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La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

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L’éducationnisme

Critiquer l’éducation elle-même

L’éducation semble pourtant une notion en soi inattaquable ; on peut bien par

contre critiquer telle ou telle méthode, dénoncer telle ou telle pédagogie ou telles

ou telles valeurs inculquées, mais la notion d’éducation elle-même est intouchable.

Quelques rares personnes s’y sont pourtant frottées. Dans les pays anglo-saxons,

le très sage et très pragmatique John Holt, qui reste une référence

obligée du mouvement des Youth Rights, a publié en 1976 Instead of Education 1 .

Symptomatiquement, le livre traduit en français, qui vient de paraître, s’intitule

Apprendre sans l’école 2 : toute référence à une critique de l’idée d’éducation en ellemême

a été évacuée du titre. De même le best-seller d’Alice Miller sur la violence

de l’éducation et l’ultra-violence de ce qu’elle appelle « la pédagogie noire » (l’éducation

du 19 e et de la première moitié du 20 e siècle), paru en France sous le titre

C’est pour ton bien, s’intitulait en allemand : Am Anfang war Erziehung, (littéralement

: « Au commencement était l’éducation »).

En Allemagne, ce sont les mineurs du collectif Kraetzae qui ont popularisé dans

les années 1990 la critique de l’idée même d’éducation, en reprenant les idées développées

par Ekkehard von Braunmühl, qui publie en 1975 Antipädagogik. Studien

zur Abschaffung der Erziehung 3 . En France, peu d’auteurs se sont intéressés à cette

critique. On trouve René Schérer par exemple. Mais je pense surtout à Catherine

Baker, qui souligne que l’éducation n’est pas un rapport gentillet : elle nécessite un

éducateur et un éduqué, le premier ayant un projet (éducatif) sur le second. Or,

dit-elle, qu’est-ce qui nous pousse à désirer, pour un jeune que nous mettons au

monde, qu’il devienne le petit soldat d’une société militarisante, qui nous enrôle

tous plus souvent qu’à notre tour ? Pourquoi nous donner un rôle de leader, de caudillo,

et désirer à tout prix le guider ? Pourquoi nourrir un projet à son encontre ?

Pourquoi ne pas le laisser vivre, jouir de le regarder vivre et l’aider, l’accompagner

dans sa découverte du monde lorsqu’il en formule le besoin ? Pourquoi ne pas lui

68er – Warum wir Jungen sie nicht mehr brauchen (« Les Soixante-huitards – Pourquoi nous autres

jeunes n’avons plus besoin d’eux »), Berlin, Stiftung für die Rechte zukünftiger Generationen,

1998. Traduction en français par mes soins, voir le site : https://enfance-buissonniere.poivron.

org

1. J? Holt, Instead of Education, Holt Associates Publication, 1976.

2. L’Instant présent, 2012.

3. E. von Braunmühl, Antipädagogik. Studien zur Abschaffung der Erziehung [« Antipédagogie.

Études sur l’abolition de l’éducation»], 1975, réédité chez tologo verlag, Leipzig, 2006.

Traduction française à paraître aux Éditions Le Hêtre Myriadis en 2020. En 1970, Braunmühl

a fondé avec 25 familles à Wiesbaden une garderie qui évite les rapports éducatifs ; elle existe

toujours. En Allemagne paraît régulièrement une revue intitulée Unerzogen (« inéduqué »),

consacrée aux rapports adultes-enfants égalitaires.

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DA Bonnardel BI.indb 233 04/11/2019 12:34

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