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La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

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L’éducationnisme

L’un a fondé l’éducation moderne, l’autre la société démocratique contemporaine,

toutes deux bâties de façon aussi dangereuse l’une que l’autre sur les notions de

liberté et de responsabilité individuelles, bref, sur la participation « libre » à son

propre asservissement. Le gars Rousseau ne précise-t-il pas :

[le pacte social] renferme tacitement cet engagement qui seul peut donner de

la force aux autres, que quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera

contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera

d’être libre ; car telle est la condition qui donnant chaque citoyen à la Patrie le

garantit de toute dépendance personnelle.

Il ne s’agit de rien de moins que du programme « libéral » (au sens anglo-saxon

du terme), formulé crûment comme il était encore d’usage à l’époque de Rousseau

ou de Kant.

S’étendre sur l’idée de liberté demanderait un autre livre. Je ne m’attarde donc

pas, même si cette question concerne au premier chef les rapports adultes-enfants

et leurs identités respectives. Retenons simplement que l’autonomie, qu’il s’agisse

de celle de l’enfant, ou de celle du citoyen face aux lois, est une arme aux mains de

ceux qui ont le pouvoir. Dans des sociétés de domination, il n’y a hélas aucun discours

qui ne puisse un jour servir à asservir. Depuis l’avènement de l’humanisme,

la domination avance ainsi parée des plus beaux atours de la réalisation de soi, de

l’épanouissement, du développement, de l’autonomie, de la liberté, de l’humanité

en progrès.

L’éducation actuelle consiste à traiter aussi longtemps que possible les enfants

« en enfants ». Afin de ne pas les déposséder de leur enfance, on les dépossède de

leur « maturité ». À cette éducation qui « respecte en eux l’enfant », s’ajoute une

éducation à l’autonomie, qui consiste à « se hâter de les traiter en adultes 1 »... qui

consiste plutôt en réalité à faire semblant de les traiter progressivement en ce qu’on

imagine être des adultes. L’éducation à l’autonomie est une farce, mais il ne saurait

en être autrement, de même qu’on ne peut éduquer à la liberté (on n’apprend pas à

être libre en étant enfermé, contrôlé, dirigé). À moins de ne voir dans l’autonomie

ou la liberté que ce qu’on y projette effectivement généralement : la capacité à se

mouvoir dans un dispositif contraignant en pouvant prendre toutes les initiatives

que ce dispositif requiert pour fonctionner.

réellement éloignés de l’infamie que Rousseau « dévoile » ! Renaut ne semble hélas fréquenter

ni les familles ni les écoles contemporaines et, mystificateur lui-même, reprend volontiers à son

compte les escroqueries intellectuelles qu’il trouve dans les ouvrages des pédagogues.

1. « Plus vous vous hâterez de traiter votre fils en homme, et plus tôt il commencera à le devenir.

» J. Locke, Quelques pensées sur l’éducation, § 95, op. cit., cité par Renaut, op. cit., p. 240.

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DA Bonnardel BI.indb 249 04/11/2019 12:34

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