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méprisant et sordide. Elle ne dit rien, peut-être par amour, ou par<br />

habitude, ou encore par inquiétude pour l’expression mélancolique<br />

que tu ne l’as pas quittée pas depuis le début de la matinée.<br />

Elle ne savait pas, et elle ne saurait jamais, que sur les toits,<br />

après avoir abandonné tes deux admirateurs, tu avais rencontré<br />

Antoine—vingt-cinq ans, étudiant de droit—que tu avais éprouvé le<br />

besoin de t’abandonner dans ses yeux bleus couleur de pluie, que tu<br />

avais discuté et taquiné pendant des heures avec lui, qu’il avait passé<br />

sa veste en cuir noire autour de tes épaules, qu’il avait tenu ta main,<br />

puis ton épaule, puis ta taille, puis qu’il t’avait entraînée dans une<br />

petite chambre de l’appartement en dessous de la soirée, en te<br />

promettant la lune à coup de paroles douces susurrées à l’oreille, et<br />

que, toute émoustillée par son regard et la fossette qui se creusait<br />

dans son visage lorsqu’il te regardait, tu l’avais suivi. Ton ego était<br />

flatté par ses intentions et sa douce tendresse. Quand il t’eut allongée<br />

dans le grand lit aux draps de velours bleu nuit, tu n’eus pas protesté.<br />

Les bulles fines du champagne servi généreusement te montaient à la<br />

tête, tu t’ancrais à la réalité en tenant ses boucles noires de jais dans<br />

tes doigts fins, tu ne pensais qu’à lui et sa main fuyante sur ta taille.<br />

Elle ne savait pas non plus, pour le moment où tout a<br />

basculé, le moment même où il a commencé à déboutonner ton<br />

chemisier bleu ciel, à passer sa main le long de tes formes tout en<br />

embrassant langoureusement ton cou, l’instant précis où tu<br />

t’avais dis que, plus jamais, un homme ne te toucherait de sa grosse<br />

main grotesque, sans délicatesse ni douceur ni amour, plus jamais tu<br />

ne les laisserais te charmer et t’attirer jusque dans leur chambre, sans<br />

honnêteté ni sensibilité, guidés uniquement par le désir charnel que tu<br />

incarnes. Tu étais étrangement rassurée par cette réalisation, mais<br />

aussi soudainement dégoûtée par le poids de son corps sur le tien, par<br />

ses mains baladeuses et les yeux implorants qu’il posait sur toi. Tu<br />

avais chuchoté, « non… non, je ne veux pas », mais, emporté dans<br />

son élan ou son désir ou les facteurs biologiques qui déterminent<br />

l’impuissance des hommes face à leur propre affaiblissement, il ne<br />

t’avait pas entendu, ou alors il avait choisi de ne pas t’entendre, de ne<br />

pas t’écouter et d’ignorer tes faibles suppliques. Il avait continué,<br />

sans s’arrêter, jusqu’au bout du bout, jusqu’à ce qu’il fût écrasé par le<br />

poids de sa propre satisfaction et qu’il eût s’endormit à tes côtés,<br />

tenant dans sa main grossière une mèche de tes boucles rousses, bercé<br />

par l’odeur de jasmin qui en faisait rêver bien d’autres. C’était froid,<br />

Quatrième Édition | 63

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