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glacial, terrible, mais personne n’était là pour te sauver des étreintes<br />

de ce géant brut qui ne voulait pas desserrer son poing de tes<br />

cheveux, comme s’il savait que tu t’aurais sauvée et aurais pleuré<br />

dans les bras de la société, qui aurait inévitablement été contre lui,<br />

que tu t’aurais vengée , que tu l’aurais détruit. Il te tenait avec toute<br />

sa force, lorsque dans ton esprit il se posait mille et une questions.<br />

Et, depuis, tu es éteinte : l’étoile brillante que tu étais<br />

auparavant est morte, détruite par la sensation sale qui persistait là où<br />

il t’avait touchée, là où il avait laissé les traces de sa virilité, de son<br />

hybris et de son désir. Oneida, le désir même, a été détruite par le<br />

désir d’un autre. De toute façon, que pouvait-on faire ? Tu t’es tuée ;<br />

tu as abandonné ton amour propre et ton féminisme dans son lit ; tu<br />

as considéré que les gens auraient prétendu que tu le méritais, que tes<br />

décolletés provocants et petits hauts moitié moins long que ceux du<br />

reste de la Sorbonne, et tes dos nus, tes jupes ras-la-touffe, tes regards<br />

de charbon trop maquillés, ton corps, tes sourires enjôleurs, et tes<br />

postures attirantes, avaient demandé à ce que cela t’arrive, avaient<br />

causé la fin de ton innocence et de ta pureté divine. Tu n’avais pas<br />

tort, les gens t’auraient sûrement imposé le blâme, le monde parisien<br />

t’aurait sûrement rejetée et ton père évangéliste t’aurait regardée de<br />

travers. Ce que tu ne savais pas, c’était qu’Antoine a recommencé,<br />

que tu n’étais pas la première et sûrement pas la dernière et que<br />

quand on est comme ça à vingt-cinq ans, les cieux nous ont imposé<br />

un fardeau considérablement difficile à abandonner. Tu n’as pas parlé<br />

à ma frangine, qui t’aurait poussée à être Oneida, à te battre contre le<br />

monde ; qui t’aurait tenue dans ses bras jusqu’à ce que le souvenir de<br />

l’autre soit remplacé par la sensation immédiate de sa peau contre la<br />

tienne ; qui t’aurait cuisiné tous tes plats préférés, t’aurait fait boire,<br />

puis fumer, puis rire si c’était ce dont tu avais besoin. Elle aurait pu te<br />

guérir. Tu ne l’as pas laissée. Tu es partie. Tu as abandonné et laissé<br />

derrière toi tout ce qu’elle représentait.<br />

Tu aurais dû voir son joli visage se décomposer devant la<br />

lettre que tu as laissée chez moi à son intention. Je ne lui ai pas<br />

montré la mienne. Si c’est ce que tu souhaites, elle ne saura jamais la<br />

vérité. Si c’est ce que tu veux, je continuerai à mentir, à prétendre que<br />

tu es partie reprendre ta vie d’avant—d’avant Margaux. Jamais elle<br />

ne saura que tu es partie à la recherche du bout du monde et—qui<br />

sait—d’une amoureuse, bien que très plate face à ma petite sœur, qui<br />

64 | DUMAS de DEMAIN

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