#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

Culture visuelle des
musiques industrielles et
postmodernité
Nicolas Ballet, docteur en histoire de l’art contemporain
En 1968, le performer anglais Genesis P-Orridge crée le premier et unique
numéro de son magazine Nekrophile. Les collages, dessins, poèmes et
textes qu’il rassemble à cette occasion abordent les thématiques qui
seront au centre de l’iconographie des musiques industrielles : bruit, mort,
sexualité et techniques de contrôle mental viennent enrichir un ensemble dans
lequel l’artiste affirme que la « musique est en train de dégénérer merveilleusement
en bruit 1 ».
Autant d’éléments qui annoncent les concepts et formats adoptés par de
nombreux groupes européens et américains au cours de la décennie suivante
pour établir les principes mêmes du mouvement industriel. Ces derniers apparaissent
en tout point dans des œuvres multimédias (graphismes, films,
performances, vidéos) qui génèrent une culture visuelle globale, plaçant le
détournement des technologies au centre de pratiques expérimentales. La
transformation de sons enregistrés issus de bandes audio, ainsi que l’utilisation
de synthétiseurs conçus par les figures emblématiques de la première
vague industrielle viennent enrichir un panel de productions visuelles puisant
une partie de ses sources dans l’avant-garde artistique de la première partie
du xx e siècle. Les innovations formelles et conceptuelles des musiques industrielles
énoncées par le collectif anglais Throbbing Gristle examinent sous ce
prisme les évolutions de la société postindustrielle. C’est pour marquer leur
dissidence vis-à-vis de telles évolutions que certains performers s’approprient
friches urbaines et usines désaffectées comme nouveaux lieux de création,
tout en employant de manière ironique le terme « industriel » pour renforcer
une critique de l’industrie musicale et des médias sous l’influence des écrits
1 « Music is degenerating marvelously into noise », Genesis P-Orridge, « The Birth of Necrophilia »
[1968], dans Nicolas Ballet (éd.), Genesis Breyer P-Orridge: Nekrophile, vol. 1 (Archives and
Documents), Cugnaux, Timeless Éditions, 2018, p. 113.
Les innovations formelles et conceptuelles des musiques industrielles
énoncées par le collectif anglais Throbbing Gristle examinent
sous ce prisme les évolutions de la société postindustrielle.
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019
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