#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

La montée
d’un phénomène
contentieux ?
Marta Torre-Schaub Dans un contexte de
fortes mobilisations citoyennes autour du changement
climatique, les juges sont de plus en plus
interpellés autour du climat dès le début des
années 2000. En France, c’est depuis novembre
dernier que les recours climatiques commencent
à se développer. Dans le cas appelé « L’affaire du
siècle », réagissant dans les jours qui ont suivi à
la pétition en ligne, le ministre François de Rugy
avait répondu que le prétoire n’était pas le lieu
pour régler la question de l’action climatique de la
France. Les ONG, de leur côté, pensent que c’est
aux juges de décider si la France est ou non fautive
pour carence climatique. Il est en outre demandé
au juge français de reconnaître un « principe général
» posant une « obligation climatique » pour
la France. À peine une semaine avant la pétition
de l’affaire du siècle, le maire de Grande-Synthe
avait déposé un recours de plein contentieux
pour inaction climatique devant le Conseil d’État.
Le vendredi 1 er février, le tribunal de Cergy a rejeté,
quant à lui, un recours en référé d’urgence
déposé par Greenpeace et autres, demandant au
juge d’annuler l’autorisation de permis de forage
en Guyane accordée préalablement à Total par
le préfet de Guyane. On voit donc que plusieurs
types de recours climatiques sont possibles, et
que c’est précisément dans cette différente typologie,
parce qu’ils ne mobiliseront pas les mêmes
arguments juridiques ni les mêmes outils, que
certains peuvent être plus efficaces que d’autres.
Marine Fleury La montée en puissance des
procès climatiques fait figure de phénomène
nouveau. Plusieurs actions ont récemment retenu
l’attention des médias en France. Elles ont
toutes en commun de mettre en cause soit la
politique de l’État dans la lutte contre le changement
climatique, soit la compatibilité de certaines
de ses décisions au regard de cette lutte.
Jusqu’alors, ces actions se développaient plutôt
dans les États de culture anglo-saxonne
(États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande notamment).
En effet, le recours contentieux s’y
présente comme un mode d’action classique
des groupes de défense d’intérêts publics. Toutefois,
il ne faudrait pas croire que les procès
climatiques ne sont que des procès intentés
en faveur de la lutte contre le changement climatique.
En France, comme ailleurs, les entreprises
émettrices de gaz à effet de serre (GES)
ne manquent pas l’occasion de contester elles
aussi les politiques étatiques de lutte contre le
changement climatique. Le procès climatique
n’est donc pas un phénomène univoque : il
peut viser la lutte contre le changement climatique
ou au contraire chercher à l’enrayer ! Par
exemple, en France, plusieurs entreprises pétrolières
ont mis en cause la loi du 30 décembre
2017 dite loi hydrocarbures. Elles contestaient
l’interdiction législative de délivrer de nouveaux
permis de recherche et d’exploitation des hydrocarbures…
Les procès climatiques initiés par les
associations de défense de l’environnement expriment
aussi la diversité des fonctions de l’action
contentieuse. Certes, le recours en justice
permet d’obtenir des condamnations, de relever
des illégalités, de mettre en lumière des responsabilités.
Mais il jouit aussi d’une fonction d’interpellation.
À ce titre, il permet de livrer dans
un espace public – celui du tribunal – les sujets
de préoccupation de la société civile et participe
aussi à sa construction. L’affaire dite « du siècle »
en constitue la meilleure démonstration par son
écho auprès des citoyens mais aussi par le front
associatif qui s’est bâti pour mener cette action.
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019
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