#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma
#1257 : la revue de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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L’œuvre <strong>cinéma</strong>tographique<br />
saisie par <strong>le</strong> droit<br />
Le droit est une discipline qui vise à appréhender la réalité et à organiser<br />
<strong>le</strong>s relations socia<strong>le</strong>s. On peut, dès lors, attendre de lui une certaine précision<br />
dans <strong>le</strong>s concepts utilisés afin de remplir l’objectif de prévisibilité<br />
et de sécurité que l’on est en droit d’attendre de tout système juridique.<br />
Pierre Sirinelli<br />
Professeur à l’Éco<strong>le</strong> de<br />
droit de la Sorbonne et<br />
directeur du master 2<br />
Droit, économie et<br />
gestion de l’audiovisuel<br />
Dans une approche<br />
humaniste qui met<br />
l’auteur au centre<br />
du dispositif,<br />
<strong>le</strong> champ de la<br />
protection doit<br />
être ouvert.<br />
M<br />
ais il arrive aussi que la norme juridique soit faite de notions beaucoup<br />
plus floues. Tout <strong>le</strong> droit de la responsabilité civi<strong>le</strong>, par exemp<strong>le</strong>,<br />
repose <strong>sur</strong> la notion référence de « personne raisonnab<strong>le</strong> ». Il ne s’agit<br />
pas, alors, d’une malfaçon législative mais d’un choix délibéré destiné à<br />
conférer à la règ<strong>le</strong> une certaine plasticité via <strong>le</strong> recours à des « standards » à<br />
contenu ouvert ou des « notions cadres ».<br />
Le droit d’auteur qui est la discipline juridique la plus importante pour <strong>le</strong>s<br />
intervenants du secteur du <strong>cinéma</strong> participe de cette doub<strong>le</strong> logique. Si <strong>le</strong><br />
contenu de la protection accordée aux créateurs est rég<strong>le</strong>menté de manière<br />
assez minutieuse, l’appréhension des questions fondamenta<strong>le</strong>s – quoi (quel<br />
est l’objet de la protection) ? ; qui (qui en est <strong>le</strong> bénéficiaire) ? – repose <strong>sur</strong> une<br />
logique volontairement ouverte et peu précise. Qu’on en juge :<br />
- L’objet de la protection est l’« œuvre de l’esprit », notion non définie que <strong>le</strong>s<br />
juges abordent comme une « création de forme origina<strong>le</strong> », c’est-à-dire porteuse<br />
de l’« empreinte de la personnalité » de son auteur. On ne saurait faire<br />
plus flou. Peuvent être ainsi concernés, un film, un roman, un tab<strong>le</strong>au mais<br />
aussi, un logiciel, un cendrier ou un modè<strong>le</strong> de panier à salade. Ce choix est<br />
délibéré. Le champ du droit d’auteur est, par nature, très ouvert.<br />
- Le bénéficiaire originel de la protection est l’« auteur », c’est-à-dire suivant<br />
la jurisprudence, la personne physique qui a imprimé à la forme en cause<br />
l’empreinte de sa personnalité. Il n’est ni celui qui apporte <strong>le</strong>s moyens de la<br />
création (matériel ou argent), ce qui exclut <strong>le</strong> producteur, ni <strong>le</strong> simp<strong>le</strong> exécutant<br />
ni même un interprète.<br />
Ce flou, on l’a dit, est volontaire. Dans une approche humaniste qui met l’auteur<br />
au centre du dispositif, <strong>le</strong> champ de la protection doit être ouvert. Mais,<br />
sans doute inspiré de la formu<strong>le</strong> de Malraux suivant laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> <strong>cinéma</strong> n’est<br />
pas seu<strong>le</strong>ment un art mais aussi une industrie, <strong>le</strong> législateur a entendu mettre<br />
en place un régime de droit d’auteur un peu particulier à propos des œuvres<br />
dites « audiovisuel<strong>le</strong>s ». Si la construction juridique alors mise en place (droit<br />
d’auteur propre à ses créations) a toujours pour but de placer l’auteur-créateur<br />
au centre du dispositif, des concessions à une approche plus pratique ou franchement<br />
économique doivent être faites pour prendre en considération la réalité<br />
industriel<strong>le</strong> du secteur. Par rapport aux autres œuvres de l’esprit, l’œuvre<br />
audiovisuel<strong>le</strong> connaît un régime un peu particulier (II) qui impose donc un<br />
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019<br />
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