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Sylvia Cagninacci<br />
Jean-André Bertozzi<br />
<strong>Palais</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>mémoire</strong><br />
Palazzi d’Americani di u Capicorsu<br />
è di Balagna
Textes<br />
Sylvia Cagninacci<br />
Photographies<br />
Jean-André Bertozzi<br />
<strong>Palais</strong> <strong>de</strong> <strong>mémoire</strong><br />
Pallazzi di u Capicorsu è di Balagna
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Le Cap Corse,<br />
l’île dans l’île<br />
Introduction<br />
Les habitants du Cap Corse ont toujours été tournés vers la mer. Dès 1530, les ports <strong>de</strong> Centuri<br />
et Macinaghju ont donné naissance à un milieu extrêmement entreprenant d’armateurs et <strong>de</strong><br />
négociants, qui ont développé entre la Corse et le Maghreb, via Marseille, Gênes et Livourne, le<br />
commerce d’épices et d’étoffes en provenance d’Orient en échange <strong>de</strong> produits finis, <strong>de</strong> poudre<br />
et <strong>de</strong> munitions.<br />
Tomasino Lenche (1510-1568), natif <strong>de</strong> Morsiglia, est le plus illustre exemple<br />
<strong>de</strong> ces marins. Armateur, négociant, appui politique d’Henri II et <strong>de</strong> Catherine<br />
<strong>de</strong> Médicis dans la guerre en Méditerranée contre les Habsbourg, il s’enrichit<br />
considérablement. Ayant ravi aux Génois le monopole <strong>de</strong> la pêche du corail, il<br />
créa en 1552 la Magnifique Compagnie du Corail qu’il dirigea jusqu’à sa mort.<br />
Une <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s places <strong>de</strong> Marseille porte aujourd’hui son nom.<br />
C’est dès le XVI e siècle aussi que les marins capcorsins traversent l’Atlantique<br />
pour se rendre aux « In<strong>de</strong>s » où ils font fortune. Ils vont au Mexique, en Bolivie, en Colombie où<br />
ils gravitent autour <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s exploitations <strong>de</strong> minerai d’argent <strong>de</strong> Zacatecas ou Potosí.<br />
Après une accalmie au XVII e siècle, l’émigration connaît un nouvel apogée au XIX e siècle, surtout<br />
dans sa secon<strong>de</strong> moitié, en raison <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux phénomènes conjugués : alors que le Cap Corse<br />
doit faire face à une forte croissance démographique, les vignes sont décimées par l’oïdium.<br />
À Porto Rico, en 1900, on dénombre déjà plus <strong>de</strong> mille trois cents Corses.<br />
L’émigration concerne toutes les classes <strong>de</strong> la société. Elle offre aux pauvres l’opportunité <strong>de</strong><br />
faire fortune et aux plus riches la possibilité d’échapper à une vie pastorale qu’ils jugent étriquée.<br />
Tous partent rejoindre un cousin, le cousin d’un cousin. Les premiers arrivés sollicitent l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
leurs frères pour développer leur commerce ou leur exploitation.<br />
À la différence <strong>de</strong> leurs prédécesseurs, beaucoup <strong>de</strong> Corses partis au XIX e siècle s’établissent en<br />
terre étrangère. Quelques-uns y assoient leur notoriété, comme Antoine Semi<strong>de</strong>i, élu maire<br />
<strong>de</strong> Salinas en Californie (1843) et Toussaint Gaspari, <strong>de</strong>venu gouverneur <strong>de</strong> Ciudad Bolívar au<br />
Venezuela (1858). La <strong>de</strong>uxième génération grimpe parfois les échelons politiques avec succès.<br />
Parmi les plus célèbres, citons Eduardo Giorgetti, vice-prési<strong>de</strong>nt du Sénat <strong>de</strong> Puerto Rico (1917),<br />
et Raul Leoni, prési<strong>de</strong>nt du Venezuela (1964-1969).<br />
Mais ils sont aussi nombreux à revenir sur le sol natal, prouvant leur attachement indéfectible<br />
à leur famille. Ce sont essentiellement eux, les aventuriers du XIX e siècle, qui construisent les<br />
magnifiques maisons qui ponctuent le Cap Corse et lui donnent sa singularité. Elles surplombent<br />
les marines du bord <strong>de</strong> mer, plus connues aujourd’hui que les villages <strong>de</strong>s hauteurs auxquels<br />
elles sont rattachées et où résidait alors la majorité <strong>de</strong> la population.
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