concourS d'idéeS « cLoS deS FrèS » à grimentZ - Commune d ...
concourS d'idéeS « cLoS deS FrèS » à grimentZ - Commune d ...
concourS d'idéeS « cLoS deS FrèS » à grimentZ - Commune d ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
ces montagnards sur le <strong>«</strong> droit chemin <strong>»</strong>.<br />
En dépit de toutes ces hypothèses sur<br />
l’origine des habitants du Val d’Anniviers,<br />
il est possible d’élaborer une<br />
ébauche de théorie sur l’ethnogenèse<br />
de cette vallée, et ceci malgré l’absence<br />
de traces écrites.<br />
Le Val d’Anniviers a hérité d’un trésor<br />
que la nature a su préserver durant<br />
3500 ans et peut-être plus, qui peut,<br />
si on l’interroge, nous raconter une<br />
histoire disparue depuis longtemps. Ce<br />
trésor, se sont la vingtaine de pierres<br />
<strong>à</strong> cupules ou écuelles que les premiers<br />
habitants de la vallée nous ont léguées<br />
et qui sont un témoignage datant probablement<br />
de la fin de l’ère du Néolithique<br />
et du début de l’Âge de Bronze.<br />
Il est possible de construire une histoire<br />
hypothétique sur l’origine des<br />
Anniviards. Pour cela, il faut ajouter<br />
<strong>à</strong> ce trésor les légendes se rapportant<br />
aux pierres, le nom des lieux, le nouvel<br />
essor de l’archéologie valaisanne<br />
qui depuis 50 ans a perfectionné ses<br />
méthodes d’investigations sur la préhistoire<br />
de nos vallées alpestres, les<br />
traditions préservées par la mémoire<br />
collective, mais également les rites<br />
qui seront plus tard remplacés lors<br />
de la christianisation par des cultes<br />
dédiés aux saints. Il faut préciser que<br />
ces êtres primitifs n’adoraient pas des<br />
divinités, mais que leurs rites étaient<br />
dédiés aux montagnes, aux sources,<br />
aux arbres, <strong>à</strong> la Terre-Mère, au soleil<br />
et <strong>à</strong> la lune qui étaient une <strong>«</strong> Bible<br />
naturelle <strong>»</strong>, un mode d’enseignement,<br />
d’initiation <strong>à</strong> la vie de tous les jours<br />
et <strong>à</strong> la survie face <strong>à</strong> la mort inévitable.<br />
Ces pierres <strong>à</strong> cupules sont en quelque<br />
sorte le premier média que nous ont<br />
transmis les premiers habitants du Val<br />
d’Anniviers.<br />
Les pierres <strong>à</strong> cupules ne sont pas une<br />
spécificité du Val d’Anniviers. On les<br />
trouve dans beaucoup de vallées de<br />
l’arc alpin, en France, en Allemagne, en<br />
Italie du Nord, dans les pays nordiques,<br />
en Afrique du Nord, en Palestine et sur<br />
le continent asiatique.<br />
Lors d’un voyage en octobre 2010, je<br />
me trouvais en Inde du Nord, au pied<br />
de la chaîne himalayenne, dans la val-<br />
lée de Kulu Manali ; je fus stupéfait de<br />
découvrir dans des villages de montagne<br />
des pierres <strong>à</strong> cupules identiques<br />
<strong>à</strong> celles que j’avais étudiées en Anniviers.<br />
Constituée d’un petit trou de forme circulaire<br />
ou ovale, creusée dans la roche<br />
d’un diamètre de 3 <strong>à</strong> 20 cm et de 2 <strong>à</strong><br />
5 cm de profondeur, la cupule est l’un<br />
des motifs les plus représentés dans<br />
l’art pariétal. Dans la grande majorité,<br />
ces petites coupelles se trouvent sur<br />
des blocs erratiques qui ont été choisis<br />
pour leur poli naturel ou glaciaire de<br />
leurs surfaces. Les cupules sont souvent<br />
associées <strong>à</strong> d’autres signes non<br />
explicables qui, dans le Val d’Anniviers,<br />
sont représentés sur plusieurs de ces<br />
pierres mystérieuses.<br />
Il y a les pierres <strong>à</strong> écuelles isolées,<br />
c’est-<strong>à</strong>-dire des rochers composés<br />
uniquement de cupules ; comme les<br />
pierres du Pichiou, du Rawuyres, de Pra<br />
Ferwen <strong>à</strong> Ayer, du Pralic <strong>à</strong> St Luc, du<br />
Scex de Roua <strong>à</strong> Grimentz. Il y a celles<br />
qui possèdent des cupules isolées et<br />
des cupules reliées par des rigoles,<br />
comme la <strong>«</strong> Pierre des Sauvages <strong>»</strong> <strong>à</strong> St<br />
Luc, du Boccard <strong>à</strong> Grimentz, du Dewen<br />
du Sché <strong>à</strong> Ayer. Il y a aussi des rochers<br />
avec des cupules et des empreintes<br />
pédiformes, comme la remarquable<br />
pierre du Boccard <strong>à</strong> Grimentz, le pied<br />
unique de la pierre du Gillioux <strong>à</strong> St<br />
Luc et une autre qui se trouvait près<br />
de la <strong>«</strong> Pierre des Sauvages <strong>»</strong> qui possédait<br />
3 pieds et qui a disparu. Des<br />
cupules ovales sont aussi gravées sur<br />
des rochers comme celles des pierres<br />
de Côta de Maya <strong>à</strong> Zinal et du Scex<br />
de Roua <strong>à</strong> Grimentz. La dalle du Séj<strong>à</strong><br />
<strong>à</strong> Cuimey est une stèle unique découverte<br />
dans le Val d’Anniviers avec des<br />
cupules et les gravures d’une croix,<br />
d’un orant et d’une hache. Une autre<br />
pierre, découverte non loin de Mission,<br />
et qui devait faire partie d’une<br />
stèle, nous montre un cercle avec une<br />
croix <strong>à</strong> l’intérieur dont les extrémités<br />
sont différentes. Une dizaine d’autres<br />
pierres <strong>à</strong> écuelles ont malheureusement<br />
disparu. Nous en avons connaissance<br />
grâce aux recherches débutées<br />
au XIX e siècle par Reber, Kraft, Spahni<br />
35<br />
et les curés Mariétan et Erasme Zufferey<br />
qui les ont répertoriées.<br />
De tous temps la tradition populaire<br />
attribue <strong>à</strong> ces pierres portant des<br />
cupules ou des gravures des origines<br />
maléfiques où l’on exerçait des sacrifices<br />
humains, répandant le sang de la<br />
victime dans le creux de ces rochers.<br />
L’Eglise n’est pas étrangère <strong>à</strong> cette<br />
excitation de l’imagination étant<br />
donné l’enracinement des cultes indigènes<br />
dans le sol et l’âme des habitants<br />
des Alpes. Les populations de<br />
nos vallées mirent beaucoup plus de<br />
temps <strong>à</strong> se christianiser que les populations<br />
citadines. L’Eglise dut employer<br />
les grands moyens en supprimant ou<br />
en diabolisant certains lieux de cultes<br />
afin de convertir ces peuples montagnards<br />
et d’éradiquer les croyances<br />
païennes. Pour nous en convaincre,<br />
il suffit de prendre des extraits du<br />
sermon de saint Eloi contre le paganisme<br />
: <strong>«</strong> …que nul <strong>à</strong> la St Jean, aux<br />
autres fêtes de saints, aux solstices,<br />
ne pratique les danses, les sauteries et<br />
les chants diaboliques… Que nul n’allume<br />
des flambeaux, ni ne fasse des<br />
vœux aux pieds temples, auprès des<br />
pierres, des fontaines, des arbres, des<br />
enclos ou dans les carrefours… que nul<br />
n’invoque le soleil et la lune comme<br />
des dieux et ne jure par eux, car ce<br />
sont des créatures de Dieu… Ne rendez<br />
de culte qu’<strong>à</strong> Dieu et aux saints ;<br />
laissez l<strong>à</strong> les fontaines et coupez les<br />
arbres qu’on appelle sacrés… <strong>»</strong> L’Eglise<br />
dut pendant des siècles, composer<br />
avec les anciennes croyances, et les<br />
assimiler, faute de pouvoir les détruire<br />
complètement.<br />
Il est important de spécifier qu’une<br />
grande partie des sites mégalithiques<br />
du Val d’Anniviers n’étaient<br />
pas des lieux de cultes où les anciens<br />
se livraient <strong>à</strong> leurs croyances dites<br />
<strong>«</strong> païennes <strong>»</strong>. Pour la majorité de ces<br />
pierres <strong>à</strong> cupules d’autres fonctions<br />
leur étaient attribuées, fonctions que<br />
nous découvrirons dans les prochains<br />
numéros des <strong>«</strong> 4 saisons <strong>»</strong>.<br />
(À suivre : LA GENESE ANNIVIARDE )<br />
Jean-Louis cLaude<br />
Zinal