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FRANCE<br />
SEPTEMBRE <strong>2019</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec<br />
« Sous nos<br />
casques, nous<br />
sommes juste<br />
des pilotes »<br />
Shayna Texter est un<br />
phénomène en Flat Track,<br />
le reste est secondaire...
ÉDITORIAL<br />
L’IMPORTANT,<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
C’EST LE RESTE<br />
Dans et hors de la course, sa ténacité et sa détermination<br />
font sensation. Le pilote à l’honneur ce<br />
mois-ci est un phénomène du Flat Track – des<br />
courses de moto disputées sur un circuit ovale,<br />
à fond la caisse, jambe gauche sortie dans les<br />
virages. Un coup de frais pour une discipline qui<br />
a bénéficié d’un regain de notoriété ces dernières<br />
années. Shayna Texter page 22, notre pilote en question,<br />
y est l’une des deux seules femmes présentes<br />
à haut niveau. Dans son histoire, l’important n’est<br />
pas cela, mais tout le reste.<br />
Chez WondaGurl, là encore, l’essentiel n’est pas<br />
que la Canadienne soit l’une des rares femmes<br />
productrices dans le rap game, mais bien que ses<br />
instrumentaux déchirent. Jay-Z ou Rihanna lui<br />
doivent certains de leurs succès et dans les hautes<br />
sphères des charts où ils évoluent, l’important,<br />
ce n’est pas le genre, mais le talent et le travail.<br />
Lisez plus !<br />
Votre Rédaction<br />
Le succès de Shayna Texter, pilote de moto Flat Track<br />
pro, est le dernier chapitre d’une saga qui inclut son<br />
grand-père, Glenn Fitzcharles, légende du Sprint Car.<br />
ANTOINE<br />
CARBONNAUX<br />
Apprécié des milieux culturels<br />
branchés et rédacteur en chef<br />
de <strong>Red</strong> Bull Music France<br />
depuis 2015, Antoine Carbonnaux<br />
explore et documente les<br />
coulisses de la création musicale.<br />
Dans ce numéro, il est allé<br />
à la rencontre de la Canadienne<br />
dont toutes les stars du hiphop<br />
US s’arrachent les services<br />
: WondaGurl. C’est en clôture<br />
de sa résidence de création<br />
aux <strong>Red</strong> Bull Studios Paris<br />
qu’Antoine a rencontré cette<br />
« force tranquille ». Page 42<br />
GLORIA<br />
LIU<br />
« Texter m’a bluffée, tant elle<br />
s’acharne dans un milieu<br />
dominé par les hommes, qui<br />
plus est une discipline sportive<br />
: la moto, dit la journaliste,<br />
récemment relocalisée à Santa<br />
Fe pour intégrer la rédaction<br />
d’Outside. Elle pense qu’elle<br />
peut affronter et battre<br />
n’importe qui, sincèrement.<br />
En la fréquentant, je me suis<br />
demandé si je pourrais adopter<br />
le même état d’esprit. Elle<br />
m’a inspirée et fait changer<br />
de philosophie. » Page 22<br />
LAURA BARISONZI (COUVERTURE)<br />
4 THE RED BULLETIN
SOMMAIRE<br />
septembre <strong>2019</strong><br />
64<br />
Y a-t-il un capitaine de soirée dans la teuf ? Plongée à l’ancienne dans les premières raves anglaises.<br />
78 Le festival Nyege Nyege, raison<br />
suprême de bouger en Ouganda<br />
82 Avec la méthode Isele, c’est<br />
pieds sur terre et yeux fermés<br />
que le grimpeur se prépare<br />
84 Ce Minecraft en réalité virtuelle<br />
pour smartphones contribue au<br />
réel de manière intelligente<br />
85 Plein écran : faites vos courses<br />
sur <strong>Red</strong> Bull TV, sans bouger<br />
86 Brocante géante, FMX de haut<br />
vol, électro et course sur le mont<br />
Blanc : l’agenda sans équivalent<br />
88 Sape : abordez l’hiver sereinement<br />
avec une sélection des<br />
meilleures vestes disponibles<br />
sur Terre<br />
98 Un cliché fou du <strong>Red</strong> Bull Jour<br />
d’Envol qui a fait monter la<br />
température à Lyon le 30 juin<br />
8 Moto, surf ou skate, trois photos<br />
sur lesquelles passer des heures<br />
14 Avec ses personnages mythiques,<br />
Stan Lee a installé le concept de<br />
superhéros dans notre quotidien<br />
16 Se mettre en condition pour la vie<br />
sur Mars ? On file en Chine<br />
18 L’idée, en achetant cette moto,<br />
c’est de ne plus jamais en acheter<br />
d’autre… La Zeus de chez Curtiss<br />
Motorcycles est un rêve électrique<br />
aux prétentions durables<br />
20 Pour trouver des vinyles, Vincent<br />
Privat ne lâche rien, quitte à vider<br />
un entrepôt deux jours durant<br />
22 Au bout de l’ovale<br />
Grâce à Shayna Texter, star<br />
dans sa discipline, le Flat Track<br />
ne tourne pas en rond<br />
34 Retour au Vietnam<br />
Pour un saut rare en wingsuit<br />
42 La force tranquille<br />
Vous dansiez sur ses sons sans<br />
la connaître : présentations !<br />
50 Le club de Mikey<br />
Dans la sphère de Mikey Alfred,<br />
jeune ricain créatif et connecté<br />
qui excite la scène urbaine US<br />
54 Marins, after all<br />
L’élite française de la voile se<br />
frotte au SailGP… et apprend<br />
64 Objectif R.A.V.E<br />
Un photographe au cœur du<br />
Second Summer of Love<br />
70 Planches de salut<br />
Ce que le surf peut apporter aux<br />
Jamaïcaines en difficulté<br />
42<br />
WondaGurl : d’un<br />
naturel plutôt posé,<br />
cette jeune femme<br />
bâtit des sons hiphop<br />
à tout casser.<br />
DAVE SWINDELLS, ARARSA KITABA, BERNARD LE BARS<br />
6 THE RED BULLETIN
54<br />
Quand le boss de<br />
l’America’s Cup<br />
lance un nouveau<br />
concept, le SailGP,<br />
on se pointe à SF<br />
se tenir au courant.<br />
THE RED BULLETIN 7
CAINEVILLE, UTAH<br />
Du neuf<br />
avec du<br />
vieux<br />
La photo est depuis longtemps indissociable<br />
de l’univers des sports<br />
d’action, mais sur ce coup, l’environnement<br />
de la prise de vue la hisse aux<br />
sommets du genre. Réalisée à Caineville,<br />
dans l’Utah, par le photographe<br />
Chris Tedesco, elle montre le vainqueur<br />
des X Games Tom Parsons sur<br />
un terrain d’exception. « Le mélange<br />
entre le paysage ancestral grandiose<br />
et la performance de haute volée rend<br />
ce cliché unique ; l’immuabilité des<br />
roches contraste avec l’énergie instantanée<br />
et éphémère du pilote »,<br />
explique Tedesco. Une séquence<br />
nominée dans la catégorie Best of<br />
Instagram du concours photo<br />
<strong>Red</strong> Bull Illume en février dernier.<br />
Instagram : @tedescophoto<br />
CHRIS TEDESCO
9
REN MCGANN
AUSTRALIE-<br />
OCCIDENTALE<br />
Face au<br />
colosse<br />
Lorsqu’une énorme houle parcourt<br />
l’océan Indien, elle peut engendrer<br />
des vagues colossales sur<br />
« <strong>The</strong> Right », ce récif meurtrier situé<br />
en Australie- Occidentale. Seuls les<br />
plus courageux des surfeurs osent<br />
les affronter. Pour le photographe<br />
Ren McGann, le défi était de saisir<br />
le moment où le surfeur tente de<br />
dominer la vague. « Cette photo est<br />
probablement celle dont je suis le<br />
plus fier. Me fondre dans la nature<br />
est pour moi le but ultime. Le voyage<br />
commence dès que je prends mon<br />
appareil, charge la voiture et démarre.<br />
Une fois à l'eau, être entouré de<br />
vagues géantes m’apaise comme<br />
rien d’autre. »<br />
Instagram : @renmcgann<br />
11
FILLINGES, FRANCE<br />
Un plan en<br />
béton<br />
Avec ses lignes épurées et ses contras tes<br />
forts, on comprend aisément pourquoi<br />
cette image de BMX a été élue meilleure<br />
de la catégorie Best of Instagram du<br />
concours <strong>Red</strong> Bull Illume l’hiver dernier.<br />
Au moment où le photographe et vidéaste<br />
Baptiste Fauchille installe son appareil<br />
au bowl de Fillinges, ville de Haute-Savoie,<br />
il ne se doute pas qu’il va y réaliser une<br />
photo bientôt primée. « J’ai d’abord envisagé<br />
une vidéo avec mon drone. Puis j’ai<br />
réalisé que le bowl était immaculé : pas un<br />
graffiti, pas une saleté. Ce qui permettait<br />
de bien faire ressortir le rider et son<br />
ombre. J’ai demandé à Alex Bibollet<br />
(un rider dans l’équipe qui accompagnait<br />
Fauchille, ndlr) de me donner ce qu’il avait<br />
de mieux et j’ai pu capturer le moment. »<br />
Instagram : @baptistefauchille<br />
BAPTISTE FAUCHILLE/UNICORN WE ARE LEGENDS
13
THE STAN LEE<br />
STORY, L’OUVRAGE<br />
Le culte<br />
du héros<br />
Tant qu’à concevoir un livre<br />
sur l’un des créateurs de<br />
BD parmi les plus doués<br />
de l'Histoire, autant que ce<br />
soit fait par lui-même…<br />
Et c’est tant mieux.<br />
« Si vous parvenez à soulever ce<br />
livre, c’est que vous faites vraiment<br />
partie de notre merveilleux<br />
monde de superhéros. » Ce<br />
sont les mots de Stanley Martin<br />
Lieber, alias Stan Lee, auteur<br />
légendaire, rédacteur en chef<br />
et même star de l’univers cinématographique<br />
Marvel.<br />
Qu’il l’ait écrit dans l’avantpropos<br />
d’un livre qui célèbre à<br />
titre posthume sa propre magnificence<br />
résume l’essentiel de ce<br />
que vous devez savoir sur l’incroyable,<br />
l’étrange, l’inimitable<br />
sens de la mise en scène de l’un<br />
des plus grands bardes de la<br />
culture pop du XX e siècle. Avec<br />
ses 444 pages, <strong>The</strong> Stan Lee<br />
Story, publié par Taschen, est<br />
un pavé énorme (tout comme<br />
son prix, 2 000 €), mais néanmoins<br />
à peine capable de résumer<br />
la vie et la carrière d’un<br />
homme qui a commencé à 17 ans<br />
comme garçon à tout faire chez<br />
Timely Comics (à remplir les<br />
encriers des artistes dessinateurs<br />
et apporter leur déjeuner)<br />
pour devenir éditeur du Marvel<br />
Comics Univers tout en co-créant<br />
des personnages tels que Spider-<br />
Man, Hulk et Black Panther.<br />
Lee a réinventé le support BD<br />
dans sa fabrication (en développant<br />
la méthode Marvel : une<br />
Stan « <strong>The</strong> Man » Lee dans les bureaux de Marvel à Manhattan, NY, en 1968.<br />
Mille exemplaires de<br />
ce livre de 444 pages<br />
ont été imprimés,<br />
et huit années ont<br />
été nécessaires à sa<br />
conception. Rare !<br />
TASCHEN, 2018 MARVEL ENTERTAINMENT, LCC, COURTESY STAN LEE AND 1821 MEDIA/<br />
PARIS KASIDOKOSTAS LATSIS AND TERRY DOUGAS LOU BOYD<br />
14 THE RED BULLETIN
Lee en agent de sécurité dans le film<br />
Captain America : Le soldat de l’hiver.<br />
« Bon, les gars, on va créer un empire de la bande dessinée... »<br />
Illustre ! Stan, un héros pour de nombreux fans de superhéros.<br />
technique de storyboard<br />
collaborative entre scénariste<br />
et artiste permettant d’accélérer<br />
le rythme de production des<br />
planches) et sa perception. Les<br />
histoires et la prose de Lee respirent<br />
la finesse et l’humour, et<br />
ses héros ne sont pas que de<br />
gros bras mais des personnages<br />
complexes avec des soucis quotidiens<br />
et des failles, des profils<br />
auxquels le lecteur s’identifie.<br />
L’histoire de Marvel est, à<br />
bien des égards, l’histoire de<br />
Stan Lee, et qui mieux que l’auteur<br />
même de ses légendes et le<br />
créateur de plus de 200 personnages<br />
pouvait la raconter ?<br />
« C’est une corne d’abondance,<br />
une idée folle, une attitude à la<br />
Don Quichotte, pour échapper<br />
à la routine et à la banalité »,<br />
confiait Lee à propos de son<br />
œuvre maîtresse. « Une fête<br />
pour l’esprit, l’œil et l’imagination<br />
; la célébration littéraire<br />
d’une créativité débridée, associée<br />
à une touche de rébellion<br />
et au désir insolent de cracher<br />
dans l’œil du dragon. » Lee s’en<br />
est allé à l’âge de 95 ans en<br />
novembre dernier, mais ses<br />
histoires et son héritage lui survivront.<br />
Les True Believers le<br />
savent : le meilleur reste à venir !<br />
taschen.com<br />
THE RED BULLETIN 15
MARS BASE ONE<br />
Sur la Terre<br />
et au-delà<br />
Cette base de préparation permet de vivre<br />
comme un astronaute sur la planète rouge.<br />
Sans quitter la planète bleue.<br />
Mars Base One se situe dans un<br />
paysage aride et poussiéreux<br />
avec des roches rouges à perte<br />
de vue. Sans la moindre trace de<br />
vie dans le nuage de sécheresse<br />
qui l’enveloppe. Sauf qu’elle<br />
n’est pas sur Mars. Située dans<br />
le désert de Gobi, à 40 km de la<br />
ville de Jinchang (nord-ouest de<br />
la province chinoise du Gansu),<br />
elle vise à simuler l’expérience<br />
de la vie sur la planète rouge.<br />
Composée de neuf capsules<br />
(une salle de contrôle, un module<br />
biologique combinant serre et<br />
labo, un sas, des installations<br />
médicales, une unité de recyclage,<br />
des salles de vie et une<br />
salle de sport et de détente), la<br />
base a été créée par C-Space<br />
avec l’aide du Centre des astronautes<br />
de Chine et du China<br />
Intercontinental Communication<br />
Center. « La base permet aux<br />
visiteurs de comprendre les<br />
enjeux de la vie dans des espaces<br />
clos où tous les aspects de la vie<br />
quotidienne doivent être maîtrisés<br />
avec des ressources très<br />
limitées, nous explique-t-on du<br />
côté du C-Space. Chaque goutte<br />
d’eau doit être récupérée et<br />
recyclée. La nourriture doit être<br />
riche en protéines pour assurer<br />
la bonne santé des occupants et<br />
les sorties s’effectuent en combinaison<br />
spatiale avec passage<br />
par la cabine de pressurisation. »<br />
Ouverte au public, cette installation<br />
éducative de 1 115 m²,<br />
toute terrienne soit-elle, espère<br />
bien inspirer la prochaine génération<br />
d’aventuriers de l’espace<br />
tout en aidant la Chine à rattraper<br />
les États-Unis et la Russie<br />
dans leur quête interplanétaire.<br />
JONATHAN BROWNING LOU BOYD<br />
C-Space (C comme Communauté, Culture et Créativité), la base créée pour les ados chinois, a coûté près<br />
de 8 millions d’euros et a pour but d’initier la jeunesse à l’exploration spatiale et à la vie sur Mars.<br />
Le blé pousse dans le module serre/<br />
laboratoire qui étudie la croissance<br />
des plantes et des animaux dans un<br />
climat martien.<br />
16 THE RED BULLETIN
Le désert de Gobi a été choisi pour la base Mars One à cause de son paysage rappelant celui de Mars, ses conditions chaudes et<br />
sèches, ses fréquentes tempêtes de sable et une forte pollution issue des mines de lithium de la ville de Jinchang, à 40 km.<br />
Mars Base One a été utilisée par l’émission de télé-réalité Space Challenge, dans laquelle six volontaires<br />
dont cinq célébrités chinoises devaient vivre à la base après une formation d’astronaute.<br />
THE RED BULLETIN 17
CURTISS<br />
MOTORCYCLES<br />
Déesse de<br />
l’Olympe<br />
Inspiré de la mythologie grecque<br />
et de la première moto de vitesse<br />
de légende, ce bolide pourrait<br />
être le dernier que vous achèterez.<br />
Rêves électriques : carénage<br />
monocoque en aluminium,<br />
jantes prototypes en carbone<br />
et tableau de bord à écran<br />
tactile, les créations de Curtiss<br />
Motorcycles redéfinissent<br />
le design de la moto. Le modèle<br />
Zeus (notre photo) incarne<br />
cette vision.<br />
Curtiss Motorcycles conçoit<br />
des motos uniques : à titre<br />
d’exemples, les modèles Zeus<br />
(photo) et Hera semblent<br />
davantage sortis d’un film de<br />
science-fiction que de la réalité.<br />
« Nous avons remis en<br />
cause la forme même de la<br />
moto, explique le concepteur<br />
en chef Jordan Cornille. Depuis<br />
plus d’un siècle, celle-ci est<br />
déterminée par les pièces qui<br />
la constituent. Donner à ces<br />
bolides l’allure moderne d’une<br />
machine à combustion n’avait<br />
pas de sens. »<br />
L’entreprise US porte le<br />
nom de son fondateur, l’aviateur<br />
et inventeur Glen Curtiss,<br />
célèbre pour avoir mis au point<br />
le moteur V-Twin américain, et<br />
pour son record de vitesse terrestre<br />
sur deux roues motorisées<br />
en 1907 (219,45 km/h),<br />
avec une moto équipée de l’un<br />
de ses moteurs d’avion V8 de<br />
40 chevaux. Les versions Zeus<br />
Cafe Racer et Bobber sont<br />
des innovations que Curtiss<br />
approuverait : des monstres<br />
électriques de 190 chevaux<br />
atteignant 100 km/h en 2,1 sec<br />
soit 0,7 sec de moins que la<br />
Koenigsegg Agera RS, la plus<br />
rapide des voitures. La nouvelle<br />
Zeus Radial V8, dont les<br />
cylindres embarquent des<br />
batteries brevetées, s’inspire<br />
du modèle vieux de 112 ans<br />
à l’origine du record.<br />
« Notre objectif est de produire<br />
des machines inusables,<br />
poursuit Cornille, avec pour<br />
slogan : Achetez une Curtiss<br />
et transmettez-la à vos<br />
enfants et petits-enfants. Nos<br />
batteries sont échangeables<br />
et recyclables, c’est la garantie<br />
de bénéficier toujours du<br />
meilleur de la technologie. »<br />
curtissmotorcycles.com<br />
LOU BOYD<br />
18
LG XBOOM, vivez l’intensité du son<br />
Des enceintes fun, festives et puissantes pour offrir une expérience<br />
sonore unique. Découvrez le son exceptionnel de la gamme XBOOM<br />
qui accompagnera tous vos moments de fête !<br />
En tant que partenaire de l’événement,<br />
LG accompagnera toutes les étapes<br />
du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style <strong>2019</strong>.<br />
Go
Intérim<br />
À la petite cuiller (1989)<br />
« Envoyer des bouteilles à la mer… »<br />
« Un disque incroyable d’un groupe<br />
anarchiste des années 1980. J'ai<br />
beaucoup joué Mobutu, un morceau<br />
lent avec une voix féminine qui<br />
dénonce le système politique qu’on<br />
retrouve dans beaucoup de pays<br />
africains. Les noms des musiciens<br />
n’étaient pas simples à identifier,<br />
ils utilisaient des pseudos, alors<br />
j’ai envoyé des lettres au hasard en<br />
remontant les Pages Blanches. Je<br />
suis resté sans nouvelle pendant un<br />
an, jusqu’à ce qu'un certain Michel<br />
m’écrive par e-mail. En déménageant,<br />
il était retombé sur un carton<br />
de ce disque et s’était remémoré ma<br />
lettre. Conclusion : ne jamais lâcher<br />
et envoyer des bouteilles à la mer. »<br />
VINCENT PRIVAT<br />
« Faites tous les<br />
bacs à disques ! »<br />
Le disquaire parisien que le monde entier nous envie<br />
partage quatre de ses plus belles trouvailles.<br />
Des années durant, Vincent Privat a reçu à domicile. Une adresse<br />
que les DJs des quatre coins du monde s’échangeaient, avides<br />
de ses découvertes musicales. Chineur depuis l’adolescence,<br />
ce digger chevronné s’est imposé comme une référence incontournable<br />
parmi les collectionneurs de vinyles. Du funk breton<br />
aux chants médiévaux, les disques rares qu’il débusque sont<br />
désormais accessibles à tous chez Dizonord, la boutique qu’il<br />
a ouverte dans le XVIII e arrondissement de Paris. C’est au comptoir<br />
de celle-ci qu'il partage avec nous sa philosophie du digging<br />
et quelques-unes des plus belles trouvailles qui ont forgé la réputation<br />
de ce passionné.<br />
Vincent Privat jouera ses meilleurs<br />
disques sur un sound-system d’exception<br />
à l’occasion du <strong>Red</strong> Bull Music<br />
Festival Paris le 29 septembre. Plus<br />
d’infos sur redbull.com/parisfestival<br />
Puzzle Pulsion<br />
Pygmalistique (1986)<br />
« Ne négliger aucun disque… »<br />
« Je chinais dans le stock d’un<br />
producteur de musique africaine<br />
en banlieue parisienne quand je suis<br />
tombé sur une pochette de ce<br />
disque de zouk hyper recherché.<br />
Si la pochette est vide mais qu’elle<br />
est neuve, c’est peut-être qu’il y a<br />
le disque quelque part. Alors on a<br />
vidé intégralement les deux box de<br />
stockage… 50m³ ! Ça nous a pris<br />
deux jours. Et c’est dans la dernière<br />
boîte, forcément, que j’ai trouvé une<br />
dizaine d’exemplaires du disque.<br />
C’est la première fois que je trouvais<br />
un vrai lot de disques rares en parfait<br />
état. Ça s’est vendu jusque<br />
380 € le disque. Règle numéro 1 :<br />
toujours finir le stock, faire tous<br />
les bacs, jusqu’au dernier disque. »<br />
Raphaël Toiné<br />
Femmes pays douces (1986)<br />
« Remonter la piste de l’artiste… »<br />
« Une autre méthode consiste à<br />
retrouver le contact de l’artiste. J’ai<br />
écrit au musicien antillais Raphaël<br />
Toiné et suis allé chez lui à Genève.<br />
Le train était hors de prix, je n’avais<br />
pas un rond à l’époque, mais je me<br />
disais que ça valait le coup. On a<br />
fouillé dans ses affaires, ressorti<br />
les photos d'époque, les articles de<br />
presse, il m’a raconté son histoire,<br />
des anecdotes incroyables. Mais<br />
impossible de mettre la main sur le<br />
disque. Soudain, un cri au bout de la<br />
pièce : Raphaël venait de retrouver<br />
200 albums neufs ! Chacun valait<br />
200 €, je les ai mis en vente à 50.<br />
Tout est parti en deux heures avec<br />
un simple post Facebook. On a partagé<br />
les bénéfices avec Raphaël.<br />
Et nous sommes devenus amis. »<br />
Afric’ Rhythm<br />
Sans Frontière (1990)<br />
« Appeler cent fois s’il le faut… »<br />
« Un jour, auprès d'un label, j’ai récupéré<br />
une boîte de K7 démos qu’ils<br />
avaient reçues, mais probablement<br />
jamais écoutées. Je m’étais gardé<br />
celle-ci pour la fin, avec sa pochette<br />
faite main, un dessin d’enfant colorié<br />
au feutre. Dès la première seconde,<br />
grosse claque : une musique électro<br />
africaine lo-fi entre Francis Bebey et<br />
Ata Kak. J’ai appelé des centaines de<br />
fois le numéro de téléphone figurant<br />
sur la jaquette, jusqu’à ce qu'on me<br />
réponde : le frère de l’artiste. Ils sont<br />
fâchés et il ne veut pas me donner<br />
son contact, à moins de débourser<br />
une certaine somme, ce qui me<br />
dérange, éthiquement parlant. La<br />
situation est donc bloquée... J’adorerais<br />
rééditer cette musique, mais<br />
contrairement à certains, je ne veux<br />
pas agir dans le dos de l’artiste. »<br />
MATHILDE AYOUB ANTOINE CARBONNAUX<br />
20 THE RED BULLETIN
DE DÉLICIEUX FILETS DE POULET<br />
PANÉS ET FRIT-MAISON AVEC AMOUR<br />
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L’AUTRE<br />
PILOTE<br />
L’histoire que les gens se plaisent à<br />
raconter au sujet de SHAYNA TEXTER<br />
est aussi opportune que prévisible :<br />
celle d’une femme qui bat des hommes.<br />
Mais sa véritable histoire est bien plus<br />
intéressante que cela.<br />
Texte GLORIA LIU<br />
Photos LAURA BARISONZI
« Je veux être la meilleure.<br />
Je veux être leur égale »,<br />
dit Texter, photographiée<br />
le 12 juin au Grandview<br />
Speedway à Bechteslville<br />
en Pennsylvanie.<br />
23
1,50 m pour 45 kilos.<br />
Shayna est devenue<br />
la première femme<br />
à remporter une<br />
épreuve majeure de<br />
Flat Track en 2011.
Tous les pilotes moto savent qu’ils doivent réaliser un<br />
bon départ. Le circuit ovale et plat, en terre battue,<br />
d’environ 800 mètres de la Texas Motor Speedway à<br />
Fort Worth est exigeant. Il est donc crucial de s’emparer<br />
de la meilleure position dès le départ. C’est pourquoi,<br />
lorsque la moto orange numéro 52 tressaille<br />
légèrement sur la ligne de départ au feu jaune, puis<br />
s’enraye une fraction de seconde lorsque le feu passe<br />
au vert, sa course est perdue. Un essaim d’une<br />
dizaine de coureurs voraces a déjà pris les devants.<br />
Mais le 52 reprend les choses en main. Comme<br />
possédé. La moto avec le plus petit pilote transperce<br />
le peloton, se faufilant vers les espaces qui s’ouvrent<br />
et se ferment en quelques secondes. Dixième place.<br />
Cinquième. Troisième. Si rapidement que les speakers<br />
mettent un temps à comprendre. Leurs voix se<br />
perdent dans l’excitation de la foule et le vrombissement<br />
des 17 motos qui grondent telles mille frelons.<br />
Les coureurs se balancent sauvagement dans le<br />
troisième virage, les pieds sortis. Les semelles d’acier<br />
de leurs bottes gauche glissent sur la terre graisseuse<br />
et chauffent par friction. Mais le 52 se balance un<br />
peu moins. Pendant quelques secondes, il est côte à<br />
côte avec le deuxième pilote, si près qu’ils pourraient<br />
se toucher. Puis sa moto passe en avant.<br />
La coureuse fait le dos rond, comme un chat qui<br />
se prépare à bondir. Un autre passage et elle prend la<br />
tête. Les jeunes types à moto derrière elle tenteront<br />
tout les six tours suivants. Ils la traquent, introduisent<br />
brièvement leurs roues avant dans son<br />
espace, mais elle se met hors de portée. La pilote<br />
numéro 52 se lève sur son engin, de son mètre cinquante,<br />
poing serré. Shayna Texter a gagné. Encore.<br />
Shayna Texter, la nana qui bat les mecs. C’est un<br />
bon sujet, ça ! La jeune femme de 28 ans a l’habitude<br />
qu’on lui rebatte les oreilles avec cela, comme un<br />
surnom. Ça et « le visage du Flat Track américain »,<br />
une discipline de course motocycliste où les coureurs<br />
se déchaînent autour de circuits ovales en terre battue<br />
allant du quart de mile (400 mètres) au mile<br />
(1,6 kilomètre), dérapent avec puissance dans les<br />
virages et entrechoquent leurs guidons quand ils<br />
manœuvrent pour monter au classement. Sur des<br />
engins qui n’ont des freins qu’à l’arrière, ils atteignent<br />
des vitesses de 200 à 225 km/h dans les lignes<br />
droites, jusqu’à 150 dans les courbes. Les conditions<br />
varient d’un circuit à l’autre, d’un jour à l’autre, voire<br />
d’un tour à l’autre. Et les accidents sont fréquents.<br />
Perdu dans l’obscurité de nombreuses années, le<br />
Flat Track américain connaît une résurgence grâce<br />
à un important travail de rebranding en 2017, un nouveau<br />
contrat de diffusion avec le réseau NBCSN et un<br />
livestream qui attire un public plus jeune et international.<br />
La discipline est toujours éclipsée par d’autres formules<br />
comme le Supercross, davantage sponsorisé.<br />
Mais, même dans son sport de niche, Texter s’est fait<br />
connaître non seulement en tant que l’une des deux<br />
seules coureuses du circuit pro mais également<br />
comme l’une des meilleures, tout sexe confondu.<br />
En 2017, Texter a remporté cinq courses. En 2018,<br />
trois. Chaque fois, elle s’est classée troisième de sa<br />
série. Connue pour ses prouesses sur les parcours<br />
d’un mile et d’un demi-mile, de nombreux jaloux<br />
disent que sa petite taille lui permet d’être plus aérodynamique<br />
dans les lignes droites et que son poids<br />
léger (45 kilos) lui offre de meilleures accélérations.<br />
Ces théories déplaisent à Shayna et à ses proches qui<br />
attribuent plutôt son succès à sa finesse, à son agressivité<br />
et à sa détermination. Pour sûr, Texter a remporté<br />
plus de courses que n’importe quel autre coureur<br />
de sa catégorie.<br />
Et c’est bien pour ça que ses fans l’adorent. Bien<br />
que la catégorie des Singles de l’AFT (American<br />
Flat Track) dans laquelle Texter pilote une<br />
moto monocylindre de 450 cm³ pour l’écurie <strong>Red</strong><br />
Bull-KTM soit généralement considérée comme un<br />
tremplin vers la catégorie des Twins (moto à moteur<br />
bicylindre) de haut niveau, où les pilotes courent sur<br />
des motos de 750 cm³ plus puissantes, le PDG de<br />
l’AFT, Michael Lock, affirme que « lors des rencontres<br />
sur des compétitions, la queue la plus longue est celle<br />
devant la tente KTM pour voir Shayna. De loin ». Des<br />
médias comme le New York Times, Forbes et le Wall<br />
Street Journal lui ont consacré des articles.<br />
Bien que ces articles insistent souvent sur le fait<br />
que Texter est une source d’inspiration pour une nouvelle<br />
génération de jeunes filles souhaitant s’initier<br />
à la moto, la plupart de ses fans appartiennent au<br />
profil type traditionnel de l’AFT : des mecs, souvent<br />
tatoués, look de dur à cuire. Chaque semaine, ils<br />
patientent, attendant leur chance de dire à la petite<br />
au visage juvénile à quel point elle est badass.<br />
25
Shayna n’est pas allée à son bal<br />
de promo ni à sa remise de diplôme.<br />
Au lieu de cela, elle était sur des<br />
courses avec son frère et son père.<br />
Texter vient d’une<br />
longue lignée de<br />
coureurs et a passé<br />
sa vie à réparer ellemême<br />
ses motos.<br />
Shayna court sur une<br />
moto monocylindre<br />
sous les couleurs du<br />
team <strong>Red</strong> Bull-KTM.<br />
26
Shayna aime à dire que virer à gauche sur une<br />
piste est dans son sang. Son père, Randy<br />
Texter, était un coureur professionnel sur<br />
circuit ; son grand-père maternel, Glenn Fitzcharles,<br />
est au Panthéon des pilotes de Sprint Cars. Son frère<br />
aîné, Cory Texter, 31 ans, participe aux courses de<br />
l’AFT et, au moment de la rédaction de cet article,<br />
son petit ami, Briar Bauman, 24 ans, menait la catégorie<br />
des Twins aux points.<br />
La mère de Cory et de Shayna, Kim Mitch, s’est<br />
séparée quand Shayna avait un an, mais elle et son<br />
frère se souviennent d’une enfance heureuse. Quand<br />
Shayna était avec la famille Mitch à Limerick, en<br />
Pennsylvanie, elle jouait au football et allait chasser<br />
avec ses oncles. Quand elle se trouvait à une heure<br />
de route, dans la boutique Harley-Davidson de son<br />
père à Lancaster, au cœur du pays Amish, elle et Cory<br />
soulevaient des nuages de poussière géants dans le<br />
parking sur leurs mini motos.<br />
Shayna a appris à conduire des motos dès l’âge de<br />
3 ans et a commencé à courir à 12. Puis à partir de la<br />
seconde, elle a suivi une scolarité par correspondance<br />
afin de se concentrer sur les courses. Shayna n’est pas<br />
allée à son bal de promo ni à sa remise de diplôme.<br />
Au lieu de cela, elle était sur des courses avec son<br />
frère, son père et tous leurs meilleurs amis au sein<br />
de la communauté soudée et familiale du Flat Track.<br />
C’était le bon temps. Le magasin était leur sponsor<br />
principal et le daron s’occupait naturellement de<br />
la mécanique. Chaque fois qu’ils avaient besoin de<br />
quelque chose, ils le prenaient sur une étagère et mettaient<br />
l’étiquette du prix sur le bureau de leur père.<br />
Randy Texter est décédé subitement le 30 août<br />
2010, à l’âge de 48 ans seulement. Il luttait contre<br />
un cancer et avait des problèmes cardiaques depuis<br />
des années ; il attendait une transplantation cardiopulmonaire<br />
à l’hôpital lorsqu’il a été emporté par<br />
une septicémie. Ce jour-là, Shayna participait à une<br />
course à Indianapolis. Avant de partir, elle avait dit<br />
au revoir à son père. C’est la dernière fois qu’ils se<br />
sont parlé.<br />
Shayna a toujours été la plus mature de ses quatre<br />
frères et sœurs (elle et Cory ont un demi-frère et une<br />
demi-sœur plus jeunes qu’eux). Elle était celle vers<br />
qui on se tournait. À 19 ans, c’est elle qui a organisé<br />
les funérailles de son père. Elle s’est occupée de tout,<br />
des fleurs jusqu’au cercueil, en passant par les vêtements<br />
qu’il porterait.
La dynastie Texter : Shayna, Randy (le père) et Cory (le frère). En bas à droite : cuissardes ou bottes de moto ? Shayna a choisi.<br />
L’année suivante a été la plus difficile de sa vie. Car<br />
Randy Texter avait accumulé des dettes importantes<br />
et pour les rembourser, les membres de sa famille<br />
ont dû vendre les fourgonnettes qu’ils utilisaient<br />
pour se rendre aux courses ainsi que la part sociale<br />
du magasin Harley qui avait toujours été promise<br />
à Cory et Shayna. « On a tout perdu », dit Shayna.<br />
Enfin, presque tout : elle et son frère ont hérité de<br />
la maison de Lancaster et ils avaient toujours leurs<br />
motos. À l’hôpital, quelques minutes après le décès<br />
de Randy, Shayna s’est tournée vers Cory et lui a dit :<br />
« On doit retourner sur la piste. »<br />
Mais les courses n’étaient plus les mêmes sans<br />
Randy. Shayna devait chaque semaine trouver un<br />
moyen de transport pour s’y rendre. Et elle a dû se<br />
débrouiller pour couvrir les paiements de l’hypothèque<br />
de la maison.<br />
Ce combat s’est également fait sentir sur le<br />
circuit. Shayna s’y faisait bousculer et chutait.<br />
À court d’argent, elle a envisagé de tout abandonner.<br />
Mais elle a appelé un mécano avec qui elle<br />
et son père travaillaient depuis longtemps.<br />
« Écoute, a-t-il dit à Shayna. Soit tu te barres, soit<br />
tu prends le dessus et tu leur montres qui tu es, tu<br />
leur prouves qu’ils ont tort et que tu vas batailler. »<br />
Ce qu’elle a fait.<br />
Peu après, en septembre 2011, Shayna a pris la<br />
tête lors d’une course à Knoxville, Iowa. Elle s’est<br />
battue jusqu’à la ligne d’arrivée contre un jeune<br />
espoir du nom de Briar Bauman et a remporté sa<br />
première victoire professionnelle. Ce fut aussi la première<br />
épreuve professionnelle sur circuit remportée<br />
par une femme. La nuit où elle est entrée dans l’histoire,<br />
elle a dormi sur le siège avant du van d’un ami,<br />
sur le parking d’un relais routier, la tête sur le volant.<br />
Shayna a remporté d’autres victoires par la suite.<br />
Entre-temps, elle s’est forgé une réputation de spécialiste<br />
du mile. Ses points faibles restaient les pistes<br />
courtes où il y a davantage de bousculades et moins<br />
d’occasions de s’échapper ainsi que les épreuves de<br />
TT (« Tourist Trophy »). Il lui fallait changer de cap.<br />
En 2014, Shayna est passée de la catégorie Singles<br />
à celle de Twins. Mais là encore, elle a dû se battre.<br />
Son équipe n’arrivait pas à s’ajuster à ses spécificités<br />
– certaines semaines, le moteur ne démarrait pas,<br />
se souvient Gary Nelson, mécanicien de l’équipe.<br />
D’autres semaines, le guidon se mettait à vibrer<br />
dangereusement à grande vitesse. Pendant les trois<br />
saisons où elle a couru en Twins, Shayna s’est rarement<br />
qualifiée pour les épreuves principales. Son<br />
équipe en venait à se demander : « Mais pourquoi<br />
fait-on tout ça ? » « Mais Shayna s’est présentée chaque<br />
semaine, le sourire aux lèvres, avec de la détermination<br />
pour les battre, dit Nelson. N’importe qui avec<br />
moins de motivation aurait jeté l’éponge. » Pourtant,<br />
lorsque l’AFT a changé de nom et restructuré<br />
ses catégories en 2017, Shayna a pris la difficile<br />
décision de revenir aux Singles. Pour reprendre<br />
confiance en elle, et réapprendre à gagner.<br />
« Tout à coup, nous étions en quête de championnat<br />
», rembobine-t-elle. Cette année-là, elle a remporté<br />
cinq courses et a été en tête du classement<br />
jusqu’à ce qu’un pneu crevé l’oblige à abandonner<br />
lors d’une course cruciale. En 2018, elle a remporté<br />
trois victoires, dont une à Lima, dans l’Ohio, sur une<br />
piste d’un demi mile en gravier qui, selon plusieurs<br />
pilotes, était la plus dure et la plus exigeante du circuit<br />
physiquement. « Certains disaient : “Tu n’as du<br />
succès sur les courses d’un mile que parce que tu es<br />
petite et que ta moto est donc plus rapide...” et là,<br />
tu leur prouves qu’ils ont tort en remportant Lima.<br />
C’était important pour elle d’y aller et de le faire »,<br />
dit Scott Taylor, le manager de Shayna.<br />
En <strong>2019</strong>, Shayna veut plus que jamais remporter<br />
cet insaisissable championnat des Singles. Mais<br />
le Flat Track est en train de changer. Davantage<br />
de téléspectateurs signifie davantage de sponsors et<br />
de jeunes coureurs affamés. Et d’autres courses TT<br />
28
SEQUE PEL INVE-<br />
NIMPOR DE QUAT<br />
VOLUPT ATIBUS<br />
RE<br />
« Sous nos casques,<br />
nous sommes juste des<br />
pilotes », dit Shayna<br />
Texter, qui veut être<br />
appréciée sur un<br />
pied d’égalité.
Texter travaille avec un coach<br />
connu pour aider les champions<br />
de motocross, afin d’améliorer<br />
ses capacités et sa puissance<br />
dans l’anneau de Flat Track.<br />
30 THE RED BULLETIN
« Je réfléchis à tout.<br />
Les plus jeunes n’ont<br />
pas peur, ils le font,<br />
sans y penser. »<br />
ont été ajoutées au calendrier. Pour gagner la série,<br />
Shayna ne peut plus compter uniquement sur ses<br />
prouesses sur le circuit ovale – elle doit s’améliorer<br />
en Tourist Trophy.<br />
Ê<br />
tre une star dans un sport qui a failli disparaître<br />
il y a huit ans est particulier. Premièrement,<br />
cela vous maintient les pieds sur terre.<br />
Shayna se souvient encore de l’époque où elle et les<br />
autres coureurs regardaient leurs fans vieillissants<br />
dans les tribunes et se demandaient : « Que va-t-on<br />
faire quand ils auront disparu ? » Aujourd’hui encore,<br />
Briar, elle et une dizaine d’autres pilotes seulement<br />
sont issus d’écuries bénéficiant d’un soutien total<br />
(son compagnon roule pour le team dominant Indian<br />
Motorcycles Wrecking Crew). Ils font partie des rares<br />
chanceux qui peuvent maintenant prendre l’avion<br />
pour se rendre à leurs courses au lieu d’un volant et<br />
de dormir dans leurs fourgonnettes.<br />
Mais Shayna mène toujours une vie simple et rangée.<br />
Elle et Briar possèdent une cabane de bois rond<br />
sur un terrain boisé de 2 hectares dans le village de<br />
Schnecksville, en Pennsylvanie, à seulement 3 kilomètres<br />
de chez sa mère. C’est le refuge de Shayna<br />
où elle recharge ses batteries, entre deux courses,<br />
avec sa famille, Briar et Ogio, son puggle (chien issu<br />
du croisement entre un beagle et un carlin). Toute<br />
une galerie de personnages occupe la chambre<br />
d’amis en permanence, généralement des copains<br />
du Flat Track, au mode de vie indépendant et à la<br />
recherche d’une pause dans leur #vanlife.<br />
Sur les courses, Shayna est professionnelle et<br />
s’exprime posément – sa mère avait pour habitude<br />
de passer en revue ses prestations lors de ses interviews<br />
– et il se dégage d’elle une intensité certaine.<br />
Elle est sérieuse et déterminée. « Mais un seul jour<br />
par semaine », précise-t-elle.<br />
La Shayna que je rencontre lors de mon séjour<br />
de trois jours chez elle et dans les environs est<br />
d’une convivialité désarmante. Elle est ouverte,<br />
facile d’approche et parle avec l’accent traînant de<br />
Pennsylvanie (“silence” devient “sahl-ence”, “racing”,<br />
“racin” et “last”, “l-ayas-t”). Elle balance des vannes<br />
puis sourit en grimaçant. Elle est gentiment et<br />
constamment attentionnée, le genre de personne<br />
qui vous propose de tenir votre café quand vous<br />
devez aller aux toilettes de la station-service ou qui<br />
vous pose des questions sur vous et se souvient de<br />
vos réponses.<br />
D’une personne qui s’offre des sensations fortes à<br />
passer à travers une meute de motocyclistes enragés,<br />
on s’attendrait qu’elle soit intrépide et invulnérable.<br />
Mais Shayna évoque plusieurs choses qui lui font<br />
peur – qui la « terrifient », comme elle le dit. Parmi<br />
ces trucs qui terrifient ou ont terrifié Shayna Texter,<br />
on trouve les motos. C’est l’une des raisons pour lesquelles<br />
elle n’a commencé à courir qu’à l’âge de 12<br />
ans. De même, appuyer sur la gâchette de son fusil<br />
quand elle a tiré sur un animal à l’âge de 9 ans (elle<br />
a mis tellement de temps à passer à l’acte que son<br />
beau-père, résigné, avait rangé son appareil photo).<br />
Autre chose : la moto sur laquelle elle a couru en<br />
Twins, qui vibrait comme si elle allait exploser. Ou<br />
bien la crainte d’être kidnappée, parce qu’elle est si<br />
petite. Une dernière : faire des sauts à moto la fait<br />
flipper.<br />
C’est pourquoi nous nous dirigeons vers une piste<br />
de motocross à Millville, au New Jersey, pour y passer<br />
une journée entière. Durant l’heure et demie que<br />
dure le trajet, avec Briar au volant et son ami et compagnon<br />
de route Jake Johnson également assis à<br />
l’avant, Shayna me raconte comment cette saison,<br />
elle et son équipe se concentrent pour améliorer<br />
ses courses en TT. Elle travaille avec l’entraîneur<br />
Aldon Baker, connu pour accompagner des champions<br />
de motocross et de Supercross comme Ricky<br />
Carmichael. Elle a passé l’hiver dans les installations<br />
de Baler en Floride où il lui a construit un circuit<br />
d’entraînement pour le TT. Shayna a toujours fait de<br />
l’entraînement cardiovasculaire et de la musculation<br />
mais pour la première fois, elle suit un programme<br />
structuré qui comprend des sessions de course à pied<br />
et de vélo basées sur sa fréquence cardiaque, des<br />
poids et haltères, un plan nutritionnel qui exige<br />
qu’elle lui envoie des photos de ses repas et, bien<br />
entendu, des séances hebdomadaires de moto.<br />
Shayna en a marre qu’on lui dise qu’elle doit<br />
s’améliorer en TT. Elle ne lit plus les commentaires<br />
sur les médias sociaux, ni les rapports<br />
de course de l’AFT. Parfois, elle veut juste répondre<br />
en disant : « Monte sur une moto, on verra comment<br />
tu t’en sors. » Mais elle sait qu’elle doit rester<br />
professionnelle.<br />
Elle sait aussi que la plupart de ces remarques<br />
sont bien intentionnées. « Je pense que tout ce que<br />
les fans veulent, c’est que je réussisse. Ils veulent<br />
que je gagne le championnat », admet-elle. Faire<br />
des sauts, comme l’exige une course en TT (où l’on<br />
tourne aussi à droite), n’est pas dans sa zone de<br />
confort, surtout après les mauvaises chutes qu’elle<br />
a faites. Pendant longtemps, elle s’est contentée<br />
d’éviter le TT. « Mais maintenant, je veux relever le<br />
défi, dit-elle. Je n’abandonnerai pas, c’est sûr. »<br />
Sur la piste, nous rencontrons Mike Lafferty, huit<br />
fois champion national d’enduro, qui est ici pour<br />
entraîner Shayna. À l’écart, je la regarde, ainsi que<br />
Briar, Mike et Jake faire des tours d’échauffement sur<br />
le vet track, plus court et moins difficile. Les gars ont<br />
l’assurance de ceux qui ont fait de la moto toute leur<br />
vie, secouant l’arrière de leur machine pendant les<br />
sauts. Shayna Texter a parfois du mal à la réception<br />
de ses propres sauts.<br />
Elle est impatiente d’en arriver au point où tout<br />
cela sera devenu naturel, où elle ne pensera plus ni<br />
à sa vitesse ni à sa technique à chaque saut. Pendant<br />
notre pause dans le parking, elle mange son déjeuner<br />
habituel, un sandwich au beurre d’amande et à la<br />
THE RED BULLETIN 31
« Je veux jouer la “carte<br />
féminine” pour contribuer<br />
à développer mon sport.<br />
Mais je dois avant tout<br />
gagner des courses. »<br />
gelée, et me dit : « Je réfléchis beaucoup à tout. Tout<br />
le temps. À l’inverse, les plus jeunes n’ont pas peur,<br />
ils le font, sans y penser. Je dois m’habituer à être<br />
à l’aise et confiante. »<br />
Lors de la dernière séance de la journée, les gars<br />
passent sur la piste professionnelle, plus longue mais<br />
Shayna reste sur celle de l’entraînement. J’observe<br />
cette petite silhouette solitaire s’approcher d’un<br />
tabletop de douze mètres qui lui a donné du fil à<br />
retordre toute la journée. Je perçois un sursaut<br />
d’énergie, voire une vengeance. Le talus à gauche<br />
qui mène au saut a été labouré tellement de fois par<br />
ses pneus qu’on dirait une plantation. Elle explose<br />
et pousse l’accélérateur au maximum tout au long<br />
du saut, comme Mike le lui a dit, les coudes sortis,<br />
sans frein, sans hésitation – et le franchit de justesse.<br />
Shayna a toujours voulu courir avec les hommes :<br />
« Je veux être la meilleure. Je veux être leur égale.<br />
Je veux qu’on se souvienne de moi. »<br />
Ses proches disent que c’est cette attitude qui la<br />
distingue de la plupart des autres athlètes féminines.<br />
« Beaucoup de femmes consacrent tout leur temps à<br />
atteindre ce niveau professionnel juste pour pouvoir<br />
dire qu’elles l’ont atteint, et ensuite elles veulent<br />
battre d’autres femmes, explique son frère Cory<br />
Texter. Shayna, elle, veut battre tout le monde. »<br />
On demande souvent à Shayna ce qu’elle pense<br />
d’être la seule femme dans le paddock, mais<br />
elle insiste sur le fait que ses adversaires la<br />
traitent comme n’importe qui d’autre : « Sous nos<br />
casques, nous sommes juste des pilotes. »<br />
Seulement ce n’est pas si simple. « Quand elle met<br />
son casque, elle est toujours Shayna Texter, et les<br />
fans le savent », dit Scott Taylor, son entraîneur. Il<br />
demeure que Shayna attire l’attention parce qu’elle<br />
est une femme qui impose son succès dans un sport<br />
dominé par les hommes – une attention qui la met<br />
mal à l’aise mais elle est assez astucieuse pour savoir<br />
en tirer parti. Elle réalise l’immense valeur marketing<br />
de son parcours. Après tout, Shayna a vu comment<br />
d’autres pilotes ont joué ce qu’elle appelle « la carte<br />
féminine » pour attirer l’attention, notamment des<br />
sponsors. « Ce n’est pas mauvais en soi », dit-elle,<br />
mais ce n’est pas comme ça qu’elle veut procéder.<br />
« Je veux jouer la “carte féminine” pour contribuer<br />
32 THE RED BULLETIN
« J’aurais pu me barrer<br />
et me trouver un emploi<br />
normal, mais ce n’est<br />
pas ce dont je rêvais.»<br />
à développer mon sport. Je veux être reconnue<br />
d’abord comme une bonne pilote de moto puis<br />
comme une femme, poursuit-elle. Et pour y arriver,<br />
il faut le mériter. Je dois gagner des courses. »<br />
Par un coup du sort et des conflits d’horaire, la<br />
seule course de Shayna à laquelle je peux assister est<br />
celle où l’on ne s’attend pas à un bon résultat de sa<br />
part. La Short Track Laconia, qui a lieu le 15 juin<br />
à Loudon, au New Hampshire, a été ajoutée cette<br />
année au calendrier de l’AFT. La piste de sable d’un<br />
quart de mile nouvellement conçue est aussi lisse<br />
qu’une plage. Dans le premier tour d’essai, je regarde<br />
les pilotes glisser dans le premier virage, reprendre<br />
en se secouant leur position verticale pendant que<br />
les motos menacent de déborder, puis accélérer de<br />
nouveau dans la ligne droite, l’arrière de la moto<br />
s’agitant dans le sable brun profond. Au fur et à<br />
mesure que la journée avance, le sol se tasse et crée<br />
des bosses de freinage en forme de vagues si hautes<br />
qu’elles propulsent les roues à quelques centimètres<br />
au-dessus du sol.<br />
Shayna a eu un début de saison plutôt lent. Elle<br />
a gagné le Texas Half Mile mais le Sacramento<br />
Half Mile, qu’elle a remporté trois fois au<br />
cours des dernières années, a été reporté en raison<br />
du mauvais temps ; et elle a terminé deuxième au<br />
Lexington Mile la semaine précédente. À part cela,<br />
le calendrier est rempli de courses en TT. Shayna<br />
s’améliore, mais lors de son dernier TT, elle était<br />
dans la première moitié du peloton avant qu’un autre<br />
coureur ne la sorte des demi-finales. Malgré tout,<br />
elle roule bien aujourd’hui, sur cette courte piste<br />
physiquement exigeante où elle rencontrait tant de<br />
difficultés. Elle termine troisième aux qualifications,<br />
puis cinquième en demi-finale, manquant de peu un<br />
départ en première ligne dans l’épreuve principale.<br />
Au calme : une fois chez elle, dans sa campagne de Pennsylvanie,<br />
le phénomène du Flat Track améliore sa technique à l’arc.<br />
Son dur labeur semble porter ses fruits. Puis tout<br />
s’effondre. Quand le feu vert s’allume lors de<br />
l’épreuve principale des Singles, le peloton se précipite<br />
vers l’avant. Je cherche les couleurs bleu et<br />
orange de l’équipement de Shayna, mais je ne la vois<br />
nulle part. Non, attendez, la voilà. Parmi les derniers.<br />
Alors que le groupe rugit sur la piste, nous projetant<br />
du sable à chaque passage, Shayna se retrouve en<br />
dernière position.<br />
Un accident survient. La course est arrêtée et<br />
le pilote est transporté hors de la piste. Les<br />
mécanos se précipitent sur leurs pilotes pour<br />
voir si tout va bien, et quand Justin, celui de Shayna,<br />
revient, il nous informe qu’une fois passée en troisième,<br />
sa moto tourne à vide. Lorsque la course<br />
reprend, privée de puissance maximale, Shayna<br />
est en perdition. Elle termine seizième sur seize<br />
coureurs…<br />
Ce n’est pas ainsi que cela doit se passer. Shayna<br />
est la fille qui bat les garçons. C’est ce qu’ils disent,<br />
pas vrai ? C’est une bonne histoire, une histoire qui<br />
attire un flot incessant de fans à sa table chaque<br />
week-end – les gars en gilets de cuir qui l’encouragent<br />
à « faire vivre l’enfer aux autres coureurs », les enfants<br />
timides, les femmes qui font aussi de la moto. Ils<br />
adorent regarder Shayna parce qu’elle montre comment<br />
on peut être sous-estimée, dépassée en force<br />
et en nombre, et néanmoins gagner.<br />
Mais ce que la plupart d’entre nous ne réalisent pas,<br />
ou peut-être oublient, c’est que le fait d’arriver en dernière<br />
place fait aussi partie de son parcours. Shayna<br />
n’a pas été un feu de paille. Elle n’est pas intrépide et<br />
sa préparation mentale n’est pas sans faille. Elle a travaillé<br />
pendant des années dans un sport de niche par<br />
amour pour celui-ci. « J’aurais pu abandonner en 2011<br />
avant de remporter cette première course », m’avait<br />
rappelé Shayna en Pennsylvanie, quelques semaines<br />
auparavant. « J’aurais pu me barrer et me trouver un<br />
emploi normal. Mais ce n’est pas ce dont je rêvais. »<br />
Quand on est l’outsider, quand on est en position<br />
d’infériorité, on ne gagne pas tout le temps. Peutêtre<br />
même pas la plupart du temps. Mais si tu n’abandonnes<br />
jamais, ton heure va venir. Tu peux leur<br />
montrer qu’ils ont tort. Tu n’as qu’à croire en toi.<br />
Je vais voir Shayna et Scott sous leur tente.<br />
Il est soulagé d’apprendre qu’il s’agissait d’un<br />
problème mécanique et que cela n’a pas à voir<br />
avec sa conduite. Mais il réfléchit déjà à ce qu’il va<br />
falloir dire : aux détracteurs chroniques, aux fans,<br />
au nouveau manager de l’équipe qui est impatient<br />
d’obtenir des résultats. Que c’est injuste ! « On aurait<br />
presque aimé pouvoir lancer une fusée éclairante,<br />
se lamente-t-il, comme pour dire : “C’est un problème<br />
mécanique, son embrayage a grillé !” » Mais Shayna<br />
lui fait ce sourire en grimaçant. Elle lui tape le bras.<br />
« Ça va, dit-elle. On les battra la prochaine fois. »<br />
Et je sais qu’elle le pense vraiment.<br />
Deux semaines plus tard, au Lima Half Mile, sur<br />
la piste où elle a surpris tout le monde l’an dernier,<br />
Shayna gagne à nouveau, par 2,57 secondes. Et<br />
prouve une fois de plus qu’elle a sa place dans le<br />
milieu de l’ovale.<br />
THE RED BULLETIN 33
Howell et sa wingsuit<br />
Phoenix-Fly Rafale :<br />
un modèle de grande<br />
taille, idéal pour le vol<br />
à haute altitude et<br />
les départs courts.
72 heures<br />
de trajet pour<br />
40 secondes<br />
de plaisir<br />
Jusqu’où un base jumper<br />
d’élite est-il prêt à aller en<br />
vue d’élargir l’horizon de<br />
son sport ? La réponse de<br />
TIM HOWELL fut un voyage<br />
de trois jours au Vietnam…<br />
pour un vol d’une poignée<br />
de secondes.<br />
Texte JOHNNY LANGENHEIM<br />
Photos JAMES CARNEGIE<br />
35
Tim Howell ne répond<br />
pas à nos appels. Tout<br />
ce que le photographe<br />
James Carnegie et moi<br />
entendons, ce sont des<br />
échos qui rebondissent<br />
sur les rochers et les<br />
gorges en contrebas.<br />
La corde de Howell,<br />
attachée à une roche<br />
creuse, serpente à<br />
travers une épaisse végétation dans une<br />
pente presque verticale. Quelque part<br />
en bas se trouve une falaise calcaire de<br />
300 mètres, et il la cherche. Soudain,<br />
nous entendons des jurons de bonheur.<br />
Tout va bien. Mieux, il pense avoir trouvé<br />
une zone de départ. Howell a vu le Vách<br />
đá Trăng au Vietnam pour la première fois<br />
en 2017. L’alpiniste et base jumper britannique<br />
de 30 ans était à la recherche de<br />
sites potentiels pour des sauts en wingsuit<br />
lorsqu’une spectaculaire falaise blanche<br />
est apparue sur son Instagram. En consultant<br />
les forums de base jump, il se rend<br />
compte que personne n’a jamais fait de<br />
vol en wingsuit au Vietnam.<br />
Six mois plus tard, avec sa fiancée Ewa<br />
Kalisiewicz, également adepte du base<br />
jump, il se met en route vers Hà Giang,<br />
la province la plus septentrionale du<br />
Vietnam. À mi-chemin du pic de 1 364 m<br />
et de la fameuse falaise, sous une pluie<br />
battante, ils doivent rebrousser chemin.<br />
Sans perspective d’amélioration côté<br />
météo et en raison d’impératifs en Europe,<br />
le couple rentre chez lui. Dégoûté. Quinze<br />
mois plus tard, en mars de cette année,<br />
Howell tente l’expérience à nouveau.<br />
Cette fois, nous le suivons.<br />
Pour venir ici, nous mettrons trois<br />
jours : un vol Londres-Hanoï, puis un<br />
train de nuit pour la province de Lào Cai<br />
à la frontière nord-ouest de la Chine –<br />
nous trois (Tim, James et moi-même)<br />
dans un compartiment de wagon-lit à<br />
quatre couchettes, en compagnie d’un<br />
jeune Vietnamien au visage éclairé par<br />
des jeux télévisés bruyants qu’il regarde<br />
Train de nuit pour Lào Cai. Masque anti-pollution pour l’habitant (en bas).<br />
toute la nuit sur son smartphone. Suivi<br />
d’un trajet de six heures en minibus vers<br />
l’est, le long de la frontière jusqu’à Hà<br />
Giang, d’une traversée de hauts plateaux<br />
sur des chemins de terre, puis de sept<br />
heures dans un bus jusqu’à Ðông Văn. En<br />
compagnie de sacs de riz (quatre canards<br />
squattent le toit). 72 heures de voyage<br />
pour documenter un vol en wingsuit de<br />
40 secondes… la destination finale a intérêt<br />
à être à la hauteur. Nous y voilà enfin,<br />
ou presque. Pas le temps de sauter<br />
aujourd’hui : il est presque 17 heures et<br />
Howell a besoin d’une machette pour<br />
dégager son point de départ, de contrôler<br />
son équipement et de se préparer pour le<br />
point de non-retour. Une plongée dans le<br />
vide. Pas deux.<br />
Ce matin, nous avons tous les trois<br />
parcouru la zone d’atterrissage, descendu<br />
et remonté une piste boueuse et escarpée,<br />
36 THE RED BULLETIN
Howell aime ouvrir de<br />
nouvelles routes.<br />
Tel un explorateur.<br />
Un vent frais fait claquer le drapeau vietnamien<br />
à travers les gorges du col du Mã Pí Lèng. Exceptionnel,<br />
ce point de vue était la base d’opérations de l’équipe.
Crapahuter vers le sommet à la<br />
recherche d’une zone de départ<br />
(en haut). Howell et sa machette<br />
font place nette – un départ<br />
encombré peut s’avérer fatal.<br />
38 THE RED BULLETIN
« Faire ce qu’ils<br />
savent déjà<br />
faire… beaucoup<br />
s’en contentent. »<br />
coupé à travers des terrasses pentues et<br />
plantées de maïs et de manioc, sommes<br />
passés devant des maisons faites de boue<br />
séchée et de paille, blotties les unes<br />
contre les autres, pour descendre sur les<br />
rives du fleuve Nho Qué. Après un bol de<br />
thé vert amer et une saucisse grillée dénichée<br />
au marché de fortune du belvédère<br />
avoisinant, nous partons à la recherche<br />
du point de départ.<br />
Howell, 30 ans, est un ancien commando<br />
du corps des marines britanniques<br />
qui a gravi la face nord de l’Eiger ; le photographe<br />
James Carnegie est un coureur<br />
extrême habitué aux balades de 100 km.<br />
Tous deux tiennent une cadence implacable<br />
malgré leurs lourds sacs à dos. Or,<br />
nous ne pouvons escalader le Vách đá<br />
Trăng. Et ses flancs – à l’exception de la<br />
falaise calcaire – sont recouverts d’une<br />
épaisse végétation qui rend la progression<br />
extrêmement pénible. Nous marchons<br />
jusqu’au point où Howell et Kalisiewicz<br />
ont fait demi-tour la dernière fois – carrément<br />
à la fin de la piste. « À partir d’ici,<br />
il va falloir débroussailler, dit Howell<br />
enthousiaste. On doit se diriger vers ce<br />
filon de pierre. » Il pointe du doigt une<br />
fissure à peine visible dans la végétation.<br />
Sans machette, difficile. Nous nous<br />
frayons un chemin à travers le feuillage<br />
touffu et sur les rochers, des cailloux<br />
schisteux cèdent sous nos mains alors que<br />
les plantes grimpantes nous prennent au<br />
piège. On tourne à gauche pour éviter les<br />
accidents près du bord. Une demi-heure<br />
plus tard, nous sommes couverts de coupures<br />
et nos pantalons sont en lambeaux.<br />
Le doute s’installe… Howell sait-il ce qu’il<br />
fait ? Le temps qu’il trouve le point de<br />
départ, toutes les idées préconçues sur les<br />
pilotes de wingsuit, des trompe-la-mort et<br />
des accros aux émotions fugaces, ont disparu.<br />
C’est plutôt une folie méthodique.<br />
« J’ai déjà consacré dix jours de travail<br />
à ce saut, dit Howell ce soir-là dans un<br />
café pour routards à Ðông Văn, notre<br />
base d’opérations. Beaucoup de gens se<br />
contentent de faire ce qu’ils savent déjà<br />
faire, là où ils le font d’habitude. C’est<br />
beaucoup plus difficile d’ouvrir un saut<br />
(créer un saut jamais tenté auparavant,<br />
ndlr). » Pour Howell, le base jump, c’est la<br />
liberté. Son approche accorde autant d’importance<br />
à l’exploration et à la préparation<br />
minutieuse qu’au saut dans les précipices.<br />
L’alpinisme, le ski et l’escalade font partie<br />
de l’équation. Howell n’a rien d’un junkie<br />
à l’adrénaline, mais dans un sport qui<br />
exige tant d’adresse et de sang-froid, cette<br />
perception qui fait la une des journaux<br />
est le plus souvent hors de propos.<br />
L’aventure est un marché encombré.<br />
Alors que notre soif de contenus devient<br />
de plus en plus importante et que les<br />
endroits au bout du monde se transforment<br />
en décor pour selfie, les extrêmes<br />
ont tendance à s’amplifier. Mais si Howell<br />
– par nécessité – habite le monde du<br />
sponsoring et des médias sociaux, ses projets<br />
offrent en revanche un charme rétro.<br />
Comme il le dit, il est plus enclin à grimper<br />
sur la glace jusqu’à un point de départ<br />
de base jump dans les Alpes qu’à faire un<br />
double saut arrière à partir d’une grue de<br />
50 mètres. Et il aime essayer de nouveaux<br />
projets, ouvrir de nouvelles routes, être le<br />
premier. C’est le propre d’un explorateur.<br />
« Mon père était parachutiste ; j’ai<br />
grandi en voyant des photos de lui en<br />
parachute au Kenya dans les années 70 ou<br />
Howell utilise des jumelles de télémétrie laser et<br />
son smartphone pour calculer la trigonométrie<br />
de sa trajectoire de vol. Il doit s’assurer que cette<br />
dernière lui permettra d’éviter de heurter les<br />
lignes électriques en contrebas dans la vallée.<br />
escaladant le Mont Blanc sur la glace »,<br />
dit Howell. Sa mère, quant à elle, était<br />
hôtesse de l’air. « Elle m’a emmené sur des<br />
vols long-courriers quand j’étais tout petit,<br />
me planquant dans les quartiers de l’équipage<br />
», dit-il en riant. À l’école, c’était un<br />
élève agité, avec de la difficulté pour se<br />
concentrer – des traits de caractère qu’il<br />
pense être typiques des personnes du type<br />
aventureux : « On a tous vécu des<br />
moments, quand on était enfant où l’on<br />
ne voulait pas se conformer ou se faire<br />
dire quoi faire. » Alors pourquoi avoir<br />
passé huit ans chez les Royal Marines ?<br />
Cela lui a permis de voyager, dit-il, et de<br />
développer des aptitudes mentales dans<br />
des situations extrêmes, comme ce séjour<br />
dans la province du Helmand, en Afghanistan,<br />
pour former les forces afghanes<br />
à combattre les insurgés.<br />
Le lendemain matin, en sortant de<br />
l’hôtel, une épaisse brume grise baigne la<br />
région. Cela n’augure rien de bon pour le<br />
vol d’Howell prévu pour aujourd’hui, et<br />
on annonce des nuages pour toute la<br />
semaine. En revanche, les rues sont inondées<br />
de couleurs. C’est jour de marché et<br />
partout il y a des commerçants représentant<br />
les différents groupes ethniques qui<br />
peuplent les montagnes : Hmong, Dao,<br />
Nung, Tay. Nous achetons enfin une<br />
machette, prenons notre équipement puis<br />
partons sur nos vélomoteurs de location.<br />
Pendant que les deux autres se fraient un<br />
chemin vers le point de départ, je me<br />
dirige vers une passerelle juste au-dessous<br />
de la falaise pour essayer de saisir le décollage.<br />
Mais le nuage ne disparaît pas. Nous<br />
discutons par talkie-walkie – ils ont trouvé<br />
le point, un affleurement d’à peine trente<br />
centimètres de large. Howell enlève les<br />
broussailles, sans être troublé par le vide<br />
qui l’entoure. Quand il n’est pas lancé dans<br />
une aventure, il travaille comme technicien<br />
d’accès par corde, se balançant précairement<br />
aux gratte-ciels et aux ponts.<br />
Mais la visibilité est nulle. Toute la journée,<br />
le brouillard flotte sur la montagne,<br />
se soulève comme pour nous narguer, puis<br />
redescend quelques instants plus tard.<br />
Howell ne peut pas voler à l’aveugle : des<br />
lignes électriques se trouvent en contrebas.<br />
À 17 heures, on décide de s’arrêter<br />
là pour la journée et de redescendre.<br />
Howell a accumulé plus de 600 sauts<br />
dont la moitié avec une wingsuit. Au<br />
300 e , il a eu un accident. Il faisait partie<br />
d’un groupe à Beachy Head, dans l’East<br />
Sussex, lorsqu’il a tenté un tonneau,<br />
figure qu’il ne connaissait pas très bien.<br />
Son parachute s’est emmêlé et il a heurté<br />
THE RED BULLETIN 39
Après avoir passé la journée sur la<br />
zone de départ en attendant que le<br />
brouillard se lève, Howell se lance du<br />
Vách á Trang : une chute de 300 m le<br />
long de la falaise avant de reprendre<br />
assez de vitesse pour aller de l’avant.<br />
40 THE RED BULLETIN
Les minutes<br />
passent. « Trois…<br />
Deux… Un… »<br />
Il n’est plus là.<br />
la falaise à deux reprises, accrochant<br />
presque fatalement la voile sur un rocher.<br />
Il a durement heurté le sol et a eu de la<br />
chance d’échapper à de graves blessures.<br />
« Ce jour-là, j’ai appris une leçon importante<br />
sur la mentalité de groupe et le<br />
triomphalisme. Depuis, il y a eu des tas<br />
de fois où j’ai laissé tomber des départs<br />
quand je n’aimais pas les conditions,<br />
même si d’autres ont sauté toute la journée<br />
sans problème. » L’année dernière<br />
a été une mauvaise année pour le base<br />
jump avec 32 décès enregistrés. L’une<br />
des victimes était un ami de Kalisiewicz.<br />
D’autres étaient des gars avec qui Howell<br />
avait sauté. Le nombre d’accidents fatals<br />
a augmenté avec l’avènement du base<br />
jump en wingsuit. Sans doute le sport le<br />
plus dangereux qui soit. Howell est réaliste<br />
; il fait confiance à sa marge d’erreur<br />
personnelle.<br />
Le lendemain matin, notre homme est<br />
dépité. Toute la falaise du Vách đá Trăng<br />
est enveloppée d’une brume fermée aux<br />
percées. Le temps presse et il commence<br />
à envisager d’autres options. Il trouve un<br />
autre sommet, non loin, pour un éventuel<br />
point de départ dans la gorge en contrebas,<br />
mais la falaise n’est pas assez à pic.<br />
Alors qu’il reprend la route, le Vách đá<br />
Trăng Trăng apparaît à nouveau. Il pousse<br />
soudainement un cri. Le brouillard s’est<br />
levé et le sommet est visible. Il le tient,<br />
son créneau ! Howell se tient debout sur<br />
un rocher solitaire, sa corde, lâche, à la<br />
main, le vide devant lui. Son costume et<br />
son gréement base, de la taille d’un petit<br />
sac à dos, semblent absurdement fragiles,<br />
mais son visage est aussi déterminé que<br />
les montagnes. « Appelle mon père s’il<br />
y a un problème. » Puis il se tait. Les<br />
minutes passent. « Trois… Deux… Un…<br />
Ciao ! » Et il n’est plus là. On entend un<br />
claquement quand les poches de sa wingsuit<br />
se remplissent d’air, puis le silence…<br />
jusqu’à ce qu’il réapparaisse, effleurant<br />
un pic avoisinant. Trente secondes plus<br />
tard, son parachute s’ouvre au-dessus de<br />
la rivière. Des rugissements triomphaux<br />
retentissent du fond de la vallée.<br />
Nous retrouvons Howell alors qu’il<br />
revient sur la route. Il est avec un couple<br />
de vieux Hmong qui rient en faisant des<br />
gestes de vol plané. À part nous, il n’y a<br />
qu’eux, leurs voisins et quelques animaux<br />
de basse-cour qui ont été témoins de cet<br />
événement monumental.<br />
Le Vách đá Trăng se retire finalement<br />
pour de bon derrière son voile de nuages,<br />
ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’autres<br />
vols prométhéens. Nous plions bagages<br />
et préparons le long voyage de retour.<br />
Vous savez, ces fameuses 72 heures...<br />
timhowelladventures.com<br />
THE RED BULLETIN 41
La force<br />
tranquille<br />
Travis Scott, Rihanna,<br />
Jay-Z, Young Thug…<br />
tous doivent un peu<br />
de leur succès et de<br />
leur saveur à son talent.<br />
À 22 ans, Ebony<br />
Naomi Oshunrinde,<br />
aka WONDAGURL, fait<br />
partie des beatmakers<br />
les plus demandés sur<br />
la scène hip-hop US.<br />
En toute tranquillité.<br />
Texte ANTOINE CARBONNAUX<br />
ARARSA KITABA<br />
42
WondaGurl est<br />
l’un des secrets<br />
du succès de Drake<br />
ou de Rihanna.
Artiste précoce, cette<br />
compositrice d’instrumentaux<br />
pour des<br />
rappeurs parmi les<br />
plus écoutés du globe<br />
collectionne les titres<br />
depuis son adolescence<br />
: deux nominations<br />
aux Grammy<br />
Awards, un triple<br />
disque de platine et autant de disques<br />
d’or qui lui ont valu de figurer l’an<br />
passé parmi les trente personnalités<br />
de moins de 30 ans les plus influentes<br />
selon le magazine américain Forbes.<br />
Une nomination prestigieuse qu’elle<br />
accueille avec simplicité : la Canadienne<br />
de 22 ans, d’un naturel<br />
toujours posé, garde la tête froide et<br />
préfère s’en tenir à son rôle d’architecte<br />
sonore de l’ombre au service de<br />
superstars. Ebony Naomi Oshunrinde<br />
n’en oublie pas pour autant les talents<br />
moins exposés. La preuve, son dernier<br />
challenge a été d’enregistrer en dix<br />
jours une mixtape inédite pour le<br />
<strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris, avec<br />
des rappeurs français. Rencontre.<br />
the red bulletin : En 2012, âgée d’à<br />
peine quinze ans, vous remportez le<br />
Battle of <strong>The</strong> Beat Makers de votre<br />
ville, Toronto, au Canada. Comment<br />
vous êtes-vous retrouvée à participer<br />
à ce concours ?<br />
wondagurl : La première fois que j’en<br />
ai entendu parler, c’était via le logiciel<br />
que j’utilise pour composer, FL Studio.<br />
Il y a une petite fenêtre en haut à droite<br />
de l’interface où défilent les infos et les<br />
mises à jour. Personne ne lit ce qui y est<br />
écrit. Mais quand j’ai vu le mot « Toronto »<br />
s’afficher, j’ai automatiquement cliqué.<br />
Ils annonçaient l’ouverture des inscriptions<br />
pour le Battle of <strong>The</strong> Beat Makers.<br />
Aviez-vous déjà fait écouter vos productions<br />
à quelqu’un à l’époque ?<br />
Non, à part peut-être quelques personnes<br />
de l’école. Pendant longtemps, j’ai fait<br />
des beats, seule, dans ma chambre. J’aurais<br />
voulu faire connaître mon travail<br />
mais à l’époque, je n’avais que treize ans,<br />
et le concours était réservé aux personnes<br />
majeures. Alors j’ai envoyé un message<br />
aux organisateurs dans lequel je leur<br />
expliquais à quel point j’étais motivée<br />
pour participer. Ils m’ont dit de m’inscrire<br />
l’année suivante. C’est ce que j’ai fait. Et<br />
j’ai fini en demi- finale dès ma première<br />
participation.<br />
Comment fonctionne ce genre<br />
d’événement ?<br />
C’est comme un tournoi sportif. On est<br />
32 au départ, à chaque tour, deux personnes<br />
s’affrontent et font écouter leur<br />
beat devant un jury qui sélectionne le<br />
meilleur des deux, et ainsi de suite.<br />
C’est là que vous avez rencontré votre<br />
mentor, Boi-1da ?<br />
Oui, il faisait partie du jury lorsque j’ai<br />
gagné le concours l’année suivante.<br />
Ça m’a permis d’accéder à <strong>The</strong> Remix<br />
Project, un programme qui permet aux<br />
QUENTIN MAHÉAS, APOLLINE CORNUET/LA CLEF PROD, WILLIAM K<br />
44 THE RED BULLETIN
C’est dans un <strong>Red</strong> Bull Studios Paris<br />
flambant neuf que WondaGurl a pris<br />
ses quartiers pour enregistrer une<br />
mixtape avec des newcomers de la<br />
scène rap. Récemment relocalisé au<br />
dernier étage de l’institution culturelle<br />
parisienne la Gaîté Lyrique, le<br />
studio s’étend sur un vaste espace<br />
aménagé et équipé pour permettre<br />
aux artistes de collaborer dans les<br />
meilleures conditions. Pendant dix<br />
jours, Nepal, Luidji, Youv Dee et<br />
Némir, ainsi que la MC londonienne<br />
Nadia Rose et les Belges Primero<br />
et Moka Boka se sont succédé pour<br />
poser sur des instrus inédites de la<br />
beatmakeuse canadienne. À écouter<br />
sur les plateformes de streaming.<br />
« J’ai fait des recherches sur la production,<br />
les producteurs et ce qu’ils faisaient… Puis j’ai téléchargé<br />
le logiciel gratuit le plus facile que j’ai pu trouver. »<br />
THE RED BULLETIN 45
jeunes de développer leurs talents et<br />
de se professionnaliser, soit dans la<br />
musique, soit dans la photographie ou<br />
le graphisme… Ils vous obligent à vous<br />
fixer des objectifs sur six ou neuf mois<br />
et vous aident à les atteindre. Vous devez<br />
aussi choisir un mentor. C’est comme<br />
ça que j’ai commencé à travailler avec<br />
Boi-1da.<br />
Vous souvenez-vous d’une chose qu’il<br />
vous ait apprise en particulier ?<br />
À l’époque, je trouvais que mes productions<br />
n’étaient pas assez marquées.<br />
J’essayais de trouver une technique<br />
pour avoir un son de batterie plus fort<br />
et un kick parfait. Boi-1da m’a expliqué<br />
et montré comment y arriver. C’est là<br />
que tout a changé pour moi.<br />
Aviez-vous suivi une formation<br />
musicale plus jeune ?<br />
Ma grand-mère m’a offert un synthé<br />
quand j’avais neuf ans. Je me suis mise<br />
à composer des mélodies, des motifs de<br />
batterie… Avec ma sœur, on s’amusait<br />
à faire des petites jam sessions, elle avait<br />
une belle voix, alors elle a commencé à<br />
chanter sur mes morceaux. Ensuite, j’ai<br />
acheté un ordinateur et j’ai voulu mieux<br />
comprendre comment tout cela fonctionnait.<br />
J’ai fait des recherches sur ce<br />
qu’était la production, qui étaient les producteurs<br />
et ce qu’ils faisaient… Puis j’ai<br />
téléchargé le logiciel gratuit le plus facile<br />
que j’ai pu trouver parce que je n’avais<br />
pas d’argent. Ça s’appelait Magix Music<br />
Maker.<br />
Comment avez-vous appris à vous<br />
en servir ?<br />
En regardant des tutoriels sur YouTube.<br />
Y avait-il des musiciens dans votre<br />
famille ?<br />
Non, mais on écoutait beaucoup de styles<br />
de musique différents. Ma grand-mère<br />
est nigériane. Quand j’allais chez elle<br />
« J’ai envoyé une<br />
vidéo Instagram à<br />
Drake où mon instru<br />
tournait en fond…<br />
C’est devenu le titre<br />
Used To qu’il a sorti<br />
avec Lil Wayne. »<br />
le week-end, on écoutait de la musique<br />
africaine. Ma tante, elle, aimait bien le<br />
chanteur country Kenny Rogers ; ma<br />
mère écoutait surtout du R’n’B et Marilyn<br />
Manson.<br />
Ces influences musicales variées<br />
influencent-elles votre manière de<br />
composer ?<br />
Je pense que oui, d’une certaine manière.<br />
Je n’aime pas m’en tenir à un seul genre,<br />
j’ajoute un tas de sonorités différentes<br />
dans ma musique.<br />
Quel serait alors le dénominateur<br />
commun de vos compositions ?<br />
Difficile à dire… On me dit souvent que<br />
ma musique est sombre.<br />
Est-ce que vous composez tous les<br />
jours ?<br />
Plus ou moins. Je n’ai pas vraiment de<br />
programme à suivre, mais j’essaie en<br />
général de créer cinq beats par jour.<br />
Souvent, j’ai une idée assez précise en<br />
tête, je la réalise et une fois que j’ai le<br />
sentiment que ça sonne comme je<br />
l’imaginais, je passe à autre chose.<br />
Et ensuite, vous avez envoyé vos<br />
productions en DM sur Instagram<br />
comme avec Drake ?<br />
Ah ça… (rires) Je lui ai envoyé une vidéo<br />
avec le beat qui tournait en fond sonore,<br />
il m’a répondu qu’il le trouvait génial<br />
et m’a demandé de lui envoyer… Alors<br />
je lui ai filé le MP3, et c’est devenu le<br />
titre Used To qu’il a sorti avec le rappeur<br />
Lil Wayne.<br />
Est-ce que vous bossez essentiellement<br />
seule, de votre côté ?<br />
Cela dépend, la plupart des morceaux<br />
que j’ai placés auprès des artistes étaient<br />
déjà enregistrés mais ça m’arrive d’aller<br />
en studio. Pour leur faire écouter des<br />
choses ou créer un son à partir de zéro,<br />
pour eux. Parfois, ils se retrouvent avec<br />
d’autres artistes à qui ils font écouter<br />
mes prods et qui m’appellent ensuite.<br />
C’est ce qu’il s’est passé avec Jay-Z ?<br />
Oui, j’avais commencé à bosser avec<br />
Travis Scott à l’époque. Il avait déjà pris<br />
une de mes instrus alors je continuais de<br />
lui envoyer ce que je faisais, en espérant<br />
qu’un son lui plairait à nouveau. Puis un<br />
jour, il m’a appelée pour me dire que<br />
Jay-Z allait utiliser une de mes productions.<br />
Je ne savais même pas qu’ils<br />
travaillaient ensemble.<br />
Validée par les<br />
plus grand(e)s<br />
Comment les créations<br />
de WondaGurl sont<br />
passées entre de très<br />
bonnes mains pour<br />
construire des hits planétaires<br />
qui cumulent<br />
des millions d’écoutes<br />
et de vues.<br />
Jay Z – Crown (2013)<br />
En pleine préparation de Magna<br />
Carta Holy Grail, Jay-Z s’est<br />
entouré de plusieurs artistes,<br />
dont Travis Scott, pour travailler<br />
à la confection de son douzième<br />
album studio. Lorsque<br />
Scott s’est rendu au studio et<br />
qu’il a ouvert son ordinateur<br />
portable, une instru s’est lancée<br />
automatiquement et a résonné<br />
dans toute la pièce. En l’entendant,<br />
Jay-Z s’est tout de suite<br />
exclamé : « Qu’est-ce que c’est<br />
que ça ? Il me faut ce beat ! »<br />
ALEX UNCAPHER/RED BULL SOUND SELECT/CONTENT POOL<br />
46 THE RED BULLETIN
Travis Scott lui a alors fait écouter<br />
plusieurs productions qui<br />
traînaient sur son disque dur,<br />
dont plusieurs signées Wonda-<br />
Gurl avec qui le rappeur collaborait.<br />
Ils en retiendront une et<br />
créeront le morceau Crown<br />
avec. « Après ça, ma vie a<br />
changé », confesse WondaGurl.<br />
Travis Scott –<br />
Antidote (2013)<br />
284 millions de vues sur You-<br />
Tube. « Celle-ci est pour les<br />
vrais fans, les vrais fanatiques<br />
! » Dévoilée sur scène<br />
à l’occasion d’un concert à<br />
Dallas, Antidote n’était initialement<br />
pas prévue sur le très<br />
attendu premier album de<br />
Travis Scott, Rodeo. Mais face<br />
à la réaction du public ce jour-là<br />
et à la popularité grandissante<br />
des extraits du concert publiés<br />
sur les réseaux sociaux, le morceau<br />
sera finalement intégré au<br />
tracklisting et fera même office<br />
de single. Construite sur un<br />
sample d’un morceau de<br />
Lee Fields, l’instru est signée<br />
WondaGurl et Eestbound, qui<br />
étaient assis au Keg Steakhouse<br />
dans le centre-ville de Toronto<br />
lorsque la chanson du chanteur<br />
soul américain s’est glissée<br />
dans les haut-parleurs du restaurant.<br />
Les deux producteurs<br />
ont alors entrepris de sampler<br />
différentes parties du morceau,<br />
en n’en gardant que les éléments<br />
essentiels, de sorte à<br />
produire une instru minimaliste<br />
laissant de la place à l’artiste<br />
pour s’exprimer et improviser.<br />
Travis Scott s’en donnera d’ailleurs<br />
à cœur joie, plaçant tout<br />
un tas d’ad-libs comme “It’s<br />
lit !” ou “Straight up !” tout au<br />
long du morceau.<br />
Rihanna – Bitch Better<br />
Have My Money (2015)<br />
190 millions de vues sur<br />
YouTube. “Bitch better have my<br />
money” : c’est avec ces paroles<br />
que Rihanna marque un retour<br />
Travis Scott prend<br />
la température<br />
à Minneapolis lors<br />
d’un show en 2015.<br />
« Travis Scott a changé ma vie dans<br />
l’industrie de la musique », raconte<br />
WondaGurl. En la prenant sous son<br />
aile, le rappeur texan (ici en photo)<br />
ne s’est pas contenté d’utiliser<br />
ses productions pour son compte,<br />
il a aussi grandement participé<br />
à sa reconnaissance dans le milieu,<br />
en faisant écouter son travail à<br />
d’autres artistes, des superstars<br />
comme Jay-Z ou Rihanna.<br />
fracassant en 2015 après trois<br />
ans d’absence. Une instru trap<br />
à la rythmique lente et saccadée<br />
sur laquelle la chanteuse<br />
déverse toute sa rage dans un<br />
flow marqué de son accent barbadien<br />
natal. Derrière ce carton<br />
mondial se cache tout un travail<br />
collaboratif et une division des<br />
tâches propre à la pop américaine<br />
et sa fabrique à hits.<br />
À l’origine du morceau, Bibi<br />
Bourelly, une jeune chanteuse<br />
berlinoise de vingt ans exilée<br />
à Los Angeles qui a écrit le titre<br />
pour s’amuser, « en trois<br />
heures » avec Deputy de Roc<br />
Nation, le label de Jay-Z sur<br />
lequel est signée Rihanna. La<br />
maquette de la chanson finira<br />
par circuler entre plusieurs<br />
mains, Travis Scott l’enverra<br />
à WondaGurl qui ajoutera<br />
quelques détails de production,<br />
avant que celle-ci n’atterrisse,<br />
par l’intermédiaire de Kanye<br />
West, entre les mains de<br />
Rihanna. Elle en fera le hit<br />
mondial que l’on connaît<br />
aujourd’hui.<br />
Drake –<br />
Used To (2015)<br />
75 millions de vues sur You-<br />
Tube. C’est en envoyant un<br />
message privé à Drake sur<br />
Instagram que WondaGurl a<br />
réussi à placer cette instru<br />
auprès du rappeur canadien.<br />
Publié à l’origine sur la mixtape<br />
Sorry For <strong>The</strong> Wait 2 de Lil<br />
Wayne, le morceau sera également<br />
intégré à la mixtape If<br />
You’re Reading This It’s Too<br />
Late de Drake, mais dans une<br />
version amputée de l’outro<br />
signée Riff Raff. Sur le morceau,<br />
le rappeur de Toronto explique<br />
dans le refrain de ne pas avoir<br />
« ressenti la pression depuis un<br />
petit moment » et qu’il va devoir<br />
s’y habituer. Des affirmations<br />
rapidement confirmées par les<br />
scores de la mixtape. Streamée<br />
17,3 millions de fois sur Spotify,<br />
Drake bat son propre record et<br />
devient ainsi le premier rappeur<br />
à se hisser à la tête du Billboard<br />
Artist 100 américain.<br />
THE RED BULLETIN 47
« Booba ? Ses intrus<br />
défoncent, surtout les<br />
trucs à l’ancienne. »
Est-ce que ça a changé quelque-chose<br />
pour vous ?<br />
Absolument. Ma vie a complètement<br />
changé après cela. J’ai commencé à attirer<br />
l’attention sur les plateformes. Les<br />
gens se sont intéressés à ce que je faisais,<br />
ils se sont mis à me suivre sur Instagram<br />
et sur Twitter.<br />
ARARSA KITABA, SARAH BASTIN/RED BULL CONTENT POOL<br />
Du studio au live<br />
Toronto Paris : une mixtape<br />
inédite de WondaGurl enregistrée<br />
pour le <strong>Red</strong> Bull Music<br />
Festival Paris. Voilà trois ans que<br />
le <strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris<br />
réitère l’opération. Le concept ?<br />
Inviter un beatmaker américain<br />
à Paris, en studio, pour rencontrer<br />
de jeunes rappeurs francophones<br />
et enregistrer avec eux<br />
une mixtape inédite.<br />
<strong>The</strong> Alchemist ouvrait le<br />
bal en 2017 pour un projet de<br />
huit titres avec des artistes à<br />
l’époque peu connus : Lomepal,<br />
Roméo Elvis ou Caballero et<br />
JeanJass figurent ainsi au<br />
tracklisting de Paris L.A.<br />
Bruxelles. Le collaborateur de<br />
Eminem avait même poussé le<br />
vice à rechercher des disques<br />
français rares chez les disquaires<br />
parisiens et dans les marchés<br />
aux puces de la capitale pour<br />
pouvoir les sampler et composer<br />
des instrus originales teintées<br />
de sonorités locales. Harry Fraud<br />
a suivi l’année d’après et enregistré<br />
Brooklyn Paris avec Dinos,<br />
Triplego ou encore Jok’Air.<br />
Cette année, c’est WondaGurl<br />
qui a accepté l’invitation à relever<br />
ce challenge. Pendant une<br />
semaine, la collaboratrice de<br />
Travis Scott s’est enfermée au<br />
<strong>Red</strong> Bull Studios Paris pour<br />
produire Toronto Paris. Les<br />
rappeurs parisiens Nepal et<br />
Luidji, Youv Dee, Nemir, la MC<br />
londonienne Nadia Rose, le<br />
Bruxellois Primero du groupe<br />
L’Or Du Commun et le rappeur<br />
belge Moka Boka sont ainsi<br />
venus poser leur couplet sur des<br />
instrus spécialement produites<br />
pour l’occasion par la beatmakeuse<br />
canadienne.<br />
Dévoilée début septembre<br />
sur les plateformes de streaming,<br />
les morceaux de cette<br />
mixtape exclusive seront interprétés<br />
lors d’un show unique<br />
réunissant tout le monde sur<br />
scène à la Machine du Moulin<br />
Rouge le 20 septembre<br />
prochain.<br />
Chaque année, le<br />
projet studio entre un<br />
beatmaker étranger<br />
et des newcomers<br />
francophones donne<br />
lieu à un live d’anthologie<br />
lors du <strong>Red</strong> Bull<br />
Music Festival Paris.<br />
En haut, sans haut : Blu<br />
Samu. Ci-dessus, très<br />
chauds : Roméo Elvis,<br />
Caballero et JeanJass.<br />
Et vous vous retrouvez à collaborer le<br />
hit mondial de Rihanna, Bitch Better<br />
Have My Money. Il y a près de dix<br />
personnes créditées sur ce morceau,<br />
quelle a été votre contribution<br />
précise ?<br />
Je suis arrivée à la fin du processus, l’instru<br />
était déjà presque terminée quand<br />
Travis Scott me l’a envoyée. J’ai ajouté<br />
quelques détails dessus, des « hi-hats »,<br />
un peu de 808 (la célèbre boîte à rythmes<br />
du fabricant Roland, ndlr). Je n’avais<br />
aucune idée qu’il serait destiné à Rihanna<br />
au final !<br />
La chanson a été écrite par la chanteuse<br />
Bibi Bourelly et c’est finalement<br />
Rihanna qui l’a interprétée. Vous<br />
arrive-t-il de travailler avec des<br />
paroliers ?<br />
Oui, c’est plus facile de travailler directement<br />
avec un songwriter pour ensuite<br />
placer la chanson auprès d’un artiste<br />
connu.<br />
Et comment est-ce de travailler avec<br />
des artistes qui rappent en français ?<br />
La plupart d’entre eux ne parlent pas<br />
anglais. Et même si je ne comprends pas<br />
ce qu’ils disent, je ressens l’énergie sur<br />
leurs morceaux, c’est très cool.<br />
Étiez-vous familière avec le hip-hop<br />
français avant cela ?<br />
J’avais déjà écouté Booba, c’est vraiment<br />
bon et les instrus défoncent ! Surtout les<br />
trucs à l’ancienne.<br />
Est-ce que l’un des MCs présents sur<br />
la mixtape que vous avez conçue<br />
pour le <strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris<br />
a plus particulièrement retenu votre<br />
attention ?<br />
Quand j’ai reçu la liste des participants,<br />
j’ai tout de suite accroché sur ce que faisait<br />
Youv Dee. Ce qu’il fait avec l’autotune,<br />
un peu à la Young Thug, ça m’a tout<br />
de suite parlé. Mais j’aime aussi ce que<br />
font les autres. Ce qui est bien, c’est que<br />
tout le monde a son style propre et surtout<br />
tous sont de très bons rappeurs.<br />
J’ai hâte que ça sorte maintenant.<br />
THE RED BULLETIN 49
Le club<br />
de Mikey<br />
Quand il ne produit pas un film<br />
avec Jonah Hill, ne part pas en<br />
tournée avec Kendrick Lamar<br />
ou ne collabore pas avec Vogue,<br />
MIKEY ALFRED gère son propre<br />
collectif créatif. À 24 ans<br />
seulement, ce faux nerd n’en<br />
est qu’à ses débuts.<br />
Texte MOLLY OSWAKS<br />
Le fameux passage à l’âge adulte : voilà le<br />
fil conducteur de 90’s, premier film de l’acteur<br />
hollywoodien Jonah Hill, inspiré de sa<br />
propre adolescence parmi les skateurs de<br />
Los Angeles. Un film qui nous montre qu’il<br />
n’est jamais trop tard pour se réinventer,<br />
mais que les décisions prises à l’adolescence<br />
– picoler ou non, skater ou aller en<br />
cours – donnent le ton pour tout ce qui<br />
viendra ensuite. Une leçon que l’on pourrait<br />
tout aussi bien apprendre en étudiant<br />
les choix de vie du coproducteur du film,<br />
Mikey Alfred. Même si, dans son cas, c’est<br />
plutôt un exemple de réussite précoce et<br />
d’écho retentissant qui est au cœur du<br />
scénario. « La première impression que j’ai<br />
eue de Mikey, c’était celle d’un type mûr,<br />
engagé et réfléchi, révèle Jonah Hill. Il<br />
avait une telle assurance pour son âge. »<br />
À 24 ans, Alfred est le fondateur<br />
d’Illegal Civilization, un collectif de skateurs<br />
versé dans le cinéma et la mode, et<br />
basé à North Hollywood en Californie.<br />
Aux côtés de ses amis Davonte Jolly et<br />
Shawn Rojas, lui et sa marque ont eu les<br />
honneurs du média alternatif Vice, ont<br />
filmé des vidéos pour Vogue et ont eu<br />
droit à leur propre cycle de trois épisodes<br />
dans Ballers, une série sur le sport aux<br />
accents de comédie dramatique avec<br />
l’emblématique Dwayne « <strong>The</strong> Rock »<br />
Johnson. Entre autres.<br />
Plus récemment, Illegal Civilization<br />
a organisé son propre événement en journée<br />
au célèbre Pink Motel dans le quartier<br />
de Sun Valley, mêlant musique et skate, et<br />
nous y a conviés. Devant la scène, les skateurs<br />
enchaînent les figures dans la<br />
piscine vide de cet hôtel des années 50,<br />
sous les yeux de jeunes gens tous plus<br />
branchés les uns que les autres.<br />
Une créature orange et chauve au nez<br />
pointu, affublée d’une salopette rose et<br />
d’un tee-shirt blanc – la mascotte d’Illegal<br />
Civilization grandeur nature dans un costume<br />
en peluche – se balade à l’extérieur<br />
de l’hôtel avec un hamburger sur un<br />
plateau. À la clé, la photo parfaite pour<br />
les fans de la marque et, pour IC, une<br />
visibilité gratuite bienvenue si le selfie<br />
se retrouve sur les réseaux sociaux.<br />
Alfred arrive en milieu d’après-midi,<br />
vêtu d’une chemise blanche amidonnée,<br />
d’une cravate jaune, d’un cardigan rouge<br />
avec le nom de sa marque brodé au dos,<br />
d’un pantalon kaki, de chaussettes<br />
blanches, de mocassins en cuir noir et<br />
de lunettes à large monture. Oui, c’est<br />
bien ce mec au look de nerd le patron de<br />
l’événement. Manifestement à l’aise, il circule<br />
dans la foule en distribuant les poignées<br />
de main. Deux semaines plus tard,<br />
je retrouve Alfred chez lui à Century City<br />
(un quartier d’affaires à l’ouest de Los<br />
Angeles), dans un appartement minimaliste<br />
et spacieux en haut d’un immeuble,<br />
avec une vue superbe sur Downtown L.A.<br />
et les collines d’Hollywood.<br />
Ayant passé les vingt premières<br />
minutes de notre interview seule pendant<br />
qu’Alfred répondait à un appel professionnel,<br />
j’ai pu observer ses effets personnels,<br />
essayant d’en tirer quelques traits de sa<br />
personnalité. Chez lui, bibliothèques et<br />
étagères sont remplies de centaines de<br />
coffrets DVD d’intégrales de séries,<br />
notamment Les Simpson, Larry et son<br />
nombril, Les Soprano et <strong>The</strong> Wire, ainsi<br />
que de nombreux livres sur les vieux films<br />
hollywoodiens, le cinéma et la musique.<br />
Sur une desserte derrière le canapé<br />
s’entassent des dizaines d’exemplaires<br />
d’un magazine de skate japonais aux<br />
côtés d’anciens numéros de Rolling Stone.<br />
Sur le plan de travail dans la cuisine, une<br />
« J’arrête l’école,<br />
j’arrête la chorale.<br />
Je veux faire des<br />
vidéos de skate. »<br />
KOURY ANGELO/RED BULL CONTENT POOL<br />
50 THE RED BULLETIN
Gilet rouge : Alfred<br />
a réalisé un docu<br />
sur son pote Tyler,<br />
<strong>The</strong> Creator, dans<br />
lequel Lil Wayne et<br />
Kanye West font<br />
des apparitions.
La revanche des nerds : basé à North Hollywood, Illegal Civilization – le collectif d’Alfred – mêle skate, mode, musique, cinéma, business et plus encore.<br />
« Le skate<br />
m’a appris tout<br />
ce que je sais<br />
sur la vie. »<br />
édition spéciale du magazine Life, avec<br />
Michelle Obama en couverture. Et enfin,<br />
accrochée au mur, en orange fluo sur<br />
une grande toile jaune vif, on peut lire<br />
les Dix Commandements du collectif<br />
Illegal Civilization :<br />
1. Ne parle pas au cinéma.<br />
2. L’attention est le meilleur cadeau<br />
que l’on puisse offrir.<br />
3. Travaille dur pour ce que tu veux.<br />
4. Ne te cherche pas d’excuses.<br />
5. Poursuis ceux qui te poursuivent.<br />
6. Respecte tes parents.<br />
7. Ne mens pas sur tes sentiments.<br />
8. Règle les problèmes quand ils se<br />
présentent.<br />
9. Prends du temps pour toi.<br />
10. Appelle les gens pour sortir et<br />
contente-toi de ça. N’attends rien d’eux.<br />
« J’ai un rendez-vous tout à l’heure<br />
avec Barry Diller (grand businessman<br />
et magnat des médias, ndlr) chez lui,<br />
m’explique Alfred tout naturellement,<br />
même s’il ne peut pas encore révéler la<br />
raison de cette rencontre. Je suis super<br />
content de pouvoir le rencontrer. Après,<br />
je rentrerai pour jouer aux jeux vidéo. »<br />
Vantard le nerd ? Le fait est que c’est sur<br />
ce genre de rencontres qu’Alfred a bâti<br />
sa carrière.<br />
« J’avais dix ans, j’étais servant d’autel<br />
et je chantais à la chorale de l’église<br />
Saint Charles Borromeo (une église<br />
catholique de North Hollywood, ndlr),<br />
raconte Alfred pour expliquer comment<br />
tout a commencé. Et j’ai dit à ma mère :<br />
“J’arrête l’école et la chorale. Ce que je<br />
veux, c’est faire des vidéos de skate.” »<br />
52 THE RED BULLETIN
ANTHONY ACOSTA<br />
En réponse, la mère d’Alfred, qui travaille<br />
depuis trente-six ans en tant qu’assistante<br />
personnelle de Robert Evans, le légendaire<br />
producteur d’Hollywood à qui l’on<br />
doit des films tels que Chinatown, les deux<br />
premiers Parrain ou encore Rosemary’s<br />
Baby, emmène alors son fils à son travail<br />
et l’installe devant son patron.<br />
« J’étais assis en face de lui, de l’autre<br />
côté du bureau, se remémore Alfred. Il<br />
m’a demandé : “Est-ce que tu veux faire<br />
une école de cinéma ?” » L’été suivant,<br />
Alfred le passe à l’université Columbia de<br />
New York pour suivre un cours de cinéma<br />
pour les jeunes de 10 à 17 ans.<br />
Son projet final est un court-métrage<br />
sur un garçon qui se fait voler sur le chemin<br />
entre le dortoir et sa classe. Il ne rencontre<br />
qu’un succès mitigé. « Les lumières<br />
« La première<br />
impression que j’ai<br />
eue de Mikey, c’était<br />
celle d’un type mûr,<br />
engagé et réfléchi. »<br />
Jonah Hill<br />
se sont rallumées et le prof s’est contenté<br />
d’un “Suivant”. » Le suivant, c’était un<br />
gamin de treize ans avec huit minutes<br />
de film sur un trottoir de New York, sans<br />
dialogue ni musique. Il a eu droit à une<br />
standing ovation de toute la classe. Pour<br />
le prof, c’était un travail « courageux » et<br />
« inventif » – Alfred raconte cela d’un ton<br />
ironique. « Quand je suis rentré à Los<br />
Angeles, j’ai dit à ma mère : “Je n’irai pas<br />
à l’université. Je ne ferai pas d’école de<br />
cinéma. Mais je sais que je peux y arriver.”<br />
» L’année suivante, à tout juste<br />
douze ans, Alfred crée sa société, Illegal<br />
Civilization.<br />
« Il connaît tellement de gens, et il est<br />
tellement apprécié qu’il a cette capacité<br />
étrange à réussir tout ce qu’il entreprend<br />
– et ce en moins de deux », déclare Jonah<br />
Hill. Ce que l’acteur et réalisateur évoque<br />
ici, c’est la capacité d’Alfred à s’exécuter<br />
rapidement sur un projet. Voilà une excellente<br />
manière de décrire ce jeune entrepreneur,<br />
particulièrement efficace et au<br />
réseau professionnel très étendu.<br />
« Au début, on se contentait de faire<br />
des vidéos de skate et des tee-shirts,<br />
raconte Alfred. Notre bande de skateurs<br />
était connue comme le loup blanc à North<br />
Hollywood. » Et puis, à quinze ans, il rencontre<br />
Tyler, <strong>The</strong> Creator, un rappeur de<br />
Los Angeles, et ils partent rapidement en<br />
tournée ensemble, Alfred vendant des<br />
tee-shirts Illegal Civilization et des vidéos<br />
de skate à chaque étape. Il enchaîne sur<br />
d’autres tournées avec Frank Ocean,<br />
Kendrick Lamar et Mac Miller, tout en<br />
continuant à distribuer des produits<br />
Illegal Civilization et se constituant ainsi<br />
une base de fans et un réseau solide.<br />
Dix ans plus tard, Alfred collabore avec<br />
Converse, produit son premier film et<br />
joue son propre rôle à la télé. En ce<br />
moment, il travaille sur son nouveau film,<br />
North Hollywood, l’histoire d’un gamin<br />
qui rêve de devenir skateur, mais dont le<br />
père veut qu’il aille à l’université.<br />
« Cette histoire est centrée sur le<br />
moment où tu veux suivre tes envies mais<br />
où tes parents veulent que tu choisisses<br />
une voie plus sûre, poursuit Alfred. C’est<br />
mon histoire. » Il ajoute : « Le skate m’a<br />
appris tout ce que je sais sur la vie. » Pour<br />
Alfred, la planche de skate a toujours<br />
clairement été bien plus qu’une manière<br />
cool de se déplacer. C’est une manière<br />
de s’exprimer. C’est un look et un style<br />
de vie. Une mode. Un art. C’est ce qui<br />
a donné naissance à un nouveau genre<br />
cinématographique.<br />
Et aujourd’hui, le skate entretient<br />
des liens étroits avec la scène musicale –<br />
d’où le succès d’Illegal Civlization quand<br />
Alfred a commencé les tournées avec<br />
Tyler étant ado, avant d’enchaîner avec<br />
Kendrick Lamar et les autres.<br />
« Mon objectif, c’est d’inspirer les<br />
jeunes à travers ma marque et ma voix,<br />
déclare Alfred. Je viens d’un milieu<br />
modeste et ce n’est pas trop mon truc de<br />
parler de mes projets en des termes ronflants.<br />
Je ne suis pas ce genre de mec.<br />
Mais je suis ma route et ça, vous pouvez<br />
le faire, vous aussi. »<br />
Je me demande si Alfred se retrouve<br />
dans le conflit au cœur de 90’s, le film de<br />
Jonah Hill qu’il a coproduit, la relation<br />
entre les deux personnages Ray et<br />
Fuckshit, et comment l’ambition et les<br />
soirées arrosées peuvent amener deux<br />
meilleurs amis d’enfance à s’éloigner l’un<br />
de l’autre. A-t-il vécu une expérience similaire<br />
? A-t-il été à la place de Ray dans le<br />
film, qui préfère abandonner les fêtes et<br />
les excès pour aller de l’avant ?<br />
« Ce film, c’est l’histoire de Jonah, son<br />
expérience, répond Alfred. Moi, je traînais<br />
avec des gamins qui faisaient la fête<br />
tous les week-ends… et cela finissait par<br />
passer avant tout le reste dans leur vie,<br />
que ce soit le water-polo, le football américain<br />
ou les études. Dans le monde du<br />
skate, les gens faisaient la fête, prenaient<br />
de la drogue, et puis, tout à coup, certains<br />
arrêtaient le skate ou allaient en prison. »<br />
En parlant, Alfred se passe la main sur<br />
le crâne, rasé de près, à la manière dont<br />
un homme bien plus âgé se tortillerait la<br />
barbe. À l’écran, c’est un geste qui pourrait<br />
évoquer une personne sage, réfléchie,<br />
pensive. Chez Alfred, c’est le tic d’un<br />
jeune homme qui a déjà dix ans d’expérience<br />
professionnelle derrière lui, à l’âge<br />
où d’autres sont en pleine crise de la<br />
vingtaine. « Je me souviens qu’à quinze<br />
ans, je me disais : “Bon, je ne veux pas<br />
finir clochard… Je vais arrêter de faire<br />
la fête et je ne finirai pas comme ça.” J’ai<br />
dû faire un choix. »<br />
illegalcivilization.com<br />
THE RED BULLETIN 53
Marins,<br />
after<br />
all<br />
Avec ces bateaux volants, bêtes hi-tech les<br />
plus rapides au monde, l’espèce humaine<br />
repousse toujours loin les limites de la<br />
vitesse en mer. Illustration avec le CIRCUIT<br />
SAILGP, créé en 2018, concentré de voiles<br />
3.0 réunies en mai en baie de San Francisco.<br />
Nous y étions avec l’équipe de France,<br />
portée par Billy Besson et Marie Riou, seule<br />
femme engagée sur ce format en cinq<br />
étapes qui s’achèvera à Marseille.
Entraînement pour les<br />
Français. Hormis la<br />
préparation hivernale<br />
en Nouvelle-Zélande,<br />
les équipes passent<br />
peu de temps à l’eau.<br />
Texte PATRICIA OUDIT<br />
Photos BERNARD LE BARS<br />
55
Alameda, Californie.<br />
À une demi-heure de<br />
San Francisco, voici<br />
l’antre de la team base,<br />
ensemble de containers<br />
où sont entreposés les<br />
six catamarans en compétition,<br />
ces F50 en<br />
passe de révolutionner<br />
la notion de vitesse sur l’eau. Dans l’un<br />
d’eux, Franck Citeau, le coach de l’équipe<br />
de France, souriant mais sérieux, vient<br />
d’en convoquer ses membres. Le briefing,<br />
habituellement confidentiel, nous est<br />
ouvert, car ici, à la différence de la Coupe<br />
de l’America, pas de paranoïa. Pour ceux<br />
qui ont vécu la fameuse Coupe comme<br />
Matthieu Vandame, le régleur d’aile du<br />
F50 français, l’ambiance est radicalement<br />
différente : pas de secret de fabrication<br />
que provoque la course à l’armement,<br />
où l’écurie la plus riche peut faire la différence.<br />
Les équipes disposent toutes du<br />
même budget (5 millions de dollars<br />
chacun), alloués par la septième fortune<br />
mondiale, le PDG américain d’Oracle,<br />
Larry Ellison qui a injecté un total de<br />
50 millions de dollars (44,8 millions<br />
d’euros) dans ce circuit. De même, elles<br />
ont accès à tous les réglages et aux centaines<br />
de données, collectées via les<br />
1 200 capteurs fixés aux bateaux, et analysées<br />
par quatre experts confinés dans<br />
l’un des containers. Dans ce circuit à<br />
armes égales, avec ces monotypes de<br />
15 mètres de long pesant 2,4 tonnes (soit,<br />
comme aime à le souligner l’organisation,<br />
« le poids d’un rhinocéros adulte ») et<br />
allant 15 % plus vite que les AC 50 de<br />
l’America’s Cup, aucune possibilité de<br />
piper les dés.<br />
Dominer les bêtes<br />
La confiance règne. Marie Riou, « régleuse<br />
de vol » et Billy Besson, le barreur du<br />
team France, ont l’air parfaitement détendus.<br />
Marie, ravie de naviguer sur des<br />
bateaux « qui sont le joujou ultime de la<br />
technologie » raconte la rencontre avec<br />
Russel Coutts, le boss du circuit. C’est lui<br />
qui a contacté Billy Besson, lequel a<br />
immédiatement réclamé la participation<br />
de Marie. « On a dit oui, car c’est un vrai<br />
championnat du monde, avec six nations<br />
qui s’affrontent et dans lequel ce sont les<br />
humains qui feront la différence. Il y a<br />
de la stratégie, de la tactique et ça nous<br />
excite ! » Et la tactique, parlons-en. Le<br />
briefing s’en charge. « Ce matin, de 10<br />
à 15 heures, vous allez vous entraîner<br />
avec les Américains, récapitule le coach.<br />
Marie, il faut que tu te mettes en ligne<br />
droite pour régler la hauteur de vol, voir<br />
s’il faut changer les paramètres sur des<br />
phases de trente secondes. Une fois calé<br />
en ligne droite, Billy donnera le go et on<br />
balancera les virements. Il faut absolument<br />
qu’on se familiarise avec les finesses<br />
de réglage et qu’on soit au point sur les<br />
transitions. » Avant de sortir du container,<br />
chacun des cinq équipiers s’harnache.<br />
Un baudrier pour se longer, un gilet de<br />
sauvetage aux allures de gilet pare-balles,<br />
où est fixé une capsule d’oxygène en cas<br />
de chavirage, un coupe-filet jaune fluo<br />
à gauche, un couteau à droite. Enfin,<br />
un casque avec oreillette pour écouter<br />
les consignes du coach qui suit dans<br />
un zodiac où trônent des écrans<br />
d’ordinateur.<br />
Dehors, changement d’ambiance. La<br />
réalité 3.0 s’affiche sous nos yeux. Après<br />
un briefing de voileux qui respire la<br />
régate, une armée d’hommes casqués s’affaire<br />
autour de grues qui servent à mettre<br />
à l’eau les bateaux (en kit, il y a encore<br />
quelques minutes). Des avions, plutôt,<br />
avec leurs ailes rigides de 24 mètres de<br />
haut, dont les foils sont les frères marins<br />
des flaps (volets d’avion). Des bêtes qu’il<br />
va falloir dominer. Français, Anglais,<br />
Chinois, Américains, Australiens et Japonais<br />
– les deux derniers dominant actuellement<br />
le game – s’affrontent sur un site<br />
de 2,5 km sur 2 km, autour de quatre<br />
bouées. Le tout en deux manches, dont<br />
la première de trois runs et la seconde de<br />
deux runs suivie d’une finale, celle-ci se<br />
disputant en match race entre les deux<br />
premières équipes. Le tout multiplié par<br />
cinq étapes : Australie, États-Unis (San<br />
Francisco et New York), Angleterre et<br />
Marseille pour finir. L’entraînement de ce<br />
matin a lieu entre le Golden Gate Bridge,<br />
la skyline et Alcatraz. Carte postale pour<br />
touristes. Sauf que Marie et Billy n’en<br />
sont pas. Leur pedigree est long comme<br />
un Vendée Globe : 4 fois champion du<br />
monde sur Nacra 17, ce duo complice<br />
entend progresser tous foils levés, même<br />
si selon Marie, « il s’agit là de passer sans<br />
frein du kart à la Formule 1 ». Franck<br />
Citeau les connaît bien, lui qui les<br />
entraîne dans ces disciplines olympiques.<br />
Casque relié à un micro, il donne des<br />
consignes à chaque pause. Chaque<br />
manœuvre est disséquée et analysée en<br />
temps réel. « Le plus dur, c’est de garder<br />
la hauteur de vol. Aujourd’hui, il n’y a pas<br />
assez de vent pour tenter un foiling tack.<br />
Il faudrait au moins 25 nœuds, soit dix<br />
de plus ! », regrette le coach. Foiling tack.<br />
56 THE RED BULLETIN
Le Golden Gate en<br />
mode marinière : les<br />
Français Billy Besson<br />
et Marie Riou, les<br />
deux killers du dériveur<br />
passés au SailGP.<br />
L’entraînement de ce<br />
matin a lieu entre le<br />
Golden Gate, la skyline<br />
et Alcatraz. Carte<br />
postale pour touristes.<br />
Sauf que Marie et<br />
Billy n’en sont pas.<br />
Retenez bien l’expression : il s’agit d’un<br />
virement de bord en vol qui va devenir<br />
l’obsession des Frenchies à marinière. Il<br />
y a suffisamment de vent toutefois pour<br />
filer, se faire tasser dans les manœuvres<br />
et faire fuir les cinq baleines repérées sur<br />
zone. Les nombreux pélicans, eux, ne<br />
semblent craindre aucun foil, pourtant<br />
susceptibles de les découper, et pêchent<br />
THE RED BULLETIN 57
tandis que le team US déboule sur fond<br />
de rues à tramway. Charles, le plongeur<br />
posté à l’avant du bateau-coach, palmes<br />
aux pieds, garrot sur lui, prêt à sauter à<br />
l’eau au moindre problème et à prodiguer<br />
les soins de première urgence, désigne au<br />
loin l’un des deux points d’exfiltration<br />
médicale, afin que l’ambulance puisse<br />
accéder le plus vite possible aux blessés.<br />
Pendant les entraînements et la course,<br />
ce safety boat transportant plongeurs et<br />
médecins sillonne le plan d’eau, prêt à<br />
intervenir en cas de problème. L’heure<br />
est à la sécurité maximale. En 2013, lors<br />
de la 34 e Coupe de l’America, un drame<br />
a endeuillé la baie : Andrew Simpson,<br />
le très expérimenté skipper d’Artemis,<br />
(bateau suédois) s’est noyé suite à un<br />
chavirage. Depuis, chaque équipe s’entraîne<br />
pour éviter le pire. « Plusieurs fois<br />
dans l’année, explique Marie, après avoir<br />
pris quarante aspirations dans la bonbonne<br />
d’oxygène, on saute à l’eau pour<br />
un parcours du combattant en apnée.<br />
Relié à une longe, on doit passer entre<br />
des filets. Entretemps, les instructeurs<br />
nous attachent les pieds, on doit enlever<br />
le gilet de sauvetage, faire le retour,<br />
toujours en apnée. Stressant ! »<br />
Demander aux Américains…<br />
ici, c’est possible !<br />
Soudain sur le plan d’eau, le catamaran<br />
français est à l’arrêt. Le staff technique de<br />
la course, seul à être habilité à intervenir,<br />
est appelé à la rescousse, et l’ingénieur<br />
finit par résoudre le bug informatique.<br />
Nicolas Heitz, wincheur et ex du Défi<br />
Français qui a profité de cette pause forcée<br />
pour se reposer sur le zodiac, confie :<br />
« En France, on est une dizaine à pouvoir<br />
naviguer au pied levé sur ces catamarans.<br />
Même si à bord, il n’y en a que trois qui<br />
jouent : Billy qui pilote en ligne droite<br />
grâce à cinq boutons et cinq pédales qui<br />
commandent des systèmes hydrauliques<br />
et électriques, Marie au réglage de vol,<br />
et Matthieu Vandame au réglage de l’aile,<br />
le seul homme du bateau qui ait une<br />
écoute dans une main ! » Les deux autres<br />
wincheurs, Olivier Herledant et Timothé<br />
Lapauw initialement remplaçant mais qui<br />
a succédé à Devan Le Bihan, blessé, sont<br />
là pour faire fonctionner le moteur électrique<br />
à coup de manivelles. Peu importe<br />
le poste : dès la reprise de l’entraînement,<br />
tous se font karchériser par une eau à<br />
12 °C : le bateau, à ras de l’eau, cockpit<br />
ouvert, amplifie les sensations. « Quand<br />
on est à 35 nœuds au près avec 20 nœuds<br />
de vent, on se prend 110 km sur nous, et<br />
LA MOLETTE<br />
DE MARIE<br />
Cet instrument, ou Flight<br />
Controller en VO, situé dans<br />
chacune des coques du F50,<br />
sert à commander les foils,<br />
c’est-à-dire à régler le fameux<br />
rake : l’incidence (l’inclinaison<br />
en langage terrien) des foils<br />
d’avant en arrière afin de travailler<br />
avec le plus de pertinence<br />
possible la hauteur de<br />
vol. Plus on vole, plus on va vite,<br />
certes, mais il ne faut cependant<br />
pas compromettre l’équilibre<br />
du bateau. « Au début de<br />
la saison, explique Marie Riou,<br />
le flight controller était un joystick<br />
avec lequel je réglais l’assiette<br />
du bateau, auquel j’avais<br />
fini par m’habituer, même si j’ai<br />
regretté de ne m’être pas mise<br />
plus tôt aux jeux vidéo ! » D’autant<br />
que le joystick en question<br />
a été remplacé, juste après la<br />
première étape de Sydney en<br />
février dernier, par une molette<br />
qui ressemble davantage à une<br />
manette de PlayStation, et ce<br />
pour des raisons de précisions.<br />
Okay. Marie, qui navigue depuis<br />
l’âge de sept ans et a été élue<br />
meilleure navigatrice au monde<br />
suite à sa victoire sur la Volvo<br />
Ocean Race avec DongFeng,<br />
a l’habitude de se remettre en<br />
cause. Dès la deuxième étape<br />
de San Francisco, en accord<br />
avec Billy, qui définit la stratégie,<br />
elle a dû se mettre à la<br />
molette. Malgré sa simplicité<br />
d’utilisation (le côté droit commande<br />
le foil droit et inversement),<br />
elle a dû apprendre<br />
à la maîtriser dans un temps<br />
record. « En course, la première<br />
manœuvre est quinze secondes<br />
après la première bouée, autant<br />
dire que les prises de décision<br />
doivent être rapides. Et la<br />
molette est sensible ! Plus<br />
instinctive aussi : la preuve,<br />
elle a porté ses fruits rapidement,<br />
puisque grâce à elle,<br />
on a réussi nos premiers<br />
flying jibes (empannages<br />
en vol, ndlr) ! »<br />
Ci-contre : débriefing post premier run. À droite :<br />
avec les gardiens des ailes rigides. L’avantage par<br />
rapport à une voile classique : elle fait gagner en<br />
vitesse, car elle est propulsive à 100 %, dans<br />
toutes les phases de navigation. En bas à gauche :<br />
séquence harnachement. À bord des F50, les<br />
marins sont attachés à des longes : si le bateau<br />
plante ou chavire, l’équipage est entraîné à s’en<br />
détacher via un mousqueton. En bas à droite :<br />
les bateaux sont treuillés pour la mise à l’eau.<br />
il faut courir et changer de coque dans ces<br />
conditions », résume Billy. L’adrénaline<br />
est à son paroxysme : à bord, pas le temps<br />
d’échanger des regards, on se parle via<br />
des mots-clés évoquant les manœuvres.<br />
Les F50 français et américains se croisent<br />
dans des Air Prox, à requalifier en « Mer<br />
Prox », dignes de l’aviation, dans des sifflements<br />
incessants. Au loin, surveillant<br />
la bataille navale du futur depuis son<br />
yacht, Larry Ellison. Dans le ciel, un<br />
hélico filme. Ne manquent plus que deux<br />
ou trois James Bond girls au décor, et on<br />
se croirait en plein tournage d’un film<br />
d’action.<br />
Revenus à terre, Marie et Billy veulent<br />
comprendre la clé du foiling tack, ce virement<br />
de bord en vol qui coince. Marie,<br />
penchée sur son smartphone, part à la<br />
pêche aux infos. « Il y a un truc qu’on ne<br />
saisit pas… Le bateau monte en wheeling,<br />
sur l’avant, mais repose, alors qu’on<br />
devrait être à plat et rester sur les foils ! »<br />
Billy, pragmatique : « On va demander aux<br />
Américains ; aujourd’hui, ils les ont bien<br />
passés ! » Le coach Franck Citeau profite<br />
aussi de l’ambiance fair play où les teams<br />
s’échangent conseils et données, où l’on<br />
peut s’aligner sur les réglages des autres<br />
en allant voir le super mécano de SailGP :<br />
« Il pense qu’on est trop attentistes en<br />
ligne droite et qu’on perd de la vitesse… »<br />
Pendant ce temps, Yvan Joucla, responsable<br />
technique de l’aile rigide, effectue<br />
les vérifications réglementaires : il checke<br />
la structure des ribs (les côtes en carbone),<br />
qui sont souvent les premières victimes<br />
au tableau de casse, les quatre bras<br />
ainsi que tous les câbles et écrans électroniques<br />
à l’intérieur.<br />
Parfois, il faut aussi boucher le gap<br />
entre les flaps de l’aile avec du Clysar,<br />
un film plastique que l’on chauffe et que<br />
l’on tend. « Ici, note Yvan, les bateaux<br />
sont démontés chaque soir, à cause du<br />
vent et du courant du chenal, mais ce<br />
n’est pas toujours le cas. C’est une sacrée<br />
logistique, indispensable quand on a des<br />
bateaux qui se croisent à Mach 2 sur<br />
l’eau ! » Le lendemain, jour de la régate<br />
58 THE RED BULLETIN
THE RED BULLETIN 59
« C’est l’avenir de la<br />
voile. Des courses très<br />
serrées, de vrais<br />
combats sur l’eau ! »<br />
Larry Ellison, boss du SailGP
Ça brasse dans la baie.<br />
Départs à 40 nœuds.<br />
Puis baston entre les<br />
6 nations de ce championnat<br />
du monde<br />
de F1 sur l’eau.<br />
à blanc où la flotte au complet s’entraîne<br />
sur le plan d’eau, bingo : les Français réussissent<br />
leur premier foiling tack par 20<br />
nœuds de vent. « Une embardée de fou »,<br />
jubile Billy, le smile jusque-là, qui s’est<br />
vite remis de l’étrave des Chinois passée<br />
à deux mètres. Dans la zone mixte où se<br />
déroulent les interviews des skippers,<br />
Marie, la seule femme engagée sur le<br />
circuit, est très demandée. Celle qui a été<br />
élue meilleure navigatrice du monde en<br />
2018 insiste aussi sur le plaisir qu’elle<br />
prend à bord de ces engins, « où la<br />
moindre micro faute se paie cash ».<br />
Jamais, heureusement, jusqu’au crash.<br />
L’avenir de la voile<br />
Jour 1 de la compétition. Côté français,<br />
cinquième après la première épreuve<br />
qui s’est déroulée à Sydney les 15 et 16<br />
février derniers, on ne va pas attendre<br />
que la classique brume se lève sur la baie<br />
de San Francisco pour prendre des<br />
départs canons à 80 km/h. Le public s’est<br />
massé aux abords du San Francisco Yacht<br />
Club et sa vue imprenable sur le Golden<br />
Gate. Les spectateurs ne veulent pas<br />
perdre une miette de l’événement, même<br />
si l’on peut aujourd’hui être embarqué live<br />
dans cette course sans quitter son salon<br />
grâce à une appli – mieux qu’une GoPro<br />
ou que Virtual Regatta. Dans la baie, dans<br />
le vrai, les Français se montrent encore<br />
hésitants dans leurs transitions, mais Billy<br />
a vu le cul des Japonais (du moins de leur<br />
bateau) et a frôlé les Australiens. Combats<br />
au contact, coques qui se frôlent,<br />
Billy le barreur est une fois de plus aux<br />
anges. « À partir de 18 nœuds, c’est difficile<br />
de mettre le frein avec les foils qui<br />
poussent. On ne fait qu’accélérer ! »<br />
Après la jubilation, la tension monte<br />
d’un cran au débriefing de la première<br />
journée. Franck Citeau insiste sur la<br />
manche 2 et 3 où la gestion des problèmes<br />
techniques s’est amplifiée. « Pas<br />
assez de vitesse et de hauteur pour faire<br />
des manœuvres correctes ! » Billy évoque<br />
ce sentiment d’agacement généré par ces<br />
problèmes techniques. « Plus il y a de<br />
« Plus il y a de vent,<br />
plus ça crie, plus<br />
c’est chaud. Pour<br />
faire avancer ces<br />
bêtes-là, il faut être<br />
précis et focus ! »<br />
Billy Besson, barreur<br />
61
Voile olympique, coupe<br />
de l’America, course<br />
au large : les as du<br />
SailGP viennent de<br />
tous les horizons.<br />
Billy vole d’une coque<br />
à l’autre, et les wincheurs,<br />
à la manivelle,<br />
alimentent en énergie<br />
le moteur électrique.
BIENVENUE DANS<br />
L’AÉRONAUTIQUE<br />
Pour rattraper ce fameux déficit<br />
d’expérience et continuer à<br />
apprendre, sachant que les temps<br />
d’entraînement sur l’eau sont limités<br />
par une lourde logistique et se<br />
passent en général juste avant les<br />
épreuves, la solution se trouve dans<br />
un simulateur installé à Londres<br />
et développé par les ingénieurs<br />
d’Artemis Technologies, l’équipe<br />
suédoise de la dernière America’s<br />
Cup. Ce simulateur de F50 a déjà<br />
permis aux équipes de s’entraîner<br />
à manœuvrer. « Les sessions d’entraînement<br />
durent deux jours, et on<br />
les cale de préférence avant chaque<br />
étape, explique Matthieu Vandame<br />
le régleur d’aile du team France. On<br />
travaille chacun à nos postes, avec<br />
Marie au réglage de vol et Billy au<br />
volant, par tranche de 20 minutes.<br />
À bord d’une demi-coque montée<br />
sur une plateforme à vérins, équipée<br />
de double commande puisque nous<br />
ne pouvons pas sauter d’une coque<br />
à l’autre comme sur l’eau, on<br />
enchaîne les différentes manœuvres.<br />
Le deuxième jour est généralement<br />
consacré à la simulation de la course<br />
sur un ghost, c’est-à-dire le film de<br />
nos actions précédemment retranscrites<br />
sur l’écran à 270 °. On court<br />
en quelque sorte contre nousmêmes<br />
! » Artemis a poussé le réalisme<br />
jusqu’au bout en simulant<br />
aussi les bruitages via des enceintes.<br />
« Presque plus mouvementé et<br />
fatigant que la réalité ! », confirme<br />
Marie qui parle d’une grande fatigue<br />
mentale après chaque session, tant<br />
il faut de concentration durant ces<br />
deux jours. Autre plan B pour pallier<br />
le manque de navigation in situ : le<br />
dry sailing qui consiste à s’entraîner<br />
à terre. Chacun est à son poste,<br />
mais l’immobilité du bateau fait que<br />
l’on peut débriefer immédiatement<br />
au sortir de chaque manœuvre.<br />
vent, plus ça crie, plus c’est chaud. Pour<br />
faire avancer ces bêtes-là, il faut être précis<br />
et focus ! » Malgré tout, au dernier jour<br />
de compétition, les Frenchies sont comme<br />
scotchés. Petite déception d’une prestation<br />
qui s’explique par un déficit d’expérience.<br />
« Aujourd’hui, détaille le coach,<br />
c’était notre quinzième navigation sur le<br />
bateau. Nathan Outteridge, le barreur du<br />
F50 japonais, en était à sa 250 e . Quand<br />
on passera tous les foiling tacks, on sera<br />
davantage au contact. Ces bateaux sont<br />
de vraies usines à gaz, et puis il y a la<br />
question de la vitesse. Jusqu’à 12 nœuds<br />
de vent, ça va. Mais au-delà, le bateau<br />
n’est plus le même, il faut passer cette<br />
appréhension, adapter les réglages, la<br />
puissance et le comportement à bord. »<br />
Par souci d’équité, SailGP s’efforce de<br />
donner la priorité aux derniers du<br />
« On a dit oui, car c’est<br />
un vrai championnat<br />
du monde, avec six<br />
nations qui s’affrontent<br />
et dans lequel ce<br />
sont les humains qui<br />
feront la différence. »<br />
Marie Riou, flight controller<br />
Marie Riou et son<br />
casque à oreillette :<br />
pour ne rien perdre des<br />
consignes du coach.<br />
classement. « Pour que cela soit à chaque<br />
fois un entraînement, pas une reprise en<br />
main, insiste Matthieu Vandame. Chaque<br />
journée passée sur l’eau nous fait tellement<br />
progresser ! »<br />
Au lounge VIP, après la remise des prix,<br />
Larry Ellison, protégé par une paire de<br />
colosses munis d’oreillettes, s’entretient<br />
avec les vainqueurs – les indétrônables<br />
Aussies qui se sont jetés sur la ligne dans<br />
un saisissant sprint final avec les Nippons<br />
– puis avec Marie et Billy. Pour le multimilliardaire<br />
passionné, ça ne sent pas que<br />
le retour sur investissement. « C’est l’avenir<br />
de la voile. Des courses très serrées,<br />
de vrais combats sur l’eau ! »<br />
Marie est d’accord sur l’analyse. Un<br />
regret affleure pourtant. « Vingt minutes<br />
la manche, c’est très, trop court : on a<br />
envie de naviguer plus ! Ces sensations,<br />
on ne les a nulle part ailleurs ! » Filer<br />
à 50 nœuds, 100 km/h, le chrono-Graal,<br />
quête de tous les équipages : l’addiction<br />
du marin 3.0 est désormais connue. Ne<br />
reste plus à Marie, Billy et leurs équipiers<br />
qu’à trouver la potion magique. Celle qui<br />
fera d’eux les rois et reines du foiling tack.<br />
Pour assister à la grande finale du SailGP,<br />
à Marseille du 20 au 22 septembre,<br />
obtenez vos billets sur sailgp.com<br />
THE RED BULLETIN 63
« On vivait le début<br />
d’un truc énorme... »<br />
Il y a trente ans, une révolution culturelle frappait l’Angleterre. Encore<br />
aujourd’hui, l’impact des raves – une scène qui fédérait les sons de Chicago à<br />
Ibiza en passant par Détroit – est toujours palpable dans la création musicale.<br />
Le photographe DAVE SWINDELLS a documenté le Second Summer of Love.
Tottenham Court Road,<br />
Londres, juillet 1988<br />
J’avais entendu dire qu’une fête sauvage<br />
allait avoir lieu à la fin de la soirée <strong>The</strong> Trip<br />
à l’Astoria à trois heures du mat’. Quand cette<br />
bagnole s’est pointée avec ses enceintes<br />
hurlantes et qu’une centaine de personnes<br />
se sont mises à sauter dans tous les sens,<br />
à danser dans la rue et sur le toit d’un abribus<br />
en hurlant « soirée sauvaaage !» et<br />
« aciiiid !», j’ai halluciné. Nous étions juste<br />
à côté du Dominion <strong>The</strong>atre, en plein cœur de<br />
Londres, et on venait de créer un embouteillage.<br />
La police semblait voir en cette scène<br />
l’expression d’une joie de vivre plus qu’une<br />
nuisance, et les fêtards étaient déjà en train<br />
de bouger vers un parking sous-terrain à<br />
plusieurs niveaux. On imagine la tronche des<br />
propriétaires de Porsche venus récupérer<br />
leurs bagnoles au milieu d’une foule de<br />
raveurs underground en furie.<br />
65
Shoom club, Londres, mai 1988<br />
Peu importait à la chanteuse Sacha Souter que son chapeau puisse<br />
éborgner la moitié du dancefloor… La plupart des danseurs étaient<br />
déjà bien allumés de toute façon. En fait, je ne l’ai remarquée qu’à<br />
5 heures, quand les lumières du club se sont rallumées et que les<br />
fêtards sont sortis de leur relatif anonymat, tout en fluorescence.<br />
Avec un autre plan en tête : rejoindre la soirée RIP (pour Revolution<br />
In Progress, ndlr), sur Clink Street, et enchaîner, encore et encore.<br />
Shoom club, Londres, avril 1988<br />
Dans cette salle de sport transformée en club, près de 300 personnes<br />
se pressaient pour écouter le patron, Danny Rampling. Cette nuit-là,<br />
il a joué d’incroyables house et gospel house, le Let <strong>The</strong> Music (Use<br />
You) des Nightwriters ou le Promised Land de Joe Smooth. Dans ce<br />
maelström, j’ai photographié un régulier du Shoom, Andrew Newman.<br />
L’acid house était pour lui un prétexte à se saper à fond, enfilant sa<br />
veste du créateur Stephen Sprouse… et à s’abandonner à la musique.<br />
Ku club, Ibiza, juin 1989<br />
Aujourd’hui, ce club s’appelle le Privilege. À<br />
l’époque, on y entrait à 7 000, et son toit était<br />
énorme, et il était encore à moitié à ciel<br />
ouvert. Donc, quand un violent orage a éclaté<br />
vers 4 heures du matin cette nuit-là, les plus<br />
peureux d’entre nous, parmi lesquels les<br />
artistes Boy George, Fat Tony, Mc Kinky et<br />
Adamski, sont allés se mettre à l’abri. Heureusement,<br />
il restait quelques Anglais toujours<br />
actifs malgré l’averse, tandis que le track<br />
orgiaque de Lil Louis, French Kiss, amenait la<br />
fête à un point culminant pour la troisième<br />
fois dans la soirée. Quand nous sommes enfin<br />
sortis du club à 7 heures, sous le soleil, on a<br />
vu sur le parking toutes ces petites jeeps<br />
Suzuki qui faisaient fureur à l’époque. Elles<br />
étaient bourrées de fêtards... façon sauna.<br />
66 THE RED BULLETIN
Soirée Tribal Dance,<br />
Sudeley Castle,<br />
août 1990<br />
On m’avait demandé de filmer<br />
cette rave en Super 8, j’ai donc<br />
acheté une caméra d’occasion<br />
et j’ai tracé à l’ouest, vers le<br />
Gloucestershire. Une superbe<br />
et chaude nuit, pour une rave<br />
fabuleuse, mais il m’a été impossible<br />
de filmer à cause de la<br />
lumière. J’ai donc activé mon<br />
appareil photo, à la rencontre de<br />
tous ces danseurs. Et ce mec est<br />
sorti du lot : les T-shirts griffés<br />
Joe Bloggs étaient partout cet<br />
été-là. Celui-ci, associé à une<br />
salopette baggy, une chemise<br />
flashy et un sifflet accroché à<br />
un collier perlé faisait de ce<br />
danseur l’archétype du raveur.
Soirée Rage, Heaven club, Londres, 1990<br />
Dans ce club, Fabio et Grooverider faisaient muter la house hardcore avec des rythmes accélérés et hachés, et encore plus de basses grondantes,<br />
préfigurant ce qu’allait être la jungle en 1991. Je voulais donc photographier ces deux DJs innovants, mais alors que je traversais le<br />
dancefloor, ces danseurs sur le podium ont attiré mon attention. Surtout le type à droite, nommé Leeco, qui assurait de brillants mouvements<br />
athlétiques avec ses nouvelles Air Max et son impressionnant pantalon baggy. Quand j’ai posté cette photo il y a quelques années, j’ai été ravi<br />
d’apprendre qu’il avait entrepris depuis une carrière à succès de danseur et de chorégraphe.<br />
68 THE RED BULLETIN
Le photographe, Dave Swindells<br />
Infiltré dans les nuits londoniennes depuis le début des<br />
années 80, Swindells (ici en short au premier plan lors<br />
d’une « rave orbitale ») était parfaitement positionné pour<br />
capturer ces moments pivots de la naissance des raves<br />
au printemps 1988. Les DJs et producteurs locaux Paul<br />
Oakenfold, Danny Rampling et Nicky Holloway avaient<br />
vécu une expérience à Ibiza l’été précédent et voulaient<br />
la transposer dans la scène club anglaise. « C’était intense<br />
et euphorique, de nouvelles fêtes et des raves en extérieur,<br />
tandis que les radios pirates fédéraient de plus<br />
en plus d’auditeurs, se souvient Swindells. Au même<br />
moment, une forme de démocratisation arrivait en Russie,<br />
le mur de Berlin s’effondrait, la révolution de Velours<br />
se déroulait en Tchécoslovaquie et Mandela était finalement<br />
libéré en Afrique du Sud. Comme si les régimes<br />
d’oppression prenaient une claque à travers le monde. »<br />
Sweet Harmony: Rave | Today, une exposition collective<br />
incluant les photos de David Swindells ; Saatchi Gallery,<br />
Londres, jusqu’au 14 septembre ; saatchigallery.com<br />
Soirée Fascinations, Downham Tavern,<br />
Kent, juillet 1988<br />
La première fois que j’ai vu un gyroscope dans une rave, j’ai halluciné.<br />
Que les fêtards aient pris des pilules ou pas, c’était un truc à vous faire<br />
vomir en moins de deux. Le promoteur de la fête, Tony Wilson, mettait<br />
aussi en place des effets pyrotechniques en intérieur, et il bookait<br />
régulièrement deux go-go danseurs venus des Troll, des soirées gays.<br />
Ils se collaient devant les lasers pour envoyer des pas de danse synchronisés<br />
avec les raveurs. Un truc plutôt radical pour l’époque.<br />
Radio pirate Fantasy FM, 1990<br />
Une tour de seize étages, quelque part dans le quartier d’Hackney.<br />
La planque de la radio pirate Fantasy FM. J’ai pu y accéder en promettant<br />
de ne pas révéler l’adresse du studio. En fait, j’avais assisté à leur<br />
démente soirée World of Fantasy à l’Astoria, où ils m’avaient proposé<br />
de passer au studio. J’imaginais y faire une photo des DJs jouant<br />
devant une baie vitrée avec une super vue sur la ville, mais on ne<br />
devait pas voir l’environnement du studio à l’image. Je me suis donc<br />
concentré sur des photos de DJ Stacey aux platines, tandis que DJ<br />
Foxy, alias Mystery Man, qui gérait la radio, était occupé dans le fond<br />
avec un téléphone mobile de la taille d’une brique.<br />
THE RED BULLETIN 69
PLANCHES<br />
DE SALUT<br />
IMANI<br />
WILMOT s’est donné<br />
pour mission de dynamiser<br />
les Jamaïcaines et d’inspirer<br />
toute une génération de<br />
surfeuses afro-caribéennes.<br />
Texte LOU BOYD<br />
Photos ISHACK WILMOT<br />
70 THE RED BULLETIN
THE RIGHT TO ROAM FILMS<br />
L’épanouissement par le surf, en Jamaïque. Le regard vers l’horizon et la mer des Caraïbes,<br />
elles laissent derrière elles une vie rude faite d’abus, de délinquance et de corruption.<br />
THE RED BULLETIN 71
La jeune Imani Wilmot n’a pas<br />
souvent vu de femmes dans<br />
l’océan pendant son enfance<br />
à Eight Miles, Bull Bay, sur la<br />
côte sud-est de la Jamaïque.<br />
Fille de Billy « Mystic » Wilmot, fondateur<br />
de la JSA (Jamaican Surf Association)<br />
et connu localement comme étant le<br />
« Parrain du surf jamaïcain », elle a passé<br />
la majeure partie de son enfance sur la<br />
plage et sur l’eau avec ses frères mais a<br />
vite réalisé que la plupart du temps, elle<br />
était la seule fille. « J’entends dire depuis<br />
toujours aux Jamaïcaines qu’elles doivent<br />
rester hors de l’eau, dit Wilmot, qui dirige<br />
le Jam-nesia Surf Camp à Eight Miles.<br />
Moi, j’ai grandi avec le surf. »<br />
Quand elle commence à participer<br />
à des compétitions de surf, elle croise<br />
toujours le même petit groupe de femmes<br />
originaires d’un peu partout sur l’île.<br />
« Mon école m’a vraiment soutenue, se<br />
souvient Wilmot. On me faisait la fête<br />
quand je remportais des compétitions et<br />
montrais mes trophées mais cela n’empêchait<br />
pas que j’étais la seule surfeuse. J’ai<br />
réalisé à quel point il fallait plus de filles<br />
dans ce sport, à quel point il fallait plus de<br />
filles de couleur à l’eau afin que les autres<br />
réalisent qu’elles pouvaient le faire aussi. »<br />
À 17 ans, Imani fonde sa première<br />
école de surfeuses destinée aux femmes<br />
de la région. La culture caraïbéenne du<br />
surf est rarement représentée dans l’industrie<br />
en général. Bien qu’il y ait notamment<br />
une communauté passionnée et en<br />
pleine croissance en Jamaïque, celle-ci est<br />
négligée dans l’image globale de ce sport.<br />
Pour Wilmot, c’est l’une des principales<br />
raisons pour lesquelles de nombreuses<br />
femmes autour d’elle n’ont pas trouvé<br />
leur place sur l’eau.<br />
Wilmot pense que le changement se<br />
produira quand plus de femmes de couleur<br />
seront visibles dans le surf. « Il s’agit<br />
de prendre soi-même la situation en main<br />
parce que les gens de couleur investissent<br />
le plus d’argent là où ils sont représentés.<br />
Si d’autres femmes me voient animer mes<br />
camps, elles se diront : “Si ces femmes<br />
peuvent le faire, alors moi aussi.” »<br />
Ce qu’offrent les camps de surf de<br />
Wilmot est nécessaire à plus d’un titre :<br />
ils sont devenus un refuge pour de nombreuses<br />
femmes à Bull Bay et dans les<br />
environs. Sur une île où la culture jamaïcaine<br />
peut être particulièrement misogyne<br />
et violente, souligne la presque<br />
trentenaire. « Le camp est un endroit<br />
accueillant et agréable où les filles<br />
peuvent venir et apprendre à surfer,<br />
explique-t-elle. Je me fais beaucoup de<br />
souci pour elles et leur état émotionnel.<br />
Elles ont besoin de sentir qu’elles sont<br />
soutenues, et que leurs rêves et tout ce<br />
qu’elles veulent réaliser dans la vie sont<br />
légitimes. »<br />
C’est sur la plage de Bull Bay que tout<br />
a commencé pour Imani. Aujourd’hui,<br />
elle y organise des camps de surf.<br />
Véritables havres de bienveillance, ces<br />
camps ont attiré de plus en plus de femmes<br />
issues de tous les milieux, qui voulaient<br />
passer un peu de temps loin de leurs soucis.<br />
« Être une femme en Jamaïque, ça peut<br />
être très difficile, dit Wilmot. La façon<br />
dont les gens sont traités est parfois délicate<br />
à gérer et le surf représente un sas de<br />
décompression, un endroit où faire une<br />
pause à l’écart de ce qui se passe dans la<br />
société, que ce soit la corruption, les abus<br />
ou toutes sortes d’épreuves. »<br />
Accompagnant des groupes d’environ<br />
10 à 15 personnes, Wilmot a commencé<br />
à enseigner à de plus en plus de femmes<br />
du coin comment surfer sur les vagues<br />
près de chez elles tout en créant un lieu<br />
où elles peuvent se rencontrer et se soutenir.<br />
« Ce n’est pas forcément lié au surf,<br />
car avec cette communauté, nous partageons<br />
des expériences qui nous aideront<br />
à faire face aux différentes situations.<br />
On ne devrait jamais laisser personne<br />
entreprendre quoi que ce soit en se<br />
sentant seul, perdu et isolé. »<br />
72 THE RED BULLETIN
« J’ai réalisé à<br />
quel point il fallait<br />
plus de filles de<br />
couleur à l’eau. »<br />
Wilmot enseigne le surf et apporte<br />
un soutien émotionnel aux femmes<br />
de la région depuis qu’elle a 17 ans.<br />
THE RED BULLETIN 73
« Le surf attire votre<br />
regard vers l’horizon,<br />
loin des aspects<br />
négatifs de la société. »<br />
L’histoire de Wilmot a récemment été<br />
racontée dans un documentaire réalisé<br />
par les cinéastes britanniques Joya<br />
Berrow et Lucy Jane : Surf Girls Jamaica.<br />
Elles sont allées en Jamaïque pour relater<br />
non seulement le parcours de Wilmot<br />
mais aussi celui d’autres femmes qui se<br />
sont jointes à ses camps de surf. Melissa<br />
Fearon, une femme de la région, qui a<br />
découvert les camps alors qu’elle traversait<br />
des difficultés dans sa vie, a retenu<br />
l’attention des cinéastes et est devenue un<br />
personnage important dans leur récit.<br />
« Grandir en Jamaïque, c’est dur, dit<br />
Fearon dans le film. En tant que femme,<br />
c’est dur. Il n’y a pas de relations<br />
sérieuses ; baiser, ça ne représente rien.<br />
Si un homme vous viole, on dira que vous<br />
l’avez provoqué. » Les problèmes personnels<br />
de Fearon incluent son arrestation<br />
pour tentative de contrebande de marijuana<br />
aux États-Unis. « L’esclavage mental<br />
dans lequel nous grandissons, les classes<br />
sociales et la question raciale, la classe<br />
moyenne supérieure, les beaux quartiers<br />
et le centre-ville, cela nous affecte, ditelle.<br />
Les gens ne parviennent pas à trouver<br />
l’argent nécessaire pour s’instruire<br />
alors ils se retrouvent à faire un job qu’ils<br />
ne veulent pas faire. Pour moi, ce job était<br />
de transporter de l’herbe aux États-Unis,<br />
et suite à cela, j’ai été condamnée à deux<br />
ans de travaux forcés dans une prison<br />
pour femmes. Ne pas pouvoir trouver un<br />
emploi convenable parce que j’ai un casier<br />
judiciaire, ça a changé ma vie ; ça m’a<br />
vraiment rendue instable. »<br />
C’est à cette époque que Fearon a commencé<br />
à surfer avec Wilmot. Peu à peu<br />
ses perspectives ont commencé à changer.<br />
« Un jour, je suis arrivée sur la plage et<br />
Imani m’a dit : “Viens surfer avec moi”,<br />
se souvient-elle. Le surf m’a aidée à me<br />
libérer, à retrouver un certain niveau<br />
d’unité avec moi-même, avec ce que je<br />
ressentais, à me sentir valorisée. » Après<br />
avoir rejoint les camps, elle a commencé<br />
à s’impliquer dans la mission de Wilmot.<br />
« Mel voit tous ces changements en elle<br />
et elle aime ça, dit Wilmot. Elle souhaite<br />
transmettre cela à d’autres. Elle veut être<br />
coach et faire découvrir l’idée que ce<br />
sport peut vraiment changer une vie. »<br />
Des images du documentaire Surf Girls Jamaica qui vous<br />
immerge dans une communauté où le surf devient nécessaire.<br />
L’efficacité du surf comme forme de<br />
thérapie est connue depuis des dizaines<br />
d’années. Ces camps ne sont pas les premiers<br />
à utiliser le sport comme moyen<br />
d’éducation sociale. Mais Wilmot a<br />
apporté quelque chose de totalement<br />
nouveau dans son voisinage. Et les camps<br />
sont un reflet d’elle-même : attentionnée<br />
et solidaire, mais s’attendant aussi à ce<br />
que les membres déploient tous les efforts<br />
possibles.<br />
« Le surf est l’un des sports les plus<br />
positifs qui existent parce qu’il attire le<br />
regard vers l’horizon, loin des aspects<br />
négatifs de la société, pointe Wilmot.<br />
L’océan est beaucoup plus grand que<br />
nous ; il n’est pas confiné. Si vous pouvez<br />
puiser dans cette force et l’utiliser pour<br />
quelque chose de positif, pour un bien<br />
global, cela ne peut être qu’une bonne<br />
chose. »<br />
Regardez Surf Girls Jamaica sur la chaîne<br />
Real Stories sur YouTube. En bouclant ce<br />
numéro, nous avons reçu la triste nouvelle<br />
qu’un incendie avait détruit la maison de<br />
Billy Wilmot, le père d’Imani. Les liens pour<br />
soutenir la reconstruction de ce haut lieu<br />
du surf local sont sur le compte Instagram :<br />
@jamnesiasurf<br />
THE RIGHT TO ROAM FILMS<br />
74 THE RED BULLETIN
ALPHATAURI.COM
RED BULL SANS SUCRE<br />
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guide<br />
au programme<br />
LES YEUX AU CIEL<br />
Cette méthode permet<br />
aux grimpeurs de s’entraîner<br />
les yeux fermés,<br />
comme sur une paroi.<br />
PAGE 82<br />
MINECRAFT<br />
Le jeu à succès envahit<br />
nos smartphones et<br />
s’est déjà incrusté dans<br />
notre quotidien.<br />
PAGE 84<br />
COUVREZ-VOUS<br />
L’été est aussi la<br />
meilleure saison pour<br />
réfléchir à quoi porter<br />
quand il fera froid.<br />
PAGE 88<br />
ZAHARA ABDUL<br />
NYEGE NYEGE<br />
Oubliez les festivals<br />
branchés en Stan<br />
Smith… le top du top<br />
est en Ouganda !<br />
PAGE 78<br />
THE RED BULLETIN 77
G U I D E<br />
Faire.<br />
Ça percute ! Avec ces Burundais membres du collectif funk <strong>The</strong> Kuruka Chama.<br />
LE FESTIVAL D’UNE VIE<br />
PLUS RAPIDE EST<br />
LA VITESSE DU SON<br />
L’électro futuriste rencontre les sons traditionnels de<br />
l’Afrique orientale sur les bords du Nil : Gareth Main<br />
assiste en Ouganda à un festival hautement palpitant.<br />
Il est deux heures du matin, l’air<br />
humide est saturé de fumée de<br />
cigarette, la musique est forte<br />
et je me tiens au milieu d’une<br />
foule dense. Sur scène, le Nilotika<br />
Culture Ensemble et ses trente<br />
musiciens s’éclatent sur des tambours<br />
de toutes sortes, tandis que<br />
dans le public, les corps s’agitent<br />
et sautillent au rythme des percus.<br />
On a l’impression d’être pris<br />
au milieu d’un joyeux chaos et<br />
pourtant tous sont au diapason,<br />
les percussionnistes au taquet et<br />
la musique incroyable. Les nombreux<br />
musiciens, tous des<br />
La DJ somalienne Hibotep et ses mixes ultra branchés.<br />
78 THE RED BULLETIN
voyage<br />
ÉCHAPPEZ-VOUS<br />
UN TRIP COPIEUX<br />
Mangez un Rolex et goûtez à la fontaine de<br />
jouvence : ce qu’il faut savoir avant votre<br />
départ pour la perle de l’Afrique.<br />
Le festival a lieu au<br />
début de la deuxième<br />
saison des pluies qui<br />
s’étend de septembre<br />
à novembre. La température<br />
en journée avoisine<br />
les 28 degrés.<br />
Quatre jours de son non-stop : au Nyege Nyege, la musique ne s’arrête jamais.<br />
Rép. démo.<br />
du Congo<br />
Ouganda<br />
Nil<br />
Kampala<br />
Jinja<br />
Kenya<br />
Rwanda<br />
MONNAIE<br />
SHILLING OUGANDAIS (UGX)<br />
Pas de subdivision<br />
1 € = 4 200 shillings<br />
Si à 50 ans, on n’a pas mangé un Rolex sur un festoche en Ouganda…<br />
ZAHARA ABDUL PHOTOGRAPHY GARETH MAIN<br />
virtuoses, déroulent sans relâche<br />
à un rythme effréné. Je n’ai<br />
jamais rien écouté de tel auparavant.<br />
Comme hypnotisé par le son<br />
(et le gin local), je renonce à<br />
compter le nombre d’artistes qui<br />
varie constamment. Je me laisse<br />
porter. La troupe ougandaise de<br />
percussionnistes finit par s’arrêter,<br />
je suis étourdi. Combien de<br />
temps ont-ils joué ? Quelle heure<br />
est-il ? Cela n’a plus importance.<br />
Je viens de recevoir ma première<br />
leçon ougandaise : ici, la vie<br />
ne s’arrête jamais. On le pressent<br />
dès l’arrivée à l’aéroport d’Entebbe<br />
où une mêlée de chauffeurs de<br />
taxi annonce le prix de la course<br />
aux clients potentiels. Ce comité<br />
d’accueil dynamique n’est qu’un<br />
Ma première<br />
leçon ougandaise :<br />
ici, la vie ne<br />
s’arrête jamais.<br />
avant-goût de l’énergie qui anime<br />
le festival Nyege Nyege, situé à<br />
Jinja, que l’on atteint après quatre<br />
de route en plus des douze heures<br />
de vol depuis l’Europe.<br />
Les trois premières éditions<br />
du festival ont suscité un grand<br />
intérêt des médias internationaux.<br />
<strong>The</strong> Guardian, CNN, la BBC<br />
et Rolling Stone ont tous loué<br />
sa programmation novatrice.<br />
Le magazine londonien FACT le<br />
SE NOURRIR<br />
ROLEX<br />
Impossible de se rendre<br />
en Ouganda sans goûter<br />
au Rolex, une omelette<br />
avec des légumes<br />
enroulés dans un chapati.<br />
PORC<br />
Si vous aimez la viande,<br />
optez pour ces<br />
restaurants servant<br />
2 kilos de porc frit pour<br />
environ 6 €.<br />
POSHO<br />
Les plats ougandais<br />
se veulent aussi appétissants<br />
que pratiques.<br />
Le posho, une pâte à base<br />
de maïs, incarne bien<br />
cette idée et s’utilise<br />
comme du pain avec les<br />
plats et les sauces.<br />
BON À SAVOIR<br />
ORIGINE<br />
C’est à Jinja, ville<br />
d’accueil du Nyege Nyege,<br />
que le Nil prend sa source.<br />
RECORD<br />
Environ 50 % de la<br />
population a moins de<br />
15 ans, ce qui en fait le<br />
deuxième pays le plus<br />
jeune, après le Niger.<br />
VIE SAUVAGE<br />
L’Ouganda est l’un des<br />
trois pays d’Afrique (avec<br />
le Rwanda et la RDC)<br />
où vivent des gorilles de<br />
montagne en liberté.<br />
DIALECTES<br />
On en dénombre plus<br />
de quarante dans le pays.<br />
Le luganda est le<br />
plus parlé.<br />
THE RED BULLETIN 79
G U I D E<br />
Faire.<br />
voyage<br />
SANS VOUS DÉPLACER<br />
PÉPITES D’AILLEURS<br />
Les initiateurs du festival dirigent<br />
aussi deux labels : Nyege Nyege Tapes et<br />
Hakuna Kulala. Ces trois albums sont<br />
emblématiques d’un catalogue à découvrir.<br />
À ÉCOUTER<br />
Danse ancestrale et rythmes électro pour le show d’un héros local, Faizal Mostrixx.<br />
NIHILOXICA – NIHILOXICA<br />
Fruit d’une collaboration entre les percussionnistes du<br />
Nilotika Culture Ensemble et les Anglais Jacob Maskell-<br />
Key (batterie) et Pete Jones (synthés), l’album est un<br />
florilège de sons inédits issus de sources traditionnelles.<br />
SLIKBACK – TOMO<br />
Un EP aux beats intenses et agressifs, typique de ce<br />
producteur kenyan qui repousse les limites de la bass<br />
music. Retrouvez-le lors de la soirée Double Jeu du<br />
<strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris le 28 septembre.<br />
COMPILATION – SOUNDS OF SISSO<br />
Sisso, producteur du label éponyme, est le créateur<br />
du Singeli, une musique dance au rythme dément.<br />
Il a également popularisé la scène underground de<br />
Dar es Salam (Tanzanie) à travers le monde.<br />
qualifie même de « meilleur<br />
festival de musique électro au<br />
monde ». Le mélange de musique<br />
électronique contemporaine,<br />
avant- gardiste et de musiques traditionnelles<br />
d’Afrique centrale et<br />
orientale (près des 80 % des plus<br />
de 200 artistes présents sont africains)<br />
n’a pas d’équivalent dans<br />
le monde. Le seul point commun<br />
avec un festival européen de taille<br />
moyenne plus traditionnel est la<br />
nature du site : un camping avec<br />
une demi-douzaine de scènes.<br />
Néanmoins, le lieu (une magnifique<br />
forêt le long du Nil), la<br />
nourriture (il faut goûter au<br />
Rolex), et l’absence d’heure de<br />
fin font que la musique est jouée<br />
non-stop durant les quatre jours<br />
du festival.<br />
L’an dernier, à la veille de la<br />
quatrième édition du festival dont<br />
le nom signifie « excité, excité »,<br />
le pasteur Simon Lokodo, ministre<br />
d’État ougandais à l’éthique et à<br />
l’intégrité, tente d’annuler le festival<br />
pour incitation des jeunes à<br />
l’homosexualité. Un procès d’un<br />
autre âge qui n’altéra aucunement<br />
la motivation des près de 9 000 festivaliers<br />
présents sur cette édition.<br />
Nous avons cherché à comprendre<br />
la signification de « nyege nyege »<br />
dans le dialecte local lugandais,<br />
qui le décrit comme « une envie<br />
soudaine et irrépressible de bouger,<br />
de danser », une description<br />
que la musique estampillée « traditionnelle<br />
» par la programmation<br />
semble incarner au mieux. Parmi<br />
les phénomènes à l’affiche lors de<br />
notre venue, Otim Alpha, ex-kickboxeur<br />
natif de Gulu, au nord de<br />
l’Ouganda. Le voir se déchaîner<br />
en chemise tie-dye sur sa géniale<br />
musique électro Acholi vaut son<br />
pesant d’or.<br />
Sa musique tourne à plus de<br />
160 BPM, soit environ 50 % plus<br />
rapide qu’un rythme disco moyen.<br />
Et celle de Sisso se base sur un<br />
rythme encore plus rapide. Ses<br />
sets de plusieurs heures ne descendent<br />
jamais en deçà de<br />
200 BPM. Musicalement, cela<br />
équivaut à la différence d’accélération<br />
entre une deux-chevaux<br />
et une voiture de sport.<br />
Ne jamais s’arrêter, tel est le<br />
mot d’ordre du Nyege Nyege, et<br />
si vous pensez avoir déjà expérimenté<br />
un festival épuisant,<br />
celui-ci mettra votre endurance<br />
à rude épreuve. Mais il est surtout<br />
une exploration perpétuelle de<br />
sons extraordinaires sur les bords<br />
du Nil, au cœur des ténèbres.<br />
Nyege Nyege, 5 au 8 septembre,<br />
Jinja, Ouganda ; nyegenyege.com<br />
ZAHARA ABDUL PHOTOGRAPHY GARETH MAIN<br />
80 THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN<br />
Le prochain numéro le 19 septembre avec et le 3 octobre avec<br />
dans une sélection de points de vente et en abonnement<br />
DENIS KLERO / RED BULL CONTENT POOL
G U I D E<br />
Faire.<br />
fitness<br />
Le grimpeur Michi<br />
Wohlleben, confiant<br />
en la méthode Isele.<br />
PROJETEZ-VOUS<br />
LES YEUX<br />
FERMÉS<br />
Grâce à la visualisation,<br />
ils peuvent améliorer<br />
leurs meilleures perfs :<br />
mode d’emploi.<br />
PRÉPARATION<br />
Connaître les différentes<br />
sections de l’ascension aussi<br />
bien que possible.<br />
POINT DE DÉPART<br />
Tout lieu paisible fera l’affaire.<br />
Mais le point de départ idéal<br />
dépendra de l’atmosphère particulière<br />
qui y règne.<br />
PROCESSUS DE RÉFLEXION<br />
Fermer les yeux. Puis mimer<br />
l’escalade en effectuant chaque<br />
geste et, très important, en<br />
sollicitant les muscles comme<br />
si vous y étiez.<br />
VISUALISATION 2.0<br />
LA FORCE<br />
DE L’ESPRIT<br />
L’Autrichien Klaus Isele a mis au point<br />
une méthode d’entraînement assurant<br />
aux grimpeurs de réaliser le maximum<br />
pendant leurs performances.<br />
La méthode Isele aide les grimpeurs à<br />
simuler chaque détail d’une ascension.<br />
Comment les grimpeurs se préparent-ils<br />
pour leurs grands rendez-vous<br />
? Avant tout en visualisant<br />
la voie d’escalade. L’ostéopathe Klaus<br />
Isele a travaillé pendant dix ans avec<br />
l’équipe nationale autrichienne d’escalade<br />
et affirme que cet exercice à sec offre un<br />
potentiel énorme.<br />
Le point de départ de leurs recherches<br />
a été le souci de maintenir les grimpeurs<br />
en forme durant les périodes d’inactivité,<br />
avec pour objectifs de limiter la perte de<br />
masse musculaire et préserver une<br />
mémoire précise des mouvements. Pour<br />
ce faire, Isele a une solution : la Visualisation<br />
2.0, plus intensive que celle pratiquée<br />
jusque-là par les grimpeurs. Cette visualisation<br />
se fait allongé sur le dos, les yeux<br />
fermés, avec une précision et une intensité<br />
physique comparables à celles qu’ils<br />
expérimentent sur un mur.<br />
Le meilleur grimpeur allemand Michi<br />
Wohlleben ne jure que par la technique<br />
Isele. Elle améliore sa mobilité et lui permet<br />
d’intérioriser une multitude d’automatismes<br />
tout en sollicitant moins son<br />
corps. Résultat : Wohlleben a escaladé il<br />
y a quelques semaines la voie la plus difficile<br />
de sa carrière (difficulté 9a).<br />
physioandclimb.com<br />
LES DÉTAILS<br />
La précision, c’est l’alpha et<br />
l’oméga ! Prêter une grande<br />
attention à chaque détail, seule<br />
façon de bien mémoriser les<br />
gestes. Les mauvaises habitudes<br />
ont la vie dure.<br />
LA PASSION<br />
S’impliquer émotionnellement<br />
dans la situation permet au<br />
corps, à l’esprit et au cœur<br />
d’œuvrer de concert pour<br />
une fluidité totale.<br />
« La visualisation<br />
exige une parfaite<br />
harmonie entre le<br />
corps et l’esprit. »<br />
Klaus Isele,<br />
ostéopathe,<br />
physiothérapeute<br />
et coach d’escalade<br />
MORITZ ATTENBERGER, ANNELIESE ISELE TOM MACKINGER FLORIAN OBKIRCHER<br />
82 THE RED BULLETIN
G U I D E<br />
Faire.<br />
gaming<br />
PENSÉE CONSTRUCTIVE<br />
UNE PIERRE À L’ÉDIFICE<br />
Avec Minecraft Earth, les joueurs<br />
collaborent à des tâches via la RA.<br />
Si beaucoup y voient une version numérique du jeu de Lego, Minecraft<br />
n’en est pas moins un outil puissant capable d’améliorer notre réalité.<br />
FICHE<br />
EXPERT<br />
MARK<br />
LORCH<br />
FORMATEUR<br />
MINECRAFT<br />
Biochimiste,<br />
auteur et professeur<br />
en sciences de la<br />
communication<br />
à l’Université de Hull<br />
( Angleterre),<br />
Mark Lorch utilise<br />
Minecraft pendant<br />
ses cours afin de<br />
modéliser des molécules.<br />
Il a collaboré<br />
avec Microsoft pour<br />
ajouter un module<br />
de chimie au jeu,<br />
intitulé MolCraft.<br />
Avec plus de 176 millions<br />
d’exemplaires achetés,<br />
Minecraft est le jeu le<br />
plus vendu au monde. Son<br />
graphisme pixelisé où l’on se<br />
déplace gauchement pour<br />
couper des arbres, construire<br />
des maisons et éliminer des<br />
zombies touchent à des instincts<br />
profonds de l’humain.<br />
À présent, Minecraft Earth, la<br />
version smartphone à réalité<br />
augmentée permet de s’approprier<br />
ce monde fait de blocs.<br />
Mais à vrai dire, il fait partie<br />
de notre réalité depuis un moment<br />
déjà. « En 2013, Google<br />
crée le mod qCraft qui permet<br />
d’illustrer de manière simplifiée<br />
la physique quantique à<br />
l’aide de blocs représentant la<br />
superposition et l’intrication<br />
quantique en fonction du<br />
point de vue du joueur. » Le<br />
potentiel est illimité selon<br />
Mark Lorch, expert Minecraft.<br />
minecraft.net/earth<br />
vez une simulation Minecraft<br />
3D accessible, les<br />
gens peuvent s’y plonger<br />
et collaborer, explique<br />
Lorch. Elle élimine la barrière<br />
des connaissances<br />
techniques et tous les<br />
risques potentiels. »<br />
JOUER AVEC L’INFINI-<br />
MENT PETIT<br />
Biochimiste, Lorch a développé<br />
MolCraft à partir de<br />
Minecraft pour modéliser<br />
les molécules de protéines<br />
et d’ADN en 3D.<br />
« Minecraft a l’avantage<br />
d’être facilement modulable<br />
pour visualiser les<br />
Les réalisations des joueurs sont visibles sur<br />
smartphone avec l’appli Minecraft Earth.<br />
CONSTRUIRE UN MONDE<br />
MEILLEUR<br />
La fondation Block by<br />
Block soutenue par l’ONU<br />
(blockbyblock.org)<br />
illustre bien la façon dont<br />
Minecraft met des projets<br />
complexes à la portée<br />
de tous. Dans le cadre<br />
d’ateliers, les résidents<br />
d’un quartier participent<br />
à la planification des<br />
espaces publics recréés<br />
dans Minecraft : des<br />
enfants éclairent le chemin<br />
menant à leur maison,<br />
des habitants du Kosovo<br />
créent leur premier skate<br />
park, etc. « Si vous concestructures<br />
3D, précise-t-il.<br />
Plus polyvalent que les<br />
autres logiciels de visualisation<br />
moléculaire, il permet<br />
de se mouvoir autour<br />
des molécules comme le<br />
montrent mes tutoriels de<br />
biochimie accessibles sur<br />
le serveur Minecraft. »<br />
CREUSER LE FOND<br />
Vous pensez maîtriser<br />
Minecraft après avoir<br />
construit votre première<br />
pyramide avec ascenseur<br />
? Attendez de voir la<br />
carte topographique de la<br />
Grande-Bretagne réalisée<br />
par la British Geological<br />
Society. « La carte inclut<br />
toutes les strates du sol,<br />
précise Lorch. Vous pouvez<br />
creuser la couche<br />
arable jusqu’à atteindre<br />
toutes les strates disponibles.<br />
Les données<br />
d’études de haut niveau<br />
sont ainsi ouvertes à un<br />
plus large public. »<br />
FORMER L’INTELLIGENCE<br />
ARTIFICIELLE<br />
« Microsoft utilise<br />
Minecraft pour son projet<br />
Malmö, une plateforme<br />
d’expérimentation IA »,<br />
explique Lorch. Concevoir<br />
un robot et le lâcher<br />
dans la nature pour finir<br />
au fond d’une étendue<br />
d’eau est un moyen coûteux<br />
d’entraîner son cerveau.<br />
Minecraft fournit<br />
une simulation adaptable<br />
clé en main où les objectifs<br />
de l’IA peuvent être<br />
définis. « L’Intelligence<br />
Artificielle apprend et<br />
reproduit nos actions<br />
en les observant. Au plus<br />
près de la réalité. »<br />
FABRIQUER DE VRAIS<br />
OBJETS<br />
Minecraft est un bac à<br />
sable polyvalent capable<br />
d’échapper au virtuel.<br />
« Minecraft peut exporter<br />
des objets dans le monde<br />
réel. Certains modes<br />
enregistrent vos<br />
constructions dans des<br />
formats compatibles<br />
avec l’imprimante 3D,<br />
poursuit Lorch. Un logiciel<br />
de CAO (Conception<br />
assistée par ordinateur,<br />
ndlr) permet aussi de<br />
transférer dans le jeu<br />
les objets conçus. »<br />
MICROSOFT MATT RAY<br />
84 THE RED BULLETIN
Voir.<br />
août/septembre<br />
FAITES LE<br />
PLEIN DE<br />
COURSES<br />
Au menu ce mois-ci sur<br />
<strong>Red</strong> Bull TV, une course auto<br />
off-road dans le Wisconsin,<br />
du VTT héroïque dans les<br />
Appalaches et un rallye dans<br />
les vignobles allemands.<br />
Chaud devant !<br />
1<br />
er<br />
septembre LIVE<br />
COUPE DU MONDE<br />
À CRANDON<br />
Le circuit International Off-Road Raceway, situé dans le<br />
Wisconsin, est l’un des plus réputés au monde, un graal<br />
dans les sports mécaniques. Dédié au hors-piste, il attire<br />
chaque année de plus en plus de fans de courses sur tracé<br />
court : plus de 40 000 spectateurs sont attendus sur<br />
cette édition. Sensations fortes garanties.<br />
Bryce Menzies : l’as<br />
du off-road et vétéran<br />
du circuit Crandon.<br />
DANIEL SCHENKELBERG, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL<br />
REGARDEZ<br />
RED BULL TV<br />
PARTOUT<br />
<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />
télévision connectée : où que<br />
vous soyez dans le monde,<br />
vous pouvez avoir accès aux<br />
programmes, en direct ou en<br />
différé. Le plein de contenus<br />
originaux, forts et créatifs.<br />
Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />
6au 8 septembre LIVE<br />
UCI MTB WORLD CUP<br />
FINAL, SNOWSHOE (USA)<br />
Située dans les Appalaches, en Virginie-Occidentale,<br />
Snowshoe accueille pour la première fois la CM de<br />
VTT au moment où le championnat <strong>2019</strong> approche<br />
de son dénouement. Qui sera sur le podium ?<br />
23<br />
au 25 août LIVE<br />
RALLYE D’ALLEMAGNE<br />
De l’action vous attend dans les vignobles proches<br />
de la Moselle. Premier rallye sur route de la saison,<br />
le Rallye d’Allemagne exige des réglages auto très<br />
différents. Ott Tänak et Martin Järveoja alignerontils<br />
une troisième victoire consécutive ?<br />
THE RED BULLETIN 85
12<br />
au 22 sept.<br />
Faire.<br />
Scopitone<br />
Festival<br />
Le Marché d’Intérêt National<br />
accueille la 18 e édition du festival<br />
nantais. Dix jours de festivités<br />
musicales et numériques avec<br />
expositions, performances,<br />
installations immersives,<br />
concerts et DJs sets. Un lieu<br />
emblématique que pourront<br />
découvrir les 60 000 festivaliers<br />
avant sa destruction !<br />
Nantes ; stereolux.org<br />
23<br />
au 25 août<br />
Start to play<br />
Le festival des jeux vidéo et du<br />
esport revient à Strasbourg avec<br />
un programme copieux : gaming<br />
zone en accès libre, des zones<br />
rétrogaming et PC, des bornes<br />
d’arcades, un espace de réalité<br />
virtuelle, des tournois d’esport,<br />
et même un concert. Grâce à un<br />
tirage au sort très original, vous<br />
pourrez rejoindre Luffy, l’un des<br />
patrons de Street Fighter, dans<br />
l’espace VIP, pour un moment<br />
privilégié d’échange et de jeu.<br />
Strasbourg ; start-to-play.fr<br />
G U I D E<br />
14<br />
et 15 septembre<br />
FINIST’AIR SHOW<br />
Rendez-vous en terre bretonne pour l’un des événements les<br />
plus emblématiques du FMX et du BMX Dirt ! Les plus grands<br />
riders internationaux se réunissent à Briec pour présenter leurs<br />
dernières figures et offrir un show unique aux spectateurs.<br />
Parmi eux, le double médaillé des derniers X Games Tom Pagès<br />
(photo), ou encore l’Espagnol Dany Torres. Le public pourra<br />
à son tour s’essayer au BMX ou au mini-bike, et profiter de<br />
nombreuses animations sur site.<br />
Briec ; finistairshow.fr<br />
30 8<br />
août au 1 er sept.<br />
Braderie de Lille<br />
Lille devient, cette année encore,<br />
la capitale mondiale de la chasse<br />
aux bonnes affaires ! Près de<br />
deux millions de personnes envahiront<br />
durant 2 jours et 2 nuits les<br />
rues du centre-ville à la recherche<br />
de la perle rare, ou tout simplement<br />
pour déguster les fameuses<br />
moules-frites locales et s’imprégner<br />
de la chaleureuse ambiance<br />
lilloise. Rendez-vous le premier<br />
week-end de septembre.<br />
Lille ; braderie-de-lille.fr<br />
nov. au 20 déc.<br />
Oxmo Puccino<br />
Le rappeur franco-malien prépare<br />
son grand retour ! Après l’annonce<br />
de la sortie de son nouvel album<br />
La nuit du réveil, l’une des voix les<br />
plus singulières du rap français<br />
repart en tournée. À partir du<br />
mois de novembre, il sillonnera<br />
la France pour faire découvrir<br />
ses compositions à son public.<br />
Il y aura forcément une date près<br />
de chez vous et pour les Parisiens,<br />
ça se passera en décembre à<br />
La Cigale, les 8, 9 et 10.<br />
Partout en France ; oxmo.net<br />
JEAN-FRANCOIS MUGUET, REMY GOLINELLI, LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, DAVID GALLARD<br />
86 THE RED BULLETIN
août- septembre<br />
13 26<br />
août<br />
au 15 sept.<br />
L’expérience<br />
Hello Birds<br />
Le festival Hello Birds prolonge<br />
l’été, les pieds dans l’eau, sur la<br />
côte d’Émeraude à Saint-Malo.<br />
Monté par une bande de copains<br />
amoureux de la Bretagne et de la<br />
Normandie, Hello Birds propose<br />
un format inédit mêlant musique,<br />
balades sportives en pleine nature<br />
et expériences culinaires.<br />
Une invitation (gratuite) à découvrir<br />
le paysage côtier dans une<br />
ambiance festive. Saint-Malo ;<br />
hellobirdsfestival.fr<br />
au 1 er sept.<br />
Ultra-Trail du<br />
Mont-Blanc<br />
Ils seront près de 10 000 à s’élancer<br />
à l’assaut du massif du Mont-<br />
Blanc fin août. Une aventure qui<br />
emmènera l’élite mondiale et les<br />
coureurs passionnés sur les chemins<br />
français, italiens et suisses<br />
du célèbre massif. Cette course<br />
de 171 km mobilise aussi bien<br />
l’endurance que le sens de l’orientation<br />
puisqu’elle se déroule hors<br />
des sentiers battus. Attention à<br />
la préparation ! Mont-Blanc ;<br />
utmbmontblanc.com<br />
7septembre<br />
<strong>Red</strong> Bull Dance<br />
Your Style<br />
La cité phocéenne se déhanchera<br />
sous l’impulsion des seize danseurs<br />
venus s’affronter pour la<br />
finale nationale du <strong>Red</strong> Bull Dance<br />
Your Style. Après une sélection en<br />
régions, les finalistes se retrouveront<br />
pour d’ultimes battles sur le<br />
rooftop R2 de Marseille. Sur des<br />
tubes intemporels, ils devront<br />
tenter, à l’aide de leurs meilleurs<br />
moves, de séduire le public,<br />
seul juge de la compétition.<br />
Marseille ; redbull.com<br />
THE RED BULLETIN 87
GORE C7 SHAKEDRY<br />
Les activités cardios comme le vélo rendent<br />
accro, c’est connu. Dès les premiers résultats,<br />
on en veut toujours plus et les objectifs<br />
sont sans cesse revus à la hausse. Cette<br />
veste vous aidera à les atteindre par tous les<br />
temps. Très respirante et ne pesant que 85 g,<br />
sa membrane se passe de tissu extérieur,<br />
évite au corps de se refroidir et a l’avantage<br />
d’être aussi imperméable que le Téflon.<br />
279,95 € ; gorewear.com<br />
PRENEZ<br />
UNE VESTE<br />
Seconde peau légère et technique, veste confortable et robuste<br />
ou style urbain, anticipez le choix de votre prochaine veste.<br />
Texte SHANNON DAVIS
G U I D E<br />
LÉGER ET ÉTANCHE<br />
TOPO DESIGNS ULTRALIGHT<br />
On assure bien sa voiture, sa baraque et sa santé<br />
alors pourquoi pas sa prochaine course, randonnée<br />
ou escalade ? La veste UL de TOPO est l’une<br />
des polices d’assurance les moins chères du marché.<br />
Elle vous assurera contre le vent et la pluie.<br />
Design ingénieux, épuré et élégant, elle tient dans<br />
une poche de poitrine ; se range facilement ou se<br />
fixe à un harnais d’escalade.<br />
80 € ; topodesigns.com<br />
Cette veste<br />
vous protège<br />
lorsque pluie<br />
et vent viennent<br />
corser les dernières<br />
bornes<br />
de la course.<br />
STIO SECOND LIGHT<br />
En haute montagne, la météo peut vite se dégrader.<br />
Et sur la chaîne Teton dans les Rocheuses,<br />
lieu d’origine de Stio, le vent sur les crêtes n’est<br />
pas une éventualité mais une certitude. Cette<br />
veste est pensée pour les coureurs à pied, les<br />
grimpeurs et les skieurs. Elle tient dans un mouchoir<br />
de poche (114 g) et fournit, si besoin est,<br />
la couche supplémentaire pour aller au bout.<br />
Sobre, elle peut aussi se porter en ville.<br />
105 € ; stio.com<br />
VARCTERYX INCENDO SL<br />
Véritable tour de force, l’Incendo atteint, pliée, la<br />
taille de deux sachets de gel énergétique et est si<br />
légère qu’on peut y voir à travers. Très innovante,<br />
elle semble faite pour courir sur Mars. Mais on la<br />
recommande aussi sur Terre. Le tissu ripstop au<br />
niveau du torse et des bras protège du vent et des<br />
intempéries tandis qu’une couche respirante au<br />
dos et sous les aisselles régule la température.<br />
Le tout pour moins de 80 g.<br />
120 € ; arcteryx.com<br />
OUTDOOR RESEARCH<br />
REFUGE AIR HOODED<br />
Encore un bon déjeuner au soleil ? Ne vous faites<br />
pas d’illusions : l’hiver approche. La Refuge Air est<br />
une veste de demi-saison idéale. Isolante et poids<br />
plume, elle s’adapte à la température de votre<br />
corps grâce à son traitement “Active-temp” qui<br />
modifie la surface de la doublure en fonction de<br />
la température du corps. Plus elle est élevée, plus<br />
le tissage se dilate pour augmenter la ventilation.<br />
203 € ; outdoorresearch.com<br />
FJÄLLRÄVEN<br />
HIGH COAST SHADE<br />
Cette veste en polyester recyclé et coton biologique<br />
convient aux randonnées durant les saisons<br />
et dans les régions où le soleil tape plus<br />
fort qu’on ne le souhaite. La veste que tous les<br />
concurrents de l’émission Retour à l’instinct<br />
primaire auraient aimé avoir. Et pour plus d’imperméabilisation,<br />
Fjällräven propose un mélange<br />
de paraffine et de cire d’abeille à enduire sur la<br />
veste. 185 € ; fjallraven.com<br />
THE RED BULLETIN 89
COLUMBIA OUTDRY<br />
EX ALTA PEAK<br />
Une veste pour les milieux froids et<br />
humides. La couche extérieure Outdry<br />
est imperméable, résistante et respirante,<br />
et la couche intérieure évacue<br />
l’humidité. Les coutures sont étanches<br />
et son pouvoir gonflant est de 700.<br />
Si vous prenez de l’altitude cet hiver,<br />
vous ne l’enlèverez jamais.<br />
280 € ; columbia.com
G U I D E<br />
CHAUD ET CONFORTABLE<br />
Cette veste est<br />
l’une des plus<br />
chaudes sur<br />
le marché.<br />
SITKA GRINDSTONE<br />
Sitka naît au cœur du Montana après que deux<br />
amis, partis chasser sans vêtements adaptés,<br />
ont été victimes d’une hypothermie. Depuis,<br />
l’entreprise de textiles pour la chasse connaît<br />
une forte croissance aux États-Unis. Grindstone<br />
ne se limite pas à un usage pour la chasse ou<br />
l’alpinisme ; très résistante, elle inclut outre<br />
une couche coupe-vent Goretex, une isolation<br />
Primaloft Silver. De quoi traverser plusieurs<br />
saisons en montagne. 250 € ; sitkagear.com<br />
SMARTWOOL SMARTLOFT 60<br />
Sa laine tient chaud, même mouillée, et ses<br />
propriétés naturelles repoussent les odeurs.<br />
Le filage fin moderne la rend aussi douce qu’une<br />
plume. La doublure et le duvet sont en laine (dont<br />
50 % en laine recyclée), et le revêtement en nylon<br />
bloque le vent et des intempéries. Bref, cette<br />
veste est un bijou, et votre meilleure amie pour<br />
les randonnées automnales.<br />
195 € ; smartwool.com<br />
BLACKYAK NIATA<br />
Si vous rêvez de haute montagne, vous savez que<br />
le froid, le vent, le soleil et le manque d’oxygène y<br />
rendent la vie difficile. La doudoune Niata ne protège<br />
pas de l’hypoxie, mais elle améliore votre<br />
confort grâce à sa coupe bien ajustée, ses inserts<br />
extensibles au dos et sa capuche élastique qui<br />
s’ajuste d’elle-même et vous évite toute prise de<br />
tête avec les cordons de serrage. C’est la meilleure<br />
sur le marché en ce moment.<br />
À partir de 190 € ; blackyak.com<br />
BIG AGNES CHILTON/TIAGO<br />
En anglais, l’acronyme KISS signifie “Keep it<br />
Simple, Stupid” et nous le trouvons adapté<br />
concernant la conception de ces vêtements.<br />
Cette veste bouffante, remplie d’un hydrofuge<br />
à 700, ne paie pas de mine, mais sort du lot grâce<br />
à son design destiné aux athlètes de montagne.<br />
Sa coupe plus longue et ample améliore le<br />
confort, et les astucieux trous de pouce gardent<br />
les mains et les articulations au chaud. Le tout<br />
pour un poids de moins de 370 g.<br />
160 € ; bigagnes.com<br />
DYNAFIT FT INSULATION<br />
Son rapport chaleur/légèreté en fait la veste la<br />
plus chaude qui existe. On le doit à l’utilisation<br />
du Primaloft Gold (isolant synthétique à base<br />
de matières recyclées) tissé avec de l’Aerogel,<br />
un isolant puissant développé à l’origine par la<br />
NASA pour l’espace et composé à 95% d’air,<br />
ce qui en fait le plus léger des matériaux solides.<br />
Cette barrière thermique bloque la chaleur et<br />
le froid pour une taille minimaliste.<br />
290 € ; dynafit.com<br />
THE RED BULLETIN 91
BLACK DIAMOND BOUNDARY<br />
LINE MAPPED<br />
Dotée d’une « thermorégulation intelligente », la<br />
Boundary Line possède une membrane intérieure en<br />
laine Lavalan (laine ouatée très fine destinée à la<br />
thermorégulation). Elle est adaptée au ski alpin, de<br />
randonnée ou de fond et aux remontées mécaniques<br />
par jours de grand froid. Sa capuche imperméable et<br />
respirante BD Dry Shell compatible avec le casque de<br />
ski complètent le tout. Poids : 992 g, pas léger mais<br />
robuste. 354 €; blackdiamondequipment.com
G U I D E<br />
FACE AUX ÉLÉMENTS<br />
MARMOT ROM<br />
En montagne, le vent est souvent plus violent<br />
que la pluie et si les précipitations peuvent l’être<br />
aussi, elles restent plus prévisibles et plus brèves,<br />
contrairement au vent incessant et glaçant.<br />
La Marmot ROM vous aidera à triompher des<br />
éléments et des sommets que vous gravirez. Ce<br />
coupe-vent en tissus Gore Windstopper et softshell,<br />
plus respirant dans les zones à haute température,<br />
n’est pas totalement imperméable mais<br />
résiste aux pluies modérées. 190 € ; marmot.com<br />
THE NORTH FACE<br />
FUTURELIGHT FLIGHT<br />
Inventé en 1969, le Goretex a révolutionné<br />
l’équipement outdoor. Depuis son invention,<br />
c’est la course au meilleur tissu respirant et<br />
imperméable, car elle garde les aventuriers au<br />
sec en limitant la transpiration. <strong>The</strong> North Face<br />
lance une nouvelle charge avec son Futurelight,<br />
un polyuréthane nanofilé qui, selon les tests<br />
en labo, est deux fois plus respirant que son<br />
meilleur concurrent. 330 € ; thenorthface.com<br />
Cette veste<br />
technique est<br />
adaptée à de<br />
nombreuses<br />
situations.<br />
PATAGONIA ASCENSIONIST<br />
Dès cet automne, Patagonia fabriquera toutes<br />
ses tissus avec des matériaux recyclés dans des<br />
usines certifiées équitables. L’objectif est la réduction<br />
de l’empreinte carbone et le respect des<br />
employés. 62 produits sont concernés. La star du<br />
lot est la nouvelle Descensionist, une veste de<br />
370 g ultra-respirante et étanche, à trois couches<br />
Goretex Active. Elle est étonnamment douce et<br />
parfaite pour se déplacer agilement en montagne.<br />
480 € ; patagonia.com<br />
FILSON NEOSHELL RELIANCE<br />
Envie d’Alaska, de randonnée, de pêche, de<br />
chasse, de spéléologie, de rafting ou d’une méga<br />
expédition ? Cette armure imperméable et<br />
respirante triple couches est ce qu’il vous faut.<br />
Une sensation d’invincibilité agrémentée d’un<br />
stretch dans les quatre sens et sa doublure<br />
intérieure duveteuse boostent la chaleur et<br />
le confort. Une veste technique tout terrain.<br />
495 € ; filson.com<br />
THE RED BULLETIN 93
Imperméable et<br />
respirante, elle<br />
est proposée<br />
pour elle et lui.<br />
CANADA GOOSE NOMAD/NOMAD<br />
HYBRIDGE SYSTEM<br />
Rares sont les marques qui parviennent<br />
à séduire deux clientèles si antagonistes :<br />
Canada Goose est aussi populaire auprès<br />
des chercheurs du pôle Sud que de la jeunesse<br />
dorée urbaine. Et pour cause : ses créations<br />
tiennent leurs promesses de durabilité<br />
et de confort. Imperméable, respirante,<br />
et résolument élégante, elle est proposée<br />
pour elle et lui. 725 € ; canadagoose.com
G U I D E<br />
L’ÉLÉGANCE EN PRIME<br />
PONCHO PRANA COZY UP<br />
Composé de chanvre, de polyester recyclé et<br />
de fibre Lyocell (dérivée de la pulpe de bois),<br />
ce poncho n’est clairement pas prévu pour un<br />
trail ou l’Everest, ni même pour une balade par<br />
temps humide. En revanche, sous des latitudes<br />
plus clémentes, en mode chill sous un patio,<br />
il fera parfaitement l’affaire. Car ici, il est<br />
avant tout question de détente.<br />
88 € ; prana.com<br />
SALEWA FANES SARNER LIGHT<br />
Les vrais montagnards préfèrent souvent les<br />
vêtements au style noble et intemporel. Un simple<br />
chandail de laine évoquera pour eux les équipées<br />
vers les sommets, avec leurs lots de récits. La<br />
laine polaire Fanes Sarner Light revisite ce classique.<br />
Fabriquée en Italie, cette polaire est idéale<br />
pour le farniente comme pour un apéro dans la<br />
fraîcheur alpine qui rappelle que la vie a encore<br />
beaucoup à offrir.<br />
230 € ; salewa.com<br />
NORRONA OSLO<br />
La ligne Oslo de cette marque norvégienne est<br />
aussi discrète que sophistiquée, avec un profil<br />
technique adapté aux longues virées sous un<br />
climat rigoureux. Elle se décline pour tous les<br />
goûts : des trenchs imperméables aux manteaux<br />
amples, mais notre préféré (malgré son nom) est<br />
cette « shacket », une veste-chemise. Sa doublure<br />
extérieure en Pertex soyeux résiste aux intempéries,<br />
et le Primaloft assure l’isolation.<br />
199 € ; norrona.com<br />
GOLDWIN N-3B<br />
Connue des initiés, cette marque japonaise<br />
cultive pourtant une riche tradition pour<br />
le ski. Fournisseur de l’équipe nationale<br />
suédoise à la fin des années 1980, Goldwin<br />
est encore aujourd’hui une marque technique<br />
au style fun et original. La N-3b utilise le<br />
duvet Kodenshi (utilisé uniquement par<br />
Goldwin et <strong>The</strong> North Face Purple Label),<br />
un mélange de duvet et de viscose plus performant<br />
pour la rétention de la chaleur corporelle.<br />
797 € ; usshop.goldwin-sports.com<br />
TNF 1995 RETRO DENALI<br />
Ceux qui ont connu les années 90 en avaient une<br />
à la fac et se souviennent de la photo d’Alex Lowe<br />
la portant sur un pic himalayen. Pour les plus<br />
jeunes, c’est une découverte. Quoi qu’il en soit,<br />
la polaire la plus célèbre du monde est rééditée<br />
en style rétro, un hommage aux alpinistes d’alors,<br />
comme Todd Skinner et Paul Piana effectuant<br />
leur première ascension en libre du Salathé Wall<br />
à Yosemite par exemple. Respect !<br />
176 € ; thenorthface.com<br />
THE RED BULLETIN 95
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans sept<br />
pays. Vous voyez ici la<br />
couverture de l'édition<br />
anglaise, dédiée aux<br />
talents du <strong>Red</strong> Bull<br />
Music Festival.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
redbulletin.com<br />
Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />
part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />
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la seule responsabilité des auteurs.<br />
MENTIONS LÉGALES<br />
Rédacteur en chef<br />
Alexander Macheck<br />
Rédacteurs en chef adjoints<br />
Andreas Rottenschlager<br />
Directeur créatif<br />
Erik Turek<br />
Directeurs artistiques<br />
Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />
Miles English, Tara Thompson<br />
Directeur photos<br />
Fritz Schuster<br />
Directeurs photos adjoints<br />
Marion Batty, Rudi Übelhör<br />
Responsable de la production<br />
Marion Lukas-Wildmann<br />
Managing Editor<br />
Ulrich Corazza<br />
Maquette<br />
Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />
Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />
Booking photos<br />
Susie Forman, Ellen Haas,<br />
Eva Kerschbaum, Tahira Mirza<br />
Directeur commercial & Publishing Management<br />
Stefan Ebner<br />
Publishing Management<br />
Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard<br />
Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger<br />
Marketing B2B & Communication<br />
Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif<br />
Directeur créatif global<br />
Markus Kietreiber<br />
Co- Publishing<br />
Elisabeth Staber, Susanne Degn-Pfleger (Dir.),<br />
Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael<br />
Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer,<br />
Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />
Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart<br />
Maquette commerciale<br />
Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer,<br />
Martina Maier, Florian Solly<br />
Emplacements publicitaires<br />
Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />
Production<br />
Walter O. Sádaba, Friedrich Indich,<br />
Sabine Wessig<br />
Lithographie<br />
Clemens Ragotzky (Dir.),<br />
Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />
Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />
Fabrication<br />
Veronika Felder<br />
Opérations<br />
Michael Thaler (MIT), Alexander Peham,<br />
Yvonne Tremmel (Office Management)<br />
Abonnements et distribution<br />
Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger<br />
(Distribution), Nicole Glaser (Distribution),<br />
Yoldaş Yarar (Abonnements)<br />
Siège de la rédaction<br />
Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche<br />
Téléphone +43 (0)1 90221-28800,<br />
Fax +43 (0)1 90221-28809<br />
Web redbulletin.com<br />
Direction générale<br />
<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />
Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />
5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />
Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />
Directeur de la publication<br />
Andreas Kornhofer<br />
Directeurs généraux<br />
Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier,<br />
Dietmar Otti, Christopher Reindl<br />
THE RED BULLETIN<br />
France, ISSN 2225-4722<br />
Country Editor<br />
Pierre-Henri Camy<br />
Country Coordinator<br />
Christine Vitel<br />
Country Project Management<br />
Alessandra Ballabeni,<br />
alessandra.ballabeni@redbull.com<br />
Contributions,<br />
traductions, révision<br />
Lucie Donzé, Frédéric & Susanne<br />
Fortas, Suzanne Kříženecký,<br />
Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />
Gwendolyn de Vries<br />
Abonnements<br />
Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />
getredbulletin.com<br />
Siège de la rédaction<br />
29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />
+33 (0)1 40 13 57 00<br />
Impression<br />
Prinovis Ltd. & Co. KG,<br />
90471 Nuremberg<br />
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PROFIL<br />
134 bis rue du Point du jour<br />
92100 Boulogne<br />
+33 (0)1 46 94 84 24<br />
Thierry Rémond,<br />
tremond@profil-1830.com<br />
Elisabeth Sirand-Girouard,<br />
egirouard@profil-1830.com<br />
Edouard Fourès<br />
efoures@profil-1830.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Allemagne, ISSN 2079-4258<br />
Country Editor<br />
David Mayer<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
Natascha Djodat<br />
Publicité<br />
Matej Anusic,<br />
matej.anusic@redbull.com<br />
Thomas Keihl,<br />
thomas.keihl@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Autriche, ISSN 1995-8838<br />
Country Editor<br />
Christian Eberle-Abasolo<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Publishing Management<br />
Bernhard Schmied<br />
Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />
Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />
Publicité<br />
anzeigen@at.redbulletin.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Mexique, ISSN 2308-5924<br />
Country Editor<br />
Luis Alejandro Serrano<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Marco Payán<br />
Relecture<br />
Alma Rosa Guerrero<br />
Country Project Management<br />
Giovana Mollona<br />
Publicité<br />
Alfredo Quinones,<br />
alfredo.quinones@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />
Country Editor<br />
Tom Guise<br />
Rédacteur associé<br />
Lou Boyd<br />
Rédacteur musical<br />
Florian Obkircher<br />
Directeur Secrétariat de rédaction<br />
Davydd Chong<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Nick Mee<br />
Publishing Manager<br />
Ollie Stretton<br />
Publicité<br />
Mark Bishop,<br />
mark.bishop@redbull.com<br />
Fabienne Peters,<br />
fabienne.peters@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Suisse, ISSN 2308-5886<br />
Country Editor<br />
Arek Piatek, Nina Treml<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
Meike Koch<br />
Publicité<br />
Marcel Bannwart (D-CH),<br />
marcel.bannwart@redbull.com<br />
Christian Bürgi (W-CH),<br />
christian.buergi@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN USA,<br />
ISSN 2308-586X<br />
Rédacteur en chef<br />
Peter Flax<br />
Rédactrice adjointe<br />
Nora O’Donnell<br />
Éditeur en chef<br />
David Caplan<br />
Directrice de publication<br />
Cheryl Angelheart<br />
Publicité<br />
Todd Peters, todd.peters@redbull.com<br />
Dave Szych, dave.szych@redbull.com<br />
Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com<br />
96 THE RED BULLETIN
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TRBMAG
Pour finir en beauté<br />
Pluie d’ovnis sur Lyon<br />
Le 30 juin, sur la darse de Confluence, 15 000 spectateurs ont bravé la canicule (40 °C)<br />
pour l’incroyable <strong>Red</strong> Bull Jour d’Envol. Comme la Ch’tite Équipe (photo), c’est depuis<br />
une plateforme de 6 mètres de haut que se sont élancés les 36 engins « volants »<br />
(aubergine, bobsleigh rasta, ring de MMA...) pour planer le plus loiiin possible.<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
n° 92 disponible<br />
dès le 19 sept.<br />
<strong>2019</strong><br />
ALEX VOYER/RED BULL CONTENT POOL<br />
98 THE RED BULLETIN
<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />
7 SEPTEMBRE<br />
MARSEILLE<br />
BILLETS EN VENTE MAINTENANT !