#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

Grand angle
La lutte contre une culture dominante et compromise, selon
ces artistes, se transforme à terme en une véritable culture alternative
générée par un phénomène artistique global
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019
de William S. Burroughs. La nature proprement alternative du mouvement
amène ces artistes à développer leur pratique en dehors des circuits traditionnels
de l’art, tout en s’intéressant à des thèmes ambivalents, pour le moins
polémiques pour l’époque : le contrôle mental, la criminalité, la pornographie,
la psychiatrie, ou encore l’occultisme et le totalitarisme prédisposaient déjà
d’un phénomène d’exclusion. Cette exclusion est auto-organisée par les principaux
acteurs du mouvement, selon un système qui est loin d’être insignifiant
lorsque certains groupes détournent l’iconographie nazie, présentant en retour
l’inconvénient d’échapper au contrôle du mouvement lorsque des groupuscules
d’extrême droite instrumentalisent ces repères visuels à leur profit 2 . Les enjeux
de ces performers ne sont toutefois pas si en marge, puisqu’ils rencontrent la
dominante des années 1970 et 1980 en art lorsqu’ils réagissent de manière épidermique
à l’hécatombe de la post-industrialisation et qu’ils réfléchissent à un
déboulonnement des hiérarchisations high and low, constituant un pont direct
vers la postmodernité – marque de fabrique du domaine artistique contemporain
de cette époque. L’imbrication d’une culture vernaculaire (« low ») et
d’une culture dite « savante » (« high ») met en place un nouveau modèle esthétique
par une considération importante pour la théorie qui s’oriente vers
une hybridation des genres. L’émergence du mouvement s’accompagne en effet
de contacts très étroits entre graphistes, vidéastes et performers autour de la
question d’une interprétation performative de la musique. L’« utilisation de
synthétiseurs » et d’« éléments extra-musicaux » pour une « guerre de l’information
» qui transite par une « organisation autonome » et des « tactiques de
choc » extrêmes – selon les cinq spécificités définies par Jon Savage dans le
Manuel de la culture industrielle édité en 1983 par RE/Search 3 – attestent bien
de cette dynamique contre-culturelle englobante. La lutte contre une culture
dominante et compromise, selon ces artistes, se transforme à terme en une
véritable culture alternative générée par un phénomène artistique global composé
d’enjeux visuels et sonores devant être intégrés pleinement dans le champ
des pratiques artistiques des années 1970 et 1980, en raison des dispositifs et
sujets qui s’appréhendent, notamment à travers la notion d’« intermédialité »
dans un contexte postmoderne. Le sujet se comprend dans ce cadre théorique
du fait d’un recours systématique à la citation et d’un regain d’intérêt pour l’esthétique
de la ruine. Cet aspect permet à une jeune génération d’artistes de re-
2 Sur l’instrumentalisation politique de la scène industrielle voir Nicolas Ballet, « Symphony for a
Genocide. Musiques industrielles et totalitarisme », Marges, n o 26, 2018, p. 44-59.
3 Voir V. Vale et Andrea Juno (éd.), RE/Search #6/7: Industrial Culture Handbook, San Francisco,
Re/Search Publications, 1983.
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