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La sourde

oreille


nsulter, agresser, klax

oucher, frotter, agress

eloter, suivre, poursu

er, regarder, toucher,

uivre, violer, peloter,

er, regarder, siffler, to

gresser, insulter, dévi

oursuivre, violer, insu

iffler, toucher, frotter

uivre, violer, poursuiv

gresser, regarder, siffl

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oucher, frotter, insulte

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siffler, frotter, insulte

poursuivre, insulter, k

ucher, klaxonner, fro

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lter, regarder, klaxon

, insulter, dévisager, p

re, insulter, klaxonne

er, toucher, frotter, in

er, violer, agresser, re

garder, klaxonner, sif

r, peloter, dévisager,

lter, klaxonner, regar

gresser, dévisager, pel



La sourde oreille



Le harcèlement de rue nous en avons

tous et toutes entendu parler un jour.

Mais savons nous réellement ce qui

se cache derrière? Avons nous conscience

de la gravité du problème? Sommes nous

prêts à faire partie de la solution?

La sourde oreille a pour objectif d’informer

sur les problématiques liées au harcèlement

de rue, à travers différents regards afin de susciter

une prise de conscience individuelle et collective

en donnant plusieurs pistes de réflexions.



Sommaire

06

12

22

26

Introduction

Anaïs Bourdet

Le harcèlement :

un mythe, un déni,

une réalité

Ségolène Roy

Un brin de poésie

Camille Rainville

«Be A Lady They Said»

Le harcèlement

de rue n’est pas

que sexiste

Témoignages

28

32

35

C’est quoi

la différence

entre draguer

et harceler ?

30 Astuces

Réagir face au harcèlement.

Conclusion

Anaïs Bourdet

Initiatives

à suivre,

sources.


06

« J’en ai marre

d’être femme.

Ça y est,

ça me fatigue. »

Anaïs Bourdet,

initiatrice du blog

Paye ta Shnek,

un tumblr féministe

qui recense des témoignages

de harcèlements de rue

ou d’agressions dans l’espace

public. Dans le texte suivant,

Anaïs Bourdet nous

explique ce que signifie

pour elle être une femme

aujourd’hui. post publié

le 16 mai 2016.


Introduction : Anaïs Bourdet

07

J’en ai marre d’être femme. Ça y est, ça me fatigue.

Il y a quelques jours, je rentrais chez moi en courant

pour semer un homme qui me suivait. Le lendemain,

je découvre que des députés rient des agressions

sexuelles dénoncées récemment. Le jour suivant,

je vois qu’un prétendu comique fait des blagues

sur les accusations de viol, les qualifiant de puritanisme.

Tous les jours, tous les foutus jours, on me rappelle

que je n’ai pas gagné au bingo des genres.

On ne devrait pas se plaindre. On devrait courber

l’échine, apprendre à vivre avec tout ça, avec le sourire

de préférence. Si on se défend, on se voit alors accusée.

Visiblement beaucoup de monde n’a pas encore compris,

ce que c’est d’être une femme dans cette société.

Être une femme, dans mon cas, c’est être sexualisée

par des inconnus avant même d’envisager la sexualité.

C’est découvrir le harcèlement à 11-12 ans, et vivre

avec ensuite. Être une femme, c’est être cataloguée faible

et fragile dès le plus jeune âge. C’est être cataloguée

physiquement inférieure, quelles que soient ses capacités.

C’est savoir depuis toujours, que dans la famille

les femmes ont du tirer un trait sur leurs ambitions

pour servir l’égo de leurs conjoints. C’est se battre

deux fois plus pour faire reconnaitre ses compétences,

pour gagner tout de même moins ou être traitée comme

une stagiaire toute sa carrière. C’est devoir rendre

des comptes au monde entier sur son intention


08

ou non d’avoir des enfants, car on n’est pas pleinement

femme, si on ne pond pas. C’est passer des années

sans savoir si on est trop ou pas assez féminine avant

de se rendre compte, avec un peu de chance, qu’on

est juste ce qu’on veut. C’est entendre depuis toujours,

des réflexions salasses, de la part de l’entourage comme

d’inconnus. C’est être un objet sexuel, qu’on le veuille

ou non. C’est calculer en permanence sa tenue en fonction

du lieu où l’on va. Et quel que soit le choix final, être

harcelée ou suivie. C’est avoir peur en permanence,

quand on marche, quand on conduit, quand on se déplace.

C’est craindre la nuit, craindre certains trajets.

C’est déployer des dizaines de petites stratégies

au quotidien dans l’espoir de ne pas être agressée,

et l’être quand même. C’est être une salope à la moindre

contradiction du navrant du coin. C’est intégrer peu

à peu qu’on est une proie, même si on est une battante.

C’est s’excuser en permanence, même quand on est

responsable de rien. C’est être culpabilisée, voir son

attitude analysée en toutes circonstances, y compris

quand on nous a fait subir le pire. C’est se rendre

compte qu’une bonne partie de l’autre moitié du monde

nous considère à sa disposition. C’est voir sa colère

décrédibilisée en permanence, alors que la colère

d’un homme est souvent vue comme courageuse.

C’est voir tous ses combats moqués ou niés, aussi

graves et concrets soient-ils. C’est subir plusieurs

oppressions à la fois, et rester droite. C’est savoir

que beaucoup d’amies ont vécu des choses horribles,


Introduction : Anaïs Bourdet

09

des viols, des agressions sexuelles, des violences

physiques et psychologiques. C’est se considérer

comme chanceuse, quand on n’a jamais été violée

ni battue. C’est voir leurs séquelles, mais voir le reste

du monde en rire, ou minimiser. C’est voir qu’on

les culpabilise, elles, au lieu de blâmer leurs agresseurs.

Être une femme, c’est savoir que même si on a la vie

dure, il y en a plein d’autres qui vivent bien pire.

Qu’il y en a qui, en plus du sexisme et du classisme,

subissent le racisme, l’homophobie, la transphobie,

la grossophobie, le validisme… C’est savoir qu’on

n’est et ne sera jamais comme il faut. C’est savoir

qu’on essaiera toujours de contrôler notre corps

et ce qu’on en fait. Que nos choix, même intimes,

feront toujours l’objet d’un débat public. C’est voir

d’autres femmes avoir intégré parfaitement les règles

dominantes, et lutter, au contraire, pour que rien

ne bouge. C’est perdre son emploi, ou ne pas en trouver,

car on est femme. C’est savoir qu’on doit se battre,

où qu’on soit dans le monde, si on veut obtenir les mêmes

droits que les autres. Mais c’est aussi savoir qu’on doit

se battre avec pédagogie,

Article 222-33

douceur,

du Code pénal

tendresse et volupté,

sous peine d’être une hystérique radicale qu’on n’écoutera

pas. Pire, qu’on moquera. C’est voir des personnes

militer pour l’égalité des classes, mais contre celle des

genres. C’est voir des personnes légiférer sur l’égalité

des genres, et pratiquer son contraire. C’est découvrir

chaque jour un nouvel obstacle, une nouvelle actualité

qui prouve que la route est encore longue. C’est savoir

Définition

Harcèlement sexuel: fait d’imposer à une personne,

de façon répétée, des propos ou comportements

à connotation sexuelle qui soit portent atteinte

à sa dignité en raison de leur caractère dégradant

ou humiliant, soit créent à son encontre une situation

intimidante, hostile ou offensante.


08

ou non d’avoir des enfants, car on n’est pas pleinement

femme, si on ne pond pas. C’est passer des années

sans savoir si on est trop ou pas assez féminine avant

de se rendre compte, avec un peu de chance, qu’on

est juste ce qu’on veut. C’est entendre depuis toujours,

des réflexions salasses, de la part de l’entourage comme

d’inconnus. C’est être

«T’sais

un objet sexuel, qu’on le veuille

m

ou non. C’est calculer en permanence tenue en fonction

du lieu où l’on va. Et quel que soit le choix final, être

harcelée ou suivie. C’est avoir peur en permanence,

un tronç

quand on marche, quand on conduit, quand se déplace.

C’est craindre la nuit, craindre certains trajets.

C’est déployer des dizaines de petites stratégies

au quotidien dans l’espoir de ne pas être agressée,

de chatte

et l’être quand même. C’est être une salope à la moindre

contradiction du navrant du coin. C’est intégrer peu

à peu qu’on est une proie, même si on est une battante.

C’est s’excuser en permanence,

baise

même quand on est

to

responsable de rien. C’est être culpabilisée, voir son

attitude analysée en toutes circonstances, y compris

quand on nous a fait subir le pire. C’est rendre

compte qu’une bonne partie de l’autre moitié du monde

nous considère à sa disposition. C’est voir sa colère

décrédibilisée en permanence, alors que la colère

d’un homme est souvent vue comme courageuse.

C’est voir tous ses combats moqués ou niés, aussi

graves et concrets soient-ils. C’est subir plusieurs

oppressions à la fois, et rester droite. C’est savoir

que beaucoup d’amies ont vécu des choses horribles,


Introduction : Anaïs Bourdet

09

des viols, des agressions sexuelles, des violences

physiques et psychologiques. C’est se considérer

comme chanceuse, quand on n’a jamais été violée

ni battue. C’est voir leurs séquelles, mais voir le reste

du monde en rire, ou minimiser. C’est voir qu’on

les culpabilise, elles, au lieu de blâmer leurs agresseurs.

Être

oi

une femme,

jsuis

c’est savoir que même si on a la vie

dure, il y en a plein d’autres qui vivent bien pire.

Qu’il y en a qui, en plus du sexisme et du classisme,

subissent le racisme, l’homophobie, la transphobie,

onneur

la grossophobie, le validisme… C’est savoir qu’on

n’est et ne sera jamais comme il faut. C’est savoir

qu’on essaiera toujours de contrôler notre corps

et ce qu’on en fait. Que nos choix, même intimes,

les

feront toujours l’objet d’un débat public. C’est voir

d’autres femmes avoir intégré parfaitement les règles

dominantes, et lutter, au contraire, pour que rien

ne

utes.»

bouge. C’est perdre son emploi, ou ne pas en trouver,

car on est femme. C’est savoir qu’on doit se battre,

où qu’on soit dans le monde, si on veut obtenir les mêmes

droits que les autres. Mais c’est aussi savoir qu’on doit

se battre avec pédagogie, douceur, tendresse et volupté,

sous peine d’être une hystérique radicale qu’on n’écoutera

pas. Pire, qu’on moquera. C’est voir des personnes

militer pour l’égalité des classes, mais contre celle des

genres. C’est voir des personnes légiférer sur l’égalité

des genres, et pratiquer son contraire. C’est découvrir

chaque jour un nouvel obstacle, une nouvelle actualité

qui prouve que la route est encore longue. C’est savoir


08

ou non d’avoir des enfants, car on n’est pas pleinement

femme, si on ne pond pas. C’est passer des années

sans savoir si on est trop ou pas assez féminine avant

de se rendre compte, avec un peu de chance, qu’on

est juste ce qu’on veut. C’est entendre depuis toujours,

des réflexions salasses,

Noirmoutier

de la part de l’entourage comme

d’inconnus. C’est être Sur le un parking objet d’une sexuel, boite de nuit. qu’on le veuille

ou non. C’est calculer en permanence sa tenue en fonction

du lieu où l’on va. Et quel que soit le choix final, être

harcelée ou suivie. C’est avoir peur en permanence,

quand on marche, quand on conduit, quand on se déplace.

C’est craindre la nuit, craindre certains trajets.

C’est déployer des dizaines de petites stratégies

au quotidien dans l’espoir de ne pas être agressée,

et l’être quand même. C’est être une salope à la moindre

contradiction du navrant du coin. C’est intégrer peu

à peu qu’on est une proie, même si on est une battante.

C’est s’excuser en permanence, même quand on est

responsable de rien. C’est être culpabilisée, voir son

attitude analysée en toutes circonstances, y compris

quand on nous a fait subir le pire. C’est se rendre

compte qu’une bonne partie de l’autre moitié du monde

nous considère à sa disposition. C’est voir sa colère

décrédibilisée en permanence, alors que la colère

d’un homme est souvent vue comme courageuse.

C’est voir tous ses combats moqués ou niés, aussi

graves et concrets soient-ils. C’est subir plusieurs

oppressions à la fois, et rester droite. C’est savoir

que beaucoup d’amies ont vécu des choses horribles,


Introduction : Anaïs Bourdet

09

des viols, des agressions sexuelles, des violences

physiques et psychologiques. C’est se considérer

comme chanceuse, quand on n’a jamais été violée

ni battue. C’est voir leurs séquelles, mais voir le reste

du monde en rire, ou minimiser. C’est voir qu’on

les culpabilise, elles, au lieu de blâmer leurs agresseurs.

Être une femme, c’est savoir que même si on a la vie

dure, il y en a plein d’autres qui vivent bien pire.

Qu’il y en a qui, en plus du sexisme et du classisme,

subissent le racisme, l’homophobie, la transphobie,

la grossophobie, le validisme… C’est savoir qu’on

n’est et ne sera jamais comme il faut. C’est savoir

qu’on essaiera toujours de contrôler notre corps

et ce qu’on en fait. Que nos choix, même intimes,

feront toujours l’objet d’un débat public. C’est voir

d’autres femmes avoir intégré parfaitement les règles

dominantes, et lutter, au contraire, pour que rien

ne bouge. C’est perdre son emploi, ou ne pas en trouver,

car on est femme. C’est savoir qu’on doit se battre,

où qu’on soit dans le monde, si on veut obtenir les mêmes

droits que les autres. Mais c’est aussi savoir qu’on doit

se battre avec pédagogie, douceur, tendresse et volupté,

sous peine d’être une hystérique radicale qu’on n’écoutera

pas. Pire, qu’on moquera. C’est voir des personnes

militer pour l’égalité des classes, mais contre celle des

genres. C’est voir des personnes légiférer sur l’égalité

des genres, et pratiquer son contraire. C’est découvrir

chaque jour un nouvel obstacle, une nouvelle actualité

qui prouve que la route est encore longue. C’est savoir


10

« Être une femme,

c’est mériter

la lune.

Et aller la décrocher

soi-même.. »

Anaïs Bourdet.


Introduction : Anaïs Bourdet

11

qu’on ne verra pas l’égalité de son vivant, mais essayer,

éperdument, de lui donner de l’élan.

Être une femme, c’est être fière à chaque victoire,

même microscopique, car on ne la doit à personne

d’autre qu’à soi. C’est ne jamais baisser les bras.

C’est assumer, seule, en permanence, tout ce qui nous

arrive. C’est se battre contre la peur, contre la violence,

contre nos angoisses. C’est refuser les règles établies

sous peine de s’oublier. C’est faire partie d’un groupe

qui ne se nomme pas, d’une sororité invisible

qui ne se doute même pas de sa force incroyable.

J’en ai marre d’être femme, mais je n’échangerais

les rôles pour rien au monde. Je suis femme et fière,

fière de voir que nous sommes de plus en plus

nombreuses à nous battre partout dans le monde, avec

nos spécificités, avec nos obstacles, avec nos moyens.

Je suis fière de nous voir parler de plus en plus fort, rire,

râler, hurler, faire du bruit. Je suis fière d’être une femme,

et ça vaut toutes les positions dominantes du monde,

car moi je n’ai pas besoin d’écraser qui que ce soit

pour exister. Être une femme, c’est mériter la lune.

Et aller la décrocher soi-même.


12

Le harcèlement :

un mythe,

un déni,

une réalité.

« Le harcèlement

ne touche que

les femmes jeunes

et attirantes. »

C’est faux ! Le harcèlement peut

toucher n’importe quelle femme :

grande, petite, jeune, vieille,

mince, ronde, celle qui port

une jupe comme celle

qui porte un jogging.

« Ça ne pose pas

de problème quand

l’homme est sexy. »

C’est faux ! Physiquement

plus ou moins attirant

peu importe.

L’apparence du harceleur

n’enlève rien au caractère

irrespectueux de son attitude.

Pourquoi est-il si difficile de faire reconnaître la réalité

du harcèlement sexuel dans les lieux publics, en particulier

les transports et la rue ?

Parce qu’on ne veut pas entendre la parole des femmes,

qui représentent l’immense majorité des victimes

(ou faudrait-il dire des proies ?), et finissent en conséquence

par se taire, y compris sur les aspects les plus brutaux

et les plus dérangeants de ce phénomène ?

Parce qu’en face la quasi-totalité des agresseurs sont

des hommes, et que cette répartition des rôles soulève

évidemment des questions dérangeantes sur les comportements

que l’on valorise chez la gent masculine comme

chez la gent féminine, et leurs conséquences ?

Parce que cela révèle au grand jour à quel point la « séduction »

ou la « drague » à la française est trop souvent un rapport

essentiellement inégalitaire, dont le sous-texte équivoque

rend compliquée la dénonciation de ses manifestations

les plus agressives ?

Parce que beaucoup d’entre nous préfèrent ne pas prendre

toute la conscience de l’ambivalence fondamentale de cette

« séduction », lieu d’expression d’un sexisme autrement

plus large, qu’il s’agirait alors d’identifier, de dénoncer

et de combattre ?


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14

Le harcèlement : une réalité, un déni, un mythe.

Reconnaissance

de la réalité

du harcèlement sexuel

dans l’espace public

« des gestes obscènes,

des compliments

portant en général

sur l’apparence »

« elles finissent

par « s’adapter »

en adoptant un comportement

particulier

dont elles espèrent

qu’il leur épargnera

toute forme

d’intrusion »

Rappelons que ce qu’on appelle, depuis peu,

et c’est une belle avancée que le phénomène porte un nom,

« harcèlement de rue », est un ensemble d’attitudes, verbales

ou non verbales, tenues dans l’espace public et à caractère

sexuel, dont les hommes représentent la quasi-totalité

des auteurs, et les femmes (surtout jeunes, et ça commence

dès la puberté), la grande majorité des victimes. C’est vrai

y compris quand elles sont en couple avec une femme,

et les hommes présumés homosexuels par les harceleurs

sont aussi la cible du harcèlement de rue, véritable

manifestation de la police de genre.

Ces attitudes passent par tous les grades d’intrusion :

des regards qui déshabillent et déshumanisent, des gestes

obscènes, des compliments portant en général sur l’apparence

de la victime, qui peuvent rapidement dégénérer

en insultes en cas de refus de sa part de remercier leur auteur

ou d’accéder à ses demandes, des commentaires désobligeants

sur l’apparence, la démarche, le physique de la victime

ou la manière dont elle est vêtue, des propositions obscènes,

des insultes, le fait de la suivre. Il est la facette socialement

acceptée (parce que niée en grande partie) d’un harcèlement

qui peut aller jusqu’à l’agression sexuelle (le fait de se frotter

contre la victime, exhibition, attouchements).

Liste non exhaustive.

Ces comportement sont extrêmement dérangeants,

et pourtant si fréquents que les femmes, en particulier

dans les grandes villes, en ont intégré la réalité quotidienne :

elles finissent par « s’adapter » (puisqu’il est trop souvent

considéré comme de leur responsabilité de faire en sorte

d’éviter de se faire agresser) en adoptant un comportement

particulier dont elles espèrent qu’il leur épargnera toute forme

d’intrusion et a fortiori d’agression (on connaît la valeur punitive

du viol, comme l’utilisation de la violence à l’encontre

de celles et de ceux qui ne se soumettent pas aux injonctions

hétérosexistes). Marcher vite, regarder par terre ou droit

devant soi (mais dans tous les cas éviter de regarder

les hommes dans les yeux), sourire ou remercier poliment

en cas de compliment, se taire et poursuivre sa route l’air

de rien en cas d’insulte ou de propos obscènes. Certaines

se préparent à réagir à une agression.


Article rédigé par Ségolène Roy 15

«Les femmes aiment

secrètement être

draguées»

D’autres répliquent à leurs risques et périls.

En France ,

Chaque personne possède ses

86% des femmes

propres limites. On considère

trop souvent qu’un compliment

est forcément la meilleur chose

ont qui puisse déjà arriver dans la journée été victimes

d’une femme, quelle qu’elle soit

d’où provienne le compliment,

au alors je moins vais vous faire une fois

une révélation : c’est faux.

dans leur vie

de harcèlement

de rue.

Or, en cas d’agression physique, l’intériorisation de la responsabilité

de l’agression, et donc de la culpabilité entretenue

par notre société, est telle que la honte ou la peur du scandale

qui éventuellement pourrait se retourner contre la victime,

de la non-réaction des gens présents, du déni de l’agression

qu’elle vient de vivre, l’empêche bien souvent de parler,

de faire savoir ce qu’elle vient de vivre, y compris quand

ça se passe dans la foule.

Il y a quelques années, le seul terme à notre disposition

pour décrire ce phénomène était celui de « drague », qualifiée

éventuellement de « lourde ». Rien de grave. Aujourd’hui

le terme de « harcèlement » va de pair avec une description,

une définition qui montrent bien à quel point la perception

du phénomène relevait du déni de la réalité du sexisme

et des violences quotidiennes qu’il inflige.

Pour lutter contre ce déni, quelques sites (comme Hollaback,

Paye ta shneck, Je connais un violeur ) ont été créés, sur

lesquels les femmes, en particulier, sont appelées à témoigner

de ces violences, d’un extrême à l’autre du spectre de

l’agression, rendant le phénomène plus visible à ceux à qui

par définition il apparaît le moins – les hommes –, mais aussi

à toutes les personnes qui préfèrent ne pas y croire, et à

toutes celles qui y trouveront le réconfort de mesurer qu’elles

sont bien face à un phénomène réel, et non à une vue de leur

esprit paranoïaque.

Des campagnes de sensibilisation sont menées dans la rue,

toujours le « fief des mâles » (le collectif Stop Harcèlement

de rue crée des zones « antirelou »), comme les marches

de nuit, lancées dans les années 1970, qui n’ont malheureusement

pas perdu de leur actualité ni de leur pertinence.

Certains s’emploient à proposer des conseils sur différentes

manières de réagir dans des situations de harcèlement,

que l’on soit victime ou témoin, pour qu’elles ne soient

plus une fatalité et que les agresseurs ne se sentent

pas dans leur bon droit.


14

Le harcèlement : une réalité, un déni, un mythe.

Reconnaissance

de la réalité

du harcèlement sexuel

dans l’espace public

« des gestes obscènes,

des compliments

portant en général

sur l’apparence »

« elles finissent

par « s’adapter »

en adoptant un comportement

particulier

dont elles espèrent

qu’il leur épargnera

toute forme

d’intrusion »

Rappelons que ce qu’on appelle, depuis peu,

et c’est une belle avancée que le phénomène porte un nom,

« harcèlement de rue », est un ensemble d’attitudes, verbales

«Toi tu

ou non verbales, tenues dans l’espace public et à caractère

sexuel, dont les hommes représentent la quasi-totalité

des auteurs, et les femmes (surtout jeunes, et ça commence

dès la puberté), la grande majorité des victimes. C’est vrai

y compris quand elles sont en couple avec une femme,

et les hommes présumés homosexuels par les harceleurs

sont aussi la cible

les

du harcèlement de rue, véritable

yeu

manifestation de la police de genre.

Ces attitudes passent par tous grades d’intrusion :

des regards qui déshabillent et déshumanisent, des gestes

obscènes, des compliments portant en général sur l’apparence

de la victime, qui peuvent rapidement dégénérer

en insultes

qu’une

en cas de refus de sa part de remercier leur auteur

ou d’accéder à ses demandes, des commentaires désobligeants

sur l’apparence, la démarche, le physique de la victime

ou la manière dont elle est vêtue, des propositions obscènes,

des insultes, le fait de la suivre. Il est la facette socialement

acceptée (parce que niée en grande partie) d’un harcèlement

qui peut aller jusqu’à

et

l’agression sexuelle

j’te

(le fait de se frotter

b

contre la victime, exhibition, attouchements).

Liste non exhaustive.

Ces comportement sont extrêmement dérangeants,

et pourtant si fréquents que les femmes, en particulier

dans les grandes villes, en ont intégré la réalité quotidienne :

elles finissent par « s’adapter » (puisqu’il est trop souvent

considéré comme de leur responsabilité de faire en sorte

d’éviter de se faire agresser) en adoptant un comportement

particulier dont elles espèrent qu’il leur épargnera toute forme

d’intrusion et a fortiori d’agression (on connaît la valeur punitive

du viol, comme l’utilisation de la violence à l’encontre

de celles et de ceux qui ne se soumettent pas aux injonctions

hétérosexistes). Marcher vite, regarder par terre ou droit

devant soi (mais dans tous les cas éviter de regarder

les hommes dans les yeux), sourire ou remercier poliment

en cas de compliment, se taire et poursuivre sa route l’air

de rien en cas d’insulte ou de propos obscènes. Certaines

se préparent à réagir à une agression.


Article rédigé par Ségolène Roy 15

D’autres répliquent à leurs risques et périls.

«Les femmes aiment

secrètement être

En draguées» France ,

baisses

Chaque personne possède ses

86% des femmes

propres limites. On considère

trop souvent qu’un compliment

est forcément la meilleur chose

qui puisse arriver dans la journée

Or, en cas d’agression physique, l’intériorisation de la responsabilité

de l’agression, et donc de la culpabilité entretenue

par notre société, est telle que la honte ou la peur du scandale

qui éventuellement pourrait se retourner contre la victime,

de la non-réaction des gens présents, du déni de l’agression

qu’elle vient de vivre, l’empêche bien souvent de parler,

de faire savoir ce qu’elle vient de vivre, y compris quand

ça se passe dans la foule.

Il y a quelques années, le seul terme à notre disposition

pour décrire ce phénomène était celui de « drague », qualifiée

éventuellement de « lourde ». Rien de grave. Aujourd’hui

le terme de « harcèlement » va de pair avec une description,

ont déjà été

une

victimes

définition qui montrent bien à quel point la perception

d’une femme, quelle qu’elle soit du phénomène relevait du déni de la réalité du sexisme

d’où provienne le compliment, et des violences quotidiennes qu’il inflige.

au

x,

moins

t’es

une fois

alors je vais vous faire

une révélation : c’est faux. Pour lutter contre ce déni, quelques sites (comme Hollaback,

Paye ta shneck, Je connais un violeur ) ont été créés, sur

dans leur vie lesquels les femmes, en particulier, sont appelées à témoigner

de ces violences, d’un extrême à l’autre du spectre de

femme

l’agression, rendant le phénomène plus visible à ceux à qui

de harcèlement

par définition il apparaît le moins – les hommes –, mais aussi

à toutes les personnes qui préfèrent ne pas y croire, et à

de rue.

toutes celles qui y trouveront le réconfort de mesurer qu’elles

sont bien face à un phénomène réel, et non à une vue de leur

esprit paranoïaque.

aise.»

Des campagnes de sensibilisation sont menées dans la rue,

toujours le « fief des mâles » (le collectif Stop Harcèlement

de rue crée des zones « antirelou »), comme les marches

de nuit, lancées dans les années 1970, qui n’ont malheureusement

pas perdu de leur actualité ni de leur pertinence.

Certains s’emploient à proposer des conseils sur différentes

manières de réagir dans des situations de harcèlement,

que l’on soit victime ou témoin, pour qu’elles ne soient

plus une fatalité et que les agresseurs ne se sentent

pas dans leur bon droit.


14

Le harcèlement : une réalité, un déni, un mythe.

Reconnaissance

de la réalité

du harcèlement sexuel

dans l’espace public

« des gestes obscènes,

des compliments

portant en général

sur l’apparence »

« elles finissent

par « s’adapter »

en adoptant un comportement

particulier

dont elles espèrent

qu’il leur épargnera

toute forme

d’intrusion »

Rappelons que ce qu’on appelle, depuis peu,

et c’est une belle avancée que le phénomène porte un nom,

« Nîmes harcèlement de rue », est un ensemble d’attitudes, verbales

ou

Dans

non

la

verbales,

rue.

tenues dans l’espace public et à caractère

sexuel, dont les hommes représentent la quasi-totalité

des auteurs, et les femmes (surtout jeunes, et ça commence

dès la puberté), la grande majorité des victimes. C’est vrai

y compris quand elles sont en couple avec une femme,

et les hommes présumés homosexuels par les harceleurs

sont aussi la cible du harcèlement de rue, véritable

manifestation de la police de genre.

Ces attitudes passent par tous les grades d’intrusion :

des regards qui déshabillent et déshumanisent, des gestes

obscènes, des compliments portant en général sur l’apparence

de la victime, qui peuvent rapidement dégénérer

en insultes en cas de refus de sa part de remercier leur auteur

ou d’accéder à ses demandes, des commentaires désobligeants

sur l’apparence, la démarche, le physique de la victime

ou la manière dont elle est vêtue, des propositions obscènes,

des insultes, le fait de la suivre. Il est la facette socialement

acceptée (parce que niée en grande partie) d’un harcèlement

qui peut aller jusqu’à l’agression sexuelle (le fait de se frotter

contre la victime, exhibition, attouchements).

Liste non exhaustive.

Ces comportement sont extrêmement dérangeants,

et pourtant si fréquents que les femmes, en particulier

dans les grandes villes, en ont intégré la réalité quotidienne :

elles finissent par « s’adapter » (puisqu’il est trop souvent

considéré comme de leur responsabilité de faire en sorte

d’éviter de se faire agresser) en adoptant un comportement

particulier dont elles espèrent qu’il leur épargnera toute forme

d’intrusion et a fortiori d’agression (on connaît la valeur punitive

du viol, comme l’utilisation de la violence à l’encontre

de celles et de ceux qui ne se soumettent pas aux injonctions

hétérosexistes). Marcher vite, regarder par terre ou droit

devant soi (mais dans tous les cas éviter de regarder

les hommes dans les yeux), sourire ou remercier poliment

en cas de compliment, se taire et poursuivre sa route l’air

de rien en cas d’insulte ou de propos obscènes. Certaines

se préparent à réagir à une agression.


Article rédigé par Ségolène Roy 15

D’autres répliquent à leurs risques et périls.

«Les femmes aiment

secrètement être

draguées»

Chaque personne possède ses

propres limites. On considère

trop souvent qu’un compliment

est forcément la meilleur chose

qui puisse arriver dans la journée

d’une femme, quelle qu’elle soit

d’où provienne le compliment,

alors je vais vous faire

une révélation : c’est faux.

Or, en cas d’agression physique, l’intériorisation de la responsabilité

de l’agression, et donc de la culpabilité entretenue

par notre société, est telle que la honte ou la peur du scandale

qui éventuellement pourrait se retourner contre la victime,

de la non-réaction des gens présents, du déni de l’agression

qu’elle vient de vivre, l’empêche bien souvent de parler,

de faire savoir ce qu’elle vient de vivre, y compris quand

ça se passe dans la foule.

Il y a quelques années, le seul terme à notre disposition

pour décrire ce phénomène était celui de « drague », qualifiée

éventuellement de « lourde ». Rien de grave. Aujourd’hui

le terme de « harcèlement » va de pair avec une description,

une définition qui montrent bien à quel point la perception

du phénomène relevait du déni de la réalité du sexisme

et des violences quotidiennes qu’il inflige.

Pour lutter contre ce déni, quelques sites (comme Hollaback,

Paye ta shneck, Je connais un violeur ) ont été créés, sur

lesquels les femmes, en particulier, sont appelées à témoigner

de ces violences, d’un extrême à l’autre du spectre de

l’agression, rendant le phénomène plus visible à ceux à qui

par définition il apparaît le moins – les hommes –, mais aussi

à toutes les personnes qui préfèrent ne pas y croire, et à

toutes celles qui y trouveront le réconfort de mesurer qu’elles

sont bien face à un phénomène réel, et non à une vue de leur

esprit paranoïaque.

Des campagnes de sensibilisation sont menées dans la rue,

toujours le « fief des mâles » (le collectif Stop Harcèlement

de rue crée des zones « antirelou »), comme les marches

de nuit, lancées dans les années 1970, qui n’ont malheureusement

pas perdu de leur actualité ni de leur pertinence.

Certains s’emploient à proposer des conseils sur différentes

manières de réagir dans des situations de harcèlement,

que l’on soit victime ou témoin, pour qu’elles ne soient

plus une fatalité et que les agresseurs ne se sentent

pas dans leur bon droit.


16 Le harcèlement: un mythe, un déni, une réalité.

Répartition des rôles

« des rapports

de séduction

hétérosexuels

devenus rapports

de pouvoir

et de domination. »

« Le désir masculin

n’est pas seulement

valorisé, il est considéré

comme incontrôlable

»

Dans l’immense majorité des cas, les femmes sont les victimes

de ce harcèlement sexuel, et les hommes les auteurs.

Qu’est-ce que cela nous dit de notre société et de la manière

dont les unes et les autres sont éduqué·e·s, des comportements

valorisés en fonction du sexe de la personne

qui le manifeste ?

Les garçons apprennent très tôt qu’ils détiennent ce pouvoir

d’autant plus efficace qu’il est ambivalent. Le pouvoir

de désirer, d’exprimer son désir, de réduire une personne

à son apparence, à l’identité d’objet de désir. Leur légitimité

est d’autant plus forte dans ce domaine que ce comportement

est valorisé comme indicateur de virilité (hétérosexuelle,

il va sans dire), et largement diffusé dans la publicité

et les médias de manière générale. Être un homme,

selon l’idéologie sexiste, c’est agir, et, dans les relations

amoureuses ou sexuelles, c’est désirer, faire connaître

son désir, considérer son désir et le fait de le faire connaître,

voire de l’imposer, comme légitime. C’est multiplier

les « conquêtes ».

Être une femme, toujours du point de vue sexiste,

c’est voir son champ d’action se résumer au fait de chercher

à ou d’espérer devenir l’objet du désir d’autrui ( un homme

dans notre société où l’hétérosexualité est considérée comme

la norme), au lieu d’identifier le sien et éventuellement

de l’exprimer ( ce qui lui vaudrait des qualificatifs injurieux qui

n’ont pas d’équivalent au masculin ). C’est voir son « pouvoir »

réduit à la passivité, à la conformité aux normes sociales,

au fait d’accéder ou non à des sollicitations, dont on a vu


Article rédigé par Ségolène Roy 17

qu’elles pouvaient prendre des tournures très agressives

et intimidantes.

Sortir de ce jeu de rôles pervers, c’est libérer les hommes

et les femmes d’un rapport de domination aux effets

particulièrement violents. C’est libérer les hommes

du devoir de l’initiative, du devoir de désir et d’activité sexuelle.

C’est permettre aux femmes de libérer leur propre désir.

C’est offrir à chacun les conditions d’une séduction égalitaire,

libérée de la violence, entre sujets dont la partition

n’est pas écrite.

« Le harcèlement,

c’est pas la violence »

C’est faux ! Pour la personne

qui en fait les frais, les agressions

verbales ( parfois à répétition )

sont toutes aussi graves

que la violence physique.

Un des pires effets de cette répartition des rôles, très présent

dans le déni du harcèlement et des agressions sexuelles,

est de laisser penser que le désir féminin est par nature

inintelligible, et qu’il demande un décryptage de la part

des hommes. C’est de laisser penser qu’il est confus. De fait

ce « jeu » de rôles est de nature à entretenir la confusion dans

la tête des jeunes filles puis des femmes, en empêchant

l’affirmation de soi, en les objectivant, en ne les valorisant

pas dans le rôle de sujets, en ne les incitant pas à identifier

et encore moins à exprimer leur désir. Suite à quoi agresseurs

et violeurs croient pouvoir se dédouaner de leur responsabilité

en arguant du fait que leur victime était consentante

(voire demandeuse !), même si elle n’a montré aucun désir.

Même si elle a dit non.

Cette idée que l’interprétation de la réalité du désir

ou du non-désir ressenti par une femme est entre les mains

des hommes – pire, que la résistance serait une stratégie

de séduction féminine – est malheureusement largement

diffusée par le cinéma, la littérature, la télévision, etc., figeant

les rôles dans des rapports de séduction hétérosexuels

devenus rapports de pouvoir et de domination.

La valeur du désir est soumise à un double standard. Le désir

masculin n’est pas seulement valorisé, il est considéré comme

incontrôlable, alors que c’est son expression qui est encouragée

à outrance, comme le signe d’une virilité qu’il participe

à définir. Au XVII e siècle, ce sont les femmes dont on disait

que le désir sexuel était incontrôlable, mais c’était alors prétexte

à les éloigner de toute possibilité d’exercer le pouvoir.

C’est en partie en revoyant l’éducation des garçons,

mais aussi celle des filles, à l’origine de ces rôles,

qu’on sortira de ce jeu pervers.


18 Le harcèlement: un mythe, un déni, une réalité.

Ambivalence du sexisme

C’est plus ou moins insidieusement que

les personnes de sexe féminin sont renvoyées

à une place bien spécifique : elles sont trop

souvent des filles et des femmes avant d’être

des personnes. Leur apparence, et l’avis

des autres, en particulier celui des hommes

sur celle-ci, serait primordiale pour leur

confiance en elles. Toute parole flatteuse

sur leur apparence serait de ce fait à considérer

comme un compliment dont il leur incomberait

de remercier l’auteur.

Qu’on se plaigne de se faire accoster dans

la rue et on recevra des ricanements sousentendant

que plaire aux hommes est pour

une femme... quoi, le grand accomplissement

de sa vie ? Or, pour beaucoup de femmes,

être ramenée à sa plastique et à son adéquation

ou non avec les goûts de parfaits

inconnus dont l’avis n’a aucunement

été sollicité et est pourtant émis

à haute voix et en public, n’a rien d’agréable,

et elles peuvent même s’en sentir insultées

et agressées, plus que complimentées.

Quand la peur de l’insulte, de l’agression

sexuelle et du viol plane – et elle est très

présente dans l’espace public –, les femmes

s’adaptent, en adoptant des attitudes qu’elles

apprennent très vite à s’approprier à leurs

dépens, l’insulte tenant lieu d’intimidation

pour exiger la soumission : si elles ne

répondent pas au compliment de l’homme,

il arrive bien souvent qu’il se charge de leur

éducation en les insultant ou en leur

réclamant son dû.

Ce type de réaction impose, dans l’interaction,

la valorisation récurrente du regard de l’homme

sur la femme, qui mène pourtant à l’aliénation.

Quelle femme n’a pas ressenti du plaisir

à se voir complimentée, voire un manque

à ne pas l’être, sans que s’évanouisse toutefois

le sentiment d’être ramenée à son

enveloppe corporelle et au jugement

de celui qui a le pouvoir de l’émettre

et de le faire respecter ?

Et voilà les femmes encore et toujours coincées

par un sexisme qui fait mine de les valoriser

pour mieux les maintenir à une place

subalterne.

Ce peut être sous le prétexte d’exalter

leur beauté ou leur condition d’objet de désir.

Bien loin d’être une source de confiance en soi,

les comportements et propos qui réduisent

les femmes à leur apparence ont des conséquences

tangibles et dramatiques en termes

de confiance en soi, d’acceptation de son corps,

de santé, d’affirmation dans la sphère

professionnelle, etc., chez les filles,

les adolescentes et les femmes.

C’est ce qu’on appelle l’« objectivation »

des femmes, le fait de les renvoyer au statut

d’objet, que ce soit dans les médias, au travail,

dans la sphère privée ou dans la rue.

La bonne nouvelle, c’est qu’on a quelques

idées sur la manière d’en sortir.

Ce peut être sous le prétexte de glorifier

la maternité (au croisement du racisme

et du sexisme), ou les prétendus douceurs

et altruismes féminins, une bonne manière

de les cantonner à des rôles sociaux bien

particuliers et bien plus réduits, exclus

des modalités de reconnaissance sociale

que reçoivent les hommes

(travail, salaire, statut…).

Ce peut être encore sous le prétexte

de défendre leur libération sexuelle, dont

Simone de Beauvoir évoque le renversement

à l’avantage de la domination sexiste,

car la domination masculine parvient à retourner

même les conquêtes féministes contre

les femmes – quand au lieu de respecter

le désir des femmes, des hommes exigent

d’elles qu’elles se montrent « libérées »,

c’est-à-dire qu’elles répondent à leurs

exigences sexuelles à eux.

Les modalités même de cette prétendue

valorisation sapent les bases d’une confiance

en soi digne de ce nom, des conditions d’accession

aux places que peuvent revendiquer

les hommes avec beaucoup plus de légitimité

et de crédibilité dans la société.


Article rédigé par Ségolène Roy

19

Responsabilité collective

Refuser d’entendre ce que ressent une

femme quand on la traite comme on traite

les femmes dans notre société, c’est-à-dire

trop souvent comme une catégorie de la

population destinée à (com)plaire à une autre,

c’est faire preuve de sexisme, et ce n’est

certainement pas être ouvert à en entendre

davantage, sous peine de voir s’effondrer

une bonne dose d’évidences encore

trop confortables.

En France ,

une femme

sur deux

ne sait pas

qu’elle peut

porter plainte.

Au-delà de la responsabilité écrasante

des agresseurs, interrogeons-nous sur

celle, plus insidieuse, des personnes qui

se montrent incapables d’entendre la parole

des femmes quand elles expriment leur

malaise devant ce phénomène, et qui par

là même protègent leurs auteurs. En ricanant

quand une femme affirme ne plus supporter

que des inconnus s’adressent à elle dans

la rue, y compris pour la complimenter

sur son physique, en minimisant son ressenti,

elles dénigrent sa parole. Et s’interdisent

d’en entendre plus. Parce qu’ayons-en bien

conscience : peu de gens parlent de but en

blanc des agressions les plus dérangeantes

qu’ils ont subies. Cela suppose de se sentir

en confiance. De se sentir écouté, entendu,

reconnu, soutenu.

Si l’interlocuteur ou l’interlocutrice ne peut

entendre cette parole, alors, pour ces femmes,

la confiance est rompue. Comment parler

de tout le reste ? Des regards qui salissent,

des attitudes qui font peur, des hommes

qui les suivent, des gestes obscènes,

des attouchements ? Quand on n’est

pas entendu, on finit par se taire.

Question subsidiaire : quand bien même

les victimes parleraient à profusion des pires

agressions, ce type de témoignage

change-t-il quelque chose à la compréhension

de l’arrière-plan ? La dénonciation du sexisme

gagne-t-elle à évoquer les sujets le plus

graves, dans un contexte de déni massif ?

Ne se sert-on pas du « pire » pour le circonscrire

à des soi-disant monstres dont on ne

veut en aucun cas croire qu’ils puissent être

le produit de notre société sexiste ? Pour faire

passer un fait de société pour un fait divers ?

Ce refus d’entendre est une belle preuve

de la non-légitimité de la parole des femmes,

pourtant la plus apte à dénoncer la domination

que représente le sexisme.

Enfin, s’il est question de responsabilité

collective au sens où nous constituons toutes

et tous la société dans laquelle nous vivons,

il est essentiel de ne pas perdre de vue que

tout système de domination, qu’il s’appuie

sur le sexe, la race, la classe, l’orientation

sexuelle, etc., crée deux groupes sociaux :

celui des bénéficiaires d’un côté, celui

de ceux (en l’occurrence celles) qui

en subissent les préjudices de l’autre.

Or un rapport de domination ne peut perdurer

sans la complicité de ses bénéficiaires,

en l’espèce, ne pas le combattre,

c’est le laisser perdurer, et continuer

à en tirer profit.

En ce sens il est important que les hommes

prennent conscience que leur responsabilité

est engagée, en tant que classe sociale

dominante dans le rapport de domination

sexiste, dans la lutte contre la domination et

les violences sexistes, dans la définition de la

masculinité. Il leur revient d’interroger cette

place de dominants qui est la leur, qu’ils le

veuillent ou non : comment exercent-ils, individuellement,

le pouvoir, comment participent-ils,

concrètement, dans leurs actes, leurs paroles,

leurs comportements – ou au contraire leur

absence –, à la domination ? Pour ce faire,

faire preuve d’écoute et d’empathie vis-à-vis

du vécu des femmes est essentiel.


18 Le harcèlement: un mythe, un déni, une réalité.

Ambivalence du sexisme

C’est plus ou moins insidieusement que

les personnes de sexe féminin sont renvoyées

à une place bien spécifique : elles sont trop

souvent des filles et des femmes avant d’être

des personnes. Leur apparence, et l’avis

des autres, en particulier celui des hommes

sur celle-ci, serait primordiale pour leur

confiance en elles. Toute parole flatteuse

sur leur apparence serait de ce fait à considérer

comme un compliment dont il leur incomberait

de remercier l’auteur.

Ce type de réaction impose, dans l’interaction,

la valorisation récurrente du regard de l’homme

sur la femme, qui mène pourtant à l’aliénation.

Quelle femme n’a pas ressenti du plaisir

à se voir complimentée, voire un manque

à ne pas l’être, sans que s’évanouisse toutefois

le sentiment d’être ramenée à son

enveloppe corporelle et au jugement

de celui qui a le pouvoir de l’émettre

et de le faire respecter ?

Et voilà les femmes encore et toujours coincées

par un sexisme qui fait mine de les valoriser

pour mieux les maintenir à une place

subalterne.

Ce peut être sous le prétexte d’exalter

leur beauté ou leur condition d’objet de désir.

Bien loin d’être une source de confiance en soi,

les comportements et propos qui réduisent

les femmes à leur apparence ont des conséquences

tangibles et dramatiques en termes

«Toi tu

de confiance en soi, d’acceptation de son corps,

de santé, d’affirmation dans la sphère

professionnelle, etc., chez les filles,

Qu’on se plaigne de se faire accoster dans

les adolescentes et les femmes.

la rue et on recevra des ricanements sous-

C’est ce qu’on appelle l’« objectivation »

entendant que plaire aux hommes est pour

une femme... quoi, le grand accomplissement

les

des femmes, le fait de les

yeu

renvoyer au statut

d’objet, que ce soit dans les médias, au travail,

de sa vie ? Or, pour beaucoup de femmes,

dans la sphère privée ou dans la rue.

être ramenée à sa plastique et à son adéquation

ou non avec les goûts de parfaits

La bonne nouvelle, c’est qu’on a quelques

idées sur la manière d’en sortir.

inconnus dont l’avis n’a aucunement

été sollicité et est pourtant émis

Ce peut être sous le prétexte de glorifier

à haute voix et en public, n’a rien d’agréable,

et elles peuvent même s’en sentir insultées

qu’une

la maternité (au croisement du racisme

et du sexisme), ou les prétendus douceurs

et agressées, plus que complimentées.

et altruismes féminins, une bonne manière

de les cantonner à des rôles sociaux bien

Quand la peur de l’insulte, de l’agression

particuliers et bien plus réduits, exclus

sexuelle et du viol plane – et elle est très

des modalités de reconnaissance sociale

présente dans l’espace public –, les femmes

que reçoivent les hommes

s’adaptent, en adoptant des attitudes qu’elles

apprennent très vite à s’approprier à leurs

et

(travail, salaire, statut…).

j’te b

dépens, l’insulte tenant lieu d’intimidation

Ce peut être encore sous le prétexte

pour exiger la soumission : si elles ne

de défendre leur libération sexuelle, dont

répondent pas au compliment de l’homme,

Simone de Beauvoir évoque le renversement

il arrive bien souvent qu’il se charge de leur

à l’avantage de la domination sexiste,

éducation en les insultant ou en leur

car la domination masculine parvient à retour-

réclamant son dû.

ner même les conquêtes féministes contre

les femmes – quand au lieu de respecter

le désir des femmes, des hommes exigent

d’elles qu’elles se montrent « libérées »,

c’est-à-dire qu’elles répondent à leurs

exigences sexuelles à eux.

Les modalités même de cette prétendue

valorisation sapent les bases d’une confiance

en soi digne de ce nom, des conditions d’accession

aux places que peuvent revendiquer

les hommes avec beaucoup plus de légitimité

et de crédibilité dans la société.


Article rédigé par Ségolène Roy

19

Responsabilité collective

Refuser d’entendre ce que ressent une

femme quand on la traite comme on traite

les femmes dans notre société, c’est-à-dire

trop souvent comme une catégorie de la

population destinée à (com)plaire à une autre,

c’est faire preuve de sexisme, et ce n’est

certainement pas être ouvert à en entendre

baisses

En

davantage,

France

sous peine de voir s’effondrer

,

une bonne dose d’évidences encore

trop confortables.

une femme

Au-delà de la responsabilité écrasante

des agresseurs, interrogeons-nous sur

celle, plus insidieuse, des personnes qui

il est essentiel de ne pas perdre de vue que

sur

tout système de domination, qu’il s’appuie

x,

deux

se montrent incapables

t’es

d’entendre la parole sur le sexe, la race, la classe, l’orientation

des femmes quand elles expriment leur sexuelle, etc., crée deux groupes sociaux :

ne

malaise devant

sait

ce phénomène,

pas

et qui par celui des bénéficiaires d’un côté, celui

là même protègent leurs auteurs. En ricanant de ceux (en l’occurrence celles) qui

quand une femme affirme ne plus supporter en subissent les préjudices de l’autre.

que des inconnus s’adressent à elle dans Or un rapport de domination ne peut perdurer

femme

qu’elle peut

la rue, y compris pour la complimenter sans la complicité de ses bénéficiaires,

sur son physique, en minimisant son ressenti, en l’espèce, ne pas le combattre,

porter

elles dénigrent sa parole. Et s’interdisent

d’en entendre plus. Parce

plainte.

c’est le laisser perdurer, et continuer

qu’ayons-en bien à en tirer profit.

conscience : peu de gens parlent de but en

blanc des agressions les plus dérangeantes En ce sens il est important que les hommes

qu’ils ont subies. Cela suppose de se sentir prennent conscience que leur responsabilité

est engagée, en tant que classe sociale

en

aise.»

confiance. De sentir écouté, entendu,

reconnu, soutenu.

dominante dans le rapport de domination

sexiste, dans la lutte contre la domination et

Si l’interlocuteur ou l’interlocutrice ne peut les violences sexistes, dans la définition de la

entendre cette parole, alors, pour ces femmes, masculinité. Il leur revient d’interroger cette

la confiance est rompue. Comment parler place de dominants qui est la leur, qu’ils le

de tout le reste ? Des regards qui salissent, veuillent ou non : comment exercent-ils, individuellement,

le pouvoir, comment participent-ils,

des attitudes qui font peur, des hommes

qui les suivent, des gestes obscènes,

concrètement, dans leurs actes, leurs paroles,

des attouchements ? Quand on n’est

leurs comportements – ou au contraire leur

pas entendu, on finit par se taire.

absence –, à la domination ? Pour ce faire,

faire preuve d’écoute et d’empathie vis-à-vis

du vécu des femmes est essentiel.

Question subsidiaire : quand bien même

les victimes parleraient à profusion des pires

agressions, ce type de témoignage

change-t-il quelque chose à la compréhension

de l’arrière-plan ? La dénonciation du sexisme

gagne-t-elle à évoquer les sujets le plus

graves, dans un contexte de déni massif ?

Ne se sert-on pas du « pire » pour le circonscrire

à des soi-disant monstres dont on ne

veut en aucun cas croire qu’ils puissent être

le produit de notre société sexiste ? Pour faire

passer un fait de société pour un fait divers ?

Ce refus d’entendre est une belle preuve

de la non-légitimité de la parole des femmes,

pourtant la plus apte à dénoncer la domination

que représente le sexisme.

Enfin, s’il est question de responsabilité

collective au sens où nous constituons toutes

et tous la société dans laquelle nous vivons,


18 Le harcèlement: un mythe, un déni, une réalité.

Ambivalence du sexisme

C’est plus ou moins insidieusement que

les personnes de sexe féminin sont renvoyées

à une place bien spécifique : elles sont trop

souvent des filles et des femmes avant d’être

des personnes. Leur apparence, et l’avis

des autres, en particulier celui des hommes

sur celle-ci, serait primordiale pour leur

confiance en elles. Toute parole flatteuse

sur leur apparence serait de ce fait Rennes à considérer

comme un compliment dont il leur incomberait

de remercier l’auteur.

Qu’on se plaigne de se faire accoster dans

la rue et on recevra des ricanements sousentendant

que plaire aux hommes est pour

une femme... quoi, le grand accomplissement

de sa vie ? Or, pour beaucoup de femmes,

être ramenée à sa plastique et à son adéquation

ou non avec les goûts de parfaits

inconnus dont l’avis n’a aucunement

été sollicité et est pourtant émis

à haute voix et en public, n’a rien d’agréable,

et elles peuvent même s’en sentir insultées

et agressées, plus que complimentées.

Quand la peur de l’insulte, de l’agression

sexuelle et du viol plane – et elle est très

présente dans l’espace public –, les femmes

s’adaptent, en adoptant des attitudes qu’elles

apprennent très vite à s’approprier à leurs

dépens, l’insulte tenant lieu d’intimidation

pour exiger la soumission : si elles ne

répondent pas au compliment de l’homme,

il arrive bien souvent qu’il se charge de leur

éducation en les insultant ou en leur

réclamant son dû.

Ce type de réaction impose, dans l’interaction,

la valorisation récurrente du regard de l’homme

sur la femme, qui mène pourtant à l’aliénation.

Quelle femme n’a pas ressenti du plaisir

à se voir complimentée, voire un manque

à ne pas l’être, sans que s’évanouisse toutefois

le sentiment d’être ramenée à son

enveloppe corporelle et au jugement

de celui qui a le pouvoir de l’émettre

et de le faire respecter ?

Et voilà les femmes encore et toujours coincées

par un sexisme qui fait mine de les valoriser

pour mieux les maintenir à une place

subalterne.

Ce peut être sous le prétexte d’exalter

leur beauté ou leur condition d’objet de désir.

Bien loin d’être une source de confiance en soi,

les comportements et propos qui réduisent

les femmes à leur apparence ont des conséquences

tangibles et dramatiques en termes

J’ai eu le malheur de croiser

le regard d’un inconnu

de confiance

dans la

en

rue.

soi, d’acceptation de son corps,

de santé, d’affirmation dans la sphère

professionnelle, etc., chez les filles,

les adolescentes et les femmes.

C’est ce qu’on appelle l’« objectivation »

des femmes, le fait de les renvoyer au statut

d’objet, que ce soit dans les médias, au travail,

dans la sphère privée ou dans la rue.

La bonne nouvelle, c’est qu’on a quelques

idées sur la manière d’en sortir.

Ce peut être sous le prétexte de glorifier

la maternité (au croisement du racisme

et du sexisme), ou les prétendus douceurs

et altruismes féminins, une bonne manière

de les cantonner à des rôles sociaux bien

particuliers et bien plus réduits, exclus

des modalités de reconnaissance sociale

que reçoivent les hommes

(travail, salaire, statut…).

Ce peut être encore sous le prétexte

de défendre leur libération sexuelle, dont

Simone de Beauvoir évoque le renversement

à l’avantage de la domination sexiste,

car la domination masculine parvient à retourner

même les conquêtes féministes contre

les femmes – quand au lieu de respecter

le désir des femmes, des hommes exigent

d’elles qu’elles se montrent « libérées »,

c’est-à-dire qu’elles répondent à leurs

exigences sexuelles à eux.

Les modalités même de cette prétendue

valorisation sapent les bases d’une confiance

en soi digne de ce nom, des conditions d’accession

aux places que peuvent revendiquer

les hommes avec beaucoup plus de légitimité

et de crédibilité dans la société.


Article rédigé par Ségolène Roy

19

Responsabilité collective

Refuser d’entendre ce que ressent une

femme quand on la traite comme on traite

les femmes dans notre société, c’est-à-dire

trop souvent comme une catégorie de la

population destinée à (com)plaire à une autre,

c’est faire preuve de sexisme, et ce n’est

certainement pas être ouvert à en entendre

davantage, sous peine de voir s’effondrer

une bonne dose d’évidences encore

trop confortables.

Au-delà de la responsabilité écrasante

des agresseurs, interrogeons-nous sur

celle, plus insidieuse, des personnes qui

se montrent incapables d’entendre la parole

des femmes quand elles expriment leur

malaise devant ce phénomène, et qui par

là même protègent leurs auteurs. En ricanant

quand une femme affirme ne plus supporter

que des inconnus s’adressent à elle dans

la rue, y compris pour la complimenter

sur son physique, en minimisant son ressenti,

elles dénigrent sa parole. Et s’interdisent

d’en entendre plus. Parce qu’ayons-en bien

conscience : peu de gens parlent de but en

blanc des agressions les plus dérangeantes

qu’ils ont subies. Cela suppose de se sentir

en confiance. De se sentir écouté, entendu,

reconnu, soutenu.

Si l’interlocuteur ou l’interlocutrice ne peut

entendre cette parole, alors, pour ces femmes,

la confiance est rompue. Comment parler

de tout le reste ? Des regards qui salissent,

des attitudes qui font peur, des hommes

qui les suivent, des gestes obscènes,

des attouchements ? Quand on n’est

pas entendu, on finit par se taire.

Question subsidiaire : quand bien même

les victimes parleraient à profusion des pires

agressions, ce type de témoignage

change-t-il quelque chose à la compréhension

de l’arrière-plan ? La dénonciation du sexisme

gagne-t-elle à évoquer les sujets le plus

graves, dans un contexte de déni massif ?

Ne se sert-on pas du « pire » pour le circonscrire

à des soi-disant monstres dont on ne

veut en aucun cas croire qu’ils puissent être

le produit de notre société sexiste ? Pour faire

passer un fait de société pour un fait divers ?

Ce refus d’entendre est une belle preuve

de la non-légitimité de la parole des femmes,

pourtant la plus apte à dénoncer la domination

que représente le sexisme.

Enfin, s’il est question de responsabilité

collective au sens où nous constituons toutes

et tous la société dans laquelle nous vivons,

il est essentiel de ne pas perdre de vue que

tout système de domination, qu’il s’appuie

sur le sexe, la race, la classe, l’orientation

sexuelle, etc., crée deux groupes sociaux :

celui des bénéficiaires d’un côté, celui

de ceux (en l’occurrence celles) qui

en subissent les préjudices de l’autre.

Or un rapport de domination ne peut perdurer

sans la complicité de ses bénéficiaires,

en l’espèce, ne pas le combattre,

c’est le laisser perdurer, et continuer

à en tirer profit.

En ce sens il est important que les hommes

prennent conscience que leur responsabilité

est engagée, en tant que classe sociale

dominante dans le rapport de domination

sexiste, dans la lutte contre la domination et

les violences sexistes, dans la définition de la

masculinité. Il leur revient d’interroger cette

place de dominants qui est la leur, qu’ils le

veuillent ou non : comment exercent-ils, individuellement,

le pouvoir, comment participent-ils,

concrètement, dans leurs actes, leurs paroles,

leurs comportements – ou au contraire leur

absence –, à la domination ? Pour ce faire,

faire preuve d’écoute et d’empathie vis-à-vis

du vécu des femmes est essentiel.


20 Le harcèlement: un mythe, un déni, une réalité.

« Celles qui se plaignent

du harcèlement

de rue détestent

les hommes ».

C’est faux ! Elles demandent

simplement à ce qu’on

les respecte quand elles ciruculent

dans l’espace public

(et ailleurs).

« Les hommes sont

comme ça, il faut

s’y faire ».

C’est faux ! Tous les hommes ne

sont pas « comme ça ». En matière

de harcèlement sexuel, il ne s’agit

pas de pulsions incontrôlables

mais une manière de prendre

le pouvoir sur l’autre.

« un changement

total de perspective,

une remise à plat

de beaucoup

de nos évidences,

une remise en question

d’une bonne

partie de nos

comportements »

Omniprésence

du sexisme

Quiconque a essayé d’expliciter le lien, dans le domaine

du non-respect des femmes, entre l’apparemment anodin

(le commentaire d’un inconnu à une femme sur son physique)

et le gravissime (l’agression sexuelle, le viol), pour en montrer

l’arrière-plan commun, l’obstacle réel – le sexisme –,

s’est heurté à des ricanements (« On t’a dit que tu étais belle,

plains-toi ! » – ou le déni sous la forme de la minimisation),

et à des cris d’orfraie censés témoigner de l’indignation face

à ce que trop de personnes considèrent comme une horrible

mise dans le même panier de tous les hommes avec

des monstres (ou le déni sous la forme de l’indignation face

un soi-disant sexisme inversé, alors qu’il est question de révéler

un phénomène d’ordre social : 98 % des agresseurs sont

des hommes, et la plupart des violeurs sont des « monsieur

tout le monde ». Mais encore faut-il accepter, pour le mesurer

et s’y attaquer, de regarder ce phénomène en face,

et d’en déconstruire les mythes.

S’agit-il de simples malentendus ? Ou d’un refus farouche

de prendre acte de la réalité des manifestations et des conséquences

les plus graves et les plus sordides du sexisme,

toujours au hit parade des discriminations les plus féroces,

rendues anodines à grand renfort d’humour (plus souvent

oppressif que libérateur)... et de déni. De l’insulte sexiste

au viol, la différence n’est pas de nature, mais de degré.

Quand acceptera-t-on de voir que le sexisme est partout,

qu’il peut prendre les formes les plus bienveillantes, toujours

pernicieuses (la galanterie, la drague à sens unique, l’exaltation

de la beauté, de la maternité, de la douceur « féminine »),

comme les plus brutales (le viol, la violence conjugale)

ou les plus institutionnalisées (l’orientation professionnelle

limitée, la discrimination à l’embauche, la différence de salaires,

de retraites, l’incroyable disproportion de la représentation

des femmes – 52 % de la population française, faut-il le rappeler

dans les lieux de pouvoir, qu’il s’agisse de politique, d’économie,

de culture, d’art, de religion, de sport, de sciences…).

Et le harcèlement de rue est sans doute exemplaire

du caractère profondément ancré, trouble et insidieux

du sexisme, qui, en se rendant socialement acceptable

dans certaines situations, permet et fait admettre le pire

par des mécanismes subtils et très puissants.


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Article rédigé par Ségolène Roy

21

Adulation et discrimination, compliment et insulte,

deux facettes de la même médaille :

on valorise les femmes dans le rôle auquel on les limite.

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Le sexisme est partout et il est toujours, encore temps d’arrêter

de le nier, de refuser de le voir. Oui, cela demande

un changement total de perspective, une remise à plat

de beaucoup de nos évidences, une remise en question

d’une bonne partie de nos comportements. Et puis d’agir

et de réagir, chacun à sa mesure, dans la rue, dans le travail,

auprès des enfants, au cours d’une conversation

avec ses amis…

Cela demande, pour commencer, tout simplement,

de l’information et de l’écoute.

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22

Un brin de poésie

Sois une femme, qu’ils disent. Ta jupe est trop courte.

Ta chemise est trop longue. Ton pantalon est trop serré.

Ne montre pas autant de peau. Ne montre pas tes cuisses.

Ne montre pas tes seins. Ne montre pas ton ventre.

Ne montre pas ton décolleté. Ne montre pas tes sous-vêtements.

Ne montre pas tes épaules. Couvre-toi. Laisse place à l’imagination.

Habille-toi modestement. Ne sois pas une tentatrice.

Les hommes ne peuvent pas se contrôler. Les hommes ont

des besoins. Tu as l’air mal fagotée. Détends-toi.

Montre un peu de peau. Sois sexy. Sois hot. Ne sois pas

si provocante. Tu le cherches bien. Porte du noir. Porte

des talons. Tu es trop habillée. Tu es trop déshabillée.

Ne porte pas ce training, tu te laisses aller.

Sois une femme, qu’ils disent. Ne sois pas trop grosse.

Ne sois pas trop maigre. Ne sois pas trop grande. Ne sois pas

trop petite. Mange. Maigris. Arrête de manger autant.

Ne mange pas trop vite. Commande une salade. Ne mange

pas de glucides. Évite le dessert. Tu as besoin de perdre

du poids. Rentre dans cette robe. Fais régime. Fais attention

à ce que tu manges. Mange du céleri. Chewing-gum.

Bois beaucoup d’eau. Tu dois rentrer dans ce jeans. Mon Dieu,

tu ressembles à un squelette. Pourquoi tu ne manges pas?

Tu as l’air décharnée. Tu as l’air malade. Mange un burger.

Les hommes aiment les femmes qui n’ont pas la peau sur les

os. Sois petite. Sois mince. Sois féminine. Sois une taille zéro.

Sois un double zéro. Ne sois rien. Sois moins que rien.


Camille Rainville « Be A Lady They Said »

23

Sois une femme, qu’ils disent. Fais disparaître tes poils.

Rase tes jambes. Rase tes aisselles. Rase ton bikini. Épile-toi

le visage. Épile-toi les bras. Épile-toi les sourcils. Fais disparaître

ta moustache. Éclaircis ceci. Éclaircis cela. Illumine

ta peau. Éclaircis ta peau. Fais disparaître tes cicatrices.

Cache tes vergetures. Raffermis tes abdos. Repulpe tes lèvres.

Botoxe tes rides. Lifte ton visage. Rentre le ventre. Affine

tes cuisses. Galbe tes mollets. Rehausse tes seins. Sois naturelle.

Sois toi-même. Sois authentique. Sois sûre de toi.

Tu en fais trop. Tu exagères. Les hommes n’aiment

pas les filles qui en font trop.

Sois une femme, qu’ils disent. Maquille-toi. Applique une base

sur ton visage. Masque tes imperfections. Trace les contours

de ton nez. Mets en valeur tes pommettes. Souligne tes paupières.

Remplis tes sourcils. Allonge tes cils. Colore tes lèvres.

Poudre, blush, bronze, met en valeur. Tes cheveux sont trop

courts. Tes cheveux sont trop longs. Tes pointes sont fourchues.

Mets tes cheveux en valeur. On voit tes racines. Teins tes cheveux.

Pas en bleu, ça ne fait pas naturel. Tu grisonnes. Tu

as l’air tellement vieille. Aie l’air jeune. Ne vieillis pas. Les

femmes ne vieillissent pas. La vieillesse est laide. Les hommes

n’aiment pas la laideur.


24 Un brin de poésie

Sois une femme, qu’ils disent. Sauve-toi. Sois pure.

Sois vierge. Ne parle pas de sexe. Ne flirte pas. Ne sois pas

une salope. Ne sois pas une pute. Ne couche pas à gauche

à droite. Ne perd pas ta dignité. Ne couche pas avec trop

d’hommes. Ne te dévoile pas. Les hommes n’aiment pas

les putes. Ne sois pas prude. Ne sois pas si coincée. Amuse-toi

un peu. Souris davantage. Fais plaisir aux hommes.

Sois expérimentée. Sois sexuelle. Sois innocente. Sois sale.

Sois vierge. Sois sexy. Sois la fille cool. Ne sois pas comme

les autres filles.

Sois une femme, qu’ils disent. Ne parle pas trop fort. Ne parle

pas trop. Ne prends pas trop d’espace. Ne t’assieds pas comme

ça. Ne te tiens pas comme ça. Ne sois pas intimidante.

Pourquoi es-tu si lamentable? Ne sois pas une salope.

Ne sois pas si autoritaire. Ne t’affirme pas. N’en fais pas trop.

Ne sois pas si émotive. Ne pleure pas. Ne crie pas. Ne jure

pas. Sois passive. Sois obéissante. Supporte la douleur.

Sois agréable. Ne te plains pas. Laisse-le faire en douceur.

Booste son égo. Fais-le tomber amoureux. Les hommes veulent

ce qu’ils ne peuvent pas avoir. Ne te dévoile pas. Fais que ça

marche pour lui. Les hommes aiment la chasse. Plie ses vêtements.

Prépare-lui à manger. Rends-le heureux. C’est le boulot

de la femme. Tu feras une bonne épouse, un jour. Prends

son nom de famille. Tu veux ajouter le tien? Sale féministe.

Donne-lui des enfants. Tu ne veux pas d’enfants? Tu en voudras,

un jour. Tu changeras d’avis.


Camille Rainville « Be A Lady They Said »

25

Sois une femme, qu’ils disent. Ne te fais pas violer. Protège-toi.

Ne bois pas trop. Ne marche pas seule. Ne sors pas trop tard.

Ne t’habille pas comme ça. N’en montre pas trop. Ne te saoule

pas. Ne laisse pas ton verre sans surveillance.

Sors accompagnée. Marche où c’est bien éclairé. Reste dans

des environnements sécurisés. Dis à quelqu’un où tu vas.

Emmène un spray au poivre. Achète un sifflet anti-viol.

Tiens tes clés comme une arme. Prends des cours de self-défense.

Vérifie ton coffre. Ferme tes portes. Ne sors pas seule.

Ne regarde pas les autres dans les yeux. Ne bats pas des cils.

N’aie pas l’air facile. N’attire pas l’attention. Ne travaille

pas tard. Ne raconte pas des blagues salaces. Ne souris

pas à des étrangers. Ne sors pas une fois qu’il fait nuit.

Ne fais confiance à personne. Ne dis pas oui.

Ne dis pas non.

En France,

une femme

sur cinq sera

victime de viol

ou de tentative

de viol au cours

de sa vie.

Sois « juste » une femme, qu’ils disent.

Camille Rainville


24 Un brin de poésie

Sois une femme, qu’ils disent. Sauve-toi. Sois pure.

Sois vierge. Ne parle pas de sexe. Ne flirte pas. Ne sois pas

une salope. Ne sois pas une pute. Ne couche pas à gauche

à droite. Ne perd pas ta dignité. Ne couche pas avec trop

d’hommes. Ne te dévoile

«

pas.

Vian

Les hommes n’aiment pas

les putes. Ne sois pas prude. Ne sois pas si coincée. Amuse-toi

un peu. Souris davantage. Fais plaisir aux hommes.

Sois expérimentée. Sois sexuelle. Sois innocente. Sois sale.

Sois vierge. Sois sexy. Sois la fille cool. Ne sois pas comme

les autres filles.

Sois une femme, qu’ils disent. Ne parle pas trop fort. Ne parle

pas trop. Ne prends pas trop d’espace.

à

Ne t’assieds pas

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comme

ça. Ne te tiens pas comme ça. Ne sois pas intimidante.

Pourquoi es-tu si lamentable? Ne sois pas une salope.

Ne sois pas si autoritaire. Ne t’affirme pas. N’en fais pas trop.

Ne sois pas si émotive. Ne pleure pas. Ne crie pas. Ne jure

pas. Sois passive. Sois obéissante. Supporte la douleur.

Sois agréable. Ne te plains pas. Laisse-le faire en douceur.

Booste son égo. Fais-le tomber amoureux. Les hommes veulent

ce qu’ils ne peuvent pas avoir. Ne te dévoile pas. Fais que ça

marche pour lui. Les hommes aiment la chasse. Plie ses vêtements.

Prépare-lui à manger. Rends-le heureux. C’est le boulot

de la femme. Tu feras une bonne épouse, un jour. Prends

son nom de famille. Tu veux ajouter le tien? Sale féministe.

Donne-lui des enfants. Tu ne veux pas d’enfants? Tu en voudras,

un jour. Tu changeras d’avis.


Camille Rainville « Be A Lady They Said »

25

Sois une femme, qu’ils disent. Ne te fais pas violer. Protège-toi.

Ne bois pas trop. Ne marche pas seule. Ne sors pas trop tard.

Ne t’habille pas comme ça. N’en montre pas trop. Ne te saoule

pas. Ne laisse pas ton verre sans surveillance.

Sors accompagnée.

de

Marche où c’est bien éclairé. Reste dans

des environnements sécurisés. Dis à quelqu’un où tu vas.

Emmène un spray au poivre. Achète un sifflet anti-viol.

Tiens tes clés comme une arme. Prends des cours de self-défense.

Vérifie ton coffre. Ferme tes portes. Ne sors pas seule.

Ne regarde pas les autres dans les yeux. Ne bats pas des cils.

N’aie pas l’air facile. N’attire pas l’attention. Ne travaille

pas tard. Ne raconte pas des blagues salaces. Ne souris

ol

pas à des étrangers. Ne

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sors pas

»

une fois qu’il fait nuit.

Ne fais confiance à personne. Ne dis pas oui.

Ne dis pas non.

Sois « juste » une femme, qu’ils disent.

Camille Rainville


24 Un brin de poésie

Sois une femme, qu’ils disent. Sauve-toi. Sois pure.

Sois vierge. Ne parle pas de sexe. Ne flirte pas. Ne sois pas

une salope. Ne sois pas une pute. Ne couche pas à gauche

à droite. Ne perd pas ta dignité. Ne couche pas avec trop

d’hommes. Ne te dévoile Lyonpas. Les hommes n’aiment pas

À la sortie du métro.

les putes. Ne sois pas prude. Ne sois pas si coincée. Amuse-toi

un peu. Souris davantage. Fais plaisir aux hommes.

Sois expérimentée. Sois sexuelle. Sois innocente. Sois sale.

Sois vierge. Sois sexy. Sois la fille cool. Ne sois pas comme

les autres filles.

Sois une femme, qu’ils disent. Ne parle pas trop fort. Ne parle

pas trop. Ne prends pas trop d’espace. Ne t’assieds pas comme

ça. Ne te tiens pas comme ça. Ne sois pas intimidante.

Pourquoi es-tu si lamentable? Ne sois pas une salope.

Ne sois pas si autoritaire. Ne t’affirme pas. N’en fais pas trop.

Ne sois pas si émotive. Ne pleure pas. Ne crie pas. Ne jure

pas. Sois passive. Sois obéissante. Supporte la douleur.

Sois agréable. Ne te plains pas. Laisse-le faire en douceur.

Booste son égo. Fais-le tomber amoureux. Les hommes veulent

ce qu’ils ne peuvent pas avoir. Ne te dévoile pas. Fais que ça

marche pour lui. Les hommes aiment la chasse. Plie ses vêtements.

Prépare-lui à manger. Rends-le heureux. C’est le boulot

de la femme. Tu feras une bonne épouse, un jour. Prends

son nom de famille. Tu veux ajouter le tien? Sale féministe.

Donne-lui des enfants. Tu ne veux pas d’enfants? Tu en voudras,

un jour. Tu changeras d’avis.


Camille Rainville « Be A Lady They Said »

25

Sois une femme, qu’ils disent. Ne te fais pas violer. Protège-toi.

Ne bois pas trop. Ne marche pas seule. Ne sors pas trop tard.

Ne t’habille pas comme ça. N’en montre pas trop. Ne te saoule

pas. Ne laisse pas ton verre sans surveillance.

Sors accompagnée. Marche où c’est bien éclairé. Reste dans

des environnements sécurisés. Dis à quelqu’un où tu vas.

Emmène un spray au poivre. Achète un sifflet anti-viol.

Tiens tes clés comme une arme. Prends des cours de self-défense.

Vérifie ton coffre. Ferme tes portes. Ne sors pas seule.

Ne regarde pas les autres dans les yeux. Ne bats pas des cils.

N’aie pas l’air facile. N’attire pas l’attention. Ne travaille

pas tard. Ne raconte pas des blagues salaces. Ne souris

pas à des étrangers. Ne sors pas une fois qu’il fait nuit.

Ne fais confiance à personne. Ne dis pas oui.

Ne dis pas non.

Sois « juste » une femme, qu’ils disent.

Camille Rainville


26

Le harcèlement

de rue n’est pas

que sexiste.

Lorsque l’on parle de harcèlement nous avons tendance

à penser que le poétique « Ton père est un voleur,

il a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre

dans tes yeux. » est quelque chose de commun.

Or « malheureusement » pour nous, la poésie

se fait rare. Les témoignages suivant nous montrent

que le harcèlement de rue n’est pas que sexiste,

il est aussi raciste, homophobe, transphobe,

grossophobe, islamophobe, validiste.


Témoignages récoltés sur le site Paye ta Shnek.

27

Marseille

dans un métro bondé

(je porte le voile)

« Bonjour petite beurette soumise !

On dit de vous que lorsqu’on vous

libère, vous devenez complètement

incontrôlables, des folles de sexe !

Je veux bien t’éduquer, mi-pute

mi-soumise ! »

Ici c’est la rencontre du sexisme et de l’islamophobie,

car cette jeune femme porte le voile, avec ce fantasme

merveilleux de libération par le sexe. Cette forme de harcèlement

est celle qui se développe le plus à l’heure actuelle,

dans un contexte de racisme et d’islamophobie exacerbés,

les femmes musulmans ou supposées musulmans

sont de plus en plus harcelées agressées etc.

Limoges

dans un parc

Paris

dans une boite de nuit

« Hé les gouinasses, ça vous

dit de vous faire péter la Shnek

par un homme, un vrai ?

Vous verrez, c’est cool d’être

des soumises normales. »

Cette fois c’est la rencontre du sexisme et de l’homophobie.

On note quand même un file rouge autour de la notion de soumission

la condition éternelle des femmes bien évidemment.

Mais on note aussi une profonde préoccupation sur la notion

de norme. On ne sait toujours pas ce que veut dire normal

mais visiblement cet homme en a une idée très précise.

« Moi ça m’excite que tu sois

handicapée. T’es comme

une poupée, on peut faire

ce qu’on veut de toi. »

Ici c’est la rencontre du sexisme et du validisme. On notera

l’éternelle cliché de la femme objet, soumise au plaisir

de l’homme réduite à l’idée de poupée.


28

C’est quoi la différence

entre draguer et harceler ?

La différence est toute simple,

c’est le consentement.

La drague :

se pratique à deux. C’est une forme de séduction ;

une personne approche une autre personne en vue

de la charmer, la séduire de manière respectueuse.

Cela peut donc aboutir à un échange sympathique

si le ou la destinataire est réceptif.ive et intéressé.e.

Le harcèlement :

s’impose d’une personne sur l’autre, c’est complètement

différent. Il naît d’une situation où le/la destinataire exprime

un refus ( quelle que soit la façon dont celui-ci est exprimé )

mais que l’autre personne insiste.

Le harcèlement de rue n’a absolument rien d’un jeu de séduction

dans l’immense majorité des cas il n’y a aucune intention

de flatter ou de séduire. Un homme qui nous hurle dessus

« Je vais t’éclater la chatte » se doute bien que ça ne va pas

se finir autour d’un dîner aux chandelles.

Dans l’immense majorité des cas, c’est uniquement une façon

d’imposer une forme de supériorité obsolète et d’écraser

l’autre pour se sentir soit même plus fort, et ainsi entretenir

la peur. Parce que l’espace public est encore aujourd’hui

une zone de discrimination très forte. Les villes ont été faites

par et pour les hommes. Et pour constater la domination

masculine dans l’espace public il suffit d’observer. Partout,

on voit des hommes qui stagne. Est ce que vous voyez

souvent des femmes en faire autant?

Aujourd’hui, toutes les femmes ou presque on le sentiment

de ne devoir que passer dans l’espace public et de ne pas

y rester. Parce qu’encore aujourd’hui, on nous fait très souvent

comprendre que dehors ce n’est pas notre place.


29

Dans l’espace public,

lorsque l’on aborde quelqu’un

on doit avoir conscience :

1

La personne n’est

pas là pour faire

des rencontres,

et donc qu’on peut

déranger, essuyer

un refus, si tel est

le cas on se doit

de le respecter

et ne pas insister.

2

Garder en tête

que la personne à qui

on donne son avis sur

son physique n’a rien

demandé et très

souvent ne préfère

pas le savoir.

3

Prendre en compte

le contexte.

Un homme qui

aborde une femme

seule dans une rue

déserte peut se douter

qu’a-priori c’est

angoissant.


30

Réagir face au harcèlement.

Astuces.

Si vous avez l’impression de vivre une situation de harcèlement,

autorisez-vous le droit de réagir. La colère,

la peur et/ou la honte ne doivent pas vous empêcher

d’énoncer ce qui vous dérange dans le comportement

de l’autre afin qu’il cesse. Chacun.e réagit avec sa personnalité,

son vécu, le contexte, son humeur du jour, le

lieu etc. Certaines stratégies s’avèrent cependant plus

efficace que d’autres. En voici quelques exemples.

En tant que victime, comment réagir

face au harcèlement ?

J’adopte un langage

corporel calme.

Le regard droit, je respire, je ne souris pas,

j’occupe l’espace, je me tiens droite, les pieds

bien encrés au sol. Je parle fort avec une voix

claire et assurée afin que le message atteigne

son but : mettre fin au harcèlement.

J’énonce le problème,

l’effet, la solution.

Plutôt que d’attaquer la personne pour ce

qu’elle est, faites lui savoir que son comportement

vous dérange.« Votre main touche

mes fesses ! Ça me dérange. Enlevez là !»

Je cherche de l’aide

en interpellant un témoin.

« Monsieur ! Oui, vous avec le bonnet rouge.

Ne me laissez pas seul avec cet homme

il me menace. »


Astuces pour les victimes et témoins. 31

Initiatives à suivre

stop harcèlement de rue.

Nous toutes.

Technopol.

Paye ta Shnek.

Projet crocodile.

Lallab.

sissislafamille (instagram).

04 60 20 93 99

Un numéro à donner pour

« se débarrasser des garçons

insistants » L’homme en question

recevra alors un SMS pour lui

rappeler (gentiment) la notion

de consentement.

En tant que témoin, comment réagir

face au harcèlement ?

Je préviens.

Je distrais.

Je demande de l’aide

Appeler discrètement

la police, alerter un vigile,

un commerçant etc.

Pour permettre la fuite

de la victime je m’adresse

à elle ou au harceleur.

Agir ensemble avec

d’autres témoins.


32

« faire partie

de la solution,

et non

du problème »


Conclusion : Anaïs Bourdet

33

Si on veut faire partie de la solution, et non du problème,

on peut commencer par agir individuellement,

mais c’est la société toute entière qui est concernée.

Les hommes n’ont pas le monopole du sexisme.

On a tous grandi dans la même société, on reproduit

tous les même schémas. On ne doit plus laisser ces

conduites se fabriquer sous nos yeux. On doit investir

du temps dans l’éducation, en parlant à nos enfants,

à nos élèves, en les éduquant à l’égalité sous toutes

ses formes, et en ne tolérant jamais un propos ou

un comportement oppressif. On doit aussi arrêter

d’apprendre aux filles à ne pas être agressées, pour

commencer à apprendre à tout le monde à ne pas

agresser. Et pour déconstruire tous les schémas discriminants

qu’on se refile gaiement depuis des siècles,

ça commence forcément par écouter les personnes qui

le vivent de l’intérieur, et relayer leurs voix, les amplifier,

les faire entendre et connaître de toutes et tous.

C’est seulement en étant attentifs à l’écoute et solidaires

qu’on fera reculer cette violence. Car l’espace public

appartient à tous et toutes quel que soit notre genre,

que l’on soit noire, musulmane, homo, grosse, maigre,

asiatique, peu importe, nous avons tous et toutes droit

à la paix. Et si cette phrase vous semble aujourd’hui

évidente, en pratique, c’est encore très loin d’être le cas.



35

Sources

Témoignages : Paye ta Shnek

Extrait du discours d’Anaïs Bourdet

lors d’une conférence TEDx

Article rédigé par Ségolène Roy, médiapart

Camille Rainville « Be A Lady They Said »

Stratégies contre le harcèlement : Projet crocodile

Technopol

Avis n°2015-04-16-VIO-16 sur le harcèlement sexiste et

les violences sexuelles dans les transports en commun.

Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes,


Réalisé par Marie Barré

Impression : AJM



écouter

parler

changer


éduquer

agir


Le harcèlement de rue nous en avons

tous et toutes entendu parler un jour.

Mais savons nous réellement ce qui

se cache derrière? Avons nous conscience

de la gravité du problème? Sommes nous

prêts à faire partie de la solution?

La sourde oreille a pour objectif d’informer

sur les problématiques liées au harcèlement

de rue, à travers différents regards afin de susciter

une prise de conscience individuelle et collective

en donnant plusieurs pistes de réflexions.

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