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#1257 - Numéro 1 : Éclairages sur le cinéma

#1257 : la revue de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Le débat<br />

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Juin 2019<br />

Le juge pourra-t-il<br />

impulser davantage<br />

d’action ?<br />

Marta Torre-Schaub D’une manière généra<strong>le</strong>,<br />

ces recours qui se multiplient reprochent à<br />

l’État son inaction mais remettent éga<strong>le</strong>ment en<br />

cause <strong>le</strong>s politiques des entreprises car el<strong>le</strong>s négligent<br />

<strong>le</strong>urs obligations climatiques.<br />

Un recours devant la justice peut créer un précédent<br />

jurisprudentiel, favorab<strong>le</strong> ou défavorab<strong>le</strong> à l’avenir<br />

de l’action de la France en matière climatique. Avec<br />

ces recours, que cherche-t-on à obtenir ? Veut-on<br />

des politiques climatiques plus efficaces ou veuton<br />

montrer, de manière plus symbolique, que <strong>le</strong><br />

juge a <strong>le</strong> pouvoir de contraindre l’administration<br />

et <strong>le</strong>s entreprises à agir ? La question est donc de<br />

savoir comment <strong>le</strong>s juges français vont réagir à<br />

ces demandes. Si on prend <strong>le</strong> recours de « L’affaire<br />

du sièc<strong>le</strong> », il est assez symbolique d’une atteinte<br />

peut-être un peu déme<strong>sur</strong>ée du juge français. Le<br />

juge ici devra faire face à deux obstac<strong>le</strong>s majeurs :<br />

l’un concerne celui de sa capacité à « créer » du<br />

droit, ce qu’il ne peut pas faire. Le deuxième obstac<strong>le</strong>,<br />

plus technique, consiste à ce qu’il accepte qu’il<br />

y a une relation de cause à effet entre <strong>le</strong> changement<br />

climatique et l’inaction de l’État français. Ce<br />

recours s’appuie <strong>sur</strong> <strong>le</strong> fait que la France aurait un<br />

devoir général d’agir en matière climatique fondé<br />

<strong>sur</strong> <strong>le</strong>s artic<strong>le</strong>s 1 et 2 de la Charte de l’environnement.<br />

Il met en avant la carence fautive de l’État<br />

français en matière climatique. L’État serait tenu<br />

responsab<strong>le</strong> car il aurait une obligation généra<strong>le</strong><br />

climatique, obligation qui fonde un préjudice causé<br />

pour <strong>le</strong>s ONG, de par sa carence et son inaction.<br />

L’État aurait ainsi commis une faute pour ne pas<br />

avoir respecté ses engagements et objectifs en matière<br />

climatique. Sur ce point, <strong>le</strong> juge administratif,<br />

limité dans sa fonction par <strong>le</strong> principe d’interprétation<br />

du droit existant, devra fonder sa décision<br />

<strong>sur</strong> un principe qui n’existe pas encore en tant que<br />

tel dans notre droit mais qui peut se dégager de<br />

l’artic<strong>le</strong> 1 er de la Charte inscrivant <strong>le</strong> « droit de chacun<br />

à vivre dans un environnement sain ». Le juge<br />

français, qui n’a pas en principe de pouvoir normatif,<br />

a cependant déjà fait preuve d’une certaine<br />

marge de manœuvre « créative » et a pu « faire jurisprudence<br />

» en énonçant un principe général qui<br />

aura vocation ensuite à devenir une règ<strong>le</strong> comme<br />

dans l’affaire Erika. Ce principe serait ainsi fondé<br />

<strong>sur</strong> des règ<strong>le</strong>s de droit déjà existantes, en l’occurrence<br />

ici, ce serait l’artic<strong>le</strong> 1 er de la Charte de l’environnement.<br />

Mais la plus grande difficulté pour <strong>le</strong><br />

juge français résidera dans la preuve de l’existence<br />

d’un lien de causalité. La question n’est pas tota<strong>le</strong>ment<br />

nouvel<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> juge français. Il avait ainsi<br />

été possib<strong>le</strong> de condamner l’État pour carence fautive<br />

dans l’affaire des algues vertes en Bretagne.<br />

Éga<strong>le</strong>ment, en juil<strong>le</strong>t 2017, <strong>le</strong> Conseil d’État a enjoint<br />

l’État à mieux adapter <strong>le</strong> droit français à la<br />

directive européenne <strong>sur</strong> la pollution de l’air. Mais<br />

ces décisions s’appuyaient <strong>sur</strong> des obligations de<br />

l’État précises, alors que pour <strong>le</strong> changement climatique<br />

l’obligation de l’État est moins évidente.<br />

Dans l’hypothèse où <strong>le</strong>s juges accepteraient la carence<br />

de l’État, l’administration serait contrainte<br />

à comb<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s lacunes ou défaillances reprochées.<br />

Mais il s’agira tout au plus d’une obligation de résultat.<br />

Il semb<strong>le</strong> peu probab<strong>le</strong> que <strong>le</strong> juge se prononce<br />

<strong>sur</strong> une obligation de moyens. Il s’agirait<br />

ainsi d’une décision symbolique, plus que véritab<strong>le</strong>ment<br />

réparatrice. La décision du juge administratif<br />

ne viendra pas tout de suite, car il est probab<strong>le</strong><br />

qu’il attende l’issue du recours porté par <strong>le</strong><br />

maire de Grande-Synthe devant <strong>le</strong> Conseil d’État<br />

en février dernier avant de se prononcer dans <strong>le</strong><br />

recours de « L’affaire du sièc<strong>le</strong> ». C’est donc un long<br />

processus qui s’ouvre avec ces recours, pouvant<br />

durer plusieurs années. On voit bien que, fina<strong>le</strong>ment,<br />

la portée, en termes purement juridiques,<br />

est assez limitée. Mais ils n’en déc<strong>le</strong>ncheront pas<br />

moins une dynamique positive et activiste judiciairement<br />

parlant, qui s’éta<strong>le</strong>ra dans <strong>le</strong> temps, ce<br />

qui sans doute peut constituer un <strong>le</strong>vier pour faire<br />

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