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Magazine BEAST #16 2019

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78 #Technology | Jobs<br />

ŒUVRER<br />

POUR<br />

LA PARITÉ<br />

HOMME-FEMME<br />

DANS L’IT<br />

PAR ALEXANDRE KEILMANN<br />

Le 17 décembre prochain, Isabelle Collet participera à la première<br />

IT Ladies Night organisée au Luxembourg. Professeure Associée<br />

à l’Université de Genève, elle se préoccupe de l’inclusion des<br />

femmes et des publics minoritaires dans le numérique. Pour<br />

<strong>BEAST</strong>, elle revient sur ces inégalités et présente quelques-unes<br />

des meilleures pratiques visant à augmenter la part de femmes<br />

dans les métiers tech. Elle est également l’auteure de l’ouvrage<br />

«Les oubliées du numériques».<br />

Lorsqu’elle a débuté sa carrière dans le secteur IT, au début des années 90,<br />

Isabelle Collet avoue ne pas avoir noté de réelle différence entre la place des<br />

femmes et des hommes : «je pensais alors que l’égalité des sexes était acquise<br />

et qu’il était au goût de chacun de s’orienter vers les filiales souhaitées. De<br />

plus, les femmes représentaient environ un quart des effectifs : l’écart n’était<br />

pas aussi criant que maintenant…». Ce n’est que quelques années plus tard,<br />

lorsqu’elle était à la recherche d’un poste en CDI, qu’elle a commencé à se<br />

rendre compte du phénomène. Elle ajoute : «cependant, je n’avais pas de grille<br />

d’analyse, juste ma propre observation. Je me suis notamment posée la question<br />

de mes compétences… et ai fini par reprendre mes études à l’Université Paris-<br />

Nanterre. J’y ai suivi un cours sur les rapports sociaux, un cours de genre. Le<br />

sujet m’intriguait beaucoup».<br />

De la masculinisation de l’IT…<br />

Isabelle Collet a présenté sa thèse en 2000. Elle y annonçait déjà que la<br />

situation des femmes dans l’IT allait s’aggraver. Comme elle le souligne, la chute<br />

a débuté durant les années 80 : cela s’explique par plusieurs phénomènes et<br />

notamment par l’augmentation du prestige des métiers de l’IT. «Lorsque celui-ci<br />

explose, le champ du savoir prend de l’importance puis se masculinise. De plus,<br />

la transformation structurelle, avec le passage du gros système informatique<br />

aux micro-ordinateurs, coïncidant avec son arrivée dans les foyers, a<br />

également joué. En effet, les garçons sont généralement équipés en premier<br />

et nous créons donc des micro sociétés !» commente l’experte. Nous avons<br />

donc assisté à un changement de représentation qui touche le quotidien des<br />

garçons et des filles, mais également des parents et des professeurs. Puis, les<br />

discours institutionnels tels que «l’informatique c’est l’avenir, il faut former, et<br />

surtout les jeunes garçons», combinés à cette montée en prestige de l’IT, ont<br />

créé cette chute libre du nombre de femmes dans l’informatique. Aujourd’hui,<br />

les chiffres sont cependant délicats à analyser : en Europe, on recense environ<br />

30% de femmes évoluant dans le secteur, mais les trois quarts d’entre elles<br />

occupent des métiers de support – marketing, communication, RH, etc.<br />

Il n’y a donc que très peu de codeuses. «En France, elles sont environ 20%,<br />

et lorsque l’on s’intéresse aux domaines spécialisés tels que le big data ou<br />

la cybersécurité, elles ne sont que 11%. Puis, selon la hiérarchie, la part des<br />

femmes est encore différente. Enfin, toujours dans l’Hexagone, il n’y a que 7%<br />

des startups tech qui sont créées par des femmes,» précise Isabelle Collet.<br />

…à sa promotion auprès des femmes<br />

Dès lors, est-il nécessaire de commencer à<br />

s’intéresser à la tech et à l’informatique dès<br />

le plus jeune âge ? Pas nécessairement selon<br />

la professeure, qui rappelle l’existence de<br />

nombreux instituts de formation ayant pris<br />

d’importantes mesures pour transformer<br />

leur population, alors qu’ils s’adressent à<br />

des adultes. Elle ajoute : «Nous pouvons<br />

donc agir à tout âge. Mais évidemment, c’est<br />

très bien de donner un premier goût à l’IT<br />

aux filles dès l’école. Aujourd’hui, il a encore<br />

trop peu de représentations de la discipline,<br />

d’où l’importance, par exemple, d’apprendre<br />

le code à l’école». Cependant, il est difficile<br />

de mesurer l’impact des initiatives allant<br />

dans ce sens et qui sont aujourd’hui<br />

introduites dans les établissements<br />

scolaires : celles-ci porteront leurs fruits<br />

d’ici une dizaine d’années. Heureusement,<br />

il existe d’ores-et-déjà des pratiques qui<br />

permettent d’augmenter rapidement le<br />

nombre de femmes dans l’IT : «je pense<br />

à plusieurs instituts de formation qui ont<br />

mis en place des mesures volontaristes<br />

comme par exemple la possibilité de se<br />

former dans un centre de formation nonmixte<br />

à Bruxelles, et destiné à des femmes<br />

en rupture d’emploi, en reconversion, et<br />

peu diplômées. Le fait que cette promotion<br />

soit non-mixte est rassurant, ces femmes<br />

peuvent alors se dire qu’elles sont toutes<br />

au même niveau. Cela date des années<br />

2000.

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