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<strong>FR</strong>ANCE<br />
MARS <strong>2020</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec<br />
<strong>FR</strong>ANCK<br />
GASTAMBIDE<br />
Validé par les piliers du game,<br />
il lance la première série<br />
consacrée au rap français
GETREIDEGASSE 36, SALZBURG | HERRENGASSE 2, GRAZ
ÉDITORIAL<br />
VALIDÉ PAR LE<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
RAP <strong>FR</strong>ANÇAIS<br />
Il y a trente ans, le rap d’ici était underground,<br />
mais une émission de télé, Rapline, lui était dédiée.<br />
Le rap est aujourd’hui la musique la plus écoutée<br />
en France, mais vous aurez beau zoner sur les<br />
chaînes françaises de votre box, pas l’ombre d’un<br />
programme consacré à cette musique ! C’est bien<br />
sûr en digital que tout se passe désormais (sur une<br />
chaîne YouTube, <strong>Red</strong> Binks, notamment), mais il<br />
manquait comme un truc. Avec sa série diffusée<br />
sur Canal+ Séries, Validé, l’acteur, réalisateur et<br />
producteur Franck Gastambide innove avec une<br />
première : une fiction dans le monde du hip-hop,<br />
intégrant les acteurs de cette scène, des artistes<br />
de renom qui ont eux-mêmes entériné le projet de<br />
Franck. L’inventeur des Kaïra explique pourquoi il<br />
devait aborder ce projet avec le respect que mérite<br />
sa culture, et sa volonté de « passer le flambeau »<br />
à de jeunes talents. À vous de valider Validé.<br />
Votre Rédaction<br />
Jim Krantz a saisi la<br />
magie acrobatique<br />
d’Arrden Griffith (ici<br />
en photo), de ses<br />
frères cascadeurs<br />
et de leurs chevaux<br />
pour un shooting<br />
exceptionnel.<br />
ALEX LISETZ<br />
Enfant, le journaliste viennois<br />
espérait fébrilement assister<br />
(et expérimenter !) un jour un<br />
vol charter vers la Lune et vers<br />
<strong>Mars</strong>… La colonisation de<br />
notre satellite et de la planète<br />
rouge n’est pas encore devenue<br />
réalité, pourtant, l’espoir<br />
perdure. Voilà pourquoi les<br />
astronautes « analogues » autrichiens<br />
s’entraînent dans le<br />
désert de l’Utah. Partez avec<br />
eux et Alex à la conquête de<br />
<strong>Mars</strong> page 46.<br />
HAL ESPEN<br />
« Faire la route pour rencontrer<br />
une dynastie de cascadeurs<br />
à cheval, c’était déjà<br />
énorme, dit ce journaliste<br />
américain basé au Nouveau<br />
Mexique qui s’est vu convier<br />
dans la vie du clan Griffith.<br />
L’immersion dans cette famille<br />
mythique d’Hollywood a<br />
dépassé mes attentes. » Exrédacteur<br />
en chef du magazine<br />
Outside, Hal s’est récemment<br />
illustré avec ses sujets pour<br />
<strong>The</strong> Hollywood Reporter.<br />
Montez en selle en page 66.<br />
JÉRÔME BONNET (COUVERTURE), JIM KRANTZ<br />
4 THE RED BULLETIN
CONTENUS<br />
mars <strong>2020</strong><br />
58<br />
Une Seine insolite ?<br />
Rien de plus normal<br />
pour Monsieur Voyer.<br />
8 Sur leurs bras, leurs skis ou le fil<br />
d’un torrent, leurs performances<br />
dynamitent notre rubrique Galerie<br />
14 Barbie est dépassée : faites place<br />
à la cyber-poupée !<br />
16 Pour le snowboardeur pro Victor<br />
Daviet, le freeride reste un espace<br />
de liberté si le risque est anticipé<br />
18 Quand les rives seront saturées,<br />
la vie sur l’eau sera-t-elle la<br />
solution ?<br />
20 Pour Emmanuel Jal et sa sœur<br />
Nyaruach, les salles de concert<br />
ont remplacé les scènes d’horreur<br />
22 Rockeur psychédélique au sein<br />
de Tame Impala, Kevin vous<br />
dresse sa playlist « Augmente<br />
ta sérénité »<br />
La vie sur <strong>Mars</strong><br />
se prépare sur Terre, et<br />
le droit à l’erreur est<br />
un genre d’impératif.<br />
46<br />
ALEX VOYER, KATJA ZANELLA-KUX, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL<br />
6 THE RED BULLETIN
24<br />
Quand le grimpeur<br />
Will Gadd descend des<br />
cathédrales de glace.<br />
24 Profondeurs glacées<br />
Dans ces lieux où vous n’oseriez<br />
pas planter vos crampons, Will<br />
Gadd se sent encore plus vivant<br />
36 Franck Gastambide<br />
L’acteur, réalisateur et producteur<br />
fait le bilan, et parie sur la<br />
nouvelle génération<br />
46 La vie sur <strong>Mars</strong>...<br />
Les erreurs de ces spécialistes<br />
du futur pourraient bien sauver<br />
des vies là-haut<br />
58 Seine occupation<br />
Se baigner dans la Seine, c’est<br />
interdit ! En fait, c’est possible.<br />
Alex Voyer vous dit pourquoi<br />
66 L’autre Hollywood<br />
La saga de cette famille de cascadeurs<br />
ne manque pas de selle<br />
84 L’Albanie en 4×4, ça remue,<br />
mais ce que vous y découvrirez<br />
vaut bien quelques secousses<br />
88 Pour être au top durant la Coupe<br />
de l’America sur son AC 75, Jimmy<br />
Spithill se mange un training quotidien<br />
qu’il vous révèle en exclu<br />
90 Mario Kart n’est pas juste un jeu<br />
vidéo délirant, il révèle bien des<br />
choses sur ses joueurs acharnés<br />
91 Montres : quand viendra la<br />
saison du surf, soyez à l’heure<br />
92 La vérité sur le fameux changement<br />
de pneus en apesanteur des<br />
mécaniciens de <strong>Red</strong> Bull Racing<br />
94 Du snow au Colorado, du WRC au<br />
Mexique et de l’Ice Cross à Québec<br />
: bienvenue sur <strong>Red</strong> Bull TV<br />
95 Du break à la salsa en passant par<br />
le plus gros event de tatouage au<br />
monde, boostez votre agenda !<br />
96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
98 En Égypte, une performance<br />
à vous réveiller une momie<br />
THE RED BULLETIN 7
LOS ANGELES, USA<br />
Question<br />
d’équilibre<br />
L’intérêt de ce cliché est moins l’emplacement<br />
ou le sujet que ce qu’il suscite. Le photographe<br />
américain Dan Krauss possède le don de communiquer<br />
le mouvement et l’émotion que le<br />
public perçoit en direct. Cette photo en est<br />
l’illustration parfaite. « J’avais déjà travaillé<br />
avec Joel et connaissais son incroyable aptitude<br />
à tenir en équilibre sur les mains ou à<br />
réaliser sans trembler des flips arrière à peu<br />
près n’importe où, confie Krauss à propos du<br />
Mexicain Joel Fridman- Rojas, pro du parkour<br />
ici en photo. Joel n’a montré aucun signe de<br />
nervosité, et a même posé pour une autre<br />
photo le même jour et toujours en équilibre<br />
sur les mains, trois étages au-dessus de la rue,<br />
sur la bordure du toit du Walt Disney Concert<br />
Hall d’où l’on nous pria de partir juste après. »<br />
dankraussphoto.com<br />
DAN KRAUSS/DANK HAUS
9
DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL
COURCHEVEL<br />
Excès de<br />
vitesse<br />
Après les incroyables Tom Pagès<br />
(FMX), Camille Chapelière (enduro<br />
moto), Jules Charraud (wakeboard),<br />
Nouria Newman (kayak), Diablo<br />
(danse) ou Kilian Bron (VTT), c’est au<br />
tour du champion de ski alpin français<br />
Alexis Pinturault d’être pourchassé<br />
par un drone dans le cadre de la série<br />
vidéo Follow Me. Aux commandes de<br />
l’engin volant (et filmant), on retrouve<br />
une nouvelle fois le prodige TomZ.<br />
On imagine sans peine combien<br />
la session a dû être délicate pour parvenir<br />
à approcher son drone jusqu’à<br />
20 cm du skieur ultratitré lancé à<br />
toute vitesse. « Le défi a été de s’adapter<br />
à l’extrême vitesse d’Alexis, tout<br />
en gérant l’inclinaison de la pente qui<br />
fait pencher le drone en avant »,<br />
explique l’expert français du pilotage<br />
de ces engins, qui a tout de même<br />
« planté » quelques drones dans des<br />
portes durant le tournage.<br />
Instagram : @alexispinturault ; @tomzfpv<br />
11
CHUTES HUKA,<br />
LAC TAUPO,<br />
NOUVELLE-ZÉLANDE<br />
Eau débit<br />
Le débit d’eau des chutes Huka du fleuve<br />
Waikato en Nouvelle-Zélande avoisine souvent<br />
les 220 000 litres par seconde. Suffisant<br />
pour remplir une piscine olympique en<br />
seulement onze secondes. Le photographe<br />
Graeme Murray saisit ici un groupe de<br />
kayakistes de haut niveau parmi lesquels<br />
Zack Mutton, 14 ans, descendant la puissante<br />
rivière. « Le défi était de réaliser<br />
la photo en un temps éclair où ils apparaissent<br />
soudainement avant de disparaître<br />
aussitôt dans les chutes. Zach va<br />
si vite, explique Murray, qu’un passage<br />
à droite est ici fortement déconseillé. »<br />
Instagram : @graememurraynz<br />
13
Little Sophia est<br />
la petite sœur de<br />
l’humanoïde IA<br />
Sophia, « née »<br />
en 2015.<br />
HANSON ROBOTICS<br />
C’est la fin<br />
de Barbie<br />
Dépassées les poupées à l’ancienne ? Ce robot<br />
miniature propose une nouvelle approche pour<br />
initier les jeunes filles à la programmation.<br />
Les robots humanoïdes nous<br />
mettent généralement mal à<br />
l’aise et l’arrivée de modèles<br />
plus réalistes et sophistiqués<br />
fait craindre un monde futur<br />
où ils seront nos maîtres. Pour<br />
remédier à cet état de fait, la<br />
société d’ingénierie basée à<br />
Hong Kong Hanson Robotics,<br />
connue pour son développement<br />
de robots à intelligence<br />
humaine, introduit à sa famille<br />
de robots un nouveau membre<br />
dédié aux enfants. Objectif :<br />
prouver que les robots peuvent<br />
être des alliés bienveillants et<br />
utiles au quotidien.<br />
Baptisée Little Sophia, l’humanoïde<br />
énergique, intelligente<br />
et empathique destinée à travailler<br />
avec les enfants vise surtout<br />
à susciter l’intérêt des<br />
jeunes filles pour le codage et<br />
les matières scientifiques. Le<br />
robot programmable en Blockly<br />
et Python sur une plateforme<br />
open source familiarise les<br />
enfants à l’électronique et la<br />
robotique et est censé devenir<br />
plus réaliste, émotionnel et<br />
intelligent à mesure que son<br />
détenteur en maîtrise le code.<br />
« Little Sophia incite de<br />
manière ludique les jeunes<br />
filles du monde entier à davantage<br />
investir les matières<br />
scientifiques, l’informatique et<br />
l’intelligence artificielle, affirme<br />
Jeanne Lim, PDG de Hanson<br />
Robotics Limited. L’expérience<br />
riche, divertissante et éducative<br />
les motive à apprendre au<br />
côté de Little Sophia. »<br />
L’entreprise travaille à<br />
présent à rendre Little Sophia<br />
encore plus empathique et<br />
autonome. « Notre vision chez<br />
Hanson Robotics est d’insuffler<br />
plus de vie aux robots, renchérit<br />
David Hanson, fondateur<br />
de Hanson Robotics Limited.<br />
L’attrait pour Little Sophia tient<br />
à l’expressivité et la personnalité<br />
avenante dont l’ont dotée<br />
développeurs IA, ingénieurs,<br />
roboticiens, scientifiques et<br />
artistes. C’est une grande<br />
avancée pour notre technologie<br />
IA axée sur la personnalité. »<br />
hansonrobotics.com<br />
HANSONROBOTICS.COM LOU BOYD<br />
14 THE RED BULLETIN
RED BULL SANS SUCRE<br />
MAIS RED BULL QUAND MÊME.<br />
<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />
POUR VOTRE SANTÉ, ÉVITEZ DE MANGER TROP GRAS, TROP SUCRÉ, TROP SALÉ. WWW.MANGERBOUGER.<strong>FR</strong>
VICTOR DAVIET<br />
Un bon rider est<br />
un rider vivant<br />
Fort de cette devise, le champion de snowboard veut sensibiliser<br />
pros et amateurs sur les imprévus de la montagne.<br />
sur les conditions d’enneigement et<br />
de vent avec l’appli bulletin risque et<br />
avalanche de Météo France ; et aussi<br />
connaître son itinéraire et le groupe<br />
avec lequel on part. Une sortie en<br />
hors-piste, ça se prépare ! On teste<br />
son matériel. Et une fois dehors,<br />
il faut lire le terrain, détecter les<br />
signaux positifs ou négatifs : l’état<br />
de la neige, la force du vent, etc.<br />
Le b.a.-ba, tout bon snowboardeur<br />
qui pratique le hors-piste le connaît :<br />
rider 20 % en deçà de ses capacités,<br />
toujours écouter sa peur et suivre<br />
son intuition. Mais sait-il comment<br />
bien réagir face à une avalanche ?<br />
C’est de ce constat tiré de sa propre<br />
expérience qu’est partie l’initiative<br />
de Victor Daviet, 29 ans. Avec la<br />
création des Safety Shred Days à la<br />
station d’Arêches-Beaufort (Savoie)<br />
début janvier, il propose une formation<br />
à la prévention et au secours en<br />
montagne adaptée à une cible jeune<br />
de freeriders à un prix abordable<br />
(un forfait formation et nourriture<br />
pour 35 € par jour). Il veut faire de<br />
ce rassemblement un incontournable<br />
annuel pour bien commencer la<br />
saison et montrer le bon exemple.<br />
the red bulletin : Faire du<br />
freeride en soi, c’est déjà courir<br />
des risques…<br />
victor daviet : Justement, comme<br />
on est responsables de ce mouvement<br />
hors-piste, on se doit de proposer<br />
une formation. Je me disais qu’il<br />
allait y avoir des accidents autour de<br />
moi. Les athlètes, les médias ou les<br />
marques communiquent tellement<br />
sur le hors-piste, les belles images,<br />
la poudreuse… Depuis quelques<br />
années, mon souci c’est donc de<br />
dire : « On fait du hors-piste, mais on<br />
le fait avec du bon matos, et on est<br />
formé pour utiliser ce matériel. »<br />
Quel a été le déclic de cet<br />
événement ?<br />
J’ai survécu à deux avalanches. La<br />
première, c’etait en Alaska, j’avais<br />
24 ans. On était en tournage, je<br />
réalisais un rêve… L’Alaska, c’est la<br />
Mecque des freeriders. À ma première<br />
descente, j’entendais la neige<br />
se fissurer. On n’était pas loin de la<br />
catastrophe. J’ai passé plusieurs fois<br />
la tête sous la neige, par chance,<br />
quand l’avalanche s’est arrêtée, je<br />
n’avais de la neige « que » jusqu’aux<br />
épaules. Je pouvais respirer. Rebelotte<br />
en 2016, en Alaska toujours.<br />
Elle était moins grosse cette fois,<br />
mais aussi traumatisante. Et une<br />
troisième fois, c’est un pote qui a été<br />
pris dans une avalanche. Quand on<br />
l’a retrouvé au bout de cinq minutes,<br />
avec hélico et tout, il était violet.<br />
C’est là que je me suis dit : « Il y en a<br />
assez des avalanches, je veux que<br />
tout le monde soit formé. »<br />
Tout le monde, aussi bien les<br />
équipes de tournage que les riders,<br />
pros et amateurs…<br />
Exactement. Le caméraman ou le<br />
pratiquant urbain qui va faire du<br />
snowboard deux semaines par an.<br />
J’ai surtout pensé à mes amis qui ne<br />
sont pas pros, et qui pratiquent le<br />
hors-piste tous les week-ends : soit<br />
ils n’ont pas le bon matériel, soit ils<br />
ne savent pas s’en servir. La formation<br />
aux secours en montagne, ce<br />
n’est pas à faire une seule fois dans<br />
sa vie, mais une fois par an, pour<br />
progresser et se remémorer les bons<br />
gestes et acquérir de nouvelles<br />
connaissances pour sauver un ami.<br />
Le bon matériel, c’est quoi ?<br />
Un DVA, détecteur de victimes en<br />
avalanche, une pelle, une sonde,<br />
le tout dans un sac à dos airbag.<br />
Quels sont les réflexes à avoir ?<br />
C’est ce qu’on apprend pendant la<br />
partie théorique. Avant de sortir<br />
en hors-piste, il faut : avoir le bon<br />
matos, être formé, et se renseigner<br />
Des exemples d’erreurs à ne pas<br />
faire après une avalanche, au<br />
moment des recherches ?<br />
Quand on a un avalanché sous la<br />
neige, il faut veiller à mettre son<br />
détecteur en mode « recherche ».<br />
Ainsi, seul l’avalanché aura son détecteur<br />
en mode « émission ». D’où l’intérêt<br />
d’être formé, pour apprendre ça.<br />
Car quand tu sais que quelqu’un est<br />
sous la neige, potentiellement mort,<br />
émotionnellement, c’est dur, tu ne<br />
sais pas comment tu peux réagir. Il<br />
faut être préparé, avoir des automatismes<br />
: « Je prends le lead. Toi, tu vas<br />
appeler les secours, le 112 ; tu connais<br />
notre position (en hors-piste, il est<br />
impératif de connaître sa position<br />
exacte, point GPS ou carte) ; on va<br />
organiser les secours : on se met en<br />
rang, on cherche, on sonde de telle<br />
manière… »<br />
Lors de vos deux « mauvaises »<br />
expériences, qu’est-ce qui aurait<br />
pu être évité ?<br />
C’était des shootings pro, on devait<br />
rapporter des images. On n’a pas fait<br />
assez attention aux signaux négatifs.<br />
On aurait dû attendre un peu avant<br />
de se lancer dans cette pente, car la<br />
couche de neige fraîche qui venait<br />
de se déposer n’était pas encore<br />
consolidée au manteau neigeux de<br />
base. Ce qui fait que c’est toute la<br />
couche de surface qui est partie.<br />
Et qui avait été apportée sur cette<br />
face par le vent.<br />
Diriez-vous que la montagne est<br />
dangereuse ?<br />
La montagne est imprévisible. Elle<br />
cache des risques. Il faut savoir la<br />
décrypter.<br />
victordaviet.com<br />
JULIEN PERLY CHRISTINE VITEL<br />
16 THE RED BULLETIN
« Tout le monde<br />
doit être<br />
responsable<br />
de sa pratique,<br />
avoir le bon<br />
matériel, et<br />
être formé. »<br />
THE RED BULLETIN 17
Une maison en<br />
vogue, qui vogue<br />
sur les flots…<br />
ARKUP<br />
Vue sur mer<br />
Littoral saturé ? Montée des eaux ? À Miami,<br />
une maison flottante ouvre des perspectives.<br />
Miami est une place du luxe<br />
et du (bon ?) goût cosmopolite.<br />
La ville abrite des individus<br />
parmi les plus riches des États-<br />
Unis et attire des citoyens avec<br />
la promesse d’une vie huppée<br />
sur la côte. Hélas, avec le<br />
réchauffement climatique qui<br />
se fait de plus en plus ressentir<br />
dans la vie quotidienne, Miami<br />
est aussi l’un des endroits les<br />
plus exposés à la montée du<br />
niveau de la mer.<br />
Basée en Floride et lancée<br />
par deux Français, la société<br />
Arkup confronte ce défi avec<br />
une idée novatrice : construire<br />
pour les résidents des maisons<br />
de verre modernes et élégantes,<br />
qui flottent près du<br />
rivage, évitant du coup de surcharger<br />
un littoral déjà saturé.<br />
Avec une population urbaine<br />
en constante augmentation,<br />
beaucoup se tournent vers la<br />
mer pour leur future habitation.<br />
Le concept de maison flottante<br />
d’Arkup reproduit sur<br />
l’eau la villa rêvée de Miami, en<br />
l’agrémentant de dispositifs de<br />
survie. Son principal atout tient<br />
dans sa capacité à résister aux<br />
tempêtes et à une mer agitée.<br />
Élégante et raffinée, la maison<br />
n’en est pas moins capable de<br />
braver des ouragans avec des<br />
vents de 250 km/h grâce à son<br />
système de levage. Deux<br />
moteurs propulsent la maison<br />
vers des eaux peu profondes<br />
où ses piliers hydrauliques de<br />
12 mètres de haut élèvent la<br />
bâtisse au-dessus du niveau<br />
de la mer, protégeant ainsi ses<br />
occupants des tornades et<br />
des inondations. « Concept<br />
avant-gardiste unique de vie<br />
sur l’eau en autonomie » selon<br />
l’entreprise, la maison flottante<br />
de 400 m² plus spacieuse<br />
que bien des propriétés<br />
sur le rivage constitue une<br />
alternative écologique crédible.<br />
Entièrement alimentées<br />
à l’énergie solaire avec zéro<br />
émission, les maisons d’Arkup<br />
assurent leur autonomie grâce<br />
à un système de purification<br />
des eaux de pluie et de gestion<br />
interne des déchets.<br />
Si cette maison de luxe<br />
flottante s’adresse avant tout<br />
aux plus fortunés de Miami,<br />
Arkup espère développer des<br />
variantes plus modestes et<br />
plus abordables afin d’étendre<br />
sa mission écologique. Avec<br />
la montée des niveaux d’eau<br />
et le besoin urgent d’alternatives<br />
énergétiques, ces<br />
constructions flottantes vertes<br />
pourraient bien être la solution<br />
pour le logement durable dont<br />
le monde a besoin.<br />
ARKUP.COM LOU BOYD<br />
18 THE RED BULLETIN
SON PRO<br />
ÉCOUTEURS SANS FIL JBL<br />
JBL.COM
EMMANUEL JAL & NYARUACH<br />
Des machettes<br />
à la musique<br />
Ils sont frère et sœur, enfants rescapés de la guerre civile<br />
au Soudan. Devenus adultes, ces musiciens afropop n’ont<br />
qu’une seule mission : semer l’espoir.<br />
Lorsque le musicien soudanais<br />
Emmanuel Jal joue, tout son être<br />
vibre de joie : il danse, sautille, fouettant<br />
l’air de ses cheveux. Nyaruach, sa<br />
sœur et complice est plus posée, mais<br />
animée de la même énergie. Dans l’album<br />
du duo Naath (2018), elle interprète<br />
le titre Gatluak dans sa langue<br />
maternelle, le nuer et y fustige un<br />
prétendant louche sur un rythme<br />
irrésistible. Ce tableau réjouissant ne<br />
reflète pas pour autant l’histoire agitée<br />
de ces deux êtres. Enfants au<br />
début des années 80, ils sont séparés<br />
de leur famille durant la Seconde<br />
guerre civile soudanaise, qui fera près<br />
de deux millions de victimes. À sept<br />
ans, Emmanuel est enrôlé dans l’Armée<br />
populaire de libération du Soudan,<br />
épisode qu’il relate dans ses<br />
mémoires, War Child : l’histoire d’un<br />
enfant-soldat. Nyaruach a été violée<br />
par des agents du gouvernement, et<br />
tous deux perdent d’innombrables<br />
êtres chers, dont certains exécutés<br />
sous leurs yeux. Ils sont à nouveau<br />
réunis au Kenya où ils trouvent enfin<br />
asile. En 2005, ils connaissent le<br />
succès avec Gua (trad. paix), tube<br />
d’Emmanuel. Depuis, ce dernier s’est<br />
produit au Live 8: Africa Calling,<br />
a partagé l’affiche avec Reese<br />
Witherspoon dans <strong>The</strong> Good Lie en<br />
2014, fondé une ONG et s’est installé<br />
à Toronto (Canada). De son côté, à<br />
date, Nyaruach vit dans un hall en<br />
Angleterre avec ses deux enfants.<br />
Le contraste entre les traumatismes<br />
vécus et la gaîté de leur musique est<br />
saisissant. Mais pour eux, rien de plus<br />
logique : « Nous chantons l’espoir afin<br />
que les gens rentrent chez eux le<br />
cœur plus léger. »<br />
the red bulletin : Emmanuel,<br />
quels ont été à ce jour les moments<br />
les plus exaltants de votre<br />
carrière ?<br />
emmanuel jal : En termes de<br />
moments clés, Live 8 en fait partie<br />
tout comme le gala pour les 90 ans<br />
de Nelson Mandela, les tournées avec<br />
Aaliyah et Lauryn Hill, et les chansons<br />
avec Alicia Keys.<br />
Votre collaboration remonte au<br />
premier album d’Emmanuel, en<br />
2004…<br />
ej : C’était en dilettante à l’époque,<br />
mais Nyaruach et ses amis se sont<br />
impliqués dans une chanson qui m’a<br />
valu une visibilité internationale<br />
(Gua, en 2005) et d’être numéro un<br />
sur les radios kenyanes. Les gens<br />
l’adoraient sans comprendre le texte.<br />
Vous reconnaît-on dans la rue ?<br />
ej : Oui, après le succès de Gatluak la<br />
notoriété de Nyaruach est devenue<br />
virale. Au restaurant, des fans<br />
payaient parfois sa note à son insu.<br />
Nyaruach, vous avez dû récemment<br />
quitter le Kenya. Pourquoi ?<br />
n : De retour à Nairobi après une<br />
tournée en Angleterre en 2018, des<br />
agents du gouvernement me contactaient<br />
depuis un numéro privé. S’ils<br />
arrivent à vous joindre, ils peuvent<br />
aussi vous kidnapper et vous éliminer.<br />
Vous devez donc fuir. Je ne dormais<br />
pas sous le même toit que mes<br />
enfants, changeais de maison chaque<br />
nuit et gardais mon téléphone éteint.<br />
J’étais terrifiée. C’est comme si les<br />
gouvernements du Soudan du Sud et<br />
de Nairobi étaient de mèche. Je me<br />
suis investie en politique à cause de<br />
ce que j’ai vu. Impossible de garder le<br />
silence quand vous perdez un père,<br />
une mère ou une sœur, quitte à risquer<br />
sa vie. Je devais le dénoncer.<br />
Mais au Soudan, c’est mal vu venant<br />
d’une femme. Là-bas, elles n’ont<br />
pas voix au chapitre. Désormais, je<br />
n’ai plus de lieu où vivre. J’ai fui le<br />
Soudan du Sud et Nairobi. Mais il<br />
me reste la musique. J’espère obtenir<br />
l’asile ici. Voilà deux mois que je suis<br />
SDF à Liverpool. Nous dormons dans<br />
un grand hall tels des soldats dans<br />
l’attente d’un logement de la part des<br />
autorités.<br />
ej : Nous avons perdu 60 proches<br />
dans la région d’où nous venons.<br />
Notre frère a été abattu alors qu’il<br />
téléphonait au benjamin de la famille.<br />
Les civils sont pris pour cible.<br />
Aujourd’hui, nous dénonçons cela.<br />
Mais parler des viols, des enlèvements<br />
et des meurtres de masse reste difficile.<br />
Avec la notoriété, Nyaruach ne<br />
peut plus se rendre dans un camp de<br />
réfugiés. On la reconnaîtrait et les<br />
espions qui y rôdent pourraient<br />
l’enlever.<br />
Qu’espérez-vous pour le futur ?<br />
n : Comme Emmanuel, je veux aider<br />
les gens dans le besoin. Au Soudan<br />
du Sud, les femmes sont soumises<br />
aux hommes qui leur interdisent de<br />
travailler. Je veux me battre à leurs<br />
côtés avec ma musique.<br />
Vos chansons véhiculent-elles<br />
d’autres messages ?<br />
ej : Le génie de la musique et du<br />
sport transcendent les tribus. Quand<br />
j’étais enfant-soldat, je haïssais les<br />
musulmans et voulais en tuer le plus<br />
possible. Mais j’ai évolué. Un jour, un<br />
chanteur musulman a donné un<br />
concert chez nous. Je suis resté<br />
bouche bée en voyant tout le monde,<br />
soldats, enfants, réfugiés, se battre<br />
pour être au premier rang. C’était<br />
génial ! Comme le vent ou l’amour, la<br />
musique ne connaît nulle frontière.<br />
Instagram : @ nyaruachmusic ;<br />
emmanueljal.com<br />
IAN VOGLER/DAILY MIRROR JESS HOLLAND<br />
20 THE RED BULLETIN
« Tout comme le vent<br />
ou l’amour, la<br />
musique ne connaît<br />
nulle frontière. »<br />
Nyaruach et Emmanuel Jal<br />
chantent pour apaiser leurs fans.<br />
THE RED BULLETIN 21
TAME IMPALA<br />
« Air<br />
sont très<br />
efficaces<br />
au réveil »<br />
Les quatre titres fétiches du<br />
rockeur psychédélique Kevin<br />
Parker pour déconnecter et<br />
trouver la paix.<br />
Depuis la sortie de son 3 e album<br />
Currents en 2015, Kevin Parker<br />
tête pensante de Tame Impala,<br />
est salué comme le nouveau messie<br />
du rock par les médias et des<br />
fans aussi prestigieux que Kanye<br />
West, Lady Gaga ou Rihanna.<br />
C’est d’autant plus surprenant<br />
que ce hippie de la génération Y,<br />
élevé à Perth (Australie) pouvant<br />
se targuer de centaines de millions<br />
de streamings et une tête<br />
d’affiche à Coachella, est l’auteur<br />
de mélodies étranges et psychédéliques<br />
loin des hymnes grand<br />
public. Son nouvel album <strong>The</strong><br />
Slow Rush a demandé cinq ans<br />
de travail, le menant au bord de<br />
l’épuisement. Pour retrouver la<br />
sérénité et rêver la nuit, Parker<br />
s’en remet à ces quatre titres.<br />
tameimpala.com<br />
Bee Gees<br />
Every Christian Lion-Hearted<br />
Man (1967) (Bee Gees’ 1st)<br />
« Commençons par les Bee<br />
Gees à leurs débuts. Cette<br />
chanson est un bijou, les<br />
sixties en mieux, des sixties<br />
psychédéliques. C’était avant<br />
leur période disco. J’ai<br />
découvert cette chanson grâce<br />
à Mark Ronson. Elle est groovy<br />
et planante. Idéale pour<br />
s’évader, ce que j’essaie de<br />
faire dans toute ma musique. »<br />
Supertramp<br />
Goodbye Stranger (1979)<br />
(Breakfast In America)<br />
« Ce morceau me fait un effet<br />
incroyable, il me met dans un<br />
état d’euphorie et de transe en<br />
même temps. Je vois une pluie<br />
de confettis sous des lasers<br />
lumineux, c’est une sensation<br />
unique. Comme un spectacle<br />
son et lumière… C’est ce que je<br />
ressens avec cette chanson<br />
qui se trouve être aussi ma<br />
berceuse préférée. »<br />
Air<br />
Run (2004) (Talkie Walkie)<br />
« Une mélopée incroyablement<br />
belle et sereine, et idéale pour<br />
satisfaire mon fantasme d’être<br />
sur un nuage. Air sont aussi<br />
très efficaces le matin au<br />
réveil. C’est une source<br />
d’inspiration pour la journée.<br />
Un jour, j’ai écouté Run en<br />
boucle avant de m’endormir et<br />
à mon réveil, elle tournait<br />
encore. Je ne m’étais jamais<br />
senti aussi bien. »<br />
Neu!<br />
Hallogallo (1972)<br />
« Un de nos morceaux favoris<br />
de l’époque. On l’écoutait<br />
souvent lors de nos premières<br />
tournées à travers l’Australie.<br />
On se passait tout le premier<br />
album de Neu!, mais ce<br />
morceau reste mon préféré.<br />
Son côté répétitif, hypnotique,<br />
a le don de m’empêcher de<br />
cogiter. Un morceau à<br />
découvrir pour ceux qui ne le<br />
connaissent pas. »<br />
NEIL KRUG MARCEL ANDERS<br />
22 THE RED BULLETIN
LE NOMBRIL<br />
DU MONDE...<br />
DE GLACE<br />
Le grimpeur canadien WILL GADD s’est<br />
aventuré au Groenland dans un endroit où<br />
nul n’oserait aller : au fond d’un « moulin »,<br />
un puits creusé par l’eau dans un glacier.<br />
Texte ANDREAS WOLLINGER<br />
Photos CHRISTIAN PONDELLA
Cathédrale de glace<br />
Ce cliché est le préféré du photographe<br />
Christian Pondella : il résume<br />
à lui tout seul et de manière magistrale<br />
le caractère irréel et extraordinaire<br />
de cette expédition au cœur<br />
de la calotte glaciaire du Groenland.<br />
25
« L’hélicoptère nous<br />
dépose au bout de<br />
trente minutes de vol.<br />
À perte de vue,<br />
un horizon de glace. »
Paradis blanc<br />
Un moulin se forme lorsque les<br />
eaux de fonte ruissellent depuis la<br />
surface vers l’intérieur du glacier.<br />
Les étudier permet d’évaluer les<br />
effets du changement climatique<br />
sur la fonte de la calotte glaciaire.<br />
27
Pointure mondiale de la grimpe sur glace, Will Gadd n’en est pas à son premier exploit :<br />
le Canadien de 52 ans est connu pour avoir été en 2015 le premier à escalader les chutes du Niagara<br />
gelées. Pourquoi avoir choisi le Groenland cette fois ? Car personne ne l’avait fait avant lui.<br />
Ilulissat, Groenland Située dans la célèbre baie de Disko, c’est de cette ville sur la côte<br />
ouest du pays qu’est partie l’expédition Beneath <strong>The</strong> Ice.
Départ vers l’inconnu<br />
Les moulins explorés par l’équipe se<br />
révèlent plus importants et plus<br />
dangereux que prévu, en raison des<br />
blocs de glace qui s’en détachent et<br />
s’effondrent au fond. Si l’un de ces<br />
blocs leur tombe dessus, c’est la fin.<br />
29
Une patinoire<br />
à la verticale<br />
Les parois descendent à pic<br />
sur 90 mètres : tout au fond<br />
se trouvent les lacs souterrains<br />
dans lesquels Will Gadd avait<br />
prévu de plonger. Avant de devoir<br />
y renoncer, car trop risqué.<br />
31
« Je célèbre chaque<br />
instant que je peux<br />
vivre intensément.<br />
Grimper ici me fait<br />
me sentir sacrément<br />
vivant. »
Dans son élément<br />
Will Gadd en action sur son terrain<br />
favori : un jeu d’enfant pour ce<br />
pro des parois gelées. Autour de lui,<br />
la glace craque, siffle et gémit<br />
dans un concert de bruits aussi<br />
fascinants qu’angoissants.<br />
33
Et la lumière fut<br />
Will Gadd et Jason Gulley,<br />
enseignant- chercheur en géologie à<br />
l’USF (USA), au fond du puits. Leur<br />
expédition a permis de récolter et<br />
de transmettre de précieuses informations<br />
aux climatologues.
Séance d’échauffement Avant de s’aventurer dans les profondeurs du Groenland, Will Gadd s’échauffe sur les icebergs qui flottent<br />
devant la côte. L’occasion pour Christian Pondella de réaliser quelques somptueux clichés.<br />
THE RED BULLETIN 35
« Trahir la<br />
réalité du<br />
rap serait<br />
me trahir<br />
moi-même »<br />
Réputé pour ses comédies urbaines,<br />
<strong>FR</strong>ANCK GASTAMBIDE avance rarement<br />
seul, et le confirme avec une série<br />
pionnière sur le rap français, visitée<br />
par des patrons du genre : Validé.<br />
Pour ce projet diffusé sur Canal+ Séries,<br />
il a cette fois misé sur des inconnus<br />
complets. Et ne le regrette pas.<br />
Texte PIERRE-HENRI CAMY<br />
Photos JÉRÔME BONNET<br />
36
Franck Gastambide<br />
et son sweat-shirt<br />
hommage au film<br />
sociétal et urbain<br />
des frères Hughes.
T<br />
rois lascars (dont une personne de petite<br />
taille), un pitbull et une caméra fixée<br />
à un trépied. Un banc au bas d’un grand<br />
ensemble de banlieue. Des sketches de<br />
deux minutes diffusés sur le site de<br />
Canal+. C’est ainsi que s’est lancée<br />
officiellement la carrière de Franck<br />
Gastambide, il y a dix ans. Sa nouvelle<br />
carrière, du moins. Jusqu’alors, le Français<br />
né à Melun (double 7) est spécialisé<br />
dans le dressage de molosses, ce qui le<br />
mènera à collaborer avec Mathieu Kassovitz<br />
sur le film Les Rivières pourpres. Il<br />
connecte dans la foulée avec le collectif<br />
Kourtrajmé (très proche du réalisateur<br />
de La Haine), qui, au tournant des<br />
années 2000, se pointe en mode WTF<br />
avec une nouvelle approche de l’humour<br />
en vidéo, du clip, et la volonté de montrer<br />
ceux qui s’agitent culturellement et<br />
socialement dans l’univers urbain du<br />
(déjà) grand Paris. Parmi cette clique,<br />
Mouloud Achour, qui fera ses débuts<br />
télévisuels sur MTV.<br />
Devenu cadreur de l’émission de<br />
Mouloud Achour, MTV Select, Franck<br />
Gastambide imagine un « télé achat » de<br />
banlieue (incluant les fameux lascars,<br />
la personne de petite taille, le pit, le<br />
banc...) : Kaïra Shopping. Une web-série<br />
qui sera ensuite déclinée au cinéma, avec<br />
Les Kaïra, un long-métrage sorti en 2012,<br />
que Franck réalise et dans lequel il joue,<br />
accompagné des mêmes potes présents<br />
dans les pastilles de Canal+. Le succès<br />
des Kaïra donne des envies à Franck. En<br />
2016, il réalise Pattaya, une comédie qui<br />
parodie sans les moquer les banlieusards<br />
qui s’offrent des vacances exotiques et<br />
no limit en Thaïlande.<br />
En 2018, avec Taxi 5, il s’attaque à<br />
une saga motorisée aussi appréciée pour<br />
sa Peugeot blanche de compète que ses<br />
BO lestées de hip-hop. Indissociable de<br />
Franck Gastambide, le rap est son background<br />
culturel et une passion à laquelle<br />
il dédie un nouveau projet à paraître sur<br />
Canal+ Séries en mars, une série qu’il<br />
produit, dirige et dans laquelle il tient le<br />
rôle d’un producteur de musique : Validé.<br />
Une fiction dans la réalité du rap français,<br />
et une première par chez nous.<br />
Il était temps ! Alors que le rap est la<br />
musique numéro un en France mais ne<br />
dispose d’aucune émission dédiée à la<br />
télévision. Côté cinéma, jamais un film<br />
français n’a été directement consacré<br />
au rap, même si La Haine ou Ma 6-T va<br />
crack-er ont été associés à des films hiphop<br />
grâce à leurs BO (ou musiques inspirées<br />
du film, dans le cas du Kassovitz)<br />
et l’univers bétonné de leur dramaturgie.<br />
En <strong>2020</strong>, en France, une fiction sur écran<br />
exclusivement consacrée au rap est donc<br />
une innovation. Et sa responsabilité<br />
incombe à Franck Gastambide.<br />
Si jusqu’alors, des Kaïra à Taxi 5,<br />
Gastambide a toujours avancé avec ses<br />
potes et des acteurs sûrs (Medi Sadoun,<br />
Ramzy Bedia ou Sabrina Ouazani), avec<br />
Validé, il s’autorise à miser sur des inconnus<br />
complets, dont le trio Hatik, Saïdou<br />
38 THE RED BULLETIN
« Je n’ai jamais été<br />
un individualiste,<br />
et je ne le suis<br />
toujours pas. »<br />
THE RED BULLETIN 39
« L’idée était<br />
de créer des<br />
personnages<br />
de fiction qui<br />
évoluent dans<br />
le vrai monde<br />
du rap. »<br />
Camara et Brahim Bouhlel. Un pari que<br />
ce frais quadragénaire aborde avec le<br />
respect des siens, et dont il apprécie les<br />
challenges et vertus avant même la diffusion<br />
du moindre épisode de Validé. Profitant<br />
d’un jour de grève des transports<br />
à Paris, nous proposons à Franck une<br />
interview et une séance photo dans un<br />
studio du XI e arrondissement. Surprise,<br />
notre homme se pointe seul.<br />
the red bulletin : Vous êtes venu<br />
seul aujourd’hui, mais vous pouvez<br />
certainement nous expliquer pourquoi<br />
votre carrière s’est jusqu’alors<br />
construite en équipe ?<br />
franck gastambide : J’ai toujours eu<br />
du courage pour avancer dans mes projets,<br />
à condition d’être bien entouré.<br />
Il y a dix ans, quand j’ai créé le programme<br />
Kaïra Shopping avec une petite<br />
caméra DV, mes potes et mon pitbull, et<br />
qui est devenu la première web-série de<br />
Canal+, faisant un peu de moi l’ancêtre<br />
des YouTubers, j’avais le sentiment d’être<br />
un leader d’idées… mais j’avais besoin<br />
d’être entouré de gens dont j’admirais le<br />
talent, ce qui était le cas de Medi Sadoun.<br />
On s’est rencontré au sein du collectif<br />
Kourtrajmé, et on est très vite devenus<br />
potes. Je voyais alors en Medi Sadoun<br />
beaucoup de talent et je me demandais<br />
comment on pouvait faire des choses<br />
ensemble… Je dis toujours « on »… Je n’ai<br />
jamais été individualiste, et je ne le suis<br />
toujours pas. L’idée a toujours été de faire<br />
des choses en groupe et c’était le modèle<br />
de ce que j’aimais : Les Inconnus, Les<br />
Nuls, le collectif Kourtrajmé. Cet esprit<br />
« équipe » que j’ai toujours à présent.<br />
L’union fait la force, je le pense vraiment.<br />
Bosser avec les autres veut aussi dire<br />
s’impliquer soi-même, dans le même<br />
bain que les autres, comme vous l’avez<br />
fait dans Les Kaïra, Pattaya ou Taxi 5 ?<br />
À l’époque de Kaïra Shopping, j’essayais<br />
d’identifier mes capacités, et très vite je<br />
me suis rendu compte que j’étais inspiré<br />
pour écrire, créer, trouver des idées.<br />
J’étais attiré par la caméra, par la technique,<br />
le cadre, la mise en scène. J’ai parlé<br />
à Medi d’un programme court où l’on<br />
pourrait caricaturer nos influences<br />
urbaines, banlieusardes, etc. Mais à part<br />
lui, personne ne voulait jouer dans nos<br />
vidéos, parce qu’on n’était personne.<br />
Quand on a présenté le pilote à Canal+,<br />
ils ont trouvé ça super et décidé de le produire,<br />
alors je leur ai expliqué qu’il allait<br />
falloir embaucher de vrais acteurs, mais<br />
ils m’ont dit : « Non, vous êtes super, c’est<br />
ce que vous avez créé, ça marche parce<br />
que c’est vous, c’est vous qui devez interpréter<br />
les rôles. » Et voilà comment je me<br />
suis retrouvé à faire l’acteur, complète-<br />
40 THE RED BULLETIN
PRESQUE<br />
CÉLÈBRES...<br />
Gastambide<br />
à propos<br />
du trio de<br />
nouveaux<br />
talents sur<br />
lequel il<br />
a parié pour<br />
Validé.<br />
Acteur ? Réalisateur ? Comédien ? Franck Gastambide est tout à la fois et s’attache à œuvrer dans le plus<br />
grand respect des univers qu’il transporte à l’écran, comme pour son nouveau projet dédié au rap.<br />
Hatik<br />
« Pour le rôle tenu par Hatik,<br />
il fallait trouver quelqu’un<br />
capable de porter une série<br />
sur ses épaules, potentiellement<br />
sur plusieurs saisons,<br />
et qui soit un rappeur extrêmement<br />
crédible, dont on<br />
ne pouvait pas remettre en<br />
cause les qualités et les<br />
compétences. Hatik avait un<br />
physique, un charisme, des<br />
capacités de rappeur incontestables.<br />
On a beaucoup<br />
travaillé ensemble pour qu’il<br />
devienne un acteur. Je cherchais<br />
quelqu’un qui avait<br />
un truc en plus, et ce mec<br />
a un truc en plus, c’est une<br />
évidence. Comme les deux<br />
autres acteurs principaux<br />
de la série, au moment où je<br />
le prends pour Validé, il n’a<br />
encore absolument rien fait<br />
devant une caméra, c’est<br />
son premier casting. Choisir<br />
Hatik, qui a sorti une mixtape<br />
entre-temps, c’est un pari. »<br />
ment par hasard. Ensuite, le film Les Kaïra<br />
s’est précisé, et comme c’était inspiré de la<br />
série, je devais jouer dedans, mais comme<br />
ce qui m’inspirait le plus, c’était la mise en<br />
scène, je me suis collé à tous les postes :<br />
écrire, jouer et réaliser. Le film fut un succès,<br />
et ça a lancé mes trois carrières de<br />
réalisateur, d’acteur et de scénariste.<br />
Dans votre série dédiée à l’univers du<br />
rap français, Validé, vous n’êtes plus le<br />
personnage central. Pourquoi ?<br />
Pour Validé, il a fallu que j’assume un<br />
poste de grand frère et que je m’implique<br />
pour les autres, que je passe le flambeau.<br />
Je me suis dit qu’il était temps non seulement<br />
de produire, mais d’aller chercher<br />
de nouveaux talents, pour créer une<br />
petite bande comme celle qui était la<br />
mienne il y a dix ans finalement. J’ai pris<br />
conscience de ce parallèle une fois après<br />
avoir choisi les trois héros de la série,<br />
trois débutants qui n’avaient jamais<br />
tourné auparavant.<br />
VALIDE/MIKA COTELLON<br />
THE RED BULLETIN 41
Saïdou Camara<br />
« Saïdou est l’un des premiers<br />
mecs qui vient au<br />
casting, et c’est mon premier<br />
coup de cœur, mais<br />
je m’interdis de me décider<br />
trop vite, car je sais qu’on<br />
doit voir plein d’autres<br />
gens. Mais ce petit gars<br />
a un truc, il accroche à<br />
la caméra mieux que les<br />
autres, il est plus juste<br />
que les autres, ce qui est<br />
troublant pour un mec qui<br />
n’a jamais passé un casting<br />
ni jamais pris de cours de<br />
comédie de sa vie, et qui<br />
a une telle aisance. Il n’a<br />
pas conscience qu’il est<br />
beau, que la caméra l’aime,<br />
qu’il est juste. Ça le rend<br />
passionnant en termes de<br />
direction d’acteur. Lors<br />
du casting, on discute<br />
avec Saïdou, on parle un<br />
petit peu de sa vie, et je<br />
me rends très vite compte<br />
qu’il habite dans un foyer,<br />
qu’ils sont à cinq dans<br />
une chambre. Quand je l’ai<br />
convoqué pour lui annoncer<br />
que c’était lui, j’avais<br />
conscience que ça allait<br />
bouleverser sa vie. Je n’ai<br />
pas souvenir d’avoir eu<br />
une telle émotion en annonçant<br />
à quelqu’un qu’il était<br />
choisi pour un projet. »<br />
VALIDE/MIKA COTELLON<br />
Comment cela ?<br />
Avec les tournages de la série, ils ont<br />
commencé à se voir et sont devenus<br />
potes, et un soir ils m’ont envoyé une<br />
photo d’eux, accompagnée d’une photo<br />
de l’époque des Kaïra, où on était aussi<br />
nous trois, moi, Medi Sadoun et Jib<br />
Pocthier. Ce parallèle m’a beaucoup<br />
touché. Ça racontait un truc.<br />
C’est compliqué d’imposer des mecs<br />
inconnus dans son premier projet de<br />
série ? Vos partenaires de production<br />
et de diffusion ne vous ont-ils pas<br />
demandé d’intégrer au moins un<br />
acteur de renom au casting pour porter<br />
la notoriété du projet ?<br />
Contrairement au cinéma, on n’a pas<br />
besoin de vedette pour porter une série.<br />
Généralement, les plus grandes séries du<br />
monde sont faites avec des gens qu’on ne<br />
connaît pas. Tu ne connaissais personne<br />
dans Breaking Bad, tu ne connaissais<br />
personne dans Game of Thrones, je ne<br />
connaissais personne dans Entourage, la<br />
série qui m’a inspiré Validé. Validé était<br />
l’occasion pour moi d’aller chercher de<br />
nouveaux talents.<br />
Le concept même de la série est nouveau...<br />
L’idée était d’introduire des personnages<br />
de fiction qui évoluent dans le vrai monde<br />
du rap. On va vraiment chez Skyrock, on<br />
va vraiment chez Mouv’, on va vraiment<br />
chez Universal, ils croisent vraiment Cut<br />
Killer dans une soirée, ou Ninho dans les<br />
couloirs de la maison de disque. C’était<br />
indispensable que ces nouvelles têtes qui<br />
sont révélées par la série rencontrent des<br />
artistes connus et authentiques comme<br />
c’était le cas dans Entourage : dans cette<br />
série américaine, on s’identifiait à ces<br />
nouvelles têtes qui n’étaient personne<br />
parce que tout d’un coup, ils croisaient<br />
Kanye West ou Martin Scorsese, et ça en<br />
termes d’identification, c’est très fort.<br />
Mais amener de nouvelles têtes dans une<br />
série, c’est un engagement énorme.<br />
Pour quelles raisons ?<br />
Car les temps de tournage sont trois fois<br />
plus longs qu’un long-métrage, et c’est<br />
une promesse pour plusieurs saisons.<br />
Il ne fallait donc pas se tromper sur le<br />
choix de ces petits gars. Je sais maintenant<br />
que je ne me suis pas trompé...<br />
Il semble que la saison 2 de Validé est<br />
déjà en cours d’élaboration...<br />
Ce jour, soit le 9 décembre 2019, la<br />
saison 2 est en développement, tu pourras<br />
l’écrire dans ton sujet.<br />
Alors que le public n’a pas encore vu<br />
la série, pas même un teaser ?<br />
C’est la preuve que les premiers concernés,<br />
en l’occurrence la chaîne qui nous a<br />
commandé cette série et qui va la diffuser,<br />
Canal+, sont déjà convaincus, c’est<br />
donc évidemment une première victoire.<br />
La série traite d’un univers où les<br />
notions d’adoubement et de validation<br />
sont fortes. Est-ce que le soutien des<br />
artistes qui ont participé à Validé a été<br />
aussi important à vos yeux que celui<br />
de Canal+ ? Si un rappeur réputé<br />
balance que votre projet est « tout<br />
pété », on peut imaginer que c’est mal<br />
barré pour en convaincre d’autres...<br />
C’est exactement ça.<br />
Quel a été le premier « nom » à valider<br />
la série, justement ?<br />
On ne fait pas une série dans l’univers<br />
du rap comme on fait une série classique.<br />
C’est un milieu de gens potentiellement<br />
susceptibles, un milieu qui, à d’autres<br />
époques, a pu être moqué, et c’est ce<br />
qui rend les rappeurs, leur entourage et<br />
l’industrie du rap méfiants quant à la<br />
manière dont on traite leur univers. Je<br />
le comprends, et je l’avais totalement intégré<br />
pour Validé. Le hip-hop est aussi mon<br />
ADN, je fais des films qui sont urbains.<br />
Dès mon premier film, Les Kaïra, j’ai<br />
reconstitué le groupe Mafia K’1 Fry pour<br />
un concert à la fin du film… Ce qui n’était<br />
pas une mince affaire d’ailleurs… Je leur<br />
« Le milieu du rap<br />
a pu être moqué,<br />
c’est ce qui rend<br />
les rappeurs,<br />
leur entourage et<br />
l’industrie du<br />
rap méfiants quant<br />
à la manière<br />
dont on traite leur<br />
univers. »<br />
42 THE RED BULLETIN
« C’est normal<br />
que des artistes<br />
comme Ninho,<br />
Lacrim ou Kool<br />
Shen te disent :<br />
“Okay, je viens,<br />
mais d’abord,<br />
explique-moi<br />
ce que tu vas<br />
faire.” »<br />
44 THE RED BULLETIN
Brahim Bouhlel<br />
« Il est un pur produit de la<br />
génération Instagram. C’est un<br />
mec que je découvre en allant<br />
regarder les stories de mon<br />
pote Hakim Jemili, qui est aussi<br />
acteur dans Validé et qui est<br />
présent dans le film Docteur,<br />
dans lequel je joue également.<br />
En regardant les stories<br />
d’Hakim, je vois ce mec qui<br />
a une super bouille, qui imite<br />
tous les accents, et je me dis<br />
qu’il serait mon personnage<br />
drôle, plus léger dans la série.<br />
J’appelle Hakim et lui demande<br />
de m’envoyer Brahim en casting,<br />
et ça a été une évidence.<br />
On a arrêté le casting sur ce<br />
personnage-là très vite, parce<br />
qu’on s’est rendu compte qu’il<br />
était au-dessus des autres.<br />
Si ça n’avait pas été avec moi,<br />
j’ai le sentiment qu’il aurait<br />
trouvé une autre branche sur<br />
laquelle s’accrocher. Il était<br />
déjà dans les bons tuyaux.<br />
C’est marrant, par la suite,<br />
Tarek Boudali a décidé de<br />
le prendre dans son propre<br />
film en voyant mes stories<br />
Instagram. »<br />
avais demandé de venir faire leur morceau<br />
Pour ceux, qui est leur titre emblématique<br />
et dont le clip est l’un des plus<br />
grands clips de l’histoire du rap français.<br />
Tout le monde s’accorde à le dire. J’apparais<br />
d’ailleurs dans ce clip avec mon<br />
propre pitbull que j’avais dressé pour<br />
m’attaquer dans une séquence. Déjà<br />
à l’époque, j’étais immergé dans cet<br />
univers du hip-hop, via Kourtrajmé...<br />
VALIDE/MIKA COTELLON<br />
« Avec Taxi 5,<br />
j’ai compris que<br />
les critiques<br />
étaient les impôts<br />
du succès : plus<br />
tu as de succès,<br />
plus tu en paies. »<br />
Vous ne pouviez donc pas trahir cette<br />
réalité, votre historique ?<br />
Je ne peux pas la trahir parce que je la<br />
connais et que j’ai l’impression d’en faire<br />
partie, donc ce serait me trahir moimême.<br />
Il y a des rappeurs dans tous<br />
mes films, des BO de rap accompagnent<br />
tous mes films, avec des rappeurs qui<br />
ont toujours joué le jeu comme pour<br />
celle de Taxi 5 avec Ninho, l’Algérino<br />
ou Soprano. Juste avant, j’avais fait une<br />
autre BO pour Pattaya avec Lacrim, SCH<br />
et d’autres grands noms. Les rappeurs<br />
savent qui je suis à travers les films que<br />
je fais et les BO qui les accompagnent.<br />
C’était donc votre garantie pour<br />
obtenir le feu vert de la scène rap ?<br />
La seule chose sur laquelle il a fallu les<br />
rassurer est sur le fait que Validé était un<br />
changement de registre pour moi, qu’on<br />
ne serait pas dans de la comédie, et que<br />
personne ne serait ridicule ou ridiculisé.<br />
J’allais traiter le sujet avec beaucoup<br />
de passion et de respect.<br />
Ils ont été convaincus immédiatement<br />
?<br />
Il y a eu ceux qui ont eu confiance tout<br />
de suite et ceux qui ont eu besoin qu’on<br />
en parle. Je me rappelle d’un long entretien<br />
avec Mac Tyer, qui est venu à mon<br />
bureau. On a discuté plusieurs heures,<br />
et j’ai complètement accepté d’avoir cet<br />
échange avec lui, parce que c’est normal<br />
que des artistes de ce niveau-là, comme<br />
Ninho, Lacrim ou Kool Shen te disent :<br />
« Okay, je viens, mais d’abord, expliquemoi<br />
ce que tu vas faire. »<br />
Pourquoi ?<br />
Parce qu’ils ont une image, et qu’ils<br />
savent qu’ils vont la mettre au service de<br />
ma série. Il était donc normal que je sois<br />
transparent et que j’explique à ces<br />
rappeurs ce que l’on allait faire, à quoi ça<br />
allait ressembler. Je ne pouvais pas leur<br />
garantir d’en faire un chef-d’œuvre, mais<br />
je pouvais leur garantir que j’allais traiter<br />
leur image et ce milieu avec beaucoup de<br />
respect. Très vite pendant le tournage,<br />
on a eu des rappeurs, dont certains ont<br />
de vraies carrières, qui nous ont spontanément<br />
proposé de venir, pour faire une<br />
apparition, de petits clins d’œil que les<br />
gens qui connaissent le rap français vont<br />
pouvoir apprécier.<br />
Certaines critiques sur Taxi 5 vous ontelles<br />
préparé aux haters qui s’exprimeront<br />
probablement sur Validé ?<br />
C’est un pari très courageux et audacieux<br />
de se lancer dans un tel projet. Si tu te<br />
loupes, tu te prends des rafales de critiques,<br />
c’est très violent. J’ai abordé<br />
Taxi 5 en mec de banlieue qui est allé<br />
voir tous les Taxi dans des cinémas de<br />
banlieue, avec les dérapages sur le parking<br />
après la projection… (rires) Malgré<br />
tout, ce film m’a valu des critiques, en<br />
effet… Mais j’ai compris que les critiques<br />
étaient les impôts du succès : plus tu as de<br />
succès, plus tu en paies. C’est une phrase<br />
que je me suis inventé avec Taxi 5, et j’y<br />
crois vraiment. Ce film était une évolution<br />
de Taxi, et quelles que soient les<br />
critiques, je sais que j’ai fait ce film dans<br />
le plus grand respect de la saga. Ceux<br />
qui disent le contraire n’ont pas pu voir<br />
le film, ce n’est pas possible.<br />
Parmi les nouveaux talents lancés par<br />
votre série, Hatik n’avait que six ans<br />
quand le premier Taxi est sorti, et c’est<br />
désormais sur lui, mais aussi Saïdou<br />
Camara et Brahim Bouhlel que le<br />
succès de votre saga, les différentes<br />
saisons de Validé, va reposer…<br />
Je suis très fier d’eux. Je m’autorise aussi<br />
à être fier de moi d’avoir trouvé ces trois<br />
« petits mecs ». C’est une étape très étonnante<br />
dans ma vie. « Ça n’est plus pour<br />
toi et tes potes que tu écris, mais pour<br />
trois petits mecs que tu as trouvés. Tu vas<br />
leur donner tout ce que tu peux, tu vas<br />
écrire le mieux que tu peux pour eux,<br />
tu vas les filmer du mieux que tu peux. »<br />
C’est une énorme fierté. (Il sourit)<br />
C’est un peu étonnant parce que tu te<br />
rends compte que tu vieillis, mais quel<br />
kiff de vieillir en donnant de la force à<br />
des petits !<br />
Instagram : @ franckgastambide<br />
Validé, le 20 mars sur Canal+ Séries<br />
THE RED BULLETIN 45
LA VIE SUR MARS<br />
DÉPENDRA DE<br />
LEURS ERREURS<br />
Des scientifiques autrichiens planifient l’expédition la plus ambitieuse de tous<br />
les temps : LA PREMIÈRE MISSION HABITÉE VERS MARS. Avec des missions<br />
test réalistes. Avec des expériences défiant les conventions. Et avec un credo<br />
surprenant : faire chaque jour autant d’erreurs que possible. Texte ALEX LISETZ<br />
KATJA ZANELLA-KUX<br />
46
Une photo quasiment<br />
similaire pourrait être<br />
prise sur mars d’ici vingt<br />
ou trente années. Si les<br />
bonnes bourdes sont<br />
commises d’ici là…
GREGOR KUNTSCHER
« La première mission<br />
martienne habitée aura<br />
lieu en 2050 ou 2060. »<br />
Déploiement spatial dans le Tyrol :<br />
deux « astronautes analogues »<br />
s’entraînent sur Terre. Ils agissent<br />
comme s’ils étaient sur <strong>Mars</strong> –<br />
d’où l’ajout du mot « analogue ».<br />
49
Pour chacune de leur<br />
sortie à l’extérieur, les<br />
astronautes analogues<br />
doivent revêtir leur<br />
équipement complet.<br />
T<br />
out se passe comme prévu dans le caisson<br />
hyperbare. Les combinaisons spatiales<br />
: scellées. Les bouteilles d’oxygène :<br />
pleines. C’est le grand moment : le sas<br />
s’ouvre et les astronautes foulent pour la<br />
première fois la surface de <strong>Mars</strong>. Le commandant<br />
passe en premier. Il se retourne<br />
vers la station spatiale – et là, c’est<br />
l’accident.<br />
Il provoque un faux contact dans son<br />
casque. Un son aigu lui vrille les tympans.<br />
Un dysfonctionnement du hautparleur.<br />
Le sifflement persiste. S’il n’agit<br />
pas immédiatement, il risque la perforation<br />
tympanique.<br />
Il enclenche le déverrouillage d’urgence<br />
et lance son casque dans le sable.<br />
Enfin le silence. Ses oreilles bourdonnent<br />
encore, mais les tympans ne semblent<br />
pas avoir été endommagés.<br />
Ce n’est que maintenant qu’il remarque<br />
les visages consternés de ses coéquipiers.<br />
Si cette mission sur <strong>Mars</strong> était une<br />
réalité et pas juste une simulation se<br />
déroulant dans un désert de l’Utah, il<br />
serait mort.<br />
Une fois de plus.<br />
Gernot Grömer, 44 ans, a déjà souffert<br />
de nombreuses morts héroïques.<br />
L’astrophysicien de St. Florian, en<br />
Haute-Autriche, est directeur de l’ÖWF,<br />
le Forum spatial autrichien. Ce centre<br />
de recherche est un think tank composé<br />
de 200 scientifiques issus de 25 pays qui<br />
regardent bien au-delà des limites de<br />
notre planète. Leur tâche la plus passionnante<br />
: simuler des missions sur <strong>Mars</strong>.<br />
Ces camps de recherche élaborés<br />
simulent le plus fidèlement possible les<br />
conditions réelles sur cette planète dans<br />
un environnement terrestre. Les<br />
membres de l’équipage doivent donc<br />
« C’est notre boulot que d’être<br />
paranoïaques parce que chaque petite<br />
erreur sur <strong>Mars</strong> peut avoir des<br />
conséquences catastrophiques. »<br />
Gernot Grömer, Directeur du Forum spatial autrichien (ÖWF).<br />
FLORIAN VOGGENEDER<br />
50 THE RED BULLETIN
vivre pendant des semaines dans un<br />
espace confiné dans une station isolée<br />
du monde extérieur, posée quelque part<br />
dans un désert de cailloux. Ils ne sont<br />
autorisés à sortir qu’en combinaison spatiale<br />
pour prélever des échantillons de<br />
cailloux ou effectuer des mesures.<br />
L’objectif de ces tests pratiques est de<br />
rendre les futures expéditions sur <strong>Mars</strong><br />
plus sûres, plus efficaces et d’augmenter<br />
leurs chances de réussite.<br />
À chaque expédition d’essai, Grömer<br />
et son équipe utilisent une méthode<br />
non conventionnelle afin que la science<br />
apprenne autant que possible pour l’avenir<br />
: les erreurs sont non seulement tolérées,<br />
elles sont carrément souhaitées.<br />
« Tout ce qui va mal nous fait aller plus<br />
loin », dit Grömer. Un certain Thomas<br />
Edison appliquait ce même principe, il y<br />
a près d’un siècle et demi. « Je n’ai pas<br />
échoué – j’ai simplement trouvé dix<br />
milles solutions qui ne fonctionnent<br />
pas », aurait-il dit avant de faire une percée<br />
décisive avec son ampoule électrique.<br />
La version de Grömer est encore plus<br />
croustillante : « Nous connaissons déjà<br />
mille façons de mourir sur <strong>Mars</strong>. »<br />
<strong>Mars</strong> n’est pas une destination de<br />
rêve. Par temps frais, la température<br />
Comment<br />
devenir<br />
astronaute<br />
25<br />
ans est l’âge minimal<br />
de tout candidat à une<br />
formation d’astronaute.<br />
Âge maximal : 45 ans ;<br />
Taille : de 165 à 190 cm ;<br />
Poids minimum : 55 kg.<br />
5mois de préparation<br />
sont nécessaires à<br />
une simulation martienne.<br />
Elle comprend<br />
des cours théoriques,<br />
un programme sportif<br />
et des exercices<br />
pratiques.<br />
14<br />
candidats ont été<br />
admis en 2019. Six<br />
d’entre eux participeront<br />
à la simulation<br />
en <strong>2020</strong>. Les autres<br />
participeront aux<br />
autres missions.<br />
chute à − 110 °C. L’atmosphère, composée<br />
à 95 % de dioxyde de carbone, y est<br />
si ténue que les rayons cosmiques<br />
pénètrent presque sans être filtrés. Les<br />
longues balades sont donc à exclure.<br />
« C’est notre boulot que d’être paranoïaques,<br />
dit Grömer, parce que chaque<br />
petite erreur sur <strong>Mars</strong> peut avoir des<br />
conséquences catastrophiques. » C’est<br />
pourquoi Grömer et son équipe réfléchissent<br />
chaque jour à ce qui pourrait<br />
mal tourner sur <strong>Mars</strong> et à la manière<br />
d’y faire face. Que faire si un joint<br />
d’étanchéité sur la combinaison spatiale<br />
devient poreux ? Si le contact radio avec<br />
la Terre se rompt ? Si ce n’est pas un<br />
membre de l’équipage qui tombe malade<br />
mais le médecin ?<br />
La paranoïa de Grömer est l’assurancevie<br />
de ces explorateurs qui, un jour, partiront<br />
vraiment pour <strong>Mars</strong>.<br />
« Nous ne savons pas quelles surprises<br />
nous attendent là-haut, dit Grömer. C’est<br />
pourquoi nous devons au moins être préparés<br />
aux problèmes que nous pouvons<br />
imaginer dès maintenant. »<br />
C’est pour cette raison que les scientifiques<br />
d’ÖWF ne recourent pas seulement<br />
aux simulations par ordinateur ou<br />
à leurs laboratoires, mais se rendent<br />
aussi dans les déserts de l’Utah et<br />
d’Oman, dans les glaciers du Tyrol et<br />
dans les grottes de glace du Dachstein<br />
dans les Alpes. Là, des équipes de six<br />
astronautes dits « analogues » vivent et<br />
effectuent des recherches dans des<br />
répliques de stations spatiales durant<br />
quatre semaines maximum. Ils ne sont<br />
autorisés à les quitter que pour des missions<br />
de recherche spécifiques comme<br />
prélever et analyser des échantillons de<br />
sol – et uniquement dans une combinaison<br />
spatiale. Pas question de se détendre<br />
après les repas. Le revêtement de la combinaison<br />
de 30 à 50 kilos nécessite à lui<br />
seul deux membres d’équipage et dure<br />
trois heures.<br />
Douze missions ont eu lieu depuis<br />
2006. « Chacune d’elles s’est avérée une<br />
gymnastique logistique », dit Grömer.<br />
Une courte pause, puis : « Dieu merci! »<br />
Les scientifiques de l’ÖWF n’aiment<br />
pas les problèmes parce qu’ils s’ennuieraient<br />
sans eux mais parce que chaque<br />
erreur et chaque retard, chaque défail-<br />
Gernot Grömer, directeur<br />
de l’ÖWF, anime l’émission<br />
P.M. Wissen à la télévision<br />
autrichienne. Il a participé<br />
à ce jour à toutes les simulations<br />
martiennes.<br />
THE RED BULLETIN 51
« Les scientifiques autrichiens<br />
sont maintenant si réputés<br />
pour leur expertise que même<br />
la NASA fait appel à eux. »
FLORIAN VOGGENEDER<br />
Essai sur route en<br />
quad : deux astronautes<br />
analogues<br />
étudient les effets de<br />
la poussière sur leur<br />
combinaison spatiale<br />
pendant une sortie<br />
à l’extérieur.<br />
Quatre FAQ<br />
au sujet de<br />
<strong>Mars</strong><br />
1<br />
Quand aura<br />
lieu la première<br />
mission habitée<br />
vers <strong>Mars</strong> ?<br />
Probablement entre<br />
2040 et 2050 – selon<br />
l’évolution politique<br />
et technologique.<br />
Combien de<br />
2 temps faut-il<br />
pour atteindre <strong>Mars</strong> ?<br />
On prévoit que le vol<br />
dans chaque direction<br />
durera environ<br />
200 jours.<br />
Qu’est-ce qui<br />
3 rend <strong>Mars</strong> si intéressante<br />
pour nous ?<br />
Cette planète a une<br />
atmosphère et est<br />
celle qui, de toutes<br />
les autres, ressemble<br />
le plus à la Terre.<br />
4<br />
Pourquoi la<br />
découverte<br />
de l’eau liquide sur<br />
<strong>Mars</strong> a-t-elle fait<br />
sensation ?<br />
Parce que nous<br />
croyons que l’eau est<br />
une condition préalable<br />
à la vie. Nous soupçonnons<br />
que là où l’eau liquide<br />
existe, il pourrait<br />
y avoir une forme de vie<br />
primaire.<br />
lance technique ou humaine rendent la<br />
science un peu plus intelligente. « Chaque<br />
erreur que nous commettons maintenant<br />
sauve la vie d’un astronaute plus tard –<br />
parce qu’il ne la commettra plus », dit<br />
Grömer. C’est pourquoi les erreurs dans<br />
les missions martiennes simulées ne sont<br />
pas seulement tolérées. Elles sont même<br />
provoquées. « Nous voulons connaître les<br />
conséquences de chaque erreur. Parce<br />
qu’il n’y a qu’ainsi que nous pourrons<br />
nous armer contre elles. »<br />
Parfois, les astronautes analogues<br />
mettent non seulement leur vie en danger<br />
virtuel mais aussi en danger réel.<br />
Un exemple : « Nous croyons qu’il y a<br />
régulièrement sur <strong>Mars</strong> des tornades<br />
violentes qui provoquent de fortes<br />
décharges électriques, dit Grömer. Nous<br />
avons donc utilisé une bobine Tesla de<br />
six mégavolts pour tester la protection<br />
de nos combinaisons spatiales contre la<br />
foudre. » Conclusion : la combinaison<br />
protège comme on l’espérait. « Le collègue<br />
qui attendait à côté avec le défibrillateur<br />
n’a pas eu à intervenir. »<br />
Les missions test d’ÖWF ne<br />
visent pas seulement à identifier<br />
les dangers mais aussi à<br />
mieux exploiter les opportunités.<br />
La première mission habitée<br />
vers <strong>Mars</strong> est notre chance d’acquérir<br />
d’énormes quantités de connaissances<br />
nouvelles. Parce que les premiers<br />
humains sur <strong>Mars</strong> ne recueilleront pas<br />
seulement des données comme l’ont fait<br />
les sondes sans pilote arrivées avant eux.<br />
Ils interpréteront également ces données<br />
sur place et devront prendre des décisions<br />
en conséquence. Par exemple, une<br />
vallée latérale découverte par hasard<br />
s’avérera peut-être d’un intérêt géologique<br />
particulier. Les astronautes s’écarteront<br />
alors du programme original et<br />
chercheront des échantillons spécifiques<br />
de cailloux.<br />
Mais comment reconnaître les structures<br />
? Comment interpréter le contexte<br />
dans un paysage aride où tout est indistinct<br />
? C’est exactement ce que les astronautes<br />
analogues apprendront dans le<br />
désert du Néguev en Israël en <strong>2020</strong>. Les<br />
méthodes qu’ils y acquerront mèneront à<br />
un travail plus efficace lors de la première<br />
véritable mission sur <strong>Mars</strong>. Parce que<br />
le temps est précieux sur <strong>Mars</strong> – les ressources<br />
emmenées ne dureront pas<br />
davantage que quelques semaines.<br />
Afin de pouvoir travailler de manière<br />
plus productive, les scientifiques d’ÖWF<br />
ne développent pas seulement des<br />
méthodes d’analyse plus intelligentes,<br />
ils posent également de nouveaux jalons<br />
53
LES FAITS<br />
De quoi<br />
<strong>Mars</strong> estelle<br />
faite ?<br />
<strong>Mars</strong> porte le nom du<br />
dieu de la guerre dans la<br />
mythologie romaine et<br />
se trouve entre 54,5 et<br />
401,3 millions de kilomètres<br />
de la Terre (78 en<br />
moyenne). Elle est considérée<br />
comme la planète<br />
la plus semblable à la<br />
Terre et sa période de rotation<br />
est de 24 heures<br />
et 37 minutes. La poussière<br />
d’oxyde de fer est<br />
responsable de sa couleur<br />
rouge.<br />
Terre<br />
<strong>Mars</strong><br />
Terre<br />
vs. <strong>Mars</strong><br />
<strong>Mars</strong> se situe à une distance<br />
du Soleil environ<br />
une fois et demie plus<br />
grande que la Terre. Son<br />
diamètre est la moitié<br />
de celui de la Terre et<br />
sa masse n’est qu’un<br />
neuvième de celle de la<br />
Terre. Comme la Terre,<br />
<strong>Mars</strong> a des calottes<br />
polaires, mais fait voir<br />
une lune de plus.<br />
« Découvrir une vie extraterrestre serait<br />
bien sûr une sensation inimaginable. »<br />
54
LA COMBINAISON<br />
100<br />
km/h<br />
Tempête de<br />
poussière<br />
Les tempêtes de<br />
poussière sur <strong>Mars</strong><br />
atteignent des<br />
vitesses allant<br />
jusqu’à 100 km/h,<br />
mais ne causent<br />
aucun dommage en<br />
raison de la faible<br />
pression de l’atmosphère<br />
– la seule<br />
erreur majeure<br />
dans le blockbuster<br />
hollywoodien Seul<br />
sur <strong>Mars</strong> (2015).<br />
Appareil photo<br />
Système de<br />
ventilation<br />
Affichage<br />
tête haute<br />
Afficheur<br />
et clavier<br />
Suitport pour<br />
un accès par<br />
l’arrière<br />
3,711<br />
m/s 2<br />
Gravitation<br />
L’accélération gravitationnelle<br />
de <strong>Mars</strong><br />
n’est qu’un tiers de<br />
celle de la Terre.<br />
Cela ne suffit pas<br />
pour faire des pas<br />
de géant comme sur<br />
la lune – mais permet<br />
des tractions<br />
d’une seule main.<br />
- 55 ° C<br />
Température<br />
La température<br />
moyenne sur <strong>Mars</strong><br />
est de – 55 °C.<br />
Cependant, selon<br />
la saison et la situation<br />
géographique,<br />
il peut aussi faire<br />
+ 20 °C ou – 110 °C.<br />
GETTY IMAGES, KATJA ZANELLA OEWF-BERNHARD KALIAUER DESIGNSTUDIO<br />
Fixation<br />
pour le sac<br />
En attendant d’enfiler<br />
la vraie combinaison<br />
Le simulateur de combinaison<br />
spatiale Serenity, qui pèse<br />
35 kilos, peut être utilisé pour<br />
des opérations en extérieur<br />
d’une durée maximale de cinq<br />
heures. La combinaison mesure<br />
automatiquement la température<br />
corporelle, l’apport d’oxygène,<br />
la fréquence cardiaque<br />
et l’activité cérébrale de l’astronaute,<br />
effectue automatiquement<br />
des enregistrements audio<br />
et vidéo et est conçue pour des<br />
Exosquelette<br />
pour simulation<br />
d’impression<br />
températures comprises entre<br />
0 et 60 °C. Un affichage tête<br />
haute et un clavier simplifié<br />
servent d’interface entre<br />
l’homme et l’ordinateur. Cela<br />
permet aux astronautes analogues<br />
de s’entraîner dans des<br />
conditions réelles – même si la<br />
combinaison n’est pas adaptée<br />
à l’utilisation réelle dans<br />
l’espace. L’accès à la combinaison<br />
se fait par l’arrière via le<br />
suitport désormais breveté.
L’habitation<br />
martienne<br />
Vue aérienne de la<br />
station Kepler dans<br />
le désert du Néguev<br />
( Israël). Une nouvelle<br />
station, techniquement<br />
plus avancée que celleci,<br />
sera construite pour<br />
la mission AMADEE-20.<br />
Une combinaison spatiale est testée dans une chambre de mesure<br />
de l’université d’Innsbruck pour vérifier son système radio.<br />
technologiques. L’un d’eux est Serenity,<br />
un simulateur de combinaison spatiale.<br />
La combinaison de protection, développée<br />
en coopération avec des universités<br />
internationales, protège contre la<br />
poussière, le froid et la contamination et<br />
fournit de l’oxygène. Elle communique<br />
également avec l’astronaute qui en est<br />
revêtu (cf. page précédente).<br />
Serenity n’est pas la seule nouveauté<br />
pour laquelle les chercheurs<br />
de l’ÖWF ont fourni<br />
une assistance de tous les instants.<br />
Certaines des technologies<br />
qu’ils ont testées lors de simulations<br />
martiennes antérieures font même maintenant<br />
partie de la vie quotidienne. Ainsi,<br />
des neurologues de l’université d’Innsbruck<br />
ont mis au point un instrument qui<br />
détecte la fatigue extrême pouvant présenter<br />
un danger. Cet instrument analyse<br />
l’activité des ondes cérébrales en fonction<br />
des fluctuations du diamètre de la<br />
pupille. Aujourd’hui, il aide même la<br />
police dans plusieurs pays d’Europe de<br />
l’Est à retirer de la circulation les chauffeurs<br />
de camions qui ne sont pas en état<br />
de conduite.<br />
Les missions de l’ÖWF jouissent<br />
aujourd’hui d’une telle réputation internationale<br />
que des chercheurs du monde<br />
entier leur soumettent des projets avant<br />
chacune d’elles. Quelques dizaines de<br />
ces projets sont sélectionnés et intégrés<br />
à la mission. Ainsi, pendant la mission<br />
AMEDEE-20 en partenariat avec l’agence<br />
spatiale d’Israël, les astronautes analogues<br />
testeront des avions et des robots<br />
autonomes avec l’intelligence artificielle.<br />
Une autre expérience permettra d’étudier<br />
les modifications de la flore intestinale de<br />
l’équipage causées par une alimentation<br />
déséquilibrée dans un environnement<br />
isolé et soumis à un stress important. Les<br />
scientifiques du Forum spatial autrichien<br />
sont maintenant si réputés dans leur<br />
expertise que même la NASA fait appel à<br />
eux. « Lorsqu’un problème délicat survient,<br />
dit Grömer, la réaction fréquente<br />
est : “Demandez aux Autrichiens.” On ne<br />
saurait éprouver une plus grande gratitude.<br />
» Mais à quel point les fantasmes de<br />
science-fiction d’ÖWF sont-ils ancrés<br />
dans le réel ? Et quelle est la probabilité<br />
que toutes les connaissances acquises<br />
soient appliquées un jour par de vrais<br />
astronautes martiens ? « Le premier astronaute<br />
martien est déjà né et la première<br />
mission martienne habitée aura lieu dans<br />
vingt ou trente ans, en 2050 ou 2060 »,<br />
affirme Gernot Grömer, sûr de lui.<br />
Le fait que nous ne soyons pas encore<br />
techniquement en mesure de le faire<br />
en <strong>2020</strong> n’est pas un contre-argument<br />
pour lui. « Bon, nous n’avons pas en ce<br />
moment même de fusée prête à décoller<br />
dans le hangar, dit-il. Et il faudrait aller<br />
de l’avant avec le développement des<br />
imprimantes 3D car on ne pourra certainement<br />
pas s’en passer sur <strong>Mars</strong>. »<br />
Mais ce sont là des problèmes qui<br />
peuvent être résolus, soutient-il. « La<br />
volonté sociale d’aller de l’avant avec les<br />
voyages dans l’espace manque toujours.<br />
Avec un effort collectif, il serait facile<br />
de trouver les pièces manquantes du<br />
puzzle. » Il estime que les politiques<br />
Système de relais radio<br />
Assure la communication<br />
avec le centre de contrôle<br />
de mission.<br />
« Une mission sur<br />
<strong>Mars</strong> coûterait en<br />
moyenne à chaque<br />
Européen l’équivalent<br />
d’un menu<br />
Big Mac par an. »<br />
FLORIAN VOGGENEDER<br />
56 THE RED BULLETIN
Poste de commande<br />
Les astronautes y<br />
revêtent leurs combinaisons<br />
spatiales.<br />
Cabinet médical<br />
Avec dépôt de<br />
médicaments et<br />
salle d’examen.<br />
Habitat<br />
Les astronautes analogues<br />
peuvent se retirer<br />
dans ces conteneurs.<br />
Stockage de l’eau<br />
Laboratoires<br />
scientifiques<br />
Les instruments sont<br />
réparés et l’équipement<br />
scientifique est stocké<br />
ici. Une expérience<br />
consacrée à la croissance<br />
des plantes y est également<br />
menée.<br />
Structures gonflables<br />
d’habitat<br />
Développées et conçues<br />
spécialement pour cette<br />
mission – elles incluent :<br />
station médicale d’urgence,<br />
zone d’impression<br />
3D, laboratoire robotique<br />
et salle de réunion.<br />
Domaine logistique<br />
Avec salle à manger<br />
et coin détente.<br />
Réservoir d’eau<br />
intérieures, en particulier, pourraient<br />
être encore plus ambitieuses, du moins<br />
en Autriche, parce que ses scientifiques<br />
sont en première ligne.<br />
Et les coûts ? Ils sont loin d’être excessifs,<br />
affirme Grömer. « Une véritable mission<br />
sur <strong>Mars</strong> coûterait en moyenne à<br />
chaque Européen l’équivalent d’un menu<br />
Big Mac par an », défend-il.<br />
Un juste prix pour la plus grande<br />
aventure de l’humanité, le voyage le plus<br />
ambitieux de l’histoire – et peut-être<br />
même la découverte la plus fascinante<br />
de tous les temps ? « Découvrir une vie<br />
extraterrestre, dit Gernot Grömer, serait<br />
bien sûr une sensation inimaginable. »<br />
Les astronautes analogues se préparentils<br />
aussi à affronter de petits hommes<br />
verts ? « Nous n’aurons pas à nous battre<br />
avec les Martiens, dit Grömer, mais nous<br />
irons à la recherche de cellules ou de<br />
fragments de cellules. »<br />
Parce qu’il y a des indications que la<br />
vie a pu exister sur <strong>Mars</strong>. Parce que la vie<br />
telle que nous la connaissons dépend de<br />
l’eau. Et l’eau y a déjà existé sous forme<br />
liquide – même si ce ne fut que pour une<br />
période relativement courte de quelques<br />
centaines de millions d’années. Il est probable<br />
que des rivières et des océans aient<br />
coulé sur la planète rouge, et que des<br />
bactéries ou d’autres formes de vie<br />
simples s’y soient développées.<br />
De dangereux extraterrestres<br />
guettent-ils les astronautes ? « C’est la<br />
situation inverse, dit Grömer, nous<br />
devons veiller à ne pas détruire un écosystème<br />
existant ni à le contaminer à des<br />
fins de recherche – l’humanité en a déjà<br />
assez fait sur ce plan. »<br />
Dans le désert du Néguev, les scientifiques<br />
continueront à chercher des traces<br />
de vie aussi soigneusement que possible<br />
et, assurément, de soigneusement commettre<br />
une erreur après l’autre.<br />
THE RED BULLETIN 57
Seine<br />
occupation<br />
C’est sale, pollué, on peut y finir malade ou dans le panier à<br />
salade. Et oui, en <strong>2020</strong>, on n’a toujours pas le droit de se baigner<br />
dans la Seine… Pourtant, à la rédaction de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>, on<br />
en connaît un qui brave cet interdit et démonte tous les clichés.<br />
Depuis neuf ans, il nage dans la Seine et les canaux de Paris,<br />
jusque dans les catacombes. Il est en pleine forme. Il s’appelle<br />
ALEX VOYER. On l’a suivi dans les eaux de la capitale.
Canal de l’Ourcq,<br />
en remontant vers Pantin,<br />
au niveau des Magasins<br />
Généraux. C’est l’un des<br />
spots favoris d’Alex Voyer<br />
qui y nage goulûment,<br />
hiver comme été.<br />
Texte PATRICIA OUDIT<br />
Photos DOM DAHER & ALEX VOYER<br />
59
« 15 °C, ça commence à piquer », un<br />
pêcheur nous aborde, intrigué. « Vous<br />
allez vraiment vous tremper ? » Alex est<br />
habitué aux regards éberlués, aux mises<br />
en garde de toutes sortes. Bernard, le<br />
pêcheur breton exilé à Paname, connaît<br />
bien ces eaux lui aussi. Il nous montre<br />
un brochet fraîchement pêché. « Un jour,<br />
j’en ai sorti un d’1,15 m ! Je les relâche<br />
toujours. Mais un ami qui avait pris un<br />
sandre à cet endroit me l’a fait goûter, et<br />
il était délicieux ! » Plus loin dans Pantin,<br />
au niveau des Magasins Généraux, le<br />
soleil d’automne dore le futur couloir<br />
de nage. Il y a un peu de courant, dans<br />
le sens du vent, et le nageur semble s’en<br />
délecter. Des gamins en trottinette jouent<br />
à la police en imitant des coups de sifflet.<br />
Au XXI e siècle, on est loin des promesses<br />
de Jacques Chirac, qui, en mai 1990 prétendait<br />
qu’il se baignerait trois ans plus<br />
tard dans le fleuve parisien, vantant sa<br />
propreté à venir et sa biodiversité d’alors.<br />
Après quelques allées et venues dans l’or<br />
du canal, Alex sort de l’eau. Cette fois,<br />
l’after drop (la réaction du corps qui se<br />
met à grelotter suite à un séjour prolongé<br />
dans l’eau) sera léger. Pas comme ce jour<br />
d’hiver que nous vous conterons plus bas.<br />
Qmoi : ils en ont marre de nous voir nous<br />
baigner dans le canal… » Mais lorsque<br />
l’on habite comme lui le long de ses rives<br />
et qu’on apprécie autant le contact avec<br />
l’eau, difficile d’y résister. Alors, hiver<br />
comme été, il n’est pas rare de voir Alex<br />
descendre en peignoir, claquettes aux<br />
pieds. Un maillot de bain dessous, car<br />
l’homme a érigé en loi le fait de ne jamais,<br />
quelle que soit la température, enfiler de<br />
uand on y prête attention, le bassin de<br />
la Villette est truffé de panneaux, de<br />
marquages au sol, d’interdictions. Un<br />
petit nageur barré tous les 15 mètres.<br />
« Depuis deux ans, le nombre de signalisations<br />
a pas mal augmenté , constate Alex<br />
Voyer, nageur lui-même un peu barré.<br />
C’est peut-être à cause de gens comme<br />
combinaison. De chez lui, la vue est<br />
imprenable sur le canal et sa moire kaki.<br />
Quelques coupes témoignent du passé<br />
glorieux de nage en eaux libres du garçon<br />
photographe, apnéiste, marin, et tant<br />
d’autres cordes à son arc qu’on en passe.<br />
À pied, il nous emmène découvrir son<br />
coin tranquille, à l’angle du canal<br />
Saint-Denis et Saint-Martin. Le pont de<br />
la mairie de Pantin a de beaux écrous<br />
Eiffel, des graffitis parsèment ses flancs.<br />
Alors qu’il s’apprête à se mettre à l’eau<br />
Le lendemain, fin d’après-midi, nous voici<br />
sur le devant de la Seine et ses 37 ponts<br />
qui s’égrènent au fil des 13 km d’une traversée<br />
de Paris. Les repérages pour faire<br />
des photos ont été plus ou moins fructueux.<br />
Le zodiac noir de la Brigade fluviale<br />
est passé par là à Mach 2, coups de<br />
sifflet, des vrais cette fois, mise à l’eau<br />
avortée. Nous voici sous le pont d’Iéna,<br />
à la nuit tombée. « Ici, ta durée de vie est<br />
de trois minutes de jour, mais monte à<br />
quinze minutes de nuit. Il paraît que sous<br />
ce pont, il y a des milliers de porte-clés<br />
tour Eiffel jetés par les vendeurs à la sauvette<br />
à l’approche de la police », raconte<br />
Alex. Peu après celui d’Alexandre-III,<br />
la berge file vers l’eau, mieux qu’une<br />
échelle pour plonger sous la pleine lune.<br />
À l’abri des péniches niche une paire<br />
de canards. Il y a aussi des cygnes et des<br />
cormorans : la Seine, comme le canal,<br />
est riche d’une vie devenue invisible aux<br />
yeux des Parisiens non riverains. À force<br />
de décrier les eaux de Paris, on a fini par<br />
les déserter. Alex nous explique pourquoi<br />
il y revient tous les jours, dès qu’il peut.<br />
Paris a pour devise Fluctuat nec mergitur<br />
(« Il est battu par les flots, mais ne sombre<br />
pas ») ; celle d’Alex, détournée pour l’occasion,<br />
pourrait être : mens Seina in corpore<br />
sano. Un esprit Seine dans un corps sain.<br />
60 THE RED BULLETIN
« Depuis neuf ans que<br />
je nage dans la Seine,<br />
je n’ai jamais eu<br />
le moindre problème<br />
dermatologique ou<br />
gastrique. »<br />
À côté du pont Alexandre-III, notre homme de la Seine fait quelques<br />
longueurs en crawl, sous les feux de la tour Eiffel. Tout le charme de<br />
Paris by night, le risque de se faire attraper par la police en moins !
Entre Bastille et République, une partie du canal est couvert. Et Alex Voyer s’y offre une séance de natation secrète. On a peine à s’imaginer que sous<br />
la voûte superbe, on découvre une eau translucide, avec une visibilité à parfois 10 mètres et une multitude de poissons, carpes et anguilles.<br />
the red bulletin : À vous suivre dans<br />
les canaux et la Seine, on finit par se<br />
demander pourquoi la baignade y est<br />
toujours interdite…<br />
alex voyer : La qualité des eaux de<br />
Paris a très mauvaise réputation. On a<br />
tous beaucoup de préjugés, on pense que<br />
tous les égouts se déversent dans la<br />
Seine, que toutes les industries rejettent<br />
leurs saloperies, alors qu’il s’agit d’une<br />
eau courante, qui traverse la capitale très<br />
rapidement, avec une biodiversité<br />
impressionnante, ne serait-ce qu’au<br />
niveau des poissons : perches, sandres,<br />
brochets, silures… Il y a 25 espèces<br />
répertoriées. Et depuis neuf ans que j’y<br />
nage, je n’ai jamais eu le moindre problème<br />
dermatologique ou gastrique.<br />
Pourtant, j’ai bu très souvent la tasse !<br />
Si c’était si risqué, je ne pense pas qu’il y<br />
aurait une station nautique à la sortie de<br />
Paris (à Sèvres, ndlr), avec beaucoup<br />
d’activités dans ce périmètre. Des tests<br />
quotidiens sont effectués et on sait que la<br />
qualité de l’eau est tout à fait acceptable<br />
pour s’y baigner. D’ailleurs, depuis trois<br />
ans, chaque été, une piscine est ouverte<br />
dans le bassin de la Villette, où tous les<br />
Parisiens peuvent se baigner gratuitement,<br />
et il existe deux compétitions de<br />
natation.<br />
Pourquoi ne pas y autoriser totalement<br />
la baignade alors ?<br />
Pour des raisons de sécurité. Un principe<br />
de précaution mis en place par la mairie<br />
de Paris qui se trouverait inquiétée en<br />
cas d’accidents avec des embarcations,<br />
« En se<br />
baignant toute<br />
l’année, on<br />
s’aperçoit<br />
que l’on peut<br />
tenir cinq ou<br />
dix minutes<br />
dans une eau<br />
à 5 °C. »<br />
62 THE RED BULLETIN
sachant qu’il y a quand même pas mal<br />
de péniches... Et aussi quelques trucs qui<br />
traînent dans l’eau, à commencer par des<br />
Vélib ! Le Canal Saint-Martin a été vidé<br />
il y a deux ans, et on y a vu tout et n’importe<br />
quoi : des scooters, des machines<br />
à laver, des caddies… rouillés pour la<br />
plupart !<br />
Comment avez-vous attrapé le virus<br />
de la nage à Paris ?<br />
En septembre 2011, cela faisait plusieurs<br />
années que je nageais en piscine et mon<br />
club organisait une traversée de Paris en<br />
palmes. On partait de l’Institut du monde<br />
arabe, six kilomètres jusqu’au Pont<br />
d’Iéna. Moi qui connais Paris depuis<br />
vingt ans, j’ai eu une révélation : je flottais<br />
dans une eau assez claire, à 20 °C<br />
« Il y a des<br />
règles de<br />
sécurité à<br />
respecter…<br />
C’est une<br />
baignade<br />
non autorisée<br />
et non<br />
surveillée. »<br />
avec une visibilité à trois mètres, je<br />
voyais le fond sur toute la traversée et je<br />
redécouvrais chaque pont, chaque monument,<br />
sous un nouvel angle. Et cette sensation<br />
d’être bercé, porté par les courants<br />
de la Seine… J’ai voulu reproduire ça, et<br />
surtout faire découvrir à mon tour ces<br />
visions incroyables à d’autres.<br />
Plus précisément, c’est comment de<br />
nager dans Paris ?<br />
Dans les canaux, il y environ 2,50 mètres<br />
de profondeur au milieu. C’est relativement<br />
trouble, car les eaux ont beau être<br />
courantes, elles drainent des alluvions, de<br />
la boue. Mais ce n’est pas de la pollution :<br />
cette turbidité est liée à la nature des<br />
fonds. Depuis trois ans, dans les canaux,<br />
une prolifération d’algues remonte à la<br />
surface. Je ne sais pas pourquoi, si c’est<br />
bon ou pas… Il y a un spot où l’eau est<br />
étonnamment limpide, c’est dans la partie<br />
couverte entre Bastille et République.<br />
J’y ai nagé deux fois 2,5 kilomètres sous<br />
une voûte magnifique. J’y ai vu de grosses<br />
carpes, des anguilles, il y a bien dix<br />
mètres de visibilité.<br />
Vous avez dû en vivre des aventures<br />
en bas de chez vous…<br />
Une de mes anecdotes préférées se<br />
passe en janvier. Il fait super froid, il y a<br />
quatre centimètres de glace sur le canal.<br />
Avec quelques amis, on est en face des<br />
Magasins Généraux à Pantin. J’ai une<br />
batte de base-ball pour briser la glace.<br />
Mais rien ne bouge. Une copine sort alors<br />
une masse et on commence à frapper<br />
pour creuser une tranchée de 25 mètres<br />
de long environ sur 1,50 mètre de large.<br />
Hélas, une péniche arrive et casse tout<br />
ce qu’on est en train de faire. On se<br />
retrouve avec d’énormes plaques de<br />
glace dérivant dans tous les sens. On<br />
tente de les repousser avec tout ce qu’on<br />
trouve, mais ces blocs de plusieurs centaines<br />
de kilos ont une énorme inertie.<br />
À un moment, ces plaques prennent de<br />
la vitesse, et tout à coup, la copine se fait<br />
emporter dans son élan et tombe toute<br />
habillée dans de l’eau à 0 °C. Elle se déshabille,<br />
nage cinq minutes dans l’eau<br />
glacée, après tout, on est là pour ça, elle<br />
remet ensuite ses vêtements mouillés.<br />
J’ai mal pour elle, mais je sais qu’elle<br />
peut rentrer vite se mettre au chaud.<br />
Quelques minutes plus tard, pour les<br />
mêmes raisons, je tombe à l’eau à mon<br />
tour. Sauf que contrairement à elle, j’habite<br />
à 8 km à vélo, soit vingt minutes et<br />
que je dois, une fois la session de nage<br />
passée, renfiler mon caleçon, mes chaussettes<br />
et une serviette, puis rentrer chez<br />
moi. J’arrive chez moi complètement<br />
frigorifié. Et là, l’after drop est atroce.<br />
Qu’est-ce que l’after drop ?<br />
Quand on entre dans de l’eau glacée, le<br />
corps s’habitue au bout de deux ou trois<br />
minutes. Mais au bout de dix minutes,<br />
il nous rappelle que nous ne sommes pas<br />
dans notre élément. Lorsqu’on sort de<br />
l’eau, on est plutôt pas mal pendant cinq<br />
ou six minutes. Dans l’eau froide, tout<br />
le sang afflue au centre du corps pour<br />
alimenter les organes nobles, c’est un<br />
réflexe de survie. Après dix minutes, le<br />
sang va à nouveau alimenter les organes<br />
périphériques, les bras et les jambes, et<br />
là, c’est l’horreur, on ne peut plus parler,<br />
on grelotte, on tremble de partout. Il<br />
n’y a plus qu’à dormir sous la couette<br />
pendant une heure.<br />
Pourquoi cet appétit pour l’eau froide ?<br />
Pour moi, cela fait partie intégrante de<br />
la nage en eau libre. On suit le rythme<br />
des saisons. J’ai découvert cette pratique<br />
en Angleterre. En France, on a beaucoup<br />
de piscines, mais là-bas, ils n’ont pas<br />
cette chance. Ils ont des lits d’eau où ils<br />
se baignent toute l’année, ce sont donc<br />
de très bons nageurs et leur résistance<br />
à l’eau gelée m’a fasciné. Notre corps<br />
s’adapte très bien au froid. En se baignant<br />
tout au long de l’année, on s’aperçoit<br />
que l’on peut tenir cinq ou dix<br />
minutes sans trop de problème dans<br />
de l’eau à 5 °C.<br />
Mais quel est le plaisir ?<br />
C’est un défi personnel, il s’agit de sortir<br />
de sa zone de confort. Aujourd’hui, on<br />
parle beaucoup de cryothérapie, de<br />
THE RED BULLETIN 63
« Se baigner à<br />
Paris, ça doit<br />
rester festif. »<br />
Alex se met à l’eau, mais la Brigade<br />
fluviale passe à ce moment-là. Ce qui<br />
lui vaut des coups de sifflet.
Comment ça se passe, vous avez déjà<br />
terminé au poste ?<br />
Sur la Seine, en général, ils tentent de<br />
nous dissuader, en nous disant : « Il y a<br />
beaucoup de rats, des courants, c’est très<br />
dangereux... » Mais à chaque fois, ça s’est<br />
bien terminé, ils sont plutôt sympas avec<br />
nous… Sur les canaux, ça se passe parfois<br />
un peu moins bien. Au début surtout,<br />
la police était surprise, un peu<br />
agressive, elle flippait, nous demandait<br />
de dégager, disait qu’on était complètement<br />
irresponsables de faire ça, qu’on<br />
allait tomber malades, qu’il fallait aller<br />
aux urgences en sortant. C’était surréaliste<br />
! Depuis trois ans, les baignades se<br />
sont multipliées, surtout dans les<br />
périodes de canicule, grâce un collectif<br />
très actif, le Laboratoire des baignades<br />
urbaines expérimentales. La police a toujours<br />
ordre de nous sortir, mais ils sont<br />
un peu blasés maintenant. Ce n’est plus<br />
quelque chose d’exceptionnel.<br />
Le nageur parisien en maillot de bain ne recule devant rien, surtout pas devant le froid. Jamais il ne porte<br />
de combinaison. Et s’il saute, c’est qu’il connaît le fond !<br />
récupération par le froid. Et je constate<br />
que depuis trois ans, à nager régulièrement<br />
dans de l’eau froide, je n’ai attrapé<br />
aucun rhume. On se sent hyper bien,<br />
indestructible.<br />
Dans le genre exploration urbaine,<br />
vous avez également nagé dans les<br />
catacombes…<br />
J’y suis allé deux fois. Une fois en compagnie<br />
de Francine Kreiss, une apnéiste<br />
renommée. On est rentrés place d’Italie,<br />
par une plaque d’égout. Au bout de deux<br />
ou trois heures de marche, on est arrivés<br />
dans des rues de deux mètres de large<br />
complètement immergées sous l’eau et<br />
on a nagé sur des centaines de mètres,<br />
dans la nuit noire, sous le cœur du XIII e<br />
arrondissement. Magique ! À certains<br />
endroits, il y a des puits qui font cinq ou<br />
six mètres de fond où l’on a fait quelques<br />
apnées insolites. Cette eau des catacombes<br />
ne provient pas du tout des<br />
égouts, mais de l’eau de ruissellement<br />
des nappes phréatiques, filtrée par la<br />
roche calcaire de Paris. Alors, dès qu’on<br />
patauge dedans, cela soulève des sédiments<br />
mais sinon il s’agit d’une eau<br />
translucide. Je n’ai vu aucun rat, il n’y a<br />
pas d’odeur, le silence est incroyable,<br />
l’eau y est à quinze degrés. Mais je<br />
conseille d’y aller avec des cataphiles !<br />
Encourager les Parisiens à se baigner,<br />
c’est prôner une sorte de désobéissance<br />
civile…<br />
Oui, à condition de ne pas faire n’importe<br />
quoi, de ne pas se mettre soi et les<br />
autres en danger. Ça doit rester festif.<br />
Je n’ai jamais pris de plaisir particulier<br />
à faire quelque chose d’illégal. D’autant<br />
plus que cela m’arrive régulièrement de<br />
me faire sortir par la police, en l’occurrence<br />
la Brigade fluviale, et je n’en suis<br />
pas spécialement fier. Réquisitionner des<br />
hommes qui ont autre chose à faire que<br />
de récupérer un crétin comme moi, je ne<br />
trouve pas ça très malin. Heureusement,<br />
cela ne m’est arrivé que deux fois.<br />
« L’aventure<br />
en bas de<br />
chez soi, c’est<br />
possible. »<br />
Y-a-t-il des choses à ne pas faire ?<br />
Il y a quelques règles de sécurité à respecter.<br />
C’est une baignade non autorisée<br />
et non surveillée. On ne peut pas toujours<br />
remonter facilement sur le bord,<br />
donc il faut bien repérer les échelles.<br />
Toujours avoir quelqu’un qui surveille<br />
hors de l’eau, qui puisse alerter les pompiers<br />
en cas de problème. Tout bon<br />
nageur soit-on, il y a un risque d’avoir<br />
une crampe, de faire un malaise… Dans<br />
la Seine, se méfier du courant qui peut<br />
être très fort. Il y a pas mal de déchets<br />
dans le fleuve et les canaux, notamment<br />
des Vélib et des trottinettes, des métaux<br />
rouillés. L’été, je vois des gamins du coin<br />
sauter du pont du parc de la Villette.<br />
C’est dangereux, il ne faut jamais se jeter<br />
ou plonger. Il y a peu de fond, on peut<br />
finir embroché… Il y a aussi une règle<br />
assez importante : en plein été, ne<br />
jamais se baigner après de fortes pluies.<br />
Celles-ci drainent toutes les saletés des<br />
rues de Paris. Elles se déversent alors<br />
dans ses eaux qui tournent.<br />
Pensez-vous qu’on pourra un jour<br />
nager légalement dans la Seine,<br />
comme cela se fait dans d’autres<br />
grands fleuves ailleurs en Europe ?<br />
C’est en effet le cas à Munich où la baignade<br />
est tolérée en été. C’est drôle de<br />
voir toute la ville dans le tramway en slip<br />
de bain. À Bâle en Suisse, dans le Rhin,<br />
plusieurs milliers de personnes se réunissent<br />
l’été sur la rive droite. Sur six<br />
kilomètres, les familles s’amusent sur<br />
des bouées gonflables. Ça se passe aussi<br />
en plein centre, avant et après le boulot,<br />
ils trimbalent leurs affaires dans un sac<br />
étanche. C’est typiquement quelque<br />
chose qu’on pourrait faire dans Paris<br />
en se disant qu’il est possible de partir<br />
à l’aventure en bas de chez soi ! On a un<br />
magnifique terrain de jeu : mon vœu le<br />
plus cher est que les gens se le réapproprient.<br />
Instagram : @alexvoyer_fisheye<br />
THE RED BULLETIN 65
IL ÉTAIT UNE FOIS<br />
À AGUA DULCE<br />
À Hollywood, pour les cascades à cheval, c’est à la FAMILLE GRIFFITH<br />
d’Agua Dulce près de Los Angeles qu’il faut s’adresser. Ce sont<br />
les maîtres incontestés de ces périlleuses acrobaties en selle –<br />
et ce, depuis quatre générations.<br />
Texte HAL ESPEN<br />
Photos JIM KRANTZ
Gattlin, 21 ans, l’aîné des<br />
frères Griffith, en pleine<br />
action : les cascades<br />
équestres, une affaire de<br />
famille qui dure depuis<br />
plus de cent ans.<br />
67
La quatrième génération<br />
d’une dynastie d’écuyersacrobates<br />
: Callder (au<br />
centre), avec ses frères<br />
Gattlin (à g.) et Arrden.<br />
QUICONQUE S’AVENTURE<br />
SUR LE CHEMIN DE<br />
TERRE POUSSIÉREUX<br />
MENANT AU RANCH des<br />
Griffith à Agua Dulce aura tôt fait de se<br />
croire dans une espèce de parc à thème<br />
en plein Far West : une structure de tipi à<br />
droite, une vieille diligence reposant sur<br />
le flanc à gauche. Plus loin, on aperçoit<br />
toute une série d’enclos et de terrains<br />
d’équitation, un camion à chevaux de dix<br />
mètres de long dont la carrosserie argentée<br />
brille au soleil, des semi-remorques<br />
diverses et variées, un camping-car, un<br />
bateau à moteur, des quads, des motocross,<br />
un trampoline et une plateforme en<br />
bois surélevée pour s’exercer aux chutes.<br />
Sur la propriété, on compte également<br />
cinquante chevaux bien entraînés,<br />
dix chèvres, huit ânes, quatre vaches,<br />
quatre chiens et deux chats. Dans le<br />
ranch de couleur brique vivent un poisson<br />
et une joyeuse troupe de Griffith<br />
bien élevés : le père, Tad, de loin l’entraîneur<br />
de cascade équestre le plus novateur<br />
de notre époque, la mère, Wendy,<br />
et leurs quatre fils, Gattlin Tadd, 21 ans,<br />
Callder West, 19 ans, Arrden Hunt,<br />
16 ans, et Garrison Cahill, 10 ans.<br />
Voilà plus de vingt ans que Tad et<br />
Wendy sont venus s’installer ici, alors<br />
qu’elle attendait leur premier enfant.<br />
Aujourd’hui, Agua Dulce, à quelques<br />
kilomètres au nord-est de Los Angeles,<br />
est pour ainsi dire le quartier général des<br />
cascadeurs d’Hollywood. Déjà, parce que<br />
la ville se situe au sein de la légendaire<br />
Thirty Mile Zone qui offre des conditions<br />
avantageuses aux studios de production.<br />
Et ensuite, parce qu’à deux pas de là, se<br />
trouve le parc naturel de Vasquez Rocks<br />
– un véritable paradis de formations<br />
rocheuses caractéristiques, le meilleur<br />
décor de western qui soit après Monument<br />
Valley. Si vous avez une télévision,<br />
il y a peu de chance que vous soyez passé<br />
à côté : la région a servi de toile de fond à<br />
des centaines de films de cowboys et de<br />
séries télé – de Bonanza à <strong>The</strong> American<br />
West –, et c’est ici que les créateurs du<br />
Roi Lion de Disney ont puisé leur inspiration<br />
pour le fameux rocher des lions. À la<br />
table du ranch, face à une imposante étagère<br />
remplie de nombreux trophées, Tad<br />
68 THE RED BULLETIN
Griffith, 56 ans, nous donne de sa voix<br />
puissante et à un rythme effréné un<br />
cours intensif en matière d’affaires familiales<br />
– on a un peu l’impression d’écouter<br />
un podcast en vitesse accélérée.<br />
Depuis Le Masque de Zorro jusqu’à<br />
Fast and Furious en passant par<br />
Wild Wild West, il nous parle de prestations<br />
dans de célèbres blockbusters hollywoodiens,<br />
de ses fils si talentueux qui<br />
se sont déjà fait un nom en tant que cascadeurs<br />
à la télévision ou dans des publicités<br />
et même en tant qu’acteurs. Il<br />
évoque les stars qui se sont succédées ici,<br />
comme Charlize <strong>The</strong>ron, Tobey Maguire<br />
ou encore Keanu Reeves. Il nous révèle la<br />
compétence de base des Griffith : « Notre<br />
objectif, c’est que ça ait l’air facile même<br />
avec les figures les plus extrêmes ». Et<br />
bien entendu, on a aussi droit à un petit<br />
résumé de la rocambolesque histoire de<br />
la famille. La tradition de ces cavaliers en<br />
furie remonte à plus de cent ans, à la fin<br />
du XIX e siècle, à l’époque des arrièregrands-parents<br />
des fils Griffith, originaires<br />
du Dust Bowl d’Oklahoma : clown<br />
de rodéo passionné, Curley Griffith maîtrise<br />
l’art du divertissement par ses multiples<br />
talents – il peut par exemple sauter<br />
d’une voiture (à cheval) en marche pour<br />
atterrir sur un taureau et le mettre à<br />
terre. De son côté, sa femme, Toots, cavalière<br />
aussi fine qu’intrépide, maîtrise la<br />
fameuse figure du Roman Riding (où le<br />
cavalier se tient debout, jambes écartées,<br />
sur le dos de deux chevaux galopant l’un<br />
à côté de l’autre). La cascade équestre<br />
n’est pas une invention purement américaine,<br />
il s’agit plutôt d’un mélange entre<br />
les Wild West Shows et l’art martial des<br />
Retour en images sur une histoire de famille mouvementée : c’est dans les années 1920 que la cascade équestre connaît son apogée.<br />
THE RED BULLETIN 69
« LE CHOIX DU CHEVAL EST<br />
ESSENTIEL. ON NE PEUT<br />
PRENDRE QUE DES ANIMAUX<br />
QUI LE VEULENT VRAIMENT. »
Démonstration d’une<br />
figure à pleine vitesse<br />
avec Arrden, 16 ans.<br />
71
« ON DOIT LÂCHER LES RÊNES,<br />
LITTÉRALEMENT. ON EST LES<br />
SEULS CAVALIERS À FAIRE CELA. »
cosaques russes, dont une troupe fit sensation<br />
lors d’une représentation à l’Exposition<br />
universelle de Chicago en 1893.<br />
C’est dans les années 1920 que la cascade<br />
équestre connaît son apogée – parfait<br />
timing pour le fils de Curley et Toots,<br />
Dick, qui voit le jour en 1913. Dès l’âge<br />
de neuf ans, il remporte le championnat<br />
de cette nouvelle discipline sportive.<br />
L’enfant prodige deviendra une véritable<br />
légende, d’abord en tant que cavalier de<br />
rodéo, puis en tant qu’entraîneur à partir<br />
de 1954. Un peu plus tard, Dick Griffith<br />
épouse Connie Rosenberger, l’une de ses<br />
élèves, une jeune fille menue originaire<br />
du Nebraska, et qui adore les chevaux.<br />
En 1962, leur fils Tad vient au monde.<br />
Tad Griffith raconte que c’est son<br />
père, Dick, qui a révolutionné la<br />
cascade équestre « avec son sens aigu de<br />
la force et de la synchronisation » et qui a<br />
ainsi fait toute la réputation des Griffith.<br />
« On danse avec le cheval, dit-il en<br />
tentant de nous expliquer les processus<br />
complexes de sa discipline, mais c’est lui<br />
qui dirige et qui donne le tempo. » Ce qui<br />
compte avant tout, c’est d’utiliser la force<br />
de l’animal. « Mon père a fait une découverte,<br />
poursuit Tad. Si, au moment de<br />
sauter sur sa monture au grand galop,<br />
le cavalier pense plus à sauter haut qu’à<br />
monter en selle, le cheval l’éjectera aussi<br />
sec. Dans l’idéal, c’est le cheval qui fera<br />
monter de lui-même le cavalier en selle. »<br />
Le choix du cheval est décisif pour les<br />
acrobaties. Tad nous explique qu’il faut<br />
utiliser uniquement des animaux qui le<br />
veulent vraiment. Et pour cause : « On<br />
doit lâcher les rênes, littéralement, et le<br />
cheval doit faire sa part du travail tout<br />
seul. Nous sommes les seuls cavaliers à<br />
laisser un contrôle total au cheval. »<br />
Une scène coordonnée par Tad pour le<br />
film Seabiscuit montre toute l’ampleur du<br />
défi. Un jockey, joué par Tobey Maguire,<br />
tombe d’un cheval qui s’emballe et son<br />
pied reste coincé dans l’étrier. Il est alors<br />
traîné sur plusieurs centaines de mètres<br />
dans d’atroces souffrances. Pour tourner<br />
cette scène, Tad a dû répéter le traînage<br />
des centaines de fois à vitesse lente,<br />
jusqu’à ce qu’il sente que le cheval serait<br />
capable de le refaire à grande vitesse.<br />
Même s’il maîtrise totalement son<br />
sujet, Tad Griffith a gardé son père<br />
comme modèle à suivre – au moins en<br />
matière d’équitation.<br />
C’est plein d’enthousiasme qu’il affirme<br />
aujourd’hui encore que Dick maîtrisait<br />
plus de figures que n’importe quel autre<br />
cavalier avant ou après lui. Sa marque de<br />
fabrique, c’était une acrobatie où il sautait<br />
par- dessus un cabriolet Buick Fireball<br />
44 en faisant le poirier sur deux chevaux.<br />
Mais cette charge de travail constante<br />
n’est pas sans conséquences. Pour pouvoir<br />
continuer ses acrobaties malgré les<br />
douleurs causées par les multiples blessures<br />
aux poignets, aux chevilles et aux<br />
pieds, Dick utilise de l’éther congelé pour<br />
anesthésier les parties touchées.<br />
Et c’est sans plus d’états d’âme qu’il<br />
s’occupe de l’éducation de son fils et de<br />
sa formation pour en faire son successeur.<br />
« J’avais plus peur de mon père que<br />
de la mort, se rappelle Tad. C’était certainement<br />
l’homme le plus dur qui ait existé<br />
– et ça n’a pas été une bonne chose pour<br />
lui non plus. »<br />
Vers la fin de sa vie, raconte Tad,<br />
« mon père avait de fortes convulsions et<br />
des maux de tête violents, conséquence<br />
de tous ces accidents, commotions cérébrales<br />
et chutes. À l’époque, il n’existait<br />
aucun antidouleur efficace. Pour ne plus<br />
souffrir, il buvait ». Dick Griffith est mort<br />
en 1984, à l’âge de 71 ans.<br />
Tad n’a pas voulu reproduire le même<br />
schéma avec ses fils. L’une des raisons à<br />
cela, c’est la passe difficile qu’il connaît<br />
sur le plan professionnel peu avant leur<br />
naissance. Cela commence par la perte<br />
d’un contrat lucratif qui lui garantissait<br />
huit ans de représentations au dîner-<br />
73
La figure du Roman<br />
Riding, où le cavalier<br />
se tient debout sur<br />
deux chevaux – un<br />
numéro que Toots,<br />
l’arrière-grand-mère,<br />
accomplissait déjà<br />
en son temps.<br />
75
« ON DANSE AVEC LE CHEVAL.<br />
MAIS C’EST LUI QUI DIRIGE<br />
ET QUI DONNE LE TEMPO. »<br />
Certaines figures,<br />
comme celle-ci réalisée<br />
par Callder, 18 ans, sont<br />
incroyablement dangereuses.<br />
Un entraînement<br />
intensif et des mesures<br />
de protection ingénieuses<br />
sont indispensables pour<br />
limiter les risques.<br />
77
« IL FAUT UTILISER LA FORCE DU<br />
CHEVAL POUR FAIRE REMONTER<br />
LE CAVALIER EN SELLE. »
La dernière génération<br />
du clan Griffith en pleine<br />
démonstration de<br />
ses talents. L’objectif,<br />
c’est que ça ait l’air facile,<br />
même avec les figures<br />
les plus extrêmes.<br />
79
Quand Gattlin (grande photo) et ses frères font des acrobaties, les lois de la gravité semblent temporairement abolies.<br />
80 THE RED BULLETIN
spectacle médiéval King Arthur’s Tournament<br />
de l’Excalibur Hotel à Las Vegas.<br />
Peu après, un samedi soir d’août 1998,<br />
un événement lui fait brutalement<br />
prendre conscience du véritable danger<br />
de la cascade équestre : sa mère, Connie,<br />
sa partenaire d’équitation pendant trente<br />
ans et « la meilleure écuyère-acrobate à<br />
être jamais montée en selle », est tuée par<br />
son propre cheval lors d’un petit rodéo<br />
dans l’Utah. Elle a seulement 56 ans.<br />
Le patriarche de la<br />
famille, Tad Griffith :<br />
« Le cheval est l’être<br />
vivant le plus noble<br />
qui soit. »<br />
ce moment, la saga familiale<br />
À aurait tout aussi bien pu s’arrêter<br />
là, puisque Tad Griffith a laissé à ses<br />
enfants le choix de suivre ses traces ou<br />
non. « On a pu décider nous-mêmes,<br />
explique Gattlin Griffith, l’aîné. Est-ce<br />
que c’est vraiment ce que je veux ? Ou<br />
bien est-ce que je suis simplement né<br />
là-dedans ? »<br />
Mais le destin fait bien les choses<br />
puisqu’ils le veulent vraiment tous les<br />
quatre. Et c’est ainsi qu’ils réussissent –<br />
sans dressage ni pression – à apprendre<br />
toutes les acrobaties de leur père, la plus<br />
importante, et de loin, étant de rester en<br />
vie. Aujourd’hui, ils sont devenus de très<br />
forts jeunes hommes : Gattlin Tadd étudie<br />
l’anglais à l’université de Californie<br />
(UCLA). Il est le porte-parole des quatre<br />
frères et, avec son visage rond, il a des<br />
airs de Leonardo DiCaprio. Son frère,<br />
Callder West, qui a deux ans de moins<br />
que lui, étudie depuis l’automne au<br />
Santa Monica College, une université<br />
partenaire de UCLA. Arrden Hunt dissimule<br />
ses yeux rêveurs d’adolescent derrière<br />
une mèche de cheveux châtains. Il<br />
est le seul des frères à s’être déjà grièvement<br />
blessé : il s’est cassé la cheville lors<br />
d’une représentation en avril. Et à dix<br />
ans, le benjamin, Garrison Cahill, les yeux<br />
bleus et le visage constellé de taches de<br />
rousseur, a déjà démontré ses talents<br />
d’acteur et de cascadeur dans toute une<br />
série de spots publicitaires spectaculaires.<br />
Plus tard, Gattlin et Callder<br />
démarrent les quads et me font faire le<br />
tour de la vaste propriété, avec ses ruisseaux<br />
et ses grottes, qui ont été le théâtre<br />
de leurs aventures d’enfance. Tout<br />
comme les écuries. Tous deux traitent<br />
leurs chevaux avec une telle douceur que<br />
les animaux semblent être des membres<br />
de la famille à part entière.<br />
Quant à leurs noms, ils sont affectueusement<br />
choisis par toute la famille<br />
au ranch. Et toujours par deux, ce qui<br />
dénote un certain sens de l’humour : Nip<br />
& Tuck, Black & Blue, Jesse & James,<br />
Clash & Titan, Dallas & Cowboy. D’ailleurs,<br />
deux de leurs vaches s’appellent<br />
Ben & Jerry…<br />
Il reste encore quelques chapitres à<br />
écrire dans la saga de la famille Griffith,<br />
selon Gattlin : « Quand j’aurai fini mes<br />
études, je reviendrai à Agua Dulce. Et<br />
je travaillerai avec mon père. Je vois<br />
déjà deux ou trois choses fantastiques<br />
que nous pourrions mettre au point<br />
ensemble ». Et d’ajouter : « Avoir un père<br />
comme lui, ça a été une vraie chance –<br />
avec tout ce qu’il sait, tout ce qu’il nous<br />
a transmis et tout ce qu’il arrive à faire. »<br />
Pour sa lettre de candidature d’entrée<br />
à l’université, Gattlin Griffith a rédigé<br />
une dissertation sur les valeurs de sa<br />
famille. « Chaque famille, a-t-il écrit, a<br />
ses propres codes en matière de liens.<br />
Ce qui rassemble les membres de ma<br />
famille, c’est cette part de danger qui est<br />
présente dans chacune de nos performances.<br />
Et aucune expérience ne rapproche<br />
plus que celle d’avoir tous déjoué<br />
la mort. »<br />
Récompenses aux Taurus World Stunt Awards<br />
pour Fast and Furious et Le Dernier Château.<br />
TAD GRIFFITH A ENTIÈREMENT<br />
LAISSÉ LE CHOIX À SES FILS DE<br />
SUIVRE SES TRACES OU NON.<br />
THE RED BULLETIN 81
COURONS POUR CEUX QUI NE LE PEUVENT PAS<br />
3 MAI <strong>2020</strong><br />
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SURPRENANT<br />
Vous ne saviez pas ce<br />
que Mario Kart peut<br />
révéler sur votre ego.<br />
PAGE 90<br />
RENVERSANT<br />
Changer les pneus<br />
d’une F1 en apesanteur,<br />
comment ont-ils fait ?<br />
PAGE 92<br />
ÉPATANT<br />
Salsa, tattoos, neige<br />
festive et breakdance :<br />
l’agenda le plus fou.<br />
PAGE 95<br />
KARO PERNEGGER<br />
L’ALBANIE, AUSSI !<br />
Vous ne connaissiez pas<br />
l’Albanie. Un 4×4 au top<br />
est l’un des meilleurs<br />
outils pour la découvrir.<br />
PAGE 84<br />
THE RED BULLETIN 83
Faire.<br />
G U I D E<br />
L’Albanie (au fond, la capitale Tirana) est à explorer hors des sentiers battus. Seul moyen d’accès pour beaucoup de sites.<br />
PARTEZ À L’AVENTURE<br />
L’ALBANIE,<br />
CETTE INCONNUE<br />
Notre reporter bouge rarement en voiture. Nous l’avons<br />
pourtant envoyé pour un périple 4x4 dans les montagnes<br />
sauvages de l’Albanie. Cahoteux, mais de toute beauté.<br />
J’ai bien essayé de respecter<br />
la consigne de garder une<br />
distance de deux longueurs<br />
de voiture avec celle qui précède.<br />
Mais je suis vite relégué, loin derrière<br />
le groupe, sur une piste de<br />
montagne. Devant, je ne vois<br />
qu’un nuage de poussière soulevé<br />
par les autres. Une voix sortie<br />
du talkie-walkie me rappelle à<br />
l’ordre : « Veuillez recoller véhicule<br />
9. » « Oui tout de suite »,<br />
marmonné-je dépassé.<br />
L’Albanie est sans doute l’un<br />
des pays les plus méconnus en<br />
Europe. Durant le long règne<br />
Après la route, le ferry pour l’île de Corfou, en Grèce.<br />
84 THE RED BULLETIN
voyage<br />
CONSEILS VOYAGE<br />
L’OPTION<br />
PASTORALE<br />
L’Albanie, c’est à 2 h 30 de vol de Paris.<br />
Albanie<br />
Tirana<br />
Elbasan<br />
Liberté crasse : la conduite hors route est relativement peu encadrée en Albanie.<br />
Berat<br />
Gjirokastër<br />
Sarandë<br />
KARO PERNEGGER FELIX DIEWALD<br />
Découverte à travers le pare-brise : notre reporter, étonnamment détendu.<br />
du dictateur socialiste Enver<br />
Hoxha, le pays est resté coupé du<br />
monde jusqu’à la chute du communisme.<br />
Notre convoi démarre<br />
de la capitale Tirana en direction<br />
de la côte méditerranéenne au<br />
sud. Un itinéraire de trois jours<br />
sur des pistes dans le relief de<br />
l’arrière- pays.<br />
« Rien ne vaut les pistes sauvages<br />
pour découvrir l’Albanie,<br />
déclare Erald Dervishi de l’agence<br />
Off Limits qui propose des circuits<br />
dans tout le pays. Pour bien des<br />
sites, c’est le seul moyen d’accès.<br />
Quant au bus, n’y pensez pas.<br />
Les gens restent curieux des visiteurs.<br />
» Par ailleurs, la conduite<br />
hors route y est relativement peu<br />
réglementée comparée à d’autres<br />
« Certains passages<br />
suggèrent<br />
qu’ils n’ont jamais<br />
été empruntés tant<br />
ils sont difficiles<br />
et sauvages. »<br />
pays. Si certains des itinéraires<br />
sont mentionnés sur des cartes<br />
en ligne, Dervishi conseille néanmoins<br />
de ne pas s’y aventurer<br />
seul, mais en groupe accompagné<br />
d’un guide local. La praticabilité<br />
des pistes évolue sans cesse dans<br />
AVANT LE DÉPART<br />
Prendre la route à l’aveugle n’est pas une bonne idée.<br />
Mais en suivant ces cinq conseils des experts<br />
en tout-terrain de Škoda, vous serez mieux armés<br />
pour affronter les pistes :<br />
1. INSPECTER<br />
Avant de partir, ayez une bonne idée de la longueur<br />
et de la largeur extérieures de la voiture et repérez les<br />
parties les plus proches du sol. Cela sera utile pour<br />
choisir les bons passages d’obstacles.<br />
2. PLAQUE D’IMMATRICULATION<br />
Avant de braver les pistes, sécurisez la plaque<br />
d’immatriculation ou retirez-la carrément. C’est<br />
souvent la première chose que l’on perd.<br />
3. CONDUITE PERCHÉE<br />
Positionnez le siège à la verticale et le plus haut<br />
possible afin d’avoir une bonne vision du sol.<br />
4. RÉDUIRE LA PRESSION<br />
Sur sol boueux et glissant, une pression pneumatique<br />
réduite améliore l’adhérence.<br />
5. L’ŒIL SUR TOUT<br />
Gardez les roues arrière dans les rétroviseurs.<br />
Vous aurez ainsi un œil sur tous les pneus<br />
et les points de passage.<br />
EXCURSION EN 4×4<br />
Off Limits Albania, Bulevardi Bajram Curri Tiranë AL,<br />
1001 Tirana, Tel : + 355/69/204 04 40. Exemple :<br />
dès 270 € pour trois jours de Tirana à Durrës sur la côte<br />
(itinéraire en montagne par Berat, à travers le canyon<br />
de l’Osum à destination de Gjirokastër au sud et retour),<br />
incluant le 4×4 et les nuitées avec petit-déjeuner.<br />
offlimitsalbania.com<br />
THE RED BULLETIN 85
Faire.<br />
G U I D E<br />
voyage<br />
les montagnes accidentées de l’Albanie.<br />
Et la nature des itinéraires<br />
est un débat sans fin. Certains<br />
passages suggèrent qu’ils n’ont<br />
jamais été empruntés tant ils sont<br />
difficiles et sauvages. Des voitures,<br />
reliques des années 70,<br />
avancent miraculeusement dans<br />
la direction inverse sur ces prétendues<br />
routes et dissipent nos<br />
doutes. C’est que les Albanais<br />
cultivent un style de conduite plutôt<br />
débridé. Cela s’explique peutêtre<br />
par le fait que jusqu’aux<br />
années 1990, le pays ne comptait<br />
que quelques milliers de voitures,<br />
réservées à l’élite du parti,<br />
les autos privées étant alors<br />
interdites.<br />
Nous sommes à bord d’une<br />
Škoda Karoq Scout, un toutterrain<br />
auquel l’automobiliste<br />
ignorant que je suis n’entend<br />
rien. Je n’avais jamais imaginé<br />
conduire un jour cette chose<br />
dans de telles conditions.<br />
Mais la voiture semble à l’aise.<br />
Nous gravissons des marches<br />
« Progressivement,<br />
le conducteur de<br />
tout-terrain en moi<br />
se révèle. Malgré les<br />
roches que je tape<br />
régulièrement. »<br />
Au barrage de Banja : ici, l’énergie est surtout hydraulique.<br />
Cauchemar pour son personnel de nettoyage, Berat est aussi surnommée la « ville aux mille fenêtres ».<br />
rocheuses abruptes, serpentons<br />
le long d’étroits chemins d’éboulis<br />
à travers un paysage montagneux<br />
constituant environ<br />
70 pour cent de la superficie<br />
du pays. À droite, un précipice<br />
vertigineux longe la piste, mieux<br />
vaut ne pas trop y regarder.<br />
D’innombrables bunkers perdus<br />
dans le paysage et vestiges<br />
du passé accompagnent notre<br />
progression. Le despote paranoïaque<br />
Enver Hoxha en a fait<br />
construire plus de 170 000 dans<br />
les années 1970 et 1980 pour<br />
repousser des ennemis qui ne<br />
sont jamais venus. Résultat : le<br />
pays s’isole du reste du monde.<br />
Aujourd’hui, certains agriculteurs<br />
les utilisent comme étables<br />
ou entrepôts à grains.<br />
Nous faisons une petite pause<br />
pour souffler. Les autres journalistes<br />
du convoi me font l’effet<br />
de pilotes de rallye aguerris – la<br />
rudesse du parcours ne semble<br />
avoir aucun effet sur eux. Je<br />
ne peux pas en dire autant de<br />
l’adepte des transports publics et<br />
des trottinettes électriques que<br />
je suis. Je n’ai jamais possédé<br />
de voiture et j’ai décroché mon<br />
permis de conduire au bout de<br />
la deuxième tentative.<br />
Heureusement, mon copilote<br />
est un journaliste automobile<br />
expérimenté. Sur les pistes, ses<br />
conseils font office de cours<br />
intensif sur les bases de la<br />
conduite hors route.<br />
Ma velléité à adopter une<br />
conduite sportive en montagne<br />
n’empêche cependant pas la voiture<br />
de taper régulièrement sur<br />
un rocher. Mais progressivement,<br />
le conducteur tout-terrain en moi<br />
se révèle. Je parviens de mieux<br />
en mieux à anticiper. Les rappels<br />
à l’ordre radio sont de moins en<br />
moins fréquents. Je tiens mieux<br />
la cadence du convoi. Même si<br />
tel un apprenti conducteur, je<br />
regarde toujours anxieusement<br />
par-dessus le capot.<br />
Et soudain, la mer Ionienne<br />
apparaît au détour d’un sommet<br />
avec vue sur l’île grecque de<br />
Corfou. En quittant la piste<br />
empierrée pour une route de<br />
montagne bitumée, j’ai l’impression<br />
de rouler sur un tapis de<br />
velours. L’asphalte ne m’a jamais<br />
semblé aussi appréciable ! Puis<br />
c’est la dernière étape vers le<br />
ferry, là où la route s’arrête.<br />
Réservez votre voyage en Albanie ou<br />
dans un autre pays des Balkans sur :<br />
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KARO PERNEGGER FELIX DIEWALD<br />
86 THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN<br />
Retrouvez votre prochain numéro le 19 mars avec et le 2 avril avec<br />
dans une sélection de points de vente et en abonnement<br />
LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL
Faire.<br />
G U I D E<br />
LE RAMEUR<br />
JE T’AIME…<br />
MOI NON PLUS<br />
Le défi majeur : les<br />
séances sont rudes, mais<br />
terriblement efficaces.<br />
S’ENTRAÎNER COMME UN PRO<br />
LA BOXE A FAIT<br />
DE LUI UN<br />
MEILLEUR MARIN<br />
Café au beurre, Dog Show et apnée :<br />
comment le skipper australien Jimmy<br />
Spithill s’entraîne pour dompter le<br />
plus rebelle des bateaux depuis que<br />
la Coupe de l’America existe.<br />
Le monocoque à foils de<br />
type AC 75 de 23 mètres<br />
glisse sur les vagues à<br />
100 km/h. Éviter qu’il ne<br />
s’écrase, chavire ou échappe<br />
à l’équipage n’est pas une<br />
mince affaire. « C’est aussi<br />
stable qu’un vol d’hélicoptère,<br />
plaisante le capitaine Jimmy<br />
Spithill, 40 ans. Et plus vous<br />
poussez le bateau au-delà de<br />
ses limites de stabilité, plus il<br />
accélère. » Ce jeu d’équilibre<br />
entre vitesse et point de rupture<br />
exige tout de l’équipe,<br />
mentalement et physiquement.<br />
Autrefois, un événement<br />
élitiste, la Coupe de<br />
l’America, régate la plus prestigieuse<br />
au monde, est aujourd’hui<br />
un sport aux performances<br />
extrêmes. Jimmy<br />
Spithill, le skipper de l’équipe<br />
« Luna Rossa Prada Pirelli »,<br />
nous révèle comment il s’y<br />
prépare.<br />
Un réveil à 5 heures<br />
du matin<br />
J’aime me lever tôt. Mon<br />
petit- déjeuner se limite à<br />
du café au beurre et huile de<br />
noix de coco, et un shake<br />
d’électrolyte. Puis direction<br />
la salle de gym. Je débute par<br />
un échauffement sur l’ergo-<br />
SMO V/ 3MPG.CH FOR RED BULL CONTENT POOL, CARLO BORLENGHI/<br />
LUNA ROSSA CHALLANGE ALEXANDER MACHECK<br />
88 THE RED BULLETIN
fitness<br />
ERGO À MANIVELLE<br />
LE BON DÉPART<br />
Pour l’échauffement et<br />
le test de forme du lundi.<br />
L’APNÉE<br />
QUESTION DE<br />
SURVIE<br />
Si vous passiez<br />
par-dessus bord en<br />
étant déjà essouflé.<br />
d’essoufflement.<br />
de la disponibilité du bateau.<br />
Telle une Formule 1, nos ingénieurs<br />
l’optimisent en permanence.<br />
Je complète ce programme<br />
standard avec une<br />
séance de CrossFit de 20 minutes<br />
quasi quotidienne. Mon<br />
exercice préféré est le saut à<br />
la corde enrichi de contraintes<br />
empruntées à la boxe, par<br />
exemple deux tours de corde<br />
par saut. Les Burpees sont<br />
l’exercice le plus efficace –<br />
enchaînement de pompes<br />
et de sauts en extension. Au<br />
lycée, je pratiquais la boxe,<br />
une discipline précieuse pour<br />
les régates. Tout comme la<br />
boxe, la navigation s’apparente<br />
au jeu d’échecs où gagner<br />
exige tactiquement de<br />
réagir vite et garder toujours<br />
deux coups d’avance.<br />
Thérapie par le chaud<br />
et le froid<br />
Je dois cette découverte à<br />
mon ami et surfeur de grosses<br />
vagues Laird Hamilton. Plusieurs<br />
fois par semaine, j’effectue<br />
25 minutes de sauna<br />
suivies de trois minutes dans<br />
une piscine d’eau glacée. La<br />
réaction du corps au choc est<br />
« Le tournant<br />
a été le<br />
changement<br />
d’alimentation. »<br />
incroyable. Douleurs et tensions<br />
disparaissent instantanément<br />
et vous vous sentez<br />
revigoré. Mais le tournant de<br />
ma vie a été mon changement<br />
de régime alimentaire. Je<br />
souffrais d’une inflammation<br />
aux avant-bras traitée par<br />
mon ami Dr Robert Bray Jr<br />
pendant des années. Un jour,<br />
il me dit : « Jimmy, je vais te<br />
soigner le restant de ta vie si<br />
nous ne trouvons pas ce qui<br />
cloche chez toi. » Une analyse<br />
de sang exhaustive révèle des<br />
allergies à certains aliments.<br />
J’adapte alors mon régime<br />
alimentaire d’où le gluten est<br />
banni et me nourris uniquement<br />
d’aliments bios et pratique<br />
régulièrement le jeûne.<br />
Depuis, les inflammations ont<br />
disparu. J’ai rajeuni de dix<br />
ans et la récupération entre<br />
les séances d’entraînement<br />
est bien plus rapide.<br />
lunarossachallenge.com<br />
mètre à manivelle et l’ergo vélo<br />
et des étirements. Le lundi,<br />
nous enchaînons avec 45 minutes<br />
d’ergo à manivelle avec<br />
montée en charge jusqu’à<br />
épuisement total. Le mardi<br />
est consacré au renforcement,<br />
squats et hip thrusts (levée<br />
des hanches avec appui sur le<br />
dos) par exemple avec usage<br />
de poids. Mercredi, c’est jour<br />
de piscine. 60 minutes de natation<br />
qui ménagent les articulations,<br />
mais intensifient<br />
le cardio, d’autant plus que<br />
des apnées y sont incorporées<br />
pour parer à d’éventuelles<br />
chutes par-dessus bord à<br />
l’entraînement ou en course.<br />
Jeudi, séance de yoga, cette<br />
discipline que je n’aimais pas<br />
jeune est géniale pour la souplesse<br />
et la récupération. Le<br />
vendredi, nous avons le « Dog<br />
Show » : circuits de course à<br />
pied comparables à ceux des<br />
dressages de chien – slalom<br />
entre les plots et passage<br />
d’obstacles divers – très efficace.<br />
Le tout est agrémenté<br />
de jogging, d’alpinisme et de<br />
montées d’escaliers. Tout est<br />
bon si c’est au grand air.<br />
De plus, nous sortons en<br />
mer le plus souvent possible.<br />
Cela dépend de la météo et<br />
ENGIN DE COURSE<br />
VOGUE L’AC 75<br />
Les World Series de<br />
la Coupe de l’America<br />
débutent le 23 avril<br />
<strong>2020</strong> à Cagliari, en<br />
Sardaigne.<br />
THE RED BULLETIN 89
Faire.<br />
G U I D E<br />
gaming<br />
Mon perso, c’est moi :<br />
votre avatar dans Mario<br />
Kart en dit beaucoup<br />
sur votre personnalité.<br />
LES POWER-UP SONT DES TOTEMS<br />
Les power-up pourraient-ils avoir une<br />
signification plus profonde, au-delà du<br />
simple artefact lié au jeu ? Banane égal<br />
malchance ; carapace rouge, malveillance<br />
; super étoile, confiance ? Voici<br />
la philosophie du producteur de Mario<br />
Kart 8, Kosuke Yabuki, au sujet de la<br />
carapace bleue ailée qui ne s’en prend<br />
qu’au pilote en tête : « Parfois, la vie est<br />
injuste et c’est frustrant, déclarait-il<br />
en 2017. Quand on a essayé le jeu sans<br />
la carapace bleue, il manquait quelque<br />
chose. »<br />
MARIO KART ZEN<br />
LE CIRCUIT DE LA VIE<br />
Jouer à Mario Kart pourrait faire de vous un meilleur conducteur.<br />
Ainsi qu’une meilleure personne… C’est Jamie qui le dit.<br />
Dans l’élaboration d’un<br />
nouveau jeu, Shigeru<br />
Miyamoto de Nintendo,<br />
créateur de séries légendaires<br />
comme Mario et <strong>The</strong> Legend of<br />
Zelda veille à respecter une philosophie<br />
connue dans son Japon<br />
natal sous le nom de kyokan,<br />
c’est-à-dire une expérience empathique<br />
entre le concepteur et<br />
le joueur qui pourrait se traduire<br />
par « ne faire qu’un ». « Tant<br />
que j’apprécie quelque chose,<br />
d’autres peuvent aussi l’apprécier<br />
», explique-t-il. Lorsque<br />
Miyamoto crée Super Mario Kart<br />
pour la Super NES en 1992, le<br />
kyokan était fort. Souvent copié,<br />
mais jamais égalé (voir Crash<br />
Team Racing ou Garfield Kart),<br />
la série des Mario Kart est restée<br />
l’un des jeux les plus populaires<br />
au cours des trois décennies qui<br />
ont suivi sa conception avec le<br />
dernier épisode, Mario Kart<br />
Tour, sur mobile. Qu’est-ce qui<br />
explique son puissant écho chez<br />
les joueurs ? Jamie Madigan,<br />
psychologue du jeu vidéo, a sa<br />
petite idée sur le sujet...<br />
FICHE<br />
EXPERT<br />
JAMIE<br />
MADIGAN<br />
PSYCHOLOGUE DE JEU<br />
L’auteur de Getting<br />
Gamers: <strong>The</strong> Psychology<br />
of Video Games and<br />
<strong>The</strong>ir Impact on <strong>The</strong><br />
People Who Play <strong>The</strong>m<br />
(trad. Comprendre les<br />
gamers : la psychologie<br />
des jeux vidéo et leur<br />
impact sur les joueurs)<br />
propose une série de<br />
podcasts et un blog qui<br />
étudient les motifs<br />
déterminant le comportement<br />
des joueurs<br />
et les raisons pour<br />
lesquelles les jeux<br />
sont créés.<br />
FORGER LE CARACTÈRE<br />
Qu’est-ce que votre avatar sur Mario<br />
Kart révèle de vous ? Dans un article<br />
de 2016 dans l’hebdo de Portland,<br />
Willamette Week, la thérapeute et<br />
professeure de psychologie Dr Karen<br />
Chenier affirme que les joueurs choisissent<br />
les persos auxquels ils s’identifient<br />
: Luigi est timide et névrosé,<br />
Bowser un narcissique. Miyamoto a dit<br />
qu’il considère Mario comme un « héros<br />
ouvrier ». Pour Madigan, c’est simple :<br />
« Les gens choisissent probablement<br />
le personnage qui offre l’engin qu’ils<br />
veulent ou celui dont le design est le<br />
plus attrayant. »<br />
Mario Kart, c’est la vie ! Ce jeu est-il<br />
capable d’améliorer votre quotidien ?<br />
BOOST D’OPTIMISME<br />
Les bons jeux encouragent les joueurs<br />
à persévérer en donnant l’impression<br />
qu’ils ont toujours une chance. Sur<br />
Mario Kart, ce système d’incitation<br />
s’appelle le rubber-banding. Les<br />
power-up sont progressifs : accélérations<br />
pour les joueurs à l’arrière,<br />
armes pour ceux au milieu, etc. « Un<br />
jeu comme Mario Kart encourage le<br />
sentiment de compétence et de maîtrise,<br />
dit Jamie. Le rubber- banding<br />
assure que la victoire, du moins l’amélioration,<br />
est à portée de la main. »<br />
HABILETÉS MOTRICES AMÉLIORÉES<br />
Peut-être même, carrément, la capacité<br />
de conduite. En 2016, des chercheurs<br />
universitaires de Shanghai et de Hong<br />
Kong ont soumis des joueurs à des<br />
séances de Mario Kart et de Roller-<br />
Coaster Tycoon (un jeu de création de<br />
parc d’attractions) et ont constaté<br />
que le premier groupe démontrait une<br />
« meilleure motricité visuelle ». Madigan<br />
est prudent : « Jouer à Mario Kart pourrait<br />
vous aider sur un simulateur de<br />
conduite, mais il n’est pas établi que<br />
le jeu améliore la capacité à conduire<br />
une véritable voiture. »<br />
AVEC MARIO, TOUT EST GÉNIAL<br />
Une étude de l’Université du Queensland<br />
a révélé que les participants<br />
forcés de passer des tests de maths<br />
jusqu’à ce qu’ils échouent, suivis de<br />
deux rondes de Mario Kart, ont démontré<br />
des niveaux de stress comparativement<br />
plus faibles et un bonheur accru<br />
après celles-ci, davantage même<br />
que s’ils avaient remporté la course.<br />
« Toute activité agréable peut réduire<br />
le stress et améliorer l’humeur, mais<br />
les jeux vidéo ont un avantage car ils<br />
procurent une sensation de progression,<br />
de maîtrise et de contrôle, dit<br />
Madigan. Ils satisfont des besoins<br />
psychologiques de base que d’autres<br />
aspects de la vie ne satisfont pas. »<br />
NINTENDO TOM GUISE<br />
90 THE RED BULLETIN
Avoir.<br />
montres<br />
SPORT D’EAU<br />
LA<br />
NOUVELLE<br />
VAGUE<br />
L’horlogerie suisse fait une<br />
incursion remarquée dans<br />
l’univers du surf. Présentation<br />
de trois alliées des mers, pour<br />
garder la mesure du temps et<br />
rester en haut de la vague.<br />
Le point d’impact<br />
Ulysse Nardin<br />
Ulysse Nardin a imaginé la Diver<br />
Deep Dive en partenariat avec<br />
l’association américaine One<br />
More Wave qui aide d’anciens<br />
combattants à travers des<br />
thérapies par le surf. Limité à<br />
100 unités, le garde-temps est<br />
doté d’un boîtier de 46 mm en<br />
titane DLC noir étanche jusqu’à<br />
1 000 m, d’une couronne vissée,<br />
d’une valve à hélium et d’un<br />
mouvement interne à remontage<br />
automatique (Cal. UN-320).<br />
La pratique actuelle<br />
du surf remonte<br />
aux années 50 et<br />
à son adoption par<br />
l’Amérique. Depuis,<br />
ce sport a séduit<br />
l’Europe et bien<br />
d’autres régions<br />
de la planète, tant<br />
et si bien que la<br />
discipline figurera<br />
au programme des<br />
Jeux olympiques<br />
de Tokyo <strong>2020</strong>,<br />
une première.<br />
RICHARD HALLMAN, TAG HEUER, ULYSSE NARDIN ROGER RUEGGER<br />
L’Homme<br />
TAG Heuer Aquaracer<br />
Le surfeur polyvalent Kai Lenny<br />
(un as du big wave, du stand-up<br />
paddle et du kitesurf) se fie aux<br />
montres TAG Heuer depuis des années<br />
déjà. L’Aquaracer est étanche<br />
à 300 m et embarque dans son<br />
boîtier en acier inoxydable de 43 mm<br />
un mouvement mécanique à remontage<br />
automatique (Cal. 5). Sa lunette<br />
tournante unidirectionnelle est très<br />
utile sous l’eau. Le modèle ci-contre<br />
arbore une lunette en céramique<br />
antirayure, et un boîtier et un bracelet<br />
en acier inoxydable.<br />
Vague claire<br />
Breitling Superocean<br />
Dernière-née de la collaboration<br />
entre Breitling et Kelly Slater,<br />
la Superocean Automatic 44<br />
Outerknown se distingue par<br />
son cadran vert et son bracelet<br />
NATO à base de fil ECONYL®,<br />
issu de résidus de nylon récupérés<br />
des océans, des filets de pêche<br />
notamment. La montre est étanche<br />
jusqu’à 1 000 m et son boîtier<br />
en acier inoxydable cache un<br />
mouvement mécanique à<br />
remontage automatique<br />
(Breitling Cal. 17).<br />
THE RED BULLETIN 91
Faire.<br />
G U I D E<br />
ZÉRO G POUR...<br />
LE PIT<br />
STOP<br />
LE PLUS<br />
DINGUE<br />
Changer une roue dans<br />
un environnement sans<br />
gravitation. Une idée<br />
pas si folle, en vrai...<br />
À l’occasion du Grand Prix de<br />
F1 du Brésil en novembre dernier,<br />
<strong>Red</strong> Bull Racing a établi<br />
un nouveau record d’arrêt<br />
au stand : 1,82 seconde. La<br />
performance de l’équipe est<br />
incroyable, mais pas autant<br />
que son pit stop en conditions<br />
d’apesanteur. Pour ce faire,<br />
l’équipe a suivi une formation<br />
au centre de cosmonautes<br />
russes Youri Gagarine, à bord<br />
d’un Ilyushin II-76MDK, surnommé<br />
la « Vomit Comet ».<br />
La technique de vol appelée<br />
arc parabolique est relativement<br />
simple (voir ci-contre).<br />
L’avion s’élève à 45 °, puis<br />
réduit sa vitesse et entre<br />
dans une trajectoire balistique<br />
au cours de laquelle il<br />
est en chute libre, créant<br />
l’apesanteur, avant d’entamer<br />
sa descente. L’équipage effectue<br />
sept vols d’acclimatation<br />
afin de réapprendre les gestes<br />
du stand en situation de<br />
gravité zéro que nul n’avait<br />
expérimentée auparavant.<br />
Réinventer le changement de roue : l’équipe des stands <strong>Red</strong> Bull Racing évolue dans un autre monde.<br />
GRAVITÉ DE LA SITUATION<br />
Au Centre de recherche et<br />
d’essai des cosmonautes<br />
Youri Gagarine, à la Cité des<br />
étoiles, située à 25 km au<br />
nord-est de Moscou ( Russie),<br />
on ne vous installera pas au<br />
volant d’une F1 mais vous<br />
pourrez faire l’expérience<br />
de l’apesanteur.<br />
zerogravitytour.com<br />
Ascension<br />
« En montant dans l’avion,<br />
impossible d’imaginer ressentir<br />
une hypergravité avoisinant 2 g<br />
— deux fois votre poids normal<br />
— et la sensation d’être cloué<br />
au sol, explique le mécanicien<br />
Paul “Harry” Knight à propos<br />
du premier vol. Nos jambes ne<br />
nous appartenaient plus, on<br />
s’est effondré au sol. »<br />
Perte d’orientation<br />
« J’ai eu un malaise qui ne venait<br />
pas de l’estomac, mais de l’immense<br />
pression à la tête. J’ai<br />
bien cru qu’elle allait exploser,<br />
confie Mark “Wincey” Willis,<br />
coordinateur de l’équipe. Les<br />
deux ou trois premiers vols,<br />
mon cerveau était à l’arrêt.<br />
J’étais incapable de visser<br />
un écrou. »<br />
Apprendre à voler<br />
« À bord, on n’entend pas d’annonce<br />
pour le passage imminent<br />
en 0 g, mais juste la voix du chef<br />
de soute, en russe, explique le<br />
mécanicien en chef Joe “ Robbo”<br />
Robinson. On ne se met pas à<br />
flotter pas sous l’effet d’une<br />
éjection, mais simplement parce<br />
que les pieds se soulèvent<br />
doucement. »<br />
DENIS KLERO/RED BULL CONTENT POOL<br />
MATT YOUSON HILLIARD DESIGN<br />
92 THE RED BULLETIN
pit stop en apesanteur<br />
ILYUSHIN II-76MDK<br />
AVION-ÉCOLE POUR COSMONAUTES<br />
F1 RED BULL<br />
16 10<br />
PERSONNES<br />
DANS LE TEAM<br />
PIT STOP<br />
RED BULL<br />
PERSONNES<br />
POUR LA PRISE<br />
DE VUE<br />
SCHÉMA D’ÉQUIPE<br />
Dès que l’avion entre en apesanteur, l’équipage<br />
doit s’attacher avant de passer à l’action.<br />
9 000 M<br />
ASCENSION À 45 ˚<br />
22 SECONDES<br />
À ZÉRO G<br />
PIQUÉ À 45 ˚<br />
1,8 G ZERO G 1,8 G<br />
TEMPS DE MANŒUVRE EN SECONDES<br />
0 20 45 65<br />
Le temps est compté<br />
« Quand tout commence à flotter,<br />
nous libérons la voiture pour<br />
la manœuvre, les caméras ont<br />
15 sec pour filmer puis nous stabilisons<br />
la F1 et nous attachons<br />
les roues, détaille M. Knight. Le<br />
laps de temps entre deux apesanteurs<br />
sert à inspecter les<br />
dommages éventuels. » (Chaque<br />
vol enchaîne 10 à 15 paraboles.)<br />
Fais tourner...<br />
« Dès que vous vous mettez<br />
à utiliser le pistolet, vous êtes<br />
propulsé en arrière. Retirer la<br />
roue de la voiture entraîne inévitablement<br />
le corps dans un<br />
tourbillon », explique M. Willis.<br />
Et Robinson d’ajouter : « Les<br />
pieds étant fixés au sol, vous<br />
n’avez que les chevilles pour<br />
vous orienter. »<br />
Adapter ses gestes<br />
« À 0 g, vous pensez et agissez<br />
différemment, poursuit M. Willis.<br />
Nous avons dû faire pivoter la<br />
voiture à 360 ° et la retourner<br />
manuellement en l’air. Une<br />
manœuvre risquée, car nous<br />
n’étions pas sûrs d’avoir assez<br />
de temps pour y parvenir, et<br />
d’éviter que la voiture atterrisse<br />
à l’envers. »<br />
Reprendre pied<br />
« Mieux vaut éviter d’avoir la voiture<br />
(ou vous-même) à 50 cm<br />
du sol en sortie d’apesanteur,<br />
conseille M. Robinson. Un des<br />
gars a endommagé l’aileron<br />
avant en y atterrissant la tête la<br />
première. À l’atelier, ils se sont<br />
bien marrés quand on leur a dit<br />
que les dégâts venaient du coup<br />
de tête d’un cosmonaute. »<br />
THE RED BULLETIN 93
G U I D E<br />
Voir.<br />
février - mars<br />
EN PISTE !<br />
Ouvrez la lucarne de<br />
votre salon directement<br />
sur un snowpark<br />
nord-américain, sur<br />
les routes du Mexique<br />
et sur la chaîne du<br />
froid canadienne : les<br />
temps forts de <strong>Red</strong><br />
Bull TV ce mois-ci.<br />
REGARDEZ<br />
RED BULL TV<br />
PARTOUT<br />
<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />
télévision connectée : où que<br />
vous soyez dans le monde,<br />
vous pouvez avoir accès aux<br />
programmes, en direct ou en<br />
différé. Le plein de contenus<br />
originaux, forts et créatifs.<br />
Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />
12<br />
au 15 mars EN DIRECT<br />
RALLYE DU MEXIQUE<br />
Pleins gaz sur le gravier, telle est la devise des meilleurs<br />
pilotes de rallye lors de la troisième étape du<br />
Championnat du monde des rallyes dans les hauts<br />
plateaux mexicains. Autre point fort : les routes<br />
sinueuses mènent à une altitude de 2 700 mètres.<br />
22<br />
février EN DIRECT<br />
RED BULL ICE CROSS<br />
Pas de pitié pour les patins à Québec (Canada). Prenez<br />
quatre athlètes coriaces, chaussez-les, placezles<br />
sur une piste de glace étroite et sifflez le départ.<br />
Vous obtiendrez une série de bleus sous les maillots,<br />
et des coureurs et des spectateurs en liesse.<br />
Vue aérienne sur Vail :<br />
Miyabi Onitsuka, 3 e en<br />
slopestyle en 2019.<br />
26<br />
au 29 février<br />
EN DIRECT<br />
BURTON<br />
US OPEN<br />
Ce rendez-vous de snowboard à<br />
Golden Peak, dans la station de<br />
de Vail (Colorado), ouvre la saison<br />
du circuit de compétition et sera<br />
l’occasion d’assister à de nouvelles<br />
prouesses techniques. Des<br />
athlètes d’exception viennent<br />
faire leurs preuves dans leur discipline<br />
de prédilection, halfpipe<br />
ou slopestyle. Suivez les demifinales<br />
et les finales Dames et<br />
Hommes, avec <strong>Red</strong> Bull TV.<br />
AARON BLATT/RED BULL CONTENT POOL, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL, MARK ROE/RED BULL CONTENT POOL<br />
94 THE RED BULLETIN
Faire.<br />
7mars<br />
<strong>Red</strong> Bull<br />
Tout Schuss<br />
Au <strong>Red</strong> Bull Tout Schuss, on<br />
vient comme on est, gars ou fille,<br />
avec ses skis, son snow, une<br />
grosse motivation pour se jeter<br />
sur une descente d’enfer<br />
jusqu’au pied des pistes, et une<br />
motivation encore plus grosse<br />
pour brûler le dancefloor jusqu’à<br />
l’aube durant la soirée après-ski<br />
(gratuite et ouverte à tous).<br />
Les Orres ;<br />
redbull.com/toutschuss<br />
février au 1 er mars<br />
International Salsa<br />
Shines Contest<br />
En deux éditions, l’International Salsa Shines<br />
Contest s’est imposé commme LE rendez-vous<br />
majeur des amoureux de la salsa en France. L’an<br />
dernier, plusieurs milliers de participants s’y sont<br />
précipités pour admirer les performances de<br />
150 compétiteurs. Organisé sur trois jours cette<br />
année, l’événement proposera des workshops,<br />
compétitions et soirées. En présence de stars de<br />
la scène salsa internationale, comme les couples<br />
Bersy et Rodrigo ou Tania et Charlie, et d’autres autorités<br />
venues de l’île Maurice, de Croatie, de Cuba<br />
ou encore du Sénégal. Envie de danser ? Vous pourrez<br />
vous aussi vous lancer sur la piste, avec une<br />
soirée chaque jour, jusqu’à 5 heures du matin.<br />
Nanterre, espace Chevreul ;<br />
internationalsalsashinescontest.com<br />
28<br />
février - mars<br />
ANTHONY DUBOIS<br />
12<br />
mars<br />
L’effet<br />
Dandyguel<br />
MC est le terme qui lui va comme<br />
un gant ! Rappeur, ambianceur,<br />
host, présentateur des plus gros<br />
événements urbains en France,<br />
Dandyguel excelle dans chacun<br />
de ces domaines ! Pour célébrer<br />
son nouvel album, Histoires<br />
vraies, sorti en février, sous le<br />
signe du partage et de l’authenticité,<br />
il enflammera la scène du<br />
FGO-Barbara dans le quartier<br />
de Barbès. Bon temps assuré,<br />
et jeune audience bienvenue.<br />
Paris, FGO-Barbara ;<br />
dandyguel.com<br />
13<br />
20 au 15 mars<br />
au 22 mars<br />
<strong>Red</strong> Bull<br />
BC One Camp<br />
Break en force à Lyon, avec des<br />
battles (hommes, femmes et<br />
crews) et workshops, et le bouillant<br />
Cypher qui désignera le<br />
b-boy et la b-girl envoyés en<br />
finale mondiale du <strong>Red</strong> Bull BC<br />
One en Pologne en novembre.<br />
Au H7, le danseur Lilou sera<br />
bien sûr de la partie, comme<br />
Zeguerre, en place pour un<br />
showcase exclusif.<br />
Lyon, H7 ;<br />
redbullbcone.com<br />
ENCROYABLE !<br />
Le Mondial du Tatouage fête sa dixième édition. Cet événement dédié aux peaux<br />
encrées (le plus visité de la planète) offre une immersion dans le vaste monde<br />
du tatouage : on y viendra en curieux ou spécialiste, pour voir des tatoueurs de<br />
renom à l’œuvre, se faire tatouer à son tour, ou découvrir les artistes qui seront<br />
récompensés par 24 prix dans 8 catégories. Au Mondial du Tatouage, il y aura<br />
aussi des foodtrucks, du matos pro, des bouquins, et des concerts, avec<br />
notamment Perturbator et Nosfell. Tatoué(e) ou pas, vous y serez chez vous !<br />
Paris, Grande halle de la Villette ; mondialdutatouage.com<br />
THE RED BULLETIN 95
MENTIONS LÉGALES<br />
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans six pays.<br />
Vous voyez ici la une<br />
de l’édition allemande,<br />
mettant en lumière la<br />
patineuse de vitesse<br />
Anna Seidel.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
redbulletin.com<br />
Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />
part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />
photos, illustrations et dessins qui engagent<br />
la seule responsabilité des auteurs.<br />
Rédacteur en chef<br />
Alexander Macheck<br />
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Schörkhuber, Sara Wonka, Julia Bianca Zmek,<br />
Edith Zöchling-Marchart<br />
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Bunch, Simone Fischer, Martina Maier, Florian Solly<br />
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Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />
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Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.),<br />
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Fabrication Veronika Felder<br />
MIT Michael Thaler, Christoph Kocsisek<br />
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Assistante du Management général<br />
Patricia Höreth<br />
Abonnements et distribution Peter Schiffer<br />
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Directeurs généraux<br />
Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier,<br />
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THE RED BULLETIN<br />
France, ISSN 2225-4722<br />
Country Editor<br />
Pierre-Henri Camy<br />
Country Coordinator<br />
Christine Vitel<br />
Country Project Management<br />
Alessandra Ballabeni,<br />
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Suzanne Kříženecký, Audrey Plaza,<br />
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Thierry Rémond,<br />
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THE RED BULLETIN<br />
Allemagne, ISSN 2079-4258<br />
Country Editor<br />
David Mayer<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
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THE RED BULLETIN<br />
Autriche, ISSN 1995-8838<br />
Country Editor<br />
Christian Eberle-Abasolo<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
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Bernhard Schmied<br />
Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />
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THE RED BULLETIN<br />
Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />
Country Editor<br />
Tom Guise<br />
Rédacteur associé<br />
Lou Boyd<br />
Rédacteur musical<br />
Florian Obkircher<br />
Directeur Secrétariat de rédaction<br />
Davydd Chong<br />
Secrétaire de rédaction<br />
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Fabienne Peters,<br />
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THE RED BULLETIN<br />
Suisse, ISSN 2308-5886<br />
Country Editor<br />
Nina Treml, Wolfgang Wieser<br />
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Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
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Christian Bürgi (W-CH),<br />
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Marco Nicoli,<br />
marco.nicoli@goldbach.com<br />
THE RED BULLETIN USA,<br />
ISSN 2308-586X<br />
Rédacteur en chef<br />
Peter Flax<br />
Rédactrice adjointe<br />
Nora O’Donnell<br />
Éditeur en chef<br />
David Caplan<br />
Directrice de publication<br />
Cheryl Angelheart<br />
Country Project Management<br />
Laureen O’Brien<br />
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todd.peters@redbull.com<br />
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96 THE RED BULLETIN
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Pour finir en beauté.<br />
La voie des bâtisseurs<br />
Derrière lui, des pyramides séculaires, sous lui, le vide. À l’occasion de sa nouvelle<br />
vidéo de parkour, l’athlète australien Dominic Di Tommaso a choisi l’Égypte,<br />
ses tombeaux mystérieux, le Nil et la citadelle de Saladin comme terrain de jeu,<br />
de saut et d’exploration. Freerunning in Cairo à retrouver sur redbull.com<br />
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<strong>2020</strong><br />
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