#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma
#1257 : la revue de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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Gazoduc Nord Stream 2 :<br />
piège russe ou nécessité européenne ?<br />
Un gazoduc reliant<br />
directement et sans pays<br />
de transit la Russie à<br />
l’Al<strong>le</strong>magne à travers la<br />
mer Baltique, tel<strong>le</strong> est<br />
l’ambition du Nord Stream 2.<br />
D’une capacité annuel<strong>le</strong> de<br />
55 milliards de mètres cubes,<br />
ce qui correspond à 11 % de<br />
la consommation annuel<strong>le</strong><br />
de l’UE, l’achèvement de<br />
sa construction est prévu<br />
pour 2020 et estimé à<br />
9,5 milliards d’euros.<br />
Angélique Pal<strong>le</strong><br />
Enseignante en géographie<br />
et membre de l’UMR<br />
PRODIG, université Paris 1<br />
Panthéon-Sorbonne<br />
Sami Ramdani<br />
Doctorant en géographie<br />
à l’université Paris 8 -<br />
Vincennes Saint-Denis<br />
Il doub<strong>le</strong>ra un tronçon déjà existant d’une capacité équiva<strong>le</strong>nte,<br />
<strong>le</strong> Nord Stream 1. Entre <strong>le</strong>s pays membres de l’Union européenne,<br />
<strong>le</strong> projet suscite encore de nombreuses controverses,<br />
alimentées par la position du président américain Donald<br />
Trump qui s’y oppose farouchement. Quand certains <strong>le</strong> jugent indispensab<strong>le</strong><br />
à l’approvisionnement européen, d’autres crient au piège russe.<br />
Un projet défendu par l’Al<strong>le</strong>magne<br />
Principal soutien de ce nouveau gazoduc, l’Al<strong>le</strong>magne l’a longtemps présenté<br />
comme un projet essentiel<strong>le</strong>ment économique, servant éga<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong>s intérêts de sa propre politique de remplacement de la stratégie nucléaire<br />
initiée en 2011 par Angela Merkel. Ce n’est qu’en avril 2018 qu’el<strong>le</strong><br />
en a évoqué publiquement <strong>le</strong>s aspects politiques.<br />
Aux yeux du gouvernement al<strong>le</strong>mand, ce gazoduc entretiendra une interdépendance,<br />
et non une simp<strong>le</strong> dépendance, vis-à-vis de la Russie, dans la me<strong>sur</strong>e<br />
où la vente de gaz à l’Europe est vita<strong>le</strong> à l’économie russe. Dans la tradition<br />
de l’Ostpolitik, c’est-à-dire de la normalisation des relations de l’Al<strong>le</strong>magne avec<br />
la Russie, cultiver cette politique d’échange apparaît comme <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur moyen<br />
de limiter <strong>le</strong>s tensions avec Moscou. La relation énergétique russo-européenne<br />
constitue la condition à la stabilité de la relation russo-al<strong>le</strong>mande.<br />
Une vision partagée par un certain nombre de grands groupes européens. Le<br />
projet, financé à 50 % par <strong>le</strong> Russe Gazprom, compte éga<strong>le</strong>ment <strong>sur</strong> la participation<br />
des partenaires européens : <strong>le</strong> Français Engie, <strong>le</strong>s Al<strong>le</strong>mands Uniper et<br />
Wintershall, l’Autrichien OMV et l’Anglo-Néerlandais Shell, à hauteur de 10 %<br />
chacun.<br />
Certains de ces acteurs, notamment <strong>le</strong>s entreprises et gouvernements qui soutiennent<br />
<strong>le</strong> projet, estiment que <strong>le</strong> Nord Stream 2 permettrait de <strong>le</strong>ver une partie<br />
des incertitudes énergétiques qui pèsent <strong>sur</strong> l’UE, au regard des échéances<br />
des contrats gaziers en cours : celui de l’Ukraine avec la Russie prend fin<br />
en 2019 et celui de la Pologne en 2022. Dans <strong>le</strong>s deux cas, des renégociations<br />
se profi<strong>le</strong>nt.<br />
La crainte d’un monopo<strong>le</strong> al<strong>le</strong>mand<br />
Au sein de l’Union européenne, <strong>le</strong> projet se heurte à d’importantes résistances.<br />
Le premier est de nature économique : la position de hub gazier européen fait<br />
l’objet d’une compétition féroce entre États membres. Ce projet renforcerait<br />
considérab<strong>le</strong>ment l’Al<strong>le</strong>magne, qui concentrerait alors l’arrivée de 30 % des<br />
importations européennes de gaz, contre seu<strong>le</strong>ment 15 % aujourd’hui via <strong>le</strong><br />
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019<br />
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