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La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

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La Domination adulte

réellement en danger 1 . En outre, des interdits ne contribuent pas à la compréhension

des situations de danger.

Fondamentalement, on devrait considérer que la protection ne doit pas mener à une

restriction des droits, mais à proposer des moyens de prévention supplémentaires.

[...] Cependant, on ne réussira jamais à éviter tous les dangers. Conseiller, soutenir,

mettre en œuvre des moyens de prévention, non seulement donne des relations

plus agréables, mais se révèle aussi plus efficace que punir, interdire et éduquer.

Bref, parler d’éduquer dans l’intérêt de l’autre, c’est se moquer du monde.

Benjamin Kiesewetter souligne qu’« il est important d’expliciter cela et de veiller

qu’à l’avenir l’éducation cesse d’être synonyme de “ce qui est bon pour des enfants”

». L’abolition de la domination adulte passe nécessairement par la critique

de la notion d’éducation, nécessite de déconstruire l’idéologie pédagogique qui la

soutient et de dévoiler la réalité brutale des rapports sociaux majeurs-mineurs que

masquent les connotations positives du mot.

Éducation, socialisation, instrumentalisation

Qu’est-ce qui fait que nous tenons tant que cela à instrumentaliser la jeunesse

des petits humains qui nous entourent, à les socialiser… les éduquer ? De même

que l’instruction scolaire, l’éducation n’apparaît-elle pas comme un avantage seulement

dans cet état de guerre généralisée de tous contre tous qui nous mobilise sans

fin ? Pourtant, rien ne prouve qu’elle permette à l’éduqué de s’en tirer au mieux : il

a appris à réprimer les processus physiologico-émotionnels qui lui permettraient de

sortir de la confusion dans laquelle le plongent ses détresses, à réprimer ses désirs

et à se résigner, à obéir, à se soumettre, à se conformer aux normes, à se mentir et

à se voiler la face... Si l’éducation fournit des armes et des armures à l’enfant, elle

ne lui apprend pas le moins du monde à se défendre mais simplement, comme le

souligne Catherine Baker, à devenir le mercenaire de la société qui l’a formé.

Émile Durckheim, l’un des pères de la sociologie, précisait sans ambages :

L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont

pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer

chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament

de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel

il est particulièrement destiné 2 .

1. « Faire le contraire de ce qui est exigé, c’est souvent l’unique possibilité qu’a l’enfant de

montrer qu’il décide de façon autonome ce qu’il fait », affirme encore Martin Wilke.

2. É. Durckheim, article « Éducation », in F. Buisson, Nouveau Dictionnaire de pédagogie,

Hachette, 1911, p. 532. Cité par C. Baker, Insoumission…, op. cit., p. 41.

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DA Bonnardel BI.indb 242 04/11/2019 12:34

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