RoCoCo-Les Salines, la salope, la mamma

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642 ROCOCO série La soixantaine bien passée, Ghjuvacchinu Bellaria, un veuf ajaccien assez opulent, engrosse Elfriede Boddler, jeune réceptionniste de l’hôtel Helvetica. Elle donne naissance à Karl, qu’elle élève seule. Son père, sentant sa fin venir, le reconnaît et trépasse. À peine sorti de l’adolescence, Karl hérite ainsi – d’un père qu’il a très peu connu – d’une fortune le mettant à l’abri du besoin. Il la dilapide dans une vie frivole et dissolue. Il porte un regard hautain et désabusé sur son siècle, sur les autres et sur lui-même. La supériorité n’est jamais si vive qu’elle semble provenir d’un don du ciel. Quel don, d’ailleurs ? Qui a tout n’a rien à faire, et a donc du temps en trop à ne plus savoir qu’en faire. Quelle angoisse ! Qui ne fait rien réussit peu. De quoi peut-il se glorifier ? De sa déchéance, pourvu qu’elle soit sublime. Ah ! La vraie révolution que ce retournement ! Paradoxale merveille. « Lindu sia l’affettu foscu. » KaRl BOddleR dit BOude-l’aiR Les Salines, la salope, la mamma L’AUTEUR Ghjuvacchinu Bellaria n'aimait rien, ce qui, à Ajaccio et à la Belle époque, restait sans conséquence puisque détester en retour qui n’aime rien c’est lui donner raison, quand lui donner tort ne conduirait qu’à le détester à raison. Le fils va passer outre ce bel équilibre des ressentiments entre son père et la cité. Plus que n’aimer rien, Boddler méprise tout. Contempteur à la mine constipée, aux idées arrêtées et à la critique acerbe, totale, manifeste, sauvage, cassante, dogmatique, radicale, irrévocable, péremptoire, figée, ultime et sans appel... Diampine ! Même pour Ajaccio, élevé à cet empyrée, un tel snobisme, est ahurissant. Le père avait été surnommé « Bel-Air », ce qui fut pour le fils décliné en « Boudel’air » (Va donc faire un tour à Tattone !) L’ŒUVRE • Gros nénés en ptose • Les sœurs du bal • Mes salons et mes maisons • L'ivresse du full • Traité du goût et de ceux qui prétendent Traduction • Les Déboires extrasanguinaires (Ed Crapeau)
KaRl BOddleR dit BOude-l’aiR LES SALINES, LA SALOPE, LA MAMMA ROCOCO série 643 les salines Quand l’évêque bas et lourd annonce la débâcle de mon espoir frétillant, qui croit à son bon fruit, et fort gras trublion, insultant le cénacle ii nous sort un carré plus fort que mes huit ; Quand l’amer est changé en une boisson timide, une bibine légère où se prennent les souris, Qui laissent croire dans leur sourire humide et se tirent au plus vite, en un adieu pourri ; Quand la piste étalant ses immenses travées d'une combinaison sûre appelle les bravos, et qu'un crack annoncé destiné à gagner Vient soustraire nos billets au fond de nos futaux, Quand le bar allumé me refuse l’entrée son patron déplumé me plaçant à l’amende, et qu’un jeune zig ostentatoirement fouraillé récupère son ardoise en piquant mes allemandes. des cloches tout à coup sautent avec furie et lancent vers le ciel un affreux hurlement, ainsi que des caves puant l’antipathie Qui exigent de moi un immédiat paiement. si d’enragés grappillards, à l’affût de mon fric, Prétendent longuement mon pognon leur échoir ; Vaincu, je me retire, épuisé, famélique, terre brûlée, fauchée, vivant sans arrosoir.
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