admire de continuer à nous divertir quand nous en<br />
avons désespérément besoin, mais ils sont coincés<br />
dans leur sous-sol dans le monde réel. Je vis dans<br />
un monde virtuel : je suis assis derrière mon bureau,<br />
mon ami Adam est à la batterie. Hugh Howey<br />
(auteur, ndlr) et Jordan Mechner (concepteur de<br />
jeux vidéo, ndlr) sont assis sur le canapé. Mais dans<br />
le monde réel, je suis à San Francisco, Adam au<br />
Canada, Hugh à New York et Jordan à Montpellier.<br />
Nous sommes tout aussi légitimes que <strong>The</strong> Tonight<br />
Show. Le métavers rassemble les gens d’une manière<br />
que la télévision ne peut pas faire. »<br />
THE RED BULLETIN 51
nauté Twitch, <strong>The</strong> <strong>Red</strong> Dead Poets Society, invitant<br />
d’autres personnes à participer à des visites virtuelles<br />
de photographie de rue.<br />
Helen Fanthorpe est l’éditrice principale de <strong>The</strong><br />
Rough Guide to Xbox, le premier guide de voyage<br />
pour les destinations sur jeux vidéo. Avec des<br />
conseils sur les visites touristiques, l’hébergement<br />
et même le shopping dans des jeux comme Assassin’s<br />
Creed Odyssey et Forza Horizon 4, le livre décrit un<br />
nouveau type de voyageur : « le touriste virtuel ».<br />
« Voyager, c’est l’excitation créée par la découverte<br />
de nouveaux endroits, explique Fanthorpe. C’est la<br />
même chose avec ces jeux : le but est d’explorer. »<br />
L’ebook a été publié en novembre, mais il a récemment<br />
été rendu gratuit : « L’intérêt pour les voyages<br />
virtuels s’est accru pendant le confinement. Nous<br />
voulions aider les gens à s’échapper de leur salon. »<br />
Pour Vachek, c’est ce que le jeu lui offre actuellement,<br />
peut-être davantage que la photographie.<br />
« J’aime faire du camping sauvage, prendre mon<br />
équipement et ma bâche et aller dans les bois, mais<br />
le mois dernier, j’étais coincé à la maison, dit-il.<br />
Alors je me suis mis <strong>Red</strong> Dead, je suis allé à Tall<br />
Trees, j’ai construit un campement et je me suis<br />
détendu au coin du feu. C’était ce qu’il y avait de<br />
mieux à faire. »<br />
A<br />
lors<br />
que Travis Scott se déplaçait à travers<br />
Fortnite le 25 avril, un autre événement<br />
musical métavers procédait à ses dernières<br />
balances de sono. Block by Blockwest – ou<br />
BXBW, un festival sur Minecraft – est le bébé<br />
de Courier Club, un jeune groupe de dance-punk<br />
de Philadelphie.<br />
Le chanteur-guitariste Timothy Waldron, le guitariste<br />
Ryan Conway, le bassiste Michael Silverglade<br />
et le batteur Jack Kessler ont formé le groupe en<br />
2018. « Nous n’avons pas grandi<br />
en ville, nous n’étions pas au<br />
centre de la vie culturelle. Notre<br />
information nous venait des<br />
jeux vidéo. » Dont Minecraft.<br />
Lancé en 2009, c’est un jeu aux<br />
graphismes rétros dont les<br />
joueurs parcourent un paysage<br />
en 3D généré de façon aléatoire,<br />
en extrayant des matières premières pour fabriquer<br />
des outils et construire des structures. Alors qu’il est<br />
passé sur presque toutes les plateformes de jeu et est<br />
devenu le jeu vidéo le plus vendu de tous les temps,<br />
la version originale en open-source a été modifiée<br />
par les communautés en ligne pour créer d’innombrables<br />
personnalisations. Ses mécanismes sousjacents<br />
ont été appliqués à la modélisation moléculaire,<br />
à l’exploitation de Bitcoin, voire à la simulation<br />
d’ordinateurs quantiques. « Nous avons grandi avec<br />
Minecraft, dit Waldron. Mais nous l’avons choisi<br />
parce que c’est le seul jeu où nous pouvons<br />
construire des mondes. » Leur plan ? Un authentique<br />
festival de musique, d’une durée de sept heures, avec<br />
près de quarante concerts répartis sur trois scènes.<br />
Tous construits à partir de blocs numériques. « Au<br />
début, c’était “ faisons un spectacle pour nos fans”,<br />
mais chaque jour, le projet se développait de<br />
manière exponentielle », explique Waldron.<br />
Le groupe a fait appel aux membres de la communauté<br />
Minecraft. « Tous dans des fuseaux<br />
horaires différents. Personne ne se connaissait, mais<br />
nous avons construit ensemble le monde en entier,<br />
pièce par pièce. Je me disais, “merde, si nous pouvions<br />
faire cela dans la vraie vie, nous pourrions<br />
accomplir des milliers de choses”. » Leur manager,<br />
DJ Sutera, a approché les artistes invités. « Certains<br />
ont tout de suite sauté sur l’occasion. Cowgirl Clue<br />
(la musicienne de dance-pop texane Ashley Calhoun,<br />
ndlr) a été la première, dit-il. D’autres avaient<br />
besoin d’être convaincus du sérieux de la chose. »<br />
« Je ne suis pas une gameuse, mais j’aime l’esthétique<br />
», déclare Nadya Tolokonnikova, co-fondatrice<br />
du groupe féministe punk russe Pussy Riot. En mars,<br />
le groupe devait partir en tournée lorsque la pandémie<br />
a frappé. Pour cette femme de trente ans, qui<br />
a été incarcérée pendant près de deux ans pour avoir<br />
interprété une chanson anti-Poutine dans une cathédrale<br />
de Moscou en 2012, le confinement s’est avéré<br />
particulièrement éprouvant. « Je me sens dévastée.<br />
Je crois en la théorie de la performance de l’identité<br />
: si je ne fais pas les choses qui me forment, je<br />
me perds. » BXBW lui a donné cette chance. « S’il<br />
y a une opportunité de se connecter avec les gens,<br />
il n’y a pas à hésiter : il est toujours important de<br />
promouvoir mes idéaux politiques. »<br />
Les artistes ont été invités à fournir un certain<br />
nombre de chansons pré-enregistrées et ont reçu,<br />
s’ils n’étaient pas des Minecrafters, des conseils sur<br />
l’apparence souhaitée de leur avatar. « Nous leur<br />
avons également demandé d’aller sur Discord (une<br />
plateforme pour les communautés de gamers, ndlr)<br />
« NOTRE INFORMATION<br />
NOUS VENAIT DES JEUX. »<br />
KEVIN CONDON<br />
52 THE RED BULLETIN
« LA CRÉATION DE MONDES<br />
COMBLE AUSSI LE VIDE. »<br />
« Il ne s’agit pas que<br />
de créer de la musique,<br />
mais aussi de<br />
créer des mondes. »<br />
Les membres de<br />
Courier Club et<br />
organisateurs de<br />
Block by Blockwest .<br />
pour interagir le soir du concert », dit Sutera.<br />
Puis, la veille du festival, un autre groupe s’est<br />
ajouté : Massive Attack.<br />
« La presse a explosé », dit Conway. Le soir du<br />
concert, des dizaines de milliers de joueurs ont<br />
essayé de se connecter dès la première heure. « Cela<br />
s’est propagé plus rapidement que notre capacité à<br />
trouver la quantité de serveurs nécessaires », dit<br />
Steve Silverglade, le frère âgé de 18 ans du bassiste<br />
Michael, et leur expert Minecraft maison. Avec le<br />
festival sur le point de crasher, ils ont tiré la prise.<br />
« Nous avons réalisé que nous avions besoin d’un<br />
niveau de capital intellectuel que nous n’avions pas,<br />
dit Conway, avec regret. Mais, dans ce moment de<br />
désespoir, la communauté Minecraft est venue à la<br />
rescousse, dit Waldron : « Quelqu’un a envoyé un<br />
message à Steve : “Je vous ai vu aux infos. Je travaille<br />
dans la technologie ; je peux vous aider.” »<br />
Sa société, DigitalOcean, a offert au festival tout son<br />
centre de données. « Du coup, nous pouvions nous<br />
adapter à nos besoins : si 100 000 personnes décidaient<br />
de nous rejoindre, nous pouvions le faire. »<br />
Le festival a été reprogrammé pour le 16 mai,<br />
mais les musiciens de Massive Attack se sont désistés.<br />
« Ils ne voulaient pas participer à nouveau, dit<br />
Conway. Je pense qu’ils n’ont pas bien compris ce<br />
que l’événement était censé être », dit Steve.<br />
S<br />
eize mai. Il est 19 h 40. Les joueurs se précipitent<br />
vers la deuxième scène de BXBW, située<br />
dans un chalet de ski au sommet d’une montagne<br />
géante. Il y a un téléphérique, mais la<br />
plupart d’entre eux frappent la barre d’espace<br />
de leur clavier pour sauter les marches jusqu’au<br />
sommet. À l’intérieur, les Pussy Riot jouent leur<br />
chanson Macho. L’avatar de Tolokonnikova bondit<br />
sur la scène – une interprétation pixélisée de<br />
l’image de la cagoule verte rendue célèbre lors de<br />
la manifestation du groupe sur la Place Rouge en<br />
2012. Elle écrit des slogans comme « J’emmerde le<br />
capitalisme », qui défilent sur l’écran. « Je me suis<br />
agitée comme pour un rassemblement, dit-elle plus<br />
tard. C’est juste un festival dans un jeu, mais si ça<br />
donne un sens aux gens, c’est bien. »<br />
La scène principale est souterraine, on y entre<br />
en passant par un toboggan kaléidoscopique. C’est<br />
là que se produit le groupe californien post-hardcore<br />
Movements. Le chanteur Patrick Miranda s’écrie<br />
« Tout le monde, barre d’espace ! » et la foule se met<br />
à sauter à l’unisson ; parmi eux, un type avec un<br />
Rubik’s Cube à la place de la tête, Deadpool, un porc<br />
bipède, et Joe Mulherin, alias le rappeur américain<br />
nothing,nowhere. Son avatar ressemble à la grande<br />
faucheuse – c’est son propre logo. Alors qu’il court<br />
devant la scène, Mulherin est rejoint par des avatars<br />
identiques – ses fans, avec lesquels il communique<br />
via le chat de son flux Twitch. Il tape Reaper cult –<br />
circle pit ! et tous se précipitent en déployant une<br />
danse en cercle synchronisée.<br />
Le jeune homme de 28 ans, originaire du Massachusetts,<br />
parle ouvertement de son combat contre<br />
l’anxiété : « Quand j’ai commencé, je me suis éloigné<br />
de mes fans parce que j’étais nerveux à l’idée d’être<br />
sous les feux de la rampe. Mais depuis que je streame<br />
sur Twitch, que je plonge dans Discord, l’univers des<br />
joueurs, je me connecte avec des jeunes qui veulent<br />
seulement avoir des amis. Beaucoup font face aux<br />
mêmes trucs que moi. » Quand on lui a proposé de<br />
jouer dans le cadre de BXBW, « cela allait de soi. S’il<br />
y a une opportunité de me connecter avec mes fans<br />
pendant cette période, je vais la saisir. Le fait que<br />
ce soit dans Minecraft est encore mieux ».<br />
Mulherin emmène son entourage se promener.<br />
Ils prennent d’assaut un escalier à l’intérieur d’un<br />
arbre géant et vont voir le « magasin » qui présente<br />
des représentations numériques de T-shirts et<br />
d’œuvres d’art que les joueurs peuvent acheter dans<br />
le jeu et se faire expédier dans la vie réelle. Puis ils<br />
sautent tous ensemble du haut de l’arbre, pendant<br />
que Mulherin rit et répond à leurs commentaires sur<br />
son flux. « Je suis allé au concert Fortnite de Travis<br />
Scott avec Pete Wentz (le bassiste des Fall Out Boy,<br />
ndlr), raconte Mulherin. C’était génial, mais c’était<br />
comme regarder un feu d’artifice au loin. Ici, il y a<br />
de l’interaction, des discussions, des mini-jeux. Les<br />
gens ont besoin d’un sens d’appartenance à une<br />
communauté en ce moment, et vous le sentez. »<br />
« C’était juste un tour d’essai pour ce que nous<br />
voulons créer : un monde qui existe en permanence,<br />
où vous pouvez traîner même entre les concerts,<br />
explique Waldron. Nous avons un serveur d’avant<br />
les festivals où la communauté a construit deux<br />
énormes villes. Il y a une économie qui fonctionne,<br />
des mini-jeux… c’est génial. Si vous ne pouvez pas<br />
vendre un spectacle chez vous parce que le créneau<br />
n’est pas assez important, vendez-le à un public<br />
mondial dans un club en ligne. C’est quelque chose<br />
qui aura de la valeur au-delà du confinement. Nous<br />
aimons faire partie d’un groupe musical, mais ce<br />
n’est pas seulement la création de musique qui<br />
comble le vide pour nous, c’est aussi la création<br />
de mondes. »<br />
L’avatar de Mulherin fait les cent pas dans la<br />
chambre verte. « L’anxiété virtuelle, ça semble si<br />
réel », dit-il. Grâce à sa vue du jeu, ses adeptes de<br />
Twitch peuvent voir la foule – et se voir eux-mêmes<br />
dans leurs skins de la grande faucheuse – devant la<br />
scène ; nothing,nowhere continue. « Minecraft, faites<br />
du bruit ! » Son appel est accueilli par un flot de<br />
cœurs et de pyrotechnie. Quelques joueurs flottent,<br />
en courant dans les airs. La forme carrée de Mulherin<br />
saute autour de la scène avant de plonger dans la<br />
foule et de commencer un circle pit. Soudain, il disparaît.<br />
« LMAO, je me suis fait virer du serveur », tape le<br />
rappeur à l’écran alors qu’il retourne sur scène.<br />
THE RED BULLETIN 53
Vu d’en haut, ça a<br />
l’air facile : depuis<br />
les chutes d’eau de<br />
Vuwa, Bear Grylls<br />
observe la jungle<br />
des Fidji, où va se<br />
dérouler la course.<br />
COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO<br />
54
LA COURSE<br />
DE L’IMPOSSIBLE<br />
BEAR GRYLLS, l’aventurier spécialiste<br />
des émissions de survie en milieu (très)<br />
hostile, a poussé le concept de téléréalité<br />
d’aventure au-delà de ses limites :<br />
voici l’histoire de la périlleuse genèse de<br />
sa nouvelle émission, Eco-Challenge.<br />
Texte DAVID HOWARD
Va-t-il sauter de l’hélico ? Bear Grylls, casse-cou britannique le plus célèbre des temps modernes, anime la première édition de la série Eco-Challenge.<br />
L<br />
es premiers doutes sont arrivés<br />
à la fin d’une journée<br />
éprouvante, passée à escalader<br />
les parois d’une énorme<br />
cascade au beau milieu d’une île de l’archipel<br />
des Fidji : Kevin Hodder, 51 ans,<br />
se demande dans quel pétrin il est venu<br />
se fourrer. Nous sommes en mars 2019,<br />
et cela fait plus d’un mois que lui et son<br />
équipe sont en reconnaissance dans la<br />
jungle fidjienne, essayant tant bien que<br />
mal de définir une route pour la course<br />
Eco-Challenge, qui devait avoir lieu à<br />
l’automne pour être ensuite transformée<br />
en une série d’aventures extrêmes pour<br />
la télé. Il vient juste d’assurer, avec son<br />
collègue Scott Flavelle, 61 ans, et deux<br />
autres membres de l’équipe, un mur de<br />
200 mètres le long des chutes Vuwa, en<br />
plein cagnard. Le genre de paysages et de<br />
conditions météo absolument parfaits<br />
pour un show télévisé comme celui qu’ils<br />
préparent… Enfin, ça l’aurait été si des<br />
pluies torrentielles accompagnées de<br />
56 THE RED BULLETIN
« CELA POUVAIT TOURNER<br />
À LA CATASTROPHE<br />
DÈS LE DEUXIÈME JOUR. »<br />
Scott Flavelle, chargé du tracé de<br />
la course pour la production<br />
COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO,<br />
KRYSTLE WRIGHT/AMAZON PRIME VIDEO<br />
vent et de brouillard ne les avaient pas<br />
accueillis au sommet de la montagne.<br />
Un phénomène certes très courant<br />
dans les îles Fidji, dont le relief montagneux<br />
refroidit brusquement les courants<br />
chauds remontant de la mer, mais qui a<br />
donné lieu à une situation incongrue au<br />
sein de l’équipe : Ryan Vrooman, le coordinateur<br />
de la course, souffre d’insolation,<br />
tandis que Hodder, au bord de l’hypothermie,<br />
tremble comme une feuille.<br />
« Il fallait que je bouge pour me réchauffer,<br />
et Ryan en était évidemment incapable.<br />
» Finalement, l’équipe décide<br />
d’installer le bivouac pour la nuit, et<br />
Hodder cout se réfugier dans son sac de<br />
couchage. Le lendemain matin, au quatrième<br />
jour passé dans la jungle, l’équipe<br />
se réveille sous une pluie battante. Ils<br />
enfilent leurs affaires encore trempées et<br />
se remettent en route pour la prochaine<br />
section à tester.<br />
Hodder et Flavelle, qui ont déjà travaillé<br />
ensemble sur de nombreux projets<br />
de courses d’aventure, ont repéré un<br />
canyon long d’une dizaine de kilomètres<br />
et souhaitent l’inclure au trajet de la<br />
course : d’après les observations faites<br />
sur des cartes et Google Earth, le courant<br />
de la rivière forme des petits bassins<br />
qui se suivent comme des perles sur un<br />
collier, avec un niveau de difficulté apparemment<br />
acceptable. Apparemment.<br />
Parce qu’une fois sur place, Hodder se<br />
souvient d’un adage bien connu dans<br />
le milieu du sport extrême : ne crois<br />
jamais ce que tu vois sur une carte.<br />
En guise de bassins, des mares remplies<br />
« d’une eau glaciale » et trop profondes<br />
pour être traversées à pied. Les<br />
passages moins profonds sont un véritable<br />
enchevêtrement de rochers glissants<br />
recouverts d’algues, à peine visibles<br />
depuis la surface : un régal pour les<br />
chevilles fragiles. Flavelle : « Il fallait<br />
avancer à tâtons sans quoi on se pétait<br />
une jambe. »<br />
Pour couronner le tout, il leur est<br />
impossible de passer par les berges,<br />
tant la végétation est dense. Au bout du<br />
compte, après neuf heures de tâtonnements,<br />
de dérapages, de chutes et de<br />
jurons, nos quatre compères arrivent au<br />
bout de la section. Eux qui sont pourtant<br />
habitués aux conditions extrêmes (tous<br />
les quatre sont originaires de Colombie-<br />
Britannique) demeurent perplexes<br />
devant la difficulté de cette section : s’ils<br />
ne l’incluaient pas à la course, non seulement<br />
ils auraient fait tout ça pour rien,<br />
mais ils devraient surtout chercher un<br />
plan B pour pouvoir relier la côte est à la<br />
côte ouest de l’île. Hodder : « On aurait<br />
supprimé le cœur de la course. »<br />
THE RED BULLETIN 57
D’un autre côté, faire passer la course<br />
par cet endroit risqué nécessiterait toute<br />
une infrastructure pour gérer les hypothermies<br />
et les blessures – chevilles foulées,<br />
épaules déboîtées, etc. – dont le<br />
risque était bien réel. Avec 66 équipes de<br />
4 coureurs, on imagine le carnage. Sans<br />
compter que la couche de nuages omniprésente<br />
rendrait les opérations de sauvetage<br />
très compliquées.<br />
Mais au-delà des risques de blessures<br />
qu’elle comportait, cette section de dix<br />
kilomètres était située dans le dernier<br />
tiers de la course, et les coureurs, potentiellement<br />
épuisés par une semaine de<br />
course éreintante, n’allaient pas l’aborder<br />
dans la meilleure forme. Certes, cela<br />
aurait fait un grand show télévisé, mais<br />
il y avait une ligne éthique à ne pas<br />
dépasser : « Est-ce que cela n’était pas de<br />
trop ? », voilà la question qui les taraudait.<br />
Créer une course de l’extrême pour<br />
la télévision requiert les mêmes<br />
ingrédients qu’un grand film<br />
d’aventures : on doit y trouver des<br />
moments de doutes et de dangers (ou<br />
du moins l’impression qu’il y en a), des<br />
moments de joie et d’intense émotion et<br />
évidemment des défis qui puissent procurer<br />
tour à tour aux participants des<br />
sentiments de triomphe ou de profond<br />
abattement.<br />
Et pour assembler tous ces éléments<br />
narratifs en un scénario qui se tienne,<br />
il faut s’y connaître : c’est pour cela que<br />
lorsque les anciens producteurs d’Eco-<br />
Challenge, l’Anglais Mark Burnett et<br />
l’Américaine Lisa Hennessy, ont décidé<br />
« EST-CE QUE<br />
CELA N’ÉTAIT PAS<br />
DE TROP ? »<br />
Kevin Hodder<br />
en 2018 de redémarrer cette série de téléréalité<br />
d’aventure après une pause de<br />
seize ans, ils ont fait appel à Hodder et<br />
Flavelle. Burnett, qui est à l’origine non<br />
seulement d’Eco-Challenge (diffusé aux<br />
États-Unis entre 1995 et 2002), mais aussi<br />
d’autres émissions d’aventure comme<br />
<strong>The</strong> Apprentice et Survivor, est considéré<br />
comme le pionnier de ce type d’émissions<br />
dans le monde. Lors de la deuxième saison<br />
d’Eco-Challenge, qui avait lieu en<br />
Colombie-Britannique, il avait fait appel<br />
à Flavelle pour le tracé de la course. À<br />
38 ans, Flavelle était déjà un expert international<br />
de la montagne et avait travaillé<br />
à de nombreux films documentaires.<br />
Plongée dans le dur :<br />
ne jamais exiger des<br />
autres ce que l’on<br />
ne pourrait faire soimême<br />
– Bear Grylls<br />
approuve.<br />
Le Bear reste à venir : Grylls et sa prod rejoignent l’un des spots de tournage.<br />
58 THE RED BULLETIN
« CETTE COURSE EST<br />
OFFICIELLEMENT LA PLUS<br />
EXTRÊME DE L’HISTOIRE<br />
DE L’HUMANITÉ. »<br />
ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO, POBY/AMAZON PRIME VIDEO, WYNN RUJI/AMAZON PRIME VIDEO<br />
THE RED BULLETIN 59
L’enfer est pour bientôt : Grylls délivre aux candidats les derniers conseils sur le déroulement de la course et les défis en vue.<br />
VÉTÉRANS, SPORTIFS,<br />
ADOS, RETRAITÉS : LES<br />
ECO-CHALLENGERS ONT<br />
CHACUN LEUR HISTOIRE.<br />
Pour l’aider dans cette mission, le Canadien<br />
embaucha son compatriote Hodder,<br />
ce qui marque le début d’une longue collaboration<br />
: Hodder, originaire lui aussi<br />
de Colombie- Britannique, a travaillé<br />
à d’autres projets de shows d’aventure<br />
comme Survivor, Big Brother et Get Out<br />
Alive with Bear Grylls.<br />
Pour ce premier opus d’Eco-Challenge<br />
« nouvelle génération », les deux acolytes<br />
ont vite fait leur choix : avec ses plages<br />
de sable fin et son arrière-pays recouvert<br />
de jungle impraticable, de cascades<br />
impressionnantes et de montagnes à<br />
escalader, l’archipel des Fidji constituait la<br />
destination idéale pour un show d’aventure.<br />
Mais cela ne suffisait pas : avec un<br />
nouveau partenariat avec Amazon Prime<br />
(et donc des ressources et des exigences<br />
bien supérieures à celles de Discovery<br />
Channel), Burnett voulait du grand spectacle,<br />
l’édition la plus difficile de la<br />
course la plus inhumaine du monde, avec<br />
Bear Grylls en guise de présentateur.<br />
Pour Flavelle cependant, il y avait une<br />
limite : « Hors de question de faire courir<br />
aux gens des risques inconsidérés. »<br />
Il fallait donc alterner le niveau de<br />
difficulté de chaque section, histoire de<br />
permettre aux participants de souffler un<br />
peu pendant la course. Les règles stipulent<br />
que l’abandon d’un seul participant<br />
entraîne la disqualification de toute<br />
son équipe. À cela s’ajoute l’immense<br />
variété de profils des concurrents, l’une<br />
des caractéristiques majeures de l’émission<br />
: on y trouve aussi bien des athlètes<br />
accomplis que des sportifs amateurs.<br />
60 THE RED BULLETIN
COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO<br />
Et parce que ça reste un show télévisé,<br />
ces derniers doivent avoir une chance de<br />
terminer la course et de se dépasser physiquement<br />
et mentalement, sans quoi<br />
toute l’émission perdrait de son intérêt.<br />
Sans compter que le résultat final<br />
devait être, à l’écran, de haute qualité –<br />
comme au cinéma – ce qui est aujourd’hui<br />
possible grâce aux dernières avancées<br />
technologiques en matière de caméras :<br />
sur place, on aurait donc une armada de<br />
200 caméras, dont 23 VariCams et une<br />
petite armée de GoPro et de drones. Après<br />
une première phase de recherches à la<br />
maison, Hodder et Flavelle étaient arrivés<br />
en février 2019 aux Fidji pour la deuxième<br />
phase de prospection, pour une<br />
durée de deux mois, le projet final devant<br />
être présenté à Burnett en fin de séjour.<br />
Ne pas tomber dans la rivière. Les Canadiens de<br />
la Team Peak Pursuit sur un radeau de fortune.<br />
En théorie, leur mission était simple :<br />
« Une fois qu’on a défini les dix<br />
endroits que l’on veut inclure dans la<br />
course, il suffit a priori de les assembler<br />
comme un puzzle. » Sauf que terminer<br />
un puzzle, c’est parfois compliqué.<br />
Avant cette horrible journée passée<br />
dans le canyon, Hodder et Flavelle<br />
avaient eu l’idée de proposer un défi<br />
d’orientation : offrir aux équipes le choix<br />
de prendre un raccourci à travers la<br />
jungle pour éviter une longue marche le<br />
long d’un bras mort de rivière. « C’est le<br />
genre de décisions auxquelles on est parfois<br />
confronté en trek : on regarde un<br />
sentier sur la carte, puis on repère un<br />
raccourci sur Google Earth, et on se dit :<br />
“Pourquoi pas ?’’ »<br />
Mais après avoir bifurqué dans la<br />
jungle, les Canadiens se sont retrouvés<br />
pris au piège dans un mur impénétrable<br />
de végétation, se frayant péniblement un<br />
chemin à coups de machette. Quant au<br />
terrain, qui avait l’air plat sur la carte, il<br />
s’est avéré beaucoup plus escarpé et dangereux<br />
que prévu. Favelle : « À chaque<br />
fois qu’un passage dans la jungle nous<br />
paraissait relativement aisé, on s’est<br />
rendu compte, une fois sur place, qu’il<br />
ne l’était pas. »<br />
Ils ont ensuite réalisé que ce défi allait<br />
survenir dans les premiers jours de la<br />
course, dans une phase où les équipes<br />
sont encore pleines d’assurance, ce qui<br />
les aurait forcément poussées à opter<br />
pour le raccourci, les obligeant à s’orienter<br />
de nuit. Une mission impossible<br />
quand on n’a que des cartes et une boussole<br />
(le GPS étant interdit). Flavelle et<br />
Hodder ont imaginé le tableau : des<br />
hordes entières de coureurs errant, perdus,<br />
au beau milieu d’une jungle parsemée<br />
d’embûches. « Il y avait un vrai<br />
risque que toute cette aventure tourne<br />
à la catastrophe dès le deuxième jour. »<br />
L’idée du raccourci fut donc éliminée.<br />
Un peu plus tard, ils avaient repéré<br />
une grande prairie d’herbes hautes, qui<br />
pouvait (d’après Google Earth et les<br />
observations faites en hélico) être traversée<br />
pour rejoindre deux sections de la<br />
course. Hodder : « Mais quand on est<br />
arrivés, on s’est aperçus que la zone,<br />
recouverte de buissons, était difficilement<br />
praticable. » Les deux explorateurs<br />
comprennent enfin pourquoi, dans les<br />
îles Fidji, les communications se faisaient<br />
traditionnellement par voie d’eau. À<br />
maintes reprises, après s’être rendu<br />
compte qu’un endroit était inutilisable,<br />
ils n’avaient pas d’autre choix que de le<br />
traverser, n’ayant aucun réseau pour<br />
appeler les chauffeurs qui les attendaient<br />
de l’autre côté. « C’est tellement frustrant<br />
et démoralisant. Et le lendemain, tu dois<br />
retourner au point A et trouver une autre<br />
route pour rejoindre le point B. »<br />
Pour ne rien arranger, l’équipe de<br />
repérage jouait un contre-la-montre :<br />
Hodder devait dévoiler le tracé de la<br />
course à Burnett fin mars. Sans compter<br />
que tout repérage devait se faire de jour,<br />
afin d’évaluer précisément tous les aménagements<br />
(assurer les voies, installer<br />
des cordes, etc.) qu’il faudrait faire en<br />
amont de la course. Ce qui pouvait les<br />
amener, par exemple, à se taper la même<br />
section en VTT plusieurs fois de suite<br />
pour définir la meilleure route possible<br />
ou éviter un terrain privé. Les nuits, ils<br />
les passaient tantôt en pleine nature,<br />
tantôt dans les villages.<br />
Ah, les villages fidjiens ! Là encore,<br />
impossible de les traverser sans prendre<br />
le temps de discuter avec les villageois et<br />
présenter leur projet : « Tu dois toujours<br />
t’arrêter pour prendre le kava (une boisson<br />
de cérémonie qui a un effet sédatif,<br />
ndlr) avant de demander la permission<br />
de traverser le village, » raconte Flavelle.<br />
En dépit des difficultés, leur périple<br />
leur a aussi réservé de belles surprises :<br />
comme ce magnifique passage par une<br />
crête qui les a conduits à un village inaccessible<br />
par la route et qui vit coupé<br />
du monde.<br />
Mais davantage que la variété des<br />
paysages, la course Eco-Challenge, nous<br />
rappelle Hodder, doit surtout offrir aux<br />
participants un large éventail de sports<br />
THE RED BULLETIN 61
UNE COURSE HORS NORME<br />
DE 672 KILOMÈTRES, ET<br />
11 JOURS ET DEMI POUR<br />
LES PARCOURIR.<br />
d’aventure : outre l’escalade et le trek, les<br />
coureurs vont devoir utiliser des canots<br />
de rafting, des planches de paddle, des<br />
VTT et le fameux camakau, cette frêle<br />
embarcation traditionnelle, typique des<br />
Fidji mais très difficile à manœuvrer.<br />
Quand le tracé de la course fut terminé,<br />
Hodder exécuta chaque étape dans<br />
les mêmes conditions (moyens de transport<br />
et matériel) que celles prévues pour<br />
les participants, accompagné de Flavelle<br />
ou d’experts embauchés pour des disciplines<br />
sportives particulières. On fit également<br />
des simulations de chavirement,<br />
pour évaluer la facilité à redresser une<br />
embarcation et estimer le nombre des<br />
opérations de sauvetage nécessaires.<br />
Finalement, au bout de huit semaines<br />
intenses, le résultat était là : 672 kilomètres<br />
à parcourir en onze jours et demi,<br />
pour une course hors du commun où la<br />
performance physique compte autant<br />
que la résistance mentale. Avec<br />
9 062 mètres de dénivelé positif (soit<br />
214 mètres de plus que la distance entre<br />
l’Everest et le niveau de la mer), quatre<br />
sections d’escalade assurées par<br />
9 100 mètres de cordes et 600 mètres de<br />
falaises, cascades et descentes en rappel,<br />
la course promettait d’être chaude.<br />
Après huit semaines passées sur place,<br />
le projet fut bouclé in extremis fin mars<br />
2019, cinq mois avant l’arrivée des candidats<br />
et le début du tournage de la série.<br />
Automne 2019, au Pullman Nadi<br />
Bay Resort and Spa, à Viti Levu,<br />
l’île principale des Fidji. Depuis<br />
quelques jours, alors que le départ<br />
de la course approche, la tension est<br />
palpable : comme prévu, les équipes sont<br />
arrivées à l’avance pour participer aux<br />
briefings (sur les phases de navigation<br />
et d’escalade) et pour les séances photo.<br />
Celles et ceux qui viennent de loin en<br />
profitent pour se reposer du décalage<br />
horaire, mais l’inactivité de ces journées<br />
précédant le coup d’envoi commence<br />
à les rendre nerveux.<br />
Il y a les équipes des « vrais pros »,<br />
comme celles de Nouvelle-Zélande, de<br />
Suisse ou du Brésil : celles-ci sont en<br />
Un rare instant sans effort : la Team Costa Rica se laisse porter par le courant, le 6 e jour de la course.<br />
plein programme d’échauffement. Et<br />
puis il y a les autres, des équipes qui ne<br />
contiennent pas forcément des athlètes<br />
de haut niveau, mais qui ont une histoire<br />
à raconter : comme cette équipe constituée<br />
de vétérans de l’US Army – dont<br />
Gretchen Evans, une haute gradée de<br />
l’armée, devenue sourde au combat –<br />
ainsi que d’un physicien : tous participent<br />
à une course d’aventure pour la première<br />
fois de leur vie.<br />
On trouve aussi une équipe de quatre<br />
concepteurs de jeux vidéo, un père qui<br />
participe avec ses deux filles après avoir<br />
déjà fait un Eco-Challenge aux Fidji lors<br />
des premières éditions, des jumelles<br />
indiennes de 23 ans qui reviennent d’une<br />
ascension de l’Everest, deux adolescents<br />
qui vont devoir se mesurer à une autre<br />
équipe composée uniquement de retraités<br />
sexagénaires. On a aussi des passionnés<br />
de CrossFit, un acrobate de cirque et un<br />
joueur de beach-volley. Bref, un échantillon<br />
hétéroclite d’êtres humains motivés et<br />
prêts à en découdre. Pour l’heure, impossible<br />
de prédire qui va abandonner, et qui<br />
va tenir jusqu’au bout.<br />
Se frayant un chemin au milieu de<br />
cette foule bigarrée, Mark Burnett et<br />
Bear Grylls nous parlent de leur projet<br />
fou, avec l’emphase hyperbolique qui<br />
caractérise les pros de la télé : « une expédition<br />
avec un chronomètre dans la<br />
main », résume Burnett. Grylls, quant à<br />
lui, raconte avoir souvent, au cours des<br />
quinze dernières années, entendu Mark<br />
Burnett lui confier son désir de ressusciter<br />
la course et l’émission Eco-Challenge :<br />
COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO<br />
62 THE RED BULLETIN
Les Suédois de l’équipe Swedeforce en action : faute de vent, il faudra jouer de la pagaie !<br />
« Il me disait : “Je vais te le donner, et tu<br />
vas en faire ton projet, tu vas en faire<br />
quelque chose d’encore plus grand et<br />
d’encore plus fou.’’ » Un pari tenu, selon<br />
Grylls : « Eco-Challenge est officiellement<br />
la course d’aventure la plus extrême de<br />
l’Histoire de l’humanité. » Et même s’il<br />
pense que toutes les équipes ont le<br />
potentiel pour y participer, il se peut<br />
aussi qu’aucune ne parvienne jusqu’au<br />
bout : « On a mis la barre vraiment très<br />
haut. »<br />
Un peu plus loin, Hodder, accroché à<br />
son talkie-walkie, est sur les dents. Cette<br />
aventure, qui a commencé avec Flavelle<br />
lors d’une rencontre dans un coffee shop<br />
aux États-Unis, est devenue au fil des<br />
mois une énorme entreprise qui a déjà<br />
englouti des dizaines de millions de dollars.<br />
Flavelle : « On aimerait éviter un<br />
trop grand nombre d’abandons… en<br />
même temps, on a peur que personne ne<br />
puisse terminer. Imaginez que l’on se<br />
dise le premier jour : “En fait, la course<br />
est trop difficile !’’ »<br />
Jour J, c’est le départ : tassées sur<br />
leurs camakaus, les 66 équipes s’élancent<br />
dans un brouhaha assourdissant,<br />
pagayant avec force pour rejoindre la<br />
mer et dresser les voiles. Tous se dirigent<br />
vers l’embouchure d’une rivière, qui va<br />
les amener au cœur de l’île. Certaines<br />
équipes, impatientes, ont déjà chaviré.<br />
Car évidemment, cette première journée<br />
ne se passe pas sans heurts : une des<br />
équipes a endommagé son embarcation<br />
après avoir percuté un pont, obligeant<br />
Hodder à intervenir sur place en hélicoptère.<br />
De même, l’absence totale de vent,<br />
cas pourtant extraordinaire aux Fidji, a<br />
rendu l’épreuve de navigation très compliquée,<br />
forçant les participants à effectuer<br />
tout le trajet à la rame. La première<br />
équipe à finir l’épreuve doit finalement<br />
arrêter après qu’un de ses membres a<br />
succombé à une insolation, et lorsque les<br />
vents décident de se lever, la dernière<br />
équipe de la journée se retrouve prise au<br />
milieu de rafales violentes. Et chavire.<br />
Tous ces incidents n’empêchent pas<br />
Kevin Hodder, le jour suivant, de pousser<br />
un gros soupir de soulagement : « Le test<br />
est passé », dit-il. Les jours suivants, certaines<br />
équipes abandonneront ou seront<br />
éliminées. D’autres poursuivront leur<br />
route vers ce terrible canyon aux eaux<br />
glaciales qui sera pour beaucoup l’heure<br />
de vérité : « l’épreuve du feu ».<br />
Passera, passera pas ? À vous de voir<br />
sur Amazon Prime, avec la diffusion de<br />
la série Eco-Challenge.<br />
THE RED BULLETIN 63
« MON NOUVEL<br />
ALBUM M’A<br />
SAUVÉ »<br />
Les diagnostics en début d’année étaient<br />
terribles : OZZY OSBOURNE souffre de la<br />
maladie de Parkinson et est en phase<br />
terminale. Mais cela n’a pas empêché le<br />
« prince des ténèbres » de sortir son<br />
premier album depuis dix ans. Discussion<br />
autour des extraterrestres, de son accident<br />
de quad et de la force positive du rock.<br />
Texte MARCEL ANDERS Photos ELLIOTT MORGAN/KINTZING<br />
64
PROMO SUR LES CANAPÉS<br />
La légende du metal Ozzy Osbourne reçoit<br />
dans sa villa de West Hollywood : « Je veux<br />
que les gens s’amusent - et moi aussi. »
« À rester allongé sur ton<br />
canapé toute la journée,<br />
tu deviens fou, lentement<br />
mais sûrement. »<br />
ON LE SURNOMME LE MADMAN<br />
Même si cette image n’en témoigne pas<br />
forcément : Ozzy Osbourne ne touche plus ni<br />
à l’alcool ni à la drogue depuis des années.
Jai rendez-vous dans l’énorme villa<br />
des Osbourne à Hancock Park, une<br />
enclave de célébrités dans le West<br />
Hollywood. Le chanteur d’origine<br />
britannique vit ici dans une imposante<br />
baraque de treize millions de dollars, avec sept<br />
chambres à coucher, six salles de bains, douze chiens,<br />
un assistant personnel, une gouvernante et un écriteau<br />
à la porte qui affiche : « Attention au propriétaire ».<br />
Le dangereux propriétaire porte des lunettes de soleil,<br />
marche avec une canne, baille – encore somnolent peu<br />
après 13 heures – et se met parfois à bégayer au point<br />
qu’il en devient incompréhensible. Pour échapper à l’agitation<br />
des chiens, il suggère que nous passions au soussol,<br />
dans son cinéma privé, meublé de fauteuils rembourrés.<br />
Sur les murs de l’escalier : ses disques d’or et de<br />
platine – ils brillent comme si l’on venait de les astiquer.<br />
Celui qui a fondé le heavy metal dans les années 70<br />
avec son groupe Black Sabbath prend une gorgée d’eau<br />
Fiji, se penche en avant dans son fauteuil et s’enquiert<br />
avec sollicitude de l’heure d’arrivée de mon vol, d’où je<br />
suis parti et de mon état général. « Tu souffres du putain<br />
de décalage horaire ? Je connais ça… »<br />
the red bulletin: Pour quelqu’un qui était sur<br />
le point de mourir il y a quelque temps, vous avez<br />
l’air incroyablement joyeux.<br />
ozzy osbourne : Oh oui...<br />
C’était sérieux à ce point ?<br />
L’année dernière a été un cauchemar. Avant cela aussi.<br />
Ça a vraiment été un truc après l’autre. Pourtant, j’ai<br />
arrêté de fumer et de boire il y a longtemps. Et je ne<br />
prends plus aucune drogue, rien du tout. Mais il y a<br />
toujours cette merde qui me tombe dessus. En gros,<br />
ce sont encore les conséquences de l’accident de quad<br />
en 2003 quand je me suis cassé le cou, la clavicule et<br />
plusieurs côtes.<br />
Se pourrait-il qu’avec l’âge, vous soyez devenu plus<br />
sensible à ces blessures ?<br />
Il semblerait. Parfois, c’est de ma faute. Par exemple,<br />
une fois, je me suis réveillé la nuit parce que j’avais<br />
envie de pisser. Je suis allé aux toilettes et en revenant,<br />
il faisait si sombre que j’ai trébuché et je me suis étalé<br />
de tout mon long. Je suis tombé, le dos contre le sol.<br />
Il y a eu un bruit horrible et j’ai vu des éclairs. Ma première<br />
pensée a été : « Espèce d’idiot ! » J’ai passé les<br />
trois mois suivants à l’hôpital.<br />
LA MAISON OZZY<br />
Le Prince des Ténèbres ne se cogne plus<br />
dans les murs : il dispose d’espace pour ses<br />
antiquités et ses fauteuils rembourrés.<br />
Le grand Ozzy Osbourne se soucie-t-il de la mort<br />
comme le suggèrent certaines de ses chansons,<br />
telles que Under <strong>The</strong> Graveyard (trad. sous le<br />
cimetière) ?<br />
Qui ne le fait pas ? Après tout, la mort est inévitable…<br />
Nous allons tous y passer un jour ou l’autre. Et puis,<br />
on ne peut rien emporter avec nous.<br />
L’enregistrement d’Ordinary Man, votre nouvel<br />
album, avait-il quelque chose de thérapeutique,<br />
comme un défi, un coup de pied au cul ?<br />
Absolument ! Je me sentais prisonnier dans ma propre<br />
maison. Quand tu restes allongé sur ton canapé toute<br />
la journée, et que tu fais toujours la même chose – et<br />
en plus, vraiment pas grand-chose –, tu deviens fou,<br />
lentement mais sûrement. Tu perds complètement la<br />
boule et tu te dis sans cesse : « Voilà. T’es fini. » Mais<br />
quand on a fait l’album, ça s’est brusquement arrêté.<br />
Ordinary Man m’a sauvé.<br />
Pourquoi n’avez-vous pas sorti d’album depuis si<br />
longtemps ? Cela fait dix ans depuis Scream.<br />
Parce que l’industrie a complètement changé. Il y a des<br />
trucs comme Spotify ou je ne sais quoi. Je n’ai aucune<br />
idée de ce que c’est ni de comment cela fonctionne. Je<br />
ne sais pas non plus ce que l’on reçoit pour sa musique.<br />
C’est un mystère pour moi. Tant de choses ont changé<br />
au cours des dix dernières années que je suis complètement<br />
dépassé.<br />
Vous ne pourriez donc pas imaginer commencer<br />
aujourd’hui une carrière comme celle que vous<br />
avez eue ?<br />
Je ne saurais pas quoi faire – je n’en ai vraiment pas<br />
la moindre idée.<br />
THE RED BULLETIN 67
Vous devriez probablement passer une<br />
audition...<br />
Ouais, tout est basé sur des putains de<br />
séries télé comme America’s Got Talent.<br />
C’est vraiment triste.<br />
Le rock’n’roll est-il mort ?<br />
Je ne sais pas, mais je pense qu’il y aura<br />
toujours un public pour la musique live –<br />
même si les albums se vendent de moins<br />
en moins. Maintenant, les gens dansent<br />
sur de la musique contenue sur des ordinateurs.<br />
(rires) Mais ce que je n’aime<br />
vraiment pas, c’est que certains artistes<br />
font aussi cela sur scène. Tout ce que je<br />
peux dire c’est putain de merde, il y a des<br />
trucs vraiment moches dans le monde de<br />
la musique aujourd’hui. Mon producteur,<br />
Andrew Watt, m’a dit que la plupart des<br />
jeunes avec lesquels il travaille ne savent<br />
pas chanter ou faire quoi que ce soit. Et<br />
c’est pourquoi ils disparaissent aussi vite<br />
qu’ils sont apparus.<br />
Après cinquante ans de métier, vous<br />
avez encore beaucoup de succès. Une<br />
explication à ce sujet ?<br />
Je ne peux pas répondre à cette question<br />
– parce que j’ignore la réponse, tout simplement.<br />
L’un des moments forts de vos années folles a été<br />
une réunion de votre label à Francfort au milieu<br />
des années 80. La légende veut que vous ayez dansé<br />
à poil sur une table de conférence et pissé dans les<br />
verres de bon vin des patrons.<br />
(rires) Oh, mec !<br />
Avez-vous vraiment fait cela ?<br />
Pourquoi penses-tu qu’il m’a fallu tant de temps pour<br />
avoir du succès en Europe ? Ma maison de disques<br />
m’a mis sur la voie de l’évitement. Il a fallu presque<br />
vingt ans pour me faire pardonner. J’étais incorrigible<br />
– je suis allé jusqu’à l’extrême.<br />
Et vous n’avez rien ménagé : l’alcool, la drogue,<br />
les fourmis…<br />
Ozzygraphie<br />
Une carrière en<br />
montagnes russes<br />
Abandon précoce de l’école,<br />
marginalité, petite délinquance<br />
: la vie de John<br />
Michael Osbourne, 71 ans,<br />
commence mal mais se poursuit<br />
mieux : il devient une<br />
star en tant que chanteur de<br />
Black Sabbath, groupe pionnier<br />
du heavy metal. À partir<br />
de 1979, il parcourt le monde<br />
et réalise onze albums qui se<br />
vendent à plus de cent millions<br />
d’exemplaires. Ozzy<br />
arrache la tête des chauvessouris<br />
avec ses dents, urine<br />
sur les monuments, et brille<br />
dans la série Les Osbournes.<br />
Il a 5 enfants, 15 tatouages<br />
et est sobre depuis 7 ans.<br />
Tout à fait. Mais le plus important c’est<br />
que je ne sois pas encore fini ! Je veux<br />
dire que je ne suis qu’au stade 2 de la<br />
maladie de Parkinson – qui n’est en<br />
aucun cas une condamnation à mort,<br />
ce n’est qu’une étape préliminaire. Mais<br />
quand j’ai eu cet accident de quad, j’ai<br />
vraiment réfléchi : est-ce la fin ? Quelle<br />
fin de course pathétique ! Et j’espère que<br />
c’est loin d’être la fin, que je peux encore<br />
faire de la musique.<br />
À 71 ans et avec cinquante ans<br />
d’expérience dans le monde de la<br />
musique : qu’est-ce qui vous met<br />
encore en colère aujourd’hui ?<br />
Les enfoirés comme Donald Trump. Il<br />
me rend furieux. Je sais bien que tous les<br />
politiciens mentent comme des malades.<br />
Chacun d’eux, quel que soit leur camp.<br />
Ils ne disent que ce qu’ils croient être<br />
approprié au moment présent – ce que<br />
les gens veulent entendre. Mais Trump<br />
n’attend même pas que tu digères le premier<br />
tas de merde qu’il te donne à manger,<br />
il te livre le suivant tout de suite.<br />
Que ferait le président Osbourne pour sauver<br />
le monde ?<br />
Oh, il y aurait un grand concert de rock’n’roll. Je m’assurerais<br />
certainement que l’ambiance ici soit meilleure.<br />
Et quand je regarde ce type en Angleterre – quel est son<br />
nom ? Boris Johnson ? Quel putain d’idiot ! Tout ce que<br />
je peux dire, c’est que je ne comprends pas. Les gens<br />
n’apprennent donc pas du passé ?<br />
Parlons de l’avenir. Que pensez-vous du mouvement<br />
Fridays For Future ?<br />
Du quoi ?<br />
Le mouvement de jeunes qui marchent tous les<br />
vendredis pour protester contre le réchauffement<br />
climatique.<br />
Quel intérêt ?<br />
« Ma maison de disques<br />
m’a mis sur la voie de<br />
l’évitement... Je suis<br />
allé jusqu’à l’extrême. »<br />
Tout d’abord, il est censé attirer l’attention.<br />
Et qu’est-ce que cela donne ? Je veux dire, comment<br />
penses-tu qu’ils réagiront quand ils manqueront d’électricité<br />
? Qui, comme nous le savons tous, provient en<br />
grande partie des combustibles fossiles ou de l’énergie<br />
nucléaire. Quand ils devront se passer complètement<br />
de ces commodités ? Nous nous plaignons tous<br />
constamment de choses qui nous manqueraient grandement<br />
si elles n’étaient plus là. À part cela, à quoi bon si<br />
quelque chose se passe dans un pays mais pas ailleurs ?<br />
Le monde devrait s’entendre sur ce point – et le plus<br />
rapidement possible. Sinon, nous sommes condamnés.<br />
Parlant de l’avenir… Dans la chanson Scary Little<br />
Green Men de votre nouvel album, vous affirmez<br />
GETTY IMAGES<br />
68 THE RED BULLETIN
MASTER OF PUPPIES<br />
Douze chiens sont à l’origine des méfaits<br />
sur la propriété d’Ozzy. La plupart d’entre<br />
eux viennent de refuges pour animaux.
METAL À L’EAU<br />
Dans son dernier album, le « parrain du<br />
metal » fait aussi entendre des nuances<br />
plus calmes et mélancoliques.<br />
Mais, vu la situation actuelle, il n’est pas encore<br />
certain que vous pourrez faire cette tournée.<br />
Bon, c’est sûr, si je ne me mets pas en forme à temps,<br />
je devrais tout remettre à plus tard. Tout simplement<br />
parce que je ne veux montrer aucune défaillance, monter<br />
sur scène et me casser la gueule. Autant que possible,<br />
je veux éviter un truc aussi gênant. Après tout, je<br />
ne veux pas m’autodétruire. Je ne veux pas m’effondrer<br />
sur scène, faire une sortie brutale ou devenir la risée<br />
du monde.<br />
Mais vous ne prévoyez pas de prendre votre<br />
retraite ?<br />
Pas encore. Je vais continuer à faire de la musique<br />
jusqu’à ce que je sois complètement paralysé.<br />
que nous sommes infiltrés par des extraterrestres<br />
depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?<br />
Parce que c’est tout ce que l’on voit à la télévision : des<br />
extraterrestres. Et peux-tu imaginer ce que ce serait si<br />
des petits hommes verts venaient réellement sur Terre ?<br />
La première chose qui intéresserait tout le monde serait<br />
de savoir de quelles armes ils disposent et comment y<br />
avoir accès. Ensuite, ce serait : désolé, nous n’aimons pas<br />
la couleur de votre peau, alors cassez-vous. Si nous ne<br />
pouvons pas nous entendre entre nous, quelles sont les<br />
chances que nous nous entendions mieux avec les extraterrestres<br />
? À moins qu’on ne leur prépare un festin...<br />
Votre prochaine tournée mondiale No More Tours 2<br />
est prévue pour l’automne. Est-ce vraiment la<br />
dernière cette fois-ci ou risquez-vous encore une<br />
rechute ?<br />
C’est vraiment ma dernière tournée mondiale. Tout<br />
simplement parce que je ne suis plus capable de faire<br />
quelque chose d’aussi long. Mais je continuerai à donner<br />
des concerts, ici et là. Je pense que je serai meilleur<br />
à long terme, surtout en ce qui concerne la qualité des<br />
spectacles.<br />
« Je vais continuer à<br />
faire de la musique<br />
jusqu’à ce que je sois<br />
complètement paralysé. »<br />
Le titre de la chanson Ordinary Man – un duo avec<br />
votre vieil ami Elton John – parle du fait que l’une<br />
de vos plus grandes craintes est de mourir comme<br />
une personne normale et d’être rapidement oublié.<br />
C’est vrai ?<br />
Disons que lorsque j’ai commencé dans la musique,<br />
j’étais un type normal. J’étais le prototype d’un type<br />
normal. Et la musique était tout pour moi, elle m’a tout<br />
donné. Mais je n’avais pas de talent particulier. Je ne<br />
sais donc pas comment tout cela est arrivé. C’était probablement<br />
mon destin, et j’ai juste eu de la chance.<br />
Si les gens se souviennent de moi, c’est génial. Sinon,<br />
ce n’est pas grave. Mais je n’ai jamais fait cela pour<br />
devenir célèbre. Je voulais seulement que les gens<br />
s’amusent – et moi aussi.<br />
Est-il vrai que votre femme Sharon envisage de<br />
faire un film sur votre relation ?<br />
Oui, cela devrait raconter comment Sharon et moi nous<br />
sommes rencontrés, comment nous sommes tombés<br />
amoureux et quel genre de relation folle nous avons eu<br />
au fil des ans. Parce que c’était vraiment ça. J’ai déjà été<br />
marié avant elle, mais ça n’a pas marché. J’étais tout le<br />
temps maboule.<br />
Tandis que Sharon était de plus en plus stable ?<br />
Tu veux que je te dise ? Je pense que l’on ne rencontre<br />
l’âme sœur qu’une seule fois dans sa vie. Et c’est ce<br />
qu’elle est pour moi. Nous aimons les mêmes choses<br />
et nous détestons les mêmes choses. Je l’aime, et nous<br />
sommes ensemble depuis quarante ans, dont 38 ans<br />
de mariage. Bien sûr, nous avons eu des hauts et des<br />
bas. Et il est arrivé plus d’une fois que je ne rentre pas<br />
à la maison ou quelque chose comme ça. Mais elle m’a<br />
toujours repris, elle a même réussi à me faire lâcher<br />
l’alcool pour de bon.<br />
Dernière question, parce que vous êtes un fan<br />
avoué des géniaux comiques anglais Monty Python :<br />
quel est le sens de la vie pour Ozzy Osbourne ?<br />
Le sens de la vie est de regarder en arrière à la fin et<br />
de pouvoir dire : je l’ai fait à ma façon.<br />
L’album Ordinary Man est déjà disponible. ozzy.com<br />
70 THE RED BULLETIN
DONNE DES AIIILES.<br />
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Sur le dos de la Bête<br />
Au cours de son travail sur la piste des migrants<br />
mexicains, le photographe et graffeur anglais<br />
PABLO ALLISON a été emprisonné, dévalisé et<br />
tenu en joue. Mais il n’a jamais songé à renoncer.<br />
Texte RUTH McLEOD<br />
Photos PABLO ALLISON<br />
La poursuite d’un rêve (de haut en bas, de g. à dr.) : des migrants sur le toit d’un camion (Mexique) ;<br />
une peinture murale d’Allison à Shoreditch (Londres) ; après 15 jours de voyage à travers le sud du<br />
Mexique, la foule grimpe dans un train de marchandises ; hommage aux « braves migrants » ; au sommet<br />
de « la Bête » après plus de quatre semaines à travers l’Amérique centrale ; pneus, plastique,<br />
bois et tout autre matériau inflammable sont brûlés pour se réchauffer ; un message d’espoir ;<br />
David du Guatemala, échoué dans l’État de Sonora dans le but d’atteindre la frontière américaine.
73
« Nous devrions tirer<br />
des enseignements de<br />
l’expérience des<br />
migrants plutôt que<br />
de les diaboliser. »
En long et en large : le message des graffitis d’Allison est limpide. L’amour est plus fort que la peur.<br />
GEORGE MARSHALL<br />
I<br />
l est minuit et Pablo Allison s’accroche<br />
au sommet d’un train de<br />
marchandises lancé à toute<br />
vitesse vers le sud à travers le<br />
désert mexicain. Une pluie intense meurtrit<br />
son corps, il fait un froid glacial. Le<br />
train tremble. Il roule bruyamment à<br />
100 km/h et Allison se cramponne à<br />
grand peine, de crainte de tomber dans<br />
l’obscurité pendant ce périple de dix<br />
heures. Voyager dans l’illégalité sur ce<br />
réseau industriel comporte de nombreux<br />
risques – il n’est pas rare non plus que ces<br />
longs trains déraillent. Il n’en reste pas<br />
moins que des rares possibilités de voyage<br />
offertes aux migrants qui traversent le<br />
Mexique, celle-ci est la plus sûre.<br />
Le photographe et graffeur Pablo<br />
Allison effectue ces voyages avec eux<br />
depuis plus de trois ans afin de documenter<br />
et de mieux comprendre les<br />
expériences de quelques-uns parmi les<br />
dizaines de milliers de migrants qui<br />
traversent le pays chaque année en<br />
direction des États-Unis. Allison a commencé<br />
à circuler dans ces trains en 2016,<br />
dans le but de photographier les paysages<br />
inaccessibles le long des lignes de<br />
chemin de fer privées du Mexique. « Sauf<br />
que j’ai réalisé que je ne pouvais pas<br />
détourner mon objectif des migrants que<br />
je rencontrais. Je suis fasciné par la persévérance,<br />
la force, la façon dont les gens<br />
effectuent ces voyages extraordinairement<br />
difficiles. Leur détermination pour<br />
s’échapper, pour chercher une vie meilleure,<br />
est stupéfiante. »<br />
La plupart des migrants qu’Allison<br />
rencontre fuient la pauvreté, la violence,<br />
voire les deux. Il y a des hommes, des<br />
femmes, des enfants, des jeunes et des<br />
moins jeunes issus de tous les milieux<br />
et toutes les situations, venus du monde<br />
entier, qui luttent contre les difficultés<br />
et des conditions souvent hostiles pour<br />
commencer une nouvelle vie.<br />
« Certains viennent d’aussi loin que<br />
l’Irak, la Syrie, l’Iran, le Bangladesh et<br />
se retrouvent en Amérique du Sud. Ils se<br />
lancent ensuite dans un périple à travers<br />
différents pays, traversent la célèbre<br />
jungle sans foi ni loi du sud de la Colombie,<br />
la région du Darién, puis arrivent de<br />
peine et de misère au Panama. Une fois<br />
au Mexique, ils sont loin d’être “arrivés”…<br />
Ce sont des gens dont nous, qui<br />
menons une vie passablement confortable,<br />
devrions tirer des enseignements,<br />
plutôt que de les diaboliser ou de les traiter<br />
comme des criminels. »<br />
Quand Allison rencontre <strong>The</strong> <strong>Red</strong><br />
<strong>Bulletin</strong> en février <strong>2020</strong>, il est loin<br />
du Mexique, dans la ville côtière<br />
de Hastings, en Angleterre. Allison<br />
est au Royaume-Uni pour animer un atelier<br />
sur la migration lors d’un événement<br />
de street art : peindre à la bombe un mur<br />
de la ville et y écrire le poème d’un<br />
migrant guatémaltèque avec lequel il<br />
a voyagé. Ces dernières années, Allison<br />
a animé des ateliers dans plusieurs pays,<br />
THE RED BULLETIN 75
dans des galeries d’art et des centres<br />
de réfugiés, utilisant à la fois ses talents<br />
de photographe et de graffeur pour<br />
rejoindre un large public. Il a publié un<br />
livre consacré à certains de ses travaux<br />
photographiques qui sortira dans le courant<br />
du mois. Cependant, Allison n’a pas<br />
de visées politiques. « Je fais toujours<br />
attention à ne pas prêcher au sujet des<br />
questions sociales et politiques, dit-il.<br />
On a tous notre opinion sur ce qu’est la<br />
migration et je ne suis pas là pour dire<br />
quoi penser. Je présente mon expérience<br />
telle que je l’ai documentée et nous discutons.<br />
Ce projet vise avant tout à m’aider<br />
à comprendre la réalité complexe des<br />
personnes qui doivent fuir des situations<br />
très difficiles. Le véritable objectif a toujours<br />
été pour moi de devenir une meilleure<br />
personne. »<br />
La passion d’Allison remonte à sa jeunesse.<br />
Né à Manchester, il a déménagé<br />
avec sa famille au Mexique, d’où sa mère<br />
est originaire, lorsqu’il avait trois ans. Le<br />
gamin avait un esprit curieux et ses<br />
parents étaient libéraux. « Les seules<br />
règles de ma mère: pas de drogue et pas<br />
d’amitié avec des partisans nazis »,<br />
explique-t-il. Il a donc commencé à explorer<br />
le Mexique des années 90. « Vers mes<br />
seize ans, je prenais l’appareil photo de<br />
mes parents et je photographiais des graffitis.<br />
J’allais dans les gares de la banlieue<br />
pour taguer des trains, raconte Allison,<br />
aujourd’hui âgé de 38 ans. J’ai constaté<br />
que des gens voyageaient sur le toit de<br />
ces trains qui circulent entre le Mexique,<br />
les États-Unis et le Canada. »<br />
Le parcours d’Allison a été tumultueux.<br />
Il a été emprisonné au Royaume-<br />
Uni et aux États-Unis, et détenu sous la<br />
menace d’une arme à feu au Mexique,<br />
des épisodes qui ont façonné son travail<br />
actuel. « Le fait qu’on m’ait privé de<br />
liberté m’a fait réaliser à quel point il est<br />
important d’être créatif. L’art, c’est la<br />
liberté. Même dans ces moments, j’étais<br />
toujours libre car je pouvais me servir<br />
de ma tête. »<br />
Allison a été envoyé en prison pour<br />
la première fois en 2012, dix ans après<br />
un retour au Royaume-Uni pour découvrir<br />
la scène du graffiti et étudier la photographie<br />
documentaire. « L’énergie de<br />
Londres était très inspirante. Le graffiti<br />
appartient aux environnements urbains<br />
et j’étais profondément intéressé. C’est<br />
l’adrénaline, la rébellion, la créativité,<br />
la curiosité. Le graffiti a joué un rôle<br />
important dans mon éducation. Je n’ai<br />
jamais considéré cela comme quelque<br />
chose de destructeur. »<br />
Mais à l’approche des Jeux olympiques,<br />
la police londonienne<br />
a fait le ménage. Allison a été<br />
condamné à 19 mois de prison,<br />
dont six à la prison de Wormwood<br />
Scrubs (Londres), pour avoir tagué des<br />
trains. « Je ne considère pas les graffitis<br />
comme un acte criminel, se défend-il.<br />
Mais j’ai toujours été conscient des<br />
risques de me faire arrêter. Il s’agissait<br />
de compléter ma peine afin que je puisse<br />
partir et commencer une nouvelle vie. »<br />
Pendant son incarcération, Allison<br />
a collaboré avec sa sœur Roxana, photographe<br />
elle aussi, sur un projet créatif<br />
consacré à cette expérience. Il a lu, écrit<br />
et dessiné. « Tout ce que je voulais, c’était<br />
rester enfermé dans ma cellule. J’avais<br />
tellement de choses à faire. Je ne voulais<br />
pas perdre de temps. » Il en sort plus<br />
sérieux, plus solitaire et moins agité. Il<br />
arrête le graffiti. Mais il continue à travailler<br />
sur des projets liés à la migration<br />
et à l’identité tout en exerçant plusieurs<br />
emplois à Londres, notamment au sein<br />
d’organisations caritatives comme<br />
Amnesty International et Action Aid.<br />
Son idée pour le projet consacré au<br />
Mexique commence à prendre forme.<br />
« J’ai réalisé que je voulais y retourner<br />
pour appliquer les connaissances que<br />
« L’idée de Trump que les migrants seraient tous des criminels,<br />
c’est de la foutaise. Il y aura toujours des exceptions,<br />
mais les gens avec lesquels je suis devenu ami travaillent dur. »<br />
L’hommage aux Migrantes Valientes. Les pierres tombales portent les noms de certains des pays de naissance des migrants.<br />
76 THE RED BULLETIN
GEORGE MARSHALL<br />
« Ces gens qui s’embarquent dans<br />
des voyages à l’issue incertaine sont<br />
plutôt optimistes et enthousiastes. »<br />
j’avais acquises au sein de ces organisations.<br />
J’étais très motivé pour repartir de<br />
zéro là-bas. » En 2016, il retourne à<br />
Mexico pour commencer à photographier<br />
les paysages que voient les migrants lorsqu’ils<br />
voyagent en train, un projet qu’il<br />
pensait pouvoir réaliser en un an mais<br />
qui s’est transformé en deux projets dans<br />
trois pays, qui sont toujours en cours<br />
près de quatre ans plus tard.<br />
Allison a rapidement fait l’expérience<br />
directe de la vulnérabilité des personnes<br />
qui empruntent ces trajets. « Pour aller<br />
du sud au nord, un seul train ne suffit<br />
pas. Il faut comprendre la route que l’on<br />
emprunte ; il faut monter et descendre.<br />
Ces trains de marchandises transportent<br />
des milliers et des milliers de dollars de<br />
marchandises vers les États-Unis ou le<br />
Canada. Des banditos volent régulièrement<br />
des céréales, des téléviseurs, etc.<br />
Il est donc très risqué de voyager de cette<br />
façon. » Allison a été témoin de violences,<br />
a été dévalisé et a failli être tué, il y a deux<br />
ans, par un gang de criminels alors qu’il<br />
voyageait avec deux amis. « Nous avons<br />
été détenus dans un train sous la menace<br />
d’une arme, dit Allison. J’ai prié pour<br />
avoir la vie sauve. Nous avons eu de la<br />
chance de nous en sortir vivants. » Et<br />
pourtant, Allison était de retour au travail<br />
le mois suivant, armé de son appareil<br />
photo, voyageant à pied et en train avec<br />
un convoi d’environ 7 000 personnes.<br />
« Il faut parfois arriver à oublier certaines<br />
choses pour pouvoir continuer. C’est ce<br />
que j’ai choisi de faire. »<br />
Puis l’année dernière, la détermination<br />
d’Allison a été une nouvelle fois mise à<br />
l’épreuve. Après s’être vu refuser l’entrée<br />
au Canada, des agents américains ont<br />
découvert qu’Allison avait dépassé la<br />
durée de validité du visa qui lui avait été<br />
délivré après avoir assisté à une exposition<br />
à New York quelques mois plus tôt.<br />
Il a été détenu par le département de l’immigration<br />
et des douanes et emprisonné<br />
à Tacoma, dans l’État de Washington. Une<br />
erreur administrative selon Allison, qui<br />
passera près d’un mois en prison.<br />
Enfermé à nouveau, il se plonge dans<br />
l’écriture et le dessin. Il fait poser ses<br />
codétenus pour des portraits et réussi à<br />
dégager pour chacun d’entre eux des<br />
aspects positifs, palliant ainsi à l’angoisse<br />
de ces immigrants illégaux en attente<br />
d’être expulsés. « Nous plaisantions sur<br />
la situation. J’ai tellement ri. Ce fut une<br />
véritable thérapie. J’ai réalisé que je<br />
n’avais pas besoin d’aller au Canada.<br />
J’avais besoin d’être dans cette prison.<br />
C’est là que le travail que je fais avec passion<br />
depuis quelques années devait me<br />
conduire: au centre de détention dont<br />
j’avais entendu parler par les migrants.<br />
Lorsque j’étais enfermé dans cette prison,<br />
j’étais traité comme n’importe quel autre<br />
prisonnier. C’était la première fois que je<br />
me sentais comme une personne non privilégiée<br />
travaillant sur ce sujet. »<br />
Après qu’Allison ait été autorisé à partir,<br />
il a attendu dans une cellule de détention.<br />
« La plupart des gens qui étaient là<br />
avec moi étaient en train d’être expulsés<br />
et perdaient tout ce qu’ils avaient, mais<br />
c’était une fête. Nous étions toujours<br />
enfermés, mais c’était une célébration<br />
de la liberté. »<br />
Allison est de nouveau sur la piste<br />
des migrants au Mexique. « Les<br />
gens essaient toujours d’échapper<br />
aux mauvaises conditions, dit-il,<br />
la migration ne s’arrête pas. » Comment<br />
envisage-t-il la fin de ses projets ?<br />
« Lorsque cela cesse de me stimuler, je<br />
m’arrête, déclare-t-il. Mais malgré les<br />
dangers, je me sens toujours vivre. J’ai vu<br />
des gens trouver la force d’aller de l’avant.<br />
Ces gens qui s’embarquent dans des<br />
voyages à l’issue incertaine pour essayer<br />
de survivre et de vivre – et peut-être un<br />
peu plus que cela – apprécient la vie. Ils<br />
sont plutôt optimistes, résistants et<br />
enthousiastes. Ils rigolent. Cela me fascine.<br />
Nous devrions célébrer la migration<br />
et la considérer non pas comme un problème<br />
mais comme un phénomène. L’idée<br />
de Trump qu’ils seraient tous des criminels,<br />
c’est de la foutaise. Il y aura toujours<br />
des exceptions, mais tous les gens avec<br />
lesquels je suis devenu ami sont des gens<br />
qui travaillent dur. »<br />
C’est ce concept d’optimisme dans la<br />
difficulté qui a inspiré le titre du prochain<br />
livre d’Allison, <strong>The</strong> Light of the Beast (trad.<br />
La lumière de la Bête). « La Bête est le nom<br />
que les migrants ont donné au train,<br />
explique-t-il. C’est dangereux, il y a le<br />
grondement du moteur. C’est comme un<br />
énorme monstre sur le dos duquel les<br />
gens doivent grimper. La lumière, c’est<br />
aussi l’espoir qu’il représente. »<br />
<strong>The</strong> Light of the Beast aux éditions<br />
Pavement (en anglais). La galerie Make<br />
Your Mark à Helsinki consacre une expo<br />
au travail d’Allison (2-30 septembre).<br />
pabloallison.co.uk<br />
THE RED BULLETIN 77
HORS DU COMMUN<br />
Retrouvez votre prochain numéro le 1 octobre avec et le 8 octobre avec<br />
dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />
JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL
PERSPECTIVES<br />
Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />
L’AVENTURE<br />
INTÉRIEURE<br />
Comment les<br />
cyclistes pro<br />
restent en forme,<br />
même chez eux.<br />
TWO26 PHOTOGRAPHY<br />
THE RED BULLETIN 79
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
« Sur la ligne de départ,<br />
j’étais avec des champions et championnes<br />
olympiques, des athlètes<br />
Ironman et des stars du cyclisme que<br />
je n’aurais jamais pu côtoyer IRL. »<br />
Ruth Astle<br />
V<br />
oilà l’aube. Je suis sur mon<br />
vélo, le cœur battant à l’idée<br />
de me retrouver côte à côte avec des<br />
cyclistes du monde entier. C’est la<br />
toute première fois que je participe à<br />
un critérium : un circuit en ville comprenant<br />
quatorze tours intenses de<br />
1,9 km chacun. Dans quelques instants,<br />
tout le monde partira en flèche<br />
avec le coup de pistolet – j’aurai les<br />
poumons et les jambes en feu car je<br />
pédalerai à fond pour rester calée sur<br />
le peloton de tête.<br />
Après 38 minutes à tout donner et<br />
un sprint au mauvais moment, je passe<br />
la ligne d’arrivée, épuisée, mais cinquième<br />
derrière les championnes de<br />
triathlon Lucy Charles-Barclay et<br />
Sophie Coldwell. Ce ne sont pas des<br />
participantes typiques à un critérium,<br />
mais ce n’est pas non plus ma course<br />
standard. D’abord, je suis moi-même<br />
une triathlète Ironman plutôt habituée<br />
à des courses de vélo de 180 km après<br />
avoir nagé 3,9 km. Et je suis installée<br />
sur un home trainer… Nous sommes<br />
toutes en train de faire la course via<br />
Zwift, une plateforme virtuelle de<br />
cyclisme permettant d’entrer en compétition,<br />
lors de courses en temps réel,<br />
avec d’autres cyclistes du monde<br />
entier. Il y a quatre ans, je commençais<br />
juste avec Zwift, et m’entraînais tous<br />
les matins à 4 h 30 avant d’aller au<br />
travail. Depuis, cette plateforme de<br />
cyclisme a cartonné et fait partie intégrante<br />
de mon entraînement Ironman<br />
– tout particulièrement depuis ma fracture<br />
de la clavicule douze semaines<br />
seulement avant le championnat du<br />
monde à Kona, Hawaï, l’an dernier.<br />
Zwift répond aux besoins des<br />
cyclistes de tous niveaux. Tout ce qu’il<br />
vous faut est un vélo, un home trainer<br />
sur lequel vous le fixez (personnellement,<br />
j’utilise un Wahoo KICKR) et un<br />
ordinateur, Mac ou PC, une tablette,<br />
un smartphone, ou bien Apple TV.<br />
La plateforme convertit la puissance<br />
et la cadence produites sur le<br />
home trainer pour la transmettre à<br />
votre avatar qui avancera sur l’écran<br />
en fonction de vos performances sur<br />
votre vélo – imaginez un jeu vidéo où<br />
vous faites la course, mais ce sont vos<br />
propres muscles qui alimentent votre<br />
personnage. Il existe même des bonus<br />
pour profiter de l’aspiration, améliorer<br />
l’aérodynamique ou bien être invisible<br />
pendant dix secondes. Vous pouvez<br />
vous en servir de façon tactique tout<br />
en ayant d’éventuelles échappées sur<br />
le radar. Si vous lâchez le peloton de<br />
tête, c’est très dur de rattraper le coup.<br />
J’ai beau être seule sur mon vélo,<br />
il y a toujours des sportifs des quatre<br />
coins de la planète, et donc toujours<br />
quelqu’un avec qui s’entraîner ou pour<br />
Le même vélo sert à Astle en réel et sur Zwift. À droite : circuit Critérium Crit City Course.<br />
JEFF THOREN<br />
80 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
Une pro<br />
en herbe<br />
Ruth Astle est une<br />
triathlète Ironman de<br />
31 ans ayant gagné<br />
une place à la Zwift Tri<br />
Academy en 2019.<br />
L’année dernière, lors<br />
du championnat du<br />
monde d’Ironman à<br />
Kona, elle a réalisé le<br />
meilleur temps parmi<br />
les sportifs amateurs.<br />
Cette année, elle<br />
débute comme athlète<br />
professionnelle.<br />
Instagram :<br />
@rastle50<br />
La maison Zwift pour les athlètes, à Kona, Hawaï, en octobre 2019. Astle s’entraîne pour le championnat du monde Ironman.<br />
faire la course. Nous sommes parfois<br />
près de 10 000. J’aime tout particulièrement<br />
mélanger différents « mondes »,<br />
dont certains reconstituent des villes<br />
comme Londres, ou bien les circuits<br />
de course des championnats du<br />
monde de l’UCI comme Innsbruck.<br />
L’île virtuelle de Zwift, Watopia, est<br />
mon monde préféré car on y trouve un<br />
peu de tout : du plat, des collines, des<br />
segments KOM (King of the Mountain)<br />
et même un volcan. J’aime faire mes<br />
séances courtes de vélo sur Zwift<br />
parce que je n’ai pas à me préoccuper<br />
des voitures ou des feux rouges – je<br />
fonce tête baissée. Mais il m’arrive<br />
également d’effectuer des courses<br />
de quatre ou cinq heures.<br />
THE RED BULLETIN 81
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
De l’un à l’autre<br />
Vos essentiels pour séances<br />
d’entraînement virtuel et réel.<br />
Montre de sport Suunto 5<br />
Rythme cardiaque et indicateurs<br />
de stress sont connectés à votre<br />
compte Strava combiné avec Zwift.<br />
L’épreuve de cyclisme du championnat du monde d’Ironman se déroule sur autoroute, donc Astle s’est<br />
préparée en terrain similaire sur Zwift. Cela l’a aidée lors de son passage en statut pro cette année.<br />
C’était notamment le cas l’année<br />
dernière, après mon opération de la<br />
clavicule, et j’ai eu la chance de gagner<br />
une place au sein de l’équipe mixte<br />
Zwift Tri Academy. Après être arrivés<br />
au championnat du monde de l’Ironman<br />
à Kona, nous étions dans une maison<br />
Zwift avec des écrans et des home<br />
trainers. Mes entraîneurs étaient des<br />
légendes de l’Ironman : Tim Don et<br />
Sarah True. Je pense que nous étions<br />
mieux accompagnés que 95 % des<br />
pros. Comme la course Ironman se<br />
déroule sur une autoroute, nous avons<br />
fait plusieurs séances Zwift pour nous<br />
entraîner en toute sécurité. Cela m’a<br />
beaucoup aidée pour passer du statut<br />
d’amateur à celui de pro au début<br />
de l’année.<br />
Avec ce concept, sur une ligne de<br />
départ, je me suis déjà retrouvée côte<br />
à côte avec des champions et championnes<br />
olympiques, des athlètes Ironman<br />
et des superstars du cyclisme sur<br />
piste – des personnes avec qui je n’aurais<br />
jamais eu l’occasion de faire la<br />
course dans la vraie vie. Ce n’est pas<br />
comparable à une rencontre dans le<br />
monde réel, mais c’est tout de même<br />
très motivant. Lorsque Lucy<br />
Charles-Barclay s’active devant moi,<br />
cela me donne envie de faire la course<br />
et de tout donner.<br />
zwift.com<br />
Parcours en ville<br />
Le segment critérium Bell Lap<br />
Distance : 1,9 km Dénivelé : 8 m Lead-in : 0,1 km<br />
« Voici un critérium bref et difficile de 14 tours,<br />
et 27 kilomètres au total, dit Astle. Mis à part<br />
quelques petites pentes de sept à dix pour cent<br />
qui vous coupent les jambes avant de récupérer<br />
en faisant l’aspi derrière le peloton, le terrain est<br />
plat. L’effort à fournir est bref et intense, donc restez<br />
avec le groupe en tête et surveillez ce que font<br />
les autres cyclistes. Chaque Zwifter a un PowerUp<br />
– un bonus – par tour, et pour faire un sprint, un<br />
Draft Boost permet d’augmenter l’aspi derrière<br />
les cyclistes de 50 % pendant 30 secondes.»<br />
Écouteurs Urbanista London<br />
Oreillettes sans fil à suppression de<br />
bruit active, commande vocale et<br />
tactile et quatre heures d’autonomie.<br />
Home trainer Wahoo KICKR<br />
Se connecte à Zwift via Bluetooth ou<br />
ANT+, afin de fournir une inertie et<br />
une résistance réalistes à votre vélo.<br />
Écran MSI Optix MPG341CQR<br />
Avec sa courbure de 1800R,<br />
ce moniteur gaming pro de 86cm<br />
est parfait pour des courses Zwift.<br />
JEFF THOREN<br />
82 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
gaming<br />
ESPORT<br />
Tous des<br />
pilotes !<br />
Les GP virtuels de Formule 1<br />
ont généré un nouveau type<br />
de pilote. Voici comment en<br />
devenir un à votre tour.<br />
La saison <strong>2020</strong> de F1 a décollé<br />
en juillet. Mais pendant son<br />
interruption de quatre mois,<br />
les fans ont été gâtés avec des<br />
compétitions de sim-racing<br />
avec les pilotes de F1 Alex<br />
Albon pour <strong>Red</strong> Bull Racing et<br />
Charles Leclerc pour Ferrari,<br />
qui ont rendu la vie dure à des<br />
adversaires novices, comme<br />
le footballeur Sergio Agüero<br />
de Manchester City.<br />
Ces participants exceptionnels<br />
ont eu droit à une<br />
préparation intensive pour<br />
apprendre à se servir d’un<br />
simulateur et du logiciel de<br />
simulation Codemasters F1<br />
2019. Marcel Kiefer, 21 ans,<br />
pro du sim- racing appartenant<br />
à l’équipe <strong>Red</strong> Bull<br />
Racing Esports a ainsi été<br />
surnommé « Le Technicien »<br />
par Albon, devenu son élève,<br />
qu’il a accompagné dans sa<br />
pratique du pilotage virtuel.<br />
Avec la dernière version<br />
du jeu F1 <strong>2020</strong>, devenons des<br />
pros de la course en simu<br />
grâce aux tuyaux de Kiefer...<br />
Décrochez la pole<br />
Le départ est crucial. « Soyez<br />
à l’avant et évitez l’air sale »,<br />
dit Marcel à propos des turbulences<br />
qui entraînent une<br />
réduction de la traînée dans<br />
le sillage des voitures. Pour<br />
cela, assurez vos qualifs.<br />
« Observez les pilotes les plus<br />
rapides, la ligne idéale ; et les<br />
phases de freinage pour des<br />
courses à faible consommation<br />
en carburant. »<br />
Démarrez en douceur<br />
« N’écrasez pas le champignon<br />
dès que les feux<br />
passent au vert, dit Kiefer.<br />
Le patinage fait relâcher la<br />
traction. Visez plutôt entre<br />
10 700 et 12 200 tr/min. »<br />
Maîtrisez vos virages<br />
La plupart des engagés ont<br />
tendance à survirer, Agüero<br />
inclus. « Si vous braquez trop,<br />
vous vous retrouverez en<br />
sous-virage, avec des températures<br />
de pneus plus élevées,<br />
et ça vous freine. »<br />
Restez vigilants<br />
Un tour parfait nécessite une<br />
certaine dextérité, mais la<br />
répétition nécessite de l’adrénaline.<br />
« C’est cela qui permet<br />
aux pilotes comme Alex<br />
Albon de rester concentrés<br />
pendant toute la course. De<br />
votre côté, développez une<br />
routine. Mémorisez et fixezvous<br />
des phases de freinage,<br />
de virage et d’accélération. »<br />
Le pilote <strong>Red</strong> Bull Racing Alex Albon dans son simu personnel.<br />
« N’écrasez pas<br />
le champignon<br />
dès que ça<br />
passe au vert ! »<br />
Marcel Kiefer<br />
Le pilote esport allemand pratique<br />
le sim-racing depuis 2017 et a remporté<br />
le GP de Grande-Bretagne lors<br />
des F1 Esports Pro Series en 2019.<br />
Dépassez-les tous !<br />
En F1, cela revient à utiliser<br />
le DRS – le système de réduction<br />
de la traînée monté sur<br />
l’aileron arrière – lorsque<br />
vous êtes à moins d’une<br />
seconde de la voiture vous<br />
précédant. « Sur la ligne<br />
droite de Baku (2,22 km, ndlr)<br />
vous pouvez doubler, créer<br />
un espace et détruire le DRS<br />
de l’autre voiture », dit Kiefer.<br />
Faites simple<br />
Pour votre simulateur à la<br />
maison, Kiefer recommande<br />
un support avec bon retour<br />
d’effort et un bon pédalier,<br />
le volant étant secondaire.<br />
« Pas besoin de cockpit. J’ai<br />
commencé sur une chaise, le<br />
volant fixé à un bureau. L’important,<br />
c’est de s’éclater. »<br />
F1 <strong>2020</strong> by Codemasters disponible<br />
sur PS4, Xbox One, PC<br />
et Stadia ; codemasters.com<br />
ALEX ALBON, BRYN LENNON/RED BULL CONTENT POOL<br />
84 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
calendrier<br />
3<br />
et 4 octobre<br />
RED BULL BOWL RIPPERS : SEA, SKATE AND SUN<br />
Le skate de bowl à son top ! Le <strong>Red</strong> Bull Bowl Rippers revient avec ses riders internationaux et un concept<br />
qui a fait ses preuves : des jam sessions, un contest amateur avec deux places à gagner dans la compétition<br />
pro, des qualifs pros et une grande finale pro retransmise en live, notamment sur Twitch. Le tout<br />
hosté par le local Vincent Matheron. Comme le bowl de Marseille version <strong>Red</strong> Bull Bowl Rippers apparaîtra<br />
dans Tony Hawk’s Pro Skater 1+2, la nouvelle version du fameux jeu vidéo de skate, l’événement ne<br />
manquera pas d’activations digitales (Tony sera-t-il présent ?). Du soleil, la mer et du skate sur l’un des<br />
plus prestigieux bowls au monde : le bonheur ! Marseille, bowl du Prado ; redbull.fr<br />
déjà dispo<br />
THE LAST<br />
ASCENT<br />
Le grimpeur sur glace <strong>Red</strong> Bull, Will<br />
Gadd, s’est lancé dans une mission pour<br />
avoir une dernière chance d’escalader<br />
les glaciers du mont Kilimandjaro. Il y a<br />
cinq ans, Will a fait plusieurs premières<br />
ascensions des tours de glace du Kilimandjaro.<br />
Aujourd’hui, alors que l’emblématique<br />
calotte glaciaire de la montagne<br />
disparaît rapidement, il revient<br />
pour faire une dernière ascension. L’investissement<br />
personnel de Will dans la<br />
cause conduit à un récit chargé d’émotion,<br />
tandis que les défis de la glace instable<br />
et fondante et de la haute altitude<br />
font de son voyage historique une<br />
montre qui ronge les ongles.<br />
redbull.tv<br />
déjà dispo<br />
AROUND<br />
THE WORLD<br />
L’histoire inédite de l’un<br />
des nouveaux sports<br />
les plus passionnants<br />
au monde, le football<br />
freestyle. Le documentaire<br />
suit les voyages<br />
de dix freestylers de<br />
cultures et d’horizons<br />
très différents. Leur<br />
destination ? Le <strong>Red</strong><br />
Bull Freestyle Football,<br />
la Coupe du monde<br />
de la discipline. Si les<br />
chemins qui les ont<br />
menés là où ils sont<br />
aujourd’hui sont<br />
uniques, ils partagent<br />
un objectif commun :<br />
devenir le numéro un<br />
mondial du football<br />
freestyle. Réalisé et<br />
tourné par les Français<br />
Tom Chevé, David<br />
Amouzegh et Clément<br />
Reubrecht et décliné<br />
en long métrage documentaire<br />
et en série en<br />
six épisodes, Around<br />
the World a été filmé<br />
dans neuf pays, et présente<br />
notamment les<br />
participants d’un village<br />
du Kenya, d’autres<br />
venus de Tokyo, du<br />
Chili et des États-Unis.<br />
redbull.tv<br />
NICOLAS JACQUEMIN/RED BULL CONTENT POOL, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL, DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL<br />
86 THE RED BULLETIN
TRANSPORT EN COMMUN.<br />
TOUS ENSEMBLE, PARCOURONS 1 MILLION DE KM.<br />
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PERSPECTIVES<br />
spécial vélo<br />
Optez<br />
pour le<br />
GRAVEL<br />
Plus rapide que le VTT, plus coriace que le vélo de route : le gravel a tout pour plaire !<br />
Texte CHARLIE ALLENBY
Esprit libre : elle se fait<br />
plaisir sur le Cannondale<br />
Topstone Carbon Lefty 3.<br />
89
PERSPECTIVES<br />
spécial vélo<br />
Le gravel, c’est<br />
quoi en fait ?<br />
Depuis l’invention de la petite reine, le monde du<br />
cyclisme a connu peu de bouleversements majeurs<br />
: le dernier en date étant l’arrivée du Vélo Tous<br />
Terrains dans les années 70, événement qui a eu<br />
pour conséquence de scinder la communauté cycliste<br />
en deux. D’un côté, les aficionados de la<br />
route et de la vitesse, avec leurs maillots Lycra et<br />
leurs segments Strava, et de l’autre, une communauté<br />
de bikers davantage en recherche de sensations<br />
fortes et de nature. Bref, il fallait choisir son<br />
camp. Mais ça, c’était avant le gravel.<br />
Nés au milieu des années 2000 sur les chemins<br />
coupe-feux (les gravel roads, en gravier donc) et<br />
autres sentiers plus ou moins aménagés des forêts<br />
américaines, les vélos gravel sont en quelque<br />
sorte la symbiose de ces deux univers. Ces<br />
nouveaux- venus polyvalents apportent un regain<br />
de fraîcheur et de jeunesse que le monde du cyclisme<br />
classique, dominé jusque-là par les MA-<br />
MILS (pour Middle-Aged Men In Lycra, les quadras<br />
en Lycra !), semble accueillir avec bonheur.<br />
En gros, le gravel est fait pour pouvoir rouler<br />
avec un guidon de route sur tous les types de terrain,<br />
que ce soit en ville ou dans les sous-bois. Les<br />
amateurs de gravel vont donc pouvoir quitter le bitume<br />
à tout moment pour s’aventurer facilement<br />
sur les chemins forestiers ou les sentiers de rando,<br />
combinant à loisir les possibilités pour un<br />
maximum de plaisir et de sensations.<br />
Si pratiques qu’ils soient, les premiers vélos gravel<br />
ont été « improvisés » par des cyclistes passionnés<br />
de bricolage et en quête de polyvalence, empruntant<br />
les avancées technologiques des VTT<br />
(transmission mono plateau, freins à disque...)<br />
pour les transposer sur des vélos de route, histoire<br />
de les rendre plus robustes et plus confortables.<br />
Entretemps, toutes les grandes marques proposent<br />
maintenant leurs gammes de vélos et d’accessoires<br />
gravel, mais cet engouement pour le<br />
gravel va au-delà d’une simple mode. Si une gravel<br />
attitude existait, elle serait d’abord un état d’esprit<br />
: celui d’un retour aux sources. La sortie du<br />
Virée dans le Snowdonia (Pays de Galles) sur le Marin Nicasio + et le Gestalt X11.<br />
week-end que l’on fait pour le plaisir d’explorer des<br />
nouveaux coins, pour la joie de pédaler sans rechercher<br />
forcément la performance, la vitesse, le<br />
danger ou le besoin de se dépasser physiquement.<br />
C’est ce côté « back to the roots » que l’on retrouve<br />
au sein de la communauté gravel, un univers décontracté<br />
où le snobisme et la vantardise n’ont pas<br />
leur place. Bref, des gens qui préfèreront certainement<br />
embarquer un pack de bières ou une thermos<br />
de café avec eux plutôt qu’un stock de gels énergétiques<br />
ou de barres hyper-protéinées.<br />
Si l’on ajoute le fait que les sorties en gravel permettent<br />
de réduire les distances parcourues sur les<br />
routes asphaltées (et donc potentiellement dangereuses<br />
en raison du trafic), on comprend mieux<br />
pourquoi de plus en plus de cyclistes optent pour<br />
un vélo de gravel : tant les vététistes et les cyclistes<br />
de route en quête de nouvelles sensations que les<br />
débutants, pour qui le vélo représentait jusque-là<br />
un sport trop risqué, réservé (au choix) à des cassecous<br />
ou à des obsédés du chronomètre.<br />
Et c’est bien là que se trouve l’atout principal du<br />
gravel : il suffit de savoir tenir sur un vélo et d’avoir<br />
envie d’aventure pour se lancer. Mais avant de tailler<br />
la route sur votre monture, il va vous falloir<br />
quelques bases…<br />
90 THE RED BULLETIN
Qu’il vous guide vers les<br />
sentiers ou en dehors, ce<br />
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un combo performance/<br />
style permanent.<br />
THE RED BULLETIN 91
PERSPECTIVES<br />
spécial vélo<br />
Plus gros que<br />
ceux de route,<br />
les pneus sont<br />
sculptés pour les<br />
tracés difficiles.<br />
Les cintres sont<br />
similaires à des<br />
guidons de route,<br />
avec une forme<br />
plus évasée en<br />
bas, plus confort.<br />
Comme sur les<br />
VTT, le boîtier de<br />
pédalier est bas,<br />
pour davantage<br />
de maniabilité.<br />
Le gravel :<br />
portrait-vélo<br />
Avec sa géométrie de cadre à deux triangles, son<br />
cintre de route et son absence de suspensions, le<br />
gravel ne se distingue pas forcément (à première<br />
vue) d’un vélo de route classique. Mais à y regarder<br />
de plus près, les différences sont bien là. La première<br />
: les pneus. Exit les fines roues qui adorent la<br />
vitesse mais crèvent au premier caillou rencontré,<br />
place aux gros pneus bien solides, taillés pour résister<br />
au gravier, aux bosses et aux racines.<br />
Évidemment, il ne suffit pas de les monter sur<br />
un vélo de route pour le transformer en gravel : car<br />
le gravel, à la base, est conçu pour pouvoir accueillir<br />
une pneumatique plus large, ce qui est tout simplement<br />
impossible pour les vélos de route. De<br />
même, on va trouver des bases plus longues sur<br />
un gravel – pour plus de contrôle dès que le terrain<br />
devient difficile – ainsi qu’un angle moins agressif<br />
pour le tube de direction, ce qui garantit davantage<br />
de confort et de stabilité sur des virées un<br />
peu plus longues.<br />
Enfin, le dernier (gros) atout d’un gravel est sa<br />
transmission, conçue pour assurer sur les pentes<br />
raides et dans les descentes. Une caractéristique<br />
qui le démarque encore de son cousin de route,<br />
beaucoup plus rapide sur l’asphalte, mais qui le<br />
place à égalité avec un VTT sur la plupart des<br />
trails, sauf les plus techniques.<br />
92 THE RED BULLETIN
Page opposée,<br />
partant du haut :<br />
vélo CANNONDALE<br />
Topstone Carbon<br />
Lefty 3,<br />
cannondale.com ;<br />
vélo CANYON<br />
Grail CF SL 8.0,<br />
canyon.com ;<br />
vélo RONDO<br />
Ruut CFO,<br />
rondo.cc<br />
Sur cette page (dans<br />
le sens des aiguilles<br />
d’une montre, du<br />
bas) : vélo CUBE<br />
Nuroad WS, cube.eu ;<br />
vélo PIVOT<br />
Vault, store.pivotcycles.com<br />
;<br />
vélo MARIN<br />
Headlands,<br />
marinbikes.com ;<br />
vélo en carbone<br />
SPECIALIZED<br />
Diverge Expert,<br />
specialized.com<br />
THE RED BULLETIN 93
PERSPECTIVES<br />
spécial vélo<br />
Sur soi<br />
Le gravel étant synonyme<br />
de polyvalence, il n’y a pas<br />
de règles pré-établies<br />
concernant la tenue du cycliste,<br />
chacun s’habillera<br />
donc comme il veut : maillot<br />
Lycra, combinaison short et<br />
T-shirt ou équipement VTT,<br />
peu importe (même si un<br />
gros casque VTT ne vous<br />
sera pas forcément utile).<br />
Cela dit, il faut bien<br />
avouer qu’un bon cuissard<br />
rembourré (porté par<br />
exemple sous un short classique)<br />
vous évitera bien des<br />
désagréments. De même,<br />
des chaussures gravel avec<br />
cales encastrées offrent une<br />
bien meilleure adhérence au<br />
pédalage tout en restant<br />
très confortables dès qu’on<br />
doit mettre pied à terre : pratique<br />
lorsqu’on doit passer<br />
des obstacles ou traverser<br />
des rivières.<br />
À gauche (du haut,<br />
de g. à dr.) : lunettes<br />
OAKLEY Split Time,<br />
oakley.com ; casque<br />
MET Allroad, methelmets.com<br />
; veste<br />
à capuche CHROME<br />
Merino Cobra 2.0,<br />
chromeindustries.<br />
com ; pompe LEZYNE<br />
Micro Floor Drive<br />
Digital HVG, ride.<br />
lezyne.com ; maillot<br />
vélo manches courtes<br />
en jersey GIRO New<br />
Road, giro.com ; maillot<br />
de corps HOWIES<br />
Classic Merino,<br />
howies.co.uk ; short<br />
CHROME Anza,<br />
chromeindustries.<br />
com ; gants GIRO<br />
D’Wool, giro.com ; sonnette<br />
LEZYNE Classic<br />
Brass bell, ride.lezyne.<br />
com ; veste isotherme<br />
FINISTERRE Cirrus,<br />
finisterre.com ; chaussures<br />
FI’ZI:K Terra X5<br />
Volume Control, fizik.<br />
com ; chaussettes<br />
STANCE Belfort<br />
Feel360, stance.eu.<br />
com ; sacoche guidon<br />
TOPEAK Frontloader,<br />
topeak.com<br />
JOE MCGORTY<br />
À droite : casque KASK<br />
Mojito X Peak, kask.<br />
com ; lunettes de soleil<br />
OAKLEY Sutro, oakley.<br />
com ; casquette CHA-<br />
PEAU! Lightweight,<br />
chapeau.cc ; maillot<br />
vélo manches courtes<br />
en jersey GIRO New<br />
Road, giro.com ; veste<br />
coupe-vent CHAPEAU!<br />
Mens Club, chapeau.<br />
cc ; chaussures GIRO<br />
Privateer Lace, giro.<br />
com ; gilet sans<br />
manches CHAPEAU!<br />
Club, chapeau.cc<br />
THE RED BULLETIN 95
MENTIONS LÉGALES<br />
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
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de l’édition UK, dédiée<br />
au fameux carnaval de<br />
Notting Hill.<br />
Le plein d’histoires<br />
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part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
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photos, illustrations et dessins qui engagent<br />
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TRBMAG
Pour finir en beauté.<br />
On remet ça quand ?<br />
Une relique du rock pour certains, une icône immortelle pour la plupart.<br />
Iggy Pop et ses fans le 17 avril 2019 sur la scène du Sydney Opera House<br />
(Australie). Le Pape du punk et ses fidèles prêts à tout pour le toucher.<br />
Au moment où nous bouclons ce numéro, nous n’avons aucune idée de la<br />
potentielle reprise des concerts dans des conditions décentes. Alors si<br />
vous avez l’opportunité de voir un artiste sur scène, montrez-lui de l’amour !<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
sera disponible<br />
dès le 1 er octobre<br />
<strong>2020</strong><br />
ANTOINE VELING, AUSTRALIA, WINNER, OPEN, CULTURE, <strong>2020</strong> SONY WORLD PHOTOGRAPHY AWARDS<br />
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On gagne toujours à aller plus loin
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.