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La domination adulte - L'éducationnisme - Yves Bonnardel

Extrait de La Domination adulte. L'oppression des mineurs d'Yves Bonnardel.

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L’éducationnisme

L’apprentissage, champ séparé

John Holt consacre dans son Instead of Education (Apprendre sans l’école) un

chapitre lumineux à la critique de la notion d’apprentissage 1 : elle désigne aujourd’hui

une activité séparée, spécifique, pratiquée (sous la contrainte) à part

du reste de la vie. Une activité autonome, isolée. Or, laissé livré à soi-même et

non à d’autres, on n’apprend jamais pour apprendre : on fait pour faire, et ce

faisant, on apprend. Celui qui décide de découvrir un instrument de musique

commence à jouer quelques notes, se prend au jeu, joue, teste, expérimente,

pour la plaisir, par curiosité ; ce faisant, il apprend. S’il est libre de son activité,

ce n’est pas même pour apprendre qu’il joue, mais par plaisir de découvrir.

Tout apprenant fait, et l’on n’apprend bien qu’en faisant.

Il a fallu l’institution de l’école et la primauté qu’elle a prise, pour que la

notion d’apprentissage ainsi soit contre toute raison séparée de tout faire.

1. John Holt, Apprendre sans l’école, L’Instant présent, 2012. Sur le même sujet, on pourra

lire avec intérêt les analyses de J.-P. Lepri, op. cit., pp. 76-77.

Les dominants ont toujours une drôle d’appréciation de la réalité, qu’ils ne

confrontent pas, et pour cause, avec la perception qu’en ont ceux qu’ils tiennent

sous leur joug. Ainsi, professeurs et élèves comprennent tout à fait différemment

ce en quoi consiste l’apprentissage scolaire :

Pour les enseignants, travailler, apprendre, c’est avoir une activité intellectuelle

d’appropriation du savoir. Pour les élèves, c’est faire ce que l’école vous dit de faire

[...]. Les élèves, dès le CP (cours préparatoire) définissent le « bon élève » sans faire,

le plus souvent, la moindre allusion au fait qu’il apprend des choses : ses principales

qualités sont d’arriver à l’heure et de lever la main avant de parler 1 .

Alain Renaut 2 , prenant et prônant la théorie pour la réalité, affirme gaillardement

: « Quand il s’agit d’enfants, un dressage satisfaisant à cette obligation [ne

pas faire souffrir] nous apparaîtrait toujours aussi inacceptable : il ne suffit plus ici

d’exclure la cruauté dans le dressage, mais bien le dressage comme tel ; parce qu’il

est analytiquement contradictoire, dans son principe même, avec la reconnaissance

d’une liberté, donc d’une subjectivité. » Malheureusement la question de la différence

entre éducation et dressage est résolue très superficiellement par Renaut, qui

1. B. Charlot, in J. Boudon & C.Thélot (éd.), Éducation et formation. L’apport de la recherche

aux politiques éducatives, CNRS, 1999, cité par L. Bianchi, « Instruction. L’école ça sert à

rien », in RdeRéel.

2. A. Renaut, op. cit., p. 368.

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DA Bonnardel BI.indb 231 04/11/2019 12:34

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