12.11.2019 Views

Corse_De_quoi_la_mafia_est_t-elle_le_nom_extrait

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Sampiero Sanguinetti<br />

de <strong>quoi</strong><br />

<strong>Corse</strong> :<br />

<strong>la</strong> <strong>mafia</strong><br />

<strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong><br />

<strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?


Introduction<br />

La <strong>Corse</strong> a vécu, durant <strong>le</strong>s années 1990, un véritab<strong>le</strong> cataclysme,<br />

une descente aux enfers, une multiplication, sans<br />

précédent depuis <strong>le</strong> XIX e sièc<strong>le</strong>, des homicides. Un phé<strong>nom</strong>ène<br />

qui valut à cette î<strong>le</strong>, compte tenu de sa faib<strong>le</strong> popu<strong>la</strong>tion, <strong>la</strong><br />

réputation de région <strong>la</strong> plus criminogène d’Europe. Cette<br />

f<strong>la</strong>mbée de vio<strong>le</strong>nce résultait à <strong>la</strong> fois d’une guerre entre nationalistes<br />

et d’une montée en puissance des enjeux spécu<strong>la</strong>tifs<br />

liés au développement touristique.<br />

Les enjeux spécu<strong>la</strong>tifs étaient souvent diffici<strong>le</strong>s à décrypter<br />

mais faci<strong>le</strong>s à concevoir. La guerre entre nationalistes fut très<br />

vite lisib<strong>le</strong> mais inconcevab<strong>le</strong>. Comment expliquer que de<br />

jeunes hommes appartenant à une même famil<strong>le</strong> de pensée en<br />

viennent à s’entretuer, à se terroriser ? Comment admettre que<br />

<strong>le</strong>s uns tombent sous <strong>le</strong>s bal<strong>le</strong>s pendant que <strong>le</strong>s autres paradent<br />

sur des tribunes en revendiquant l’assassinat de <strong>le</strong>urs frères ?<br />

Comment ces combattants qui se sont désignés un « ennemi »<br />

en viennent-ils à se massacrer entre eux sous <strong>le</strong>s yeux de ce<br />

fameux « ennemi » ? Comment comprendre ce passage brutal<br />

d’un supposé romantisme révolutionnaire à une rage assassine,<br />

grossière et imbéci<strong>le</strong> ? Comment interpréter l’existence de<br />

ces cortèges funèbres derrière <strong>le</strong>s cercueils, de ces femmes<br />

qui p<strong>le</strong>urent, qui souffrent, qui hur<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur désespoir, parfois<br />

<strong>le</strong>ur haine ou <strong>le</strong>ur désir de vengeance, de ces enfants qui vont<br />

5


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

mettre un temps à comprendre ce que c’<strong>est</strong> que l’absence du<br />

père ? Comment admettre une t<strong>el<strong>le</strong></strong> absurdité, une t<strong>el<strong>le</strong></strong> folie,<br />

une t<strong>el<strong>le</strong></strong> bêtise ?<br />

Les 250 000 ou 300 000 habitants de cette î<strong>le</strong> ont vu s’écrou<strong>le</strong>r<br />

sous <strong>le</strong>urs yeux <strong>le</strong>s mythes de <strong>la</strong> révolte juste, de l’engagement<br />

désintéressé, de <strong>la</strong> fraternité. Ils ont vu des hommes réputés<br />

honnêtes, courageux, p<strong>le</strong>ins d’espoir, condamnés à mort et<br />

exécutés. Ces habitants de l’î<strong>le</strong> ont assisté à un drame qui<br />

parfois touchait <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong>, souvent touchait des proches, des<br />

voisins, des amis, des connaissances. Un gigantesque traumatisme<br />

qui ne concernait qu’eux-mêmes. Le r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète<br />

n’avait, bien sûr, qu’indifférence pour <strong>la</strong> dérive sang<strong>la</strong>nte d’une<br />

infime communauté aux prises avec ses démons. Pour ceux<br />

qui <strong>le</strong> surent, au-delà des rivages de l’î<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s uns pouvaient<br />

s’en étonner ou s’en déso<strong>le</strong>r vaguement, <strong>le</strong>s autres juger que<br />

celui qui sème <strong>le</strong> vent finit toujours par récolter <strong>la</strong> tempête, <strong>le</strong>s<br />

troisièmes penser que cette vio<strong>le</strong>nce, ces dérives factieuses<br />

ou c<strong>la</strong>nistes, ces réf<strong>le</strong>xes de vendetta, ce tribalisme, seraient<br />

<strong>le</strong> lot normal des sociétés du Sud et de <strong>la</strong> Méditerranée.<br />

Existe-t-il un absolu du mal ? Le mal <strong>est</strong> absolu pour celui qui y<br />

<strong>est</strong> confronté. Mais comment <strong>le</strong> <strong>nom</strong>mer ? Cette qu<strong>est</strong>ion <strong>est</strong><br />

importante car <strong>le</strong>s dérives de nos sociétés, <strong>le</strong>s « urgences »<br />

de l’information, <strong>la</strong> loi des réactions à chaud, <strong>le</strong> sensationnalisme<br />

commercial, conduisent à détourner <strong>le</strong>s mots de <strong>le</strong>ur<br />

sens. Ce qui vient de se produire, ce qui nous touche de près<br />

<strong>est</strong> très vite réputé « sans précédent », « sans équiva<strong>le</strong>nt ».<br />

Qu’une vague de cha<strong>le</strong>ur nous submerge et l’évènement <strong>est</strong><br />

présenté comme « du jamais vu »… Du jamais vu depuis <strong>la</strong><br />

précédente vague de cha<strong>le</strong>ur. Donc du déjà-vu. Et c’<strong>est</strong> ainsi<br />

que <strong>le</strong> journalisme abandonne petit à petit toute exigence de<br />

rigueur. C’<strong>est</strong> ainsi que <strong>le</strong>s mots perdent <strong>le</strong>ur sens. C’<strong>est</strong> ainsi<br />

que l’émotion du moment ou de l’instant prend <strong>le</strong> dessus sur<br />

<strong>la</strong> capacité sérieuse d’analyse.<br />

6


Introduction<br />

Comment qualifier <strong>la</strong> cruauté abjecte, <strong>la</strong> barbarie crapu<strong>le</strong>use,<br />

couplées à l’appât du gain et au désir de pouvoir dans nos<br />

sociétés ? Un <strong>nom</strong> générique a fait son apparition sur <strong>le</strong>s rives<br />

de cette Méditerranée. Quand ces dérives ne sont pas <strong>le</strong> fait<br />

de dictateurs infâmes, quand <strong>el<strong>le</strong></strong>s trouvent racine dans un<br />

État réputé démocratique, <strong>le</strong>s observateurs par<strong>le</strong>nt désormais<br />

de « <strong>mafia</strong>s ». Ces <strong>mafia</strong>s qui organisent l’abjection, qui ne<br />

respectent rien et qui n’ont pas de limites. Ces <strong>mafia</strong>s qui sont<br />

<strong>le</strong> pire de ce que peut produire <strong>le</strong> grand banditisme couplé à<br />

l’affairisme.<br />

Ce qu’on avait pris en <strong>Corse</strong> pour un désir de vivre, pour un<br />

espoir de renaissance, pour un « riacquistu », s’était égaré et<br />

avait sombré dans <strong>le</strong>s affres de <strong>la</strong> convulsion, <strong>le</strong>s attitudes<br />

crimin<strong>el<strong>le</strong></strong>s et affairistes ?<br />

Tous ne voyaient pas dans cette « <strong>mafia</strong> » une même sorte de<br />

démons. Pour <strong>le</strong>s uns, ces démons étaient l’âme même de cette<br />

société et de cette terre. Les voyous, <strong>le</strong>s mauvais garçons, <strong>le</strong>s<br />

assassins en seraient <strong>le</strong>s héros. Pour <strong>le</strong>s seconds, ces démons<br />

s’incarnaient dans l’Autre, dans l’opposant de mauvaise foi et<br />

prêt à tout, dans l’ennemi désigné, dans l’adversaire peu scrupu<strong>le</strong>ux,<br />

dans l’étranger inquiétant. Pour <strong>le</strong>s troisièmes, <strong>la</strong> <strong>mafia</strong><br />

était <strong>la</strong> conséquence inéluctab<strong>le</strong> d’un désir ou d’une volonté<br />

absolue d’enrichissement… Le méridional machiste, <strong>le</strong> voyou<br />

dépravé, <strong>le</strong> spécu<strong>la</strong>teur avide, l’homme d’affaires sans scrupu<strong>le</strong><br />

ne savent pas résister à l’argent faci<strong>le</strong>, aux trafics juteux, aux<br />

inv<strong>est</strong>issements fraudu<strong>le</strong>ux, aux bénéfices exorbitants… Ils<br />

forment <strong>la</strong> nébu<strong>le</strong>use de <strong>la</strong> cruauté décomp<strong>le</strong>xée, de <strong>la</strong> fortune<br />

mal acquise et du pouvoir usurpé.<br />

Une société atteinte de ce mal change de nature. Tous <strong>le</strong>s<br />

ma<strong>le</strong>ntendus, toutes <strong>le</strong>s haines, toutes <strong>le</strong>s jalousies, toutes <strong>le</strong>s<br />

indélicatesses, de même que tous <strong>le</strong>s enrichissements et toutes<br />

<strong>le</strong>s réussites, peuvent désormais devenir objet de soupçon.<br />

La <strong>mafia</strong> <strong>est</strong> par définition invisib<strong>le</strong>, inaudib<strong>le</strong> et si<strong>le</strong>ncieuse.<br />

El<strong>le</strong> <strong>est</strong> partout, tapie dans l’ombre. Or, sur une terre de so<strong>le</strong>il<br />

7


et de contrastes, l’ombre <strong>est</strong> omniprésente, plus insondab<strong>le</strong><br />

qu’ail<strong>le</strong>urs, hantée par <strong>le</strong>s assassins, <strong>le</strong>s « hommes d’honneur »,<br />

<strong>le</strong>s « soldats » et <strong>le</strong>s « cadavres exquis ». Ainsi contaminée par<br />

l’invisib<strong>le</strong> et l’inaudib<strong>le</strong>, <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce de <strong>la</strong> peur, cette société<br />

devient invivab<strong>le</strong>. Nul ne sait plus ce que c’<strong>est</strong> que <strong>la</strong> confiance.<br />

Tout <strong>est</strong> sujet à suspicion. Le poison et l’acide de cette ombre<br />

portée sont pires que <strong>la</strong> réalité ou non de <strong>la</strong> fameuse <strong>mafia</strong>.<br />

Il <strong>est</strong> donc important, avant même de combattre <strong>la</strong> réalité du<br />

mal, de sortir du ma<strong>la</strong>ise. Or sortir du ma<strong>la</strong>ise c’<strong>est</strong> éc<strong>la</strong>irer<br />

« <strong>le</strong>s obscurs » ; non pas <strong>le</strong>s éblouir, car l’éblouissement rend<br />

de nouveau aveug<strong>le</strong>. Simp<strong>le</strong>ment éc<strong>la</strong>irer. Éc<strong>la</strong>irer, c’<strong>est</strong>-àdire<br />

refuser <strong>le</strong>s à-peu-près, désarmer <strong>la</strong> rumeur, se garder<br />

des phé<strong>nom</strong>ènes de paranoïa, douter des complots, rejeter<br />

<strong>le</strong>s re<strong>le</strong>nts commerciaux ou intéressés de sensationnalisme.<br />

Ne pas chercher à vendre ou à manipu<strong>le</strong>r, mais chercher à<br />

comprendre. Exiger de <strong>la</strong> rigueur, une définition juste des<br />

mots, un minimum de preuves. Réhabiliter <strong>la</strong> présomption<br />

d’innocence. Séparer <strong>le</strong> bon grain de l’ivraie.


Le mot magique<br />

L’affaire serait donc entendue. L’î<strong>le</strong> de <strong>Corse</strong> <strong>est</strong> <strong>le</strong> règne d’une<br />

« organisation mafieuse » dont l’existence <strong>est</strong> un danger pour<br />

<strong>le</strong>s habitants de l’î<strong>le</strong> et pour <strong>la</strong> démocratie française. On nous<br />

<strong>le</strong> dit, on nous <strong>le</strong> répète. Pour<strong>quoi</strong> faudrait-il pinail<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong>s<br />

mots ? Le mot <strong>mafia</strong> au fil du temps serait devenu partout<br />

dans <strong>le</strong> monde <strong>le</strong> mot qui exprime <strong>le</strong> mieux, dans <strong>le</strong> ressenti<br />

popu<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong> dangerosité des groupes criminels. Qui pourrait<br />

nier l’existence en <strong>Corse</strong> d’une t<strong>el<strong>le</strong></strong> dangerosité ? Et donc d’une<br />

<strong>mafia</strong>. Dès lors, s’il existe un mal corse, un « problème » corse,<br />

c’<strong>est</strong> là qu’il résiderait et nul<strong>le</strong> part ail<strong>le</strong>urs. La lutte contre<br />

cette délinquance fait partie des compétences régaliennes de<br />

l’État. Il faut donc que cet État se dote des moyens juridiques<br />

de lutte contre ce qu’on app<strong>el<strong>le</strong></strong> une « <strong>mafia</strong> ». C’<strong>est</strong> ce qu’un<br />

aréopage de journalistes, de magistrats et d’acteurs du monde<br />

associatif s’emploie depuis des années à dire et à démontrer.<br />

Avant <strong>le</strong>s années 1990, jamais ce mot n’avait été employé en<br />

France ou dans <strong>le</strong> cas de <strong>la</strong> <strong>Corse</strong>. On par<strong>la</strong>it du « milieu », on<br />

par<strong>la</strong>it de <strong>la</strong> pègre, on par<strong>la</strong>it de grand banditisme, on par<strong>la</strong>it<br />

des voyous. Ce milieu, ces bandits, ces voyous n’en étaient<br />

pas moins dangereux. Pour<strong>quoi</strong> <strong>est</strong>-il apparu absolument<br />

nécessaire de faire évoluer <strong>la</strong> terminologie ? Pour<strong>quoi</strong> ce mot<br />

a-t-il désormais une si grande importance ?<br />

9


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

À force de <strong>le</strong> marte<strong>le</strong>r, il s’<strong>est</strong> ancré dans <strong>le</strong>s esprits. L’opération<br />

de communication paraît avoir atteint sa cib<strong>le</strong>. Il <strong>est</strong> diffici<strong>le</strong>,<br />

aujourd’hui, d’avoir une conversation sur <strong>le</strong> fonctionnement de<br />

notre î<strong>le</strong> sans que l’évocation de cette <strong>mafia</strong>, de son emprise,<br />

de son empreinte, de son étreinte, ne vienne à un moment ou<br />

à un autre sur <strong>le</strong> tapis. La <strong>mafia</strong> surgit, au détour d’une phrase,<br />

comme une évidence. Bien qu’aucun sondage n’ait été réalisé<br />

au sujet de ce concept, il paraît probab<strong>le</strong> qu’une majorité<br />

d’individus n’en cont<strong>est</strong>erait pas l’existence. Ce mot a permis<br />

aux « gens » de <strong>nom</strong>mer ce qu’ils ne savaient pas <strong>nom</strong>mer. Or<br />

il <strong>est</strong> toujours très important de savoir mettre des mots sur ce<br />

qui nous interp<strong>el<strong>le</strong></strong>.<br />

Cette « affaire entendue » ne l’<strong>est</strong> toutefois que de manière<br />

insatisfaisante. Pour ceux qui ont fait de <strong>la</strong> reconnaissance de<br />

cette terminologie un combat, <strong>la</strong> batail<strong>le</strong> paraît inachevée. En<br />

mars 2019, un homme d’affaires, membre de ce qu’on app<strong>el<strong>le</strong></strong><br />

en <strong>Corse</strong> à partir de l’année 2018, « <strong>le</strong> consortium », était mis<br />

en examen. La police et <strong>le</strong>s juges s’interrogeaient sur <strong>le</strong>s liens<br />

présumés qu’il entretenait avec un membre de ce qu’on app<strong>el<strong>le</strong></strong><br />

« <strong>la</strong> bande du Petit Bar » à Ajaccio. Vincent Carlotti, ancien maire<br />

d’A<strong>le</strong>ria, ancien vice-président de <strong>la</strong> première assemblée de<br />

<strong>Corse</strong>, membre de l’association Anticor 1 , diffusait immédiatement<br />

un message sur <strong>le</strong>s réseaux sociaux pour commenter<br />

cette mise en examen : « Les liens entre <strong>le</strong> grand banditisme,<br />

<strong>le</strong> milieu des affaires et <strong>le</strong>s politiques, ça porte un <strong>nom</strong> : <strong>mafia</strong> !<br />

Mais chez nous motus et bouche cousue. Il paraît que l’évoquer<br />

c’<strong>est</strong> nuire à <strong>la</strong> <strong>Corse</strong>… C’<strong>est</strong>, pourtant, pour moi ce qui <strong>est</strong> en<br />

train de ruiner <strong>la</strong> <strong>Corse</strong> au profit d’un quarteron d’individus<br />

sans scrupu<strong>le</strong> qui sont sans aucun doute pour moi, et depuis<br />

longtemps, <strong>le</strong>s pires ennemis du peup<strong>le</strong> corse ». Ce message<br />

n’était pas nécessairement faci<strong>le</strong> à décrypter ou à interpréter<br />

1. L’association Anticor a été créée en 2002 par Éric Alphen et Séverine Tessier. El<strong>le</strong> s’<strong>est</strong><br />

donnée comme objectif louab<strong>le</strong> de lutter contre <strong>la</strong> corruption et de rétablir l’éthique<br />

en politique. El<strong>le</strong> revendique plus de 1 000 adhérents.<br />

10


Le mot magique<br />

pour tout <strong>le</strong> monde. Car enfin, qu’il s’agisse de <strong>mafia</strong>, de milieu,<br />

de grand banditisme ou d’affairisme, l’important n’<strong>est</strong>-il pas<br />

que <strong>la</strong> police fasse son travail ? Et, en l’absence d’informations<br />

plus précises, n’était-il pas un peu tôt pour accuser <strong>la</strong> personne<br />

mise en examen d’appartenance à <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> 2 ?<br />

Vincent Carlotti, un homme intelligent et sérieux, avait l’air<br />

de vouloir dire que si on ne qualifiait pas a priori l’affaire<br />

de mafieuse, <strong>la</strong> vérité n’aurait aucune chance d’éclore et <strong>la</strong><br />

justice de passer. Il semb<strong>la</strong>it dire a priori que <strong>le</strong> jugement<br />

futur du tribunal serait cont<strong>est</strong>ab<strong>le</strong>. Il faut donc chercher à<br />

comprendre pour<strong>quoi</strong>. Ce « pour<strong>quoi</strong> » se cache peut-être<br />

derrière <strong>le</strong> fonctionnement de <strong>la</strong> justice et ce qu’on app<strong>el<strong>le</strong></strong><br />

<strong>le</strong>s procédures. À <strong>la</strong> qualification de <strong>mafia</strong> s’attache, pour<br />

<strong>le</strong>s spécialistes du droit et de <strong>la</strong> lutte contre <strong>la</strong> grande délinquance,<br />

des formes particulières de légis<strong>la</strong>tions. Ces formes<br />

de légis<strong>la</strong>tions conduisent à sortir du droit commun. El<strong>le</strong>s<br />

conduisent en d’autres termes à autoriser <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce<br />

de procédures d’exception. <strong>De</strong>s procédures qui donnent plus<br />

de marges de manœuvre aux enquêtes de police, plus de<br />

pouvoirs aux juges, qui durcissent <strong>le</strong>s conditions d’arr<strong>est</strong>ation,<br />

prennent moins de précautions avec <strong>le</strong>s droits de <strong>la</strong> défense,<br />

r<strong>est</strong>reignent parfois <strong>la</strong> présomption d’innocence, amplifient<br />

<strong>le</strong>s sanctions… En d’autres termes, ce<strong>la</strong> signifie que l’État se<br />

trouve face à des organisations crimin<strong>el<strong>le</strong></strong>s d’une dangerosité<br />

sans commune mesure avec <strong>la</strong> criminalité dite « ordinaire »,<br />

c<strong>el<strong>le</strong></strong> du milieu et du grand banditisme. Cet État, sa police et<br />

sa justice, ne sont pas confrontés à un devoir de lutte contre<br />

des déviances ou contre des formes de délinquance mais<br />

se trouvent confrontés à des formes de guerre contre des<br />

organisations dont <strong>la</strong> puissance <strong>le</strong> dispute à <strong>la</strong> <strong>le</strong>ur. C’<strong>est</strong> ce<br />

que dit implicitement un magistrat, Guil<strong>la</strong>ume Cot<strong>el<strong>le</strong></strong>, juge<br />

d’instruction à Bastia entre 2005 et 2008, puis magistrat à <strong>la</strong><br />

2. Antony Perino, dont il s’agit, fut condamné trois mois plus tard par <strong>le</strong> tribunal correctionnel<br />

d’Ajaccio à 15 000 euros d’amende pour abus de biens sociaux.<br />

11


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

JIRS 3 de Marseil<strong>le</strong> à partir de 2012 : « Nos moyens juridiques<br />

et judiciaires ne sont pas forcément adaptés face à <strong>la</strong> machine<br />

de guerre qu’<strong>est</strong> <strong>le</strong> banditisme corse ».<br />

Ce constat conduit des magistrats à p<strong>la</strong>ider en faveur de modifications<br />

importantes de <strong>la</strong> loi. <strong>De</strong>s modifications d<strong>est</strong>inées à<br />

obtenir ces « moyens juridiques et judiciaires adaptés » comme<br />

dit Guil<strong>la</strong>ume Cot<strong>el<strong>le</strong></strong>. Puisque tout <strong>le</strong> monde semb<strong>le</strong> admettre<br />

que <strong>la</strong> qu<strong>est</strong>ion de <strong>la</strong> criminalité en <strong>Corse</strong> serait spécifique,<br />

que, quelque <strong>nom</strong> qu’on <strong>le</strong>ur donne, <strong>le</strong>s groupes criminels y<br />

seraient d’une dangerosité <strong>la</strong>rgement supérieure à ce qu’<strong>el<strong>le</strong></strong><br />

<strong>est</strong> sur <strong>le</strong> r<strong>est</strong>e du territoire français, pour<strong>quoi</strong> ne pas jouer<br />

cartes sur tab<strong>le</strong> ? L’unique manière de lutter efficacement, nous<br />

disent ces « spécialistes », c’<strong>est</strong> de permettre, en <strong>Corse</strong> ou dans<br />

<strong>le</strong>s affaires qui concernent <strong>la</strong> <strong>Corse</strong>, l’utilisation de moyens<br />

exorbitants du droit commun. C’<strong>est</strong> de donner aux policiers<br />

et aux juges des armes dont ils ne disposent pas ail<strong>le</strong>urs sur<br />

<strong>le</strong> territoire français.<br />

Je voudrais donc analyser ici ce que <strong>le</strong>s spécialistes mettent<br />

derrière ce mot de <strong>mafia</strong>. Ce mot qui, si j’en crois Vincent<br />

Carlotti, l’association Anticor, <strong>le</strong>s juges de <strong>la</strong> JIRS de Marseil<strong>le</strong>,<br />

et tant de journalistes, serait <strong>la</strong> clé d’une lutte efficace en <strong>Corse</strong><br />

contre <strong>la</strong> délinquance et <strong>le</strong> grand banditisme. Nul ne cont<strong>est</strong>e<br />

<strong>la</strong> nécessité de venir à bout des groupes criminels et affairistes.<br />

Où se situerait donc <strong>la</strong> divergence ? La qu<strong>est</strong>ion <strong>est</strong> suffisamment<br />

grave pour qu’on essaye de comprendre.<br />

3. Juridiction interrégiona<strong>le</strong> spécialisée.<br />

12


Le stade <strong>le</strong> plus abouti de structuration des groupes criminels<br />

Le stade <strong>le</strong> plus abouti de structuration<br />

des groupes criminels<br />

Les deux premiers journalistes à avoir sérieusement p<strong>la</strong>nté ce<br />

clou d’une terminologie nouv<strong>el<strong>le</strong></strong> dans <strong>le</strong> cuir de l’ignorance<br />

ou de l’inconscience coupab<strong>le</strong> des institutions françaises sont<br />

Jacques Follorou et Vincent Nouzil<strong>le</strong>. Ils <strong>le</strong> firent en publiant un<br />

très gros ouvrage sur Les parrains corses. Un ouvrage qui <strong>est</strong><br />

une somme tout à fait intéressante sur l’histoire contemporaine<br />

de <strong>la</strong> criminalité et de <strong>la</strong> délinquance d’origine insu<strong>la</strong>ire, et un<br />

ouvrage qui a rencontré un beau succès. Un succès tel qu’une<br />

seconde édition « augmentée » fut publiée en 2009 avec pour<br />

sous-titre : <strong>De</strong> nouv<strong>el<strong>le</strong></strong>s révé<strong>la</strong>tions sur <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> corse. C’<strong>est</strong> dans<br />

<strong>la</strong> conclusion de cet ouvrage que <strong>le</strong>s deux journalistes <strong>la</strong>nçaient<br />

un avertissement lourd de sens. L’î<strong>le</strong>, écrivaient-ils <strong>est</strong> une zone<br />

de non-droit et « l’existence de cette zone de non-droit met<br />

profondément en cause <strong>le</strong>s fondements même de l’État et de <strong>la</strong><br />

démocratie… Les ramifications de l’organisation mafieuse corse<br />

s’étendent bien au-delà des frontières de l’î<strong>le</strong>. Sur <strong>le</strong> continent,<br />

<strong>el<strong>le</strong></strong>s s’infiltrent jusqu’au sein des administrations, de <strong>la</strong> justice et<br />

de <strong>la</strong> police. El<strong>le</strong>s peuvent aussi compter sur des re<strong>la</strong>is dans <strong>le</strong>s<br />

milieux bancaires et politiques. À Paris ou Marseil<strong>le</strong>, ses membres<br />

sont plus discrets mais tout aussi présents ».<br />

Un constat qui n’<strong>est</strong> pas anodin puisque <strong>le</strong>s deux journalistes<br />

par<strong>le</strong>nt d’une menace pour <strong>le</strong>s fondements même de l’État et<br />

de <strong>la</strong> démocratie.<br />

La qualification de <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong><br />

ré<strong>el<strong>le</strong></strong>ment pertinente ?<br />

Cette vision des choses concernant <strong>la</strong> <strong>mafia</strong>, pourtant, m’avait<br />

<strong>la</strong>issé sceptique. C’<strong>est</strong> pour<strong>quoi</strong> je me suis interrogé, en 2012,<br />

13


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

dans un ouvrage sur La vio<strong>le</strong>nce en <strong>Corse</strong> 4 . J’ai alors posé <strong>la</strong><br />

qu<strong>est</strong>ion de savoir si cette qualification de <strong>mafia</strong> était ré<strong>el<strong>le</strong></strong>ment<br />

pertinente. Je rappe<strong>la</strong>is que « Les <strong>mafia</strong>s sont des types<br />

d’organisations qui se sont mises en p<strong>la</strong>ce en Italie au cours du<br />

XIX e sièc<strong>le</strong> et ont prospéré depuis. Dans des sociétés extrêmement<br />

peuplées où <strong>le</strong>s bandes crapu<strong>le</strong>uses pullu<strong>la</strong>ient, <strong>le</strong>s <strong>mafia</strong>s<br />

furent <strong>le</strong> résultat de <strong>la</strong> nécessité pour ces bandes de s’entendre<br />

plutôt que de se faire <strong>la</strong> guerre, de s’organiser plutôt que de se<br />

détruire <strong>le</strong>s unes <strong>le</strong>s autres. Pour gérer <strong>le</strong>urs intérêts respectifs,<br />

<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s bandes crapu<strong>le</strong>uses ont fini par constituer, sur des<br />

territoires donnés, des sortes de sociétés secrètes dotées de<br />

conseils d’administration et ont imposé des règ<strong>le</strong>s communes à<br />

l’ensemb<strong>le</strong> de <strong>la</strong> pègre loca<strong>le</strong>. L’existence d’une <strong>mafia</strong> suppose<br />

<strong>la</strong> création de ce conseil d’administration ou « coupo<strong>le</strong> » qui élit<br />

un chef, un « boss », un « capo dei capi » et qui fait respecter<br />

un modus vivendi par l’ensemb<strong>le</strong> des bandes crapu<strong>le</strong>uses sur<br />

son territoire. Il existe ainsi en Italie, depuis <strong>le</strong> XIX e sièc<strong>le</strong>, trois<br />

grandes organisations secrètes qui correspondent à trois régions<br />

bien définies : <strong>la</strong> « Camorra » pour <strong>la</strong> région de Nap<strong>le</strong>s et de <strong>la</strong><br />

Campanie, <strong>la</strong> « ‘Ndrangheta » pour <strong>la</strong> Ca<strong>la</strong>bre, et « Cosa Nostra »<br />

pour <strong>la</strong> Sici<strong>le</strong>. Une quatrième organisation existerait aujourd’hui<br />

dans <strong>la</strong> région des Pouil<strong>le</strong>s. La police italienne ne <strong>la</strong> <strong>nom</strong>me pas<br />

toujours alors que certaines sources par<strong>le</strong>nt de « Sacra Corona<br />

Unita ». Une fois créées, ces <strong>mafia</strong>s ont préservé <strong>le</strong>s intérêts et<br />

assuré <strong>la</strong> prospérité des centaines de bandes armées qui vivaient<br />

sur <strong>le</strong> dos de chacune des trois régions. Ce sont des organisations<br />

toutes-puissantes et il faut bien insister sur <strong>le</strong> fait que c’<strong>est</strong> à <strong>la</strong><br />

fois <strong>la</strong> « coupo<strong>le</strong> » et <strong>le</strong> <strong>nom</strong>bre très important des bandes qui<br />

en dépendent, qui conditionnent <strong>la</strong> puissance de <strong>la</strong> <strong>mafia</strong>. Une<br />

tête et une multitude de tentacu<strong>le</strong>s d’où <strong>le</strong> <strong>nom</strong> de pieuvre qu’on<br />

<strong>le</strong>ur donne parfois et d’où une capacité de régénération permanente.<br />

La puissance de ces sociétés secrètes <strong>le</strong>s a conduites,<br />

4. Sampiero Sanguinetti, La vio<strong>le</strong>nce en <strong>Corse</strong>, Albiana, 2012.<br />

14


Le stade <strong>le</strong> plus abouti de structuration des groupes criminels<br />

avec <strong>le</strong> temps, à se poser en véritab<strong>le</strong>s contre-pouvoirs face au<br />

pouvoir de l’État. »<br />

Jacques Follorou publiait en 2013 un nouveau livre sur <strong>la</strong> <strong>mafia</strong><br />

en <strong>Corse</strong> : La guerre des parrains corses 5 . Dans l’avant-propos à<br />

ce livre il répondait indirectement ou involontairement à mon<br />

qu<strong>est</strong>ionnement. Oui, <strong>le</strong>s caractéristiques du « crime organisé<br />

corse… en font une véritab<strong>le</strong> <strong>mafia</strong> » écrivait-il, mais « <strong>la</strong> <strong>mafia</strong><br />

corse n’<strong>est</strong> pas assimi<strong>la</strong>b<strong>le</strong> à c<strong>el<strong>le</strong></strong> qui a régné en Sici<strong>le</strong>. En <strong>Corse</strong>,<br />

pas de coupo<strong>le</strong> dirigeante mais des associations crimin<strong>el<strong>le</strong></strong>s<br />

indépendantes qui cohabitent ». Il existerait donc dans cette<br />

î<strong>le</strong> une <strong>mafia</strong> qui ne serait pas « La Mafia » mais qui serait quand<br />

même <strong>la</strong> <strong>mafia</strong>… Cette définition répondait à ma qu<strong>est</strong>ion mais<br />

me paraissait tout de même un peu « tirée par <strong>le</strong>s cheveux ».<br />

Une autre journaliste, Hélène Constanty, s’<strong>est</strong>, <strong>el<strong>le</strong></strong> aussi,<br />

montrée très attachée à qualifier <strong>la</strong> criminalité en <strong>Corse</strong> d’essenti<strong>el<strong>le</strong></strong>ment<br />

mafieuse. Mafieuse non pas au sens d’un simp<strong>le</strong><br />

état d’esprit, mais au sens de sa dangerosité. El<strong>le</strong> a publié un<br />

premier ouvrage, en 2012, intitulé Razzia sur <strong>la</strong> <strong>Corse</strong> 6 dans <strong>le</strong>quel<br />

<strong>el<strong>le</strong></strong> recense différents évènements où se mê<strong>le</strong>nt affairisme,<br />

nationalisme, spécu<strong>la</strong>tion foncière, comp<strong>la</strong>isance coupab<strong>le</strong>…<br />

Puis <strong>el<strong>le</strong></strong> publiait en 2017 un second ouvrage au sujet de <strong>la</strong><br />

<strong>Corse</strong>, intitulé <strong>Corse</strong>, l’étreinte mafieuse 7 dans <strong>le</strong>quel, comme<br />

l’indique son titre, <strong>el<strong>le</strong></strong> attribue toutes <strong>le</strong>s dérives qu’a connu<br />

<strong>la</strong> <strong>Corse</strong> à l’existence non plus seu<strong>le</strong>ment des voyous, des<br />

affairistes, du milieu, ou du grand banditisme, mais de <strong>la</strong> <strong>mafia</strong>.<br />

El<strong>le</strong> ouvre ce livre sur une longue justification quant à l’emploi<br />

de ce qualificatif. Certes, précise-t-<strong>el<strong>le</strong></strong>, point de « coupo<strong>le</strong> »<br />

en <strong>Corse</strong> et point de hiérarchisation pyramida<strong>le</strong>. Mais, dit-<strong>el<strong>le</strong></strong>,<br />

quand <strong>le</strong> droit italien définit <strong>la</strong> <strong>mafia</strong>, il ne fait pas allusion<br />

dans l’énoncé de <strong>la</strong> loi, à cette coupo<strong>le</strong>, à <strong>la</strong> hiérarchisation<br />

pyramida<strong>le</strong> ou aux rites d’initiation. Ces caractéristiques ne<br />

5. Jacques Follorou, La guerre des parrains corses, F<strong>la</strong>mmarion, 2013.<br />

6. Hélène Constanty, Razzia sur <strong>la</strong> <strong>Corse</strong>, Fayard, 2012.<br />

7. Hélène Constanty, <strong>Corse</strong>, l’étreinte mafieuse, Fayard, 2017.<br />

15


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

paraissent pas fondamenta<strong>le</strong>s au légis<strong>la</strong>teur italien. Le droit<br />

italien détecte <strong>la</strong> présence d’une <strong>mafia</strong> lorsque « ceux qui en<br />

font partie se servent de <strong>la</strong> force d’intimidation du lien associatif,<br />

ainsi que des conditions d’assujettissement et de <strong>la</strong> loi du<br />

si<strong>le</strong>nce (omertà) qui en dérive, pour commettre des crimes »…<br />

Même si <strong>la</strong> notion d’omertà n’a pas <strong>le</strong> même poids dans une<br />

société de 300 000 individus que dans une société de plusieurs<br />

millions d’individus, <strong>la</strong> définition, donnée par <strong>le</strong> droit italien, et<br />

<strong>le</strong>s caractéristiques qui sont mises en exergue, seraient applicab<strong>le</strong>s<br />

à <strong>la</strong> criminalité en <strong>Corse</strong> dit Hélène Constanty. En <strong>Corse</strong>,<br />

ajoute-t-<strong>el<strong>le</strong></strong>, « <strong>le</strong>s membres de ce que nous appelons <strong>le</strong> “crime<br />

organisé” utilisent des méthodes typiquement mafieuses pour<br />

parvenir à <strong>le</strong>urs fins : <strong>la</strong> peur, l’intimidation, <strong>la</strong> menace, <strong>le</strong> racket,<br />

<strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce contre <strong>le</strong>s biens, <strong>le</strong> meurtre… »<br />

La démonstration <strong>est</strong> intéressante mais r<strong>est</strong>e fragi<strong>le</strong>. Le texte<br />

de <strong>la</strong> loi italienne sur <strong>le</strong>quel s’appuie <strong>la</strong> journaliste ne par<strong>le</strong> pas<br />

de <strong>mafia</strong> mais « d’association de type mafieux » ce qui n’<strong>est</strong><br />

pas exactement <strong>la</strong> même chose. Cette qualification met une<br />

distance entre <strong>la</strong> notion absolue de <strong>mafia</strong> et l’assimi<strong>la</strong>tion à un<br />

fonctionnement mafieux. Quant aux pratiques délictueuses<br />

qui caractériseraient ce comportement mafieux, à savoir « <strong>la</strong><br />

peur, l’intimidation, <strong>la</strong> menace, <strong>le</strong> racket, <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce contre <strong>le</strong>s<br />

biens, <strong>le</strong> meurtre… », ce sont <strong>le</strong>s méthodes de tous <strong>le</strong>s groupes<br />

criminels qu’ils soient des <strong>mafia</strong>s ou non. Ce sont éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s<br />

méthodes utilisées par toute forme de dictature politique. Cet<br />

argument <strong>est</strong> donc intéressant mais insuffisant pour définir de<br />

manière c<strong>la</strong>ire et incont<strong>est</strong>ab<strong>le</strong> ce qu’<strong>est</strong> une <strong>mafia</strong>.<br />

Du fonctionnement de type mafieux<br />

à <strong>la</strong> <strong>mafia</strong><br />

Il existe un magistrat qui a tenté de donner une définition<br />

simp<strong>le</strong> et cohérente de ce que serait une <strong>mafia</strong>. Ce magistrat,<br />

Thierry Cretin, a été procureur de <strong>la</strong> République à Lyon en<br />

16


Le stade <strong>le</strong> plus abouti de structuration des groupes criminels<br />

charge des affaires éco<strong>nom</strong>iques et financières et conseil<strong>le</strong>r<br />

à l’Office de lutte anti-fraude de <strong>la</strong> Commission européenne.<br />

Il a écrit un petit traité, publié en 2003, sobrement intitulé<br />

La Mafia 8 . « La criminalité organisée existe, écrit-il. Mais, il<br />

importe de souligner que toute criminalité, aussi organisée<br />

soit-<strong>el<strong>le</strong></strong>, n’<strong>est</strong> pas de facto une <strong>mafia</strong>. La <strong>mafia</strong> <strong>est</strong> <strong>le</strong> stade <strong>le</strong><br />

plus abouti de <strong>la</strong> structuration d’un groupe criminel ».<br />

La distinction que fait ce juge <strong>est</strong> importante car c’<strong>est</strong> <strong>le</strong> niveau<br />

de cette structuration qui fera du groupe criminel une organisation<br />

plus dangereuse qu’une autre, une <strong>mafia</strong>, et qui rendra<br />

<strong>la</strong> lutte contre cette organisation t<strong>el<strong>le</strong></strong>ment diffici<strong>le</strong> que l’instauration<br />

de procédures et de juridictions d’exception sur un<br />

territoire donné dans une démocratie pourra se justifier.<br />

Ce qui manque donc encore, dans <strong>le</strong> cas de <strong>la</strong> <strong>Corse</strong>, c’<strong>est</strong><br />

<strong>la</strong> preuve du fait qu’une t<strong>el<strong>le</strong></strong> organisation, répondant à <strong>la</strong><br />

définition du « stade <strong>le</strong> plus abouti de structuration d’un<br />

groupe criminel » existe vraiment et justifierait <strong>le</strong> recours à<br />

des méthodes exceptionn<strong>el<strong>le</strong></strong>s de lutte, au risque d’un affaiblissement<br />

de <strong>la</strong> présomption d’innocence.<br />

Qu’on me comprenne bien. Je ne cont<strong>est</strong>e pas, bien sûr, <strong>la</strong><br />

peur, l’angoisse, <strong>le</strong> désespoir, <strong>la</strong> colère des gens confrontés à<br />

des bandes crapu<strong>le</strong>uses qui viennent <strong>le</strong>s intimider, <strong>le</strong>s menacer,<br />

pour capter des marchés juteux ou pour mettre <strong>la</strong> main sur des<br />

commerces. Je sais <strong>le</strong> courage des associations de défense de<br />

l’environnement que des voyous mandatés cherchent à faire<br />

taire. Tout ce<strong>la</strong> existe et il <strong>est</strong> insupportab<strong>le</strong> que ce<strong>la</strong> persiste.<br />

La qu<strong>est</strong>ion <strong>est</strong> bien de savoir comment mettre fin à l’existence<br />

des affairistes sans scrupu<strong>le</strong> et des bandes qui paraissent<br />

intouchab<strong>le</strong>s et n’ont aucune crainte des forces de police ou<br />

de <strong>la</strong> justice. Les forces de police et de gendarmerie en <strong>Corse</strong><br />

sont pourtant très importantes, plus importantes qu’ail<strong>le</strong>urs en<br />

France. Quant à <strong>la</strong> justice, <strong>el<strong>le</strong></strong> dispose d’un pô<strong>le</strong> éco<strong>nom</strong>ique et<br />

8. Thierry Cretin, La Mafia, Col<strong>le</strong>con Idées reçues, Le Cavalier b<strong>le</strong>u édions, 2003.<br />

17


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

financier et du re<strong>la</strong>i de <strong>la</strong> Juridiction interrégiona<strong>le</strong> spécialisée<br />

de Marseil<strong>le</strong>. Pour<strong>quoi</strong> ces institutions ne parviennent-<strong>el<strong>le</strong></strong>s pas<br />

à faire <strong>le</strong>ur travail ? Et faut-il, donc, envisager de modifier <strong>la</strong> loi<br />

pour <strong>le</strong>ur donner des moyens nouveaux <strong>la</strong>rgement supérieurs<br />

à ce qu’ils sont dans toutes <strong>le</strong>s autres régions françaises au<br />

risque de trahir <strong>le</strong>s équilibres fondamentaux de l’État de droit<br />

en régime démocratique ?<br />

La publication en janvier 2019, d’un livre intitulé Juges en<br />

<strong>Corse</strong> 9 donnait l’espoir qu’enfin des professionnels connaissant<br />

<strong>le</strong> terrain apporteraient <strong>la</strong> preuve d’une structuration<br />

particulière des bandes en <strong>Corse</strong>. L’objet de ce livre, en effet,<br />

était de donner <strong>la</strong> paro<strong>le</strong> à neuf magistrats ayant exercé en<br />

<strong>Corse</strong> et qui nous racontent <strong>le</strong>ur expérience. Ce livre, rédigé<br />

sous <strong>la</strong> direction du journaliste Jean-Michel Verne, comportait<br />

<strong>le</strong> sous-titre suivant : « Neuf magistrats témoignent sur<br />

l’emprise mafieuse et <strong>le</strong>s ambiguïtés de l’État ». La référence<br />

aux ambiguïtés de l’État dans <strong>le</strong> même temps qu’à l’emprise<br />

mafieuse <strong>est</strong> surprenante mais de nature à exciter encore un<br />

peu plus <strong>la</strong> curiosité.<br />

<strong>De</strong>s bandes insu<strong>la</strong>ires<br />

aux réseaux de <strong>la</strong> « Corsafrique »<br />

<strong>De</strong>rrière l’omniprésente référence à <strong>la</strong> <strong>mafia</strong>, <strong>la</strong> série de<br />

témoignages de juges qui ont exercé en <strong>Corse</strong> fait apparaître<br />

des contradictions. Certains des magistrats qui s’expriment<br />

paraissent se poser beaucoup de qu<strong>est</strong>ions et n’avoir pas<br />

toujours obtenu <strong>le</strong>s réponses à ces qu<strong>est</strong>ions. D’autres au<br />

contraire paraissent n’avoir que des certitudes. Au cœur des<br />

différents récits formulés par ces juges se trouvent <strong>le</strong>s bandes<br />

dites de « La Brise de mer » à Bastia et du « Petit Bar » à Ajaccio,<br />

9. Sous <strong>la</strong> direction de Jean-Michel Verne, Juges en <strong>Corse</strong>, Robert Laffont, 2019.<br />

18


<strong>De</strong>s bandes insu<strong>la</strong>ires aux réseaux de <strong>la</strong> « Corsafrique »<br />

mais éga<strong>le</strong>ment <strong>la</strong> personnalité et <strong>le</strong>s proches du fameux<br />

Jean-Jé Colonna en <strong>Corse</strong> du Sud, ainsi que l’ombre du très<br />

puissant Michel Tomi et l’évocation d’une filière dite de <strong>la</strong><br />

« Corsafrique ». Les références, par ail<strong>le</strong>urs, aux « ambiguïtés de<br />

l’État » sont presque permanentes, mais rien, jamais, ne vient<br />

nous éc<strong>la</strong>irer sur <strong>le</strong>s raisons et <strong>le</strong>s ressorts d’une t<strong>el<strong>le</strong></strong> attitude<br />

de <strong>la</strong> part de l’État. Nous en sommes réduits à supposer soit<br />

que l’État <strong>est</strong> effectivement infiltré par l’organisation mafieuse,<br />

ce qui expliquerait l’incohérence ou même <strong>le</strong> scanda<strong>le</strong> de<br />

certaines directives, soit que cet État, parfois, perd <strong>le</strong>s péda<strong>le</strong>s<br />

comme ce<strong>la</strong> semb<strong>le</strong> être arrivé, par exemp<strong>le</strong>, au préfet Bonnet.<br />

La bande de <strong>la</strong> Brise de mer<br />

Dès l’introduction du livre, <strong>le</strong> journaliste Jean-Michel Verne<br />

nous promet des révé<strong>la</strong>tions. Ces juges, nous dit-il, « nous<br />

révè<strong>le</strong>nt l’amp<strong>le</strong>ur du mal et <strong>la</strong> puissance nucléaire de <strong>la</strong> <strong>mafia</strong><br />

corse ». La puissance nucléaire de <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> corse ! Ce n’<strong>est</strong> tout<br />

de même pas rien.<br />

Cette puissance, a priori, c’<strong>est</strong> dans <strong>le</strong> fonctionnement des<br />

fameuses bandes qu’il faut en chercher <strong>le</strong>s premiers signes.<br />

La plus importante, <strong>la</strong> plus emblématique de ces bandes c’<strong>est</strong><br />

bien sûr <strong>la</strong> bande dite de « <strong>la</strong> Brise de mer ». Une bande véritab<strong>le</strong>ment<br />

mythique nous disent <strong>le</strong>s juges. Or, pourtant, tous ne<br />

sont pas d’accord. Il y a celui pour qui c’<strong>est</strong> incont<strong>est</strong>ab<strong>le</strong>ment<br />

une organisation mafieuse et ceux qui <strong>est</strong>iment que ce qualificatif<br />

<strong>est</strong> un peu trop ambitieux pour <strong>la</strong> définir.<br />

« Qu’<strong>est</strong>-ce que <strong>la</strong> Brise de mer ? » s’interroge C<strong>la</strong>ude Choquet,<br />

coordonnateur des cabinets d’instruction de <strong>la</strong> JIRS de Marseil<strong>le</strong><br />

pendant huit ans, de 2004 à 2012. « S’agit-il d’une organisation<br />

mafieuse ? » C<strong>la</strong>ude Choquet constate que <strong>le</strong>s organisations<br />

corses ont des capitaux financiers, bénéficient de circuits<br />

de b<strong>la</strong>nchiment, de moyens humains, « organisés et hiérar-<br />

19


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

chisés », d’une véritab<strong>le</strong> expérience crimin<strong>el<strong>le</strong></strong>. Mais ce qui en<br />

fait ré<strong>el<strong>le</strong></strong>ment une <strong>mafia</strong>, nous dit-il, « c’<strong>est</strong> qu’ils trouvent trop<br />

souvent, hé<strong>la</strong>s, des re<strong>la</strong>is dans <strong>la</strong> vie politique loca<strong>le</strong>, dans <strong>la</strong> vie<br />

éco<strong>nom</strong>ique. » Pour ce magistrat donc, l’affaire <strong>est</strong> entendue<br />

et il s’offusque du fait qu’un de ses collègues, haut magistrat<br />

du parquet affecté dans l’î<strong>le</strong>, ait déc<strong>la</strong>ré que « <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> corse<br />

n’existe pas ». Il a dû s’offusquer de <strong>la</strong> même manière en lisant<br />

<strong>le</strong>s témoignages très nuancés de plusieurs autres magistrats<br />

dans <strong>le</strong> livre auquel il a prêté son témoignage, Juges en <strong>Corse</strong>.<br />

Bernard Legras, a été procureur de <strong>la</strong> République à Bastia<br />

à partir de 1998. Il exprime ses doutes : « On a tendance à<br />

présenter <strong>la</strong> mythique Brise de mer comme une organisation<br />

parfaitement structurée. Je serais plus prudent : selon moi, il<br />

s’agit plutôt d’une criminalité protéiforme. Nous avons affaire<br />

à des groupuscu<strong>le</strong>s qui nouent des solidarités de circonstance…<br />

Il n’y a pas en <strong>Corse</strong> d’organisation vertica<strong>le</strong> avec, au<br />

sommet, une instance supérieure comparab<strong>le</strong> à <strong>la</strong> Cupo<strong>la</strong> de<br />

Cosa Nostra ».<br />

Jacques Dall<strong>est</strong>, ancien procureur à Ajaccio, nuance lui aussi<br />

<strong>le</strong> propos : « Quant à <strong>la</strong> Brise de mer, au sens strict du terme,<br />

je <strong>la</strong> considère comme une organisation avec des “emprunts”<br />

mafieux. Nous ne sommes pas en présence de c<strong>la</strong>ns à l’italienne.<br />

Je par<strong>le</strong>rai plutôt de nébu<strong>le</strong>use et de comportement mafieux ».<br />

Ces magistrats ne peuvent pas utiliser <strong>le</strong> mot <strong>mafia</strong> sans<br />

prendre <strong>la</strong> précaution de chercher un rapport avec ce qu’<strong>est</strong><br />

une <strong>mafia</strong> à l’origine, c’<strong>est</strong>-à-dire une <strong>mafia</strong> à <strong>la</strong> sicilienne. Une<br />

position r<strong>est</strong>rictive, qui me paraît norma<strong>le</strong>, mais qui ne facilite<br />

pas <strong>la</strong> qualification.<br />

20


<strong>Corse</strong> : de <strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> <strong>le</strong> <strong>nom</strong> ?<br />

Tab<strong>le</strong> des matières<br />

Introduction ............................................................................5<br />

Le mot magique .....................................................................9<br />

Le stade <strong>le</strong> plus abouti de structuration des groupes<br />

criminels ............................................................................... 13<br />

La qualification de <strong>mafia</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> ré<strong>el<strong>le</strong></strong>ment pertinente ? 13<br />

Du fonctionnement de type mafieux à <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> ............ 16<br />

<strong>De</strong>s bandes insu<strong>la</strong>ires aux réseaux de <strong>la</strong> « Corsafrique ».. 18<br />

La bande de <strong>la</strong> Brise de mer ........................................... 19<br />

La bande dite du Petit Bar ...............................................21<br />

Le c<strong>la</strong>n de Jean-Jé Colonna .............................................21<br />

Les réseaux de <strong>la</strong> « Françafrique » ................................. 23<br />

Les « ambiguïtés » de l’État ................................................. 25<br />

<strong>De</strong>s magistrats en p<strong>le</strong>in doute .......................................26<br />

Les compromissions de l’État ........................................ 27<br />

Les cerc<strong>le</strong>s de jeux à Paris ...................................................29<br />

Du « pétage de plombs » d’un préfet à l’instrumentalisation<br />

des voyous ............................................................................34<br />

L’hypothèse des dysfonctionnements et autres « pétages<br />

de plombs ».....................................................................35<br />

L’hypothèse d’une toute-puissante <strong>mafia</strong> .................... 40<br />

L’hypothèse d’une instrumentalisation de <strong>la</strong> pègre .....44<br />

Du terrorisme à <strong>la</strong> <strong>mafia</strong> ? .................................................. 49<br />

Le danger supposé de l’auto<strong>nom</strong>ie .............................. 49<br />

Une porosité entre nationalisme et <strong>mafia</strong> ? .................. 51<br />

Lutter à <strong>la</strong> « sicilienne »...................................................55<br />

Une justice particulière ? .................................................... 60<br />

Les juridictions spécialisées ........................................... 61<br />

Le dépaysement des affaires .........................................63<br />

126


Tab<strong>le</strong> des matières<br />

Renoncer aux jurys popu<strong>la</strong>ires et privilégier<br />

une cour spécia<strong>le</strong>ment composée de magistrats<br />

professionnels ............................................................... 66<br />

Le statut des repentis et <strong>le</strong> témoignage sous X ............70<br />

Le délit d’association mafieuse ......................................73<br />

La paro<strong>le</strong> des repentis .........................................................74<br />

Mafia et trafic de drogues .............................................. 77<br />

Le point de vue des chercheurs .......................................... 81<br />

L’absence de sources universitaires sérieuses .............. 81<br />

Le rapport par<strong>le</strong>mentaire de 1993 .................................82<br />

Un débat sans issue ....................................................... 84<br />

Pour<strong>quoi</strong> <strong>la</strong> <strong>Corse</strong> <strong>est</strong>-<strong>el<strong>le</strong></strong> seu<strong>le</strong> ou plus concernée<br />

qu’une autre région par cette qu<strong>est</strong>ion ? ......................87<br />

Journalistes en <strong>Corse</strong> .......................................................... 90<br />

La difficulté du métier de journaliste en <strong>Corse</strong> .............. 91<br />

La dimension purement insu<strong>la</strong>ire ..................................97<br />

La dimension nationa<strong>le</strong> ................................................. 99<br />

Une guerre sournoise ........................................................ 102<br />

La « normalité » du métier de journaliste .................... 103<br />

Les raisons d’une poursuite de <strong>la</strong> « guerre » ............... 104<br />

Le face-à-face des « jusqu’au-boutistes » .................... 105<br />

Les phases d’une histoire de <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce en <strong>Corse</strong>........... 107<br />

Lois coutumières et vendetta ...................................... 107<br />

La constitution d’un milieu corse sur <strong>le</strong> continent ...... 108<br />

L’apparition d’un sentiment de révolte et d’une<br />

revendication politique ................................................ 109<br />

Comment interpréter l’enchaînement de ces phases de<br />

l’histoire récente ? .........................................................110<br />

Une nouv<strong>el<strong>le</strong></strong> phase de l’histoire ...................................111<br />

Conclusion ...........................................................................115

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!