La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La Domination adulte
au Parti socialiste, lors de la « Convention pour une égalité réelle », en décembre
2010, il propose toujours de « mettre à l’étude un service civique universel ».
Ségolène Royal proposait de faire intervenir l’armée dans les banlieues, d’abord
pour contenir et réprimer, puis de façon permanente, pour éduquer plus efficacement
; elle n’hésite plus à parler de placement d’office des « jeunes délinquants »
dans « des établissements à encadrement militaire », de « remettre au carré les
familles » et d’avoir « un système d’obligation pour les parents de faire des stages »
quand « les incivilités se multiplient ». Dans une interview au journal Le Parisien,
elle affirmait encore à propos de l’armée : « Cette institution véhicule la transmission
de l’amour du pays, le respect des règles, le travail collectif, le sens de la
hiérarchie, de l’exemplarité. » L’armée, unité d’éducation. En septembre 2011, en
même temps qu’il annonce la création de trente mille nouvelles places en prison
(presque un doublement des capacités d’accueil théoriques), Nicolas Sarkozy reprend
l’idée de Ségolène Royal, sous la forme d’une proposition du député Éric
Ciotti (UMP) de faire encadrer les mineurs délinquants par des militaires, pour
« permettre que les auteurs de délits puissent accomplir, pendant quelques mois,
un service citoyen dans le cadre d’un établissement d’insertion de la défense ». Il
s’agit d’instaurer, selon Ciotti, « un service citoyen proposé aux mineurs délinquants
de 16 ans avec pour principal objectif de rechercher la resocialisation de ces
jeunes 1 ». La « socialisation » est un objectif majeur de l’éducation ; la « resocialisation
», le but logique de la rééducation. L’armée, comme la prison ou l’école, est
le terreau par excellence de cette (re)socialisation : possibilités aussi rognées que
possible d’individualisation, conditions de vie massifiantes, enfermement, contrôle
permanent et hiérarchie omniprésente...
Ce mot de socialisation rejoint celui d’éducation : tout comme lui, il est systématiquement
utilisé en bonne part. Il est volontiers assimilé à l’idée même de
sociabilité. Pourtant, il ne désigne jamais autre chose que la soumission à la communauté
et à ses hiérarchies, aux règles du groupe et à son arbitraire. Socialisation,
éducation : enrôlement.
Depuis 2002 a progressivement été démantelée l’ancienne justice pénale des
mineurs (celle instituée par les ordonnances de 1945, que seules les présentes
politiques pénales/éducatives peuvent faire regretter) et ont été érigés une cinquantaine
de Centres éducatifs fermés, une centaine de Centres éducatifs renforcés,
six Établissements pénitentiaires pour mineurs... Éducation, rééducation : par la
famille, par le travail, par l’armée... puis la prison.
1. Des colonies éducatives prônant la rééducation par le travail ou par le sport, et encadrées
par d’anciens militaires, étaient déjà mises en place sous De Gaulle et sous Mitterrand.
256
DA Bonnardel BI.indb 256 04/11/2019 12:34