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Liège Museum n°6

Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : les "substituts" d'un procureur, surprenantes restaurations de verres,...

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A lire notamment : les "substituts" d'un procureur, surprenantes restaurations de verres,...

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<strong>Liège</strong>museum<br />

bulletin des musées de la Ville de <strong>Liège</strong> n° 6 mars 2013<br />

investigations<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

49


Ce numéro de <strong>Liège</strong>museum, le 5 e en parution régulière, et le 13 e si l’on compte les<br />

numéros spéciaux *, vient à nous pour débattre de la frontière, parfois fragile, entre<br />

le Vrai et le Faux.<br />

Il est des vrais surestimés, mais il est aussi des vrais trop hâtivement déclarés faux,<br />

des vrais qui pourraient bien être des faux, des faux qui sont des vrais masqués de<br />

restaurations abusives et excessives, des faux et des vrais qui n’en sont pas, ou<br />

plus.<br />

L’esprit humain s’est ingénié, depuis toujours, à jouer de cette limite ténue entre la<br />

vérité et le mensonge, entre supercherie et tromperie, entre rouerie et drôlerie, mais<br />

aussi à cerner au plus près la frontière entre vrai et faux, avec toutes les nuances<br />

que cela suppose.<br />

Les musées de la Ville de <strong>Liège</strong> bougent et se<br />

transforment.<br />

Le MAMAC aura fermé ses portes à l’heure<br />

où paraîtra ce numéro, pour laisser la place au<br />

chantier du futur Centre International d’Art et<br />

de Culture. Les œuvres du musée ont été rapatriées<br />

au BAL, où elles seront visibles à la mi-<br />

2013 dans un nouvel accrochage, associant<br />

les collections jusque là séparées d’art ancien,<br />

d’art wallon et la collection d’art moderne et<br />

d’art contemporain.<br />

Ce sont les scientifiques, et les sciences de plus en plus efficaces, qui nous aident<br />

aujourd’hui à mieux connaître notre patrimoine. S’ils remettent parfois en cause des<br />

attributions, des datations, ils ouvrent aussi parfois des pistes inattendues : les musées<br />

peuvent alors se lire comme de véritables enquêtes.<br />

Permettez-moi de profiter de cette fin d’année pour vous souhaiter une vraiment<br />

bonne année 2013.<br />

L'Échevin de la Culture<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

Bulletin des musées de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />

92, rue Féronstrée, BE-4000 <strong>Liège</strong>.<br />

museum@liege.be<br />

Imprimé à 3 000 exemplaires sur papier recyclé, sans chlore,<br />

par l’Imprimerie de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />

Photos : sauf mention contraire, Ville de <strong>Liège</strong><br />

(Marc Verpoorten, Yvette Lhoest).<br />

<strong>Liège</strong>, mars 2013, n° 6.<br />

Au mois d’octobre, le MULUM (musée liégeois<br />

du luminaire) a ouvert ses portes : la collection<br />

exceptionnelle de luminaires de toutes époques<br />

rassemblée par Philippe Deitz et donnée à la<br />

Ville est présentée dans une nouvelle scénographie<br />

des locaux de l’ancien MARAM, rue<br />

Mère-Dieu.<br />

En mars 2013, le musée Grétry sera rouvert<br />

au public, après sa complète rénovation. Puis<br />

c’est le musée d’Ansembourg qui sera à son<br />

tour entièrement réhabilité.<br />

<strong>Liège</strong>museum vous rendra compte fidèlement<br />

de ces avancées.<br />

Jean-Marc GAY<br />

Directeur des musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

3


Gaëtanne Warzée<br />

Les « substituts » d’un procureur<br />

Esquisses et portraits de Jean-Joseph Raikem autour du tableau conservé au BAL<br />

Dans la collection du BAL se trouve un portrait en pied du Procureur général Jean-<br />

Joseph Raikem (<strong>Liège</strong>, 1787-1875) (D), par le peintre Jean-Mathieu NISEN (Ster-<br />

Francorchamps 1819 - <strong>Liège</strong>, 1885). Ce tableau a été exécuté en 1880, cinq ans<br />

après la disparition de l’homme de loi comme suite à une commande officielle 1 . Il<br />

est une variante d’une peinture datant de 1868 (C) commandée par la Cour d’appel<br />

de <strong>Liège</strong> et conservée dans l’Ancien Palais des Princes-Évêques.<br />

Jean-Joseph Raikem est nommé Procureur général de la Cour d’appel de <strong>Liège</strong> le<br />

15 octobre 1830 2 . Cet avocat de formation avait déjà derrière lui une carrière bien<br />

remplie. Actif dans la Cité ardente depuis 1809, date à laquelle il avait obtenu son<br />

diplôme à l’Université libre de Bruxelles, il était aussi l’auteur d’un code de la cour de<br />

cassation. Nommé bâtonnier vingt ans plus tard, il sera élu concurremment membre<br />

du conseil de régence municipale de <strong>Liège</strong>. Lié étroitement à la création de la Belgique,<br />

il est tout autant un homme politique brillant (président de la Chambre de 1832 à<br />

1839 et ministre de la justice à deux reprises sous Léopold I er ) qu’un magistrat de<br />

haut vol. Ses écrits axés sur le droit constitutionnel et les institutions judiciaires ont<br />

fait date. Après avoir quitté la vie politique en 1848, il reprend son métier de magistrat<br />

au barreau de <strong>Liège</strong> jusqu’en 1867. Il consacre ses dernières années à la rédaction<br />

d’une somme sur les us et coutumes du Pays de <strong>Liège</strong> durant l’Ancien Régime.<br />

Dans les deux tableaux, Jean-Joseph Raikem est représenté debout, revêtu de sa toge,<br />

tenant de la main gauche un volume relié, allusions aux textes de loi et à ses écrits<br />

en la matière. Il s’appuie de la main droite sur un meuble bas. Il porte autour du cou<br />

sa décoration de Commandeur de la Légion d’Honneur et, épinglées sur sa poitrine<br />

du côté gauche, la Croix de Fer (qui récompensait les héros de 1830) et la plaque de<br />

Grand Cordon de l’Ordre de Léopold 3 . Le personnage, dont le regard soutenu se porte<br />

vers la gauche du spectateur, affiche un visage au menton volontaire esquissant un<br />

léger sourire. L’œuvre exécutée pour la justice liégeoise est la plus aboutie des deux<br />

versions. C’est là le portrait officiel du magistrat. La facture est plus léchée et le dessin<br />

plus précis que dans la version du BAL. En outre, des détails supplémentaires apparaissent<br />

dans le décor environnant le personnage : la plume dans l’encrier et les feuillets<br />

de papier sur le bureau, les pilastres en stuc de la pièce servant de fond à la composition<br />

et le tapis recouvrant le sol. L’œuvre a été présentée à l’Exposition générale<br />

des Beaux-Arts de 1869. Elle n’y a pas reçu bonne critique. La somptueuse robe<br />

rouge bordée d’hermine qu’arbore le magistrat est jugée trop criarde au détriment<br />

du personnage portraituré dont le caractère s’en trouverait gommé par la « tache »<br />

écarlate 4 . Le portrait est pourtant des plus réussi et réalisé avec grande dextérité.<br />

A. Jean-Théodore et Joseph-Arnold SERVAIS,<br />

Portrait de Jean-Joseph Raikem,<br />

photographie, vers 1867.<br />

Coll. du Musée de la Vie wallonne, <strong>Liège</strong>.<br />

© Province de <strong>Liège</strong> - Musée de la Vie wallonne.<br />

D’après Jules Bosmant, le peintre aurait mis beaucoup de soin dans l’exécution du<br />

tableau. Plusieurs esquisses de plus en plus élaborées auraient été réalisées. La<br />

rétrospective Jean-Mathieu NISEN, organisée par l’œuvre des artistes de mai à juin<br />

1928 au Conservatoire de musique de <strong>Liège</strong>, n’en comptait pas moins de trois : deux<br />

bustes à l’huile et une étude au crayon. Une autre vient de ressurgir sur le marché<br />

de l’art en 2010 (B). Bien que de petite dimension, sans commune mesure avec les<br />

deux tableaux liégeois, elle est indéniablement un travail préparatoire au portrait du<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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magistrat. Elle représente le personnage en pied et s’apparente au portrait du BAL<br />

par son rendu sommaire qui ne s’attache pas aux détails du décor. Elle donne à voir<br />

une silhouette synthétique qui ne laisse néanmoins aucun doute quant à l’identification<br />

du procureur. Enfin, une version plus aboutie, par sa composition et par son<br />

format de grande taille, a été repérée dans les années 2000 chez un antiquaire liégeois.<br />

Toujours est-il que le portrait « officiel » du Procureur, celui du Palais de <strong>Liège</strong>, a été<br />

exécuté d’après une photographie prise en 1867 (A) 5 . À cette époque, la pratique<br />

était beaucoup plus répandue qu’on ne pourrait le croire. Raikem était alors âgé de<br />

près de 80 ans et on sait qu’à la fin de sa vie il se déplaçait à l’aide d’une canne. Le<br />

peintre épargnera ainsi de longues séances de pose au vieil homme qui, en plus,<br />

n’était pas un modèle professionnel. Mais le recours à la photographie n’empêchera<br />

pas Jean-Mathieu NISEN, artiste éminemment consciencieux, de multiplier les esquisses<br />

et les dessins préparatoires au rendu du portrait final. L’écart entre le cliché et l’huile<br />

réside surtout dans le traitement du visage : dans le tableau, le magistrat est moins<br />

vieux, moins ridé et affiche un port de tête et un regard plus volontaires.<br />

On connaît aussi une représentation de Jean-Joseph Raikem du au pinceau de<br />

Barthélemy VIEILLEVOYE (Verviers, 1798 - <strong>Liège</strong>, 1855) (E). Ce tableau, commandé par<br />

l’État en 1850, fait partie de la galerie des portraits des présidents des assemblées<br />

législatives belges au Palais de la Nation. Il est conservé à la Chambre des représentants<br />

à Bruxelles, dont le Liégeois fut le président. Figuré ici en sa qualité d’homme<br />

d’État, Raikem est représenté assis. Comptant près de vingt années de moins que<br />

dans les tableaux de <strong>Liège</strong>, il a plus d’embonpoint, un visage bien rempli et le cheveu<br />

moins rare. Se tournant vers le peintre, il prend la pose accoudé sur son côté gauche<br />

à sa table de travail, tenant des écrits dans l’autre main. Le peintre a poussé le rendu<br />

jusque dans les moindres détails. La texture de la chemise, le satin du gilet sont tangibles<br />

tout comme sont identifiables les décorations au rendu minutieux (le centre<br />

de l’étoile de la Légion d’honneur orné de la médaille de la Monarchie de Juillet) ou<br />

encore les quelques mots très lisibles en bas des feuillets : Monsieur Raik (…) Président<br />

de la Chambre des Repr (…). Il porte la plaque Grand Officier de l’Ordre de<br />

Léopold, la plus haute distinction qu’il a reçue en la matière à cette époque.<br />

Enfin, un « portrait-charge » de Raikem par le sculpteur Michel DECOUX (<strong>Liège</strong>, 1837<br />

-1924) (F) fait partie des collections du Musée de la Vie wallonne à <strong>Liège</strong>. Il s’agit d’une<br />

figure en terre cuite, caricature qui donne à voir le vieillard tel qu’on pouvait le croiser<br />

dans les rues de la Cité ardente à la fin de sa vie : habillé d’une redingote, coiffé d’un<br />

haut-de forme, le dos voûté s’appuyant d’une canne pour marcher. Son souvenir<br />

persista longtemps paraît-il dans la mémoire des Liégeois.<br />

Il reste à se demander les raisons pour lesquelles le tableau du BAL a été exécuté<br />

cinq années après la mort de Jean-Joseph Raikem et de surcroît commandé par la<br />

Chambre de Bruxelles qui s’empressera l’année suivante de le mettre en dépôt dans<br />

les collections liégeoises. « Les portraits post mortem ne sont pas rares dans l’œuvre<br />

de Nisen » nous apprend Florence Branquart. Les représentations d’êtres chers ou<br />

trop tôt disparus sont destinées à perpétrer le souvenir du défunt auprès de ses proches.<br />

Dans ces cas-là, les tableaux du Verviétois portent très souvent la mention « peint après<br />

la mort », annotation qui ne figure pas sur le portrait du BAL, simplement signé et<br />

daté. Pourquoi réclamer une image supplémentaire du personnage, qui plus est dans<br />

sa fonction de magistrat ? Son effigie d’homme d’État était accrochée à la Chambre<br />

des représentants depuis 1850. Le palais de Justice de <strong>Liège</strong> conservait le souvenir<br />

du procureur dans le portrait de 1868 exécuté au terme de sa carrière juridique.<br />

Certes, l’œuvre posthume du BAL est de qualité et n’est pas une copie servile de<br />

l’original. Elle n’apporte cependant rien de plus à la représentation de ce citoyen à<br />

la carrière hors du commun. Mais la notoriété du personnage livre peut-être la clef<br />

de ces interrogations.<br />

<br />

B. Jean-Mathieu NISEN, Esquisse du portrait<br />

du Procureur général Jean-Joseph Raikem,<br />

huile sur toile marouflée sur panneau, 24 x 15, 5 cm.<br />

Coll. particulière. Photo Denis Henrotay.<br />

C. Jean-Mathieu NISEN, Portrait du Procureur<br />

général Jean-Joseph Raikem,<br />

huile sur toile, 205 x 127 cm, signée et datée J-M Nisen 1868,<br />

Salle du tribunal de la cour d’appel du Palais de Justice de <strong>Liège</strong>.<br />

Photo © Hugo Maertens, Bruges.<br />

D. Jean-Mathieu NISEN, Portrait du Procureur<br />

général Jean-Joseph Raikem,<br />

huile sur toile, 235 x 107 cm, signée et datée J-M Nisen 1880,<br />

Beaux-Arts <strong>Liège</strong>. © BAL.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

7


Jean-Paul Philippart<br />

Conservateur du département des verres<br />

Grand Curtius<br />

Surprenantes restaurations de verres<br />

Victimes d’une santé fragile, d’une restauration malhabile ou d’accidents imprévus<br />

Cet article passe en revue l’histoire de<br />

quelques restaurations de verres du<br />

Grand Curtius, étonnantes sans<br />

s’attarder sur les détails techniques.<br />

Dans chaque cas, les photographies et<br />

le texte abordent les caractéristiques<br />

des pièces, les causes du mauvais état<br />

du verre (maladie, restauration inadéquate<br />

ou casse accidentelle), les effets<br />

bénéfiques de leur restauration avec les<br />

éventuelles informations révélées lors de<br />

leur traitement.<br />

Un lifting étonnant<br />

Cette élégante aiguière a été mise au jour en<br />

Perse (Iran actuel) lors de fouilles réalisées au<br />

nord-est de la ville de Mashhad. La teinte générale<br />

du verre était brunâtre car il était recouvert<br />

de salissures et peut-être victime d’irisation<br />

1 . En fait, suite à son enfouissement, le<br />

verre était encrassé de concrétions terreuses<br />

et de résidus calcaires. Grâce à des mains<br />

précautionneuses maniant avec dextérité le<br />

coton-tige, les surfaces interne et externe du<br />

verre ont été nettoyées.<br />

E. Barthélemy VIEILLEVOYE,<br />

Portrait de<br />

Jean-Joseph Raikem,<br />

huile sur toile, 100 x 90 cm.<br />

Chambre des représentants,<br />

Bruxelles.<br />

© KIKI-IRPA, Bruxelles.<br />

Cette pièce islamique a retrouvé tout son éclat<br />

et sa transparence. Le verre limpide aux tonalités<br />

jaunâtres et verdâtres porte un décor moulé<br />

sur la panse : une frise de torsades et une<br />

autre répétant le nom d’Allah. La couleur du<br />

décor de la partie supérieure du col est plus<br />

visible, il s’agit d’un filet bleu déroulé à partir<br />

d’un pastillage turquoise. Le bec tréflé est bordé<br />

de verre turquoise et pourvu d’une anse miniature<br />

à laquelle est suspendu un petit anneau.<br />

F. Michel DECOUX,<br />

Portrait-charge de<br />

Jean-Joseph Raikem,<br />

terre cuite, 35 x 13,5 x 13,5 cm.<br />

Coll. du Musée de la Vie wallonne.<br />

© KIKI-IRPA, Bruxelles.<br />

1. Le BAL le renseigne comme dépôt du Gouvernement depuis<br />

1881 dans les collections de ce qui était alors le Musée<br />

des Beaux-Arts de la Cité ardente. Florence BRANQUART,<br />

auteure d’un excellent mémoire de licence à l’Université<br />

de <strong>Liège</strong> sur le peintre Jean-Mathieu NISEN, le prétend propriété<br />

de la Ville de Bruxelles (administration des Beaux-<br />

Arts, inv. 467) et en dépôt à la <strong>Liège</strong> depuis la même date.<br />

Que l’auteure trouve ici l’expression de mes remerciements<br />

pour m’avoir permis la consultation de son travail.<br />

2. Sur la vie et l’œuvre du personnage, voir entre autres Armand<br />

FRESON, « Jean-Joseph RAIKEM », dans Biographie nationale,<br />

t. XVIII, Bruxelles, 1905, col. 599-601 et René WARLOMONT,<br />

« Jean-Joseph Raikem » dans Biographie na-tionale, t. XXXIII,<br />

supplément t. V (fasc. I er ), Bruxelles, 1965, col. 617-622.<br />

3. Jean-Joseph Raikem est fait Officier de l’Ordre de Léopold<br />

le 1 er juin 1835, il devient Grand Officier du même ordre le<br />

7 juin 1839 et obtiendra finalement le grade de Grand Cordon<br />

le 19 juillet 1856. Il reçoit la Croix de fer (Belgique) en<br />

1835. Il est fait Officier de la Légion d’honneur le 22 juillet<br />

1836, puis Commandeur le 29 juillet 1837. On avait jusqu’ici<br />

prêté peu d’attention à ses distinctions qu’il arbore dans<br />

ses différents portraits en confondant l’Ordre de Léopold<br />

et l’Ordre de la Couronne (dont il n’est pas décoré) ou passant<br />

sous silence sa Croix de fer et sa Légion d’Honneur.<br />

Mes remerciements vont à Mme Christelle Créteur (Service<br />

public fédéral des Affaires étrangères, Commerce extérieur<br />

et Coopération au Développement, Service des Ordres nationaux<br />

à Bruxelles) et Mme Christine Minjollet (Grande Chancellerie<br />

de la Légion d’Honneur, Musée natio-nal de la Légion<br />

d’Honneur et des Ordres de Chevalerie à Paris) pour m’avoir<br />

confirmé et communiqué ces renseignements.<br />

4. P. MALLET, « Exposition générale des Beaux-Arts 1869 »,<br />

dans Revue de Belgique, t. III, octobre, Bruxelles, 1969, p.<br />

153. L’œuvre sera par la suite appréciée et reconnue à sa<br />

juste valeur. Elle figurera dans des manifestations officielles<br />

comme l’Exposition internationale de Londres en<br />

1871 et l’Exposition universelle de Paris de 1878.<br />

5. Cette découverte est le fait de Florence Branquart. La photographie<br />

est reproduite dans le catalogue d’exposition La<br />

photographie en Wallonie. Des origines à 1940, <strong>Liège</strong>,<br />

Musée de la Vie wallonne, du 19 octobre au 27 avril 1980,<br />

p. 31-32. La notice n° 124 du catalogue Vers la modernité.<br />

Le XIX e siècle au Pays de <strong>Liège</strong> soutient que le tableau posthume<br />

du BAL a lui aussi été réalisé d’après la photographie<br />

de 1867.<br />

Bibliographie<br />

- Catalogue de la Rétrospective Jean-Mathieu Nisen, <strong>Liège</strong>,<br />

Œuvre des artistes, 1928.<br />

- Jules BOSMANT, La Peinture et la Sculpture au Pays de<br />

<strong>Liège</strong> de 1793 à nos jours, <strong>Liège</strong>, Mawet, 1930, p. 78, 81,<br />

98 et 139.<br />

- Florence BRANQUART, Jean-Mathieu Nisen (1819-1885),<br />

<strong>Liège</strong>, mémoire de licence dactylographié et non publié,<br />

1992-1993.<br />

- Florence BRANQUART, Jean-Mathieu Nisen (1819-1885),<br />

travail présenté pour le concours annuel de la Classe des<br />

beaux-arts de l’Académie royale de Belgique, section histoire<br />

et critique, sixième question, mars 1996.<br />

- Catalogue de l’exposition Vers la modernité. Le XIX e siècle<br />

au Pays de <strong>Liège</strong>, <strong>Liège</strong>, Musée de l’Art wallon et Salle Saint-<br />

Georges, 5 octobre 2001 au 20 janvier 2002, p. 64, 337,<br />

348 et passim.<br />

Aiguière avant et après restauration<br />

Iran, fin du 11 e - 12 e s.<br />

H 18,5 - Ø panse 9,5 cm.<br />

Grand Curtius, département du verre, 64/49.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

8<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

9


Une pièce maîtresse ressuscitée<br />

Un squelette peu catholique<br />

sous la robe de bure<br />

Les lacunes des œuvres en verre<br />

La face cachée de Méduse<br />

- Grande aiguière réalisée à la façon de Venise,<br />

un des chefs-d’œuvre de la collection.<br />

- Achat chez Stora à Paris en décembre 1937<br />

(ancienne collection Robert de Rothschild)<br />

par Armand Baar dont la collection 2 fut<br />

achetée par la Ville de <strong>Liège</strong> en 1952.<br />

- Casse lors d’un déménagement en 2001.<br />

Diagnostic : pièce très brisée qui n’aura plus<br />

de valeur, même après recollage des morceaux.<br />

Cette aiguière réalisée durant la Renaissance<br />

frise la perfection par son « design » unique au<br />

monde. Elle impressionne toujours le visiteur<br />

par son port altier et son élégance.<br />

Grâce aux doigts de fée de Chantal Fontaine,<br />

Chef de travaux pour la restauration verrière de<br />

l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA),<br />

qui a restauré l’œuvre, il est presque impossible<br />

de deviner qu’elle a été complètement<br />

recollée. En fait, tous les fragments de verre<br />

ont été retrouvés car la pièce a été brisée<br />

dans sa boîte d’emballage.<br />

Et, comme elle le signale, « à quelque chose<br />

malheur est bon » 3 puisqu’elle a saisi l’opportunité<br />

d’observer l’œuvre à la loupe. L’analyse<br />

du verre et les comparaisons au niveau des<br />

formes (le pied et l’anse) et des techniques décoratives<br />

(filigranes blancs appliqués en relief<br />

et mascarons en forme de tête de démon) ont<br />

permis de prouver que l’aiguière provenait<br />

d’un atelier catalan, en Espagne.<br />

Depuis le 1 er septembre 2011, ce verre exceptionnel<br />

fait partie des Trésors culturels classés<br />

par la Fédération Wallonie-Bruxelles. 4<br />

Le 4 mars 1565, la duchesse de Nevers Henriette<br />

épouse Louis de Gonzague (1539-1595), gouverneur<br />

du Piémont, région du nord-ouest de<br />

l’Italie. Cette union favorise l’arrivée de verriers<br />

piémontais spécialisés dans la fabrication de<br />

figurines en verre filé, coûteuses et très prisées<br />

par la noblesse dès le 17 e siècle. On raconte<br />

que le jeune roi Louis XIII se plaisait à jouer avec<br />

ces petits personnages que lui offrait son épouse<br />

Anne d’Autriche. 5<br />

À la fin du 18 e et au début du 19 e siècle, la clientèle<br />

en Europe ; moins onéreuses, ces pièces<br />

sont vendues au détail par des religieuses. De<br />

style naïf, les figurines sont isolées ou disposées<br />

sur des maquettes ou dans des boîtes vitrées<br />

pour illustrer des scènes religieuses, de<br />

la vie quotidienne ou à caractère historique.<br />

Arrivée à l’IRPA, notre figurine de moine, encrassée<br />

au fil du temps, a bénéficié d’un nettoyage<br />

approprié. Ensuite, pour savoir ce qui se<br />

cachait sous sa robe de bure, elle subit une<br />

radiographie qui a révélé un des aspects de la<br />

technique secrète des artisans émailleurs piémontais.<br />

Ceux-ci confectionnaient d’abord un<br />

« squelette » formé de fils métalliques enroulés,<br />

sur lequel ils appliquaient le verre à l’état pâteux.<br />

Le procédé verrier consiste à rendre<br />

malléables de fins bâtonnets de verre transparent<br />

ou coloré en les chauffant à la flamme<br />

d’une lampe afin de les étirer en fils très fins,<br />

puis de façonner le verre ramolli à l’aide de<br />

pinces. Un travail réalisé tout en finesse par<br />

des artisans émailleurs qui gardaient jalousement<br />

leur secret de fabrication.<br />

Figurine<br />

Nevers, 19 e siècle,<br />

H 7,7 cm.<br />

Grand Curtius,<br />

département du verre,<br />

B/1685, (photo IRPA).<br />

Radiographie<br />

de la figurine<br />

Photo IRPA, C. Fontaine<br />

et G. Van de Voode.<br />

Amphorisque<br />

Proche-Orient, côte syro-palestinienne,<br />

1 ère moitié du 1 er s. ap. J.-C.<br />

H 9 - Ø panse 7 cm.<br />

Grand Curtius, département du verre, B/420.<br />

1a Face avec le côté droit plâtré,<br />

avant traitement (photo S. Benrubi).<br />

1a<br />

1b<br />

Lorsqu’il manque des fragments pour reconstituer<br />

une pièce de verrerie trouvée lors de fouilles<br />

ou brisée accidentellement, c’est un peu comme<br />

un puzzle dont il manquerait des pièces : on voudrait<br />

le terminer pour en observer l’entièreté.<br />

La tentation est grande de combler les lacunes<br />

pour pouvoir disposer d’une œuvre « faussement<br />

» entière et de l’exposer sous son meilleur<br />

jour au visiteur.<br />

Auparavant, les restaurateurs et/ou les conservateurs<br />

de musée optaient pour une reconstitution<br />

des pièces lacunaires. À l’heure actuelle,<br />

on privilégie la vision de l’œuvre dans son état<br />

originel quitte à exposer des pièces fragmentaires.<br />

Chaque objet a sa propre histoire et,<br />

afin de ne pas tromper le public, il doit lui être<br />

présenté tel qu’il nous est parvenu.<br />

Trois exemples sont montrés ici :<br />

- une amphorisque avec tête de Méduse ;<br />

- deux pendentifs en forme de tête humaine ;<br />

- un calice Renaissance.<br />

Cette belle amphorisque d’époque romaine à<br />

la panse ronde aplatie porte un décor moulé<br />

sur chacune de ses faces représentant une<br />

tête de Méduse 6 . Celle-ci, lorsqu’elle orne un<br />

objet, est censée protéger son propriétaire du<br />

malheur ou de la maladie.<br />

Méduse avait déjà le teint terne gris-verdâtre<br />

et irisé avant son acquisition par Armand Baar<br />

à Beyrouth en 1934. Il apparaît qu’une restauration<br />

– ou plutôt un maquillage disgracieux et<br />

malhabile – avait déjà été effectuée sur l’amphorisque<br />

avant son arrivée chez le marchand ou<br />

l’antiquaire. Peut-être même à la demande de<br />

celui-ci ? Le verre n’était plus transparent et<br />

présentait une opacification 7 qui n’était pas la<br />

conséquence d’une mauvaise qualité du matériau<br />

mais qui était intentionnelle. En effet, l’intérieur<br />

du récipient était rempli d’un mélange de<br />

terre et de cendres, rembourré avec du papier.<br />

Les décors en relief, le raccord des anses à la<br />

panse et le côté droit d’une des deux faces<br />

avaient été reconstitués en plâtre, intentionnellement<br />

noirci et irisé 8 (1a). L’enlèvement du plâtre<br />

révéla qu’une partie du flacon manquait (1b).<br />

Après les opérations de démontage et de nettoyage,<br />

les fragments originels obtenus ont<br />

été recollés. La grande lacune d’une des deux<br />

faces n’a pas été comblée ni l’extrémité inférieure<br />

des anses qui ne devaient pas prendre<br />

appui sur la panse, apparentant notre amphorisque<br />

à la production d’un atelier dénommé<br />

« atelier des anses flottantes » 9 . Toutefois, afin<br />

de sécuriser la manipulation de l’objet, une<br />

feuille en résine a été appliquée entre la face<br />

complète et la face endommagée (2a). Avec<br />

son sourire, Méduse a retrouvé sa couleur translucide<br />

et sa légèreté d’origine (2b).<br />

2b<br />

1b Démontage de l’amphorisque<br />

montrant le côté plâtré avec<br />

soutien interne en papier<br />

(photo IRPA).<br />

Aiguière restaurée et en fragments (photo IRPA)<br />

Catalogne, 2 nde moitié 16 e - début 17 e s.<br />

H 49,2 - L 17,5 cm.<br />

Grand Curtius, département du verre, B/1613.<br />

2a Côté lacunaire après<br />

reconstitution partielle<br />

(languette et fragment longitudinal<br />

situés juste audessus<br />

des cercles en relief)<br />

en résine (photo IRPA).<br />

2b Face la mieux conservée<br />

après traitement (photo IRPA).<br />

2a<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

10<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

11


Deux « masques pendentifs »<br />

au visage défiguré<br />

Une jambe miraculeuse<br />

pour le calice de Saint-Martin<br />

Ces deux pendentifs en forme de tête humaine<br />

« provenant des fouilles de Carthage » 10 font<br />

partie d’un lot de dix-neuf pièces antiques<br />

dont plusieurs perles cylindriques et allongées,<br />

achetées par ou pour Armand Baar à Tunis<br />

chez Chavanne en septembre 1912. Fortement<br />

endommagés lors de leur découverte,<br />

ces masques ont subi une restauration carnavalesque<br />

en plasticine (1a, 1b, 2a et 2b).<br />

La décision était difficile à prendre, mais il fallait<br />

restaurer ces deux masques pour retrouver leur<br />

état d’origine. Après l’enlèvement de la plasticine<br />

et le nettoyage des fragments, les photos<br />

parlent d’elles-mêmes.<br />

Pour la première tête, il reste un visage fragmentaire<br />

au nez proéminent. Deux pastillages<br />

noirs figurent les yeux et le front est marqué<br />

par un bandeau noir (1c). On peut voir à quoi<br />

devait ressembler cette tête sur la photo d’une<br />

pièce similaire (1d) et constater que la barbe<br />

et la coiffure étaient une pure interprétation de<br />

la pièce originelle.<br />

Pour la seconde tête, il ne reste que trois<br />

fragments qui proviendraient de deux « masques<br />

pendentifs » différents : un fragment de visage<br />

au grand œil cerné de noir et à la bouche<br />

ébahie, un fragment de coiffure bleue au cheveux<br />

en torsades et un fragment de barbe torsadée<br />

(2c). Ce traitement de la coiffure et de<br />

la barbe est typique des pendentifs en forme<br />

de tête produits à Carthage aux 4 e et 5 e siècles<br />

avant J.-C. (2d).<br />

La technique utilisée était celle de l’enduction<br />

du verre à l’état pâteux sur un noyau d’argile.<br />

Aujourd’hui, ces pièces ont repris leur aspect<br />

d’origine ainsi qu’une réelle valeur artistique<br />

car elles témoignent d’une des plus anciennes<br />

techniques verrières de l’Antiquité.<br />

Pendentif céphalomorphe<br />

Carthage, 2 e moitié du 4 e - début du 3 e s. av. J.-C.<br />

Grand Curtius, département du verre, B/14292, (photos IRPA).<br />

1a 1b 1d<br />

1c<br />

Pendentif céphalomorphe<br />

2c<br />

Proche-Orient, côte syro-palestinienne<br />

ou Carthage, 6 e - 4 e s. av. J.-C.<br />

Grand Curtius, département du verre, B/14291, (photos IRPA).<br />

1a Avant traitement (coiffure et barbe en plasticine brune).<br />

1b Idem, vue de dos, avec renfort en plasticine verte.<br />

1c Après nettoyage et démontage (photo IRPA).<br />

1d Pendentif céphalomorphe<br />

Proche-Orient, côte syro-palestinienne ou Carthage,<br />

6 e - 4 e s. av. J.-C.<br />

Collection particulière (photo M. Beck-Coppola).<br />

2a<br />

2b<br />

2d<br />

1. Décomposition du verre qui se manifeste par l’apparition<br />

d’écailles dorées et irisées (aux couleurs de l’arc-en-ciel).<br />

Cette altération est irréversible et une consolidation de la<br />

surface est nécessaire.<br />

2. Collection de plus de 2 400 objets constituant le noyau principal<br />

du département du verre du Grand Curtius.<br />

3. Chantal FONTAINE-HODIAMONT, « La remarquable aiguière<br />

du Musée du Verre à <strong>Liège</strong> : nouveau regard sur un “façon<br />

de Venise” catalan, seconde moitié du XVI e - début du XVII e<br />

siècle », p. 202, dans Bulletin de l’IRPA 32, 2006-2008, p.<br />

201-224.<br />

4. En vue de les protéger, depuis le 11 juillet 2002, le gouvernement<br />

de la Fédération Wallonie-Bruxelles procède au<br />

classement des biens culturels mobiliers et du patrimoine<br />

immatériel, en raison de leur valeur historique, archéologique,<br />

ethnologique ou scientifique.<br />

5. C. P., « Le verre filé, de la crèche à la Bastille », dans La Gazette<br />

de l’Hôtel Drouot n° 43, 29 novembre 2012, p. 34.<br />

6. Dans la mythologie grecque, Méduse était une créature<br />

fantastique à la chevelure de serpents et transformait en<br />

pierre toute personne qui osait la regarder dans les yeux.<br />

7. Altération irréversible du verre qui perd sa transparence et<br />

devient blanchâtre ou brunâtre.<br />

8. Chantal FONTAINE-HODIAMONT et Sarah BENRUBI, « Le traitement<br />

de lacunes dans la restauration des verres soufflésmoulés<br />

: le cas de deux récipients proche-orientaux de la<br />

première moitié du 1 er siècle apr. J.-C. (Musée Grand Curtius,<br />

<strong>Liège</strong>) », p. 67, dans Scienta Artis 5, Actes du colloque<br />

D’Ennion au Val Saint-Lambert, p. 63-71.<br />

Ce verre fragmentaire a été découvert à <strong>Liège</strong><br />

en 1979, lors des fouilles effectuées dans une<br />

tombe de la tour de la basilique Saint-Martin.<br />

Il s’agit d’un superbe modèle de calice enterré<br />

avec le défunt. La coupe est ornée de fines<br />

côtes prolongées par des filets bleus étirés à<br />

la pince et suspendus à la partie inférieure du<br />

récipient.<br />

La matière est très altérée, la dévitrification a<br />

rendu le verre brunâtre (probablement incolore<br />

à l’origine) et très fragile. Il avait fait l’objet d’une<br />

première restauration avec le recollage des fragments<br />

et la consolidation de la jambe au moyen<br />

de tiges en cire rouge 11 .<br />

Après son arrivée à l’IRPA, la surface du verre<br />

a été consolidée et les anciens collages ont<br />

été démontés afin d’obtenir les 34 fragments<br />

originels. Après leur nettoyage puis une nouvelle<br />

consolidation, les fragments ont été recollés.<br />

Malheureusement, il était impossible de<br />

raccorder la jambe à la coupe et d’assurer la<br />

stabilité du calice à cause des lacunes importantes<br />

au niveau du pied. Un support en feuilles<br />

de polycarbonate a donc été élaboré d’après<br />

le dessin du verre publié au moment de la<br />

fouille 12 et a été inséré dans la partie supérieure<br />

de la tige, à la base de la coupe.<br />

Dans ce cas précis, la reconstitution était nécessaire<br />

car elle a permis de raccorder les différents<br />

fragments de la jambe et de fixer les fragments<br />

du pied sur la base circulaire du support.<br />

Celui-ci assure désormais la stabilité du verre<br />

qui fait partie des plus belles pièces exposées<br />

au Grand Curtius. Ce bel exemple illustre l’heureuse<br />

complémentarité d’un matériau issu<br />

d’une technologie du 20 e siècle et d’un<br />

matériau fabriqué durant la<br />

Renaissance.<br />

<br />

Calice de Saint-Martin<br />

<strong>Liège</strong>, fin du 16 e - début du 17 e s.<br />

H probable 23, Ø pied 10,5 cm.<br />

À son arrivée à l’IRPA et après restauration.<br />

Grand Curtius, département du verre, N 24 (Collection MARAM)<br />

2a Avant traitement.<br />

9. Ibidem, p. 69.<br />

2b Idem, vue de dos, avec renfort en plasticine beige.<br />

10. Tel que mentionné sur la fiche Baar.<br />

2c Après nettoyage et démontage.<br />

2d Pendentif céphalomorphe<br />

Carthage, 2 e moitié du 4 e - début du 3 e s. av. J.-C.<br />

Collection particulière (photo M. Beck-Coppola).<br />

11. Chantal FONTAINE-HODIAMONT, « Traitement du calice élancé<br />

à tige creuse, fin XVI e - début XV e s. », p. 273, dans Bulletin<br />

de l’IRPA 28, 1999/2000, p. 273-276.<br />

12. Ibidem, p. 274.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

13


Centre européen d’Archéométrie,<br />

Université de <strong>Liège</strong><br />

Les multiples reprises du fond<br />

de La famille Soler de Picasso, 1903<br />

L’entreprise d’une étude technique et matérielle de la partie centrale du triptyque<br />

domestique, exécuté par PICASSO en 1903, est principalement motivée par la méconnaissance<br />

des versions antérieures et par l’aspect hétérogène que présente actuellement<br />

le fond. Par le biais de techniques d’examens et d’analyses non destructives<br />

(réflectographie infrarouge, radiographie de rayons X, diffraction de rayons X, spectroscopies<br />

Raman, infrarouge et de fluorescence X) nous cherchons à récolter un<br />

maximum d’informations relatives à l’apparence du fond original ; aux couleurs et<br />

aux détails de composition du sous-bois réalisé par Vidal, et enfin au degré d’aboutissement<br />

des essais cubistes.<br />

De cette façon nous espérons parvenir à reconstituer les états intermédiaires de<br />

l’œuvre de manière fidèle. Mais les examens et analyses entrepris visent également<br />

à diagnostiquer l’état de conservation du fond actuel. En effet, le degré de transparence<br />

et la discontinuité des plages colorées que l’on observe aujourd’hui pourraient<br />

résulter de modifications optiques et non pas d’un parti pris par l’artiste. Cette<br />

recherche bénéficie de la collaboration de l’Université de Gand et de l’Université de<br />

Pierre et Marie Curie (Paris).<br />

<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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Carmen Genten<br />

Historienne de l’art<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Un poète de la couleur<br />

Acquisition d’un tableau de Michael Kravagna au BAL<br />

Michael Kravagna, Sans titre, 2009-2011<br />

Huile sur toile marouflée sur panneau<br />

160 x 160 cm<br />

Collection du BAL<br />

À droite : détail.<br />

L’artiste et son atelier<br />

Peintre d’origine autrichienne, Michael KRAVAGNA<br />

vit depuis les années 1990 en Belgique. Ce<br />

quinquagénaire issu de l’Université des Arts appliqués<br />

de Vienne s’est établi en région condruzienne,<br />

dans une ancienne école de village.<br />

Au début de sa carrière, KRAVAGNA s’exprime<br />

en figuratif, mais se concentre par la suite sur<br />

la couleur ; il en étudie l’essence, la texture et<br />

l’effet sur le spectateur. Son art devient ainsi<br />

progressivement abstrait et minimaliste. Aujourd’hui,<br />

il est présenté par des galeries belges,<br />

autrichiennes, allemandes et luxembourgeoises.<br />

Après une première présence de l’artiste au<br />

Musée de l’Art wallon en 2009, pour l’exposition<br />

Couples à p(art)tager, sa toile Sans titre<br />

(2009-2011) intègre maintenant le rang des<br />

Joseph LACASSE et Jean-Luc HERMAN au BAL.<br />

KRAVAGNA dégage une sérénité intense. Son<br />

apparence pragmatique et réservée paraît bien<br />

caractéristique de la culture germanique. Celui<br />

qui a la chance de pénétrer son espace de<br />

travail n’y trouvera pas de chaos artistique, il<br />

entrera au contraire dans un oasis de calme et<br />

de réflexion. Le matériel est bien rangé mais le<br />

parquet blanchi et le mur de travail témoignent<br />

des gestes créateurs. Rythmée par de longs<br />

processus de préparation et de séchage, la<br />

méthode semble très rationnelle ; elle génère<br />

un art posé, à l’image de son créateur.<br />

Les tableaux préparés, attendant la mise en couleur,<br />

la reprise du travail ou sa finition, se comptent<br />

par centaines. Leur stockage dépasse les murs<br />

de l’atelier, lieu réservé à la création. De nombreux<br />

panneaux et toiles accrochés, rangés et<br />

empilés envahissent et habitent ainsi sa maison.<br />

Son format préféré étant le carré, ses supports<br />

oscillent entre 15 et 190 cm. Son atelier ne permet<br />

pas encore des dimensions monumentales,<br />

mais contempler des peintures plus grandes<br />

serait un véritable bonheur.<br />

À la quête d’universel<br />

Si c’est la nature qui lui sert de terrain d’inspiration,<br />

ne cherchez pas chez lui de paysages ;<br />

sans vouloir la copier, la nature lui fournit plutôt<br />

des atmosphères qu’il tente de reproduire dans<br />

ses compositions.<br />

Ses créations exigent beaucoup de patience.<br />

KRAVAGNA débute par la préparation des supports<br />

: il tend et prépare lui-même aussi bien<br />

les toiles sur châssis que les panneaux. Enduisant<br />

d’une traite plusieurs supports du même<br />

format, ceux-ci lui servent de base à des séries.<br />

Ensuite l’artiste se livre à des recherches sur<br />

le mélange des pigments qu’il lie à l’huile, au<br />

vernis ou à la tempera. Des bandes d’essais<br />

de couleurs, accompagnant l’achat de notre<br />

toile en 2012, témoignent du soin et du temps<br />

qu’il s’accorde pour trouver le bon mélange<br />

de pigments, selon la texture et l’aspect de la<br />

couleur recherchés.<br />

La durée de séchage des huiles convient parfaitement<br />

à son modus operandi, puisqu’elle<br />

lui permet de prendre son temps, de réfléchir.<br />

Les œuvres correspondent au caractère de l’artiste<br />

: organisé. Les gestes ne sont pas spontanés<br />

mais réfléchis à l’avance.<br />

Après une période de création intégrant des<br />

formes géométriques dans ses compositions,<br />

il n’y subsiste aujourd’hui plus que la couleur.<br />

Ce virtuose de la restriction chromatique se défend<br />

de peindre du « monochrome » : il s’agit<br />

de constructions colorées, assemblées à partir<br />

de multiples couches successives de couleurs<br />

différentes. Au fil du temps, sa peinture a atteint<br />

un tel degré d’intensité qu’elle ne souffre plus<br />

de superflu. Dans ses compositions, KRAVAGNA<br />

construit un équilibre de couleurs à ce point profondes<br />

qu’elles semblent flotter dans l’espace.<br />

Couleurs veloutées, apposées tantôt en grands<br />

aplats, tantôt rythmées en stries ou en sillons<br />

profonds, elles créent des associations vibrantes<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

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Mes vifs remerciements à l’artiste<br />

Jean-Paul Philippart<br />

Conservateur du département des verres<br />

Grand Curtius<br />

L’Algue bleue ou un Cadeau de maître (verrier)<br />

Double don d’œuvre<br />

et à la fois apaisantes, méditatives. Telle que<br />

de la matière vivante, la couleur change d’effet<br />

selon l’angle de vision du spectateur et l’incite<br />

à circuler devant le tableau. Les reliefs de la<br />

pâte et le moindre changement de lumière suscitent<br />

des structures rythmiques colorées. Cette<br />

emprise sur la couleur est obtenue notamment<br />

par l’utilisation calculée des liants mélangés aux<br />

pigments.<br />

L’ivresse de la couleur<br />

Ce que KRAVAGNA désigne Bildaufbau (construction<br />

de la composition) est l’élément central de<br />

son œuvre. Il travaille durant de longues périodes<br />

sur un même tableau, parfois jusqu’à deux ou<br />

trois ans. La pâte s’épaississant, KRAVAGNA façonne<br />

la surface picturale jusqu’à l’obtention<br />

de l’effet recherché. Il avance parallèlement<br />

sur plusieurs œuvres, employant différentes techniques.<br />

Il les laisse ensuite reposer plus ou moins<br />

longtemps, afin de permettre aux couches de<br />

sécher. Il lui arrive de surpeindre une œuvre<br />

après des années, d’autres sont décapées au<br />

kärcher pour en enlever partiellement des<br />

couches de pigments – un acte étonnamment<br />

agressif étant donné son caractère.<br />

Il faut découvrir par soi-même et ainsi apprendre<br />

ce que l’art peut accomplir au-delà du vacarme<br />

d’un marché de l’art progressant sans répit :<br />

nous ouvrir les yeux. KRAVAGNA contraint le spectateur<br />

à entamer une recherche, il doit a-percevoir.<br />

Cela nécessite du temps et une démarche<br />

active envers l’œuvre ; il doit passer et repasser<br />

devant le tableau pour qu’une multitude de<br />

nuances puissent surgir du prétendu monochrome.<br />

KRAVAGNA crée des tableaux intemporels<br />

et vibrants, où la couleur flotte en suspension.<br />

Le regard captivé par la composition, il plonge<br />

dans la couleur jusqu’à s’y perdre.<br />

<br />

Atelier Kravagna (photos Michael Kravagna).<br />

Louis LELOUP, né à Seraing en 1929, est<br />

un des artistes belges contemporains<br />

les plus créatifs et est reconnu en tant<br />

que designer hors pair dans le domaine<br />

de l’art verrier au niveau international.<br />

Louis Leloup, Le Cadeau, 1982<br />

H 51 - L 29,5 cm avec socle.<br />

Grand Curtius, département du verre, 93/3<br />

Engagé à 18 ans aux Cristalleries du Val Saint-<br />

Lambert, Louis LELOUP maîtrisa rapidement<br />

l’art de travailler la matière. Devenu Chef de<br />

place, il mit en forme des créations de Charles<br />

GRAFFART et de René DELVENNE. En 1972, il<br />

s’installa comme indépendant et réalisa ses<br />

œuvres dans son atelier, adhérant au mouvement<br />

« Studio Glass », créé par l’États-unien<br />

Harvey LITTLETON. Libre de toute contrainte, il<br />

laissa libre cours à son imagination et mit au<br />

point des techniques de mise en forme et de<br />

décor inédites.<br />

Cette sculpture, réalisée en 1982 (comme la<br />

célèbre Méduse), s’inscrit dans l’une des séries<br />

d’œuvres les plus typiques du maître verrier<br />

sérésien. Elle est composée d’un bloc de<br />

cristal taillé, aux contours irréguliers, et<br />

satiné par des immersions successives<br />

dans des bains d’acide. Il est<br />

incrusté d’oxydes métalliques jaunes<br />

et dorés jetés dans la pâte vitreuse.<br />

Le décor bleu filigrané de blanc est<br />

composé d’un cordon à enroulements<br />

superposés à l’extrémité en forme de<br />

corolle, véritable prouesse d’application<br />

à chaud.<br />

L’algue bleue fut présentée à la Salle<br />

Saint-Georges lors de l’exposition<br />

Le maître verrier Louis Leloup organisée<br />

par la Ville de <strong>Liège</strong> du 11 juin<br />

au 25 juillet 1982. Afin de remercier<br />

le Conservateur du Musée du Verre<br />

de l’époque, l’artiste lui offrit cette<br />

sculpture. En 1993, son propriétaire<br />

décida de la revendre et Louis LELOUP repéra<br />

la pièce à la Salle de vente « Le Mosan ». Dès<br />

lors, l’artiste la racheta et, en grand seigneur,<br />

il en fit don au Musée du Verre de <strong>Liège</strong> en la<br />

rebaptisant Le Cadeau.<br />

<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

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n° 6, mars 2013<br />

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JLS<br />

Jean-Luc Schütz<br />

Conservateur du département d’archéologie<br />

Grand Curtius<br />

Projet de restauration<br />

de la mosaïque romaine de Haccourt<br />

Un oushebti au nom de Hori<br />

Des pièces de la tombe de Hori éparpillée se rassemblent à <strong>Liège</strong><br />

Entre 1967 et 1970, quatre campagnes de<br />

fouilles (d’une durée totale de 17 mois) menées<br />

à Haccourt (Oupeye, <strong>Liège</strong>) par le Service national<br />

des fouilles, sous la direction de G. de Boe,<br />

ont mis au jour le corps de logis et les installations<br />

thermales d’une villa romaine implantée<br />

au sud-ouest du village.<br />

Un sol mosaïqué mesurant environ 6 m sur<br />

4,40 m, découvert entre août et septembre 1969<br />

durant la troisième campagne de fouilles, fut<br />

déposé par l’État au Musée Curtius le 3 juin<br />

1970, au même titre que le mobilier archéologique<br />

issu des quatre campagnes de fouilles.<br />

La mosaïque à décor géométrique, qui daterait<br />

de la fin du I er siècle ou du début du II e siècle<br />

après J.-C., provient du frigidarium de la première<br />

installation des bains. Les tesselles utilisées,<br />

en calcaire bleu-gris et blanc, sont de dimensions<br />

variées, allant de 1 à 2,5 cm de côté.<br />

In situ, le démontage du tessellatum fut rendu<br />

possible grâce à l’intervention du Dr. H. Cüppers<br />

et du restaurateur M. Baden, tous deux du<br />

Rheinisches Landesmuseum de Trèves. Un plan<br />

de découpage de la mosaïque en 18 panneaux<br />

est conservé dans les archives du musée. L’intervention<br />

du restaurateur sur le chantier consistait<br />

à entoiler les tesselles et à désolidariser le pavement<br />

de la couche de mortier qui le maintenait<br />

en place. Chaque panneau de mosaïque ainsi<br />

découpé, maintenu entre des panneaux de<br />

bois, fut retourné et numéroté.<br />

La partie la plus intéressante de la mosaïque<br />

est un panneau central carré, de 2,44 sur 2,43 m<br />

de côté (panneaux n° 5, 6, 9 et 10 d’après le<br />

plan de découpage au 1/20), délimité par une<br />

bande blanche de 8 cm. Il se compose d’un<br />

damier de 25 carrés ; chaque carré étant orné<br />

d’un carré sur pointe en opposition de couleur<br />

avec le fond (carré sur pointe bleu-gris, sur fond<br />

blanc ; carré sur pointe blanc, sur fond bleugris).<br />

Quatre tesselles de même couleur que le<br />

fond ornent le centre des carrés sur pointe.<br />

De larges bandes de tesselles noires et une<br />

bande de tesselles rouges, sans grand intérêt,<br />

constituent le reste de la mosaïque.<br />

Dans les mois qui viennent, les quatre panneaux<br />

ornés de carrés sur pointes devraient<br />

faire l’objet d’une restauration (désentoilage,<br />

nettoyage et élimination des concrétions, comblement<br />

des lacunes, …) qui inclura la fixation<br />

du décor sur un support vertical rigide. L’objectif<br />

est d’intégrer ce fragment de mosaïque aux<br />

collections gallo-romaines exposées au Grand<br />

Curtius.<br />

Frigidarium : bains froids.<br />

Opus tessellatum : sol mosaïqué composé<br />

de tesselles juxtaposées.<br />

Référence bibliographique : G. DE BOE, « Haccourt I.<br />

Vestiges d’habitat pré-romain et premières périodes de la<br />

villa romaine », Archaeologia Belgica 168, Bruxelles, 1974.<br />

Ci-dessous, plan de découpage in situ de la mosaïque<br />

romaine de Haccourt.<br />

Ci-dessus, reconstitution graphique du panneau central.<br />

Inv. D/70/26 - GC.ARC.01h.1970.50071<br />

<br />

Le 28 juin 2005, le Conseil communal<br />

de la Ville de <strong>Liège</strong> décidait de recourir à<br />

un marché à passer par procédure<br />

négociée, pour l’acquisition d’un<br />

oushebti au nom de Hori. Cet objet,<br />

destiné aux musées communaux, fut<br />

pour la première fois présenté au public<br />

à l’occasion de l’exposition La Caravane<br />

du Caire. L’Égypte sur d’autres rives,<br />

qui se tint à la salle Saint-Georges, du<br />

15 septembre au 24 décembre 2006.<br />

Oushebti au nom de Hori<br />

H. 12,9 cm ; larg. 3,9 cm ; prof. 2,6 cm.<br />

GC.ARC.01c.2005.000687<br />

La statuette funéraire momiforme en faïence<br />

bleue, au nom de Hori – fils du prince Khaemouaset,<br />

lui-même quatrième fils du pharaon<br />

Ramsès II (Nouvel Empire, 19 e dynastie, 13 e<br />

siècle avant J.-C.) – provient d’une cachette<br />

votive de « Ro-Setaou », zone de la nécropole<br />

memphite (de Saqqarah à Giza) en bordure<br />

du désert, où régnait le dieu funéraire Sokaris.<br />

Les inscriptions hiéroglyphiques, au devant de<br />

la statuette, énumèrent les titres que portait<br />

ce grand prêtre de Ptah à Memphis : prêtre sem,<br />

grand directeur des artisans. La perruque à<br />

longue mèche recourbée, tombant sur le pectoral<br />

droit, est caractéristique de sa haute fonction<br />

religieuse.<br />

Les oushebtis avaient pour fonction de se substituer<br />

aux défunts dans les travaux des champs<br />

de l’au-delà. Le serviteur funéraire de Hori, qui<br />

porte un large collier ousekh à quatre rangs,<br />

tient fermement dans ses mains les instruments<br />

aratoires : deux houes. Un panier à grains, quadrillé,<br />

est représenté au dos de la statuette. La<br />

palette de scribe figurée à droite du panier fait<br />

allusion à sa qualité de lettré.<br />

Canope<br />

H. avec couvercle 53 cm ; diam. max. 23 cm.<br />

GC.ARC.02a.1865.65425<br />

Les vases canopes, destinés à abriter les viscères, étaient<br />

sous la protection des Quatre Enfants d’Horus. Imset,<br />

génie à tête humaine, protégeait le foie. Hapi, génie à tête<br />

de singe, veillait sur la rate. Douamoutef, à tête de chacal,<br />

gardait les poumons tandis que Qebehsenouf, génie à tête<br />

de faucon, protégeait les intestins.<br />

La tombe de Hori a été mise au jour à Saqqarah,<br />

vraisemblablement dans le second quart du<br />

19 e siècle. Un élément appartenant à son mobilier<br />

funéraire faisait déjà partie des collections<br />

d’antiquités égyptiennes du Grand Curtius. Il<br />

s’agit d’un vase canope en albâtre, à couvercle<br />

à tête de chacal (Douamoutef), acheté<br />

par le baron Albert d’Otreppe de Bouvette à<br />

Bruxelles en 1859, lors de la vente de la collection<br />

Antoine Schayes. Deux autres vases canopes<br />

au nom de Hori, sans leur couvercle à<br />

l’effigie des génies Amset et Qehbesenouf, sont<br />

conservés au British <strong>Museum</strong> de Londres tandis<br />

que le sarcophage en grès est exposé au Neues<br />

<strong>Museum</strong> de Berlin.<br />

Référence bibliographique : L. DELVAUX, « Un ouchebti de<br />

Hori », dans E. WARMENBOL (dir.), La Caravane du Caire -<br />

L’Égypte sur d’autres rives, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 7.<br />

<br />

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n° 6, mars 2013<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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Corinne Van Hauwermeiren<br />

Atelier de conservation-restauration<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Marie-Alice Henrard 1<br />

Un étrange petit panneau<br />

État de la recherche autour d’une peinture à l’huile sur cuir de la première moitié du XVI e siècle<br />

Ce partenariat offre un double avantage. Les<br />

étudiantes ont la possibilité de publier les premiers<br />

résultats de leurs recherches appliquées<br />

à la conservation-restauration. Pour les musées,<br />

c’est l’occasion d’étudier et de restaurer des<br />

œuvres dites « de second choix ».<br />

Si le travail sur des œuvres secondaires (et<br />

cloîtrées en réserve) peut apparaître peu gratifiant,<br />

cela n’empêche pas la mise au point de<br />

traitements innovants ou l’étude d’œuvres inédites.<br />

Et il est bien question de découverte avec<br />

cet étrange petit panneau peint sur cuir marouflé<br />

sur panneau de bois résineux, issu, comme<br />

le panneau représentant sainte Quiterie 2 , du<br />

legs de Soer de Solières. La prise en charge<br />

de l’œuvre est répartie sur deux années de formation<br />

: l’étude technique n’en est qu’à son<br />

début, tout comme l’étude stylistique pour laquelle<br />

l’historien de l’art a bien des difficultés à<br />

s’immiscer entre la couche de saleté, le réseau<br />

prononcé de craquelures et les soulèvements.<br />

Malgré la persistance de nombreuses questions<br />

apparues au cours des premières recherches<br />

comparatives, nous nous risquons à proposer<br />

un état de la question qui, s’il peut faire sourire,<br />

est avant tout destiné à susciter les réactions. 3<br />

Première description<br />

Dans l’inventaire des collections, l’œuvre est<br />

répertoriée comme « peinture à l’huile sur cuir<br />

collé sur bois - XVI e siècle ». Selon Jean-Pierre<br />

Fournet, spécialiste de la peinture sur cuir, il<br />

s’agit d’une œuvre d’origine flamande, peinte<br />

sur un cuir de veau (au vu des dimensions et<br />

de la coupe en un seul morceau) et dotée des<br />

caractéristiques techniques de la mise en œuvre<br />

des peintures sur cuir du XVI e au XVIII e siècle. 4<br />

Joseph et la Vierge sont à genoux, les mains<br />

jointes, en adoration devant l’Enfant Jésus couché<br />

au creux de son lit de paille. À l’arrièreplan,<br />

le bœuf et l’âne s’abritent sous un toit de<br />

fortune et un ange déploie une bannière qui<br />

virevolte au-dessus de leurs têtes. La scène<br />

est structurée par une architecture « à l’antique » :<br />

un arc en plein cintre reposant sur des pilastres<br />

à l’avant-plan est doublé à l’arrière-plan par<br />

des piliers soutenant un arc en quart de cercle.<br />

Le paysage se compose de quelques arbres<br />

à la couronne effilée et d’un rocher au profil<br />

crénelé. Le ciel est animé par une série de petits<br />

nuages. Hormis l’enfant représenté nu et ventripotent,<br />

les deux personnages sont vêtus de<br />

riches étoffes, signe d’une origine sociale élevée.<br />

La Vierge porte une robe ornée de larges motifs<br />

de brocart et cintrée à la taille ; l’encolure,<br />

de forme carrée dégageant le haut du buste,<br />

laisse apparaître une chemise blanche ; les<br />

manches, qui semblent réalisées dans un textile<br />

de couleur rouge évoquant le velours, s’évasent<br />

légèrement aux poignets ; un manteau couvre<br />

le haut des épaules et un voile blanc descend<br />

jusqu’au bas du dos. Joseph est quant à lui<br />

habillé d’une pèlerine et d’une tunique parsemées<br />

d’étoiles et d’un manteau-chasuble lui<br />

couvrant les épaules et le torse.<br />

Mise en œuvre<br />

Le support principal (70,5 x 60,3 cm) est<br />

constitué d’un cuir marouflé sur panneau<br />

probablement à l’aide d’une colle de type<br />

protéinique. L’ensemble de la surface est recouvert<br />

d’une dorure par imitation employant une<br />

feuille métallique blanche (argent ou étain) recouverte<br />

d’un vernis jaune. Ce procédé est<br />

conforme à une mise en œuvre traditionnelle<br />

de la peinture sur cuir.<br />

Le panneau servant de support secondaire<br />

(ép. 1,5 cm) est de même dimension que le<br />

cuir et se compose de deux planches de bois<br />

résineux débitées sur dosse et collées à joints<br />

vifs. Outre les traces d’outils, le revers présente<br />

deux séries de trous. La première, sur les<br />

bord inférieur et bord latéral droit, correspond<br />

aux traces de fixation de deux des quatre montants<br />

du cadre. La seconde série, six trous<br />

Depuis le début de cette année, une convention<br />

signée entre la section Conservationrestauration<br />

de peinture de l’Institut supérieur<br />

des Beaux-Arts Saint-Luc <strong>Liège</strong> et les<br />

Musées de la Ville permet aux étudiantes<br />

d’appréhender l’exercice de la profession<br />

dans le cadre d’un dialogue constructif entre<br />

praticien et institution muséale.<br />

Les œuvres confiées permettent aux étudiantes,<br />

notamment dans leur mémoire de fin<br />

d’étude, de montrer leur capacité quant aux<br />

diagnostics et aux propositions de traitement,<br />

mais aussi leur savoir-faire au terme de<br />

cinq années de formation.<br />

situés au milieu du bord supérieur, correspond<br />

aux différents moyens de suspension. Le revers<br />

présente également plusieurs inscriptions et<br />

cachets : Inconnu - La Vierge, l’enfant Jésus<br />

et St Joseph - 0,70 x 0,60 - AA451/71.60/821,<br />

inscrits au feutre noir ; css au crayon graphite ;<br />

1245 à la craie bleue : Musée des beaux-arts,<br />

<strong>Liège</strong>, Recensement 1960 N° inv. : 821 et 217<br />

au tampon encreur. Le cadre ne se compose<br />

plus que de deux fines baguettes de bois peint<br />

en noir fixées au support par des clous forgés<br />

et formant une bâtée d’environ 3 cm de large.<br />

Cette même couleur noire se retrouve sur l’épaisseur<br />

du panneau.<br />

En ce qui concerne le dessin sous-jacent, aucun<br />

examen approfondi sous microscope binoculaire<br />

n’a encore été réalisé vu l’état de conservation<br />

de la couche picturale. 5 Quelques traits<br />

sombres en oblique dans le visage de la Vierge<br />

peuvent faire songer à la mise en place de zones<br />

d’ombre lors du tracé de la composition. Mais<br />

d’autres traits sombres visibles dans l’architecture<br />

semblent modeler les zones d’ombre et de lumière<br />

de la couche picturale.<br />

La couche picturale, d’épaisseur fine, est probablement<br />

composée d’un liant huileux. La<br />

présence du fond doré est l’occasion pour le<br />

peintre de jouer de zones de réserves ou de la<br />

transparence de la couche picturale. Cet effet<br />

est particulièrement visible dans le ciel et dans<br />

certaines parties des vêtements où le peintre,<br />

s’aidant de l’extrémité de la hampe du pinceau,<br />

a gravé la couche picturale « dans le frais » afin<br />

de faire ressortir la dorure sous-jacente. Les<br />

empâtements sont peu nombreux, sauf au niveau<br />

des arbres et de la verdure au premier<br />

plan. Le vêtement de la Vierge, les auréoles<br />

des trois personnages ainsi que l’architecture<br />

sont ornés de motifs poinçonnés. Souvent associé<br />

à la technique du cuir doré 6 , où il est appelé<br />

« ciselure », le poinçonné est ici réalisé grâce<br />

à de petits matoirs (aussi appelés « fers ») de<br />

formes circulaires, rectilignes et en croisillons.<br />

Le périmètre du cuir est couvert d’une couche<br />

de couleur rouge foncé posée avant l’exécution<br />

de la composition. Ces quatre liserés rouges<br />

pourraient être une marque de délimitation du<br />

cadre d’origine : les première peintures sur toile<br />

– appelées aussi Tüchlein – présentent sur leur<br />

pourtour un bord généralement peint en noir<br />

destiné à délimiter l’emplacement du cadre et<br />

donc l’étendue maximale de la composition.<br />

Les liserés rouges seraient la délimitation d’une<br />

menuiserie dont il aurait fallu respecter les dimensions<br />

pour y insérer le panneau, tel un polyptyque<br />

ou un retable.<br />

D’où vient-il ?<br />

Le haut degré d’empoussièrement empêche<br />

une lecture détaillée des divers motifs, notamment<br />

de l’objet filiforme attaché à la ceinture<br />

de Joseph ou des motifs dorés circulaires qui<br />

ornent les écoinçons de l’arcade. Si l’organisation<br />

de la scène sous une arcature « à l’antique »<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

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et le mode de composition du paysage situent<br />

l’œuvre dans la première moitié du XVI e siècle,<br />

une observation attentive de certains détails n’a<br />

fait qu’accroître nos interrogations quant au<br />

milieu de production. Deux hypothèses ont été<br />

envisagées jusqu’ici, sans trouver de correspondance<br />

quant à la nature du support.<br />

- Si l’hypothèse de Jean-Pierre Fournet d’une<br />

provenance flamande ne peut pas être rejetée<br />

d’emblée, quelques détails font songer à une<br />

production de type ibérique. En effet, tant les<br />

étoiles sur la tunique de Joseph que le décor<br />

poinçonné des auréoles des personnages ou<br />

encore les motifs de brocart sur la robe de la<br />

Vierge et la facture des boucles de cheveux<br />

de Joseph nous paraissent d’une sensibilité<br />

autre que flamande à la fin du gothique et au<br />

début de la Renaissance.<br />

Nous avons comparé l’œuvre avec la production<br />

aragonaise des débuts de la Renaissance.<br />

Mais seuls l’ange virevoltant dans le ciel et les<br />

motifs de brocart ont quelques ressemblances<br />

avec des œuvres de la fin du XV e et du début du<br />

XVI e siècles. Le paysage est par contre empreint<br />

d’un style gothique, notamment par l’usage<br />

d’une perspective rabattue et des couleurs saturées<br />

dans l’ensemble de la composition. Mais,<br />

sur notre panneau, le peintre montre une connaissance<br />

– même sommaire et avec quelques<br />

maladresses – de la perspective et de la désaturation<br />

des couleurs à l’arrière-plan.<br />

Un autre détail curieux est la présence à la<br />

ceinture de Joseph d’un objet dont la forme<br />

évoque celle d’un couteau ou d’un poignard.<br />

Dans la tradition iconographique, saint Joseph<br />

est généralement représenté comme un personnage<br />

humblement vêtu et ne portant aucune<br />

arme. Par contre, la présence d’un poignard à<br />

la ceinture d’un des protagonistes se rencontre<br />

plutôt dans les scènes d’Adoration des Mages,<br />

mais ces derniers n’ont pas la tête ceinte d’une<br />

auréole… Les petits motifs étoilés dorés sur la<br />

tunique de Joseph semblent également correspondre<br />

davantage à un statut social plus élevé<br />

que celui d’un humble charpentier.<br />

- C’est par le biais de l’arcature « à l’antique »<br />

que nous nous sommes intéressés à l’autre<br />

provenance possible : la peinture flamande du<br />

début du XVI e siècle avec un artiste tel que<br />

Pieter COECKE VAN AELST qui, dans plusieurs<br />

de ses triptyques, structure sa composition par<br />

une architecture classique. Par exemple, dans<br />

le panneau central de l’Adoration des bergers<br />

du Musée du Prado, le double pli en « V »<br />

inversé disposé sur le dessus de la tête de la<br />

Vierge se retrouve de manière quasi identique<br />

sur le panneau liégeois. Il en va de même pour<br />

les anges virevoltant dans le ciel ou pour la<br />

robe dotée d’une encolure carrée dégageant<br />

la chemise, typique des années 1520-1530.<br />

Par contre, les nimbes ornés d’un décor poinçonné<br />

et les étoiles de la tunique ne sont pas<br />

une caractéristique stylistique de la peinture<br />

brabançonne.<br />

Sans considérer ces deux hypothèses de provenance<br />

comme antinomiques, nous pouvons<br />

peut-être les envisager sous l’angle de la complémentarité,<br />

dans un contexte d’influence de<br />

la peinture flamande sur l’art de la péninsule<br />

ibérique. Est-il possible d’imaginer la circulation<br />

d’un modèle flamand au-delà de la chaîne<br />

pyrénéenne avec une adaptation du style à la<br />

sensibilité ibérique ? Ou encore, la réalisation,<br />

sur base d’un modèle flamand, d’œuvres peintes<br />

à destination de la Flandre : une sorte de « cuir<br />

peint à la manière espagnole » qui serait apprécié<br />

de la bourgeoisie flamande…<br />

État de conservation<br />

Le panneau présente des faiblesses au niveau<br />

du joint d’assemblage entre les deux planches<br />

ainsi des fentes et une attaque d’insectes xylophages.<br />

Les trous d’envol des insectes ont aussi<br />

transpercé le cuir le long du bord inférieur.<br />

Le cuir est marqué sur l’ensemble de sa surface<br />

par un double réseau de craquelures. Le<br />

premier est davantage lié à un problème structurel<br />

puisqu’il affecte le cuir sur la presque totalité<br />

de l’épaisseur. Le second réseau se limite à la<br />

couche picturale tel un réseau de craquelures<br />

d’âge. Une troisième altération de la couche<br />

picturale se caractérise par un réseau serré<br />

de petits îlots de matière identiques à ceux<br />

que l’on peut rencontrer sur une couche résineuse<br />

qui a subi une élévation de température.<br />

Outre un durcissement et un dessèchement<br />

de la peau, le manque d’adhésion entre panneau<br />

et cuir doit également avoir occasionné<br />

des tensions et donc des déformations. La perte<br />

de cohésion du support se remarque aussi le<br />

long des bords dénués de cadre : outre les trous<br />

dus aux clous du cadre, le cuir se déchire et<br />

se décompose.<br />

Pour la conservation-restauration de l’objet,<br />

une identification des causes des altérations<br />

permet de proposer un traitement adapté aux<br />

pathologies de l’œuvre. Ici, les deux causes principales<br />

de dégradation sont les problèmes de<br />

cohésion du cuir et ceux de l’adhésion du cuir<br />

au panneau. À ce double problème s’ajoute<br />

celui de l’originalité du panneau de fond.<br />

Une des premières étapes sera le fixage des<br />

soulèvements de matière tout en tenant compte<br />

de la forte porosité du cuir. Il faut un adhésif<br />

qui présente une faible tension superficielle tout<br />

en ne pénétrant pas de manière trop importante<br />

dans le cuir. Comme le précise Cécile Bonnot-<br />

Diconne, « il devra adhérer à la feuille d’argent,<br />

rester souple pour éviter les tensions lors des<br />

mouvements du cuir et pénétrer sous les écailles<br />

sans se diffuser dans le cuir » 7 . Outre le nettoyage<br />

superficiel qui devra tenir compte de la<br />

nature résineuse du liant composant le vernis<br />

jaune, une des questions les plus importantes<br />

est celle de la préservation ou non du panneau<br />

de fond. Cette œuvre était-elle originellement<br />

marouflée sur bois, à l’identique des Tüchlein,<br />

ou le fut-elle ultérieurement ? Dans ce cas, quel<br />

pouvait être son mode de présentation initial ?<br />

Des réponses à ces questions découleront les<br />

choix de restauration.<br />

Dans la première hypothèse d’une œuvre marouflée,<br />

il faudrait peut-être aplanir le cuir puis<br />

le repositionner sur son support avec un moyen<br />

réversible de mise sous tension. Il conviendrait<br />

aussi de positionner une feuille anti-acide entre<br />

le cuir et le panneau de bois résineux. Cette<br />

1. Marie-Alice Henrard est étudiante en Master I Conservation-restauration<br />

de peinture de chevalet. En charge du<br />

traitement de l’œuvre étudiée ici, elle s’est chargée d’établir<br />

ce premier descriptif technique ainsi que les possibilités<br />

de traitement.<br />

2. Corinne VAN HAUWERMEIREN, « Un faux “faux”. L’histoire<br />

d’une vierge martyre “faux du XIX e siècle” », dans <strong>Liège</strong><br />

museum n° 5, décembre 2012, p. 5-11.<br />

3. Nous recevrons vos remarques et suggestions à l’adresse<br />

.<br />

4. Cf. notamment Jean-Pierre FOURNET et Céline BONNOT-<br />

DICONNE, « La restauration des cuirs dorés. Historique et<br />

techniques » dans Coré n° 17, décembre 2006, p. 34-46.<br />

5. L’absence d’un fond clair empêche la vérification de la<br />

présence d’un dessin sous-jacent selon le procédé de la<br />

réflectographie dans l’infrarouge.<br />

6. L’art du cuir : cuir repoussé, gravé, cuir incisé, ciselé, pyrogravé,<br />

raciné, cuir mosaïqué, Paris, Baudoin, 91 p., 2007.<br />

7. Jean-Pierre FOURNET et Céline BONNOT-DICONNE, op. cit.,<br />

p. 37.<br />

solution permet de garder l’idée du mode de<br />

présentation originale tout en n’occasionnant<br />

pas dans le cuir des tensions liées au mouvement<br />

du bois sous les variations climatiques<br />

et en lui évitant les vapeurs acides libérées par<br />

les bois résineux. Dans la seconde hypothèse<br />

d’un marouflage ultérieur, rien ne s’oppose à<br />

ôter la planche de bois et à présenter l’œuvre<br />

sur un autre support, plus adapté à sa conservation.<br />

Quant à la question de la réintégration des lacunes,<br />

il est trop tôt pour se prononcer. Nous<br />

souhaitons pouvoir constater le résultat des traitements<br />

de consolidation, d’aplanissement et<br />

de nettoyage avant de décider d’une option<br />

de comblement des lacunes.<br />

Appel à témoin<br />

Trop souvent, le démembrement d’ensembles<br />

peints tels que retables et polyptyques a été<br />

occasionné par le marché de l’art. Par conséquent,<br />

la dispersion de ces ensembles, notamment<br />

au sein de collections privées, complexifie<br />

davantage la recherche d’œuvres stylistiquement<br />

ou techniquement apparentées ou ayant<br />

appartenu au même ensemble. Nous pensons<br />

toutefois qu’il est peu probable que cette œuvre<br />

soit un unicum même si la nature du support<br />

ne plaide pas en faveur de sa pérennité.<br />

Outre le milieu de production, il subsiste aussi<br />

la question de la destination de l’œuvre. À la<br />

différence des grandes tentures de cuir qui<br />

recouvraient les murs intérieurs, ce petit panneau<br />

était peut-être destiné à de petits autels<br />

privés de dévotion. Était-ce considéré comme<br />

une production plus démocratique que les panneaux<br />

peints et par conséquent à destination<br />

d’une clientèle moins nantie ?<br />

Peu satisfaite des résultats obtenus jusqu’ici,<br />

une des premières conclusions de cette étude<br />

est certainement d’avoir pu constater les limites<br />

de nos connaissances et le chemin qui reste à<br />

découvrir… C’est ce qui constitue sans nul doute<br />

une des richesses de notre profession.<br />

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<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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n° 6, mars 2013<br />

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Christelle Schoonbrodt<br />

Historienne de l’art<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Documents archéologiques<br />

récemment donnés au Grand Curtius par M. Thisse Junior<br />

La donation comprend également quelques<br />

pièces archéologiques offertes ou échangées<br />

entre passionnés. C’est le cas pour une dizaine<br />

d’outils néolithiques rassemblés par un collectionneur<br />

de la rue Monulphe, à <strong>Liège</strong>, et données<br />

à Jacques Thisse-Derouette. De Joseph Hamal-<br />

Nandrin, il avait reçu un nucléus à lames néolithique<br />

Grand Pressigny de type « livre de<br />

beurre » et une herminette originaire d’Overpelt.<br />

Une lame et une pointe de flèche omalienne<br />

appartenaient à la collection Destexhe avant<br />

d’intégrer celle de notre collectionneur.<br />

Le matériel offert couvre une large période qui<br />

s’étend de la préhistoire au monde mérovingien.<br />

Il provient de fouilles ou de prospections<br />

menées en Belgique (Ampsin, Anseremme, Boncelles,<br />

Dommartin, Eben-Emael, Engihoul, une des grottes de Fondsde-Forêt<br />

à Trooz, Haneffe, Hollogne-aux-Pierres, Jupille, Malinesur-Meuse,<br />

Omal, Rhodes-Sainte-Genèse, Rochefort, Roloux,<br />

Rullen, le Sart-Tilman, Spiennes, Spy et Wonck), dans le<br />

Limbourg hollandais (Rijckholt-Sainte-Gertrude) et en<br />

France (le Grand Pressigny).<br />

Des documents relatifs aux sites fouillés ainsi<br />

que le registre d’inventaire de ces trouvailles<br />

ont également été donnés au musée. En effet,<br />

M. Thisse nous a aimablement cédé les notes<br />

de son père concernant la fouille du site de la<br />

Roche-aux-Faucons ainsi que d’autres documents<br />

qui complètent le fonds Thisse :<br />

- des documents relatifs à la station préhistorique<br />

dite « La Cave » (commune de Ben-Ahin),<br />

- des documents concernant des vestiges du<br />

paléolithique inférieur dans les ballastières du<br />

Limbourg hollandais,<br />

- des notes concernant la découverte d’un cimetière<br />

omalien à Hollogne-aux-Pierres,<br />

- des photographies sur l’ossuaire de La Préalle<br />

à Heyd en province de Luxembourg,<br />

- des documents sur la fouille de Jupille réalisée<br />

en août-septembre 1944<br />

- ainsi que de la correspondance.<br />

Les collections du Grand Curtius se sont<br />

enrichies en 2009 de quelque 215 objets<br />

archéologiques offerts par Jacques Thisse<br />

Junior et découverts, pour la plupart, par son<br />

père Jacques Thisse-Derouette entre 1936<br />

et 1948. Enseignant, il était passionné par<br />

tout ce qui avait trait à l’archéologie et menait<br />

des prospections dans la région à la<br />

recherche de ces témoignages du passé.<br />

En 1978 et en 1982, le Musée Curtius<br />

accueillait d’importants dons de Jacques<br />

Thisse-Derouette. Ils rejoignaient alors du<br />

matériel déjà offert au musée par le<br />

préhistorien. Le Grand Curtius tient donc à<br />

remercier la générosité de M. Thisse Junior<br />

pour ce nouvel apport, peu de temps après<br />

l’ouverture du Grand Curtius. Celui-ci vient<br />

renforcer la cohérence du fonds Thisse.<br />

1. Notes prises en 1948, en 1949 et entre<br />

1965-1968.<br />

2. Station archéologique située à 18 km au<br />

sud de <strong>Liège</strong>, dans la commune d’Esneux,<br />

et dont la fouille a été réalisée en collaboration<br />

avec le Musée Curtius.<br />

3. J. THISSE-DEROUETTE, « À propos d’une<br />

hache de bronze à talon et à tranchant arqué<br />

devant provenir de l’Île Monsin (<strong>Liège</strong>)»,<br />

Le Vieux-<strong>Liège</strong> n° 2, mars-avril 1945, p. 9.<br />

4. F. DAWANS, « Les objets en métal de l’âge<br />

du bronze dans la Province de <strong>Liège</strong> »,<br />

Bulletin de l’Institut archéologique liégeois,<br />

tome LXXXIV, 1972, p. 305-338.<br />

5. M. OTTE, « Documents paléolithiques récemment<br />

donnés au Musée Curtius par M. J.<br />

Thisse-Derouette », Bulletin de l’IAL, tome<br />

XCI, 1979, p. 159-192.<br />

Cet important don n’a pas encore fait l’objet<br />

de publication mais quelques pièces méritent<br />

un lever de coin de rideau<br />

Une pièce en grès fin présente<br />

un motif gravé sur les deux faces<br />

La face antérieure comporte un motif incisé (1).<br />

Le graveur a tiré parti de la forme allongée du<br />

grès pour y tracer la tête d’un animal (un cheval<br />

?). Un trait horizontal sur l’extrémité droite<br />

de la pièce indique la bouche tandis que l’œil<br />

a la forme d’un triangle rectangle. Des incisions<br />

circonscrivent la tête. Les oreilles et éventuellement<br />

de très courtes pattes sont marquées<br />

sché-matiquement par quelques traits.<br />

La face postérieure, ébréchée sur sa moitié,<br />

comporte également des incisions (2).<br />

Cette pièce a été découverte en 1953 près de<br />

la Montagne Saint-Pierre, à Eben-Emael. Aucune<br />

datation n’est proposée… Peut-être même estelle<br />

très récente ?<br />

1<br />

2<br />

Un peu d’archéozoologie<br />

La collection compte une belle<br />

diversité de dents et d’ossements<br />

d’animaux (ours, mammouth<br />

(3 et 4), cheval, hyène, rongeur, …).<br />

Des pointes de flèches néolithiques<br />

Parmi les quelques pointes d’armature, ces<br />

trois-ci ont été trouvées à Esneux.<br />

- Une première pointe de flèche triangulaire,<br />

avec un pédoncule rectiligne poli sur une face,<br />

a été trouvée durant la période de Pâques 1938<br />

par Rose Derouette, l’épouse Jacques Thisse-<br />

Derouette (5).<br />

- Une autre, en forme de triangle isocèle et sans<br />

pédoncule, a été trouvée le 1 er septembre 1939<br />

(6). Sa base est légèrement incurvée.<br />

- Une troisième a été trouvée en mars 1946 (7).<br />

Elle est de forme triangulaire, allongée et à pédoncule.<br />

Elle est fracturée à son extrémité distale<br />

et présente une face plane et une face convexe.<br />

Un ensemble de poteries romaines<br />

Quatorze céramiques romaines et fragments<br />

ont été recueillis en 1944, place des Écoles à<br />

Jupille. Deux d’entre elles sont des urnes funéraires.<br />

Une photographie d’archive du donateur<br />

montre deux cruches en céramique commune<br />

encadrant un gobelet biconique en terra nigra (8).<br />

Une hache à talon en bronze<br />

Une hache à talon et à tranchant arqué a été<br />

trouvée en 1939 sur l’Île Monsin (9). Les rebords<br />

de la section de la pièce destinée à l’emmanchement<br />

sont saillants. Ils encadrent une gorge<br />

rectangulaire. La pièce, coulée en bronze, présente<br />

quelques soufflures et une lacune au niveau<br />

du talon.<br />

<br />

<br />

1. Grès fin avec motif gravé, face antérieure.<br />

GC.ARC.01a.2009.001248<br />

2. Grès fin avec motif gravé, face postérieure.<br />

GC.ARC.01a.2009.001248<br />

3. Molaire de mammouth, vue occlusale.<br />

GC.ARC.01b.2009.001247<br />

4. Molaire de mammouth, vue latérale.<br />

GC.ARC.01b.2009.001247<br />

5. Néolithique, pointe de flèche triangulaire<br />

avec un pédoncule rectiligne. Thisse. 17<br />

6. Néolithique. Pointe de flèche en forme<br />

de triangle isocèle. Base légèrement<br />

incurvée. Thisse. 19<br />

7. Néolithique. Pointe de flèche triangulaire<br />

et à pédoncule. Thisse. 18<br />

8. Photographie d’archive. Céramiques<br />

romaines.<br />

9. Hache à talon en bronze.<br />

GC.ARC.01e.2009.001259<br />

3 4<br />

5 6<br />

7<br />

9<br />

8<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

26<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

27


Expositions temporaires<br />

BAL, Espace Jeunes Artistes<br />

9 e Biennale internationale de<br />

Gravure contemporaine de <strong>Liège</strong><br />

Ross Racine<br />

Vu d’en haut<br />

Curtius Circus II<br />

BAL<br />

Du 15 mars au 19 mai 2013.<br />

BAL<br />

Du 16 mars au 21 avril 2013.<br />

Grand Curtius, Palais, 3 e étage<br />

Du 18 avril au 12 mai 2013.<br />

Grand Curtius, Palais, 2 e étage<br />

/ Ouvert de 13 à 18 h, dimanches de 11 à 18 h<br />

/ Ouvert de 13 à 18 h, dimanches de 11 à 18 h<br />

/ Ouvert de 10 à 18 h,<br />

/ Ouvert de 10 à 18 h,<br />

fermé les lundis et le 1 er mai<br />

fermé les lundis et le 1 er mai<br />

fermé les mardis et le 1 er mai<br />

fermé les mardis et le 1 er mai<br />

/ 86, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 89 11<br />

/ 86, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 89 11<br />

/ 136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 68 40<br />

/ 136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 68 40<br />

/ jeunesartistes@liege.be<br />

/ www.beauxartsliege.be<br />

/ www.grandcurtiusliege.be<br />

/ www.grandcurtiusliege.be<br />

/ www.liege.be/infos/les-appels-a-projets<br />

La Ville de <strong>Liège</strong> offre à des artistes liégeois,<br />

Voir p. XXX<br />

Voir p. XXX.<br />

Voir p. XXX<br />

œuvrant dans le domaine des arts plastiques,<br />

l’opportunité d’accéder à un espace d’exposi-<br />

Fête de la gravure : XXX<br />

tion spécifique : salle Saint-Georges au sein du<br />

Musée des Beaux-Arts. Ce projet s’adresse<br />

Visistes-ateliers pédagogiques : p. XXX<br />

aux artistes mais aussi à ceux dont la démarche,<br />

indépendamment de l’âge, est récente/nouvelle.<br />

Sarah Galante<br />

Mémoria & Mirabilia<br />

Installation<br />

Du 7 au 31 mars 2013<br />

Raymong Gosin<br />

Peinture et collage sur tôle en zinc<br />

Du 4 au 5 avril 2013<br />

Cécile Menendez<br />

Rapid Eye Movement<br />

Photographies<br />

Du 8 mai au 2 juin 2013<br />

Éric Deprez<br />

Peintures - Huile sur toile<br />

Du 6 au 30 juin 2013<br />

Ilse LICHTENBERGER,<br />

Menschenschnitte 1,<br />

2010.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

28<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

29


Sophie Decharneux et Fanny Moens<br />

BIENNALE INTERNATIONALE<br />

DE GRAVURE CONTEMPORAINE<br />

Collaboratrices scientifiques au BAL,<br />

coordinatrices de la Biennale<br />

9 e Biennale internationale de<br />

Gravure contemporaine de <strong>Liège</strong><br />

BAL<br />

de Sabine Delahaut ou des mu-zoo (museaux)<br />

cervidés démesurés chez Agnieska Gajewska.<br />

Du vendredi 15 mars au dimanche 19 mai 2013.<br />

de Marco Sepúlveda. Ces sujets hantent encore<br />

Occuper la ville, bousculer l’ordre de l’espace<br />

Ouvert de 13 à 18 h, dimanches de 11 à 18 h.<br />

les créatures perturbées de Christiaan Diedericks<br />

urbain, le rendre spécial et le dynamiser, telle<br />

Fermé les lundis et le 1 er mai.<br />

et habitent les anges gracieux que Guy Langevin<br />

est la volonté de Renaud Perrin qui réalise ses<br />

86, Féronstrée / +32 (0)4 221 89 11.<br />

décline élégamment du sommet de la tour de<br />

Typing – architecture en caractères typogra-<br />

www.beauxartsliege.be<br />

Babel.<br />

phiques – et, à plus grande échelle, celle du<br />

La narration et la ville<br />

Toujours concentré sur l’être humain, en le<br />

mettant en scène dans son milieu et son quotidien,<br />

une tendance s’observe chez les plus<br />

jeunes participants de cette Biennale : la gravure<br />

qui raconte une histoire. Le lien étroit qui unit<br />

graveur, imprimeur, écrivain et éditeur permet<br />

aux artistes d’orienter leur démarche dans de<br />

multiples directions. C’est une des voies qu’a<br />

Brésilien Augusto Sampaio qui colore les vitres<br />

du BAL en associant gravure et contemporanéité<br />

avec un projet spécifiquement réalisé. Suivant<br />

une tout autre ligne de conduite, mais avec<br />

le même souhait, Peter Gross se penche sur<br />

les derniers recoins de nature au cœur de nos<br />

cités. Il utilise alors la xylogravure de manière<br />

particulière, en mettant des mots sur le silence<br />

des arbres morts.<br />

choisies Anne Leloup, peintre-graveuse, en<br />

La nature et le temps<br />

Quarante ans après sa première édition, la Biennale<br />

de Gravure contemporaine de <strong>Liège</strong> a lieu<br />

au BAL, le nouveau Musée des Beaux-Arts de<br />

<strong>Liège</strong> (salle Saint-Georges).<br />

La valorisation des échanges entre artistes de<br />

différents pays, tous continents concernés, est<br />

l’objectif premier de cette 9 e édition, avec des<br />

créations du Japon, du Chili, de Finlande ou<br />

encore des États-Unis d’Amérique. La dimension<br />

internationale de la Biennale, établie en<br />

2005, est l’occasion de parler d’interculturalité.<br />

Côte à côte, les œuvres venant de 22 pays se<br />

fréquentent, se rencontrent, échangent pour<br />

constituer une exposition dont la richesse est<br />

un dialogue construit autour de quelques bribes<br />

de l’histoire des artistes et de leurs pays.<br />

Pour cette édition, sur les 480 dossiers de candidature<br />

reçus, 50 ont été retenus. Les représentants<br />

français composent un cinquième de la<br />

sélection, suivis par l’Allemagne, la Belgique,<br />

le Canada. Viennent ensuite des artistes d’origine<br />

brésilienne, congolaise, chinoise, japonaise,<br />

La Biennale se félicite d’être intergénérationnelle<br />

grâce à un large panel d’artistes, de 22 à<br />

62 ans. Sans relation avec l’âge ou le lieu d’origine<br />

des exposants, les préoccupations et/ou<br />

sources d’inspiration apparaissent étrangement<br />

similaires, quel que soit leur lieu de vie.<br />

L’être humain<br />

Le thème qui arrive incontestablement en tête<br />

est l’être humain, son apparence et ses métamorphoses.<br />

Corps caricaturés, déformés, mutilés,<br />

fragmentés. Visages lacérés, abîmés, familiers<br />

ou étrangers. Dans quel corps habitonsnous<br />

? Les membres mis en scène dans une<br />

abstraction presque lyrique par Lucas James<br />

Ruminski, les portraits des enfants de Goma,<br />

sortis de l’anonymat par la démarche de Myriam<br />

De Spiegelaere, les femmes au sexe insolite<br />

de Victor Rarès, les pietás mêlant tendresse<br />

et cruauté d’Aude Guérit sont autant d’illustrations<br />

de notre humanité délirante mais tellement<br />

humaine. Dans la même perspective que la<br />

série de fesses qui obstinent Martine Souren,<br />

proportions géantes, nettes et délimitées dans<br />

les silhouettes d’Ilse Lichtenberger, tandis qu’il<br />

apparaît fluet, indéfini, vaguement constitué de<br />

touches impressionnistes dans les sérigraphies<br />

de Sun Tian Long. Dégageant de la souffrance,<br />

les cariatides enroulées dans des barbelés de<br />

Valérie Guimond ou les pointes sèches de l’Article<br />

222-22 de Julie Deutsch crient l’angoisse et<br />

l’horreur des douleurs faites au corps féminin.<br />

Mais, derrière ce corps, enveloppe extérieure,<br />

qui sommes-nous en réalité ? Quelle impression<br />

laisse-t-on transparaître au dehors ? Qu’elles<br />

soient traitées sous l’eau, comme les visages<br />

de Michael Derek Besant, ou derrière un écran<br />

de téléphone portable, comme les autoportraits<br />

numériques de Mirko Reinecke, ou encore à<br />

travers un simple papier calque, comme les<br />

silhouettes de Geneviève Laplanche, ces représentations<br />

humaines sont autant d’attentions<br />

accordées au rendu des individus et de leur personnalité,<br />

miroir ou reflet de notre intériorité.<br />

Que dire quand l’imaginaire s’en mêle ? Que<br />

Valérie GUIMOND,<br />

Cariatide III, 2011.<br />

ouvrant sa propre maison d’édition. De leur<br />

côté, Djilian Deroche, Guillaume Guilpart ou<br />

Céline Hudréaux réalisent un travail de narration<br />

proche de celui de l’illustrateur d’albums<br />

ou de bandes dessinées, d’où s’échappent<br />

Bart l’ours, des monstres géants qui envahissent<br />

les villes ou des cavaliers sans tête<br />

(Gurav Shripad). Les illustrateurs de littérature<br />

de jeunesse utilisent de plus en plus souvent<br />

la gravure comme moyen d’expression dans<br />

leurs albums. Ce type de narration illustrée de<br />

gravures, inspirant visiblement de plus en plus<br />

d’artistes, prend sa source dans les romans<br />

graphiques des années 1920. Parfois teinté de<br />

fantastique, il contient plusieurs degrés de lecture.<br />

Souvent bien au-delà de l’histoire enfantine<br />

se cache une symbolique, critique actualisée<br />

de la société et de la condition humaine,<br />

que Thierry Groensteen rapproche d’un documentaire<br />

social, comme on le ressent devant<br />

la série de négociations de Sophie Dvoák ou<br />

dans le capharnaüm qui bouillonne au plus<br />

profond des œuvres de Djilian Deroche.<br />

C’est l’immensité de la nature, pleine et entière,<br />

qui occupe les grands formats de Doris Schälling<br />

et Jörg Enderle, avec leurs impressions abstraites<br />

réalisées in situ à même la roche, renvoyant<br />

vers un certain respect – autrefois oublié<br />

et aujourd’hui remis à l’honneur – du monde citadin<br />

pour son environnement naturel primitif.<br />

Une autre préoccupation intemporelle de<br />

l’homme est sans nul doute la quête du temps<br />

qui passe. Témoignant d’une angoisse pour<br />

certains, de nostalgie pour d’autres, le passé<br />

en inspire plus d’un. Fiché dans notre pensée<br />

ou transposé sur un objet, le passé est présent<br />

à travers les Poupées de Pascale Parrein, objets<br />

connectés par évidence à l’enfance, ou encore<br />

via les trente plaques d’aluminium de l’artiste<br />

brésilienne Paula Almozara, qui rassemblent<br />

ses souvenirs d’après l’expérience improbable<br />

de voyages. Prendre conscience de l’histoire<br />

et la célébrer, tel est le défi lancé par Élisabeth<br />

Mathieu qui revisite sa propre vie au travers de<br />

confettis, poinçonnés sur des œuvres plus anciennes.<br />

Le passé des temps anciens et les tech-<br />

roumaine ou états-unienne. Enfin, des pays par-<br />

le cœur à l’ouvrage ou le sein-citron de Sandra<br />

devient ce corps humain ? L’exposition aborde<br />

Sans cesse, revient le thème de la ville. Elle<br />

niques qui leur sont chères inspirent également<br />

ticipent pour la première fois à la Biennale, tels<br />

Baud tournent en dérision l’enveloppe charnelle<br />

l’anthropomorphisme ou la fantasmagorie à tra-<br />

prend des couleurs états-uniennes chez Sergey<br />

l’États-unien Edward Bateman dans ses impres-<br />

que l’Autriche, Cuba, le Chili et l’Inde.<br />

qui nous constitue. L’humain prend parfois des<br />

vers l’ambiance qui se dégage des compositions<br />

Zlotnikov, tandis qu’elle est envahie par des<br />

sions digitales teintées de sépia, le Japonais<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

30<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

31


Sugita Maasaki dans ses ex-libris aux connotations<br />

érotiques, ou le Cubain Yoel Jimenez,<br />

à travers ses Livres d’heures ardents aux motifs<br />

naïfs presque archaïques, proches des cartes<br />

de taro, des vieilles enseignes ou des blasons<br />

des corporations médiévales.<br />

Le support et la technique<br />

Si le support le plus utilisé reste le papier, certains<br />

artistes s’essayent pourtant à des options<br />

plus modernes, tels que l’aluminium, le plastique,<br />

les textiles (soie et voile) ou la pellicule<br />

translucide. L’idée de transparence est privilégiée<br />

par quelques-uns : les images brillantes des<br />

boîtes lumineuses d’Agnieszka Gajewska, les<br />

silhouettes transposées sur calque de Geneviève<br />

Laplanche, les crépuscules de Guy Langevin<br />

ou les bribes de mots imprimés de Lola.<br />

Nombre d’artistes de cette 9 e édition utilisent<br />

la série. Dans l’ordre ou le désordre, des visages<br />

se suivent (Myriam De Spiegelaere), des successions<br />

de points se meuvent (Dominique<br />

Willemart), des petits carrés se dégradent<br />

(Manuel Blazquez Palacios). Un mouvement se<br />

crée à travers ces séries : les robes de Wuon-<br />

Gean Ho s’enroulent et se déroulent, les lithographies<br />

de Marie-France Bonmariage s’envolent<br />

et tourbillonnent, les maisons de Nora Mona<br />

Bach s’enflamment et se désagrègent, les boîtes<br />

de Pauline Djerfi s’aplatissent et se déconstruisent.<br />

La série des Dogs d’Éric Mummery,<br />

et celle de Qianzhi de Wang Jian se déclinent<br />

au gré de positions ou d’environnements loufoques.<br />

En multipliant ou en nuançant leurs motifs,<br />

les artistes exploitent toutes les ressources<br />

qu’offre la présentation sérielle, en abordant<br />

avec une exhaustivité plus ou moins aboutie<br />

le sujet choisi.<br />

Cette année, soulignons la modernité croissante<br />

des techniques qui bouleversent quelque<br />

peu l’art de l’estampe tel qu’il était pratiqué depuis<br />

des siècles. Si la xylogravure, l’eau-forte<br />

et la pointe sèche sont toujours bien présentes<br />

et pratiquées, la manière d’exploiter ces procédés<br />

s’inscrit davantage dans une démarche<br />

pluraliste, alliant procédés anciens et nouveaux.<br />

Les sérigraphies d’Aya Imamura, présentant<br />

l’image du Christ recueillie par Véronique, sont<br />

traditionnelles : le sujet et la technique appartiennent<br />

aux grands classiques. Pourtant, le<br />

rendu est tout autre : il s’inscrit dans une approche<br />

contemporaine qui fait oublier les sentiers<br />

traditionnels pour mettre l’accent là où on ne<br />

l’attendait pas. L’art de graver et de reproduire<br />

invente chaque jour de nouvelles promesses<br />

dans la découverte de procédés technologiques.<br />

L’identité et le style<br />

Malgré la distance séparant géographiquement<br />

la création de ces œuvres réunies à <strong>Liège</strong> – parfois<br />

plusieurs milliers de kilomètres –, les thèmes<br />

et sujets sont d’une homogénéité surprenante.<br />

Les portraits d’enfants africains affirment la<br />

même recherche d’identité que les visages du<br />

Belge Alain Verschueren, la solitude des protagonistes<br />

des œuvres de Sirkku Ketola renvoient<br />

à l’abandon des héros d’Alexandra Haeseker.<br />

Il est par contre plus interpelant de comparer<br />

les approches stylistiques qui trahissent souvent<br />

l’identité culturelle de l’artiste. On ne peut nier<br />

que les eaux-fortes et aquatintes de Gurav<br />

Shripad sont issues d’un monde oriental qui<br />

échappe quelque peu à notre vision occidentale,<br />

de même que la ligne légère et provocante<br />

des gravures de Masaaki Sugita, proche des<br />

traditionnels mangas japonais.<br />

Quelques œuvres apportent une touche ludique<br />

dans l’exposition, tel les terrains sportifs de<br />

Heike Keller ou les impressions et collages sur<br />

tableau d’école de Ludovic Mennesson.<br />

Notons enfin que les compositions qui renvoient<br />

vers l’abstrait lyrique, suscitant imagination et<br />

rêverie, occupent peu de place dans la sélection<br />

de cette année. De même, l’abstraction<br />

géométrique est totalement absente des cimaises<br />

du BAL. Ainsi, pour cette 9 e édition, le<br />

figuratif et le narratif prennent le pas.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

32<br />

<br />

Sirkku KETOLA,<br />

Existence, 2011.<br />

Page de droite<br />

Ross RACINE,<br />

Pleasant Hill, 2012.<br />

Ross Racine - Vu d’en haut<br />

L’exposition présente une trentaine d’œuvres<br />

de l’artiste Ross Racine, qui a reçu le Prix de<br />

la 8 e édition de la Biennale de Gravure (2011).<br />

Grand Curtius, Palais Curtius, 3 e étage.<br />

Du samedi 16 mars au dimanche 21 avril 2013.<br />

De 10 à 18 h. Fermé les mardis et le 1 er mai.<br />

Espaces verts, routes et agglomérations sont<br />

des éléments récurrents dans l’œuvre de l’artiste.<br />

Il les voit d’en haut. Fasciné depuis l’enfance<br />

par les cartes de géographie, il construit ses<br />

paysages autour de banlieues aux formes géométriques,<br />

concentriques, parfois même figuratives<br />

– en forme de fusée ou de coupe. La plupart<br />

de ses cités sont perdues dans un environnement<br />

vierge ou presque, tel un no man’s<br />

land, ce qui rend le contraste d’autant plus<br />

frappant avec la densité qui se dégage de l’entrelacement<br />

des rues bordées de maisons qui se<br />

répètent et se multiplient à l’infini. Dans chacune<br />

d’elles, vivent probablement des personnes,<br />

des familles aux chemins croisés, aux routes<br />

éloignées. Ross RACINE éveille naturellement<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

33<br />

notre imagination : comme l’enfant qui observerait<br />

minutieusement une fourmilière, nous<br />

sommes rapidement obnubilés par ses paysages<br />

urbains au rendu semblable à celui des<br />

géoglyphes.<br />

Certaines vues relèvent d’une platitude intense,<br />

d’autres inquiètent, si l’on remarque que les<br />

allées – en boucle, par exemple – ne mènent<br />

à rien. À l’image de ce que nous traversons tous<br />

dans la vie, la multiplicité des sentiers tracés<br />

par Ross RACINE renvoie aux choix et aux décisions<br />

qui jalonnent et orientent notre existence.<br />

Qu’est-ce qui nous pousse à découvrir le chemin<br />

de droite plutôt que celui de gauche, ou<br />

encore qui nous incite à emprunter celui de traverse<br />

? Ross RACINE considère en effet ces constructions<br />

paysagères comme le quotidien de<br />

l’homme, le mettant en relation directe avec<br />

son avenir routinier, angoissant, follement sinueux.<br />

Ces banlieues nord-états-uniennes –<br />

chères à l’artiste – sont avant tout un modèle,<br />

un « symbole de la société en général, de notre<br />

société qui fabrique son propre environnement,<br />

une nouvelle nature en quelque sorte, à l’aide<br />

du design urbain et de l’architecture. La banlieue,<br />

c’est nous !».<br />

Entre réalisme et fiction<br />

Bien souvent esthétiques, les compositions de<br />

Ross RACINE sont chargées d’un grand réalisme.<br />

Au rendu aussi minutieux qu’une photographie,<br />

ce sont pourtant des dessins numériques. Faisant<br />

inévitablement penser au travail de Robert<br />

SMITHSON, ou, à une autre échelle, à Google<br />

Earth, les œuvres de RACINE sont réalisées d’une<br />

manière tout à fait surprenante. Exécutés dans<br />

un premier temps à main levée, sur une tablette<br />

graphique, ces dessins sont ensuite retravaillés<br />

à l’aide de programmes informatiques, tels que<br />

Photoshop et Illustrator. « Le procédé est essentiellement<br />

la combinaison de la matière dessinée<br />

avec diverses modifications faites à l’aide du<br />

logiciel », explique l’artiste, ainsi que son expérimentation<br />

au sein d’un univers virtuel.<br />

Reflet de l’explosion démographique des banlieues<br />

états-uniennes de l’après-guerre, miroir<br />

d’une société surconsommatrice, les vues aériennes<br />

de Ross RACINE montrent aussi le rapport<br />

entre un design urbain et une vie ordinaire imaginaire.<br />

Environnement calme et rationnel de prime<br />

abord, ces villes se déroulent et grouillent de<br />

détours, de culs-de-sac et de raccourcis brisant<br />

bien souvent cette tranquillité flegmatique.


Musée Grétry, réouverture<br />

Maison natale du compositeur André-Modeste Grétry<br />

Un lieu de naissance est un lieu emblématique. Il est un point d’attirance naturel où<br />

convergent histoire et imaginaire, où les temps passés se rapprochent de nous. La<br />

maison natale de Grétry située dans le quartier d’Outremeuse opère cette conversion<br />

temporelle. Elle nous rapproche de l’enfant de <strong>Liège</strong> et nous invite à découvrir le compositeur,<br />

le philosophe et l’humaniste qu’était Grétry.<br />

La Ville de <strong>Liège</strong> a souhaité, pour cette année du bicentenaire de la naissance du<br />

compositeur, rénover complètement le Musée Grétry. Ainsi doté de conditions techniques<br />

satisfaisantes, le Musée peut poursuivre la restauration de ses collections et<br />

offrir à tous les visiteurs un parcours, sous le signe de l’émotion et de l’originalité.<br />

Grétry naît dans le siècle des grandes idées. Il naît par conséquent dans le tumulte<br />

des interrogations. Il sera de ceux qui pourront se définir comme un « passeur d’idées ».<br />

Entre Paris et <strong>Liège</strong>, le chantier est vaste mais les points communs permettront de<br />

donner un axe fort qui servira aux générations futures. Grétry y travaillera toute sa vie<br />

et son art musical touchant directement le cœur suscitera rassembler les reconnaissances<br />

de toutes les franges de la population européenne. Sa musique, ainsi intégrée<br />

aux mouvements les plus divers des siècles de révolutions, est devenue une page<br />

de l’histoire de la musique dans le chapitre de l’opéra comique.<br />

Les collections du Musée permettent de retrouver Grétry, de s’attacher à l’homme<br />

et aux détails de sa vie quotidienne, de découvrir son image façonnée par les peintres,<br />

sculpteurs et graveurs, de découvrir l’aboutissement de ses pensées révélées dans<br />

ses manuscrits musicaux et littéraires exposés en permanence dans la chambre des<br />

manuscrits au troisième étage. La bibliothèque constitue une source précieuse de<br />

documents rares et exceptionnels.<br />

La vue du piano forte de Grétry saisit le visiteur. Sa rencontre avec le compositeur devient<br />

palpable. Le désir d’entendre sa musique est recréé. La mission d’un Musée dédié à<br />

la musique n’est-elle pas, au-delà de l’indispensable conservation, de donner l’envie<br />

d’écouter ?<br />

Patrick DHEUR<br />

Musée Grétry<br />

34, rue des Récollets.<br />

Tél. +32 (0)4 221 42 25.<br />

Buste de Grétry, Grand Curtius<br />

GC.AD.07c.1910.70689-01<br />

La maison natale de Grétry en 1824,<br />

croquis à l’encre de chine.<br />

Extrait de Jeanne RADOUX ROGIER, La Maison<br />

de Grétry et son musée. © Ch. Radoux-Rogier.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

34<br />

Ouvert les mardis et jeudis de 9 à 18 h<br />

et les deux premiers dimanches du mois<br />

de 9 h 30 à 13 h 30.<br />

Entrée gratuite<br />

les premiers dimanches du mois.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 5, n° décembre 6, mars 2013 2012<br />

35


Edith Schurgers<br />

Service pédagogique<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Curtius Circus II<br />

Du 18 avril au 12 mai 2013.<br />

Ouvert de 10 à 18 h.<br />

Fermé les mardis et le 1 er mai.<br />

Grand Curtius, Palais 2 e étage.<br />

136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 42 25<br />

www.grandcurtiusliege.be<br />

En 2011, le Grand Curtius présentait Curtius<br />

Circus, fruit d’un projet pilote mené avec les<br />

étudiantes en Master 1 Publicité de l’ÉSAL (Académie<br />

royale des Beaux-Arts de <strong>Liège</strong>). L’exposition<br />

donnait une relecture ludique des objets<br />

des collections, offrant une vision neuve et<br />

décalée.<br />

Pour la troisième année consécutive, le musée<br />

a ouvert ses portes aux étudiantes et leur a<br />

offert la possibilité de manipuler, au sens propre<br />

comme figuré, les collections muséales. Libres<br />

de toute contrainte scientifique, ilelles ont pu<br />

créer des travaux photographiques mettant<br />

en scène les 7000 ans d’art et d’histoire du<br />

Grand Curtius.<br />

La « nouvelle cuvée » est le résultat d’un travail<br />

de plusieurs mois mené sur deux années par<br />

ces jeunes talents en devenir.<br />

<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

36<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

37


Soo Yang Geuzaine<br />

Historienne de l’art<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Amoiries d’Érarck de la Marck<br />

acquises par l’Institut archéologique liégeois<br />

L’Institut archéologique liégeois (IAL) s’est<br />

adjoint une asbl, l’« Association des Amis des<br />

Musées de l’IAL » (AMIAL), qui a été créée,<br />

comme le rappellent ses premiers statuts de<br />

1933, dans le but de continuer à recevoir en<br />

toute légalité les dons ou legs destinés à ses<br />

collections. L’AMIAL agit donc en parfaite<br />

harmonie avec l’IAL dans des rapports<br />

reprécisés à l’occasion de l’élaboration de<br />

nouveaux status répondant aux impératifs de<br />

la loi de 2002 sur les associations sans but<br />

lucratif.<br />

L’Institut, propriétaire de 40 % des pièces des<br />

collections du Grand Curtius, favorise leur enrichissement<br />

par des acquisitions ponctuelles.<br />

Armoiries d’Érard de la Marck,<br />

<strong>Liège</strong>, Anonyme.<br />

Grand Curtius, I/2007/1<br />

Armoiries d’Érard de la Marck,<br />

baptistère de l’église de Malonne, 1523-1538.<br />

© Photo Albert Lemeunier<br />

Parmi les plus récentes, il convient de citer un<br />

feuillet de parchemin peint à la gouache et représentant<br />

les armoiries du prince-évêque de<br />

<strong>Liège</strong> et cardinal Érard de la Marck, timbrées<br />

du chapeau cardinalice à quatre rangs de<br />

houppes et de la croix. Érard de la Marck avait<br />

été élevé à cette dignité en 1521 et la conserva<br />

jusqu’à son décès (1538). Des banderolles<br />

déployées accueillent la devise du Prince. L’opposition<br />

chromatique de la pourpre et du bleu<br />

accentue le relief. Cette miniature peut être<br />

comparée à la décoration présente dans divers<br />

tomes conservés de l’Officium defunctorum,<br />

destinés à célébrer la mémoire du Prince à la<br />

cathédrale Saint-Lambert de <strong>Liège</strong>. La présentation<br />

de ces armoiries est fort proche de celles<br />

qui sont sculptées sur l’une des grilles du baptistère<br />

de l’église de Malonne, avec celles de<br />

Charles-Quint et de l’abbé Laurent Cornélis,<br />

que l’on peut dater entre 1523 et 1538.<br />

<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

38<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

39


Soo Yang Geuzaine<br />

Allégorie de la nomination<br />

Buste du photographe liégeois<br />

Auto-portrait du sculpteur<br />

Historienne de l’art<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

des bourgmestres Vincent Du Moulin<br />

et Jean-Maximilien de Bounam<br />

par Jean DUMOULIN (1693)<br />

Léonard-Hubert Zeyen<br />

par Léon MIGNON (XIX e siècle)<br />

Léon MIGNON, né en 1847 à <strong>Liège</strong>, est bour-<br />

Jean Henri Gathy (1785-1790)<br />

La Ville de <strong>Liège</strong> a acquis ce buste fin 2011,<br />

au cours d’enchères dans une grande galerie<br />

Ce tableau enrichit la série d’œuvres de ce type<br />

sier de la Fondation Darchis et séjourne à Rome<br />

parisienne.<br />

Acquisitions récentes<br />

du département des arts décoratifs du Grand Curtius<br />

conservées dans nos musées et plus particulièrement<br />

dans les collections de l’Institut archéologique<br />

liégeois, qui possède les allégories des<br />

rénovations magistrales de 1717 et 1718 dues<br />

à Jean RIGA et celle de 1730, par DELCLOCHE.<br />

de 1872 à 1875. De retour au pays, il se fixe à<br />

Bruxelles où il meurt à seulement 51 ans. Le<br />

Dompteur de taureaux, mieux connu sous l’appellation<br />

Li Toré, est une réminiscence des animaux<br />

vus dans la campagne romaine.<br />

« Cette acquisition s’inscrit dans un ensemble<br />

d’autres sculptures de Jean Henri Gathy que<br />

possèdent les collections liégeoises : le buste<br />

du bourgmestre J. J. Fabry, un groupe représentant<br />

le Christ au tombeau adoré par deux<br />

Centuria similitudinum<br />

de Daniel Sudermann (1624)<br />

Daniel Sudermann, dit Suavius, est<br />

un théologien et graveur né en 1550<br />

à <strong>Liège</strong> et décédé aux alentours de<br />

1630 à Strasbourg. Curieusement,<br />

l’historiographie liégeoise ignore depuis<br />

le XVII e siècle la vie et l’œuvre<br />

du fils de Lambert Suavius. Le vide<br />

est partiellement comblé par l’acquisition<br />

chez un marchand berlinois de<br />

ce recueil exceptionnel de cent<br />

planches emblématiques.<br />

Depuis son plus jeune âge, Daniel<br />

Sudermann parcourt l’Europe, excerçant<br />

des missions préceptorales auprès<br />

de grandes familles allemandes<br />

et diverses fonctions au service de<br />

princes de l’Empire, dont Ernest de<br />

Bavière. Il illustre l’histoire des pensées<br />

alternatives dans nos régions au XVI e<br />

siècle, passant sans état d’âme du catholicisme<br />

aux réformes calviniste et luthérienne et<br />

vice-versa. Grand collectionneur de manuscrits<br />

mystiques médiévaux, il termine sa carrière<br />

en adhérant aux thèses de Schwenckfeld,<br />

dont il partage alors la doctrine mystique,<br />

indifférente à la suprématie des églises en<br />

place.<br />

L’ouvrage acquis par l’AMIAL (Amis des Musées<br />

de l’Institut archéologique liégeois) témoigne<br />

de l’engagement de Daniel Sudermann comme<br />

artiste et poète, pouvant être considéré comme<br />

un des écrivains allemands les plus actifs de<br />

son temps. Les nombreuses planches à caractère<br />

topographique évoquent la vie d’un grand<br />

voyageur allant de Paris à Amsterdam, de Riga<br />

à Heidelberg.<br />

En définitive, Daniel Sudermann peut être considéré<br />

comme une figure flamboyante majeure<br />

de la fin de la Renaissance à <strong>Liège</strong>.<br />

Centuria similitudinum de Daniel Sudermann, Strasbourg,<br />

1624, in-4°, titre, dédicace à l’Empereur Ferdinand II et<br />

100 planches gravées. Reliure contemporaine de vélin.<br />

Manuscrit liégeois<br />

contenant 560 recettes médicales<br />

anciennes (XVII e siècle)<br />

Ce précieux manuscrit, acquis par l’AMIAL,<br />

date de la première moitié du XVII e siècle et trouve<br />

son origine soit dans le sud des Pays-Bas<br />

espagnols soit dans la Principauté de <strong>Liège</strong>.<br />

Même si ce recueil contient quelques formules<br />

en latin et en flamand, il est essentiellement<br />

rédigé en français et présente un quadruple intérêt<br />

: médical, historique, linguistique et folklorique.<br />

Il nous apprend énormément sur l’histoire de<br />

la médecine à l’époque moderne à travers des<br />

remèdes populaires qui se proposent de guérir<br />

ou de soulager une grande quantité de maux :<br />

maux de « chef » (migraines, maladies mentales,<br />

épilepsies, maladies des yeux, des oreilles, des<br />

dents, maux de gorge) ; maux du « pis » (poitrine,<br />

rhume, asthme et pneumonie, maux de cœur) ;<br />

maux du ventre (maladies des voies urinaires et<br />

en particulier de la pierre). Des conseils gynécologiques<br />

y sont également prodigués. Les<br />

« receptes » dressent tout un appareil de soins<br />

aussi bien internes (potions, pilules, poudres)<br />

qu’externes (cataplasmes, onguets et baumes).<br />

Les remèdes empruntent aux trois règnes de<br />

la nature, mais surtout au règne végétal. L’importante<br />

liste des plantes citées passe du safran<br />

d’Angleterre au persil d’Alexandrie et au cresson<br />

d’Orléans.<br />

C’est surtout comme document humain que<br />

les recettes sont les plus intéressantes parce<br />

qu’elles montrent la vie courante de l’époque.<br />

Certaines sont piquantes en raison des mœurs<br />

qu’elles révèlent. Elles sont également précieuses<br />

pour l’histoire des superstitions et les rites d’origine<br />

magique : « prenés de la pluye de may. le<br />

faut engresser du burre de may, faut que la lune<br />

soit au defaillant autrement les vers ne meurent<br />

point, le cueillez entre deux Notre Dame ».<br />

Les vieux remèdes présentent aussi un grand<br />

intérêt pour l’histoire de la langue. Il ne s’agit<br />

pas d’un traité savant, mais de recettes populaires.<br />

Les traits wallons du manuscrit sont ainsi<br />

nombreux.<br />

Enfin, intérêt historique, ce manuscrit cite beaucoup<br />

de personnages célèbres. Leur mention<br />

permet de fixer un terminus a quo : « Recepte<br />

contre la gravelle fort esprouvé par le sieur de<br />

Merode,- contre la ci collique esprouvé par<br />

François de Romree.- Contre la carrence esprouvée<br />

par monseigneur de Ligny.- Pour le mal<br />

des dents Esprouvé par Michel du petit Tournay<br />

à Bruxelles.- Pour quarir la pleurisie esprouvé<br />

par le Duc d’Arscot. Pour le gouttes esprouvé<br />

heureusement par le Conte Daremberg, Démont<br />

en l’an l607; Contre La tousse, et oppression<br />

de la poitrine donné a mas maistre Jean de Orjo<br />

Chyrurgien de Jules et pape de Rome; esprouvé<br />

plusieurs fois par Madame Degrelle ».<br />

Le BAL possède celles de 1725 par PLUMIER<br />

et de 1737 par COCLERS. Quelques autres tableaux<br />

de ce type ont été repérés au Château<br />

de Jehay (1690) et dans des collections privées.<br />

Selon les publications de René Jans, il semble<br />

que l’œuvre doive être attribuée à Jean DUMOULIN,<br />

décédé en 1714 au plus tard, plutôt qu’à l’un<br />

de ses fils, également peintres (Lambert, né<br />

en 1679, ou Jean-Baptiste, né en 1673). Le travail<br />

du dernier à l’hôtel de ville de <strong>Liège</strong> est assez<br />

bien documenté. Jean DUMOULIN est connu<br />

comme paysagiste. Il est notamment l’auteur<br />

de quatre grands tableaux, réalisés en 1685-<br />

87 pour le chœur de la collégiale (aujourd’hui<br />

cathédrale) Saint-Paul, perdus depuis 1817.<br />

L’encadrement (qui semble d’époque) ne manque<br />

pas d’intérêt et l’on sait que différents travaux<br />

de ce peintre ont bénéficié de la contribution<br />

de menuisiers et d’ornemanistes locaux. Il est<br />

en cours de nettoyage par l’Atelier de restauration<br />

des Musées de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />

Quant au buste, il s’agit de celui de Léonard-<br />

Hubert Zeyen (1840-1907), portraitiste reconnu,<br />

délégué par la Belgique à l’Exposition universelle<br />

de Vienne en 1873. Zeyen est l’auteur de<br />

portraits de nombreuses personnalités et artistes<br />

liégeois, dont celui de son ami Adrien de Witte,<br />

qui a laissé de lui une gravure (1876)<br />

et un dessin (1882).<br />

À gauche<br />

Buste du photographe liégeois<br />

Léonard-Hubert Zeyen par Léon MIGNON,<br />

terre cuite, H. 32,2 cm.<br />

À droite<br />

Auto-portrait du sculpteur<br />

Jean Henri GATHY.<br />

anges (1785) ainsi qu’un autre en biscuit, peutêtre<br />

de Tournai, acquis grâce à la Communauté<br />

française.<br />

Une étiquette manuscrite du XIX e siècle, collée<br />

au dos de la figure, permet l’identité du personnage<br />

en buste et de l’auteur. L’inscription informe<br />

que cette Tête de Jean Henri Gathy / (mon grandpère<br />

maternel) a été / faite par lui-même / et que<br />

l’artiste né à <strong>Liège</strong> en 1756 y décède en 1811<br />

ou 1812 / a obtenu le premier (prix) de sculpture<br />

à / l’académie de St-Luc à Rome / le 14 mars<br />

1779. Une autre source indique qu’à cette occasion,<br />

la Ville de <strong>Liège</strong> aurait même octroyé une<br />

gratification à la mère de l’artiste.<br />

L’auto-portrait représente Gathy à la fin de la<br />

trentaine – début de la quarantaine, comme en<br />

témoignent les quelques rides marquant déjà les<br />

commissures des yeux, du nez et des lèvres.<br />

L’œuvre pourrait dès lors dater des années 1785-<br />

1790, datation que ne dément pas le type de<br />

la perruque à rouleaux. L’œuvre est particulièrement<br />

expressive et empreinte de vie »<br />

(A. Lemeunier).<br />

<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

40<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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Edith Schurgers<br />

Service pédagogique<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Des couleurs et des formes<br />

Visites-ateliers des expositions temporaires<br />

En plus du traditionnel dossier pédagogique,<br />

et pour la première fois, le Service Animations<br />

des Musées a développé des visites-ateliers<br />

spécifiques aux expositions, en travaillant en<br />

concertation avec la Commissaire de l’exposition<br />

Delaunay et avec l’artiste Luis Salazar.<br />

Les visites-ateliers des deux expositions pouvaient<br />

être envisagées par les enseignants soit<br />

comme des activités indépendantes, soit comme<br />

des propositions complémentaires.<br />

Le mini atelier simultané<br />

L’exposition Delaunay présentait la production<br />

de « l’Atelier Simultané » entre 1923 et 1934,<br />

avec plus de 200 pièces dont des gouaches<br />

préparatoires, des échantillons de tissus et des<br />

cartons d’étude. Ces différents supports donnaient<br />

un éclairage sur la démarche créatrice<br />

de l’artiste, permettant de mieux comprendre<br />

le processus de mise en œuvre des textiles.<br />

Les visites-ateliers proposaient de travailler dans<br />

un premier temps de manière théorique sur<br />

une approche de l’art moderne et du contexte<br />

du début du XX e siècle, en lien avec les pièces<br />

exposées, et dans un deuxième temps de manière<br />

plastique, sur l’exploitation graphique des<br />

formes géométriques et la théorie des couleurs<br />

(primaires, secondaires, complémentaires et<br />

simultanées).<br />

Deux formules ont été développées.<br />

- Une initiation aux formes et aux couleurs simultanées<br />

: les élèves étaient invités à réaliser leur<br />

propre palette de couleurs. Seules les couleurs<br />

primaires étaient mises à leur disposition. Sur<br />

base de cette palette personnelle, chaque jeune<br />

créait, à l’instar de l’artiste, des déclinaisons<br />

chromatiques axées sur la théorie des couleurs<br />

simultanées. Sur cette « fiche » programmatique,<br />

à l’image de celles conçues par Sonia<br />

Delaunay dans ses « carnets noirs », chacun<br />

achevait sa création en inventant un motif abstrait<br />

et géométrique inspiré librement des œuvres<br />

exposées.<br />

- Une initiation à la création de textiles simultanés<br />

: chaque élève concevait une fiche pro-<br />

<strong>Liège</strong> ont proposé deux expositions tempo-<br />

À l’automne dernier, les Musées de la Ville de<br />

grammatique basique reprenant une proposition<br />

de palette de couleurs et un motif d’ins-<br />

au BAL et « Luis Salazar » au Grand Curtius.<br />

raires : « Sonia Delaunay, Atelier simultané »<br />

piration géométrique. Sur base de ce projet, Elles ont fait l’objet d’une réflexion didactique<br />

les étudiants découvraient la technique de la commune autour de la notion de formes et<br />

peinture sur soie cloisonnée à la gutta. couleurs, thème en adéquation avec les<br />

programmes scolaires de l’enseignement<br />

Dans la peau de Luis Salazar<br />

fondamental et secondaire artistique en<br />

L’exposition consacrée à Luis Salazar, peintre Fédération Wallonie-Bruxelles.<br />

inclassable à la frontière de l’abstraction géométrique<br />

et de l’abstraction lyrique, montrait ses entre 2,5 et 20 ans qui ont bénéficié de cette<br />

Ce sont donc des enfants et des jeunes<br />

œuvres de 2012, révélant l’unité de la production<br />

sans pour autant être répétitive (chaque<br />

nouvelle expérience.<br />

œuvre ayant son caractère original).<br />

Les visites-ateliers, conçues elles aussi en<br />

deux temps, consacraient une première partie<br />

à la visite de l’exposition, avec la découverte<br />

de l’abstraction et du contexte de création de<br />

l’art actuel, et une deuxième partie plastique,<br />

autour de l’exploitation combinée de la forme<br />

dictée par le hasard et de la couleur.<br />

Deux formules ont été développées.<br />

- Salazar toi-même : les jeunes devaient appréhender<br />

la technique de travail de Salazar en<br />

expérimentant le hasard et les papiers déchirés,<br />

la réflexion autour de l’association des couleurs. Visites-ateliers<br />

Chacun déchirait des papier de soie colorés de la 9 e Biennale de Gravure<br />

et les assemblait sur un support A3. La consigne<br />

- Thèmes de visite de l’exposition :<br />

voulait que les couleurs associées côte à côte<br />

« au-delà du corps » et « espèce d’animal ».<br />

respectent un équilibre entre contrastes forts<br />

- Ateliers d’initiation à différentes techniques<br />

et contrastes faibles. À la manière de l’artiste,<br />

de gravure (collographie, linographie, monotype<br />

et pointe sèche), utilisant la presse de<br />

les formes « hasardeuses » dues à la technique<br />

de la « déchirure » étaient rationalisées, cloisonnées<br />

d’un trait noir.<br />

l’artiste liégeois Armand Rassenfosse.<br />

- Avec Salazar : Luis Salazar s’est particulièrement<br />

impliqué dans ces animations avec les<br />

- Chaque enseignant pourra sélectionner<br />

deux techniques à découvrir avec sa classe.<br />

écoles et la visite-atelier était plutôt la construction<br />

d’une rencontre, l’interaction directe<br />

Journée de présentation aux enseignants<br />

(avec le dossier pédagogique) :<br />

avec l’artiste. Puis les jeunes concevaient avec<br />

mercredi 20 mars à 14 h.<br />

l’animateur des questions à lui soumettre. Luis - Réservation : ASBL Les musées de Lège,<br />

Salazar se prêtait ensuite au jeu des questionsréponses<br />

avec les élèves.<br />

<br />

tél. 04 - 221 93 25,<br />

info@lesmuseesdeliege.be<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, 5, mars décembre 20132012<br />

42<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

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Edith Schurgers<br />

Service pédagogique<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Livre d’art(istes)<br />

À propos de l’exposition d’Angel Beatove au Musée d’Ansembourg début 2013<br />

Livre-objet, livre-poème, livre de peintre, livre-exposition, livre-installation : depuis la<br />

seconde moitié du 20 e siècle, l’éclatement des typologies rend difficilement catégorisable<br />

ce genre d’ouvrages considérés aujourd’hui comme de véritables œuvres<br />

d’art. Seule certitude, la notion d’édition, au sens classique du terme, est ici remise<br />

en question car les contenus, les matériaux utilisés, la typographie ou les techniques<br />

de tirage, bref, la plupart des procédés mis en œuvre pour la fabrication de ces livres<br />

sont motivés par une tout autre approche que celle de la lecture stricto sensu.<br />

L’exploration des rapports entre le langage verbal et le langage visuel, le chevauchement<br />

entre les champs artistique et littéraire, la recherche entre la sémantique des mots<br />

et leur représentation graphique, la confrontation du texte et de l’image ou l’expérimentation<br />

et les collaborations croisées dans le processus de matérialisation du livre<br />

sont autant de procédés qui distinguent ces œuvres des publications traditionnelles.<br />

François Jacqmin<br />

(Horion Hozémont, (1929-1992)<br />

Considéré comme un des plus grands poètes<br />

belges de la seconde moitié du 20 e siècle,<br />

François Jacqmin a paradoxalement très peu<br />

publié de son vivant. 1 Outre quelques plaquettes<br />

et des poèmes édités dans la revue Phantomas<br />

(à laquelle il a collaboré de 1953 à 1980), trois<br />

recueils importants paraîtront quelques années<br />

avant sa mort : Les Saisons (1979), Le Domino<br />

gris (1984) et Le Livre de la neige (1990).<br />

Ces éditions seront couronnées de succès :<br />

Jacqmin recevra pour ces textes le prix Max<br />

Jacob à Paris, le prix Emmanuel Vossaert de<br />

l’Académie royale de langue et de littérature<br />

françaises de Belgique et le Grand prix quinquennal<br />

de Littérature de la Communauté française<br />

de Belgique pour l’ensemble de son œuvre.<br />

Le scepticisme de l’auteur face à la capacité<br />

du langage et de la pensée à appréhender le<br />

réel, son désir d’écrire librement et sa méfiance<br />

envers tout « projet d’œuvre » expliquent sans<br />

doute la circonspection de cet homme, peu<br />

soucieux de jouer un rôle sur la scène littéraire,<br />

face au monde de l’édition traditionnelle.<br />

Phantomas<br />

Fondée en 1953 par les poètes Joseph Noiret<br />

(co-fondateur du mouvement Cobra), Théodore<br />

Koenig et Marcel Havrenne, la revue bruxelloise<br />

Phantomas privilégiait l’intervention libre de plasticiens<br />

et d’auteurs sur leurs œuvres respectives :<br />

il s’agissait pour eux de confronter et de faire<br />

dialoguer champs littéraires et plastiques de<br />

façon expérimentale.<br />

Proche du dadaïsme, entendant se situer aussi<br />

bien hors de l’académisme que des théories<br />

d’avant-garde, Phantomas se manifesta sur le<br />

Cette exposition présentait 70 tableaux<br />

du peintre Angel BEATOVE, sélectionnés<br />

parmi les 400 œuvres de la série Les<br />

Amants, les Gisants, les Anges.<br />

Le livre d’accompagnement n’est ni un<br />

catalogue, ni un livre d’artiste mais une<br />

édition originale, tirée à 300 exemplaires<br />

et réalisée grâce à un travail de collaboration<br />

entre le plasticien Angel BEATOVE,<br />

l’éditeur et graphiste Bruno Robbe et la<br />

critique d’art Sandra Caltagirone.<br />

Qu’il s’agisse du texte de préface, des<br />

images, du format, des couleurs mises<br />

en relation avec les thèmes proposés<br />

ou de la qualité du papier utilisé, l’artiste<br />

insiste sur la coopération constante<br />

ayant dû nécessairement exister entre<br />

les trois protagonistes pour que ce<br />

« livre-exposition permanente », comme<br />

il aime le nommer, puisse voir le jour.<br />

Élémentaires,<br />

poèmes inédits<br />

de François JACQMIN<br />

accompagnés de 6 lithographies<br />

de Jean-Luc HERMAN.<br />

Typographie George Thone,<br />

1983. Bibliothèque Ulysse<br />

Capitaine, Ville de <strong>Liège</strong>.<br />

À droite<br />

Angel BEATOVE,<br />

Les Amants, les Gisants,<br />

les Anges<br />

Technique mixte<br />

(encre, acrylique),<br />

2011.<br />

plan international en réunissant des personnalités<br />

telles que les écrivains Samuel Beckett,<br />

Jorge Luis Borges, Achille Chavée Alain Jouffroy<br />

ou Louis Scutenaire ; les musiciens Luciano Berio<br />

ou Karlheinz Stockhausen ; les peintres Adami,<br />

Jean Dubuffet, Matta, les dadaïstes Marcel<br />

Broodthaers, Lucio Fontana, Raoul Haussmann,<br />

Wout Hoeboer, Paul Joostens, Serge Vandercam.<br />

« L’œuvre du regard »<br />

Il est un moment où une émotion primaire<br />

hésite entre l’univers pictural et l’univers<br />

langagier. 2<br />

Le groupe Phantomas, auquel Jacqmin sera<br />

associé durant vingt-sept ans, aura un rôle déterminant<br />

dans le parcours de cet écrivain passionné<br />

de peinture et dans ses recherches sur les<br />

liens unissant expressions poétique et picturale.<br />

Mais il doutera ici encore : il reste perplexe face<br />

à la symbiose pouvant exister entre peinture et<br />

poésie. Pour lui, les œuvres poétiques et picturales<br />

sont autonomes : il ne reconnaît finalement<br />

au texte poétique qu’une faculté à exprimer<br />

le rapport entre « pensée » et « vision ». Quand<br />

il écrit sur ou en regard de la peinture, ses poèmes<br />

sont le plus souvent écrits en parallèle, séparément,<br />

dans une démarche de pure perception. 3<br />

De ses collaborations avec les plasticiens naîtront<br />

plusieurs livres d’artistes à tirage très limités,<br />

tels Féerie pour un autre livre et Jardins avec<br />

Hermann Amann, Le propre du temps avec<br />

Gabriel Belgeonne, Dix aphorismes crépusculaires<br />

avec Guy Boulay, Être avec Jean-Luc<br />

Herman et Bertrand Bracaval, Élémentaires avec<br />

Jean-Luc Herman, Nuits avec Jean Hick, L’éloge<br />

du dormir avec Michel Léonardi, Deux chansons<br />

absolues avec Jacques Lizène, L’amour de la<br />

terre avec Léopold Plomteux, Camerà oscura<br />

avec Armand Silvestre, Les escargots avec<br />

Rachel Menchior, Le concile des oiseaux et Les<br />

Altercations du Creux avec Serge Vandercam<br />

ou L’arbre et son ombre avec Cécile Vandresse.<br />

Constatant que François Jacqmin n’avait pas<br />

reçu le soutien critique et éditorial mérité, un<br />

Comité 4 s’est constitué en 2012 pour rappeler<br />

qui était ce poète, auteur d’une œuvre aussi<br />

brève que magistrale. Avec son soutien, trois<br />

expositions ont été organisées à <strong>Liège</strong> début<br />

2013, pour le 21 e anniversaire de sa disparition.<br />

- À la Bibliothèque Ulysse Capitaine, l’exposition<br />

François Jacqmin, les livres d’artistes.<br />

- L’œuvre graphique de François Jacqmin et<br />

François Jacqmin et ses amis artistes ont été<br />

organisées à la Société libre de l’Émulation<br />

et à la galerie Wittert de l’ULg : les œuvres<br />

graphiques de l’auteur et celles de ses amis<br />

plasticiens ayant collaboré à ses livres d’artiste.<br />

La bibliographie de François Jacqmin s’est enrichie<br />

de deux publications : une réédition, Le<br />

Zodiaque en deux mots, avec 13 aquarelles du<br />

poète (édité en 2 exemplaires en 1991), en facsimilé,<br />

tiré en 2013 à 200 exemplaires par le<br />

Comité Jacqmin ; L’œuvre du regard réunit 16<br />

ensembles de textes issus d’ouvrages rares,<br />

réalisés avec divers artistes, amis et partenaires,<br />

comprenant un cahier reproduisant une œuvre<br />

graphique de chaque livre originel (Châtelineau,<br />

Éditions Taillis Pré, collection Ha, 2012).<br />

Angel Beatove (1949)<br />

L’œuvre d’Angel Beatove semble se construire<br />

comme une lente archéologie du<br />

temps. Son exploration remonte aussi bien<br />

à des formes d’expression qui évoquent<br />

des civilisations très anciennes qu’à des<br />

personnes dont il ne reste que des photographies<br />

jaunies. Comme si la peinture et<br />

la sculpture devenaient le moyen privilégié<br />

pour reconstruire une mémoire collective,<br />

constituée de formes archétypales et de<br />

couleurs terreuses. 5<br />

Depuis de nombreuses années, le peintre Angel<br />

BEATOVE, originaire de Saragosse, vit et travaille<br />

à <strong>Liège</strong> et expose en Belgique, au Pays-Bas,<br />

en Espagne, en Italie et en France. Son œuvre<br />

se construit autour de l’être humain : vie, mort,<br />

questionnement, histoire, mémoire, autant de<br />

sujets qu’il traite pour rendre compte des relations<br />

que l’homme entretient avec le temps et<br />

l’espace, tout au long de son existence. Cette<br />

recherche, que l’on pourrait qualifier d’ethnologique,<br />

donne à son esthétique une connotation<br />

singulière : lignes dépouillées, couleurs argileuses,<br />

ocres, personnages à peine esquissés évoquent<br />

l’art rupestre où les images assuraient une fonction<br />

symbolique, narrative et prophylactique.<br />

Les Amants, les Gisants, les Anges<br />

Ce travail conçu par BEATOVE en 2011 sous la<br />

forme d’une triade s’articule sur le cycle de<br />

l’amour, la mort et la rémanence. Cette démarche<br />

peut être mise en rapport avec les théories de<br />

Freud sur Éros et Thanatos et sa conception<br />

dualiste de la vie instinctive. Selon Freud, il y a<br />

imbrication des pulsions de vie et de mort<br />

chez tout individu et le principe du plaisir, au<br />

service des instincts de mort et de Thanatos,<br />

finit toujours par l’emporter sur Éros. 6<br />

Dans l’histoire qui nous est contée, Éros et<br />

Thanatos sont antagonistes mais irrémédiablement<br />

liés, investis dans une lutte qui<br />

dure depuis l’éternité. La mort n’est pas<br />

opposable à la vie ; elle en fait intégralement<br />

partie. Elle est partout, dans le changement<br />

permanent et dans l’oubli. De tous les instants,<br />

elle s’imbrique immuablement à la vie. 7<br />

La série Les Amants, les Gisants, les Anges<br />

est constituée de 400 pièces réalisées à l’encre<br />

de Chine et à l’acrylique sur des pages de vieux<br />

dictionnaires illustrés. Le choix de ce support<br />

constitue à lui seul une métaphore puisque cet<br />

outil linguistique contient des informations de<br />

nature sémantique, notionnelle, référentielle ou<br />

historique, qui rassemble en fait toute notre mémoire<br />

culturelle.<br />

<br />

1. L’amour, la terre, G.M.D. 1954, La rose de décembre,<br />

Phantomas, 1959 ; L’employé, Temps Mêlés, 1967 ;<br />

Poèmes, Phantomas n° 85, 1969 ; Camerà obscura,<br />

Temps Mêlés, 1976 ; Le coquelicot de Grétry, Phantomas,<br />

1978 ; Les saisons, Phantomas, 1979 ; Particules, Daily-Bul,<br />

1981 ; Être, Pré Nian, 1984 ; Le domino gris, Daily-Bul,<br />

1986 ; Les terres détournées, Daily-Bul, 1986 ; Domela,<br />

Spiess, 1986 ; Le livre de la neige, La Différence, 1990 ;<br />

Le poème exacerbé, P.U. Louvain, 1992 ; Éléments de géométrie,<br />

avec illustrations de Léon Wuidar, Tétras Lyre, 2005.<br />

2. F. JACQMIN, Le plumier de vent, cité par R. TIALANS dans<br />

AARevue n° 88, 25 juin 1988.<br />

3. Cf. l’article de Pierre-Yves SOUCY, « L’écart improbable<br />

(Jacqmin et la peinture) », dans François Jacqmin,<br />

dossier dirigé par G. PURNELLE, Textyles n° 35, Bruxelles,<br />

Le Cri Édition, 2009.<br />

4. Comité Jacqmin : Gérald Purnelle, Daniel Dutrieux, Marc<br />

Renwart, Daniel Higny et Francis Édeline.<br />

5. Pierre-Olivier ROLIN, Le Vif-l’Express, décembre 1999.<br />

6. S. FREUD, Essai de psychanalyse, trad. André Bourguignon,<br />

Paris, Payot/15, 1981, p. 89 à 110.<br />

7. S. CALTAGIRONE, « Une métaphysique du devenir »,<br />

dans Angel BEATOVE, Les Amants, les Gisants, les Anges,<br />

Bruxelles, Éditions Bruno Robbe, 2012.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

44<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

45


Edith Schurgers<br />

Service pédagogique<br />

Musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Out of Africa<br />

Une incursion chez les Pende<br />

Il s’agit de productions à caractère touristique, comme nous l’ont confirmé les spécialistes<br />

consultés pour l’occasion 1 . Il ne faut pas les négliger pour autant car il pourrait<br />

s’y trouver la représentation d’un masque dont on n’a pas conservé de spécimen<br />

ou d’illustration. Pareille étude dépasse nos compétences et le cadre de cette présentation<br />

sommaire. Le terme de « masque » est ici compris à la manière des ethnologues<br />

: il ne désigne pas seulement la parure de tête mais il englobe l’ensemble du<br />

costume et la gestuelle du porteur lors des sorties de masques ou mascarades. 2<br />

Les sculptures sont réalisées en bois 3 et reposent sur un socle teinté dont la base<br />

est grossièrement équarrie. Le vêtement est confectionné en fibres de raphia tressées,<br />

barré de rayures horizontales noires ; les poignets, les chevilles, le cou aussi<br />

sont soulignés de collerettes de raphia. Si les costumes sont identiques, les têtes<br />

sont toutes différentes. La hauteur est comprise entre 25 et 30 cm.<br />

Le lieu de collecte des statuettes ne renvoie pas à l’art des Teke qui peuplent les<br />

plateaux Bateke mais plutôt à celui des Pende, dont le territoire se trouve dans la<br />

partie sud-ouest de la République Démocratique du Congo. Originaires d’Angola,<br />

les Pende se sont établis de part et d’autre de la rivière Loange au 18 e siècle. Sur le<br />

plan culturel, les ethnologues distinguent trois groupes au moins : les Pende de<br />

l’Ouest ou du Kwilu, établis à l’ouest de la rivière du même nom ; les Pende du<br />

Centre, entre les rivières Kwilu et Loange, enfin ceux de l’Est entre les rivières Loange<br />

et Kasaï. Les masques peuvent différer en forme et sens selon les groupes.<br />

Les masques de notre petite collection sont apparentés au type Minganji (ou Munganji) :<br />

le costume est souvent constitué d’un filet de raphia strié de noir couvrant le corps<br />

et la tête ; il arrive qu’on ajoute un masque de bois, sans doute plus spectaculaire,<br />

se distinguant par les yeux tubulaires proéminents. Ces yeux expriment la colère chez<br />

les Pende. Un type particulier de Minganji est présent ici à deux reprises : le masque<br />

circulaire Gitenga, dont la forme est un hommage au soleil couchant. Le masque est<br />

souvent réalisé en vannerie, parfois en bois. Ils s’ornent de couleurs vives et sont souvent<br />

bordés de plumes en sus du raphia (1). On en connaît de nombreuses représentations.<br />

Une autre figurine évoque le masque d’initiation Kipoko.<br />

C’est avec plaisir que l’on voit surgir<br />

un brin d’exotisme au sein de collections<br />

centrées sur la civilisation occidentale.<br />

Les collections du Grand<br />

Curtius se sont enrichies d’un ensemble<br />

de 19 statuettes d’origine africaine,<br />

données par Mme Anne David-Dehasse.<br />

Selon la donatrice, ces sculptures<br />

habillées de raphia ont été acquises<br />

vers 1970 au Congo (aujourd’hui<br />

République démocratique du Congo),<br />

dans la région des plateaux Bateke,<br />

parc naturel exceptionnel inscrit au<br />

patrimoine mondial de l’Unesco.<br />

Les sculptures sont accompagnées<br />

de trois feuillets manuscrits : on<br />

y apprend que la collection<br />

se composait de 94 items<br />

(dispersés auprès de plusieurs<br />

bénéficiaires), ainsi<br />

que le nom de chacune<br />

des statuettes et leur rôle<br />

supposé en cas d’invocation.<br />

Les Minganji interviennent à diverses occasions dans la vie des Pende (camp d’initiation,<br />

investiture d’un chef) ; on les associe le plus souvent à la période d’initiation (le<br />

mukanda) à laquelle sont soumis les jeunes garçons. Les Minganji ont un rôle de « police »,<br />

protégeant le camp d’initiation des intrus. Généralement, le Minganji fait peur, il<br />

divise, sème le chaos et parfois la violence (2). À l’inverse, l’autre grand type de masque,<br />

le Mbuya, est un masque de fête, de réjouissances. Et si les Minganji incarnent des<br />

esprits, les Mbuya représentent des types humains (devin, sorcier, prostituée, etc.) ;<br />

ils sont très diversifiés et de qualité souvent remarquable. Il est même possible que,<br />

avec l’évolution qui se poursuit jusqu’à nos jours, des masques Minganji aient glissé<br />

dans la catégorie des Mbuya. Avec le temps en effet, il arrive que des objets changent<br />

de sens ou le perdent. C’est ainsi que les cérémonies liées à l’initiation se réduisent<br />

peu à peu et que les sorties de masques prennent un caractère folklorique.<br />

<br />

1. Merci à Anne-Marie Bouttiaux, Nathalie Nyst<br />

et Julien Volper.<br />

2. Cf. Z S. STROTHER, Pende, Milan, 5 Continents, 2008 ;<br />

Anne-Marie BOUTTIAUX, Persona. Masques d’Afrique :<br />

identités cachées et révélées, Milan-Tervuren, 5<br />

Continents, 2009.<br />

3. Le document accompagnant les figurines indique que ce<br />

bois s’appelle musumba ndambi ; mais il pourrait s’agir<br />

aussi du museya, bois clair et léger dont on fait les masques.<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

46<br />

1. Masque Gitenga.<br />

2. Masques Minganji près de Gungu ;<br />

parmi eux, un Gitenga.<br />

Photo Eliot Elisofon, 1970 (Smithsonian Institution,<br />

National <strong>Museum</strong> of African Art).<br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

47<br />

1<br />

2


Grand Curtius<br />

Musée du Luminaire<br />

Musée d’Ansembourg<br />

Musée des beaux-arts<br />

Fonts baptismaux<br />

Musée de la Vie wallone<br />

Office du tourisme<br />

Gare de <strong>Liège</strong>-Palais<br />

Archéoforum<br />

<strong>Liège</strong> museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

musée des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />

Opéra<br />

Théâtre de la Place<br />

Musée Grétry<br />

Galerie Wittert, Université de <strong>Liège</strong><br />

Trésor de la cathédrale<br />

Musée Tchantchès<br />

Maison de la Science, Aquarium<br />

Les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

museum@liege.be<br />

Grand Curtius<br />

136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 68 40.<br />

Du mercredi au lundi, de 10 à 18 h.<br />

Musée du Luminaire<br />

2, rue Mère-Dieu / +32 (0)4 221 42 25.<br />

Mardi et jeudi, de 9 à 18 h,<br />

les deux premiers dimanches du mois, de 9 h 30 à 13 h 30.<br />

Musée d’Ansembourg<br />

114, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 94 02.<br />

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.<br />

BAL (musée des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />

+ Cabinet des estampes et des dessins)<br />

86, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 92 31.<br />

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 18 h.<br />

Musée Grétry<br />

34, rue des Récollets / +32 (0)4 343 16 10.<br />

Conservatoire<br />

MADmusée<br />

Maison de la Métallurgie et de l’Industrie<br />

Musée des Transports en commun du pays de <strong>Liège</strong><br />

Gare de <strong>Liège</strong>-Guillemins<br />

Musée en plein Air, Sart Tilman, Université de <strong>Liège</strong><br />

<strong>Liège</strong>museum<br />

n° 6, mars 2013<br />

48

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