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coincées dans une boîte dont il était difficile de sortir, s’assirent donc
à la table et commandèrent deux Heineken.
—Comment t’appelles-tu ?
—Margaux.
—T’es à la Sorbonne ?
Elle était insignifiante, elle-même le savait, mais ce n’était
pas nouveau. Elle s’inclinait, comme d’habitude, face au halo coloré
qui semblait t’accompagner partout où tu allais.
—Oui.
Et c’était tout. Ils avaient fait le tour de sa personne et de ce
qu’elle avait à dire rien qu’en regardant ses cheveux classiques,
longs, lisses et brossés à la perfection ; ses yeux marrons entourés de
rangées de longs cils ; et sa moue banale, dénuée de sourire et
d’émotion. Toi, tu charmais avec tes boucles de feu endiablées et tes
yeux en amande vert comme l’émeraude la plus pure du monde. Pour
une fois, Margaux n’était pas jalouse. Alors elle s’est inclinée dans
son siège et a observé avec amusement la scène de séduction qui se
déroulait devant elle, oubliant un instant l’amour inconditionnel pour
l’Amazone libérée que tu es.
C’est dans cet état de passivité douce qu’elle avait adopté
que vous l’avez quittée vers dix-huit heures pour aller à une soirée
sur les toits, très sympa tu verras. Elle était seule, face aux quatre
verres vides, la note et l’odeur fuyante d’Oneida sur la petite terrasse.
De toute façon les soirées sur les toits n’étaient pas pour elle— c’est
au moins ce qu’elle se répétait intérieurement, comme si ça changeait
quelque chose. Une petite voix qui habitait son cœur lui soufflait que
tu étais loin, perdue, qu’Oneida n’était plus Oneida, mais plutôt
l’Oneida d’un autre, que tu ne lui appartenais plus, au sens où tu lui
préférais à l’autre, malgré sa force brute dénuée de tact, parce qu’il
était né avec un chromosome court au lieu de deux longs et de la
testostérone et tout un tas d’autres critères qui semblent faire de
l’homme un être si attirant. Pour les femmes normales, en tout cas.
Margaux n’était qu’une petite gouine, on lui avait dit plusieurs fois,
et d’ailleurs ça ne la choquait plus. De toute façon le monde est
rempli d’ignorants, si tous les cons volaient on ne verrait plus le
soleil. Donc il faut se résigner et se ranger dans les rangs de ceux qui
rentrent dans la norme. Margaux ne souhaitait pas que tu réalises et
acceptes à ton tour ton attirance au beau sexe, parce que tu ne devrais
pas avoir à gérer les insultes et les « c’est comme ça » contemplatifs
Quatrième Édition | 61