La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
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La Domination adulte
Alors, laisser l’enfant être un enfant, ou l’amener à vivre pleinement sa vie
d’enfant ? Ou bien, l’amener progressivement à vivre une vie d’adulte, à prendre
son autonomie et sa liberté ? Certes, on ne peut jamais s’affranchir pleinement de
nos présupposés, des idées que nous nous formons des choses et des êtres... mais il
y a un abîme entre revendiquer d’éduquer quelqu’un à devenir un enfant (ou un
adulte, un être de raison, un être autonome, un être à jouer, un être à épanouir,
etc.) et laisser cette personne vivre sa vie, quitte à l’aider autant que possible si elle
le souhaite, comme on le ferait pour n’importe qui que l’on apprécie et dont on
souhaite le bonheur.
Éducation et rééducation
Étonnamment, on ne pense guère à opérer le parallèle entre éducation et
rééducation. C’est une mineure qui avait attiré mon attention sur le rapprochement
pourtant évident entre les deux notions : elle appelait une école un « camp
d’éducation ».
L’éducation constitue une noble tâche, un labeur harassant qui exprime
l’immense dévouement des parents et des éducateurs, quand la rééducation fait désormais
l’objet d’opprobre, étant considérée très généralement comme une activité
ignoble entreprise à l’encontre d’un être humain, absolument immorale et violant
son droit fondamental à l’intégrité psychique.
La rééducation s’adresse plutôt à des adultes et est dès lors perçue comme
un viol de la subjectivité, comme une violence et une agression faite à l’intégrité
psycho- sociale des individus : les rééduquer comme communistes orthodoxes,
par exemple, ou comme agents anti-impérialistes, nous semble monstrueux. On
ne devrait s’adresser à des humains adultes que respectueusement, comme à des
égaux, en considérant leur « dignité humaine », et non pas en les forçant et dressant.
Des « thérapies » sont critiquées pour cette raison, qui infligent par exemple
des décharges électriques à des homosexuels afin qu’ils « ne pensent plus à ça »,
ou aux transgenres pour qu’ils reviennent à une vision plus « naturelle » d’euxmêmes
1 … Mais quelle différence entre une rééducation et une éducation – si ce
n’est certes que la première doit faire table rase d’une éducation qui l’a précédée et
a eu le temps de sédimenter, mais qui partageait elle-même nombre de ses caractéristiques
? Pourtant, peu s’indignent de l’existence des écoles : l’intégrité morale des
enfants n’existe pas. Elle n’est en tout cas pas reconnue.
Quelle normativité serait juste, justifiée, défendable ? Quelle emprise d’un individu,
ou d’une communauté, sur un autre individu ? Et du coup, quelle éduca-
1. C’est encore le cas en Birmanie et en Thaïlande.
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DA Bonnardel BI.indb 250 04/11/2019 12:34