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La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

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L’éducationnisme

La structure d’éducation envahit tout

La structure d’éducation ou d’éducabilité envahit tout. L’éducation devient

le déterminant majeur, exclusif de l’enfance ; toutes les autres relations de l’enfant

avec les adultes ou avec ses pairs ne pourront plus être établies qu’à partir

de l’a priori de l’éducation. […] C’est le système qui a permis de constituer

l’enfance dans sa physionomie moderne, débile, en tutelle, incapable d’autre

chose que « d’enfance », et nourrie dans cette certitude.

1. Le Corps interdit, Op. cit., p. 92.

René Schérer, « Ne pas toucher », 1980 1

C’est à partir du 19 e siècle que la société se donne véritablement les moyens

d’encaserner les enfants. La notion de protection, on l’a vu, a commencé à se

développer en même temps qu’on se souciait de préserver « l’enfant » des travaux

industriels puis agricoles pénibles et de relever l’âge à partir duquel il pouvait

travailler. Moins il pouvait travailler jeune, plus « l’enfant » était perçu comme

incapable par nature, parce qu’enfant et immature, de subvenir seul à ses besoins

et même, progressivement, de faire face aux situations les plus simples de la vie

quotidienne. L’obligation d’éducation a ainsi pu prendre le relais de la contrainte

au travail et s’imposer de façon positive : au lieu d’exploiter l’enfant, on lui donnait

désormais les moyens d’acquérir les outils et les armes de sa libération, ces

outils et armes qui lui permettraient par la suite d’exercer sa capacité de citoyen,

de défendre ses droits et de progresser dans l’échelle sociale. En outre, on feignait

ainsi d’aligner la condition des enfants des classes populaires sur celle des enfants

des classes plus aisées 1 . Néanmoins à partir du 18 e siècle, et tout particulièrement

au 19 e , il n’était nullement fait mystère que l’éducation des enfants avait pour but

l’inculcation des normes sociales et de la soumission à l’autorité, les formait à la

discipline du travail aux ordres en permettant de les tenir à l’écart de la vie sociale

et politique. Dans son Histoire des passions françaises 2 , Theodore Zeldin caracté-

1. En prenant garde, toutefois, de sauvegarder les effets de transmission héréditaire, chargés

de conserver les classes sociales en l’état. Par ailleurs, si l’école n’est pas obligatoire en France, si

l’instruction dans les familles est possible, c’est que la loi de 1882 prévoyait que les classes dominantes

ne seraient pas enthousiastes à envoyer leurs enfants à l’école. C’est à leur destination

que cette « liberté » a initialement été laissée.

2. Recherches, 1978 ; republié par Payot en 1994. Dans Histoire de l’éducation, Année 1978,

Vol. 1, n o 1, pp. 62-63, Pénélope Caspard-Karydis résumait ainsi le livre : « La seconde moitié

de ce volume est consacrée au système d’enseignement français depuis un siècle. Armé d’une

érudition caustique, Th. Zeldin prend principalement pour cibles la théorie et la pratique

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DA Bonnardel BI.indb 227 04/11/2019 12:34

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