#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma
#1257 : la revue de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019 “Regards <strong>sur</strong>”<br />
Être à l’écoute<br />
des attentes des<br />
groupes sociaux<br />
avec <strong>le</strong>squels on<br />
travail<strong>le</strong> ou que<br />
l’on visite s’impose<br />
comme un principe<br />
éthique.<br />
ou autre (<strong>le</strong>s nuances que nous faisons entre ces catégories ont parfois peu de sens<br />
pour ceux qu’ils rencontrent) – se voit toujours assigner une identité par la société<br />
qu’il veut étudier, évangéliser ou visiter.<br />
Réciproquement, il ou el<strong>le</strong> pense l’« autre » en fonction d’un système de références<br />
qui lui est propre. Bien que <strong>le</strong>s anthropologues n’échappent pas à ces mécanismes,<br />
ils sont attentifs à la place qui <strong>le</strong>ur est donnée dans une société, conscients que<br />
cela ne dépend pas uniquement d’eux, et que trouver cette place prend du temps.<br />
Ils appel<strong>le</strong>nt à être vigilants aux réactions que <strong>le</strong>ur présence peut susciter et à ne<br />
travail<strong>le</strong>r que dans ou avec des sociétés lorsque cel<strong>le</strong>-ci est clairement acceptée.<br />
De nombreux anthropologues reprendraient donc sans doute à <strong>le</strong>ur compte<br />
la première partie de la question d’Aruna HarPrasad : « Qui sommes-nous donc,<br />
pour nous arroger <strong>le</strong> droit d’al<strong>le</strong>r déranger ces gens ? » Et beaucoup, probab<strong>le</strong>ment,<br />
déplorent que d’autres – des touristes notamment – s’arrogent <strong>le</strong> droit de <strong>le</strong> faire<br />
sans y être autorisés.<br />
Être à l’écoute<br />
En revanche, cette question – et c’est là la différence sans doute essentiel<strong>le</strong> entre la<br />
posture de l’anthropologue et cel<strong>le</strong> souvent défendue dans <strong>le</strong>s médias autour des<br />
cas évoqués précédemment – ne se pose pas au regard d’une nature supposée « intacte<br />
» des sociétés concernées, voire de <strong>le</strong>ur rapport « harmonieux » avec la nature.<br />
Être à l’écoute des attentes des groupes sociaux avec <strong>le</strong>squels on travail<strong>le</strong> ou que<br />
l’on visite s’impose comme un principe éthique – défendu par <strong>le</strong>s institutions, <strong>le</strong>s<br />
chercheurs et/ou <strong>le</strong>s communautés – que cel<strong>le</strong>s-ci soient « isolées » ou non.<br />
La question de l’« acceptation » du chercheur dans la société étudiée se pose par<br />
exemp<strong>le</strong> de manière aiguë aujourd’hui dans des sociétés « autochtones » immergées<br />
dans la globalisation technologique et économique, et qui appel<strong>le</strong>nt à un<br />
renouvel<strong>le</strong>ment des pratiques de recherche pour que cel<strong>le</strong>s-ci soient plus « collaboratives<br />
» et moins « colonia<strong>le</strong>s ».<br />
Ce qu’une « société » dans son ensemb<strong>le</strong> pense et souhaite<br />
Une des difficultés est bien sûr de savoir ce qu’une « société » dans son ensemb<strong>le</strong><br />
pense et souhaite – toutes <strong>le</strong>s sociétés sont traversées de lignes d’opposition et de<br />
points de vue divergents <strong>sur</strong> ce qui est « acceptab<strong>le</strong> » ou non, y compris en matière<br />
de développement touristique.<br />
Une autre difficulté vient de la réalité des relations de pouvoir qui peuvent rendre<br />
compliquée l’expression d’un refus de la fréquentation touristique.<br />
C’est en cela peut-être que la situation des Sentinel<strong>le</strong>s et des Jarawa, comme cel<strong>le</strong><br />
d’autres sociétés autochtones, est spécifique.<br />
Ces sociétés ont subi une longue histoire de discrimination et de marginalisation<br />
qui peut <strong>le</strong>s rendre vulnérab<strong>le</strong>s et peu en capacité de faire entendre <strong>le</strong>ur voix face à<br />
l’arrivée d’étrangers, alors que dans d’autres cas, el<strong>le</strong>s peuvent se saisir du tourisme<br />
comme d’une arme politique dans la reconnaissance de <strong>le</strong>ur autochtonie.<br />
On ne peut donc affirmer une fois pour toutes que <strong>le</strong> développement touristique<br />
est positif ou négatif. Cela dépend largement des situations loca<strong>le</strong>s et des relations<br />
de pouvoir qui s’y jouent – et notamment de la capacité des acteurs locaux à maîtriser<br />
<strong>le</strong>s flux touristiques – mais pas, au regard des anthropologues, d’une supposée<br />
nature « isolée » ou « primitive » des sociétés visitées.<br />
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