#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

clairement que le collège n’est pas encore ouvert
à cette date, la chose semble déjà acquise le
2 août 1259, lorsque le pape Alexandre IV félicite
le roi de France pour son initiative en faveur des
théologiens parisiens. Le véritable fondateur,
Robert de Sorbon, s’est alors effacé derrière son
royal mécène. Ainsi, sans être la date certaine de
fondation de la Sorbonne, l’année 1257 correspond
bien à celle qui s’en rapproche le plus. Pour
autant, cela ne concerne que la création d’un collège
parisien parmi d’autres.
Au milieu du xiii e siècle, la Sorbonne n’est en effet
qu’un établissement privé à but charitable, qui ne peut en aucun cas être
confondu avec la vénérable université de Paris. C’est une erreur courante de
prendre la partie pour le tout et de confondre la fondation du studium avec
celle de son plus prestigieux collège. Or, force est de constater que l’université
de Paris n’est pas née en 1257. Elle fonctionnait pleinement lorsque le
pape Grégoire IX lui délivrait sa fameuse bulle Parens scientiarum, le 13 avril
1231. Elle existait déjà quand le légat pontifical Robert de Courçon lui accordait
ses premiers statuts en août 1215, et elle était bel et bien reconnue dès
1200, lorsque le roi Philippe Auguste offrit à ses membres le privilège de n’être
jugés que par des tribunaux d’Église. En fait, l’universitas magistrorum et
scolarium parisiensium existait de facto dès la fin du xii e siècle. Nous serions
toutefois bien en peine de fixer la date précise de sa naissance, car elle n’a pas
été fondée par un pape ou un roi ; elle a tout simplement émergé, de manière
informelle, des espoirs et des luttes des maîtres parisiens. Ce constat rend
d’autant plus surprenante la commémoration à la Sorbonne, le 25 mai 1998,
du 800 e anniversaire de l’université de Paris, car la date de 1198 ne correspondait
à rien dans l’histoire du studium parisien, si ce n’est peut-être à un impératif
dicté par l’agenda du ministre d’alors.
Enjeu politique et symbolique
Ces considérations politiques ne sont évidemment pas étrangères à la détermination
des dates de fondation. Ainsi, c’est pour pouvoir commémorer l’anniversaire
de l’université de Bologne en 1888 qu’on avança la date extravagante de
1088 pour la « fondation » du studium bolonais. Mais les Français n’étaient pas
en reste, puisque certains auteurs affirmaient encore au xvii e siècle que l’université
de Paris avait été fondée par l’empereur Charlemagne lui-même : rien de
moins ! On comprend mieux, dans ces conditions, l’enjeu politique et symbolique
d’un rattachement à la Sorbonne pour les universités parisiennes créées
en 1971, y compris pour celles qui n’ont, jusqu’à présent, jamais porté ce nom.
En effet, ce collège de théologiens devint un haut lieu de la pensée scolastique au
Moyen Âge, le siège de la faculté de théologie à l’époque moderne, puis l’incarnation
même de l’université de Paris à partir du xix e siècle. Son histoire illustre,
s’il en est, la réussite d’une institution fondée, à l’origine, pour héberger des
étudiants pauvres. C’est pourquoi, au-delà de toute considération mercantile,
elle est le patrimoine commun de tous les universitaires.
© Pascal Levy / Panthéon-Sorbonne
«Sans être la date
certaine de fondation
de la Sorbonne,
l’année 1257
correspond bien
à celle qui s’en
rapproche le plus.
»
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019
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