The Red Bulletin Octobre 2019 (FR)

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30.09.2019 Views

FRANCE OCTOBRE 2019 HORS DU COMMUN Votre magazine offert chaque mois avec Aura, détermination, plaisir et interaction… Ce que la danseuse belge Mavinga doit donner dans un battle où tous les styles sont permis, et où les visages dansent aussi RED BULL DANCE YOUR STYLE LA FINALE MONDIALE À PARIS !

<strong>FR</strong>ANCE<br />

OCTOBRE <strong>2019</strong><br />

HORS DU COMMUN<br />

Votre magazine<br />

offert chaque<br />

mois avec<br />

Aura, détermination,<br />

plaisir et interaction…<br />

Ce que la danseuse<br />

belge Mavinga doit<br />

donner dans un battle<br />

où tous les styles<br />

sont permis, et où les<br />

visages dansent aussi<br />

RED BULL DANCE<br />

YOUR STYLE<br />

LA FINALE<br />

MONDIALE<br />

À PARIS !


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du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style <strong>2019</strong>.<br />

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ÉDITORIAL<br />

L’INSPIRATION<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

LITTLE SHAO (COUVERTURE), ASTID KAROUAL<br />

EN MOUVEMENT<br />

On insiste ! Après l’ovni Diablo en juin, voici notre<br />

seconde une de l’année honorant un danseur.<br />

Une danseuse pour être exact, la Belge Mavinga.<br />

Qu’ils soient des B-Boys, des adeptes du voguing<br />

ou encore de la house dance (comme Mavinga),<br />

ces phénomènes sont une source d’inspiration<br />

inépuisable. Et pas seulement par les moves qu’ils<br />

maîtrisent. On se souvient du guide de voyage de<br />

B-Boy Lilou dans lequel il partageait avec vous ses<br />

tips (dont : « Que faire si l’on te braque avec un<br />

flingue ? ») après avoir visité près de 90 pays. Avec<br />

cette compétitrice de la finale mondiale du <strong>Red</strong><br />

Bull Dance Your Style le 12 octobre à Paris, il est<br />

question de spontanéité et d’audace, de s’exprimer<br />

tel que l’on est, quel que soit son style, plus que<br />

d’un tutoriel de danse. On en est sûrs : au-delà de<br />

leurs spécialités, parfois très « core », nos invités<br />

ont la capacité de vous inspirer au quotidien.<br />

Lisez plus !<br />

Votre Rédaction<br />

« Mavinga est calme, humble et discrète, mais dotée<br />

d’une énergie explosive ! Son aura est particulière »,<br />

dit le photographe Little Shao à propos de la Liégeoise.<br />

LELO JIMMY<br />

BATISTA<br />

Sa bio, version courte, vaut le<br />

détour : « Lelo Jimmy Batista<br />

est auteur, scénariste, traducteur<br />

et journaliste (Libération,<br />

Sofilm, Binge Audio). Il a grandi<br />

dans un département où le<br />

premier escalator a été installé<br />

en 1995, se nourrit à 70 % de<br />

piment et sait à peu près tout<br />

ce qu’il y a à savoir sur Bob<br />

Dylan, Nicolas Cage et la série<br />

Seinfeld. » Pour vous, il a rencontré<br />

les graphistes très<br />

metal de Fortifem. Page 28<br />

LITTLE SHAO<br />

D’abord danseur, Little Shao<br />

a voulu documenter les péripéties<br />

de son crew, et représenter<br />

« avec justesse cette culture<br />

hip-hop » devenue sa passion<br />

première. S’ouvrant en<br />

parallèle à d’autres univers<br />

(musique, artistes, sports,<br />

haute couture, événementiel,<br />

portraits…), il s’est imposé<br />

comme le photographe référence<br />

pour la danse hip-hop.<br />

Little Shao était donc une<br />

évidence pour notre sujet de<br />

une sur Mavinga. Page 50<br />

THE RED BULLETIN 3


SOMMAIRE<br />

octobre <strong>2019</strong><br />

58<br />

84 Choper la fièvre du rallye, une<br />

autre raison de filer en Australie<br />

88 À l’époque de sa sortie, le jeu des<br />

Sims a plongé la planète dans le<br />

virtuel. En quoi la dernière version<br />

bénéficie-t-elle au monde réel ?<br />

90 Oubliez votre abonnement à la<br />

salle de fitness : c’est dehors que<br />

ça se passe, au naturel !<br />

92 Des surfeurs qui volent, une orgie<br />

de bosses, des B-Boys en feu et<br />

un festival de musique hors du<br />

commun : ne ratez rien !<br />

94 Sur <strong>Red</strong> Bull TV, les surfeurs<br />

volent aussi, et les crossmen se<br />

paient une ligne droite de l’enfer,<br />

tandis que les drifters s’en<br />

donnent à cœur joie. C’est trop !!!<br />

98 Le pilote VTT français Kilian Bron<br />

va tellement vite dans sa vidéo<br />

Follow Me que nous avons décidé<br />

de le mettre sur « pause<br />

prolongée »<br />

Tous ensemble ! Quand Loïc Bruni assure une descente, il emporte tous ses fans avec lui.<br />

6 Vous pourrez rester scotchés<br />

des heures sur ces photos<br />

d’action sports<br />

12 La playlist d’un vieux punk de<br />

72 ans ? On parle d’Iggy Pop,<br />

bien sûr !<br />

14 Face aux braconniers en Afrique<br />

du Sud, les Black Mambas sont en<br />

alerte, sans armes, entre femmes<br />

16 Pour améliorer la circulation des<br />

grandes villes, déplaçons-nous<br />

sur l’eau<br />

18 C’est beau, une carte orbitale !<br />

20 Dans ce piano à queue, se cache<br />

un véritable orchestre. Si, si !<br />

22 Man in black<br />

Beauden Barrett a des vérités<br />

à partager sur l’équipe de rugby<br />

la plus respectée au monde<br />

28 Metal ardent<br />

Un duo français dont les œuvres<br />

régalent la scène metal<br />

internationale<br />

36 « Je n’ai pas peur… »<br />

Pour préserver les espèces en<br />

danger, Andrea Crosta met en<br />

action ses méthodes héritées de<br />

l’espionnage et de la sécurité<br />

50 Mavinga<br />

Comment penser d’abord à soi<br />

et pas aux autres permet de<br />

mieux s’ouvrir à eux… Pigé ?<br />

58 Fans factor<br />

Ce que ses fans apportent au pilote<br />

de VTT descente Loïc Bruni<br />

68 C’est du lourd<br />

USA : l’autre pays du sumo<br />

28<br />

L’univers visuel des<br />

Fortifem a séduit le<br />

groupe Rammstein.<br />

TEDDY MORELLEC, WILLIAM LACALMONTIE<br />

4 THE RED BULLETIN


COL DU ROMBO,<br />

ITALIE<br />

Gare à la<br />

marche !<br />

Certains endroits sur la planète sont<br />

si extraordinaires qu’ils semblent<br />

avoir été créés dans le seul but d’être<br />

pris en photo. Comme cette terrasse<br />

d’observation, nichée au cœur des<br />

Alpes dans le nord de l’Italie : un site<br />

dont l’architecture épurée en fait un<br />

spot parfait pour les skateurs un peu<br />

chauds. C’est en tout cas ce que s’est<br />

dit un photographe du coin, Stefan<br />

Mahlknecht : « Je connais bien le lieu :<br />

l’idée d’y photographier un skateur<br />

en action m’est venue lors de l’une<br />

de mes visites, par une lourde soirée<br />

d’été. J’ai eu la chance, quelques mois<br />

plus tard, de trouver un mec suffisamment<br />

taré pour tenter ce gap. » Un<br />

« match » parfait pour cet instantané<br />

en apesanteur avec Simon Neulichedl.<br />

Instagram : @stefan_mahl<br />

7


ÖLÜDENIZ,<br />

TURQUIE<br />

Plus près<br />

du soleil<br />

« Ferdi Toy et Guillaume Galvani rejoignant<br />

le soleil à travers les nuages » :<br />

voici comment Tristan Shu décrit<br />

sa photo : un cliché surréaliste que<br />

le photographe d’aventures a pris<br />

en plein vol dans le cadre d’un projet<br />

pour Elinchrom, fabricant suisse de<br />

matériel photo. « De nouvelles limites<br />

ont été franchies dans le domaine<br />

de la photographie d’aventures :<br />

pour ce projet, nous avons en effet<br />

pu recréer un véritable studio dans<br />

les airs en impliquant un parapente,<br />

un base jumper et un wingsuit. »<br />

Instagram : @tristanshu


ST-PÉTERSBOURG,<br />

RUSSIE<br />

Gardez<br />

la ligne<br />

Une image que l’on croirait tirée<br />

d’une scène du film de science-fiction<br />

TRON : L’Héritage… Pourtant cette<br />

photo, présentée au concours Illume<br />

de <strong>Red</strong> Bull, est bien réelle : on y voit<br />

la grimpeuse russe Anna Zaikina en<br />

action sur le North Wall, le plus grand<br />

mur d’escalade indoor de Russie. Le<br />

photographe sportif Leo Zhukov, qui<br />

l’a immortalisée alors qu’il visitait le<br />

complexe l’année dernière, explique<br />

comment il s’y prend pour réaliser<br />

de tels clichés : « Dès le début, vous<br />

devez avoir votre plan en tête : visualiser<br />

et anticiper les mouvements de<br />

l’athlète, puis prendre la meilleure<br />

position au meilleur moment pour<br />

obtenir ce genre de prises. »<br />

Instagram : @tedescophoto<br />

9


HOKKAÏDO, JAPON<br />

À fond de<br />

blanche<br />

Les skieurs et snowboardeurs du<br />

monde entier s’y verraient bien : les<br />

montagnes de l’île d’Hokkaïdo sont un<br />

must en termes de neige fraîche. Les<br />

stations de ski y sont connues pour la<br />

régularité de leurs chutes de neige,<br />

garantissant une poudreuse abondante<br />

tout l’hiver. Cette photo prise<br />

par Matthias Fritzenwallner à Kiroro<br />

illustre ce qui attend les heureux amateurs<br />

de glisse qui débarquent sur<br />

l’île. De quoi méditer d’ici au début<br />

de votre saison de sports d’hiver.<br />

Instagram : @matthias_fritzenwallner<br />

11


IGGY POP<br />

Punk 4.0<br />

Le gourou bondissant nous<br />

présente quatre petites perles<br />

hurlantes qui prouvent que le punk<br />

n’est décidément pas mort.<br />

À la fin des années 60, Iggy Pop<br />

entreprend avec son groupe <strong>The</strong><br />

Stooges de désosser le rock’n’roll<br />

pour n’en garder que la substantifique<br />

rage, jetant par accident<br />

les bases d’une musique nouvelle<br />

: le punk. Considéré par<br />

beaucoup comme le parrain de<br />

ce genre musical, l’Américain,<br />

72 ans dans les gambettes, n’a<br />

pourtant jamais cessé d’explorer,<br />

comme un gamin curieux, tous<br />

les styles et toutes les possibilités<br />

– que ce soit en musique,<br />

avec un dernier album, Free,<br />

qui flirte avec le jazz avantgardiste,<br />

ou au cinéma, où il<br />

excelle en zombie dans le dernier<br />

Jim Jarmusch, <strong>The</strong> Dead Don’t<br />

Die. Désormais DJ sur BBC Radio<br />

6 Music, il s’est donné pour mission<br />

de faire découvrir, chaque<br />

semaine, les jeunes artistes qui<br />

incarnent à leur façon l’esprit<br />

tempétueux de la première génération<br />

punk. Voici une sélection<br />

de ses chouchous du moment,<br />

et leurs morceaux. iggypop.com<br />

IDLES<br />

Mercedes Marxist (<strong>2019</strong>)<br />

« En devenant DJ sur la BBC, je me<br />

suis intéressé à John Peel (célèbre<br />

présentateur de la radio britannique,<br />

ndlr) et à sa bio. C’était le mec que<br />

la jeunesse anglaise écoutait pour<br />

savoir ce qui se passait dans l’underground,<br />

alors je m’en suis inspiré.<br />

Je passe souvent IDLES, un groupe<br />

de Bristol, à l’antenne : ils sont cash<br />

et vraiment bons – ça me rappelle<br />

un peu mon vieux moi ! »<br />

Sleaford Mods<br />

McFlurry (2013)<br />

« Plus tout jeunes, mais à découvrir<br />

absolument si vous ne les connaissez<br />

pas encore. McFlurry parle de<br />

la folie du fast-food en Grande-<br />

Bretagne : le clip de la chanson<br />

montre une photo de 4 pom-pom<br />

girls, dont les uniformes épellent le<br />

mot c**t (vilain mot pour désigner<br />

le sexe féminin, ndlr). C’est bon, ça !<br />

(rires) Ils ont ce côté affreux, moche<br />

et méchant que j’aime bien. »<br />

Death Grips<br />

Death Grips is Online (2018)<br />

« C’est un groupe très, très hardcore,<br />

originaire de Sacramento en<br />

Californie, qui mélange des percus<br />

hardcore et électroniques avec de<br />

la guitare, et un chanteur complètement<br />

taré. Après, si les gens n’aiment<br />

pas, vous savez… (rires), rien<br />

à foutre, je passe ce que je veux !<br />

Mais je pense que cette musique<br />

déjantée peut beaucoup plaire<br />

à un certain public. »<br />

Diät<br />

Dogshit (<strong>2019</strong>)<br />

« Je lis les critiques des albums et<br />

j’écoute des extraits sur le net pour<br />

m’en faire une idée. Je me fie aussi<br />

aux algorithmes au hasard de mes<br />

recherches, ce qui procure parfois<br />

de belles surprises. Concernant<br />

Diät, je les ai découverts en lisant<br />

une critique quelque part : j’ai choisi<br />

leur titre Dogshit parce que c’est<br />

drôle et complètement dans l’esprit<br />

punk. Faites-vous plaisir ! »<br />

HARMONY KORINE FLORIAN OBKIRCHER<br />

12 THE RED BULLETIN


BLACK MAMBAS<br />

Pacifiquement,<br />

et sans réserve<br />

En Afrique du Sud, une unité de rangers exclusivement<br />

composée de femmes fait la chasse aux braconniers<br />

et protège les animaux en danger. Sans armes.<br />

Réserve naturelle de Balule, au<br />

cœur du grand Parc National<br />

du Kruger, en Afrique du Sud :<br />

c’est là que travaille une unité<br />

anti-braconnage un peu spéciale,<br />

uniquement constituéee<br />

de femmes : la Black Mamba<br />

Anti-Poaching Unit. Autre<br />

particularité : ces femmes,<br />

dont le travail et les patrouilles<br />

successives ont réussi à faire<br />

enfin chuter les prises de braconnage,<br />

ne sont pas armées.<br />

C’est peut-être là leur force :<br />

un engagement dévoué et pacifique<br />

au service de la nature<br />

qui leur assure une couverture<br />

médiatique valorisante depuis<br />

la création de l’unité en 2013<br />

et une efficacité prouvée en<br />

termes de préservation de la<br />

faune sauvage, notamment<br />

celle du rhinocéros blanc. Ces<br />

femmes doivent pourtant faire<br />

face à une triste réalité : le braconnage<br />

en Afrique du Sud<br />

représente une véritable industrie,<br />

avec 769 rhinocéros tués<br />

pendant la seule année 2018,<br />

et près de 8 000 ces dix dernières<br />

années. La raison de ce<br />

massacre est l’engouement<br />

toujours plus pressant des pays<br />

« L’objectif était de<br />

protéger la faune du<br />

parc tout en soutenant<br />

l’émancipation<br />

des femmes. »<br />

asiatiques – Chine et Vietnam<br />

en tête – pour la corne de<br />

rhinocéros, prisée pour ses<br />

prétendues vertus médicinales,<br />

sans compter le fait que son<br />

prix exorbitant en fait un symbole<br />

de richesse.<br />

Collet Ngobeni est l’une de<br />

ces Black Mambas : après<br />

avoir vu des rhinocéros et des<br />

éléphants en pleine nature<br />

lors d’un projet scolaire, elle<br />

s’est prise de passion pour la<br />

défense de l’environnement<br />

et a décidé de devenir ranger.<br />

Comme ses collègues, elle<br />

œuvre également à sensibiliser<br />

sa communauté à la protection<br />

des rhinocéros.<br />

the red bulletin : L’unité<br />

anti-braconnage des Blacks<br />

Mambas est la première<br />

unité de rangers 100 % féminine<br />

au monde. Pourquoi<br />

a-t-elle été créée ?<br />

collet ngobeni : Notre<br />

équipe a vu le jour en 2013,<br />

avec six membres. L’objectif<br />

était non seulement de protéger<br />

la faune du parc mais également<br />

de soutenir l’émancipation<br />

des femmes issues des<br />

communautés alentour – en<br />

montrant que les femmes pouvaient<br />

aussi faire ce boulot.<br />

Nous voulions faire connaître<br />

aux gens vivant près du<br />

Kruger l’importance de leur<br />

environnement naturel.<br />

Comment faites-vous pour<br />

détecter les braconniers ?<br />

Nous sommes les yeux et les<br />

oreilles de la réserve : notre<br />

travail consiste à surveiller,<br />

collecter le plus d’infos possible<br />

sur la présence des braconniers<br />

comme les traces de<br />

pas, vérifier l’état des barrières,<br />

reboucher les trous<br />

creusés par les phacochères,<br />

qui peuvent servir de passage.<br />

Une autre équipe est chargée<br />

de surveiller l’entrée et de<br />

contrôler le contenu des véhicules<br />

qui rentrent et sortent.<br />

Nous effectuons également<br />

des missions de patrouille aux<br />

quatre coins du parc, à la<br />

recherche d’éventuels pièges<br />

posés par les braconniers.<br />

Et si vous en trouvez un en<br />

train de braconner, que<br />

faites-vous ?<br />

Nous envoyons un signalement<br />

à notre équipe de contrôle, qui<br />

peut localiser directement sur<br />

un écran géant l’endroit d’où<br />

le signalement a été lancé. La<br />

Black Mamba sur place prend<br />

des photos, qui arrivent directement<br />

au bureau, pendant<br />

que nous appelons les gardes<br />

armés à la rescousse.<br />

Pourquoi faire patrouiller<br />

uniquement des femmes ?<br />

Nous sommes moins corruptibles<br />

que les hommes. Dans<br />

d’autres réserves, certains<br />

rangers n’hésitent pas à communiquer<br />

à l’extérieur de précieuses<br />

infos sur l’emplacement<br />

des proies.<br />

Les Black Mambas sont-elles<br />

exposées au danger ?<br />

Le danger ne vient pas des<br />

animaux, car nous savons<br />

exactement quel comportement<br />

adopter face aux animaux<br />

du bush pour éviter<br />

toute situation dangereuse.<br />

Quant aux braconniers, ils ne<br />

sont pas là pour nous mais<br />

pour les animaux.<br />

Êtes-vous armées ?<br />

Non, pour ne pas porter<br />

atteinte à la vie humaine.<br />

Avoir à tuer des êtres<br />

humains pour protéger la vie<br />

JULIA GUNTHER<br />

14 THE RED BULLETIN


Garde rapprochée pour le rhinocéros blanc : Collet Ngobeni (au milieu) et les Black Mambas en patrouille dans la réserve.<br />

animale serait insensé. Si nous<br />

avions des armes, nous<br />

serions peut-être tentées de<br />

nous en servir contre des braconniers,<br />

mais après, comment<br />

vivre avec cette culpabilité<br />

? Comment pourrais-je<br />

m’occuper de mes enfants en<br />

sachant que j’ai ôté la vie d’un<br />

homme qui est père ou oncle ?<br />

Nous ne voulons pas vivre<br />

dans une zone de non-droit<br />

ni avoir des veuves sur la<br />

conscience, au sein de nos<br />

communautés.<br />

Le commerce illégal de<br />

corne de rhinocéros dans<br />

le Parc National du Kruger<br />

cessera-t-il un jour ?<br />

Oui, je pense que ça finira par<br />

s’arrêter. Les gens qui vivent<br />

autour du parc sont nombreux<br />

à ne rien savoir de la vie des<br />

animaux à l’intérieur : c’est<br />

pour cela que nous consacrons<br />

du temps à les informer, surtout<br />

les enfants, qui vont à<br />

leur tour éduquer leurs<br />

parents. Les gens pensent que<br />

les animaux sauvages appartiennent<br />

aux Blancs, alors que<br />

c’est faux : ils n’appartiennent<br />

à personne.<br />

blackmambas.org<br />

THE RED BULLETIN 15


Bulles citadines : les taxis fluviaux de SeaBubbles sont équipés de foils pour aller plus vite.<br />

SEABUBBLES<br />

Un futur au<br />

fil de l’eau<br />

D’ici 2050, le nombre de véhicules<br />

polluant les routes aura dépassé les<br />

trois milliards. Un Français compte<br />

bien y remédier… par la voie des eaux.<br />

Et si le taxi du futur ne volait pas<br />

dans les airs, mais au-dessus de<br />

l’eau ? Conçues par la start-up<br />

française SeaBubbles, ces capsules<br />

hydrodynamiques pourraient<br />

bien débarquer dans les<br />

plus grandes métropoles du<br />

monde d’ici quelques années.<br />

Les ingénieurs et navigateurs<br />

Alain Thébault et Anders<br />

Bringdal, fondateurs du projet,<br />

espèrent ainsi désengorger les<br />

centres-villes en utilisant les<br />

cours d’eau qui les traversent.<br />

Alain Thébault (à g.) et Anders<br />

Bringdal, initiateurs de SeaBubbles.<br />

« 92 pour cent de la population<br />

mondiale est exposée à un<br />

air pollué et le trafic dans les<br />

grandes villes est de plus en<br />

plus saturé, explique Alain, alors<br />

que des villes comme Paris<br />

pourraient exploiter davantage<br />

leurs voies fluviales. » Le Français<br />

est le concepteur de l’Hydroptère,<br />

ce trimaran à hydrofoil<br />

qui a battu le record de<br />

vitesse en mer en 2009 grâce<br />

au foil qui lui permet de s’élever<br />

au-dessus de l’eau : une technologie<br />

appliquée sur ses Sea-<br />

Bubbles, de petits véhicules<br />

électriques, propres, silencieux<br />

et rapides, qui frôlent l’eau et<br />

peuvent être bookés grâce à<br />

une application mobile.<br />

« J’avais 20 ans quand j’ai<br />

dessiné l’Hydroptère, raconte<br />

Thébault, et j’ai parcouru le<br />

monde sur ce bateau jusqu’en<br />

2009 où j’ai battu le record du<br />

monde de vitesse. Alors, mes<br />

trois filles m’ont dit : “N’essaie<br />

pas seulement d’être le mec le<br />

plus rapide du monde, sois aussi<br />

celui qui va aider la prochaine<br />

génération.” Je me suis aussitôt<br />

mis à dessiner ce qui allait devenir<br />

la première Bubble. »<br />

Aujourd’hui, la start-up propose<br />

son concept à de grandes<br />

métropoles en bordure de<br />

fleuves ou de lacs : « Si cette idée<br />

convainc les populations de<br />

délaisser leurs voitures pour<br />

utiliser les cours d’eau, elles<br />

pourront changer le destin de<br />

leur ville, à chaque trajet ».<br />

seabubbles.com<br />

<strong>FR</strong>ANCIS DEMANGE LOU BOYD<br />

16 THE RED BULLETIN


ATLAS DE L’ESPACE<br />

C’est beau,<br />

la connaissance<br />

Une chercheuse en biologie américaine, Eleanor Lutz,<br />

crée de l’art en compilant les données brutes des<br />

sciences astronomiques.<br />

Notre connaissance de l’Univers,<br />

avec tous ses astres et planètes,<br />

peut sembler déroutante. Pas<br />

une année sans que nous apprenions<br />

l’existence d’une nouvelle<br />

planète ou des détails fascinants<br />

sur une autre qui se trouve à<br />

des millions de kilomètres de la<br />

nôtre. Dur de s’y retrouver dans<br />

une telle masse exponentielle de<br />

données : c’est là qu’intervient<br />

le génie d’Eleanor Lutz.<br />

Cette jeune doctorante américaine<br />

a rassemblé des milliers<br />

de données publiques fournies<br />

par la NASA et l’Institut Américain<br />

de Géologie pour créer<br />

quelque chose d’unique, baptisé<br />

An Atlas of Space (un atlas de<br />

l’espace, ndlr) : projet colossal à<br />

mi-chemin entre œuvre d’art et<br />

infographie scientifique. En bref :<br />

la vulgarisation des sciences<br />

portée à son plus beau niveau.<br />

Parmi les nombreuses visualisations<br />

ainsi créées, l’une des plus<br />

folles est sa Carte orbitale du<br />

système solaire. « Au début, je<br />

voulais y montrer les différentes<br />

trajectoires suivies par tous les<br />

objets qui composent notre système<br />

solaire », explique la jeune<br />

biologiste. « Mais cela aurait été<br />

impossible, j’ai donc dû me limiter<br />

à ceux qui font plus de 10 km<br />

de diamètre – au final, plus de<br />

10 000 astéroïdes, sans oublier<br />

toutes les planètes et leurs<br />

lunes. » Sa matière première : la<br />

multitude de données publiques<br />

de la NASA, que Lutz a patiemment<br />

sélectionnées, filtrées et<br />

combinées pour les assembler<br />

sur une seule carte. « Rassembler<br />

tout ça sur une carte qui soit<br />

également agréable à regarder<br />

m’a pris un bon moment »,<br />

explique Eleanor.<br />

Sur son site, elle dévoile<br />

d’autres œuvres, comme sa<br />

Carte topographique de Mercure,<br />

la Géologie de Mars, une<br />

Carte animée de la Terre, et ne<br />

compte pas s’arrêter là. « J’adore<br />

le fait que les données actuelles<br />

soient si précises, mais qu’il<br />

n’existe aucune norme quant à<br />

la façon de les présenter esthétiquement.<br />

Ce qui me plaît, c’est<br />

la recherche et la possibilité de<br />

partager toutes ces connaissances<br />

géniales avec les gens,<br />

grâce au design. »<br />

tabletopwhale.com<br />

AN ORBIT MAP OF THE SOLAR SYSTEM BY ELEANOR LUTZ LOU BOYD<br />

18 THE RED BULLETIN


Cette Carte orbitale du système<br />

solaire montre la position de<br />

plus de 18 000 astéroïdes,<br />

planètes, lunes et autres<br />

au 31 décembre 1999.<br />

THE RED BULLETIN 19


L’orgue et le mélodica placés à l’intérieur de ce piano sont alimentés par une pompe et des soufflets,<br />

tandis que le mécanisme d’une vieille machine à coudre sert à actionner les archers sur les cordes.<br />

BRUNETTES SHOOT BLONDES<br />

À queue…<br />

mais pas que<br />

Ce groupe indie-rock venu d’Ukraine a placé<br />

dans un piano à queue du XIX e siècle un<br />

orchestre de vingt instruments différents.<br />

En écoutant le groupe ukrainien<br />

Brunettes Shoot Blondes chanter<br />

leur chanson Houston, vous<br />

vous imaginerez probablement<br />

tout un orchestre présent dans<br />

le studio. En fait, derrière la voix<br />

langoureuse du chanteur<br />

Andrew Kovaliov, tous les instruments,<br />

qu’ils soient à cordes,<br />

percussions, ou à vent (vingt au<br />

total) sont logés à l’intérieur<br />

d’un vieux piano à queue traficoté<br />

à l’extrême. Pour actionner<br />

les claviers de ce synthé géant<br />

mécanique et multifonction : les<br />

deux Ukrainiens de Brunettes<br />

Shoot Blondes, c’est tout.<br />

« On s’est dit que ce serait<br />

cool d’inventer un piano qui<br />

contienne une vingtaine d’instruments<br />

de musique, raconte<br />

Andrew Kovaliov (sur la photo,<br />

à droite). L’idée était de créer<br />

un truc qui puisse être joué par<br />

deux personnes tout en donnant<br />

l’impression d’être accompagné<br />

par un véritable orchestre. »<br />

Aidé d’une équipe d’ingénieurs,<br />

les deux membres de BSB ont<br />

commencé à décortiquer un<br />

piano au fur et à mesure, remplaçant<br />

certaines octaves par<br />

des cordes de basse, ajoutant<br />

à d’autres endroits des percussions,<br />

tous ces éléments étant<br />

reliés par des câbles aux touches<br />

du clavier afin de permettre aux<br />

musiciens de jouer l’intégralité<br />

des instruments à seulement<br />

quatre mains. Au final, ce piano<br />

hybride contient deux violons,<br />

un violoncelle, un xylophone, une<br />

grosse caisse, des percussions,<br />

un orgue… et bien d’autres surprises,<br />

pouvant toutes être activées<br />

par une des 88 touches des<br />

claviers. « Par chance, aucun<br />

de nous n’a fait des études d’ingénieur<br />

: sinon, nous ne nous<br />

serions jamais lancés dans un<br />

tel projet, plaisante Kovaliov.<br />

Le plus grand défi fut de trouver<br />

les bonnes personnes avec qui<br />

travailler, parce que tout le<br />

monde nous prenait pour des<br />

fous au début. »<br />

Houston, de Brunettes Shoot<br />

Blondes, à voir sur YouTube.<br />

FESENKO MAKSYM LOU BOYD<br />

20 THE RED BULLETIN


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« Notre<br />

secret ?<br />

On bosse<br />

dur !»<br />

La coupe du monde de rugby a lieu en ce moment<br />

au Japon, et les All Blacks sont évidemment<br />

pressentis pour y faire sensation. On aura tout<br />

entendu ou presque à propos des Néo-Zélandais,<br />

équipe associée à nombre de mythes et à une<br />

tonne d’idées reçues. Alors nous avons questionné<br />

l’un d’entre eux, BEAUDEN BARRETT, pour rétablir<br />

quelques vérités sur les hommes en noir.<br />

Texte HANS HAMMER<br />

Avec plus de 70 sélections et deux titres<br />

de meilleur joueur de rugby au monde<br />

(en 2016 et 2017), l’athlète de 28 ans, fraîchement<br />

signé chez les Blues de Auckland,<br />

est une personnalité appréciée et respectée<br />

dans la sphère ovale. Nous nous sommes<br />

pointés à son contact avec une liste d’idées<br />

reçues pour les confronter à ce champion<br />

au cœur du sujet, et lui permettre de partager<br />

sa vision du rugby actuel, ainsi que sa<br />

philosophie. C’est un joueur tout en finesse<br />

et en mesure qui s’est exprimé, loin du<br />

cliché du néo- zélandais frontal auquel<br />

certains pourraient s’attendre.<br />

Les joueurs de l’équipe nationale<br />

néo-zélandaise font tous au<br />

moins 2 mètres et pèsent 150 kg…<br />

Non ! Beauden Barrett en est la preuve<br />

vivante ! Il mesure 1,87 m et pèse 92 kg.<br />

« En fait, tout dépend de ton rôle au sein de<br />

l’équipe, explique-t-il. Chaque place dans<br />

l’équipe requiert un physique et des qualités<br />

différentes. Certains doivent être très<br />

forts et puissants, d’autres doivent être<br />

plus explosifs, d’autres sont plus dans les<br />

tirs, les courses… Des joueurs doivent être<br />

rapides et bien taillés. Pour ma part, je suis<br />

là pour attraper les balles, faire des passes,<br />

courir, tirer, plaquer. Chez les All Blacks,<br />

être imposant physiquement ne fait pas de<br />

GRAEME MURRAY/RED BULL CONTENT POOL<br />

22 THE RED BULLETIN


« Chez les All Blacks, être<br />

imposant physiquement ne fait<br />

pas de toi un patron. »


« Dans cette<br />

attitude des<br />

Français, je vois<br />

avant tout une<br />

forme de respect. »<br />

Millennium<br />

Stadium de Cardiff,<br />

6 octobre 2007 : les<br />

Français s’avancent<br />

à quelques centimètres<br />

des Blacks<br />

durant le haka.<br />

L’un des moments<br />

les plus intenses de<br />

l’histoire du rugby.<br />

GETTY IMAGES, BRAD HANSON/RED BULL CONTENT POOL


« Être aux côtés de mes frères durant l’hymne national,<br />

c’est un instant puissant. »<br />

toi un patron, et chez nous, il n’y a pas<br />

vraiment de hiérarchie. Le truc, c’est de<br />

respecter les anciens, et les mecs plus<br />

expérimentés que toi. »<br />

Cette coupe du monde est pliée<br />

d’avance : les All Blacks les ont<br />

toutes remportées !<br />

C’est absolument faux : depuis la création<br />

de la Coupe du monde de rugby en 1987,<br />

la Nouvelle-Zélande l’a remportée trois<br />

fois, l’Australie et l’Afrique du Sud deux<br />

fois, et l’Angleterre une fois. « Une Coupe<br />

du monde, c’est plein de variables, précise<br />

Beauden. Des matches de poule jusqu’aux<br />

quarts de finale, on appréhende les<br />

matches un par un, l’un après l’autre. Il<br />

n’y aura qu’un vainqueur au final, ça c’est<br />

sûr, mais il y a beaucoup d’équipes qui se<br />

développent de manière très intéressante.<br />

Si tu prends le pays hôte, le Japon : leur<br />

équipe se développe très rapidement, et<br />

ils sont très bien coachés. Je peux te dire<br />

qu’ils vont taquiner deux ou trois équipes<br />

durant ce tournoi. N’oublions pas qu’ils<br />

ont battu l’Afrique du Sud lors de la coupe<br />

du monde 2015. »<br />

Les Blacks se la pètent !<br />

Normal, ils sont la meilleure<br />

équipe au monde !<br />

Au contact de l’ambassadeur des montres<br />

Tudor, c’est l’esprit contraire qui se dégage.<br />

Dans une interview en 2018, il se déclarait<br />

embarrassé par le fait d’être considéré<br />

comme une superstar du rugby. Et le<br />

confirme lors de notre entretien : « Être<br />

une bonne personne avant tout, c’est très<br />

important. Si tu es une bonne personne, tu<br />

seras un bon All Black. Quand on parle de<br />

culture d’équipe, chez nous, il n’y a pas de<br />

place pour les enfoirés… Je ne sais pas si<br />

tu pourras écrire ça… (rires) En fait, ce<br />

genre de gars n’arrivent même pas aux<br />

portes de l’équipe. Un All Black n’est pas<br />

recruté que pour son talent, encore une<br />

fois, il doit être une bonne personne. »<br />

Le jour où les Français ont défié<br />

les Néo-Zélandais durant le haka<br />

lors de la World Cup 2007, et les<br />

ont battus, le mythe des Blacks<br />

surpuissants s’est écroulé…<br />

Côté français, on en est persuadé ! Les<br />

fans de rugby n’oublieront jamais cette<br />

scène : le XV de France venant défier les<br />

Blacks durant le haka en quart de finale,<br />

jusqu’à se retrouver à quelques centimètres<br />

de leur visage, avec Sébastien<br />

Chabal en mode baston de regard. Une<br />

archive visible sur YouTube et présentée<br />

comme « le meilleur haka de tous les<br />

temps ». « Ce moment, au fond, c’était un<br />

moment d’opposition, se souvient Barrett.<br />

C’est la façon dont les Français ont voulu<br />

signifier leur opposition aux Blacks. Je ne<br />

m’en souviens pas comme de la fin de<br />

quelque chose pour les Néo-Zélandais, ou<br />

de quelque chose d’irrespectueux, de too<br />

much. Dans cette attitude des Français, je<br />

vois avant tout une forme de respect, du<br />

challenge. Durant le haka, certaines<br />

équipes sourient, d’autres sont flippées…<br />

Et de notre côté, nous montrons à quel<br />

point nous sommes puissants à l’instant T.<br />

Tu sais, ce haka, pour ne pas oublier sa<br />

signification et son importance, on le travaille<br />

chaque semaine, voire plus pour les<br />

nouveaux arrivants dans l’équipe. Quand<br />

on le fait devant des millions de personnes,<br />

on se doit de bien le faire. »<br />

THE RED BULLETIN 25


« Que votre<br />

équipe perde ou<br />

qu’elle gagne,<br />

soyez présents<br />

pour elle. »<br />

Stopper un All Black, une mission !<br />

Même quand il ne pèse que 92 kg,<br />

comme Barrett. Pour lui, la réunion<br />

des talents fait la force du groupe.<br />

GETTY IMAGES, TUDOR<br />

26 THE RED BULLETIN


Le maillot de la Nouvelle-Zélande<br />

a des propriétés magiques...<br />

Pour Beauden Barrett, c’est presque une<br />

conviction : quand il évoque le premier<br />

match durant lequel il a porté le jersey<br />

de son équipe nationale, il se souvient<br />

avoir ressenti quelque chose d’exceptionnel,<br />

et s’être senti comme Superman.<br />

Est-ce toujours le cas après plus de 70<br />

sélections en équipe nationale ? « Assurément,<br />

nous dit Barrett sans hésitation.<br />

Bien sûr, ce fameux match où j’ai porté le<br />

maillot pour la première fois restera un<br />

jour particulier, avec un sentiment incomparable<br />

de puissance. Aujourd’hui,<br />

chaque fois je l’enfile, je prends un petit<br />

moment pour rassembler mes pensées,<br />

et bien prendre la mesure de ce que je<br />

m’apprête à faire. Car à chaque fois que<br />

je mets ce maillot, un moment particulier<br />

s’annonce. Quand je vois un nouvel équipier<br />

mettre ce maillot à son tour, je sais<br />

qu’il se passe quelque chose en lui, que<br />

c’est une grande occasion. De nouvelles<br />

choses s’ouvrent à lui. Ce que je peux<br />

faire à mon niveau pour accompagner ce<br />

moment, c’est lui ouvrir la voie, et l’encourager<br />

à suivre la dynamique que nous<br />

essayons de créer avec l’équipe. »<br />

Les All Blacks, c’est l’esprit de<br />

fraternité poussé a l’extrême...<br />

La sélection néo-zélandaise est en effet<br />

réputée pour sa cohésion, et au cœur de<br />

cet effectif la fraternité est une réalité,<br />

littéralement, avec plus de quarante<br />

paires de frères recensées dans l’effectif<br />

historiquement. Plus fort encore, on<br />

compte trois Barrett au sein du groupe !<br />

Beauden est en effet accompagné de ses<br />

frères Scott (25 ans) et Jordie (22 ans).<br />

Seront-ils tous présents sur la World Cup ?<br />

« Mon frère Scott s’est blessé récemment,<br />

indique le plus âgé des trois, mais il est<br />

de retour. J’espère que nous jouerons tous<br />

ensemble. Ça nous est déjà arrivé, mais<br />

jamais durant une Coupe du monde. Pendant<br />

un match, le fait de jouer ensemble,<br />

on n’a pas trop ça en tête, mais pendant<br />

les préparations de matchs, et surtout<br />

durant l’hymne national, c’est vraiment<br />

émouvant d’être aux côtés de ses frères<br />

dans la même équipe. C’est un instant<br />

puissant. Pendant le match, le fait de<br />

jouer avec eux n’est pas quelque chose<br />

de particulièrement palpable, on se fait<br />

confiance pour donner le meilleur de soimême,<br />

comme avec n’importe quel autre<br />

joueur de la sélection. »<br />

« Si tu n’apprécies<br />

pas ce que tu<br />

fais, tu ne pourras<br />

pas te dépasser<br />

à l’entraînement ni<br />

durant un match. »<br />

C’est sûr, pour être aussi bons,<br />

les All Blacks ont un secret !<br />

Leur préparation, leur nourriture, un truc<br />

néo-zélandais ancestral ? Pour expliquer<br />

la prédominance des Blacks sur le rugby<br />

international ces dernières décennies,<br />

les explications les plus farfelues ont été<br />

avancées. Mais Barrett garde la tête<br />

froide. « Ça n’est pas une seule chose,<br />

c’est un ensemble de choses, temporise<br />

Barrett. Tout d’abord, on bosse dur.<br />

Il y a aussi la discipline. Et on se fixe des<br />

objectifs hauts. Il faut être lucide dans<br />

tes objectifs, ne pas t’emballer, mais<br />

tu dois surtout prendre du bon temps,<br />

apprécier les choses, pour te challenger,<br />

aller plus loin. Prendre du bon temps,<br />

c’est la clef. Si tu n’apprécies pas ce que<br />

tu fais, tu ne pourras pas te dépasser,<br />

que ce soit à l’entraînement ou durant<br />

un match. »<br />

Une vérité que Beauden souhaite<br />

partager avec vous, les Français<br />

« Je voudrais dire aux supporteurs français<br />

que, quelle que soit l’issue d’un<br />

match, il faut soutenir votre équipe.<br />

Qu’elle perde ou qu’elle gagne, soyez<br />

présents pour elle. C’est très important.<br />

De toute façon, une seule équipe va l’emporter.<br />

(rires) J’espère que vous serez présents<br />

en nombre au Japon pour apprécier<br />

ce que nous aurons à donner durant cette<br />

compétition, et n’oubliez pas, en 2023,<br />

la Coupe du monde de rugby, c’est chez<br />

vous, en France, que ça se passe ! »<br />

Instagram : @beaudenbarrett ;<br />

Coupe du monde de rugby au Japon,<br />

du 20 septembre au 2 novembre.<br />

THE RED BULLETIN 27


METAL<br />

ARDENT<br />

Couple d’illustrateurs parisiens, FORTIFEM a réussi en quelques<br />

années à se faire une place dans le paysage visuel international. Leur<br />

particularité : un style unique, qui emprunte à la gravure, au tatouage<br />

et à l’imagerie metal, et une éthique de travail forte. Quel que soit le<br />

degré de notoriété de ses clients, le duo est toujours à fond sur ses<br />

projets, il s’engage pleinement et place la barre très haut.<br />

XX EDITOR ILLUSTRATOR


Fortifem : sept<br />

ans d’illustrations,<br />

pied au<br />

plancher.<br />

Texte LELO JIMMY BATISTA<br />

Photos WILLIAM LACALMONTIE<br />

29


Illustration en duo,<br />

réalisée dans le cadre<br />

de Work of Love, la<br />

première rétrospective<br />

de Fortifem, qui<br />

a eu lieu à Paris en<br />

2018.<br />

« Qu’on travaille pour<br />

Rammstein, une<br />

marque de luxe ou<br />

pour un petit groupe<br />

qui n’a sorti qu’une<br />

démo, on y consacre<br />

la même énergie, la<br />

même exigence. »


J<br />

« On s’est donné<br />

rendez-vous à un<br />

concert de hardcore,<br />

et le lendemain,<br />

on emménageait<br />

ensemble. »<br />

esse est penché sur sa feuille depuis<br />

pas loin d’une heure. Après avoir fini<br />

le tracé d’une série de longues lignes<br />

sinueuses, Adrien vient noircir une<br />

partie du dessin à coups de stries<br />

microscopiques. La tâche est longue,<br />

minutieuse, effectuée avec une précision<br />

quasi-maniaque. Depuis plusieurs<br />

semaines, Fortifem travaillent<br />

sur la pochette du sixième album<br />

d’Alcest, groupe de metal atmosphérique<br />

français qui compte de nombreux<br />

fans en Europe – parmi lesquels<br />

Robert Smith, le leader de<br />

<strong>The</strong> Cure. Cette pochette est l’un des<br />

nombreux projets en cours pour ce<br />

couple d’illustrateurs parisiens qui<br />

rencontre depuis quelques années<br />

un succès grandissant, grâce à un<br />

style unique, inspiré des gravures du<br />

XIX e siècle, du tatouage et de l’esthétique<br />

metal, mais aussi à une forte<br />

éthique de travail. Le duo s’impose<br />

en effet de s’impliquer avec la même<br />

rigueur et la même exigence, qu’il<br />

travaille pour une grande marque,<br />

un artiste renommé ou un groupe<br />

qui sort son premier disque. Une histoire<br />

portée par la passion et née<br />

d’une série d’accidents heureux.<br />

Adrien Havet et Jesse Daubertes<br />

se sont trouvés il y a bientôt dix ans<br />

sur Tumblr, par hasard. Chacun<br />

possédait une page sur la plateforme<br />

où ils partageaient des photos et<br />

illustrations glanées sur internet.<br />

Tous deux réagissaient régulièrement<br />

sur la page de l’autre sans avoir la<br />

moindre idée de qui était en face.<br />

« Pour tout dire, raconte Adrien, au<br />

départ je pensais que Jesse était<br />

anglais et lui pensait que j’étais norvégien.<br />

Un jour, Jesse m’a laissé un<br />

message en anglais, je lui ai répondu<br />

que je parlais français. Quelques<br />

jours plus tard, on entrait en contact<br />

sur Facebook et on réalisait qu’on<br />

avait plusieurs amis communs. On<br />

s’est donné rendez-vous à un concert<br />

de hardcore, à Paris, et le lendemain,<br />

on emménageait ensemble. » À ce<br />

moment, chacun occupe encore un<br />

emploi de graphiste – freelance pour<br />

Jesse, en agence de pub pour Adrien<br />

– et il n’est pas encore question de<br />

collaboration. Mais tous deux<br />

occupent déjà leur temps libre à l’illustration,<br />

le soir, sans autre but que<br />

de se faire plaisir et de collaborer de<br />

temps à autre avec des amis musiciens<br />

ou tatoueurs. C’est l’un d’entre<br />

eux, Olivier Marescaux, sérigraphe<br />

basé à Reims, qui, le premier, va leur<br />

proposer de réaliser une dizaine de<br />

dessins pour une exposition. Hasard<br />

du calendrier, l’événement a lieu le<br />

Dessin pour la<br />

pochette intérieure<br />

d’Exile,<br />

deuxième album<br />

de Regarde Les<br />

Hommes Tomber.<br />

THE RED BULLETIN 31


Adrien dans l’intimité de la chambre de Bret Halford, le personnage fictif que l’on retrouve<br />

au centre des derniers albums de Carpenter Brut. Comme toujours avec cet artiste français,<br />

l’illustration est truffée de détails et de références qu’il partage avec Fortifem.<br />

21 février 2012, un an jour pour jour<br />

après la première rencontre de Jesse<br />

et Adrien.<br />

À ce stade, le duo n’est pas encore<br />

officiellement lancé et évolue encore<br />

sans nom, au gré des opportunités.<br />

« Ça restait quelque chose de très<br />

ponctuel, explique Jesse. Et quand<br />

on a fini par se donner un nom,<br />

c’était finalement plus par contrainte<br />

qu’autre chose. On avait répondu à<br />

un appel d’offre émis par une marque<br />

norvégienne qui faisait des vêtements<br />

d’inspiration metal. Elle avait<br />

diffusé une vidéo dont chaque artiste<br />

devait isoler une image et la réinterpréter.<br />

Pour y participer, il nous fallait<br />

un nom. Comme on revenait d’un<br />

séjour en Norvège et qu’on habitait<br />

au n° 45, on a opté pour førtifem,<br />

qui signifie 45 en norvégien. C’était<br />

simple, facile à prononcer dans<br />

toutes les langues et sans connotation<br />

particulière. Ça nous allait<br />

parfaitement. »<br />

Mais ce qui va vraiment changer<br />

les choses, l’élément qui va asseoir<br />

l’identité du duo et faire circuler<br />

« Emperor, l’une<br />

des plus grandes<br />

légendes de la<br />

scène black metal<br />

norvégienne, nous<br />

a demandé de revisiter<br />

leur logo. »<br />

son travail, c’est son ancrage dans le<br />

monde de la musique et plus précisément<br />

sur la scène metal. Et là encore,<br />

les choses vont se faire toutes seules,<br />

ou presque. Adrien : « Matthias<br />

Jungbluth, le fondateur du label<br />

rennais Throatruiner avait vu passer<br />

quelques-uns de nos dessins et nous<br />

a demandé de réaliser son logo, puis<br />

de réaliser la pochette du premier<br />

album de Cowards, un jeune groupe<br />

parisien qu’il venait de signer. Cette<br />

pochette a attiré l’attention de<br />

Regarde Les Hommes Tomber, un<br />

autre groupe basé à Nantes, qui<br />

démarrait tout juste et nous a<br />

demandé de réaliser la leur. »<br />

En trois coups, la machine est<br />

lancée, doucement. Mais ne semble<br />

bientôt plus vouloir s’arrêter, chaque<br />

commande en appelant systématiquement<br />

une autre. À tel point que<br />

le couple décide d’en faire son occupation<br />

principale. « Ça n’a pas été<br />

une décision facile, continue Adrien.<br />

Travailler pour la musique rapporte<br />

peu d’argent, notre style demande<br />

beaucoup de temps et de minutie et<br />

il était hors de question pour nous<br />

de faire des compromis sur la qualité.<br />

C’est quelque chose que l’on n’a pas<br />

voulu sacrifier. Le sacrifice, il s’est<br />

plutôt fait du côté de notre niveau<br />

de vie, qui a un peu baissé au départ.<br />

Il aura fallu environ quatre ans pour<br />

qu’on trouve un équilibre, le temps<br />

de se faire une place dans d’autres<br />

créneaux, plus porteurs, chez les<br />

grandes marques, dans l’édition… »<br />

Et d’attirer l’attention de gens<br />

comme Matt Heafy, chanteur du<br />

groupe metal américain Trivium, qui<br />

va permettre à Fortifem d’accéder<br />

à certains de leurs héros musicaux.<br />

« On a fait plusieurs illustrations<br />

pour Trivium, après quoi Matt a parlé<br />

de nous à Emperor, l’une des plus<br />

grandes légendes de la scène black<br />

metal norvégienne, qui nous a<br />

demandé rien de moins que de revisiter<br />

leur logo. Pour nous, c’était inespéré…<br />

Et tout cela est arrivé parce<br />

que Matt avait découvert notre travail<br />

avec les pochettes de Regarde<br />

Les Hommes Tomber, avec qui on a<br />

continué à travailler et qui ont acquis<br />

petit à petit une certaine notoriété. »<br />

C’est là un des aspects les plus<br />

excitants et les plus gratifiants du<br />

travail du duo : accompagner des<br />

groupes dans leur ascension. Comme<br />

32 THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN 33


Carpenter Brut, aujourd’hui pilier de<br />

la scène synthwave, un courant<br />

mêlant musique électronique, bandes<br />

originales de films d’horreur et esthétique<br />

metal, avec qui Fortifem a commencé<br />

à travailler à ses débuts, il y a<br />

six ans. Jesse : « Quand Carpenter<br />

Brut sont venus nous trouver pour<br />

qu’on fasse leur logo, ils n’avaient<br />

enregistré que quatre titres. Mais on<br />

trouvait le projet passionnant et on<br />

avait envie d’en être. Ça a été super<br />

ensuite de voir le groupe grandir et<br />

de pouvoir faire partie de l’aventure.<br />

C’est pour ce type de collaborations<br />

qu’on fait ce travail. Au fil du temps,<br />

la confiance et la compréhension<br />

s’installent entre les deux partis, c’est<br />

génial. »<br />

Car une des dernières clés, et sans<br />

doute la plus importante, pour comprendre<br />

la mécanique Fortifem, c’est<br />

l’élément humain. Pour Adrien et<br />

Jesse, l’échange, la confiance et la<br />

communication sont primordiaux et<br />

passent bien avant la musique. « On<br />

Deux portraits de « saints du rock » réalisés par Fortifem dans le cadre du projet <strong>The</strong> Holy<br />

Bloody Book, mêlant rock, design et édition. Des illustrations qui ont été imprimées en grand<br />

format avant d’être collées sur les murs du quartier de Montmartre, à Paris. À gauche, Lou<br />

Reed. À droite, Ian Curtis, le chanteur de Joy Division.<br />

34 THE RED BULLETIN


« On a dit non à de<br />

très gros groupes<br />

parce que le contact<br />

n’avait pas été<br />

bon. »<br />

peut tout à fait travailler pour un<br />

groupe dont on n’apprécie pas plus<br />

la musique que ça, ce n’est pas un<br />

problème. En revanche, il faut qu’il<br />

y ait une connexion avec la personne.<br />

Si ça coince, on refusera. De la même<br />

manière, on préférera décliner si on<br />

sait qu’on ne pourra pas faire notre<br />

travail correctement. On a dit non<br />

à de très gros groupes parce que le<br />

contact n’avait pas été bon, ou parce<br />

qu’on s’est rendu compte qu’on allait<br />

travailler pour un manager et pas<br />

pour un artiste. »<br />

Pour cette raison précisément,<br />

le duo démarche peu – hormis<br />

Rammstein et quelques groupes<br />

japonais dont ils sont fans, Adrien<br />

et Jesse contactent rarement les<br />

artistes. « Tout simplement parce<br />

que souvent, les choses ne fonctionnent<br />

pas aussi bien dans ce sens,<br />

continue Adrien. On n’est pas dans<br />

le même rapport. La personne en<br />

face va souvent vouloir prendre le<br />

dessus, être plus directive. Et ce<br />

qu’on cherche, c’est un échange sincère.<br />

On veut essayer de coller à<br />

l’esprit de l’artiste et de son projet.<br />

Quand une marque vient nous chercher,<br />

c’est souvent parce qu’elle a vu<br />

passer une illustration qui lui plaisait<br />

et qu’elle veut quelque chose de similaire.<br />

Ça reste intéressant, mais c’est<br />

cadré. Avec les groupes, on peut<br />

davantage expérimenter, tenter de<br />

nouvelles choses. Notre collaboration<br />

avec Carpenter Brut, par exemple,<br />

nous a permis de sortir du noir et<br />

blanc pour aller vers des couleurs<br />

très vives, fluorescentes, vers lesquelles<br />

on ne serait peut-être pas<br />

allés de notre plein gré. On n’a pas<br />

envie de se poser de limites et ce type<br />

de collaboration nous aide, justement,<br />

à les dépasser. »<br />

Limites qui vont être encore<br />

repoussées en cette rentrée <strong>2019</strong>,<br />

où les deux Fortifem vont passer du<br />

papier aux écrans géants, le temps<br />

d’un concert au Trianon (Paris).<br />

À cette occasion, ils ont invité six<br />

groupes de leur entourage proche –<br />

parmi lesquels Alcest et Regarde Les<br />

Hommes Tomber – à se produire<br />

dans le cadre de collaborations inédites<br />

et d’une scénographie qu’ils<br />

auront intégralement réalisée, inspirée<br />

des arcanes du jeu de tarot.<br />

Jesse : « On se lance encore dans<br />

quelque chose de nouveau, quelque<br />

chose qui nous excite et nous fait<br />

peur à la fois parce qu’on ne l’a<br />

jamais fait et qu’on ne sait pas trop<br />

où on va. Mais on sait qu’on a envie<br />

d’y aller. Parce que c’est le seul<br />

moyen d’avancer et de faire en sorte<br />

que ce boulot reste stimulant chaque<br />

jour. »<br />

Major Arcana - Une cérémonie<br />

metal illustrée par Fortifem :<br />

avec Alcest & Perturbator,<br />

Nostromo & Dehn Sora, Hangman’s<br />

Chair & Regarde Les Hommes<br />

Tomber ; le 25 septembre au Trianon,<br />

dans le cadre du <strong>Red</strong> Bull Music<br />

Festival Paris, et sur Arte Concert.<br />

THE RED BULLETIN 35


« Je<br />

n’ai<br />

pas<br />

peur »<br />

L’homme qui infiltre<br />

des réseaux criminels<br />

pour sauver des<br />

espèces menacées<br />

d’extinction raconte<br />

son quotidien.<br />

Andrea Crosta était conseiller en<br />

sécurité pour le compte de grandes<br />

entreprises, de gouvernements et<br />

de services secrets. Aujourd’hui,<br />

l’Italien dirige l’ONG Earth League<br />

International, dédiée au sauvetage<br />

d’espèces en voie de disparition,<br />

en employant des moyens dignes<br />

des renseignements. Il lève le voile<br />

sur ses méthodes d’engagement.<br />

Propos recueillis par MAN<strong>FR</strong>ED KLIMEK<br />

36 THE RED BULLETIN


Le bateau<br />

Le Sea of Shadows met le cap sur le golfe<br />

de Californie, au Mexique, où la vaquita,<br />

une espèce de marsouins en voie d’extinction,<br />

est en période de reproduction.<br />

THE RED BULLETIN 37


La question qu’on me pose le plus<br />

souvent, c’est si j’ai peur. Ça ne<br />

m’étonne qu’à moitié. Après tout,<br />

mon métier est risqué et m’expose<br />

à de nombreux dangers.<br />

Avec mon équipe, nous menons<br />

depuis près de dix ans un combat contre les criminels<br />

qui se livrent à un commerce illégal. Dans ce<br />

genre d’activité, on se fait forcément beaucoup<br />

d’ennemis. Et on peut partir du principe qu’on<br />

continuera à s’en faire. Je n’ai pas peur. Et je m’inquiète<br />

uniquement pour mes équipes lorsqu’elles<br />

sont en mission. Nos agents opèrent généralement<br />

sous couverture. S’ils étaient démasqués,<br />

ils se retrouveraient très vite en danger de mort.<br />

Je ne me fais pas de souci pour moi-même. Je vis<br />

seul avec mon chien en Californie et suis souvent<br />

en voyage. Je m’imagine parfois qu’on me surveille<br />

et que quelqu’un m’attend au coin de la rue<br />

pour me régler mon compte. Mais je m’efforce<br />

de m’ôter rapidement cette idée de la tête.<br />

« Je n’ai pas peur. Et je<br />

m’inquiète uniquement<br />

pour mes équipes lorsqu’elles<br />

sont en mission.<br />

Nos agents opèrent généralement<br />

sous couverture.<br />

S’ils étaient démasqués,<br />

ils se retrouveraient très<br />

vite en danger de mort. »<br />

Le sauveur<br />

Andrea Crosta (50 ans) vit avec son chien en<br />

Californie. La plupart du temps, il vadrouille<br />

à travers le monde. Toute compagne à<br />

ses côtés serait menacée. C’est pourquoi<br />

il préfère rester célibataire.<br />

Je m’appelle Andrea Crosta, j’ai 50 ans, je suis né<br />

près de Milan, j’ai étudié la zoologie, les sciences<br />

naturelles, l’économie et la psychologie. Je suis<br />

directeur exécutif de l’ONG Earth League International<br />

qui se consacre à la dénonciation des crimes<br />

perpétrés contre les espèces sauvages. Notre vocation<br />

est d’œuvrer pour la sauvegarde des espèces<br />

menacées et en voie de disparition. De nombreuses<br />

organisations poursuivent ce même objectif à travers<br />

le monde, et on ne peut que s’en réjouir. Mais<br />

nous nous distinguons des autres organisations<br />

par les méthodes que nous mettons en œuvre lors<br />

de nos opérations, des méthodes directement inspirées<br />

du domaine du renseignement. Oui, c’est<br />

très précisément ce que nous faisons : nous<br />

sommes une organisation professionnelle digne<br />

d’un service de renseignement agissant dans le<br />

monde entier, parfois clandestinement, qui met au<br />

jour des activités criminelles et livre aux autorités<br />

les résultats de ses enquêtes. Il ne s’agit pas pour<br />

nous de nous indigner, mais d’apporter la preuve<br />

d’agissements criminels permettant à la police et à<br />

la justice de sévir contre le massacre organisé et le<br />

trafic d’espèces en voie de disparition.<br />

J’ai entendu parler de la vaquita pour la première<br />

fois il y a environ quatre ans. La vaquita, qui signifie<br />

« petite vache » en espagnol, est un marsouin<br />

mesurant environ un mètre et demi de long qui<br />

ne vit le long des côtes mexicaines qu’au cours de<br />

sa période de reproduction. Avant et après cette<br />

période, ces animaux mènent une existence plutôt<br />

solitaire. On estime que seule une trentaine de<br />

TERRA MATER FACTUAL STUDIOS GMBH<br />

38 THE RED BULLETIN


La victime<br />

Une vaquita dans les filets d’un pêcheur<br />

mexicain. Une prise accessoire : les pêcheurs<br />

ciblent en fait le totoaba, poisson dont la vessie<br />

natatoire se vend à prix d’or en Chine.<br />

THE RED BULLETIN 39


vaquitas sont encore en vie à l’heure actuelle.<br />

Je présume malheureusement que ce nombre<br />

aura encore diminué entre-temps.<br />

Le repérage<br />

La nuit venue, les équipiers du<br />

Sea of Shadows scrutent les sonars<br />

de leurs instruments de surveillance<br />

des heures durant. Soudain,<br />

ils repèrent un bateau de pêcheur.<br />

« Après avoir étudié la<br />

question plus en détail,<br />

j’ai vite réalisé à quel point<br />

la vaquita était menacée<br />

et j’ai pris conscience<br />

du rythme effréné de<br />

son extinction. »<br />

La vaquita a un problème : elle partage son habitat<br />

naturel avec des bancs de totoabas. En Chine, la<br />

vessie natatoire de ce poisson est réputée pour ses<br />

vertus prétendument miraculeuses : les femmes<br />

enceintes la consomment pour prévenir les fausses<br />

couches. Le remède est en outre censé rendre la<br />

peau plus belle et, bien sûr, augmenter la puissance<br />

sexuelle de l’homme. Des effets jamais<br />

démontrés scientifiquement, mais il est difficile de<br />

lutter contre des croyances traditionnelles si profondément<br />

ancrées. Les totoabas sont capturés à<br />

l’aide de filets dits maillants posés dans les fonds<br />

marins. Les vaquitas sont prises dans les mailles<br />

du filet et meurent par asphyxie. La saison de<br />

pêche à venir, qui débutera à l’automne <strong>2019</strong>, sera<br />

peut-être sa dernière. Ensuite, la vaquita risque de<br />

disparaître intégralement du règne animal.<br />

En 2016, nous avons donc commencé à enquêter<br />

pour localiser la zone géographique vers laquelle<br />

les vessies séchées de totoaba étaient expédiées.<br />

Des recherches qui nous ont menés tout droit en<br />

Chine. Les membres de notre équipe asiatique se<br />

sont fait passer pour de riches businessmen qui<br />

menaient leurs affaires dans la province du<br />

Guangdong, dans le sud de la Chine. Canton, la<br />

capitale du Guangdong, est une ville côtière et<br />

un haut lieu du commerce des poissons et des<br />

crustacés. Nous nous sommes d’abord présentés<br />

comme des négociants sérieux traitant avec des<br />

marchandises légales. Puis, une fois bien établis<br />

dans le monde des affaires local, nous avons<br />

commencé à nous intéresser aux vessies natatoires<br />

de totoaba.<br />

40 THE RED BULLETIN


Les pirates<br />

Des pêcheurs mexicains remontent leurs filets.<br />

Ils représentent à la fois le maillon le plus important<br />

et le plus pauvre de la chaîne. On ne saurait pour<br />

autant leur accorder notre empathie.<br />

THE RED BULLETIN 41


L’attaque<br />

Les protecteurs d’espèces du<br />

Sea of Shadows tentent d’éloigner les<br />

pêcheurs illégaux de leurs filets.<br />

Une telle opération représente une somme de<br />

travail immense, financée en conséquence. Les<br />

membres de notre équipe asiatique devaient avoir<br />

l’air très fortunés : costumes haut de gamme,<br />

grosses berlines, les meilleurs hôtels et un budget<br />

généreux dédié aux invitations. Cette opération a<br />

nécessité l’engagement de sommes d’argent considérables,<br />

perdues en cas d’échec. Il a également<br />

fallu s’armer de patience pour gagner la confiance<br />

des gens et les amener à nous proposer des marchandises<br />

rares et illégales. Nous avons dû nous<br />

rendre plusieurs fois dans la région et attendre de<br />

longues semaines avant qu’on nous présente enfin<br />

une vessie séchée de totoaba. Nos agents ont filmé<br />

cette rencontre avec des caméras cachées dans les<br />

attachés-cases ou dissimulées dans les vêtements.<br />

Nous savions à présent à quoi ressemblait la marchandise<br />

– rien de très spectaculaire.<br />

Comble de l’absurdité, la vessie de totoaba n’est<br />

aujourd’hui quasiment plus vendue en Chine pour<br />

être consommée, mais fait essentiellement office<br />

de cadeau dans les milieux d’affaires afin de faciliter<br />

les relations commerciales. Cadeau qui sera par<br />

la suite offert à un autre partenaire commercial et<br />

voyagera de main en main. En raison de sa rareté,<br />

le prix au gramme de la vessie natatoire atteint<br />

aujourd’hui le double de celui de l’or. Un trafic<br />

dont on devine aisément la dimension lucrative.<br />

« Les membres de<br />

notre équipe asiatique<br />

devaient avoir l’air<br />

très fortunés : costumes<br />

haut de gamme,<br />

grosses berlines, les<br />

meilleurs hôtels et un<br />

budget généreux dédié<br />

aux invitations. »<br />

42 THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN 43


En Chine aussi, le commerce et la consommation<br />

de la vessie de totoaba sont strictement prohibés.<br />

Les autorités chinoises respectent généralement<br />

la Convention sur la protection des espèces.<br />

Et afin d’écarter tout soupçon de complaisance,<br />

la police chinoise peut également se montrer très<br />

répressive dès lors qu’elle obtient des<br />

informations.<br />

De retour en Californie avec nos données, il<br />

s’agissait à présent d’exploiter les informations<br />

recueillies. Une tâche digne d’une investigation<br />

policière. Trois de nos collaborateurs, des spécialistes<br />

de l’analyse de données, ont visionné nos<br />

innombrables heures d’enregistrements, parfois<br />

en organisant des équipes de nuit, afin d’identifier<br />

et de synthétiser les informations pertinentes.<br />

À la maison, au cours de nos recherches, j’avais<br />

dédié un mur entier de plusieurs mètres de large<br />

à nos travaux, sur lequel nous mettions en relation<br />

les différents lieux et individus. Oui, comme<br />

dans les séries policières. Quand vous reculiez<br />

de trois pas pour contempler le mur, vous étiez<br />

capable de dresser un tableau d’ensemble et<br />

d’appréhender l’affaire dans toute son ampleur.<br />

Je me suis alors rendu à l’évidence que ce projet<br />

devait prendre une dimension supérieure. J’avais<br />

certes déjà obtenu le soutien d’un financier qui<br />

avait réglé la facture de nos voyages et opérations<br />

en Chine, mais la question des vaquitas me semblait<br />

désormais présenter davantage de substance<br />

journalistique que ce que j’imaginais au départ.<br />

« Sur nos précédentes<br />

opérations, nous pouvions<br />

opérer tels des fantômes<br />

invisibles, mais la réalisation<br />

d’un documentaire<br />

implique le transport d’un<br />

volume conséquent de<br />

matos, ce qui signifiait la<br />

fin de notre clandestinité. »<br />

Il fallait donc lui donner une plus grande résonance.<br />

Ici, les négociants de Guandong qui<br />

vendent les vessies natatoires séchées de totoaba<br />

à une petite clientèle choisie. Là, les négociants<br />

basés au Mexique, généralement des Chinois<br />

expatriés, qui expédient les vessies à travers le<br />

monde en prenant soin d’éviter tout envoi direct<br />

vers la Chine, pour ne pas éveiller les soupçons.<br />

Ici encore, les hommes de main des cartels mexicains<br />

qui servent d’intermédiaire entre les<br />

pêcheurs et les Chinois mexicains et leur livrent<br />

les vessies. Là enfin, les pêcheurs qui capturent<br />

illégalement les totoabas et les vaquitas. J’en étais<br />

persuadé : un documentaire permettrait de lever<br />

le voile sur ce commerce criminel et d’en révéler<br />

le fonctionnement. Un trafic qui illustre dans une<br />

très large mesure les failles de la protection des<br />

espèces. J’ai donc appelé Richard Ladkani, le<br />

réalisateur autrichien avec lequel j’ai tourné le<br />

documentaire <strong>The</strong> Ivory Game en 2016 sur le<br />

trafic d’ivoire qui sévit en Chine et à Hongkong.<br />

44 THE RED BULLETIN


La fuite<br />

Après une confrontation mouvementée,<br />

voire carrément violente, les pêcheurs<br />

cherchent leur salut dans la fuite.<br />

THE RED BULLETIN 45


« À partir du mois d’octobre,<br />

les bateaux de pêche<br />

reprendront probablement<br />

leur activité illégale, la pêche<br />

au totoaba. Et il se peut qu’au<br />

cours de l’hiver, nous devions<br />

constater l’extinction des<br />

dernières vaquitas. »<br />

46 THE RED BULLETIN


La libération<br />

Les membres du Sea of Shadows parviennent à<br />

libérer un totoaba capturé illégalement et à le<br />

relâcher en mer. L’assistance vient généralement<br />

trop tard. Une fois prises au piège, les vaquitas<br />

meurent rapidement par asphyxie.<br />

Au début, Richard était peu emballé par l’idée.<br />

J’avais moi-même mis un certain temps avant de<br />

m’intéresser au problème. L’ivoire, ça c’était un<br />

sujet, et tout le monde sait ce qu’est un éléphant.<br />

Mais un petit marsouin dont il ne reste probablement<br />

plus qu’une trentaine de spécimens ? Richard<br />

se demandait sans doute : cette thématique est-elle<br />

suffisamment dense pour en faire un long métrage,<br />

un documentaire diffusé dans les cinémas ou en<br />

streaming ? C’était sans compter sur l’intervention<br />

de Leonardo DiCaprio – qui avait déjà co-produit<br />

<strong>The</strong> Ivory Game. DiCaprio disait qu’il fallait faire ce<br />

film. Et qu’il nous soutiendrait. Après lui, Terra<br />

Mater, la société de production du documentaire<br />

<strong>The</strong> Ivory Game, a à son tour accepté de financer ce<br />

nouveau projet. L’équipe que nous avions formée<br />

par le passé était à nouveau réunie.<br />

Avant de poursuivre, je tiens à raconter brièvement<br />

comment j’ai eu l’idée de créer mes petits<br />

services secrets personnels. Avant de partir m’installer<br />

en Californie, je détenais une société de services<br />

de sécurité en Afrique. Je protégeais des<br />

personnes qui vivaient et travaillaient dans différentes<br />

régions de l’Afrique, souvent au Kenya.<br />

C’est une activité qui vous confronte à des situations<br />

que l’on ne rencontre jamais en Europe et<br />

qui vous familiarise avec le sentiment de danger.<br />

Puis, des années durant, j’ai développé des technologies<br />

de sécurité et de surveillance dans le<br />

monde entier, dont certaines utilisées dans le<br />

cadre de la lutte contre le terrorisme. J’ai découvert<br />

lors de mon travail en Afrique que l’organisation<br />

terroriste islamiste Al-Shabaab se finançait<br />

grâce au trafic d’ivoire. J’ai effectué des<br />

recherches approfondies à ce sujet et ai publié<br />

mon travail avec l’aide de responsables politiques<br />

tels que le sénateur américain John Kerry. Mon<br />

initiative a permis par la suite d’endiguer ce trafic<br />

dans une large mesure, sauvant probablement<br />

des centaines d’éléphants.<br />

THE RED BULLETIN 47


Après l’enquête sur Al-Shabaab, je me suis mis à la<br />

recherche de thématiques similaires, impliquant<br />

également des agissements de marchands criminels<br />

qui mettaient en péril la survie d’espèces<br />

menacées. Et j’ai mis mes compétences dans le renseignement<br />

au service de l’organisation. L’Earth<br />

League International est sans doute la seule ONG<br />

qui réalise des enquêtes en s’appuyant sur des<br />

méthodes dignes des services secrets.<br />

Mais revenons aux vaquitas et au film. Lorsque<br />

Richard est arrivé au Mexique avec son équipe de<br />

tournage, il nous était difficile de passer inaperçus.<br />

Lors de nos précédentes opérations, nous pouvions<br />

opérer tels des fantômes invisibles, mais la réalisation<br />

d’un documentaire implique le transport d’un<br />

volume conséquent de matos, ce qui signifiait la fin<br />

de notre clandestinité. À Mexico, nous avons invité<br />

le journaliste d’investigation Loret Carlos de Mola<br />

à rejoindre notre équipe. Avec sa propre émission<br />

de télévision, il était l’homme idéal pour sensibiliser<br />

le grand public à des problématiques telles que<br />

celle de la vaquita.<br />

Les négociants<br />

Les membres des cartels mexicains ne font<br />

pas vraiment dans la dentelle. Celui ci-dessus<br />

a commis plusieurs homicides.<br />

À Mexico, le tournage du documentaire et nos<br />

enquêtes s’avéraient sensiblement plus compliqués<br />

qu’en Chine. Nous nous y étions préparés :<br />

nous savions que les cartels ne sont pas particulièrement<br />

connus pour reculer devant la violence,<br />

bien au contraire. Malgré la présence de gardes<br />

du corps à nos côtés, nous avons rencontré une<br />

situation particulièrement périlleuse, lorsque des<br />

pêcheurs furieux se sont mis à nous jeter des<br />

pierres et autres objets. Une pierre grosse comme<br />

mon poing a manqué ma tête de deux centimètres.<br />

Lorsqu’une telle situation se présente,<br />

il s’agit de garder son calme et de foutre le camp<br />

au plus vite.<br />

48 THE RED BULLETIN


Le marché<br />

Les vessies natatoires séchées de totoaba<br />

sur le marché noir chinois. Un gramme<br />

de vessies de totoaba coûte aujourd’hui<br />

deux fois plus cher qu’un gramme d’or.<br />

Notre documentaire est aujourd’hui terminé, et il<br />

voyage désormais à travers le monde. Nous avons<br />

fait tout ce qui était en notre pouvoir pour sensibiliser<br />

une large partie de l’opinion publique sur<br />

la situation désastreuse des vaquitas. Mais j’avoue<br />

ne pas être très optimiste quant à la fin réelle de<br />

cette pêche illégale. En revanche, il y a une chose<br />

que nous avons réussie : les autorités chinoises<br />

ont bloqué les routes commerciales par lesquelles<br />

transitent les vessies de totoaba. D’un point de<br />

vue tactique, il peut s’avérer judicieux de faire<br />

obstacle à tout réapprovisionnement en vessies<br />

pendant un certain temps, dans l’espoir que ce<br />

produit et sa légende finissent par tomber dans<br />

l’oubli et par perdre toute valeur. Souhaitons-le.<br />

Mais à partir du mois d’octobre, les bateaux de<br />

pêche reprendront probablement leur activité<br />

illégale, la pêche au totoaba. Et il se peut qu’au<br />

cours de l’hiver, nous devions constater l’extinction<br />

des dernières vaquitas qui se reproduisent<br />

dans le Pacifique le long des côtes mexicaines.<br />

La Terre aura une perte irrémédiable de plus<br />

à déplorer. »<br />

Sea of Shadows, le film<br />

Un film documentaire plusieurs fois récompensé, réalisé par<br />

Richard Ladkani, a vu le jour grâce au soutien de Leonardo<br />

DiCaprio et sous l’égide de la société de production Terra Mater.<br />

Il est actuellement à l’affiche dans les cinémas européens.<br />

Infos (en anglais) sur : terramater.at/cinema/sea-of-shadows<br />

THE RED BULLETIN 49


« Le regard<br />

des gens,<br />

on s’en fout ! »<br />

MAVINGA participera à la finale mondiale<br />

du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style à Paris<br />

(dont elle a remporté l’édition belge en<br />

2018). Lors de ce concours de danse très<br />

particulier où le public est juge, réactivité,<br />

adaptation et personnalité sont les clefs.<br />

La danseuse n’en manque pas.<br />

Texte PIERRE-HENRI CAMY<br />

Photos LITTLE SHAO<br />

50 THE RED BULLETIN


Upside down :<br />

le 12 octobre prochain,<br />

Mavinga et<br />

une trentaine de<br />

danseurs et danseuses<br />

s’affronteront<br />

lors du <strong>Red</strong> Bull<br />

Dance Your Style<br />

à Paris. Qui s’installera<br />

au sommet ?


« Issue des clubs,<br />

la house dance est<br />

une culture différente,<br />

où les gens sont<br />

eux-mêmes. »<br />

Venue de Liège<br />

(Belgique),<br />

Mavinga dédie sa<br />

vie à la danse et<br />

au graphisme.


the red bulletin : Mavinga, la<br />

danse et vous, ça date de quand ?<br />

mavinga : Quand j’avais neuf ans,<br />

j’avais tout le temps envie de danser.<br />

Mes parents voulaient que je sois<br />

concentrée sur mes études, mais<br />

c’était plus fort que moi, il fallait que<br />

je danse, tout le temps ! Vers l’âge de<br />

douze ans, j’ai commencé à aller<br />

dans les écoles de danse, dans les<br />

maisons de jeunes pour m’entraîner.<br />

C’est en gagnant mes premiers<br />

battles que j’ai voulu me consacrer<br />

essentiellement à la danse.<br />

Ces battles, c’était du breakdance ?<br />

J’ai démarré la danse par du breakdance,<br />

mais les premiers battles que<br />

j’ai remportés, c’était en house dance.<br />

Le côté compétition du break, en<br />

un contre un, vous a séduite ?<br />

Quand j’ai essayé le break, j’étais<br />

dedans dès le début. Les films de<br />

danse nous influençaient et nous<br />

mettaient en mode compétition. Mais<br />

j’ai évolué, et aujourd’hui, mon style<br />

de prédilection est la house dance.<br />

Que s’est-il passé entre ces premiers<br />

battles et aujourd’hui ?<br />

Je me suis lassée du côté rentrededans<br />

du break. Même si ça fait<br />

partie de cette culture, je n’étais pas<br />

vraiment épanouie. Alors je me suis<br />

investie dans la danse hip-hop, mais<br />

je n’avais pas encore la flamme.<br />

Quand j’ai découvert la house dance,<br />

j’ai rencontré une culture différente,<br />

née dans les clubs, là où les gens<br />

sont eux-mêmes, où ils ont juste<br />

envie de danser, de partager. Ils<br />

sont dans une bonne vibe. La<br />

musique te parle, elle est redondante,<br />

elle t’emmène vers le haut.<br />

Danser pour soi vous semblait plus<br />

épanouissant que contre un autre ?<br />

À la base, la house n’est pas un mode<br />

de battle, mais d’échange : montremoi<br />

ce que tu as, et on échangera.<br />

Sa variété vous ressemblait plus ?<br />

La house est inspirée de plusieurs<br />

styles de danse : la salsa, les danses<br />

africaines… Tu peux même y mélanger<br />

du break, du hip-hop. Tu peux<br />

tout mélanger, c’est différent, plus<br />

libre, avec plus de feeling. J’y ajoute<br />

mon parcours personnel, je suis passée<br />

par plusieurs styles, le break, le<br />

hip-hop, le dancehall, l’afro également,<br />

naturellement, car je suis<br />

d’origine congolaise. (rires)<br />

S’adapter à tous ces genres et les<br />

mixer est-il difficile ?<br />

En tant que personne, j’ai une facilité<br />

à m’adapter aux gens et à ce qui<br />

m’entoure. Même quand il m’arrive<br />

quelque chose de négatif, je<br />

m’adapte, j’essaie de trouver une<br />

solution. Il y a toujours une solution<br />

THE RED BULLETIN 53


<strong>Red</strong> Bull<br />

Dance<br />

Your Style<br />

Finale mondiale<br />

à La Villette<br />

Le 12 octobre, à Paris, des<br />

danseurs et danseuses issus<br />

de qualifications dans plus<br />

de trente pays sont invités à<br />

s’affronter sur un dancefloor<br />

géant lors de la finale mondiale<br />

du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style.<br />

Dans ce battle de danse en<br />

un contre un, l’improvisation<br />

et l’interaction avec le public<br />

feront la différence, quels que<br />

soient leurs moves de prédilection.<br />

Champions de hip-hop,<br />

de locking ou de popping, ils<br />

devront rivaliser de style,<br />

d’inventivité et de personnalité,<br />

pour emporter les faveurs<br />

du public. Seule juge de cet<br />

événement, la foule désignera<br />

le gagnant ou la gagnante de<br />

chaque battle à l’aide d’un<br />

carton rouge ou bleu.<br />

Autre particularité du<br />

<strong>Red</strong> Bull Dance Your Style, les<br />

sons sur lesquels danseront les<br />

compétiteurs sont inattendus,<br />

de Beyoncé à Boney M en passant<br />

par Britney Spears ou<br />

Nirvana, des hits du moment<br />

ou des titres old school révélés<br />

au moment précis où le danseur<br />

entre dans son battle.<br />

La finale mondiale du<br />

samedi 12 octobre à la Grande<br />

Halle de La Villette sera précédée<br />

d’une soirée la veille, et<br />

d’une semaine d’activations<br />

autour de la danse (workshops,<br />

initiations, démos) organisées<br />

à La Villette et dans Paris.<br />

Billeterie et infos sur<br />

redbulldanceyourstyle.com<br />

à tout. C’est au niveau de l’état d’esprit<br />

que ça se passe. Si tu es ouvert<br />

d’esprit, curieux, tu as envie de<br />

t’exprimer dans plusieurs styles.<br />

C’est exactement le propos du<br />

<strong>Red</strong> Bull Dance Your Style, que<br />

vous avez emporté en Belgique<br />

l’an dernier. En quoi est-ce une<br />

compétition de danse particulière ?<br />

Déjà, les musiques sur lesquelles il<br />

faut danser sont commerciales.<br />

Dans un battle classique, tu peux<br />

tomber sur différentes variétés de<br />

musiques hip-hop, mais pas sur<br />

Beyoncé, Justin Timberlake ou<br />

Michael Jackson.<br />

Leurs chansons sont hyper<br />

connues, il doit donc être facile<br />

de s’adapter à des musiques que<br />

l’on connaît déjà quasi par cœur ?<br />

Ça parait facile, mais ça ne l’est pas<br />

du tout. Quand tu connais bien une<br />

musique, tu as envie d’être hyper<br />

musicale dans ta danse, du coup,<br />

tu peux te perdre dans ton passage.<br />

Si tu es trop en mode stratégie, en<br />

mode : « Je vais mettre ça pour<br />

impressionner », tu n’es pas bien.<br />

Au Dance Your Style, il ne faut pas<br />

trop lancer de cartouches, de tricks,<br />

il faut vraiment penser à s’amuser.<br />

Parce que quand tu t’amuses, ton<br />

corps est bien, et tu fais de bons passages.<br />

Il faut d’abord s’amuser soimême,<br />

et amuser le public. C’est<br />

ça le plus compliqué.<br />

Si l’on prend un Beyoncé, dont<br />

vous connaissez bien les parties<br />

plus instrumentales ou vocales, il<br />

faut éviter « d’organiser » sa danse<br />

sur toutes ses structures ?<br />

En fait, c’est un mix de deux choses.<br />

Dans les battles, c’est 80 % de feeling<br />

et 20 % de préparation. Quand je<br />

parle de préparation, il s’agit de<br />

séquences que tu connais par cœur,<br />

que tu vas placer sur le son. Mais si<br />

tu es trop dans un calcul, à 100 %, ça<br />

« Si tu penses<br />

à ce que vont<br />

penser les gens,<br />

tu vas te bloquer. »<br />

ne marchera pas. Le feeling, c’est<br />

inexplicable, et quand la musique va<br />

faire « boom ! », quelque chose va sortir<br />

à ce moment-là. En fait, la stratégie<br />

c’est de ne pas être trop dans le<br />

calcul, car tu ne sais jamais sur quelle<br />

musique tu vas tomber.<br />

Quand la musique commence,<br />

quelle qu’elle soit, qu’est-ce qui se<br />

passe dans votre tête ?<br />

Je rentre immédiatement dans un<br />

personnage. L’an passé, j’étais habillée<br />

en mode arts martiaux, ambiance<br />

asiatique, avec une tenue ample<br />

orange. Là, je joue à la fois sur ma<br />

féminité et ma masculinité. Sur un<br />

Beyoncé par exemple, je vais plus<br />

aller vers mon côté féminin, si c’est<br />

Nirvana, j’irais plus vers le masculin,<br />

mais toujours dans ce délire d’art<br />

martial. Je garde la même souche<br />

de personnage, que je diversifie.<br />

Est-ce que la danse est un bon<br />

moyen d’assumer tous les traits<br />

de notre personnalité ?<br />

Si tu es un danseur homme face à<br />

une fille, et si tu sais montrer un côté<br />

féminin fort, il n’y a pas de gêne,<br />

c’est un plus pour toi. Si tu penses<br />

à ce que vont penser les gens, tu te<br />

bloques, tu ne pourras pas te libérer.<br />

Cela fait-il encore le lien avec ces<br />

clubs où des gens de tous horizons<br />

et toutes orientations sexuelles ont<br />

trouvé un terrain d’expression en<br />

dansant sur la house ?<br />

C’est ça, il n’y a pas de jugement, juste<br />

de la bienveillance et du partage.<br />

Quand vous ne dansez pas, vous<br />

êtes une graphiste indépendante.<br />

Est-ce aussi un moyen de libérer<br />

votre créativité, et tous les aspects<br />

de votre personnalité ?<br />

C’est très important, car si tu fais de<br />

la danse tout le temps, tu es comme<br />

coincée dans une bulle. Le graphisme<br />

est aussi une forme d’art qui m’inspire.<br />

Je me sers de la danse pour<br />

inspirer mon graphisme, et du graphisme<br />

pour inspirer ma danse. C’est<br />

un plus.<br />

La danse est-elle graphique ?<br />

Durant le shooting photo d’hier avec<br />

Little Shao, certaines pauses, certains<br />

54 THE RED BULLETIN


« Il faut d’abord<br />

s’amuser soi-même,<br />

et amuser le public.<br />

C’est ça le plus<br />

compliqué. »<br />

THE RED BULLETIN 55


« Si dans ton visage<br />

et dans ce que<br />

tu dégages, il n’y<br />

a rien, c’est nul. »<br />

Dans un concours<br />

de danse, pour<br />

la Belge, le visage<br />

aussi a son rôle.


steps de danse qu’il a photographiés<br />

étaient clairement des formes, des<br />

choses qui peuvent m’inspirer en tant<br />

que graphiste. La silhouette d’un<br />

danseur devient un élément graphique<br />

que tu peux agrémenter<br />

d’autres formes ou de mots, comme<br />

je l’ai déjà fait pour réaliser un flyer,<br />

en me basant sur la silhouette d’une<br />

amie danseuse. Danse et graphisme<br />

se marient vraiment bien.<br />

Le graphisme est un média, un<br />

moyen de transmission, est-ce le<br />

cas également avec la danse ? Comment<br />

connectez-vous avec le<br />

public ? Est-ce que le public peut<br />

aider à remporter la compétition ?<br />

Je joue tout le temps avec le public.<br />

Quand tu danses trop pour toi-même,<br />

ton aura n’est pas libérée. L’aura, c’est<br />

super important. Tu peux faire un step<br />

de fou, mais si dans ton visage et dans<br />

ce que tu dégages, il n’y a rien, c’est<br />

nul. Que le public soit connaisseur<br />

ou non, que les gens qui te regardent<br />

soient des danseurs ou non, ça se<br />

ressent. Ce que tu vas dégager, mais<br />

aussi ressentir, accompagne le mouvement.<br />

Un danseur n’est pas là seulement<br />

pour balancer plein de trucs<br />

techniques, il doit aussi ressentir ce<br />

qu’il fait. C’est un tout. Et bien sûr,<br />

jouer avec le public, c’est aussi une<br />

stratégie pour t’assurer son adhésion<br />

car sur un format de compétition<br />

comme le <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style,<br />

seul le public décide du gagnant.<br />

« Respire, et<br />

imagine que la<br />

personne en face<br />

de toi est nue. »<br />

Est-ce intéressant d’être « jugé » par<br />

le public, notamment par des gens<br />

qui ne sont pas des danseurs ?<br />

C’est une toute autre ambiance. Sur<br />

l’édition belge, je n’avais pas besoin<br />

de faire trop de trucs techniques pour<br />

que le public crie. Quand il voyait<br />

que je m’amusais, il s’amusait avec<br />

moi. C’est un vrai échange.<br />

Dans les fêtes ou dans les clubs,<br />

beaucoup de gens n’osent pas<br />

danser. Pourquoi devraient-ils<br />

se lancer ? Quelle philosophie<br />

pourriez-vous leur transmettre ?<br />

Quand on me dit : « Je n’ose pas trop<br />

danser, les gens vont me regarder »,<br />

je leur explique toujours qu’ils n’ont<br />

rien à perdre. Si tu kiffes la musique,<br />

danse ! Tu ne vas pas perdre mille<br />

euros, tu as tout à gagner. On ne sait<br />

pas ce qu’il va arriver demain, alors<br />

profitons du moment présent, et le<br />

regard des gens, on s’en fout !<br />

Tous styles<br />

confondus<br />

Ces participants sont particulièrement<br />

attendus sur la finale mondiale<br />

du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style.<br />

Angyil (USA) Popping<br />

L’Américaine a débuté par la danse classique.<br />

Guerrière réputée dans les battles, elle<br />

développe une énergie sans limite.<br />

Maika (Japon) Hip-Hop<br />

La jeune danseuse a remporté le Juste Debout<br />

2016 à Paris, en duo avec sa camarade Kyoka.<br />

C’est cet évènement d’envergure qui l’a révélée<br />

à la planète danse.<br />

Jaja (Tchéquie) Krump/Robot<br />

Mavinga dit d’elle que son aura est « sale »,<br />

qu’elle est hyper forte. Au <strong>Red</strong> Bull Dance Your<br />

Style, saura-t-elle interagir avec le public pour<br />

emporter son adhésion ?<br />

Salah (France) Popping<br />

« Il est dans le même délire que moi, il sait tout<br />

faire, dit Mavinga à propos de Salah (avec la<br />

danseuse sur la photo-ci contre). Il a un visage<br />

très expressif, il sait amuser le public, ça va<br />

être un adversaire chaud. »<br />

Tebza (Afrique du Sud) Pantsula<br />

Avec le Pantsula, une danse de Johannesbourg,<br />

Tebza a été révélé sur l’édition du <strong>Red</strong> Bull<br />

Dance Your Style Afrique du Sud l’an dernier.<br />

Il est réputé pour sa dextérité et sa précision.<br />

Blondy (France) Popping<br />

Malgré une carrière copieuse, vous trouverez<br />

encore Blondy dans les rues de Paris, réalisant<br />

des performances de danse qui mettent systématiquement<br />

le public en feu.<br />

Cette confiance en vous, développée<br />

tout au long de votre carrière,<br />

comment la transmettre aux personnes<br />

plus timides, peu sûres<br />

d’elles ?<br />

Il faut savoir qu’à la base, j’étais moimême<br />

quelqu’un de très timide, qui<br />

ne parlait pas du tout. Faire ce que<br />

nous faisons en ce moment, une<br />

interview, il y a quelques années, ça<br />

aurait été impossible. Je n’aurais pas<br />

pu parler. Avant, on disait que j’étais<br />

bizarre. (rires) En fait, j’étais trop<br />

timide. Par contre, quand je dansais<br />

c’était autre chose. Ce que je pourrais<br />

conseiller aux gens qui sont bloqués,<br />

c’est de se forcer. Respire, et imagine<br />

que la personne en face de toi est<br />

nue. Il faut imaginer une situation<br />

qui te mette à l’aise. Force-toi.<br />

Vous avez appris à vous ouvrir, à<br />

être plus à l’aise, grâce à la danse ?<br />

J’ai appris dans tout. En échangeant<br />

avec les gens, en voyageant, en prenant<br />

des cours de danse, en donnant<br />

des cours moi-même. C’est un tout.<br />

Le plus dur, c’est d’essayer, de sortir<br />

de ta situation. Et le pire, c’est de ne<br />

pas essayer. Que ça marche ou non,<br />

au moins tu l’auras fait, et tu passeras<br />

à autre chose.<br />

Instagram : @s.mavinga<br />

THE RED BULLETIN 57


Aux yeux de ces kids, il<br />

est Superbruni. Aux Gets<br />

le 13 juillet dernier, le<br />

champion du monde de<br />

VTT descente Loïc Bruni<br />

dédie du temps à ses<br />

fans. Son parcours<br />

n’aurait pas été le même<br />

sans ses supporteurs.


FANS<br />

FACTOR<br />

Texte<br />

PIERRE-HENRI CAMY<br />

Photos<br />

TEDDY MORELLEC<br />

59


Superbruni… Le Pape de la descente…<br />

Sur le circuit international du VTT DH,<br />

Loïc Bruni n’est pas réputé que pour<br />

ses surnoms, son engagement et ses<br />

titres (il est trois fois champion du<br />

monde de descente). Ses fans, nombreux,<br />

ont contribué à sa carrière et l’ont<br />

installé comme un pilote à part. Nous nous<br />

sommes jetés parmi eux sur l’épreuve de<br />

Coupe du monde UCI de descente, aux<br />

Gets, en juillet dernier, et nous avons<br />

questionné ce Français de 25 ans sur<br />

l’impact de son public sur sa performance.<br />

<strong>The</strong> red bulletin :<br />

Loïc, parmi les<br />

pilotes de VTT<br />

descente de haut<br />

niveau, vous<br />

drainez l’une des<br />

fanbases les plus<br />

copieuses et motivées.<br />

Comment<br />

avez-vous réussi à<br />

fédérer cette foule autour de vous ?<br />

loïc bruni : Je ne sais pas si ma<br />

base de fan est plus vaste ou plus<br />

folle que celle d’autres pilotes, mais<br />

je sais que les fans français aiment<br />

bien se démarquer, se déguiser, faire<br />

des pancartes, faire du bruit au max,<br />

ce qui donne cette impression de<br />

folie quand on roule. S’ils sont là,<br />

je pense que c’est parce que depuis<br />

le début, je suis resté assez disponible<br />

pour les gens, j’ai essayé de leur<br />

répondre sur les réseaux sociaux,<br />

de faire des photos sur les courses<br />

avec eux, de toujours être là pour<br />

eux. Rencontrer un pilote, c’est<br />

toujours une grande opportunité<br />

pour le public.<br />

Voir très rarement vos fans, en<br />

vrai, entretiendrait leur passion<br />

pour votre performance ?<br />

Le fait de ne se voir que sur quelques<br />

rares moments de l’année préserve<br />

le côté unique de ces instants de<br />

rencontre et d’échange. Et quand<br />

on est sur la piste, on passe à 40 ou<br />

50 km/h, donc ils nous voient trois<br />

secondes. Tout est intense, il faut<br />

en profiter à chaque moment.<br />

Comment vous comportez vous<br />

dans ces moments rares ?<br />

J’essaie toujours d’être à la hauteur<br />

de leurs attentes, dans la mesure du<br />

Si l’on fait le compte des épreuves<br />

de descente auxquelles vous participez<br />

sur une saison, les chances<br />

de vous rencontrer physiquement<br />

sont finalement très limitées.<br />

Cela représente quoi ?<br />

Ça doit représenter à peu près un<br />

mois sur la saison, ce qui n’est vraiment<br />

pas beaucoup. Ça reste donc des<br />

moments privilégiés. Mais finalement,<br />

quand tu vois trop quelqu’un que tu<br />

suis, ou que tu le connais trop, probablement<br />

que cela te fait moins rêver.<br />

60 THE RED BULLETIN


Ci-dessus : les sentiers de la gloire. Page de gauche : sur une compétition de descente,<br />

le spectacle est aussi côté public. Ci-contre : autographe dans les paddocks pour un fan heureux.<br />

possible. Après, côté résultat, c’est<br />

parfois en dents de scie, mais en<br />

France, j’ai souvent bien roulé. Et<br />

puis, surtout, mon « histoire » est belle<br />

car les dernières années n’ont jamais<br />

été faciles : des blessures, des retours<br />

de blessure fracassants, des blessures<br />

à nouveau, des galères… Ça n’a jamais<br />

été tout beau ni tout rose.<br />

Cela a contribué à souder ce<br />

public, fidèle, autour de vous ?<br />

Je pense qu’à travers mes galères,<br />

les gens ont pu s’identifier, et quand<br />

j’arrivais à faire péter c’était encore<br />

plus beau. C’est peut-être ça aussi<br />

qui a créé cette adhésion des fans.<br />

C’est comme dans un film : si tout<br />

le monde est heureux, ou si tout le<br />

monde meurt, tu te fais chier. (rires)<br />

Pour les fans, c’est bien quand il y a<br />

des rebondissements, des moments<br />

de galère où c’est la merde, et<br />

d’autres où c’est l’extase. Les gens ont<br />

aimé me suivre, et j’ai l’impression de<br />

les avoir emmenés avec moi. Quand<br />

je suis revenu de blessures et que j’ai<br />

gagné les championnats du monde<br />

en Australie, ils se sont levés à je ne<br />

sais quelle heure pour regarder cette<br />

THE RED BULLETIN 61


course. Et contrairement aux réseaux<br />

sociaux où c’est orienté « chasse aux<br />

followers, chasse à l’engagement »,<br />

ce qui est un peu relou à mes yeux,<br />

dans ces moments de course, tu fais<br />

tout spontanément, et tu ne peux pas<br />

contrôler si le public va t’aimer ou<br />

pas. Que des fans aient accroché à<br />

mon parcours et à mon team, c’est<br />

vraiment cool.<br />

Un pilote spontané, qui rebondit,<br />

s’acharne, qui n’est pas en quête<br />

du like sur les réseaux : c’est tout<br />

ça qui attire les gens vers vous ?<br />

C’est dur à expliquer par A + B…<br />

Je ne sais pas te dire… Je n’ai jamais<br />

fait dans la langue de bois, j’ai toujours<br />

dit ce que je pensais, même si<br />

certains n’ont pas kiffé, et j’ai été apprécié<br />

pour dire le fond de ma pensée.<br />

Je suis assez simple comme gars,<br />

normal, alors quand quelqu’un vient<br />

me voir pour une photo ou autre sur<br />

une course, je tchatche avec lui et<br />

il en garde un bon souvenir. Ça le<br />

motive à me soutenir. Aussi, avec les<br />

sponsors, on fait attention à l’image<br />

que l’on transmet. On prend soin de<br />

nos tenues, de nos casques, de nos<br />

vélos… Tout cela fait rêver les gens,<br />

et contribue à entretenir une belle<br />

image de la descente, nickel.<br />

Être très soutenu peut-être néfaste<br />

pour la performance en course ?<br />

Ça peut l’être, parfois, quand tu te<br />

laisses emporter par les compliments.<br />

Les gens te mettent un peu sur un<br />

piédestal et tu ne te sens plus. Tu<br />

pars faire un run et tu roules à fond,<br />

ton ego est boosté, au taquet, ça<br />

déborde de partout, et au premier<br />

virage, tu te la colles… Il faut donc<br />

faire gaffe !<br />

Comment éviter de prendre trop de<br />

risques à trop vouloir satisfaire ses<br />

fans ?<br />

Aux Gets, cette année, plusieurs fois,<br />

je me suis calmé, je me suis mis à<br />

souffler, à tout relâcher. Quand les<br />

gens te sautent dessus, quand tu en<br />

Les épreuves de DH sont réputées pour leur ambiance survoltée, certains fans<br />

français s’y pointent avec des tronçonneuses customisées au bruit assourdissant.<br />

as 20, 25 sur toi en une seconde, en<br />

mode : « Allez Loïc, allez Loïc, tu vas<br />

gagner, tu roules trop bien ! », là ton<br />

ego et ta confiance prennent un coup<br />

de boost qui peut être too much.<br />

Vous avez dit avoir abordé cette<br />

descente de manière plus « intelligente<br />

». Honorer vos fans peut<br />

aussi vouloir dire ne pas aller trop<br />

vite, trop à fond, être plus stratégique<br />

que fulgurant ?<br />

Les années précédentes, aux Gets,<br />

je me mettais un peu le feu, au bord<br />

de la piste et en course. Je roulais<br />

un poil au-dessus de mes pompes, à<br />

cause du bruit, de l’euphorie, de tous<br />

62 THE RED BULLETIN


Champion du monde<br />

juniors en 2012 et<br />

trois fois en élites<br />

(2015, 2017 et 2018),<br />

Loïc est l’un des boss<br />

de la planète DH.<br />

« Pour les fans, c’est<br />

bien quand il y a des<br />

rebondissements,<br />

des moments de<br />

galère où c’est la<br />

merde, et d’autres où<br />

c’est l’extase. »


« En Australie, en<br />

2017, il y avait toute<br />

cette foule qui gueulait,<br />

qui gueulait,<br />

qui gueulait… alors<br />

je me suis arraché<br />

comme jamais sur<br />

le sprint final, et j’ai<br />

gagné la course ! »<br />

Aux Gets, après un<br />

départ à 1 719 mètres<br />

d’altitude, Loïc défie<br />

le chrono sur 2 300<br />

mètres et un dénivelé<br />

négatif de 550.


les gens qui sont présents et qui te<br />

soutiennent. Il m’est arrivé de me<br />

mettre un peu la pression, sans forcément<br />

tomber. Je savais que cette<br />

année, aux Gets, ça allait être blindé,<br />

un truc de malade, du coup, j’ai<br />

essayé de gérer.<br />

C’est-à-dire ?<br />

J’ai essayé d’avoir des créneaux de<br />

disponibilité pour signer des autographes<br />

et faire des photos avec le<br />

public. Et d’autres où je restais<br />

concentré sur mon week-end de<br />

course. J’ai l’impression que je n’arrive<br />

plus trop à faire les deux : être<br />

dispo pour les fans tout le temps,<br />

toute la journée, et faire une bonne<br />

course. J’ai donc essayé de canaliser<br />

les deux trucs, et de garder un pied<br />

dans la course.<br />

Concrètement, pendant la course,<br />

avec la foule qui vous soutient,<br />

comment faites-vous pour ne pas<br />

« déborder » ?<br />

Sur mon run final, les gens sur le<br />

bord étaient en folie, il y avait beaucoup<br />

de bruit. En tant que pilote, tu<br />

« Rencontrer<br />

son public,<br />

ça reste des<br />

moments<br />

privilégiés. »<br />

sentais qu’il se passait quelque chose<br />

de fort. J’en mettais, je roulais bien,<br />

mais dans un coin de ma tête, j’avais<br />

toujours la petite voix du classement<br />

général de la Coupe du monde qui<br />

me disait : « N’en met pas trop non<br />

plus… » J’ai donc essayé de ne pas<br />

partir à la faute, mais j’ai vraiment<br />

kiffé. J’étais concentré, mais j’arrivais<br />

à profiter du moment, des gens qui<br />

hurlaient. Arrivé en bas, je savais que<br />

mon run était bon, sans être fou. Je<br />

n’ai pas roulé pour gagner, mais pour<br />

marquer des points. Même si j’aurais<br />

kiffé l’emporter aux Gets avec tout ce<br />

monde qu’il y avait.<br />

Ne pas rouler trop à fond pour<br />

préserver une place en tête du<br />

classement général, ça ne doit pas<br />

être facile à assumer en tant que<br />

descendeur pro… Votre but, c’est<br />

bien d’être le plus rapide ?<br />

Je ne regrette rien, car si j’avais plus<br />

attaqué et que j’étais tombé, ça m’aurait<br />

coûté cher. C’est la première fois<br />

que j’avais une aussi bonne position<br />

au classement général, et avec mon<br />

team, on a pas mal discuté de la manière<br />

de marquer des points au général,<br />

tout en roulant bien. En plus,<br />

c’est un Français, Amaury Pierron,<br />

qui a gagné, et un autre Français,<br />

Loris Vergier, a terminé cinquième.<br />

Le public était au rendez-vous et<br />

nous aussi, je suis content.<br />

Les fans vous ont-ils déjà permis<br />

de vous dépasser, vous ont-ils fait<br />

passer dans une dimension supérieure<br />

de performance ?<br />

Oui, la première fois où j’ai roulé à<br />

Lourdes, en 2015. Il y avait un monde<br />

de fou, tout le week-end, ça nous a<br />

porté. On roulait presque sur eux,<br />

pour ainsi dire. On a toujours eu des<br />

fans, mais là, c’était la première fois<br />

de ma vie où je me sentais « connu ».<br />

Ça criait dans tous les sens, et dans<br />

les sections dans les bois, ça résonnait,<br />

c’était fou.<br />

« Make dowhnill great again », indique le panneau qui attend Loïc en bas de la piste. Son run<br />

final à peine terminé, il se tourne vers les panneaux de temps pour connaître son classement.<br />

À l’inverse, le bruit du public peutil<br />

perturber un pilote de descente ?<br />

Ça peut surprendre, car dans le haut<br />

du parcours, tu enchaînes des parties<br />

dans des sections calmes, et puis d’un<br />

coup, vers la fin, le bas, là où tous<br />

les gens sont concentrés, tu as toute<br />

cette foule amassée sur le bord…<br />

Baaaaah ! Ça fait un choc, ça met un<br />

coup d’adrénaline, mais si tu es bien<br />

concentré, bien dans ta course, ça va.<br />

C’est une fois arrivé en bas, quand tu<br />

THE RED BULLETIN 65


« Quand tout<br />

va bien et que ça<br />

soude, c’est la<br />

meilleure version<br />

de moi : c’est là<br />

que Superbruni<br />

est de sortie. »<br />

Avec Hugo, un fan acharné, et son<br />

père au short camo, Bruno. Ils ont<br />

créé ce portrait de Loïc « trumpisé »<br />

pour le soutenir. Mode second degré.


J’ai kiffé la pancarte, et je les ai kiffés<br />

aussi, parc qu’ils étaient grave sympas.<br />

Superbruni est né à ce moment-là.<br />

Quand je dis « when it goes well »,<br />

c’est quand tout va bien et que ça<br />

soude. C’est la meilleure version de<br />

moi-même : c’est là que Superbruni<br />

est de sortie. D’autres jours, c’est<br />

moins le cas. (rires)<br />

Loïc termine deuxième de l’épreuve des Gets mais se maintient en tête du classement<br />

général de la Coupe du monde. Avec deux Français sur le podium, le champagne s’impose.<br />

L’année suivante, on aussi vu<br />

un panneau « Bruni : 1st Pope of<br />

Downhill » (Bruni 1er : le pape<br />

de la descente, ndlr), les mêmes<br />

fans étaient encore à l’origine<br />

du délire ?<br />

Oui, comme pour Superbruni, il<br />

s’agit de Bruno Vallat et de son fils,<br />

Hugo. Ils ont aussi fait un panneau<br />

parodiant une pub Kinder, et un<br />

autre où je porte une coupe nuquelongue,<br />

un mulet, comme dans les<br />

années 80. (rires)<br />

te retournes que tu te dis : « Putain,<br />

à partir de là, il y avait un monde ! »<br />

À Cairns, en Australie, en 2017, il y<br />

avait toute cette foule qui gueulait,<br />

qui gueulait, qui gueulait… alors je<br />

me suis arraché comme jamais sur le<br />

sprint final, et j’ai gagné la course !<br />

C’était fou !<br />

À l’inverse, est-ce que vos fans<br />

vous ont déjà mis en difficulté ?<br />

Pas vraiment. Pas dans la course à<br />

proprement parler. Parfois c’est plus<br />

des à-côtés, des gens qui insistent<br />

un peu, qui te demandent de leur<br />

donner un truc, ton matos. Tu leur<br />

réponds gentiment que tu ne peux<br />

pas, alors ils te demandent un autre<br />

truc. (rires)<br />

Qu’est-ce que vos supporteurs<br />

vous demandent le plus ?<br />

Souvent, c’est le maillot. Des maillots,<br />

on en a très peu, et si on en<br />

donne, c’est aux amis, ou aux sponsors.<br />

Ou bien à des associations. Les<br />

gens ne comprennent pas forcément<br />

qu’on ne puisse pas donner nos<br />

lunettes, notre casque ou notre<br />

casquette. En soirée aussi, ça peut<br />

être chiant. (rires)<br />

Même si certains insistent parfois,<br />

est-ce que dans les moments de<br />

galère, de blessure, vos fans vous<br />

donnent de la motivation et du<br />

courage ?<br />

Quand tu es en galère côté résultat ou<br />

blessure, et que tu reçois des<br />

messages sur tes photos, que les mecs<br />

te répondent, te mettent du positif<br />

dans ton quotidien, ça fait du bien.<br />

Avec de bonnes hormones, ton cerveau<br />

marche bien, alors tout ça, c’est<br />

sûr, c’est du bon. Même si tu ne<br />

connais pas ces gens, même si tu ne<br />

les as jamais rencontrés, ils te font<br />

passer un message, ils te donnent<br />

l’impression d’être important et d’être<br />

bon, parce qu’ils te soutiennent. C’est<br />

toujours appréciable.<br />

Une nouvelle fois, cette année,<br />

aux Gets, on a pu voir des kids qui<br />

portaient des T-shirts « Superbruni<br />

» et sur votre compte Instagram,<br />

vous indiquez « Superbruni, when<br />

it goes well ». D’où est venu ce<br />

surnom et quand vous transformez-vous<br />

en Superbruni ?<br />

Superbruni, je crois que c’est parti<br />

d’un concours pour gagner une de<br />

mes tenues. Il fallait créer un visuel<br />

de pancarte stylé et la mettre sur un<br />

site Internet. Des gars qui avaient mis<br />

une création Superbruni sur le site<br />

l’ont carrément imprimée et sont<br />

venus avec sur la course de Lourdes.<br />

« Cette année, aux Gets,<br />

je savais que ça allait<br />

être blindé, un truc de<br />

malade, du coup, j’ai<br />

essayé de gérer. »<br />

Ils s’étaient préparés pour Les Gets<br />

cette année ?<br />

Carrément ! Ils avaient fait un panneau<br />

où ils m’ont photoshopé sur<br />

la gueule de Trump, avec marqué<br />

« Make downhill great again ». (rires)<br />

À chaque fois, c’est eux. C’est un bon<br />

délire, on rigole bien ensemble.<br />

Ce côté autodérision affiché et assumé,<br />

c’est important pour vous ?<br />

C’est clair, il n’y a rien de sérieux<br />

là-dedans, c’est juste pour le kiff. Ça<br />

motive plein de gens à faire des photos,<br />

des panneaux, je trouve ça cool.<br />

Est-ce que vous êtes vous-même<br />

fan d’un sportif, d’un artiste ou<br />

d’un acteur, que vous suivez sur les<br />

réseaux, à qui vous adressez des<br />

commentaires ?<br />

Je suis beaucoup le moto GP et le<br />

motocross aux US. J’aime bien commenter<br />

quand il se passe un truc.<br />

Quand je vois que le mec galère, si je<br />

pense à quelque chose de positif à lui<br />

adresser, je le fais. Parce que je sais<br />

à quel point c’est cool de recevoir des<br />

messages de la sorte.<br />

Instagram : @loicbruni29<br />

THE RED BULLETIN 67


Apparu il y a 2 000 ans,<br />

le sumo est encore le sport<br />

national au Japon, mais<br />

sa maîtrise a dépassé ses<br />

frontières. De nouveaux<br />

concurrents planétaires<br />

font leur apparition, et<br />

forcent les Japonais à<br />

redoubler d’efforts pour<br />

rester au top. En témoigne<br />

la plus grande compétition<br />

organisée en dehors du<br />

Japon : l’US Sumo Open.<br />

Texte TOM WARD<br />

Photos JEREMY LIEBMAN<br />

C’est<br />

du<br />

lourd<br />

68 THE RED BULLETIN


Byambajav Ulambayar<br />

est un géant du sumo à<br />

plus d’un titre : l’ancien<br />

professionnel mongol<br />

a remporté l’US Sumo<br />

Open dix fois depuis<br />

2007, dans la catégorie<br />

poids lourds.


« Le sumo, c’est un peu<br />

comme la lutte<br />

professionnelle américaine :<br />

un vrai spectacle. »<br />

Le 19 e US Sumo Open, le plus grand tournoi de sumo organisé en<br />

dehors du Japon, a attiré près de 5 000 spectateurs et 64 lutteurs<br />

internationaux à la Walter Pyramid de Long Beach (Californie).<br />

71


Le Norvégien Henning<br />

Westerby tente de faire<br />

sortir du ring l’Américain<br />

Robert Fuimaono, reconnaissable<br />

à son tatouage<br />

« Bulldozer ».


Le sumo mêle héritage<br />

et réinvention pour<br />

satisfaire les attentes<br />

d’un public plus large<br />

et international.<br />

Hiroki Sumi domine la compétition.<br />

En 2018, le lutteur de sumo japonais<br />

a été la grande surprise du WWE<br />

Greatest Royal Rumble, une compétition<br />

de catch organisée en Arabie<br />

saoudite, pendant laquelle se sont<br />

affrontés cinquante hommes.<br />

Sumi repose ses 220 kg.<br />

Il est l’un des sumos les plus<br />

lourds de la competition.<br />

73


Tout en haut des gradins, les trois lutteurs de<br />

sumo qui se mettent en position sur le terrain<br />

de basket-ball ressemblent à de gros ballons de<br />

plage en cuir. C’est une comparaison assez inhabituelle.<br />

Mais après tout, on est en Californie,<br />

et plus précisément dans le stade de l’université<br />

d’État de Californie (California State University)<br />

à Long Beach. La Walter Pyramid compte 4 000<br />

places et accueille les équipes de basket-ball et<br />

d’athlétisme des 49ers de Long Beach State.<br />

L’intérieur de la salle est tapissé de bannières noir et or sur lesquelles<br />

on peut lire : « Go Beach ». Il y a un stand de pop-corn et<br />

des vendeurs proposent des hot-dogs et des sodas XXL.<br />

Dans ce lieu aussi américain que peut l’être l’apple pie, deux<br />

lutteurs japonais et un lutteur mongol ne passent pas inaperçus<br />

lorsqu’ils s’échauffent sur le parquet lustré du terrain de basket.<br />

Les trois athlètes sont Byambajav Ulambayar, un Mongol de<br />

1,84 mètre et ancien lutteur de sumo professionnel ; Hiroki Sumi,<br />

un Japonais de 1,92 mètre ; et, avec son modeste 1,70 mètre,<br />

Takeshi Amitani, quintuple champion japonais universitaire. En<br />

cet après-midi de la mi-mars, ils sont venus pour le 19 e US Sumo<br />

Open annuel, le plus grand tournoi de sumo organisé en dehors<br />

du Japon. Tous les participants réunis ont récolté 18 titres de<br />

champion du monde de sumo et viennent de pays aussi lointains<br />

que le Japon, la Mongolie, l’Inde, l’Égypte, le Tadjikistan, la<br />

Géorgie, l’Ukraine, la Norvège ou l’Allemagne.<br />

Surprenant ? Pas vraiment. Plus que tout autre sport, le sumo<br />

est l’objet d’une tradition en pleine mutation. Au Japon, les meilleurs<br />

lutteurs sont régulièrement battus par de nouveaux concurrents<br />

venus de Russie, de Mongolie et d’Ukraine. En effet, ces<br />

pays ont adopté avec enthousiasme le sport national japonais<br />

et ont entrepris de le dominer.<br />

Cela vaut son pesant d’or<br />

Deux jours avant le début du 19 e US Sumo Open, dans la Walter<br />

Pyramid, nous retrouvons quelques-uns des plus célèbres compétiteurs<br />

à la pesée. Byambajav Ulambayar, l’ancien lutteur de<br />

sumo professionnel de 35 ans, affiche 161 kg sur la balance.<br />

« Je n’ai que la peau sur les os », plaisante-t-il.<br />

Alors que Byambajav Ulambayar revêt son peignoir violet aux<br />

motifs floraux et déambule avec la prestance d’un roi, Hiroki<br />

Sumi, 29 ans, saisit son ventre rebondi à pleines mains et grimpe<br />

sur la balance. Avec ses 220 kg, c’est l’un des lutteurs les plus<br />

lourds de la compétition. Quant à Takeshi Amitani, 26 ans et<br />

100 kg, il entre parfaitement dans la catégorie poids moyens.<br />

Pendant que Byambajav Ulambayar tente de marquer un<br />

panier avec une serviette roulée en boule, Takeshi Amitani et<br />

Hiroki Sumi forment un duo à la Laurel et Hardy, le premier<br />

traduisant nos questions à son collègue bien plus grand que lui.<br />

Affichant un éternel sourire, Hiroki Sumi, qui a combattu en<br />

2018 lors de l’un des plus grands événements de la WWE, le<br />

Greatest Royal Rumble, ressemble à une version japonaise de<br />

Dustin dans Stranger Things, la série Netflix.<br />

« Je m’entraîne très dur », raconte Hiroki Sumi par l’intermédiaire<br />

de Takeshi Amitani, un apollon musclé aux cheveux lissés<br />

vers l’arrière, une oreille gauche en chou-fleur et un œil en partie<br />

fermé à cause d’une blessure. « Je soulève 90 kg sur le banc,<br />

60 kg aux épaules et 140 kg aux jambes. » Sumi reproduit les<br />

mouvements tout en parlant, et ses membres, impressionnants,<br />

se contractent.<br />

Il montre son genou droit lézardé d’une méchante cicatrice<br />

rouge et boursouflée. Le prix à payer pour ses journées passées<br />

à soulever des poids et faire des squats.<br />

La routine de Takeshi Amitani est plus ou moins la même.<br />

Lorsqu’il était à l’université, il a voulu prendre de la masse<br />

74 THE RED BULLETIN


Les Ukrainiens se<br />

montrent performants<br />

dans le sumo moderne.<br />

Ici, les compatriotes<br />

Demid Karachenko et le<br />

futur vainqueur Sviatoslav<br />

Semykras s’affrontent<br />

lors de la finale hommes<br />

en poids légers.<br />

musculaire. Il a donc suivi un régime à base de sushis, de rāmen<br />

et du plat de base des lutteurs de sumo, le chankonabe, un<br />

ragoût assez sain et bourré de protéines (poulet, tofu, boulettes<br />

de viande ou poisson), ainsi que du riz gluant ou des nouilles, et<br />

des légumes (bok choy, champignons, daikon ou radis blanc et<br />

carottes), pour se forger un corps d’athlète. Officiant à présent<br />

dans la catégorie poids moyens, il a ajouté la course à pied à son<br />

hygiène de vie.<br />

Hier soir, les trois lutteurs de sumo ont profité d’un barbecue<br />

à l’hôtel. « Nous avons mangé entre 5 et 6 kg de viande », s’amuse<br />

Byambajav Ulambayar. Pour se bâtir le corps d’un lutteur de haut<br />

niveau, les homologues de Byambajav Ulambayar doivent<br />

enfourner des quantités astronomiques de ce ragoût chaque jour.<br />

Le dîner est plus léger et peut se composer de maquereau frit, de<br />

« Il est autorisé de gifler<br />

ou faire des balayettes.<br />

Pas de donner des coups<br />

ni de tirer les cheveux. »<br />

THE RED BULLETIN 75


Les Russes, Mongols ou<br />

Ukrainiens terrassent<br />

fréquemment les top<br />

lutteurs japonais.<br />

nouilles et de salade. Et comme le sumo est un sport qui se pratique<br />

365 jours par an, sans saisons compétitives spécifiques,<br />

le régime des lutteurs professionnels ne change jamais.<br />

Tout cela entretient l’image occidentale typique d’un lutteur<br />

de sumo obèse mais musclé. De nombreux lutteurs, et notamment<br />

les concurrents ukrainiens, sont issus d’un milieu de lutte<br />

plus traditionnelle, mais les grandes stars de la discipline se<br />

doivent de gagner le plus de masse possible, non seulement pour<br />

faire le spectacle, mais aussi pour devenir des poids inamovibles.<br />

Plus vous êtes lourd, plus votre adversaire aura du mal à vous<br />

sortir du ring.<br />

S’entraîner avec des adversaires de plus de 160 kg facilite<br />

aussi la préparation des matches : essayez d’en arrêter un et vos<br />

jambes développeront rapidement la force nécessaire pour supporter<br />

leurs assauts sur le ring. Les lutteurs peuvent prendre tellement<br />

de poids qu’en 1994, une étude réalisée par des experts<br />

en sciences du sport issus de quatre universités tokyoïtes a pu<br />

déterminer la limite supérieure de masse corporelle non grasse<br />

chez l’être humain. D’après les résultats obtenus, le corps d’un<br />

lutteur de sumo moyen contient 26,1 % de graisse, tandis que le<br />

corps d’un bodybuilder en contient 10,9 %.<br />

Mais pour devenir lutteur de sumo professionnel, un appétit<br />

d’ogre ne suffit pas. Il faut se consacrer entièrement à son équipe<br />

de sumo au Japon et s’entraîner chaque jour pour espérer<br />

concourir au plus haut niveau. Tous les autres sont considérés<br />

comme des amateurs.<br />

Alors que Takeshi Amitani n’était encore qu’un apprenti au<br />

Japon, Hiroki Sumi et Byambajav Ulambayar luttaient déjà à un<br />

niveau professionnel. Aujourd’hui, tous trois vivent en Californie<br />

et représentent donc parfaitement leur sport en dehors du<br />

Japon. Depuis que le sumo est devenu sport olympique (bien<br />

qu’il ne soit pas au programme des JO de Tokyo 2020), ils sont<br />

de plus en plus sollicités.<br />

Lorsqu’il ne participe pas à une compétition, Takeshi Amitani<br />

enseigne dans un dohyō (ring) dans son quartier et réalise régulièrement<br />

des performances pour la télévision, contribue à des<br />

expositions et des conférences, tout comme Hiroki Sumi. Byambajav<br />

Ulambayar est lui venu aux États-Unis en 2007 pour faire<br />

une apparition dans le film Ocean’s 13, et il n’est jamais reparti.<br />

Mais l’US Sumo Open n’est pas une exposition comme les autres<br />

pour ces lutteurs. C’est aussi la compétition la plus prestigieuse<br />

en dehors du monde professionnel du sumo, et c’est un excellent<br />

moyen de garder la forme auprès des concurrents étrangers.<br />

Byambajav Ulambayar a atteint le haut du classement dans la<br />

catégorie poids lourds dix fois depuis 2007, tandis que Hiroki<br />

Sumi a remporté 234 matches pendant toute sa carrière professionnelle<br />

au Japon.<br />

« Le sumo est d’une grande simplicité, explique Hiroki Sumi<br />

au travers de Takeshi Amitani. De nombreuses personnes respectent<br />

l’art du sumo, et cela ne m’ennuie pas que des étrangers<br />

concourent. Le sumo est toujours un sport mineur, mais j’aimerais<br />

qu’il soit plus populaire. J’ai été professionnel pendant longtemps<br />

au Japon, mais je voulais montrer mes techniques à plus<br />

de gens. C’est pourquoi je suis venu en Amérique. »<br />

Le résident mongol, Byambajav Ulambayar, est un homme<br />

peu disert mais d’une grande sagesse. « J’adore mon sport, dit-il.<br />

En Amérique, c’est un sport en plein essor. Les concurrents sont<br />

de plus en plus forts et ils apprennent énormément. Je pense<br />

qu’ils respectent cette culture. Toutefois, il est difficile d’affronter<br />

des gars qui n’ont jamais été professionnels. Avec un profes-<br />

Andrew McKnight prépare sa<br />

ceinture de sumo, mawashi,<br />

pour son premier tournoi.<br />

Sa longueur varie : de cinq à<br />

six mètres pour les amateurs,<br />

jusqu’à dix mètres pour les pros.<br />

76 THE RED BULLETIN


L’Américain Jose Galindo<br />

se fait sortir en finale de<br />

la catégorie poids lourds.<br />

sionnel, vous connaissez tous les mouvements. Eux viennent de<br />

sports différents, comme le judo, et vous ne savez pas comment<br />

ils vont bouger. » Il hausse les épaules. « Mais je m’y ferai. »<br />

Reborn in the USA<br />

Si les anciens pros se sentent au top, il y a toute une flopée de<br />

lutteurs américains désireux de se faire un nom. Originaire de<br />

Californie, le poids léger Andrew McKnight est un gars nerveux<br />

qui ne tient pas en place. « J’ai toujours fait de la lutte, et le sumo<br />

est venu naturellement, raconte-t-il. Je pense que beaucoup de<br />

gars espèrent devenir boxeurs professionnel ou combattants de<br />

MMA, mais une fois que vous avez accepté le fait que cela n’arrivera<br />

jamais, c’est un bon compromis. »<br />

Ayant trouvé l’inspiration il y a environ un an, McKnight a<br />

construit son propre ring dans son jardin et pratique le sumo<br />

avec ses colocataires. Ce sera sa première compétition. « J’adore<br />

le côté traditionnel de ce sport, ajoute-t-il. Le sumo, c’est un peu<br />

comme la lutte professionnelle américaine : un vrai spectacle.<br />

C’est bon de voir un endroit où les traditions sont respectées,<br />

même si elles n’ont plus tellement de sens aujourd’hui. »<br />

Luttant dans la catégorie poids lourds, Jose Galindo a découvert<br />

le sumo en regardant une vidéo YouTube de Byambajav<br />

Ulambayar qui balayait son adversaire.<br />

Né et ayant grandi dans l’Utah et à Los Angeles, Jose Galindo<br />

était joueur de football semi-pro. Il exerce à présent le métier de<br />

chiropracteur et fait son apparition pour la pesée avec des traces<br />

rouges de ventouses sur tout le corps.<br />

Comme Andrew McKnight, ce sera sa première compétition.<br />

« J’ai commencé il y a un mois et demi », explique-t-il. Il a rempli<br />

le formulaire d’inscription et payé les 30 dollars de frais. Et<br />

voilà ! « C’est un baptême du feu », reconnaît Jose Galindo.<br />

Cependant, les concurrents américains ne sont pas tous des<br />

débutants. Le poids lourd Kelly Gneiting est une légende dans ce<br />

sport : il a remporté cinq fois le championnat des États-Unis.<br />

Avec ses 197 kg, il est arrivé dans cette discipline après avoir<br />

dépassé le poids de compétition maximal autorisé pour la lutte<br />

gréco-romaine. Âgé de 48 ans, il est le seul concurrent à avoir<br />

participé au tout premier US Sumo Open en 2001.<br />

« Les plus grandes vérités sont cachées, philosophe-t-il. Le<br />

sumo est le sport le plus dur au monde. C’est de la brutalité à<br />

l’état pur. » Pendant l’un de ses combats à Tokyo en 2004, il a pris<br />

une main dans l’œil. « Vous ne faites pas ça au sumo, dit-il.<br />

C’était comme si l’évier de la cuisine m’était tombé sur la tête.<br />

Des choses qu’on ne tolérerait pas aux États-Unis ou au<br />

Royaume-Uni sont parfaitement normales au Japon. » Selon lui,<br />

l’équipe japonaise adverse ne voulait pas d’un étranger dans son<br />

sport. Une attitude courante dans l’univers du sumo professionnel<br />

à cette époque, d’après lui. Il pense cependant que les Japonais<br />

ont appris à lâcher du lest au fil des ans.<br />

Andrew Freund est le fondateur et l’organisateur de l’US<br />

Sumo Open, et on voit en lui l’énergie frénétique des personnes<br />

privées de sommeil. Après avoir vécu au Japon au début des<br />

années 1990, Andrew Freund a commencé à organiser des tournois<br />

de sumo en Californie pour le fun, puis il a créé le premier<br />

THE RED BULLETIN 77


« Pour les Japonais,<br />

le sumo, c’est simple :<br />

peu importe la nationalité<br />

du vainqueur. »<br />

US Open en 2001. Selon lui, la moitié des concurrents sont généralement<br />

Américains. Les autres sont étrangers. Et 90 % du<br />

temps, ce sont les concurrents étrangers qui terminent sur le<br />

podium. « Les États-Unis sont un peu à la traîne dans le domaine<br />

du sumo amateur international », dit-il avec nonchalance.<br />

D’après Andrew Freund, la dichotomie entre le sumo japonais<br />

et le sumo non japonais n’est pas le plus grand élément de division<br />

dans ce sport. Le plus grand contraste se situe en effet entre<br />

le monde professionnel et le monde amateur. « Le sumo professionnel<br />

au Japon est une entité à part entière, ajoute-t-il. Lorsque<br />

vous entrez dans le monde du sumo professionnel, vous n’avez<br />

pas de métier, vous n’avez pas de vacances, et vous n’avez pas<br />

votre chez-vous. Vous voulez aller quelque part pour la journée ?<br />

Vous devez en parler à vos entraîneurs. La plupart de ces gars<br />

s’entraînent 365 jours par an. Ce n’est pas comme le football<br />

américain où vous jouez pendant trois ou quatre mois, puis<br />

profitez d’une saison de liberté. »<br />

Il explique que Byambajav Ulambayar a été lutteur de sumo<br />

pro pendant cinq ans. Tout du long, il n’a vu sa famille qu’une<br />

seule fois. « Lorsque vous devenez pro, vous ne faites plus rien<br />

d’autre. Et quand vous prenez votre retraite, vous ne pouvez plus<br />

revenir en arrière. » Mais toutes les personnes qui pratiquent le<br />

sumo au Japon ne le font pas selon les règles strictes des temps<br />

anciens. « Des dizaines de milliers de personnes pratiquent, précise<br />

Andrew, mais entre 600 et 700 seulement sont pros. »<br />

Les autres pratiquent le sumo comme vous joueriez au foot.<br />

Il y a des équipes scolaires, régionales ou d’entreprise qui s’affrontent<br />

après les heures de cours ou de bureau. Vous pourrez<br />

par exemple voir l’équipe Nissan défier l’équipe Toyota. « Ce n’est<br />

pas une question de pratique au Japon ou en dehors du Japon»,<br />

précise Andrew Freund. C’est une question de standards professionnels<br />

et amateurs au Japon et dans le reste du monde. »<br />

Concernant l’attitude des Japonais vis-à-vis de la compétition<br />

étrangère, Andrew Freund reconnaît que les réactions sont miti-<br />

Dans la catégorie poids<br />

moyens, Takeshi Amitani<br />

expédie son adversaire.<br />

78 THE RED BULLETIN


F RA NCE


L’Américain Kelly<br />

Gneiting (à gauche)<br />

aux prises avec son<br />

adversaire lors des<br />

premiers tours de<br />

la compétition dans<br />

la catégorie hommes<br />

poids lourds.<br />

gées : « Certains puristes disent que nous édulcorons et corrompons<br />

leur sport, et que les étrangers ignorent les concepts d’honneur<br />

et de tradition japonaise. » Malgré cela, il existe un<br />

moratoire officiel concernant les étrangers qui rejoignent les<br />

écuries de sumo professionnelles, à savoir un par équipe. « On<br />

compte 700 lutteurs de sumo répartis dans 35 écuries. Autrement<br />

dit, 5 % d’entre eux peuvent être étrangers, tout au plus,<br />

estime Andrew Freund. Et c’est non négociable. »<br />

Les seigneurs du sumo<br />

C’est le jour J. Les 4 000 spectateurs s’installent avec leurs boîtes<br />

à bento et leurs canettes de Sapporo alors que les joueurs de<br />

taiko traditionnel entament leur performance. Folklore japonais<br />

mis à part, cela pourrait être le public de n’importe quel sport<br />

américain habituel : éclectique et pas timide pour deux sous.<br />

Sur le dohyō, un arbitre japonais officie calmement en chemise<br />

blanche, nœud papillon et gants. Les matches sont souvent<br />

très rapides : à peine 10 secondes avant que l’un des lutteurs ne<br />

mette son adversaire à terre ou ne l’entraîne hors du cercle. Il<br />

existe 82 techniques de combat reconnues, et la plupart d’entre<br />

elles impliquent de pousser ou projeter son adversaire. Il est<br />

autorisé de donner des gifles, de faire des balayages de jambe et<br />

de tirer sur la ceinture (mawashi) de son adversaire. Mais il est<br />

interdit d’asséner des coups de poing, de donner des coups de<br />

pied et de tirer les cheveux.<br />

En bas des gradins, les concurrents attendent leur tour. Les<br />

Ukrainiens, un groupe musclé assez atypique, s’échauffent dans<br />

leur coin. Certains athlètes alternent mouvements d’échauffement<br />

et moments de relaxation. L’équipe norvégienne, blonde<br />

comme sa tenue, a dressé le drapeau national dans un coin,<br />

comme sur un camp de base arctique de fortune.<br />

Les matches hommes poids légers sont vite expédiés : Andrew<br />

McKnight et les douze autres Américains sont éjectés du dohyō<br />

et du tournoi. Point fort de la compétition : l’Ukrainien Sviatoslav<br />

Semykras s’élance contre la poitrine de son adversaire et,<br />

dans un demi-salto, envoie valser ce dernier dans la foule avant<br />

de se réceptionner à la perfection sur ses pieds, ce qui lui permet<br />

de remporter la médaille d’or. Voilà pourquoi les Ukrainiens sont<br />

idolâtrés dans ce sport.<br />

Mais la plupart des spectateurs sont là pour assister à la<br />

compétition hommes poids lourds, et c’est au tour de Byambajav<br />

Ulambayar, qui se place face à l’Égyptien Ramy Elgazar, vainqueur<br />

de l’US Sumo Open en 2015. Un match de sumo commence<br />

lorsque les deux adversaires posent leurs poings sur le sol<br />

du dohyō et lorsqu’ils finissent par s’affronter, l’Égyptien met le<br />

Mongol à terre puis le sort du ring. Il ne s’agit là que de la septième<br />

défaite de Byambajav Ulambayar en plus de dix ans de<br />

matches de sumo aux États-Unis.<br />

Le tournoi du nouveau venu Jose Galindo semble promis<br />

à une fin abrupte alors qu’il se positionne face à Kelly Gneiting,<br />

mais contre toute attente, le vétéran se retrouve soudain hors du<br />

ring. Jose Galindo savoure sa victoire. Un résultat exceptionnel<br />

pour celui qui avoue ne s’être entraîné que quelques semaines.<br />

L’adversaire suivant de Jose Galindo est Hiroki Sumi. Ils se<br />

cherchent pendant un moment, puis Sumi s’effondre. L’arbitre,<br />

persuadé que le pied gauche de l’Américain est sorti du ring en<br />

premier, déclare le lutteur japonais vainqueur. Mais la foule<br />

siffle. La vidéo est consultée et le panel de juges officiels se prononce.<br />

Galindo remporte le match : il bat ainsi son deuxième<br />

champion du monde en deux matches. Alors que Hiroki Sumi<br />

s’assied sereinement, le vainqueur soulève la foule d’un geste.<br />

« J’ai été à des Super Bowls et des finales de la NBA, mais c’est<br />

encore plus génial ! », s’écrie un spectateur.<br />

Enfin, après l’élimination de tous les favoris, Jose se retrouve<br />

face à Oleksandr Veresiuk en finale, mais il tombe sous les<br />

assauts de l’Ukrainien. « Gagner contre Hiroki Sumi, c’était fantastique.<br />

Je ne pensais pas en être capable… J’espérais juste le<br />

fatiguer un peu. » Avec une confiance boostée, Jose Galindo<br />

veut continuer la compétition de sumo. Au point de devenir le<br />

meilleur lutteur américain depuis Kelly Gneiting.<br />

Les compétitions de la journée touchent à leur fin. Les Ukrainiens<br />

ont gagné dans chaque catégorie, hommes et femmes<br />

confondus, à l’exception de la catégorie poids moyens, pour<br />

laquelle Takeshi Amitani a représenté haut les couleurs de son<br />

pays, le berceau du sumo. De tels résultats ne sont plus rares,<br />

mais Takeshi Amitani semble n’éprouver aucune rancœur visà-vis<br />

de ces usurpateurs étrangers, car selon lui, le développement<br />

de la popularité du sumo est très positif. « Je pense que<br />

c’est une bonne chose, dit-il. Le sumo est d’une grande simplicité<br />

et beaucoup de gens peuvent le pratiquer pour s’amuser. Pour<br />

les Japonais, peu importe la nationalité du vainqueur. »<br />

usasumo.com<br />

80 THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN<br />

Le prochain numéro le 31 octobre avec et le 7 novembre avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement<br />

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guide<br />

au programme<br />

LA CARTE SIMS<br />

Dans le monde virtuel<br />

de ce jeu pionnier, vous<br />

serez bien plus dans le<br />

réel que dans le réel…<br />

PAGE 88<br />

NATURELLEMENT<br />

Erwan est « le plus en<br />

forme du monde », et il<br />

base son fitness sur les<br />

mouvements naturels.<br />

PAGE 90<br />

CLICHÉ DU MOIS<br />

Quand le pilote VTT<br />

Kilian Bron, poursuivi<br />

par un drone, prend<br />

son envol à son tour.<br />

PAGE 98<br />

THOMAS WIELECKI<br />

RALLIEZ LE RALLYE<br />

La dernière étape du WRC<br />

se déroule en Australie en<br />

novembre. Notre reporter<br />

est allé mordre le gravier<br />

et prendre des sensations<br />

« façon rallye ». À vous ?<br />

PAGE 84<br />

THE RED BULLETIN 83


G U I D E<br />

Faire.<br />

Andreas Mikkelsen a perdu du temps en Australie en 2018 après avoir évité un tracteur perdu sur la piste.<br />

FINALE DU WRC<br />

DEVENEZ UN<br />

MORDU DE RALLYE<br />

L’Australie est la Mecque des fans de rallye. Notre rédacteur<br />

en chef musique, Flo Obkircher, s’y est pointé, en<br />

quête de la piste off-road parfaite, et de sensations fortes.<br />

Les oiseaux pépient, les insectes<br />

bourdonnent, le vent<br />

souffle dans les arbres. Le<br />

calme d’un matin parfait. Le long<br />

de la Rhones Creek Road, une<br />

route de gravier qui traverse des<br />

pentes verdoyantes, une douzaine<br />

de lève-tôt s’assoient dans des<br />

chaises de camping. Quand un<br />

grondement sourd nous parvient<br />

au loin, ils bondissent puis courent<br />

vers la piste et s’installent avec<br />

leurs caméras et leurs smartphones.<br />

Le grondement s’amplifie<br />

et devient rugissement. Une voiture<br />

file entre les arbres après le<br />

Covoicourage : avec le pilote pro Brendan Reeves, Flo est violet.<br />

84 THE RED BULLETIN


voyage<br />

NOS RECOS VOYAGE<br />

LE GOÛT DE LA<br />

POUSSIÈRE<br />

Les pilotes parcourent 325 kilomètres<br />

en 25 étapes, répartis sur quatre jours :<br />

où prendre les meilleures photos et<br />

comment vibrer à l’unisson avec le rallye.<br />

Eastern Dorrigo Way : la route de gravier parfaite pour un ressenti rallye.<br />

Australie<br />

Coffs Harbour<br />

Canberra<br />

Sydney<br />

Le rallye a lieu durant le printemps australien, soit<br />

des journées chaudes et ensoleillées (autour de<br />

25 °C) et des soirées fraîches mais agréables.<br />

THOMAS WIELECKI<br />

Trop de poussière ? Les spectateurs en mangent pour être au plus près de l’action.<br />

virage. 160 km/h, 380 chevaux.<br />

Les cailloux volent. La voiture dérape<br />

sur la ligne droite. De longues<br />

secondes… Ensuite, tout devient<br />

brun. De la poussière dans les<br />

yeux, dans le nez, dans la bouche.<br />

Le nuage dense que Thierry Neuville<br />

a créé avec sa Hyundai i20<br />

Coupé WRC subsiste dix secondes.<br />

Tandis qu’il se dissipe, le pilote de<br />

rallye belge a disparu depuis longtemps<br />

vers la colline suivante.<br />

Le Rallye d’Australie disputé en<br />

novembre est un moment fort du<br />

calendrier du World Rally Championship<br />

(WRC), et le nouveau<br />

champion sera couronné ici (c’est<br />

la dernière course de la saison).<br />

Le paysage dans lequel baigne la<br />

ville portuaire de Coffs Harbour<br />

« Vérifiez toujours<br />

les sous-bois.<br />

Ici, les serpents ne<br />

sont jamais loin ! »<br />

sur la côte orientale australienne<br />

est à la fois grandiose et dangereux<br />

(le pilote Toyota Kris Meeke :<br />

« Pendant les pauses pipi, j’examine<br />

toujours les sous-bois, les<br />

serpents ici ne sont jamais loin »).<br />

Les pistes en gravier dans la forêt<br />

tropicale et l’arrière-pays sont parmi<br />

les plus rapides du monde.<br />

Le spectacle des pros du rallye<br />

sur des routes non pavées vu de<br />

POINTS DE VUE<br />

Les meilleurs endroits le long du parcours, pour regarder<br />

les voitures foncer le plus près possible<br />

FLOODED GUMS<br />

Caché au fin fond de la forêt de Wedding Bells, vous pouvez<br />

faire l’expérience des voitures filant à toute vitesse.<br />

SIMPSONS RIDGE<br />

Ici, les voitures passent deux fois. Idéal pour les familles<br />

grâce aux stands restaurants et aux toilettes mobiles.<br />

BLUEBERRY POINT<br />

Deux points d’observation au même endroit : quand les<br />

bagnoles vrombissent en haut et en bas de la colline.<br />

APERÇU<br />

Comment les fans du WRC à Coffs Harbour peuvent groover<br />

AUSTRALIAN RALLY MUSEUM<br />

Cette exposition présente des souvenirs provenant des six<br />

décennies du Rallye d’Australie, sélectionnés par le fondateur<br />

et l’encyclopédie vivante du rallye, Trevor Shelton.<br />

RALEIGH INTERNATIONAL RACEWAY<br />

Pendant le Rallye d’Australie, le parcours situé à 15 minutes<br />

au sud de Coffs Harbour est utilisé par des pros. En dehors du<br />

rallye, vous pouvez le louer pour des séances de drift.<br />

THE RED BULLETIN 85


G U I D E<br />

Faire.<br />

voyage<br />

BOUCLEZ-LA !<br />

RÉVEILLEZ LE PILOTE<br />

QUI EST EN VOUS<br />

Vous avez envie de conduire votre voiture<br />

hors des sentiers battus ? Vous apprendrez<br />

ici à drifter et à la transformer en voiture<br />

de course.<br />

LE DRIFT EN TOUTE SIMPLICITÉ<br />

PRENEZ CHAQUE VIRAGE COMME UN PRO DU RALLYE<br />

3<br />

2<br />

Rapide/furieux : Hayden Paddon, de Nouvelle-Zélande, a terminé deuxième en 2018.<br />

1<br />

Engagez-vous en douceur<br />

dans le virage à l’aide d’un<br />

subtil coup de gaz et mettez<br />

l’arrière de la voiture en<br />

mouvement.<br />

2<br />

Contrebraquez rapidement.<br />

Le frein moteur allège l’arrière<br />

au point qu’il se libère.<br />

4<br />

PLEINS GAZ<br />

Préparer sa voiture pour la course : trois conseils de<br />

l’équipe de développement australienne de Hyundai<br />

1. PNEUS<br />

Andrew Tuitahi : « Aux amateurs, je recommande les<br />

pneus R-Compound ou les Semi-Slicks. Malaisés sur<br />

route mouillée, ils offrent des performances optimales<br />

dans des conditions sèches et durent sans surchauffe. »<br />

2. PLAQUETTES DE <strong>FR</strong>EIN<br />

Jeff Fear : « Misez sur de meilleures plaquettes de frein<br />

au lieu d’investir dans de nouveaux freins. Je recommande<br />

le fabricant japonais Winmax. Avec ce modèle,<br />

plus la température est élevée, mieux c’est. »<br />

3. FORMATION CONTINUE<br />

Tim Rodgers : « Vous voulez de nouvelles suspensions ?<br />

Les bons modèles coûtent très cher… Ne jetez pas votre<br />

argent par la fenêtre pour des améliorations bon marché.<br />

Poursuivez votre formation, soyez copilote d’un pro. »<br />

1<br />

3<br />

Dirigez maintenant avec<br />

l’accélérateur. Mais attention<br />

: trop d’accélérateur et<br />

l’arrière dérape trop loin.<br />

4<br />

Réduisez maintenant les<br />

gaz pour rattraper l’arrière<br />

à nouveau et reprenez<br />

lentement.<br />

près est spectaculaire : le picotement<br />

des nerfs quand les voitures<br />

foncent vers vous ; l’onde de choc<br />

quand elles passent à deux<br />

mètres ; les éclaboussures de boue<br />

à hauteur d’homme quand elles<br />

passent en trombe dans les<br />

flaques. Il est facile de trouver des<br />

emplacements tout près de l’action<br />

(voir page précédente), même si<br />

tous ne sont pas faciles d’accès.<br />

Par conséquent, si vous voulez<br />

être vraiment bien placé, vous<br />

pourrez réservez un Spectator-Tour<br />

(par exemple via rallysportmag.com),<br />

ou demander<br />

aux gars du coin.<br />

Quels sont les effets après trois<br />

jours de spectacle ? Vous êtes bien<br />

sûr accro, et vous voulez faire du<br />

rallye vous-même. Bonne nouvelle<br />

: à trois quarts d’heure à<br />

l’ouest de Coffs Harbour se trouve<br />

une route de gravier de douze kilomètres<br />

sur laquelle vous pouvez<br />

tester vos aptitudes automobiles.<br />

En 2011, la piste montagneuse de<br />

la forêt tropicale entre Eastern<br />

Dorrigo Way et Coramba Road faisait<br />

partie de la quatrième étape<br />

du Rallye d’Australie que le Norvégien<br />

Petter Solberg avait alors<br />

remporté dans sa Citroën.<br />

Le bon tuyau vient d’un type<br />

plutôt crédible : Philip Rodgers,<br />

ancien participant au Rallye Asie-<br />

Pacifique et désormais expert en<br />

réglages de suspension avec<br />

l’équipe Hyundai. « En Australie,<br />

la conduite sur gravier fait partie<br />

de la vie quotidienne, 58 % de nos<br />

routes ne sont pas pavées, dit-il.<br />

C’est comme le ski : ça ne devient<br />

vraiment amusant que lorsque<br />

vous dérapez un peu et que vous<br />

êtes emporté, sans toutefois perdre<br />

le contrôle. » Avant de se lancer,<br />

il est essentiel d’évaluer la surface<br />

(la terre rouge est extrêmement<br />

glissante) et d’avoir une vision suffisamment<br />

globale (les plus grands<br />

dangers : les nids-de-poule, les<br />

grosses pierres et les kangourous).<br />

Et le truc avec lequel les pros<br />

rattrapent le temps perdu sur ces<br />

pistes, c’est quoi ? Ils déstabilisent<br />

leur voiture et font déraper l’arrière<br />

afin que l’avant pointe vers<br />

la ligne droite avant même que le<br />

virage ne soit terminé. Ils peuvent<br />

donc accélérer plus rapidement.<br />

Pilotes amateurs, soyez prudents,<br />

prévient Rodgers. « Ne faites pas<br />

les fous sur cette route publique,<br />

mais vous pourrez ressentir des<br />

sensations proches de celles des<br />

pros du rallye sur gravier. »<br />

Rallye d’Australie, 14-17 novembre,<br />

Coffs Harbour, Nouvelle-Galles du Sud.<br />

Tickets : rallyaustralia.com.au<br />

THOMAS WIELECKI FLORIAN OBKIRCHER<br />

86 THE RED BULLETIN


DE DÉLICIEUX FILETS DE POULET<br />

PANÉS ET <strong>FR</strong>IT-MAISON AVEC AMOUR<br />

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G U I D E<br />

Faire.<br />

gaming<br />

LES SIMS<br />

SAIN ET SIM<br />

Pour ses adeptes, Les Sims est plus qu’un jeu vidéo, c’est un<br />

espace de libération mentale qui apporte du réconfort IRL.<br />

A<br />

vec Les Sims 4, vous pouvez<br />

essayer toutes les vies que<br />

vous voulez en attribuant<br />

à votre personnage des traits et<br />

des singularités qui n’existent<br />

dans aucun autre jeu. Pour ce jeu,<br />

Will Wright, le concepteur des<br />

Sims et co-fondateur de la société<br />

de jeux Maxis, s’est basé sur la<br />

hiérarchie des besoins établie par<br />

le psychologue Abraham Maslow.<br />

À savoir qu’emmener votre personnage<br />

dans une galerie d’art ne<br />

le rendra pas heureux s’il n’a pas<br />

mangé depuis deux jours. Qui<br />

plus est, Wright s’est aperçu que<br />

les gens utilisaient son jeu comme<br />

un espace sécurisant pour rejouer<br />

des expériences passées ou explorer<br />

des scénarios de la vie réelle<br />

qui semblent tabous ou irréalisables.<br />

Le quotient émotionnel de<br />

Wright s’avère plus élevé que celui<br />

de la plupart des tech bros, ce qui<br />

a permis aux Sims de se bâtir une<br />

réputation de lieu inclusif où les<br />

joueurs entrent dans la peau de<br />

différents personnages, sans être<br />

confrontés à des commentaires<br />

humiliants ni dépréciatifs.<br />

FICHE<br />

EXPERT<br />

WILL<br />

RIGHT<br />

LE CRÉATEUR<br />

Le succès remporté<br />

par la série des Sims a<br />

donné raison à Wright<br />

face à ses détracteurs<br />

qui se moquaient de<br />

son jeu en le qualifiant<br />

de « maison de poupées<br />

interactive ». La<br />

dernière version, Les<br />

Sims 4, a été le jeu PC<br />

le plus vendu au monde<br />

en 2014 et 2015.<br />

Les joueurs peuvent explorer leur<br />

propre identité grâce aux Sims.<br />

DE A À B<br />

Les personnages des<br />

Sims vivent ou meurent<br />

selon les décisions des<br />

joueurs mais, parce que<br />

l’on ne « perd » pas vraiment,<br />

ils sont plus enclins<br />

à essayer de nouvelles<br />

approches, à procéder<br />

à une sorte de test A/B<br />

tout au long du jeu.<br />

Comme Les Sims est<br />

codé en fonction des<br />

connaissances psychologiques<br />

du monde réel, le<br />

jeu peut aussi donner<br />

confiance à ses joueurs<br />

dans la vraie vie. Prenons<br />

l’expérience de Bianca,<br />

@BeeSimsFanatic : « Les<br />

Sims est un réconfort<br />

pour moi. Chaque fois<br />

que je me sens triste, je<br />

joue un peu aux Sims.<br />

Je crée une Sim qui me<br />

ressemble, je m’occupe<br />

d’elle et mène une vie<br />

qui me rend heureuse.<br />

Ça m’aide beaucoup. »<br />

UNIVERS DIVERSIFIÉ<br />

Les jeux vidéo sont<br />

souvent normatifs : les<br />

seules options sont celles<br />

prédéfinies par les<br />

concepteurs. Mais Les<br />

Sims permet aux joueurs<br />

de s’exprimer librement.<br />

@blazdndc 0nfusd :<br />

« Quand Les Sims ont<br />

offert l’option de choisir<br />

ses tenues, je portais des<br />

vêtements androgynes<br />

IRL. Je suis une femme<br />

et je suis queer, et la possibilité<br />

de créer un avatar<br />

qui me ressemblait était<br />

très valorisant. »<br />

ÉVASION CRÉATIVE<br />

Les joueurs des Sims<br />

créent des personnages<br />

et construisent des lieux<br />

de vie pour eux, ce qui a<br />

favorisé l’éclosion de<br />

diverses communautés,<br />

dont une sur l’architecture<br />

d’intérieur. @Nels-<br />

Builds affirme que le jeu<br />

l’a même aidée à approfondir<br />

les liens avec sa<br />

famille. « Les Sims a été<br />

mon exutoire créatif pendant<br />

presque vingt ans.<br />

Ça m’a aidée à me rapprocher<br />

de mon père<br />

architecte, et à partager<br />

mes histoires avec ma<br />

mère avant sa mort. Le<br />

jeu m’inspire et m’aide à<br />

repousser les limites de<br />

ma créativité. C’est ma<br />

maison. »<br />

LIBÉRATION<br />

ÉMOTIONNELLE<br />

Le monde virtuel des<br />

Sims offre un espace où<br />

l’on se sent en sécurité,<br />

où l’on n’a pas peur d’être<br />

jugé, à l’instar de @enza_<br />

fiorentino : « Mes parents<br />

m’ont rejetée quand je<br />

leur ai annoncé que j’étais<br />

transsexuelle ; alors je me<br />

suis créé un avatar dans<br />

le jeu, en espérant qu’un<br />

jour, je me sentirais aussi<br />

à l’aise et bien dans ma<br />

peau IRL que dans mon<br />

personnage. Aujourd’hui,<br />

c’est le cas. »<br />

ESPACE MENTAL<br />

VIRTUEL<br />

Le jeu permet de reconfigurer<br />

des schémas de<br />

pensée négatifs et<br />

d’améliorer la santé<br />

mentale. @LucyBGaming<br />

a des antécédents de<br />

dépression épisodiques.<br />

« Je n’aime pas qu’on me<br />

touche ou qu’on me parle<br />

dans ces moments-là.<br />

Je n’arrive pas à me<br />

concentrer, je suis épuisée.<br />

Des tâches simples<br />

comme prendre une<br />

douche, m’habiller et<br />

sortir deviennent alors<br />

très difficiles. Avec Les<br />

Sims, je peux m’évader<br />

mentalement en me<br />

concentrant sur la vie<br />

pixelisée d’une autre<br />

personne. Je bâtis des<br />

maisons, je fonde une<br />

famille, je deviens un<br />

méchant… J’épuise mon<br />

cerveau et j’augmente<br />

les chances de me sentir<br />

bien au lieu de traîner<br />

et de retomber dans de<br />

mauvaises habitudes. »<br />

IMAGINATION<br />

FERTILE<br />

La vie peut à tout<br />

moment vous prendre<br />

au dépourvu et des personnes<br />

en bonne santé<br />

peuvent se retrouver aux<br />

prises avec des maladies<br />

et des handicaps. Les<br />

Sims ne se soucie pas<br />

de savoir si vous êtes<br />

capable de courir un cent<br />

mètres en dix secondes<br />

ou si vous êtes en fauteuil<br />

roulant. Seule votre<br />

imagination compte et<br />

offre de l’espoir à ceux<br />

qui souffrent. Comme<br />

@Pamtastic721 qui,<br />

après deux ans de lutte<br />

contre le cancer et une<br />

chimiothérapie, a commencé<br />

à jouer aux Sims<br />

à 47 ans. « J’avais enfin<br />

le contrôle de quelque<br />

chose. J’étais dans un<br />

monde sans cancer, un<br />

monde qui fonctionnait<br />

comme je le voulais,<br />

et c’était merveilleux.<br />

Encore aujourd’hui, c’est<br />

mon meilleur remède<br />

contre l’anxiété. » Elle<br />

est maintenant une<br />

adepte convaincue du<br />

jeu, et célébrait cinq ans<br />

de rémission en mars<br />

dernier.<br />

ELECTRONIC ARTS MATT RAY<br />

88 THE RED BULLETIN


G U I D E<br />

Faire.<br />

fitness<br />

Erwan Le Corre enseigne<br />

le fitness universel sans<br />

attirail complexe.<br />

EN FORME<br />

C’EST TOUT<br />

NATUREL<br />

Devenez un pro du<br />

MovNat grâce à ces<br />

trois exercice.<br />

MOUVEMENT NATUREL<br />

RETOUR AUX<br />

FONDAMENTAUX<br />

La vie moderne a annihilé notre capacité à nous mouvoir<br />

naturellement. Le MovNat nous aidera-t-il à la recouvrer ?<br />

La façon dont nous nous<br />

déplaçons au quotidien est<br />

contre nature, voire inhumaine,<br />

affirme Erwan Le Corre :<br />

« Nous passons des heures assis à<br />

un bureau, et notre pratique du<br />

sport est insuffisante. Pourtant, la<br />

structure de l’appareil locomoteur<br />

humain nécessite une activité<br />

physique variée et régulière sans<br />

quoi il devient malade. »<br />

Le Français a mis au point une<br />

méthode de remise en forme<br />

basée sur des mouvements qu’enfants<br />

nous répétions inlassablement<br />

: nous tenir en équilibre,<br />

sauter, grimper, ramper, courir,<br />

nager ou encore faire de l’apnée.<br />

Ces mouvements sont regroupés<br />

en fonction de leur pratique<br />

en extérieur ou en intérieur et<br />

sont combinés afin d’améliorer de<br />

manière ludique l’équilibre, la<br />

coordination, la vitesse, la puissance<br />

et la précision.<br />

Son concept MovNat prend<br />

racine dans la « Méthode Naturelle<br />

» développée par l’officier de<br />

marine français Georges Hébert<br />

autour de 1900, qui a également<br />

inspiré le Parkour.<br />

« L’objectif premier de MovNat<br />

n’est pas de booster votre vitesse<br />

ou votre forme mais de redécouvrir<br />

la structure originale des<br />

mouvements humains », explique<br />

cet innovateur de 47 ans. De là<br />

découlera ensuite tout le reste,<br />

y compris la confiance en soi.<br />

movnat.com<br />

« La pratique<br />

abondante de<br />

mouvements<br />

naturels au<br />

quotidien rend<br />

plus fort, plus<br />

sain et plus<br />

heureux. »<br />

Erwan Le Corre,<br />

fondateur du<br />

mouvement MovNat<br />

TRACTION AVEC<br />

AVANT-BRAS<br />

S’accrocher à la barre non pas<br />

avec les mains, mais en posant<br />

les avant-bras parallèle à celleci.<br />

Cela limite l’amplitude de<br />

mouvement et rend l’exercice<br />

plus efficace.<br />

POP UP<br />

Le mouvement débute comme<br />

pour la traction avec les avantbras.<br />

Mais au lieu de l’arrêter<br />

lorsque le menton atteint<br />

le niveau de la barre, continuer<br />

jusqu’à ce que le haut du corps<br />

dépasse complètement la<br />

barre de façon à pouvoir s’y<br />

appuyer.<br />

HAND SWING UP<br />

S’agripper à la barre des deux<br />

mains, passer une jambe<br />

par-dessus et maintenir l’autre<br />

aussi haut que possible<br />

au- dessus de la barre puis s’en<br />

servir comme d’un balancier<br />

pour ramener le corps audessus<br />

de la barre.<br />

Démonstration :<br />

youtube.com/user/MovNat<br />

Le dernier livre de Le Corre :<br />

<strong>The</strong> Practice of Natural<br />

Movement: Reclaim Power,<br />

Health and Freedom<br />

Men’s-Health a élu Le Corre « homme le plus en forme au monde ».<br />

JESSIKA LE CORRE FLORIAN STURM<br />

90 THE RED BULLETIN


À TOI<br />

DE DÉCIDER !<br />

<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />

12 OCTOBRE PARIS<br />

LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE<br />

BILLETS EN VENTE MAINTENANT


Faire.<br />

G U I D E<br />

3 28<br />

Le surf décolle<br />

à Hossegor.<br />

septembre / octobre<br />

septembre<br />

<strong>Red</strong> Bull Pumptrack<br />

World Championship<br />

Créé par Velosolutions et <strong>Red</strong> Bull en 2018, le<br />

championnat du monde de Pumptrack revient<br />

cette année avec vingt étapes mondiales, de la<br />

Nouvelle-Zélande aux USA, en passant par le<br />

Japon, le Chili… et la France, où l’événement pose<br />

ses bosses sur le tracé de Carpentras. Et c’est l’ensemble<br />

de la communauté cycliste qui est concerné,<br />

puisque la compétition est ouverte à tout type<br />

de vélo ! En 2017, ce sont 19 pays qui ont été visités,<br />

et 67 riders ont participé, culminant dans une finale<br />

mondiale où des champions olympiques de BMX<br />

race et des champions du monde de VTT se sont<br />

affrontés. Qui sera LE Français élu ?<br />

Piste de Carpentras ;<br />

redbull.com<br />

au 9 octobre<br />

RED BULL AIRBORNE<br />

Amateurs de surf aérien, le <strong>Red</strong> Bull Airborne va vous gâter !<br />

Fort du succès de la première édition disputée l’an passé à<br />

Hossegor, ce rendez-vous spectaculaire dédié aux aerials est<br />

devenu, en <strong>2019</strong>, un circuit à part entière avec trois étapes autour<br />

du monde : la première en Australie, la seconde à Bali et<br />

cette étape finale à Hossegor/Seignosse/Capbreton, en marge<br />

du Quiksilver Pro France. Cette année, parmi les 18 surfeurs<br />

internationaux attendus, deux Français sont conviés en mode<br />

wild card : un sortant du <strong>Red</strong> Bull Airborne qualifié, et l’autre<br />

issu d’une sélection vidéo en ligne. Décollage imminent !<br />

Hossegor, Seignosse, Capbreton ; redbull.com/airborne<br />

26 11 20<br />

octobre<br />

Snipes Battle<br />

of <strong>The</strong> Year<br />

International<br />

Le Snipes Battle of <strong>The</strong> Year<br />

International, c’est une vingtaine<br />

de qualifications dans le monde,<br />

et plus de 400 crews et 4 000 danseuses<br />

et danseurs. Pour son trentième<br />

anniversaire et sa finale<br />

mondiale à Montpellier, ce battle<br />

promet un niveau de breakdance<br />

élevé. La saveur artistique de l'événement<br />

en fera une date incontournable<br />

de la culture hip-hop.<br />

Montpellier ;<br />

battleoftheyearfrance.com<br />

au 13 octobre<br />

Music Producer<br />

Convention<br />

La Music Producer Convention<br />

est le rassemblement européen<br />

des producteurs de musique urbaine<br />

et électronique, professionnels<br />

de l’industrie, DJ et beat<br />

makers, organisé dans les locaux<br />

de l’Abbey Road Institute France.<br />

Au menu : ateliers en studio,<br />

modules business, conférences,<br />

networking… Un must pour les<br />

acteurs installés ou en devenir<br />

de la musique.<br />

Paris, Suresnes ;<br />

musicproducerconvention<br />

Des bosses<br />

pour les boss.<br />

au 29 septembre<br />

<strong>Red</strong> Bull Music<br />

Festival Paris<br />

Plusieurs jours, plusieurs lieux,<br />

plusieurs genres et expériences<br />

musicaux proposés : le <strong>Red</strong> Bull<br />

Music Festival Paris excite les foules<br />

avec une prog’ unique alliant la hit<br />

makeuse Wondagurl (en live avec<br />

une dream team de MCs francophones),<br />

des artistes metal, une<br />

nuit de live techno, ou encore<br />

James Murphy (de LCD Soundsystem)<br />

aux platines sur une sono<br />

d’exception. Très fort !<br />

Paris ;<br />

redbull.com<br />

DAMIEN POULLENOT/WSL/ RED BULL CONTENT POOL, MARKO MAGISTER/RED BULL CONTENT POOL<br />

92 THE RED BULLETIN


ATTITUDE & SIX STEP présentent<br />

BATTLE OF THE YEAR<br />

BOTYOFFICIAL<br />

26 OCT. <strong>2019</strong> MONTPELLIER<br />

BREAKING WORLD FINALS<br />

BATTLES 1VS1 BBOYS & BGIRLS / BATTLE BOTY KIDS<br />

WORKSHOPS + LABORATOIRES DE CRÉATION / SOIRÉES HIP HOP EN CRÉATION<br />

RENCONTRES PROFESSIONNELLES RÉSEAU HIP HOP BOTY INTERNATIONAL / FESTIVAL RAP ÉMERGENCY<br />

WWW.BATTLEOFTHEYEAR.NET


G U I D E<br />

Voir.<br />

septembre/octobre<br />

Shane McElrath (g.)<br />

a remporté la compétition<br />

en 2018.<br />

VITESSE,<br />

ENVOL ET<br />

DEXTÉRITÉ<br />

Une bonne vieille ligne<br />

droite en motocross aux<br />

USA, du surf aérien audessus<br />

des vagues du Sud-<br />

Ouest et la fièvre du drift<br />

qui s’empare de l’Irlande…<br />

Juste un aperçu de ce qui<br />

vous attend ce mois-ci.<br />

REGARDEZ<br />

RED BULL TV<br />

PARTOUT<br />

<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />

télévision connectée : où que<br />

vous soyez dans le monde,<br />

vous pouvez avoir accès aux<br />

programmes, en direct ou en<br />

différé. Le plein de contenus<br />

originaux, forts et créatifs.<br />

Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />

5<br />

octobre LIVE<br />

RED BULL<br />

STRAIGHT RHYTHM<br />

La sixième édition de cette course d’inspiration rétro revient<br />

sur la piste de Fairplex à Pomona, en Californie. Deux pilotes<br />

en parallèle sur des motos deux temps old-school se défient<br />

sur une piste d’un demi mile, en mode « meilleur des trois<br />

runs », tout droit, avec des enchaînements type supercross.<br />

Le premier au bout l’emporte. Un must annuel !<br />

3octobre LIVE<br />

RED BULL<br />

AIRBORNE <strong>FR</strong>ANCE<br />

Le <strong>Red</strong> Bull Airborne se voit clôturé sur les vagues<br />

d’Hossegor : il conviendra de ne pas louper ses grands<br />

moments de surf aérien, ni le couronnement du boss<br />

de cette série mondiale en trois étapes.<br />

21<br />

au 22 septembre LIVE<br />

DRIFT MASTERS IRELAND<br />

Le plus grand site de sports mécaniques d’Irlande<br />

reçoit la finale du Drift Masters European Championship<br />

<strong>2019</strong>. Avec les Irlandais en patron du drift pro<br />

ces dernières années, est-ce qu’un autre pays sera<br />

capable de mettre un terme à leur seize ans de règne ?<br />

CHRIS TEDESCO/RED BULL CONTENT POOL, RYAN MILLER/RED BULL CONTENT POOL, JORDAN BUTTERS/DMEC/RED BULL CONTENT POOL<br />

94 THE RED BULLETIN


ALPHATAURI.COM


THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans sept<br />

pays. Vous voyez ici la<br />

couverture de l’édition<br />

américaine, dédiée au<br />

basketteur des Lakers,<br />

Anthony Davis.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

MENTIONS LÉGALES<br />

Rédacteur en chef<br />

Alexander Macheck<br />

Rédacteurs en chef adjoints<br />

Andreas Rottenschlager<br />

Directeur créatif<br />

Erik Turek<br />

Directeurs artistiques<br />

Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />

Miles English, Tara Thompson<br />

Directeur photos<br />

Fritz Schuster<br />

Directeurs photos adjoints<br />

Marion Batty, Rudi Übelhör<br />

Responsable de la production<br />

Marion Lukas-Wildmann<br />

Managing Editor<br />

Ulrich Corazza<br />

Maquette<br />

Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />

Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />

Booking photos<br />

Susie Forman, Ellen Haas,<br />

Eva Kerschbaum, Tahira Mirza<br />

Directeur commercial & Publishing Management<br />

Stefan Ebner<br />

Publishing Management<br />

Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard<br />

Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger<br />

Marketing B2B & Communication<br />

Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif<br />

Directeur créatif global<br />

Markus Kietreiber<br />

Co- Publishing<br />

Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.),<br />

Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael<br />

Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer,<br />

Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />

Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart<br />

Maquette commerciale<br />

Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer,<br />

Martina Maier, Florian Solly<br />

Emplacements publicitaires<br />

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />

Production<br />

Walter O. Sádaba, Friedrich Indich,<br />

Sabine Wessig<br />

Lithographie<br />

Clemens Ragotzky (Dir.),<br />

Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />

Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />

Fabrication<br />

Veronika Felder<br />

Opérations<br />

Michael Thaler (MIT), Alexander Peham,<br />

Yvonne Tremmel (Office Management)<br />

Abonnements et distribution<br />

Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger<br />

(Distribution), Nicole Glaser (Distribution),<br />

Yoldaş Yarar (Abonnements)<br />

Siège de la rédaction<br />

Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche<br />

Téléphone +43 (0)1 90221-28800,<br />

Fax +43 (0)1 90221-28809<br />

Web redbulletin.com<br />

Direction générale<br />

<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />

Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />

5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />

Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />

Directeur de la publication<br />

Andreas Kornhofer<br />

Directeurs généraux<br />

Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier,<br />

Dietmar Otti, Christopher Reindl<br />

THE RED BULLETIN<br />

France, ISSN 2225-4722<br />

Country Editor<br />

Pierre-Henri Camy<br />

Country Coordinator<br />

Christine Vitel<br />

Country Project Management<br />

Alessandra Ballabeni,<br />

alessandra.ballabeni@redbull.com<br />

Contributions,<br />

traductions, révision<br />

Lucie Donzé, Frédéric & Susanne<br />

Fortas, Suzanne Kříženecký,<br />

Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />

Gwendolyn de Vries<br />

Abonnements<br />

Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />

getredbulletin.com<br />

Siège de la rédaction<br />

29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />

+33 (0)1 40 13 57 00<br />

Impression<br />

Prinovis Ltd. & Co. KG,<br />

90471 Nuremberg<br />

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PROFIL<br />

134 bis rue du Point du jour<br />

92100 Boulogne<br />

+33 (0)1 46 94 84 24<br />

Thierry Rémond,<br />

tremond@profil-1830.com<br />

Elisabeth Sirand-Girouard,<br />

egirouard@profil-1830.com<br />

Edouard Fourès<br />

efoures@profil-1830.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Allemagne, ISSN 2079-4258<br />

Country Editor<br />

David Mayer<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Natascha Djodat<br />

Publicité<br />

Matej Anusic,<br />

matej.anusic@redbull.com<br />

Thomas Keihl,<br />

thomas.keihl@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Autriche, ISSN 1995-8838<br />

Country Editor<br />

Christian Eberle-Abasolo<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Publishing Management<br />

Bernhard Schmied<br />

Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />

Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />

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anzeigen@at.redbulletin.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Mexique, ISSN 2308-5924<br />

Country Editor<br />

Luis Alejandro Serrano<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Marco Payán<br />

Relecture<br />

Alma Rosa Guerrero<br />

Country Project Management<br />

Giovana Mollona<br />

Publicité<br />

Alfredo Quinones,<br />

alfredo.quinones@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

Country Editor<br />

Tom Guise<br />

Rédacteur associé<br />

Lou Boyd<br />

Rédacteur musical<br />

Florian Obkircher<br />

Directeur Secrétariat de rédaction<br />

Davydd Chong<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Nick Mee<br />

Publishing Manager<br />

Ollie Stretton<br />

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Mark Bishop,<br />

mark.bishop@redbull.com<br />

Fabienne Peters,<br />

fabienne.peters@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Suisse, ISSN 2308-5886<br />

Country Editor<br />

Arek Piatek, Nina Treml<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Meike Koch<br />

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Marcel Bannwart (D-CH),<br />

marcel.bannwart@redbull.com<br />

Christian Bürgi (W-CH),<br />

christian.buergi@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN USA,<br />

ISSN 2308-586X<br />

Rédacteur en chef<br />

Peter Flax<br />

Rédactrice adjointe<br />

Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

Directrice de publication<br />

Cheryl Angelheart<br />

Publicité<br />

Todd Peters, todd.peters@redbull.com<br />

Dave Szych, dave.szych@redbull.com<br />

Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


11 12 OCT <strong>2019</strong><br />

ROUBAIX - LILLE<br />

BEN KLOCK ELLEN ALLIEN<br />

FUR COAT LAURENT GARNIER<br />

LEHAR B2B MUSUMECI LEN FAKI<br />

MACEO PLEX MODESELEKTOR LIVE<br />

RECONDITE B2B MARCUS WORGULL<br />

RØDHÅD SOLOMUN...<br />

APM001 BLAC COEUS DAVID ASKO<br />

HAP KADOSH LEXX MAINRO<br />

PÉO WATSON SANTIAGO GARCIA...<br />

BILLETS EN EXCLUSIVITÉ<br />

SUR SHOTGUN


Pour finir en beauté<br />

Kilian airlines<br />

À La Clusaz, Kilian Bron est chez lui, et sa piste de décollage est nommée « La Trace ».<br />

C’est ici qu’a été réalisée sa vidéo Follow Me, filmée au plus près de ce rider VTT par le<br />

drone d’un autre Français, TomZ. Kilian y assure un road gap de toute beauté, saisi<br />

pour vous par le photographe Dom Daher. À voir sur Instagram : @redbullfrance<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

n° 93 disponible<br />

dès le 31 octobre<br />

<strong>2019</strong><br />

DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL<br />

98 THE RED BULLETIN

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