La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La Domination adulte
couvre qu’il possède aussi des savoirs qui intéressent les autres. Les personnes se
mettent d’accord sur ce qu’elles veulent, et sur la façon dont elles veulent y arriver.
L’ensemble du processus est entre leurs mains, est de leur fait. Rien ni personne
ne chapeaute ce qu’elles font. Ces réseaux d’échanges de savoirs existent depuis les
années 1970 dans le monde entier.
Catherine Baker cite aussi ces centres d’accueil pour les jeunes qui refusent l’école :
Il est très amusant de constater que des « centres d’absentéistes » s’ouvrent un peu
partout (notamment dans les pays anglo-saxons) pour accueillir dans la journée
des jeunes qui ne veulent plus aller à l’école. Il faut dire que dans certaines zones
citadines populaires anglaises, on atteignait en 1975 le chiffre de 40 % d’enfants
inscrits ne fréquentant plus l’école. La présence dans les « centres d’absentéistes »
n’étant pas obligatoire, ils ont été fréquentés assidûment 1 …
On parle aujourd’hui de mouvement, non plus tant de home schooling (l’éducation
à la maison) que de unschooling : le refus de la scolarisation de la vie, qui mène
bien souvent au refus éducatif. Se reconnaissant ou non dans ce terme, quelques
communautés et de nombreuses familles refusent ainsi d’exercer le pouvoir adulte ;
les enfants qui y vivent généralement ne vont pas à l’école, où s’y rendent pour
retrouver des amis scolarisés. Dans Les Cahiers au feu, Catherine Baker s’est attachée
à donner la parole à nombre de ces personnes – tant aux mineurs qu’aux
majeurs – et cette parole pétille toujours de vitalité, de confiance en soi et en son
entourage proche :
Anne-Sophie : « Ce n’est pas pour l’avenir que j’élève mon enfant. C’est vrai que
je refuse aussi l’école comme étant la condition a priori de la reproduction d’une
société que je juge insupportable. Mais ce refus qui m’a fait quitter l’enseignement
n’est pas premier. Avant tout, c’est moi qui cherche à vivre de manière différente.
Il s’ensuit que je vis avec Judith des rapports que nous inventons, que nous n’avons
trouvés ni elle ni moi nulle part ailleurs. En ce domaine je suis aussi neuve qu’elle.
Certainement, ayant vécu différemment de ce qu’on aurait attendu d’elle à l’école,
Judith vivra différemment ce que la société attendra d’elle. Mais cela ne me regarde
pas... »
Sarah : « J’ai été élevée dans le respect de la Loi et des lois. Toute éducation vise à
ce respect des lois. Je n’ai pas mis Arthur à l’école parce que le plus beau cadeau
qu’on puisse faire à un enfant, dans ce monde d’oppression, c’est lui offrir notre
rébellion très douce, très tranquille. Lui montrer, face aux horreurs de la vie qu’on
nous impose, qu’on peut toujours être rebelle, calmement rebelle. » 2
1. C. Baker, ibid., p. 126.
2. Ibid., p. 122.
262
DA Bonnardel BI.indb 262 04/11/2019 12:34