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Facebook le fait très bien. L’imagination est dans l’amour quel que
soit l’époque, mais ce que Facebook permet de faire c’est de décupler
ce rapport imaginaire parce que on peut s’inventer notre vie. Au fond
je crois que Facebook fait de nous tous des romanciers en puissance.
De main vous créez une page et vous créez une identité, vous
changez de vie, d'âge, de métier etcetera. Et si vous commencez à
discuter avec quelqu’un, vous écrivez le roman de votre vie. Dans la
fictionnalisation du virtuel tout est possible, que je trouve à la fois
intéressante et dangereuse. C’est un exemple dans ce roman mais je
pense que ça va en aller, en s’aggravant si on en prend conscience et
je crois que le roman est aussi une façon d’alerter sur des questions
qu’on ne voit pas forcément parce qu’on vit dedans. Je pense à ce que
j’ai lu récemment : une histoire d’un jeune couple japonais qui était
addictif à l’internet en manière général et qui avait un bébé. Ce
couple avait oublié de nourrir leur bébé à cause de leur addiction à
l’internet. Résultat : le bébé est mort. Je me dis que c’est quelque
chose d'effroyable. Ils vivaient dans un autre monde, une autre
dimension, l’imagination ou bien le virtuel. La réalité, pour eux,
n’existe plus. C’est un petit peu ce qui arrive à mon personnage car
au début on lui trouve dans un hôpital psychiatrique et on comprend
d’emblée qu’il lui est arrivé quelque chose malheureuse et qu’elle est
dans une forme de délire, de détresse profonde.
L’autre thème qui m’est cher, dans tous mes romans, c’est
la question de l’écriture. La question de « qu’est-ce que c’est
d’écrire ». Dans tous mes romans, ou bien il y a un personnage
d’écrivain ou bien il y a des dispositifs et des effets de miroirs qui me
permettent de réfléchir à ma propre pratique. Je suis écrivaine, qu’estce
que ça signifie, qu’est-ce que je peux en dire, qu’est-ce que c’est
pour moi, pour les autres. C’est pour ça qu’il apparaît d’autres
personnages. Il y a Claire Millecam — j’ai choisi d’ailleurs le nom
parce que le personnage n’est pas clair du tout, c’est par antiphrase
— dans cet hôpital psychiatrique, et elle suit un atelier d’écriture, et
d’ailleurs le roman montre les pages du roman qu’elle écrit sur sa
propre histoire. Cet atelier est dirigé par un écrivain qui s’appelle
Camille. Elle raconte donc à son éditeur (ça fait partie des pistes que
je rappelais tout à l’heure, il fallait que je trouve des moyens de
raconter l’histoire sous des différents angles) sa version de l’histoire
en rapport avec sa propre expérience amoureuse. Donc elle est
amenée à parler aussi de ce qu’est l’écriture pour elle. Voilà ce
8 | DUMAS de DEMAIN