Yves Goulm-Galerie de portraits

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La poésie des anges David Homme de la rencontre Selon Tel en lui-même Sappho La lyre rageusement fracassée git sur le carrelage L’île frisonne L’amour est mort, bois sec, charme vaincu La poésie n’est d’aucun secours Meurtre passionnel. L’amour des rimes n’y suffit plus L’élu du cœur insensible L’antique attique s’enguerre Les armes langagent le présent Avenir de sang et de larmes Écrire sans lui L’insupportable absence Le corps de Sappho fend l’air La falaise frémie au ressenti du saut L’impassible mer l’attend.
Simonide de Céos Manteau, chaussures, déposés à l’entrée, Simonide, maître d’Illusion entre en toge, s’allonger à sa place assignée. Lorsque son tour vient, après jongleurs, danseuses et autres citharistes, Scopas, son hôte, d’un petit signe de la main, l’enjoint à déclamer. Simonide, premier poète à exiger une rémunération pour composer, entonne alors une ode lyrique en l’honneur de Scopas à l’intérieur duquel il glisse un passage glorifiant Castor et Pollux. Aux applaudissements des convives, Scopas averti l’hagiographe qu’il le rétribuera de la moitié de la somme convenue, lui conseillant de solliciter le solde auprès des dieux jumeaux célébrés dans son panégyrique. Ses hymnes et épinicies étaient fort appréciées, mais des personnages de premier rang le battaient froid de cette inédite contrainte à payer pour. Chafouin, Simonide se tait. Plus tard dans le banquet, les libations se succédant, un esclave l’avertit qu’on le mande. Deux jeunes gens désireux de lui parler l’attendent aux portes. Dans l’espoir d’une commande, il s’empresse. Las, dehors, personne. Il marche quelques pas dans le parc espérant que ses solliciteurs profitent des abords arborés pour flâner tant le fond de l’air est doux. Soudain, derrière lui, un gigantesque fracas le fait sursauter. La demeure de Scopas est en ruine, effacée derrière un épais rideau de fumée âcre. Le toit de la salle de banquet vient de s’écrouler sur les noceurs. Dans les décombres, la plupart des victimes seront inidentifiables. Atterrées, les familles en quête du corps chéri d’un parent sont désemparées devant les cadavres si horriblement mutilés. C’est grâce à Simonide le survivant miraculé qu’elles y parviendront. Il leur indiquera la place qu’occupait tel ou tel lorsqu’il les quitta, quelques secondes avant le drame. On le remercie, le louant de ce soulagement permettant les funérailles. Il en sera d’ailleurs triplement payé. Premier salaire : la vie sauve grâce à l’intercession des deux dieux invisibles l’extirpant hors du banquet avant l’effondrement du toit. Second salaire : la reconnaissance de nombreuses hautes familles de la cité qui lui vaudront par suite forces commandes. Troisième salaire : la prise de conscience de forger une technique capable d’armer l’esprit d’une acuité mémorielle vive d’où découlera l’invention de la mnémotechnie. L’on dira, écrira, méditera, glosera beaucoup sur Simonide… Il faut dire qu’un poème payé la moitié de son prix qui rétribue finalement trois fois de richesses essentielles, n’est pas donné à toute plume, fût-elle à l’origine de nouvelles lettres à l’alphabet enrichissant la palette des notations écrites. Pour la plupart, nos poèmes ne seront jamais payés du moindre sou, si ce n’est, pour une minuscule partie, d’une postérité à laquelle, sans la connaître jamais, nous pouvons reprocher sa venue tardive pour fleurir nos tombes lors que nous eûmes, en notre temps, tant besoin de garnir nos tables.
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