#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

L’Acte juridique irrégulier efficace
Contribution à la théorie de l’acte juridique
L
es actes juridiques sont définis par la loi comme des manifestations
de volonté destinées à produire des effets de droit. Les contrats, par
exemple, sont des actes juridiques : ils expriment la volonté des
contractants de créer des obligations qui vont les contraindre juridiquement.
Les lois sont également des actes juridiques, elles expriment la volonté des
parlementaires de créer des règles de droit qui vont s’imposer à une catégorie
de personnes. De nombreux autres phénomènes peuvent être qualifiés d’actes
juridiques : les jugements, les décisions prises collégialement par les organes
sociaux comme les conseils d’administration ou les assemblées générales, etc.
La thèse de Clément François s’intéresse à une catégorie particulière d’actes
juridiques, qui n’avait jamais été étudiée en tant que telle : les actes qui sont
irréguliers, c’est-à-dire qui sont contraires à une règle qui s’imposait à leurs
auteurs, mais qui produisent néanmoins tout ou partie de leurs effets de
droit. On pourrait penser que tout acte juridique irrégulier est nécessairement
« nul », c’est-à-dire qu’il ne peut produire aucun effet au sein de l’ordre juridique
français. En réalité, l’analyse du droit positif permet de mettre en exergue un
nombre important d’actes juridiques irréguliers efficaces. Par exemple, lorsqu’un
mariage irrégulier est annulé, la loi prévoit que tous les effets juridiques
produits par le mariage avant son annulation sont maintenus au profit du ou
des époux de bonne foi. Autre exemple, lorsqu’une loi est entachée d’un vice
de procédure, seul un nombre limité de personnes peuvent saisir le Conseil
constitutionnel avant la promulgation de la loi. Il n’est plus possible, après la
promulgation de la loi, de demander l’annulation de celle-ci pour vice de procédure.
La loi inconstitutionnelle produira alors ses effets dans l’ordre juridique
français sans limite de durée.
Clément François
Droit privé,
sous la direction de
Thierry Revet
Une fois l’existence d’actes juridiques irréguliers efficaces constatée, la thèse
analyse l’incidence de ces phénomènes sur la théorie des actes juridiques et
sur le concept de hiérarchie des normes. Une évolution des modèles théoriques
en usage est proposée pour intégrer ces phénomènes.
Enfin, au-delà de l’aspect théorique, la thèse cherche à analyser les raisons
politiques qui justifient de maintenir l’efficacité de certains actes juridiques
irréguliers. Ces raisons politiques sont souvent dissimulées par les juges derrière
une argumentation technique. La thèse s’achève donc par une analyse
de la motivation formelle des jugements, de cette instrumentalisation de la
technique juridique, forme de rhétorique qui permet aux juges de légitimer
leurs décisions de maintenir ou non l’efficacité de certains actes irréguliers.
© Julien Benhamou - Chancellerie des
universités de Paris
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019
69