#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma
#1257 : la revue de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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avancer la lutte contre <strong>le</strong> changement climatique.<br />
Le 11 juin 2019, se tiendra un colloque organisé<br />
à la Sorbonne <strong>sur</strong> Les dynamiques du contentieux<br />
climatique : usages et mobilisations du droit pour<br />
la cause climatique, qui sera l’occasion d’échanger<br />
autour de ces différentes actions en justice.<br />
Marine F<strong>le</strong>ury L’impact de ces procès <strong>sur</strong> la<br />
réduction des émissions de GES n’a rien d’une évidence.<br />
Tout d’abord, d’un point de vue quantitatif,<br />
<strong>le</strong>s vingt années de procès climatiques n’ont vu<br />
que peu de victoires des associations de défense<br />
de l’environnement, des vil<strong>le</strong>s ou des personnes<br />
victimes du changement climatique. La menace<br />
que font peser ces procès <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s États et <strong>le</strong>s entreprises<br />
concerne davantage <strong>le</strong>ur image, <strong>le</strong>ur réputation.<br />
De ce point de vue, en France, ils révè<strong>le</strong>nt<br />
que <strong>le</strong>s actions de l’État ne coïncident peut-être<br />
pas tout à fait avec l’exemplarité climatique à laquel<strong>le</strong><br />
prétendent <strong>le</strong>s discours politiques. Ensuite,<br />
en France et ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s chances de succès de ces<br />
actions sont tributaires de l’interprétation juridictionnel<strong>le</strong><br />
des normes climatiques et/ou de la<br />
réinterprétation de règ<strong>le</strong>s anciennes. D’un côté,<br />
<strong>le</strong> droit climatique est à ses premières heures et<br />
il présente des caractéristiques qui peuvent nuire<br />
à sa justiciabilité. En effet, il est principa<strong>le</strong>ment<br />
énoncé dans des textes internationaux dont l’effet<br />
direct n’est pas évident. Or, lorsqu’une règ<strong>le</strong> est<br />
dépourvue d’effet direct, <strong>le</strong> juge considère qu’el<strong>le</strong><br />
ne peut pas servir à évaluer <strong>le</strong> bien-fondé de la<br />
demande du requérant. Ensuite, la plupart des<br />
législations climatiques sont énoncées en termes<br />
d’objectifs. Un objectif peut être analysé comme<br />
une obligation de moyens ou de résultat. Or, <strong>le</strong><br />
choix de l’une ou l’autre de ces interprétations<br />
conditionne l’intensité de la contrainte qui pèse<br />
<strong>sur</strong> l’État ou <strong>le</strong>s entreprises. D’un autre côté, la<br />
réinterprétation des règ<strong>le</strong>s anciennes semb<strong>le</strong> nécessaire.<br />
El<strong>le</strong> pourrait passer par une « climatisation<br />
» du droit de l’environnement et même, plus<br />
généra<strong>le</strong>ment, des droits fondamentaux. C’est<br />
dans cette direction que plusieurs juridictions<br />
– Cour européenne des droits de l’homme, Cour<br />
suprême de Colombie… – se sont déjà engagées.<br />
En France, cette climatisation du droit pourrait<br />
d’abord prendre appui <strong>sur</strong> la Charte de l’environnement.<br />
Cette Charte a porté au niveau constitutionnel<br />
un ensemb<strong>le</strong> de droits et de principes<br />
en matière de protection de l’environnement, et<br />
notamment, <strong>le</strong> droit de vivre dans un environnement<br />
équilibré et respectueux de la santé. La lutte<br />
contre <strong>le</strong> changement climatique n’y est pas explicitement<br />
mentionnée. En revanche, el<strong>le</strong> pourrait<br />
s’y inclure tant cet objectif faisait partie des<br />
préoccupations qui ont conduit à son adoption.<br />
Cette influence s’illustre d’ail<strong>le</strong>urs dans son préambu<strong>le</strong>,<br />
<strong>le</strong>quel rappel<strong>le</strong> que « l’homme exerce une<br />
influence croissante <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s conditions de la vie et <strong>sur</strong><br />
sa propre évolution » et que « la diversité biologique,<br />
l’épanouissement de la personne et <strong>le</strong> progrès des sociétés<br />
humaines sont affectés par certains modes de<br />
consommation ou de production et par l’exploitation<br />
excessive des ressources naturel<strong>le</strong>s ». Ensuite, <strong>le</strong> régime<br />
de la responsabilité n’est pas non plus très<br />
favorab<strong>le</strong> à l’indemnisation des victimes du changement<br />
climatique. Le problème principal tient à<br />
l’établissement du lien de causalité. En droit, celui<br />
qui cherche votre responsabilité doit établir que<br />
<strong>le</strong> fait dommageab<strong>le</strong> qu’il invoque est directement<br />
lié à vos actes ou agissements fautifs. Face au<br />
changement climatique, on comprend assez faci<strong>le</strong>ment<br />
que cette preuve est très délicate à établir.<br />
Les dommages liés au changement climatique<br />
présentent une spatialité et une temporalité<br />
distendues. Les GES n’affectent pas de manière<br />
directe et loca<strong>le</strong> <strong>le</strong>s écosystèmes ou l’homme.<br />
En plus, <strong>le</strong> phénomène de réchauffement tient à<br />
l’accumulation d’émissions individuel<strong>le</strong>s de GES,<br />
accumulation qui ne produit pas immédiatement<br />
ses effets. Ces caractéristiques commandent une<br />
adaptation du droit de la responsabilité. El<strong>le</strong> a<br />
débuté avec la consécration du préjudice écologique<br />
au terme d’un dialogue long mais vertueux<br />
entre <strong>le</strong>s juges et <strong>le</strong> Par<strong>le</strong>ment. Gageons qu’il ne<br />
s’agisse que d’un premier pas !<br />
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019<br />
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