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La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

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La Domination adulte

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milieu auraient failli dans ce domaine. On véhicule ainsi à l’école une image d’emblée

péjorative tant des parents que de leur milieu social ou culturel d’origine dans

leur ensemble. Les parents eux-mêmes ne sont que passivement associés à cette

politique et surtout sommés de prendre des mesures et de venir en aide à une institution

scolaire qui cherche à refonder son autorité principalement par l’autorité

qu’elle impose d’abord dans la vie de la famille. [...] Classe après classe, les enfants

et leurs parents se trouvent « coincés » davantage par les injonctions « éducatives »

qu’ils reçoivent : du point de vue de l’institution scolaire, ils accumulent les fautes,

les retards, les manquements, les lacunes dans les prescriptions qu’ils reçoivent

continuellement de la part des enseignants des réseaux d’aide, des directeurs et des

rééducateurs. Les parents ne peuvent plus dès lors représenter quelque légitimité

que ce soit face à une institution qui, peu à peu, se spécialise dans le pointage de

leurs fautes et leur surveillance ; ces derniers se trouvent finalement contraints

d’adhérer aux mesures de rééducation, aux redoublements, aux orientations, aux

parcours individualisés, aux classes aménagées, etc 1 .

La (re)mise en forme des enfants nécessite non seulement de les surveiller et

contrôler, mais de généraliser cette surveillance à l’ensemble de leur environnement.

Comme l’exprimaient fort bien les écrits de Rousseau, la volonté d’éducation

est fondamentalement panoptique. Dès sa mise en place, l’école républicaine

de l’État-nation a permis de quadriller l’espace social. Rappelons-nous qu’Anne

Querrien notait que d’emblée l’entreprise d’éducation nationale a servi à moraliser

et discipliner les familles populaires.

Dans nos pays, on l’a vu, autant il apparaît normal de tenir sous son emprise

quelqu’un de jeune pour l’éduquer, pour le plier bon gré mal gré aux règles sociales,

autant il est reconnu inique de vouloir rééduquer quelqu’un qui a déjà été formé,

un majeur – sauf bien évidemment si l’éducation première a raté. S’il s’avère qu’il

n’est pas « capable » de respecter les règles sociales dites fondamentales, s’il a commis

un crime ou en cas d’importante déviance sociale ou mentale, il pourra être envoyé

en rééducation. En pays humaniste, il n’est alors pas censé être soumis à lavage de

cerveau, formatage actif, mais simplement être « incarcéré » pour « pouvoir réfléchir

sur son acte, exprimer sa contrition et payer sa dette », ou bien être « soigné » pour

être débarrassé de sa « pathologie » et pouvoir retrouver « une personnalité saine ».

Si l’on évite aujourd’hui la plupart du temps d’utiliser le terme de « rééducation 2 »,

c’est que le majeur, l’adulte, est reconnu « en pleine possession de ses moyens » : il est

1. L. Ott, « Le Roi est nu ! », art. cit., pp. 100-101.

2. Sauf dans les pays totalitaires, qui se sont donné pour idéologie la réalisation de « l’homme

nouveau » : Troisième Reich, URSS des années 1920-30, et actuellement Chine, Vietnam,

Malaisie, Corée du Nord. Ceci dit, des camps de « redressement » existent aussi aux USA où

des parents inscrivent leur mineurs récalcitrants ou déviants pour leur faire subir les pires avanies

disciplinaires – certains en meurent parfois.

DA Bonnardel BI.indb 252 04/11/2019 12:34

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