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#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

#1257 : la revue de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Puis <strong>le</strong>s Trente Glorieuses, marquées par un développement économique<br />

constant, de nature à as<strong>sur</strong>er des sociétés où <strong>le</strong> confort et l’abondance se<br />

généralisent, connaissent l’éclosion de cohortes aspirant à des va<strong>le</strong>urs<br />

post-matérialistes (l’égalité des sexes, la protection de l’environnement, la<br />

satisfaction au travail…). On a ainsi pu donner une interprétation de Mai 68<br />

comme l’aboutissement de ces revendications post-matérialistes.<br />

Certes, <strong>le</strong> court terme n’y était pourtant pas exclu des slogans, comme<br />

l’atteste l’injonction à « jouir sans entrave ». Les va<strong>le</strong>urs matérialistes des<br />

« gi<strong>le</strong>ts jaunes » semb<strong>le</strong>nt confirmer l’hypothèse d’Ing<strong>le</strong>hart moins en<br />

termes générationnels qu’en termes de segments sociaux. Les groupes<br />

sociaux qui souffrent <strong>le</strong> plus d’un défaut de bien-être confirment <strong>le</strong>ur aspiration<br />

à la satisfaction de revendications matérialistes et à court terme. Les<br />

« gi<strong>le</strong>ts jaunes » ont pour <strong>le</strong> moins problématisé au grand jour, et parfois<br />

vio<strong>le</strong>mment, une situation insatisfaisante, c’est-à-dire qui révè<strong>le</strong> un écart<br />

entre l’état de choses existantes et ce qui paraît souhaitab<strong>le</strong>.<br />

Au souci de la<br />

« fin du monde »<br />

(la transition<br />

écologique) <strong>le</strong>s<br />

« gi<strong>le</strong>ts jaunes »<br />

substituent plus<br />

volontiers <strong>le</strong> souci<br />

de la « fin du mois ».<br />

La « déconnexion » des élites politiques<br />

Dès lors, on comprend mieux l’incompréhension tota<strong>le</strong> entre <strong>le</strong> « peup<strong>le</strong> »<br />

des « gi<strong>le</strong>ts jaunes » qui demande l’accès à plus de biens norma<strong>le</strong>ment accessib<strong>le</strong>s<br />

à tous et <strong>le</strong>s « élites » supposées « capter » <strong>le</strong>s ressources de bien-être<br />

et <strong>le</strong>s ressources de la volonté généra<strong>le</strong> pour par<strong>le</strong>r comme Mudde et<br />

Kaltwasser, et donc <strong>le</strong>s en priver.<br />

Cette incompréhension devient particulièrement sensib<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> rejet du<br />

politique comme étant <strong>le</strong> lieu d’épanouissement des élites. Or l’une des<br />

fonctions essentiel<strong>le</strong>s du politique consiste à prévoir, à anticiper l’avenir et<br />

donc el<strong>le</strong> est caractérisée par l’analyse des perspectives à long terme. On se<br />

rappel<strong>le</strong> du « gouverner c’est prévoir » de Pierre Mendès-France. D’où <strong>le</strong>s<br />

critiques si fréquentes dans <strong>le</strong> discours des « gi<strong>le</strong>ts jaunes » à propos de la<br />

« déconnexion » des élites politiques avec <strong>le</strong>s réalités socio-économiques et<br />

la justification de la défiance qu’el<strong>le</strong>s suscitent pour cause de temporalités<br />

incompatib<strong>le</strong>s.<br />

À ces deux types de considérations, on peut en effet ajouter une troisième<br />

dimension constituée par l’axe confiance-défiance, forme simplifiée du capital<br />

social dont ils sont dépourvus. Les « gi<strong>le</strong>ts jaunes » ont été souvent caractérisés<br />

par <strong>le</strong>ur iso<strong>le</strong>ment social auquel la réunion récurrente <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s rondspoints<br />

comme <strong>le</strong>s manifestations du samedi venaient apporter un antidote<br />

qui permet de retrouver la convivialité et la solidarité perdues.<br />

L’écueil des finances publiques<br />

Quel<strong>le</strong>s conclusions tirer de cette trip<strong>le</strong> opposition entre court et long terme,<br />

va<strong>le</strong>urs matérialistes et post-matérialistes et confiance et défiance pour la<br />

sortie de crise ?<br />

Si on <strong>le</strong>s projette <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s propositions qui devront émerger du « Grand<br />

Débat national », on est amené à retenir quelques hypothèses. S’agissant<br />

tout d’abord du terme auquel <strong>le</strong>s décisions devront correspondre, il semb<strong>le</strong><br />

nécessaire qu’il y ait des me<strong>sur</strong>es complétant cel<strong>le</strong>s du 10 décembre concernant<br />

la prime de fin d’année, l’augmentation du salaire des travail<strong>le</strong>urs payés<br />

Jacques Gerstlé<br />

Professeur émérite<br />

en science politique,<br />

Centre de recherches<br />

politiques de la Sorbonne<br />

(CRPS), université Paris 1<br />

Panthéon-Sorbonne<br />

Michel Borgetto<br />

Professeur de droit<br />

public, directeur du<br />

Centre d’études et de<br />

recherches en sciences<br />

administratives et<br />

politiques (CNRS) à<br />

l’université Paris 2<br />

Panthéon-Assas<br />

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019<br />

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