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Thema Pour la science n°12 : Vaincre la dépression

Tristesse permanente, perte d’intérêt pour les activités plaisantes, sentiment de dévalorisation, fatigue continue, idées suicidaires, perte d’appétit… La dépression n’est pas une simple saute d’humeur passagère, mais une véritable maladie, qui frappe quelque 350 millions de personnes dans le monde. Environ un homme sur dix et une femme sur cinq fera une dépression majeure au cours de sa vie. Et entre 3 et 7

Tristesse permanente, perte d’intérêt pour les activités plaisantes, sentiment de dévalorisation, fatigue continue, idées suicidaires, perte d’appétit… La dépression n’est pas une simple saute d’humeur passagère, mais une véritable maladie, qui frappe quelque 350 millions de personnes dans le monde. Environ un homme sur dix et une femme sur cinq fera une dépression majeure au cours de sa vie. Et entre 3 et 7

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Sport<br />

UN TRAITEMENT EFFICACE<br />

Méditation<br />

ELLE ÉVITE LES RÉCIDIVES<br />

Adolescence<br />

UNE PÉRIODE À RISQUE<br />

Comment vaincre <strong>la</strong><br />

DÉPRESSION


ÉDITO<br />

DE NOUVELLES PISTES<br />

POUR VAINCRE LA DÉPRESSION<br />

Philippe Ribeau<br />

Responsable éditorial Web<br />

Suivez-nous sur<br />

Tristesse permanente, perte d’intérêt pour les activités<br />

p<strong>la</strong>isantes, sentiment de dévalorisation, fatigue continue,<br />

idées suicidaires, perte d’appétit… La <strong>dépression</strong> n’est pas<br />

une simple saute d’humeur passagère, mais une véritable<br />

ma<strong>la</strong>die, qui frappe quelque 350 millions de personnes dans<br />

le monde. Environ un homme sur dix et une femme sur<br />

cinq fera une <strong>dépression</strong> majeure au cours de sa vie. Et entre<br />

3 et 7 % des adolescents, notamment, connaissent un épisode<br />

de <strong>dépression</strong> profonde.<br />

Heureusement, nous ne sommes pas démunis contre<br />

cette ma<strong>la</strong>die. S’il est inutile de dire à un patient dépressif<br />

de « se secouer », de nombreuses approches thérapeutiques<br />

commencent à faire <strong>la</strong> preuve de leur efficacité. La pratique<br />

sportive est l’une d’elles. Le sport renforce notre résistance au<br />

stress, stimule <strong>la</strong> synthèse neuronale et améliore l’estime de<br />

soi. Les preuves s’accumulent que l’exercice physique est un<br />

traitement efficace contre <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> modérée.<br />

La méditation, pour sa part, permet de prendre de <strong>la</strong><br />

distance avec ses pensées négatives et de briser le cercle vicieux<br />

des ruminations. Associée à des thérapies plus c<strong>la</strong>ssiques,<br />

elle réduit le risque de rechute dépressive.<br />

L’activité sociale, enfin, est un puissant antidote contre<br />

<strong>la</strong> <strong>dépression</strong>. Club de lecture, de bridge, de yoga… Peu importe<br />

l’activité, s’impliquer dans un groupe suffit à faire chuter<br />

le risque de <strong>dépression</strong>.<br />

<strong>Pour</strong> les <strong>dépression</strong>s sévères, un traitement médicamenteux<br />

peut s’avérer indispensable. Là encore, de nouvelles pistes<br />

émergent : <strong>la</strong> kétamine montre des bénéfices spectacu<strong>la</strong>ires<br />

pour certaines personnes, et les hallucinogènes pourraient<br />

« réinitialiser » les réseaux cérébraux de <strong>la</strong> <strong>dépression</strong>.<br />

Alors, ne déprimez pas : comme vous le verrez dans ce <strong>Thema</strong>,<br />

on peut vaincre <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> !<br />

<strong>Pour</strong> <strong>la</strong> Science<br />

170 bis boulevard du Montparnasse - 75014 Paris<br />

Tél. : 01 55 42 84 00<br />

Directrice des rédactions : Cécile Lestienne<br />

Cerveau & Psycho<br />

Rédacteur en chef : Sébastien Bohler<br />

Rédactrice en chef adjointe : Bénédicte Salthun-Lassalle<br />

Rédacteur : Guil<strong>la</strong>ume Jacquemont<br />

Conception graphique : Pauline Bilbault<br />

Directrice artistique : Céline Lapert<br />

Maquette : Pauline Bilbault, Raphaël Queruel, Ingrid Leroy<br />

Réviseuse : Anne-Rozenn Jouble<br />

Développement numérique : Philippe Ribeau-Gésippe<br />

Marketing & diffusion : Arthur Peys<br />

Chef de produit : Charline Buché<br />

Presse et communication : Susan Mackie<br />

susan.mackie@pour<strong>la</strong><strong>science</strong>.fr<br />

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Directeur de <strong>la</strong> publication et gérant : Frédéric Mériot<br />

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Stéphanie Jullien<br />

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© <strong>Pour</strong> <strong>la</strong> Science S.A.R.L.<br />

Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et de représentation<br />

réservés pour tous les pays. Certains articles de ce numéro sont publiés en<br />

accord avec <strong>la</strong> revue Spektrum der Wissenschaft (© Spektrum der Wissenschaft<br />

Ver<strong>la</strong>gsgesellschaft, mbHD-69126, Heidelberg). En application de <strong>la</strong> loi du 11 mars<br />

1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement <strong>la</strong> présente revue<br />

sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit<br />

de copie (20, rue des Grands-Augustins - 75006 Paris).<br />

© Couverture : sasha-freemind/unsp<strong>la</strong>sh<br />

EAN : 9782490754007<br />

Dépôt légal : Mars 2019<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

2


SOMMAIRE<br />

P/6<br />

P/40<br />

P/31 P/45<br />

P/4/FEMMES ET DÉPRESSION : LES<br />

INÉGALITÉS DE SALAIRE EN CAUSE<br />

GUILLAUME JACQUEMONT<br />

P/6/LE SPORT CONTRE<br />

LA DÉPRESSION FERRIS JABR<br />

P/16/MÉDITER CONTRE<br />

LA DÉPRESSION GILLES BERTSCHY<br />

P/25/LE GROUPE, UN ANTIDOTE<br />

À LA DÉPRESSION<br />

TEGAN CRUWYS, ALEXANDER HASLAM<br />

ET GENEVIEVE DINGLE<br />

P/31/BIEN DANS SON VENTRE,<br />

BIEN DANS SA TÊTE ?<br />

VALÉRIE DAUGÉ, MATHILDE JAGLIN,<br />

LAURENT NAUDON ET SYLVIE RABOT<br />

P/40/LA DÉPRESSION, UNE<br />

OPPORTUNITÉ DE LÂCHER PRISE<br />

BÉNÉDICTE SALTHUN-LASSALLE<br />

P/43/UN HALLUCINOGÈNE<br />

CONTRE LA DÉPRESSION<br />

GUILLAUME JACQUEMONT<br />

P/45/L’ADOLESCENT DÉPRESSIF<br />

MARIE CHOQUET<br />

P/52/LA KÉTAMINE, UN REMÈDE<br />

MIRACLE POUR LES ENFANTS<br />

SUICIDAIRES ? JACK TURBAN<br />

P/58/LES GÉNIES SONT-ILS<br />

DE GRANDS DÉPRESSIFS ?<br />

BERNARD GRANGER<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

3


Le sport contre<br />

<strong>la</strong> <strong>dépression</strong><br />

FERRIS JABR<br />

© lzf/Shutterstock.com


Courir, nager, faire du vélo… Une activité physique régulière<br />

diminue les symptômes dépressifs. <strong>Pour</strong> beaucoup<br />

de patients, ce serait même le traitement le plus efficace<br />

et le plus sain.<br />

Le 14 février 2014, jour de <strong>la</strong> Saint-<br />

Valentin, Elizabeth Droge-Young est admise<br />

à l’hôpital de Syracuse, dans l’état de New<br />

York. Depuis plus d’un an, elle se bat contre<br />

<strong>la</strong> <strong>dépression</strong> : elle mange peu, et mal, perd<br />

tout intérêt pour ses petits p<strong>la</strong>isirs d’avant<br />

– les films, les livres et <strong>la</strong> musique. Elle s’est<br />

progressivement éloignée de ses amis et<br />

manque régulièrement les cours de l’université<br />

où elle est inscrite en master de biologie<br />

évolutive. Depuis cet hiver, Elizabeth<br />

est parfois incapable de sortir de son lit,<br />

malgré l’action des antidépresseurs qu’elle<br />

a commencé à prendre à l’automne dernier.<br />

Dans les moments les plus sombres, des<br />

pensées obsessionnelles d’automuti<strong>la</strong>tion<br />

et de suicide lui traversent l’esprit. C’est<br />

alors qu’elle réalise qu’elle a sérieusement<br />

besoin d’être aidée.<br />

Après une semaine et demie passée à<br />

l’hôpital de Syracuse, sous étroite surveil<strong>la</strong>nce<br />

pour éviter qu’elle ne se suicide pas,<br />

et traitée par un sérieux cocktail de médicaments,<br />

Elizabeth rentre chez elle, dispensée<br />

de cours jusqu’à <strong>la</strong> fin de l’année. Un temps,<br />

elle semble aller mieux. Mais quand elle<br />

retourne à l’université à <strong>la</strong> rentrée, sa tristesse<br />

incontrôlée et ses pulsions morbides refont<br />

surface. Cette fois, on l’oriente vers l’hôpital<br />

de Saratoga Springs, à deux heures et demie<br />

de route de chez elle, où les médecins lui proposent<br />

une prise en charge plus globale. En<br />

plus des médicaments et des consultations<br />

psychologiques, ceux-ci lui prescrivent des<br />

activités quotidiennes : de l’art créatif et des<br />

marches à pied en plein air. Pendant son<br />

séjour, un thérapeute lui conseille également<br />

de pratiquer une autre activité physique. À sa<br />

sortie, Elizabeth commence à fréquenter les<br />

salles de sport, trois à cinq fois par semaine,<br />

pour marcher ou courir sur les tapis de<br />

course, lever des haltères ou suivre les très<br />

popu<strong>la</strong>ires cours de Zumba.<br />

« C’était très ressourçant », confie<br />

Elizabeth qui, à 33 ans, est aujourd’hui journaliste<br />

scientifique free-<strong>la</strong>nce à Providence,<br />

<strong>la</strong> capitale de l’État de Rhode Is<strong>la</strong>nd. « Ce<strong>la</strong><br />

a eu un effet très positif sur mon humeur.<br />

C’est comme si l’exercice permettait<br />

de reconnecter l’esprit et le corps. Ça a<br />

quelque chose de magique. Lever des poids<br />

ou courir demande de poser un regard sur<br />

soi : “Tu vois à quel point tu es solide et<br />

endurante ? Il y a du positif en toi.” Et danser<br />

me procurait une sensation de joie – les<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

7


Méditer contre<br />

<strong>la</strong> <strong>dépression</strong><br />

GILLES BERTSCHY<br />

© Nadiia - Irish_design/Shutterstock.com


Après un épisode dépressif, le principal danger<br />

qui guette les patients est <strong>la</strong> rechute. En analysant<br />

les mécanismes qui y conduisent, les chercheurs<br />

en psychiatrie commencent à comprendre pourquoi<br />

<strong>la</strong> méditation, associée à des thérapies plus c<strong>la</strong>ssiques,<br />

réduit fortement le risque de récidive.<br />

Au cours de sa vie, environ un<br />

homme sur dix et une femme sur cinq<br />

fera une <strong>dépression</strong> majeure. Dans <strong>la</strong> moitié<br />

de ces cas, il ou elle sera sujet(te) à des<br />

récurrences, c’est-à-dire au retour d’épisodes<br />

dépressifs plus ou moins sévères,<br />

séparés de plusieurs mois. Même si l’on<br />

serait tenté de croire que <strong>la</strong> personne<br />

« guérit » entre les épisodes, <strong>la</strong> réalité est<br />

plus nuancée et on observe fréquemment,<br />

après les épisodes eux-mêmes, des symptômes<br />

résiduels. Troubles du sommeil,<br />

sensation de fatigue, perte d’appétit ou au<br />

contraire accès de boulimie, sensibilité<br />

aux événements sociaux stressants, pessimisme,<br />

troubles sexuels, baisse d’estime<br />

de soi, manque de motivation ou d’investissement<br />

dans les activités du quotidien :<br />

l’un ou l’autre de ces signes (parfois plusieurs<br />

combinés) peuvent alors indiquer<br />

que « quelque chose » est toujours là. Que<br />

faire pour éviter de basculer de nouveau<br />

dans un vrai épisode de <strong>dépression</strong> ?<br />

La psychiatrie dispose, pour <strong>la</strong> prévention<br />

des récurrences dépressives, d’un<br />

arsenal thérapeutique qui comprend en<br />

premier lieu les antidépresseurs, mais<br />

aussi les psychothérapies parmi lesquelles<br />

les thérapies cognitivo-comportementales<br />

ont le mieux démontré leur efficacité.<br />

Depuis plus d’une dizaine d’années, <strong>la</strong><br />

méditation est passée, pour le grand public<br />

mais aussi pour les soignants, du statut<br />

de discipline spirituelle à celui d’activité<br />

cognitive et affective capable d’apporter<br />

une série de bienfaits à <strong>la</strong> fois pour le corps<br />

et pour l’esprit. Son pouvoir thérapeutique,<br />

face à des pathologies sérieuses comme <strong>la</strong><br />

<strong>dépression</strong>, mais aussi le trouble bipo<strong>la</strong>ire<br />

ou les troubles alimentaires, commence<br />

à être évalué selon les méthodes scientifiques<br />

en psychiatrie.<br />

Dans le cas précis de <strong>la</strong> <strong>dépression</strong>,<br />

comprendre l’action de <strong>la</strong> méditation<br />

nécessite de bien analyser <strong>la</strong> façon dont<br />

les épisodes dépressifs surviennent et<br />

reviennent à <strong>la</strong> charge.<br />

La rechute,<br />

un emballement cognitif<br />

Fondamentalement, les mécanismes<br />

de <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> sont de nature neurobiologique<br />

et psychologique, ces deux volets<br />

étant fortement intriqués et variables d’un<br />

patient à l’autre. Dans une perspective<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

17


Le groupe,un antidote<br />

à <strong>la</strong> <strong>dépression</strong><br />

TEGAN CRUWYS, ALEXANDER HASLAM ET GENEVIEVE DINGLE<br />

© Muriel Frega/GettyImages


Clubs de lecture, de bridge, de yoga… Peu importe<br />

le cercle social que vous fréquentez : si vous vous<br />

y impliquez, votre risque de <strong>dépression</strong> chutera.<br />

Et cumuler plusieurs clubs augmente <strong>la</strong> protection !<br />

Rappelez-vous tous les matins où<br />

vous avez dû vous forcer à sortir du lit. Vos<br />

pensées tournaient en boucle autour d’un<br />

examen raté, d’une soirée à <strong>la</strong>quelle vous<br />

n’étiez pas invité ou d’un emploi que vous<br />

n’aviez pas réussi à décrocher.<br />

Et bien, quand on est cliniquement<br />

déprimé, tous les matins ressemblent à<br />

ceux-là, en pire. Rien de ce que l’on appréciait<br />

auparavant n’a plus de sens et l’on n’a<br />

aucune envie de faire les efforts nécessaires<br />

pour sortir de cette torpeur – par exemple<br />

en al<strong>la</strong>nt courir ou en appe<strong>la</strong>nt un ami.<br />

La <strong>dépression</strong> est une cause majeure<br />

d’invalidité à travers le monde, selon<br />

l’OMS. En moyenne, une personne sur cinq<br />

connaît un épisode dépressif dans sa vie.<br />

Le risque est plus élevé chez les femmes,<br />

les jeunes adultes, les membres des communautés<br />

défavorisées ou les habitants des<br />

pays en voie de développement. La tristesse<br />

est parfois si oppressante qu’elle pousse à<br />

dé<strong>la</strong>isser son travail ou sa famille, d’où des<br />

répercussions sur l’entourage et un coût<br />

important pour <strong>la</strong> société.<br />

Les limites<br />

des traitements c<strong>la</strong>ssiques<br />

Comment lutter contre cette pathologie<br />

? Dans <strong>la</strong> plupart des cas, l’association<br />

américaine de psychiatrie recommande<br />

de commencer par une double prise en<br />

charge : médicamenteuse et psychothérapeutique.<br />

Ce traitement a une certaine<br />

efficacité, mais aussi plusieurs limites.<br />

D’abord, les antidépresseurs ont des effets<br />

secondaires – somnolence, dysfonctionnements<br />

sexuels, prise de poids – qui<br />

poussent de nombreux patients à les interrompre<br />

prématurément. Ensuite, le traitement<br />

est inefficace dans près de un tiers<br />

des cas. Enfin, même quand il fonctionne,<br />

il protège mal des rechutes, qui touchent<br />

80 % des patients. En moyenne, ceux-ci en<br />

subissent quatre au cours de leur vie.<br />

De nouvelles stratégies sont donc<br />

nécessaires pour traiter <strong>la</strong> <strong>dépression</strong>,<br />

notamment dans les zones géographiques<br />

où <strong>la</strong> prise en charge médicamenteuse et<br />

psychothérapeutique est chère ou inexistante.<br />

De nombreuses études récentes<br />

recommandent une solution simple et<br />

abordable : pratiquer une ou plusieurs activités<br />

en groupe, par exemple en intégrant<br />

un club. Nos recherches et celles d’autres<br />

collègues montrent en effet que ce<strong>la</strong> permet<br />

à <strong>la</strong> fois de prévenir et de traiter <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

Foot, échec, voyage… Peu importe ce que<br />

vous ferez dans ces clubs, du moment que<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

26


Bien dans son ventre,<br />

bien dans sa tête ?<br />

VALÉRIE DAUGÉ, MATHILDE JAGLIN, LAURENT NAUDON ET SYLVIE RABOT<br />

Shutterstock.com/Dmitri Maruta


L’implication des bactéries intestinales dans certaines<br />

ma<strong>la</strong>dies mentales comme l’autisme et <strong>la</strong> <strong>dépression</strong><br />

fait de moins en moins de doutes. Faut-il soigner<br />

ces ma<strong>la</strong>dies par le ventre plutôt que par le cerveau ?<br />

L’expérience ne manque pas de<br />

surprendre : l’utilisation d’antibiotiques<br />

ou de prébiotiques (des composés qui stimulent<br />

l’activité ou <strong>la</strong> croissance des bactéries<br />

intestinales) diminue l’intensité de<br />

certains troubles neuropsychiatriques. Le<br />

microbiote influerait donc sur le cerveau !<br />

Ces liens s’observent-ils même dans un<br />

organisme sain ? Jouent-ils un rôle dans<br />

d’autres ma<strong>la</strong>dies du système nerveux<br />

central ? Par quels mécanismes les bactéries<br />

intestinales agissent-elles à distance<br />

sur le cerveau ? Depuis quelques années,<br />

les éléments de réponse s’accumulent et<br />

établissent de façon c<strong>la</strong>ire <strong>la</strong> connexion<br />

entre intestin et microbiote.<br />

Un exemple ? L’encéphalopathie hépatique<br />

est une des ma<strong>la</strong>dies associées à des<br />

déséquilibres du microbiote, nommés dysbioses.<br />

Ce syndrome neuropsychiatrique<br />

se manifeste, entre autres, par de l’anxiété<br />

et des troubles de l’humeur et de <strong>la</strong> cognition.<br />

Il résulte principalement d’une insuffisance<br />

hépatique, mais il se caractérise<br />

aussi par une composition particulière<br />

du microbiote intestinal. Ce dernier produit<br />

en quantité excessive certaines substances,<br />

tel l’ammoniaque, qui ne sont plus<br />

détoxifiées par le foie et s’accumulent de<br />

façon anormale dans <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion sanguine<br />

et le cerveau. C’est bien <strong>la</strong> preuve<br />

d’une influence du microbiote sur le cerveau.<br />

Il y en a bien d’autres !<br />

P<strong>la</strong>ntons le décor. Notre tube digestif<br />

abrite une communauté microbienne<br />

comptant près de cent mille milliards de<br />

bactéries. Composé d’environ un millier<br />

d’espèces différentes, ce « microbiote intestinal<br />

» représente une diversité génétique<br />

énorme. On le considère aujourd’hui comme<br />

un véritable organe, situé à l’interface des<br />

aliments ingérés, qu’il contribue à digérer,<br />

et de <strong>la</strong> muqueuse intestinale. Il échange des<br />

signaux molécu<strong>la</strong>ires avec cette dernière,<br />

ce qui lui permet in fine de communiquer<br />

avec tout l’organisme. Au cours des dix dernières<br />

années, le séquençage du génome du<br />

microbiote (le métagénome) et l’analyse des<br />

espèces chimiques qu’il produit ont progressé<br />

grâce à diverses avancées techniques.<br />

Des souris sans microbiote<br />

<strong>Pour</strong> étudier l’effet du microbiote<br />

intestinal sur le cerveau, les biologistes ont<br />

mis au point deux stratégies. La première se<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

32


La <strong>dépression</strong>, une opportunité<br />

de lâcher prise<br />

BÉNÉDICTE SALTHUN-LASSALLE<br />

© Shutterstock.com / Alexeysun


La <strong>dépression</strong> permettrait de renoncer<br />

plus facilement à des objectifs inatteignables,<br />

une étape indispensable à <strong>la</strong> guérison.<br />

Let it go ! Laissez aller ! C’est ainsi que<br />

Katharina Koppe et K<strong>la</strong>us Rothermund, de<br />

l’université de Jena en Allemagne, titrent<br />

leur dernier article de recherche sur… <strong>la</strong><br />

<strong>dépression</strong>. Car d’après les résultats d’une<br />

expérience toute simple qu’ils ont réalisée,<br />

<strong>la</strong> <strong>dépression</strong> permettrait de lâcher prise,<br />

c’est-à-dire d’abandonner des objectifs<br />

inatteignables, et par conséquent de passer<br />

à autre chose.<br />

Notre comportement dépend des<br />

objectifs que nous souhaitons atteindre,<br />

et si notre vie actuelle ne correspond pas<br />

à ce que nous espérons, nous faisons tout<br />

pour réduire cet écart. Deux méthodes<br />

permettent d’y parvenir : soit nous changeons<br />

notre situation actuelle pour qu’elle<br />

corresponde mieux à nos attentes, soit<br />

nous ajustons nos envies à notre situation<br />

du moment, en abandonnant les objectifs<br />

trop compliqués. Mais si nous n’arrivons<br />

pas à appliquer ces stratégies, nous risquons<br />

de produire des efforts inutiles pour<br />

un p<strong>la</strong>n de vie trop ambitieux. D’où une<br />

possible <strong>dépression</strong> : grande tristesse, perte<br />

d’intérêt et de p<strong>la</strong>isir, sentiment de culpabilité<br />

excessif, manque d’appétit, fatigue…<br />

En France, en 2010, 7,5 % des personnes âgées<br />

de 15 à 85 ans ont connu un épisode dépressif<br />

au cours des 12 derniers mois. C’est une<br />

ma<strong>la</strong>die mentale, nécessitant le recours à<br />

des médicaments ou des psychothérapies,<br />

et l’une des principales causes de mortalité<br />

(par suicide) avec les ma<strong>la</strong>dies cardiovascu<strong>la</strong>ires.<br />

Mais <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> a un autre<br />

effet, jusque-là insoupçonné.<br />

Les chercheurs ont proposé à 40 patients<br />

gravement dépressifs et à 38 personnes ne<br />

souffrant d’aucun trouble de résoudre des<br />

anagrammes en un temps limité : 29 étaient<br />

simples, 15 difficiles et 16 insolubles, c’est-àdire<br />

qu’il était impossible de trouver un mot<br />

allemand avec <strong>la</strong> proposition de lettres – ce<br />

que les participants ignoraient. Les patients<br />

dépressifs ont résolu aussi bien les anagrammes<br />

faisables que les personnes non<br />

dépressives, mais ont passé beaucoup moins<br />

de temps sur les combinaisons impossibles.<br />

C’est <strong>la</strong> preuve que les personnes dépressives<br />

« lâchent prise » plus facilement, abandonnent,<br />

se « désengagent », pour passer à<br />

autre chose.<br />

Bien sûr, résoudre un anagramme n’a<br />

rien à voir avec les difficultés de <strong>la</strong> vie ou<br />

les objectifs que nous nous fixons. Mais<br />

pour Koppe et Rothermund, ce<strong>la</strong> permettrait<br />

d’améliorer un peu notre idée de <strong>la</strong><br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

41


L’adolescent dépressif<br />

MARIE CHOQUET<br />

© Kamina / Shutterstock.com


Environ un jeune sur quatre pense au suicide.<br />

Mais tous ne sont pas déprimés au sens clinique<br />

du terme : <strong>la</strong> prise de risques, l’opposition et le retrait<br />

sont des processus de maturation « normaux ».<br />

La <strong>dépression</strong> est un trouble<br />

fréquent à l’adolescence. En 1995, nous<br />

avons montré que près de huit pour<br />

cent des garçons et 23 pour cent des<br />

filles de moins de 18 ans se déc<strong>la</strong>rent<br />

assez souvent ou très souvent déprimés.<br />

En revanche, ce que l’on nomme l’« épisode<br />

dépressif majeur », <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> profonde,<br />

qui représente un danger pour <strong>la</strong> vie de<br />

l’individu, concerne selon les études de<br />

trois à sept pour cent des individus âgés de<br />

12 à 23 ans.<br />

En réalité, seuls 26 pour cent des jeunes<br />

de 16 à 18 ans semblent sans problème<br />

apparent, se sentent plutôt bien dans leur<br />

peau, ont une opinion positive de leurs<br />

parents, sont satisfaits de leur vie familiale,<br />

aiment se divertir sans excès. À l’autre extrémité,<br />

dix pour cent des adolescents de 16 à<br />

18 ans cumulent au moins quatre troubles<br />

recensés par diverses enquêtes de l’Inserm :<br />

céphalées, troubles du sommeil, vie familiale<br />

ressentie comme pénible avec des<br />

parents jugés envahissants, indifférents ou<br />

peu compréhensifs.<br />

Ces jeunes sont sujets aux excès (ils ont<br />

des comportements à risques) et souffrent<br />

d’un sentiment de tristesse et de mal-être.<br />

C’est souvent parmi ces derniers que l’on<br />

trouve les cas de <strong>dépression</strong>. Les 64 pour<br />

cent d’adolescents qui restent font partie<br />

d’une catégorie intermédiaire qui aura<br />

connu, entre 16 et 18 ans, un à trois troubles<br />

de <strong>la</strong> liste précédente. Si des difficultés<br />

familiales, sco<strong>la</strong>ires ou sentimentales surviennent,<br />

elles peuvent faire basculer le<br />

jeune dans <strong>la</strong> catégorie des « adolescents à<br />

problèmes multiples ».<br />

Certes, les outils d’évaluation (entretiens<br />

standardisés, échelles remplies à partir<br />

d’un entretien ou par le sujet lui-même),<br />

ainsi que les systèmes de c<strong>la</strong>ssifications<br />

sont divers, ce qui explique <strong>la</strong> variation<br />

dans les prévalences observées. Rappelons<br />

que <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification française tient compte<br />

de l’âge et du contexte psychopathologique,<br />

alors que les c<strong>la</strong>ssifications internationales,<br />

de l’Organisation mondiale de<br />

<strong>la</strong> santé ou de l’Association américaine de<br />

psychiatrie, tiennent surtout compte des<br />

symptômes. Mais les cliniciens s’accordent<br />

sur le fait qu’un jeune qui se dévalorise,<br />

perd son estime de soi, exprime des sentiments<br />

de culpabilité, de honte et de désespoir<br />

(surtout si ces sentiments se répètent<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

46


La kétamine, un remède miracle<br />

pour les enfants suicidaires ?<br />

JACK TURBAN<br />

Shutterstock.com/LeviQ


Les premières recherches sur l’usage thérapeutique<br />

de <strong>la</strong> kétamine montrent des bénéfices rapides<br />

et spectacu<strong>la</strong>ires pour certaines personnes vulnérables.<br />

À l’âge de 14 ans, Nicole vou<strong>la</strong>it<br />

mettre fin à ses jours. Elle le répétait quotidiennement<br />

à sa mère, et ce<strong>la</strong> dura des<br />

années. Entre deux tentatives de suicide, <strong>la</strong><br />

jeune fille enchaînait tellement de visites<br />

en hôpital psychiatrique qu’elle ou sa mère<br />

ne peuvent même plus les compter. Nicole<br />

refusait d’aller au lit, de prendre sa douche<br />

ou d’aller à l’école. Une année, elle a raté<br />

60 jours de cours. Lors d’une visite chez<br />

son thérapeute, elle a avoué prier chaque<br />

soir pour ne pas se réveiller le lendemain<br />

matin. Après qu’un nombre incalcu<strong>la</strong>ble<br />

de psychiatres et de psychothérapeutes<br />

eurent échoué à <strong>la</strong> sortir de sa <strong>dépression</strong>,<br />

sa mère transforma <strong>la</strong> salle de bain en un<br />

coffre-fort, qui contenait tous les objets<br />

pointus et les médicaments de <strong>la</strong> maison.<br />

Ses parents étaient certains que ce n’était<br />

plus qu’une question de temps avant que<br />

Nicole se tue.<br />

Aujourd’hui âgée de 17 ans, Nicole me<br />

salue avec un grand sourire. Ses longs cheveux<br />

attachés révèlent ses yeux d’un bleu<br />

vif. Elle m’assure ne plus rater aucun jour<br />

d’école et se prépare pour l’université. Non<br />

sans une certaine gène, elle me raconte<br />

que son premier rendez-vous amoureux<br />

approche à grands pas, un rendez-vous<br />

pour son bal de promo. <strong>Pour</strong> <strong>la</strong> première<br />

fois depuis des années, elle est heureuse et<br />

veut vivre.<br />

Comment en sommes-nous arrivés<br />

à ce changement radical ? En décembre,<br />

Nicole a commencé des injections d’une<br />

drogue psychédélique, <strong>la</strong> kétamine. Alors<br />

que tous les traitements pour combattre<br />

sa <strong>dépression</strong> avaient échoué jusque-là<br />

(inhibiteurs sélectifs de <strong>la</strong> recapture de <strong>la</strong><br />

sérotonine, mirtazapine, topiramate, antipsychotiques<br />

et lithium pour n’en citer<br />

que quelques-uns), <strong>la</strong> kétamine effaça sa<br />

<strong>dépression</strong> en quelques heures. Les effets<br />

ont duré pendant deux semaines avant<br />

qu’elle ait besoin d’une nouvelle injection.<br />

La kétamine est une drogue aux multiples<br />

facettes. <strong>Pour</strong> les anesthésistes, c’est<br />

un sédatif pour les interventions douloureuses.<br />

<strong>Pour</strong> les fêtards, c’est un moyen<br />

cool d’avoir des hallucinations et d’éprouver<br />

une expérience de sortie du corps. <strong>Pour</strong><br />

ses détracteurs, il s’agit d’une drogue dangereuse<br />

et addictive qui peut causer des<br />

problèmes de mémoire, des ma<strong>la</strong>dies de <strong>la</strong><br />

vessie et des psychoses lorsqu’on en abuse.<br />

<strong>Thema</strong> / L’Univers avant le Big-Bang<br />

53


Les génies sont-ils<br />

de grands dépressifs ?<br />

BERNARD GRANGER<br />

©Shutterstock.com/neftali


C’est une idée reçue : <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> n’est ni nécessaire,<br />

ni suffisante pour transformer un quidam en génie,<br />

même si les variations de l’humeur favorisent <strong>la</strong> créativité.<br />

« <strong>Pour</strong>quoi tous les<br />

hommes qui furent exceptionnels en philosophie,<br />

en politique, en poésie ou dans<br />

les arts étaient-ils manifestement mé<strong>la</strong>ncoliques,<br />

et quelques-uns au point d’être<br />

pris des accès causés par <strong>la</strong> bile noire,<br />

comme il est dit d’Héraclès dans les mythes<br />

héroïques ? » Cette interrogation attribuée<br />

à Aristote hante l’histoire de <strong>la</strong> pensée et de<br />

l’art occidental. La remarquable exposition<br />

organisée par Jean C<strong>la</strong>ir, à Paris, en 2005, ne<br />

s’intitu<strong>la</strong>it-elle pas « Mé<strong>la</strong>ncolie : génie et<br />

folie en Occident » ?<br />

Cette idée d’une parenté étroite entre<br />

génie ou dons exceptionnels et folie, et plus<br />

précisément mé<strong>la</strong>ncolie ou <strong>dépression</strong>,<br />

résiste-t-elle à l’examen ? <strong>Pour</strong> répondre à<br />

cette question, encore faut-il s’entendre sur<br />

les mots et, notamment, sur ceux de mé<strong>la</strong>ncolie<br />

et de <strong>dépression</strong>, qui ne sont pas synonymes,<br />

et dont <strong>la</strong> signification a varié au fil<br />

du temps, surtout pour le premier.<br />

Mé<strong>la</strong>ncolie signifie étymologiquement<br />

humeur noire, et ce terme doit être<br />

rep<strong>la</strong>cé dans les théories médicales humorales,<br />

nées dans l’Antiquité et qui durent<br />

toujours, sous d’autres formes. Les pseudosavants<br />

ne disent-ils pas aujourd’hui<br />

que <strong>la</strong> <strong>dépression</strong> est due à un manque<br />

de sérotonine, les neuromédiateurs ayant<br />

pris <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce des traditionnelles humeurs ?<br />

Ces dernières sont au nombre de quatre :<br />

le sang, <strong>la</strong> lymphe, <strong>la</strong> bile jaune, <strong>la</strong> bile<br />

noire. À chacune d’elles est attaché un élément,<br />

respectivement l’air, l’eau, le feu et <strong>la</strong><br />

terre, et un tempérament, le tempérament<br />

sanguin, lymphatique, bilieux et mé<strong>la</strong>ncolique,<br />

termes toujours en usage dans le<br />

<strong>la</strong>ngage courant.<br />

De <strong>la</strong> mé<strong>la</strong>ncolie à <strong>la</strong> <strong>dépression</strong><br />

La bile noire est une humeur putative,<br />

par opposition aux trois autres, directement<br />

visibles. On <strong>la</strong> suppose sécrétée<br />

par <strong>la</strong> rate (d’où le spleen cher aux poètes<br />

du XIX e siècle, Baude<strong>la</strong>ire en particulier).<br />

En cas d’excès marqué, <strong>la</strong> bile noire provoque<br />

un accès mé<strong>la</strong>ncolique, qui était<br />

défini ainsi, il y a presque 2500 ans, dans<br />

les Aphorismes d’Hippocrate : « Si crainte et<br />

tristesse durent longtemps, un tel état est<br />

mé<strong>la</strong>ncolique », soit à peu de choses près<br />

<strong>la</strong> définition actuelle de <strong>la</strong> <strong>dépression</strong>,<br />

avec un critère de durée, et une description<br />

de l’état psychologique caractérisé<br />

par l’angoisse et <strong>la</strong> tristesse. L’adjectif<br />

mé<strong>la</strong>ncolique peut donc à <strong>la</strong> fois qualifier<br />

<strong>Thema</strong> / La <strong>dépression</strong><br />

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