JOURNAL ASMAC No 5 - octobre 2018

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POINT DE MIRE ÉNERGIE Quand les médecins sont dépassés Ils vous mettent les nerfs en boule, vous exaspèrent, vous font perdre patience et déclenchent un cercle vicieux qui ne cesse d’engloutir de l’énergie. Heureusement, les patients difficiles sont rares, mais ils peuvent parfois provoquer de véritables crises chez les médecins. Qu’est-ce qui caractérise donc un patient difficile et comment faut-il réagir? Gerhard Dammann, directeur médical, Services psychiatriques de Thurgovie Pour beaucoup de collègues, le choix des études de médecine n’a pas seulement été motivé par leur intérêt pour le corps humain, la genèse des maladies et leur traitement, mais parce que la profession de médecin permet et nécessite une relation interpersonnelle intense entre médecin, patient et proches. Jusqu’à récemment, un médecin était en premier lieu jaugé sur la base de ses qualifications. S’il était en plus un bon communicant voire même capable de mener des entretiens thérapeutiques, ces qualifications étaient les bienvenues. Aujourd’hui, on constate un changement dans ce domaine. Il existe même des études qui montrent que les étudiants en médecine forts en communication ont plus de succès dans la pratique, une vision qui s’est répercutée sur le développement de l’apprentissage par problème (APP) selon le modèle de Harvard. Il est intéressant de constater que la plupart des patientes et patients, à travers tous les groupes d’âge, sont généralement étonnamment faciles d’accès, le plus souvent aimables, intéressés et patients, malgré leurs maux, douleurs, entraves ou craintes. Même les patients psychiatriques, qui ne sont pas en premier lieu sujet de cet article, sont, contrairement à leur réputation, certes dans une situation psychique difficile, mais pas pour autant des «patients difficiles». Au contraire, ils sont souvent reconnaissants d’être abordés avec patience, respect et sans formalisme. Les difficultés avec certains patients (presque comme celles que l’on rencontre avec certains supérieurs hiérarchiques) constituent un problème considérable. Elles sont souvent vécues comme plus radicales ou déstabilisantes que la contrainte purement physique ou intellectuelle de travail que vivent les médecins en salle d’opération, dans un cabinet de premier recours, un service de médecine ambulatoire ou aux soins intensifs. En tant que médecins, nous sommes en principe disposés à investir beaucoup de temps et d’énergie dans notre travail. En contrepartie, nous attendons cependant (consciemment ou inconsciemment) une forme de «récompense» qui peut se manifester par une reconnaissance sociale, certaines libertés créatives ou un très bon salaire, mais aussi par la reconnaissance dans son environnement de travail. En l’absence de cette reconnaissance, les personnes, en particulier actives dans les professions psychosociales, sont susceptibles de tomber dans une crise. Désagréable et peu apprécié Quels sont donc les facteurs qui font que nous considérons des patients comme pénibles voire même éprouvants? D’une manière générale, il n’existe pas de «patient difficile», mais toute une série de constellations délicates, le plus souvent déclenchées par certains comportements du patient (ou de ses proches) et qui provoquent chez le médecin traitant certaines réactions de contre-transfert (résonance). Différentes études empiriques ont montré que les médecins et le personnel soignant étaient tout à fait capables de distinguer les patients «agréables» et «désagréables» ou «appréciés» et «peu appréciés». Le «patient difficile» est le cas extrême du patient désagréable et peu apprécié que nous rencontrons bien plus souvent. On pourrait appeler son contraire le «patient idéal». Les facteurs objectifs récurrents (sexe, âge, pathologie, caractéristiques psychopathologiques) qui feraient ici la différence sont étonnamment absents. Les caractéristiques suivantes sont parfois citées: • le patient malade chronique (contrairement au patient atteint d’une maladie aiguë) (expériences négatives, le patient devient lui-même un expert «asthmatique diplômé», etc.), • les patients psychosomatiques (pas de diagnostic clair), • les patients exigeants (enseignants, etc.), • les patients souffrant de maladies de l’addiction, • les patients âgés (aimant l’autorité, parfois compliqués, etc.), • les patients du propre sexe sont plus souvent rejetés (enquête auprès du personnel soignant) La tentative de classifier des «patients difficiles» a été établie par James Groves dans les années 80: 1. les dépendants (dependent clingers) (soif de présence; «gros parleur»; montrer les limites de la disponibilité; dynamique: peur de l’abandon ou de la séparation), 2. les demandeurs (entitled demanders) (ont l’impression de ne pas être traités de façon optimale, parfois menaces; dynamique: cache souvent une mauvaise estime de soi, problématique narcissique), 3. les patients manipulateurs qui refusent l’aide (lient le médecin avec sans cesse de nouveaux symptômes et le rejettent en même temps, vu qu’aucun traitement n’est efficace; dynamique: problématique de lien passive-agressive), 4. les patients autodestructeurs pratiquant le déni (dynamique: répétition d’expériences de vie souvent traumatisantes). Pour ce qui est des médecins, ils citent les aspects suivants qui rendent la gestion des patients difficile: • capacité de gérer une situation les dépassant (impatience, etc.), • image de soi/identité du médecin («médecin ne s’intéressant qu’aux organes»), • style autoritaire («Je sais ce qui est bon pour lui. Il doit accepter de l’aide.»), • compréhension pour les problèmes psychiques (distingue-t-on des parts sur soi-même?, expérience professionnelle en psychiatrie/psychothérapie), 34 VSAO JOURNAL ASMAC N° 5 Octobre 2018
POINT DE MIRE ÉNERGIE • situation personnelle (crises narcissiques, qui nous fragilisent). Ce sont ensuite les comportements suivants qui peuvent rendre le patient «éprouvant»: • langage agressif, • pose trop de questions, • crise de colère au cabinet (accuse le médecin d’être incapable, de ne pas vouloir lui venir en aide), • mises en scène théâtrales (expression des sentiments exagérée), • grande méfiance ou patient fragile, • demande d’aide fréquente (appelle la nuit parce qu’il n’arrive pas à dormir), • non-respect de règles (p. ex. attendre) dans le cabinet ou faible observance (refuse les examens, refus de collaborer), • besoin permanent de reconnaissance, • comportement conflictuel (veut imposer son point de vue, menaces de type juridique) ou personnes hypercritiques, • jérémiades (plaintes et exagérations démonstratives de la douleur), • consultation d’autres médecins sans assignation ou ingratitude, • difficultés linguistiques considérables, • silence persistant, ou désintérêt, indolent, • «pot de colle», • menaces ou tentatives de suicide ou comportement autodestructeur, • comportement «hypocondriaque» (plaintes permanentes d’être malade), • mise sous pression du médecin (par exemple pour obtenir un congé maladie), • manque de distance, voire comportement sexualisant. Cela engendre alors des réactions de contre-transfert de différentes ampleurs: • frustration, colère du médecin, • comportement d’évitement vis-à-vis du patient (p. ex. lorsqu’il contacte le médecin par téléphone), • incertitude jusqu’à un sentiment d’impuissance, • sentiments d’insuffisance et honte, • contre-agression, • activité (p. ex. diagnostique) accrue (qui n’apporte cependant souvent pas de solution), • finalement renoncement et résignation. Le médecin traitant peut atteindre les limites de ses capacités, de ses techniques, de son savoir et souvent aussi de sa patience, de sa compassion et de son intégrité. Il devient alors, suivant les circonstances, injuste et incapable d’aider. Les conséquences pour la relation médecin-patient peuvent être les suivantes (parfois sous forme de cercle vicieux): • résistance de la part du patient, • stress pour le médecin, • perte d’efficacité (temps, coûts, thérapies et examens diagnostiques frustrants), Calculez votre prime en ligne et recevez jusqu‘à 30 % de remise! MÉDECIN-ASSISTANT OU CHEF DE CLINIQUE Dans tous les cas, nous vous apportons plus. Grâce au partenariat conclu entre MEDISERVICE VSAO-ASMAC et SWICA ainsi qu’au système de bonus BENEVITA, vous bénéficiez non seulement d’une grande sécurité financière, mais également d’une qualité de service hors pair et d’avantages collectifs attrayants. Contactez-nous pour WEIL examiner GESUNDHEIT votre couverture d’assurance. Téléphone 0800 80 90 80 oder swica.ch/fr/mediservice ALLES IST N° 5 Octobre 2018 VSAO JOURNAL ASMAC 35
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