La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.
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La Domination adulte
semble assimiler dressage et obtention de réflexes conditionnés (ceci dit, qu’est-ce
qu’arriver à l’heure ou lever la main avant de parler ?). Pourtant, les animaux sont
aussi éduqués, dans la mesure où les résultats visés et obtenus se situent souvent
au-delà de simples réflexes : la différence entre dressage et éducation, à ce niveau,
est bien loin d’être aussi évidente qu’il ne paraît. En outre, n’en déplaise à Renaut,
la plupart des gestes éducatifs, sinon tous, restent aujourd’hui comme hier tout à
fait assimilables à du dressage, sans même parler de leur finalité : qu’il s’agisse de
faire peur à l’enfant pour le faire taire ou obéir, qu’il s’agisse de l’usage de la violence
et de la contrainte, mais tout aussi bien du chantage à l’affection, à l’amour,
au dessert, à la télévision, ou quoi que ce soit d’autre. L’omniprésence de la violence
éducative, comme on l’a vu, est là pour nous rappeler que cette distinction
si volontiers revendiquée par les humanistes est une chinoiserie. Lorsque la carotte
ou le bâton sont brandis, on peut légitimement parler de dressage. Or, il n’y a pas
d’éducation sans sanctions ou sans gratifications.
Toujours selon Renaut, à partir du moment où l’humanité se perçoit comme
incarnant « la liberté » apparaît « l’épineuse question de savoir si la liberté est un
élément du processus éducatif (en d’autres termes : si elle doit être prise en compte
par les éducateurs, au point de limiter leur recours à la contrainte) ou seulement
une finalité de celui-ci (au sens où la liberté serait seulement le produit de l’éducation),
à moins encore qu’elle ne doive être à la fois […] un élément et une
finalité de l’éducation 1 . » Cette épineuse question a effectivement beaucoup agité
les pédagogues et les philosophes. Les décideurs politiques et l’immense majorité
des éducateurs ont tranché sans problème, comme Renaut lui-même : la liberté,
bien sûr, mais pas « au point de limiter le recours à la contrainte » ! Les pédagogies
douces, ou nouvelles, ont même fait leur cet adage : « Toujours plus de liberté, dans
un cadre éducatif » (c’est-à-dire, contraignant). Car les pédagogies encadrent, et le
cadre n’est pas remis en question qui consiste en des horaires, un lieu, une classe
d’âge réunie, des éducateurs et une éducation.
Les types d’éducation « alternatifs » préfèrent dans la mesure du possible l’incitation
à la contrainte (la carotte est alors implicite : il s’agit de faire plaisir à papa
ou maman, à la maîtresse…), mais restent non négociables sur l’essentiel : réaliser
les projets qu’on a conçus pour les enfants et, fondamentalement, le projet qu’on
a conçu des enfants.
Benjamin Kiesewetter, un autre jeune militant de Kraetzae, affirme des idées
d’éducation non-violente ou anti-autoritaire qu’elles sont tout simplement contradictoires
dans les termes 2 .
1. A. Renaut, op. cit., p.170.
2. Cf. B. Kiesewetter, « Ein Plädoyer gegen antiautoritäre und jede andere Erziehung »
(« Un Plaidoyer contre l’éducation auti-autoritaire et toute autre forme d’éducation »), in Die
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DA Bonnardel BI.indb 232 04/11/2019 12:34