27.03.2020 Views

La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

La Domination adulte

semble assimiler dressage et obtention de réflexes conditionnés (ceci dit, qu’est-ce

qu’arriver à l’heure ou lever la main avant de parler ?). Pourtant, les animaux sont

aussi éduqués, dans la mesure où les résultats visés et obtenus se situent souvent

au-delà de simples réflexes : la différence entre dressage et éducation, à ce niveau,

est bien loin d’être aussi évidente qu’il ne paraît. En outre, n’en déplaise à Renaut,

la plupart des gestes éducatifs, sinon tous, restent aujourd’hui comme hier tout à

fait assimilables à du dressage, sans même parler de leur finalité : qu’il s’agisse de

faire peur à l’enfant pour le faire taire ou obéir, qu’il s’agisse de l’usage de la violence

et de la contrainte, mais tout aussi bien du chantage à l’affection, à l’amour,

au dessert, à la télévision, ou quoi que ce soit d’autre. L’omniprésence de la violence

éducative, comme on l’a vu, est là pour nous rappeler que cette distinction

si volontiers revendiquée par les humanistes est une chinoiserie. Lorsque la carotte

ou le bâton sont brandis, on peut légitimement parler de dressage. Or, il n’y a pas

d’éducation sans sanctions ou sans gratifications.

Toujours selon Renaut, à partir du moment où l’humanité se perçoit comme

incarnant « la liberté » apparaît « l’épineuse question de savoir si la liberté est un

élément du processus éducatif (en d’autres termes : si elle doit être prise en compte

par les éducateurs, au point de limiter leur recours à la contrainte) ou seulement

une finalité de celui-ci (au sens où la liberté serait seulement le produit de l’éducation),

à moins encore qu’elle ne doive être à la fois […] un élément et une

finalité de l’éducation 1 . » Cette épineuse question a effectivement beaucoup agité

les pédagogues et les philosophes. Les décideurs politiques et l’immense majorité

des éducateurs ont tranché sans problème, comme Renaut lui-même : la liberté,

bien sûr, mais pas « au point de limiter le recours à la contrainte » ! Les pédagogies

douces, ou nouvelles, ont même fait leur cet adage : « Toujours plus de liberté, dans

un cadre éducatif » (c’est-à-dire, contraignant). Car les pédagogies encadrent, et le

cadre n’est pas remis en question qui consiste en des horaires, un lieu, une classe

d’âge réunie, des éducateurs et une éducation.

Les types d’éducation « alternatifs » préfèrent dans la mesure du possible l’incitation

à la contrainte (la carotte est alors implicite : il s’agit de faire plaisir à papa

ou maman, à la maîtresse…), mais restent non négociables sur l’essentiel : réaliser

les projets qu’on a conçus pour les enfants et, fondamentalement, le projet qu’on

a conçu des enfants.

Benjamin Kiesewetter, un autre jeune militant de Kraetzae, affirme des idées

d’éducation non-violente ou anti-autoritaire qu’elles sont tout simplement contradictoires

dans les termes 2 .

1. A. Renaut, op. cit., p.170.

2. Cf. B. Kiesewetter, « Ein Plädoyer gegen antiautoritäre und jede andere Erziehung »

(« Un Plaidoyer contre l’éducation auti-autoritaire et toute autre forme d’éducation »), in Die

232

DA Bonnardel BI.indb 232 04/11/2019 12:34

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!