Elements biographiques Version 2018 1589 pages
Un panorama biographique accompagné d'un ensemble de textes choisis par l’auteur lui-même. Un panorama biographique accompagné d'un ensemble de textes choisis par l’auteur lui-même.
Franck Lozac’h éléments biographiques Version 2018 1
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- Page 4 and 5: J’apprécie ces deux clichés qui
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- Page 8 and 9: Cette photo date de février 70. Je
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- Page 14 and 15: A la Fondation Miro, à Barcelone.
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- Page 22 and 23: Photo datant de décembre 96. Je me
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Franck Lozac’h<br />
éléments <strong>biographiques</strong><br />
<strong>Version</strong> <strong>2018</strong><br />
1
Cette photo m’a semblé<br />
amusante. On y voit un petit<br />
bonhomme qui marche à peine,<br />
mais qui semble costaud et<br />
solide. La balle dans la main<br />
gauche semble déterminer en<br />
prescience ce qui sera l’intérêt<br />
que je porterai plus tard pour<br />
Football, discipline que j’ai<br />
pratiqué durant de nombreuses<br />
années sur ma jeunesse et mon<br />
adolescence.<br />
2
J’ai décidé de sélectionner<br />
ces images pour la qualité<br />
esthétique du figurant qui n’est<br />
autre que mon père. … On<br />
apprécie la belle plastique de ce<br />
culturiste qui a fini, je crois,<br />
quatrième du championnat de<br />
France 55 ou 54 ou 56, je ne me<br />
souviens plus.<br />
Le Président de la<br />
Fédération lui avait demandé, dans<br />
une correspondance d’accepter de<br />
se présenter l’année suivante pour<br />
« réparer » en quelque sorte<br />
« l’oubli de la première » place le<br />
concernant. Les aléas de la vie<br />
l’ont empêché d’accomplir cette<br />
démarche.<br />
A cette époque, tout se<br />
construisait par le muscle sans<br />
apport énergétique ou alimentaire.<br />
L’on observe là un homme qui a<br />
souffert cruellement des privations<br />
de l’adolescence liées à la Seconde<br />
Guerre Mondiale. L’on peut<br />
apprécier la potentialité musculaire<br />
qu’il possèderait aujourd’hui.<br />
3
J’apprécie ces deux clichés<br />
qui doivent dater de 59. On y<br />
découvre un couple uni, en parfaite<br />
harmonie et heureux … de sa<br />
progéniture.<br />
4
Ma mère a accompli une<br />
activité lyrique au théâtre de<br />
Rennes durant une quinzaine<br />
d’années - de 54 – 55 jusqu’en 70.<br />
Elle y est rentrée avec sa<br />
compétence de pianiste, mais a dû<br />
bifurquer et devenir artiste pour<br />
opéras et opérettes. Cette activité<br />
lui convenait totalement, et elle<br />
prétend que ces plus belles années<br />
datent de cette période. La photo<br />
doit dater de 66.<br />
5
Photo prise par ma mère –<br />
j’étais âgé de quatre ou cinq ans.<br />
La pose a dû lui sembler<br />
suffisamment curieuse pour<br />
justifier une tentative de photo.<br />
L’image a été réalisée dans le<br />
jardin de la maison du Pré-Bénaïs<br />
à Montauban.<br />
6
Photo datant de 67, je<br />
suppose ; réalisée à l’établissement<br />
scolaire de Maurepas Nord-Est à<br />
Rennes. J’étais alors en classe de<br />
9 e , si mon souvenir est exact.<br />
7
Cette photo date de février<br />
70. Je devais être en 6 e , je crois. Je<br />
patientais dans la gare de<br />
Montauban, attendant le train qui<br />
devait nous ramener ma mère et<br />
moi en Bretagne. Ceci explique le<br />
pardessus et le gros pull-over.<br />
8
Jeune, je pratiquais le football. J’ai joué essentiellement dans deux clubs, l’un Aux Cadets de Bretagne et<br />
l’autre et au FC Lorient. J’occupais le poste du numéro 9. J’étais buteur mais je savais passer également.<br />
9
Ma mère était artiste lyrique à L’Opéra de Rennes quand mon père était cadre chez BSN (Actuellement<br />
Dan<br />
one) Elle faisait beaucoup de mannequinat. Il s’agit ici d’une série de photos d’intérieur.<br />
10
Voici deux photos de mes grand-mères, qui ont été d’une importance capitale pour me permettre<br />
d’être ce que je suis. Je crois qu’à tout jamais, je leur<br />
devrais des remerciements. Avec l’affection que l’on peut<br />
porter aux membres de sa famille.<br />
11
Cette photo date de mars<br />
89. Elle a été effectuée par un<br />
photographe professionnel. Il a su<br />
saisir un instant, et surtout placer<br />
la bonne lumière dans les cheveux.<br />
12
Photo classique - qui a<br />
servi de support pour illustrer mes<br />
cédéroms premières générations.<br />
Elle me semble assez équilibrée,<br />
elle date de 93.<br />
13
A la Fondation Miro, à<br />
Barcelone. A l’arrière-plan une de<br />
ses œuvres … géniale. Novembre<br />
93<br />
14
Photo prise à la Grande<br />
Motte. Le ciel était bleu électrique.<br />
Ces constructions pyramidales<br />
m’ont inspiré. En fait, je suis très<br />
rock … avec mes lunettes de<br />
soleil. OK, prends l’image !<br />
15
Photo prise à Nice, avant<br />
notre départ pour Monte-Carlo. Le<br />
studio loué était minuscule. Je ne<br />
me souviens plus où elle a bien pu<br />
poser … Cette robe lui allait<br />
parfaitement, du moins.<br />
16
Voilà l’une de mes photos<br />
préférées. Elle a été prise à Monte-<br />
Carlo sur les marches du jardin.<br />
Derrière au loin, dans une sorte de<br />
flou artistique, le casino avec ses<br />
lumières. Gladys est délicieuse et<br />
le couple s’équilibre. Nous avions<br />
demandé à un Italien de faire le<br />
clic. Ensuite nous sommes allés<br />
danser dans deux, trois boîtes<br />
différentes, pour finir au Jimmy’s<br />
peut-être.<br />
17
J’ai réalisé cette prise dans le délicieux village de Saint Paul de Vence où règne un nombre<br />
incalculable de marchands de tableaux. Pour l’anecdote, il faut savoir que l’endroit très touristique est<br />
noir de monde, mais que l’ensemble des passants s’était arrêté de circuler pour me permettre de prendre<br />
l’image.<br />
18
Gladys 91 - 94. Cette photo a été prise en Espagne, à Barcelone, dans son<br />
appartement. J’étais surtout satisfait de l’idée du placement de jambes, mais le modèle se<br />
prêtait fort bien à cet exercice.<br />
19
Michèle. La photo semble<br />
complète. La lampe, le tableau, les<br />
petits personnages en cuivre, le<br />
reflet dans la glace et le visage fort<br />
bien éclairé, dans mon bureau, au<br />
pavillon de la rue du Pré-Bénaïs.<br />
1995 .<br />
20
Cette prise date de<br />
novembre 96, nous venions<br />
d’aménager dans cette nouvelle<br />
habitation du Terrain d’aviation.<br />
L’atmosphère qui se dégage de<br />
cette photo semble douce et<br />
sereine. Ceci est lié aux couleurs<br />
pastels du tableau et à la lampe<br />
derrière diffuse une lumière jaune.<br />
21
Photo datant de décembre<br />
96. Je me positionne devant<br />
l’armoire pleine de livres élaborés<br />
par ma personne … Triomphe<br />
décontracté. Pourquoi pas !<br />
22
Avril 97 – Notre voisin a mis quatre<br />
chevaux dans le pré d’en face, qui se<br />
sont pris d’amitié pour nos personnes.<br />
Avec des pommes, des carottes ou<br />
des morceaux de pain sec, ils<br />
approchent aisément pour se faire<br />
caresser ...<br />
23
Michèle 94 – 97<br />
24
Photo datant du pavillon,<br />
prise par Michèle en 96, je<br />
suppose. Le décors, en arrièreplan,<br />
fait songer à une sorte<br />
d’abondance, relative et<br />
mensongère.<br />
25
Au coin de la cheminée<br />
– prise en août 98 – la lumière<br />
qui provient de la gauche,<br />
quasiment claire, rajeunit d’une<br />
façon curieuse le visage qui<br />
semble illuminé.<br />
26
Cette photo est récente,<br />
puisqu’elle date d’octobre 98.<br />
Elle a été prise dans le jardin de<br />
la nouvelle maison du Terrain<br />
d’aviation. Quelques plantes<br />
vertes ici et là semblent<br />
commencer à pousser. Elle me<br />
semblait équilibrée, même dans<br />
une position accroupie, c’est<br />
pourquoi j’ai décidé de l’insérer<br />
dans le mouvement des<br />
documents.<br />
27
Christine 98. Repas à la<br />
maison. Elle semblait fort satisfaite<br />
du dîner offert.<br />
28
Maïté. Marie-Thérèse Ausset, ma<br />
tante et remarquable dactylographe<br />
qui m’accompagne depuis tant<br />
d’années pour un résultat<br />
hypothétique et douteux, qui tape et<br />
tape, nettoie, corrige, transforme,<br />
construit des fichiers qui sont<br />
quasiment des pseudo-éditions.<br />
Qu’aurais-je pu obtenir réellement<br />
sans elle ? Ho ! Certes, des ouvrages<br />
eurent été transformés, mais jamais<br />
cette quantité-là n’aurait pu exister.<br />
Je la remercie encore, mais elle sait déjà cela depuis fort longtemps.<br />
29
En 2001 à mon bureau. L’écran plat n’existait pas encore. On travaillait sur des 15 pouce …<br />
30
Ces photos ont été prises à Conques, village classé par UNESCO et à Auvillars en 2001-2002. J’ai<br />
beaucoup apprécié me déplacer en Midi-Pyrénées et dans le Périgord.<br />
31
32
Avec Marie, un tour dans Le Périgord, année 2003<br />
33
J’aime les vieilles pierres ...<br />
La photo a été prise en 2004 au Musée d’Auch<br />
34
Une mise au tombeau avec Marie de Magdala, Jean, La Vierge également.<br />
35
Repas chez Marie, compagne depuis 2002 …<br />
36
Notre Dame d’Espis proche de Moissac. Apparitions de La Vierge Marie. Les Autorités religieuses ont<br />
étouffé un peu l’affaire craignant que ce site ne fasse de l’ombre au pèlerinage de Lourdes.<br />
Lieu exact où La Sainte Vierge serait apparue …<br />
37
Le musée d’Art contemporain de Toulouse est un lieu incontournable de la culture locale.<br />
Ci-dessus une toile du célèbre peintre Mathieu …<br />
38
En 2009. Je révisais mes notes avant d’entreprendre l’enregistrement d’une vidéo. Ce qui semble<br />
paradoxal c’est que les vidéos sont fort peu prisées sur Internet. Le public lui préfère grandement les<br />
échantillons de livres voire les livres eux-mêmes.<br />
39
Me voilà à mon bureau et nous sommes en 2013.<br />
40
Nous sommes en été 2013 et avons décidé de visiter la Maison Payrol à Bruniquel dans Le Tarn-et-<br />
Garonne. Il y avait une excellente petite exposition de peintures et de sculptures d’artistes régionaux.<br />
41
Quelques poèmes accompagnés de leur page manuscrite<br />
42
43
À ma dormeuse<br />
Je ne veux pas ce soir, licencieuse ennemie,<br />
Respirer en ton corps le doux parfum des songes<br />
Ni déplacer mon cœur sur tes seins endurcis<br />
Ni la jouissance facile où parfois tu me plonges.<br />
J'espère sur cette bouche inventer un amour<br />
Puissant et immortel que tu composeras.<br />
Redorer cette nuit jusqu'aux lueurs du jour<br />
Dans la chambre lugubre offerte à nos ébats !<br />
Qu'importe les espoirs de nos mains en détresse,<br />
Le souffle accéléré que réchauffaient nos yeux !<br />
Je demande plus fort que houle et que tendresse,<br />
Un bonheur sans silence pour l'esprit ingénieux.<br />
Car de son pur cristal où le génie descend<br />
Rêvent de vrais soupirs qu'avait soufflé l'enfant.<br />
44
45
Au soleil, je m'avance<br />
Au soleil, je m'avance par ce brûlant servage,<br />
Et l'ombre accoutumée à ma face soumise<br />
M'emporte là, tout près de toi, jusqu'au rivage.<br />
Mais ta substance aimée est déjà compromise !...<br />
Que n'entends-je se plaindre ton rayon si brutal ?<br />
Est-ce la masse étonnante de son puissant métal ?<br />
À mes yeux tant cernés, l'étonnement est doux...<br />
Prolonge en ma fraîcheur de longues accalmies !<br />
De l'embellie si vive, le regard flambant neuf<br />
Consume les pensées obscures de ma nuit !...<br />
J'accours sur ta mémoire rappeler en ton heure<br />
Ces somnolences rêvées et ces voix enivrantes,<br />
L'heureuse cérémonie sertie de ses candeurs<br />
Qui forte du miroir, fait ma lèvre tremblante !...<br />
46
47
Là-bas tu vois les feux<br />
Là-bas tu vois les feux, les torches et les mourants<br />
Et le champ de bataille - c'est la bataille des Dieux.<br />
Fantassins écrasés : - secousse et agonie.<br />
Un convoi mortuaire poussé par un grand vent,<br />
Des habits délaissés dans le duvet des plaines,<br />
Et des râles continus jusqu'à l'heure du matin !<br />
Si un monde s'efface,<br />
Un autre disparaît.<br />
Les troupes de la gloire, l'ordre crié aux places.<br />
De superbes chevaux à la robe vibrante.<br />
La promptitude, la stratégie avec l'échec.<br />
De la grandeur de l'homme ! Petite insouciance !<br />
Pour le monde, pour la race,<br />
Si un autre naissait ?<br />
48
Deux photos réalisées dans des librairies toulousaine et parisienne<br />
49
Le catalogue Poésie de Gallimard a été une source considérable où j’allais puiser mes lectures<br />
indispensables à l’écriture de mes poèmes. Quant à la Collection de La Bibliothèque de la<br />
Pléiade, je continue à penser que c’est l’une des toute premières collections de France. La qualité<br />
des contenus offerts est l’un des plus élaborés que je puisse connaître.<br />
Aujourd’hui Poésie Flammarion, Le Bleu du Ciel et Impeccables me permettent de faire avancer<br />
mes contenus post-contemporains.<br />
50
Paul Valéry, Charles Baudelaire et Arthur Rimbaud ont été<br />
ma première troïka. J’ai pu ainsi démarrer mon œuvre poétique. Puis Stéphane Mallarmé et Jean<br />
Racine m’ont considérablement appris à être qui je suis si j’ose employer cette formule sans<br />
prétention aucune.<br />
Charles Baudelaire<br />
Arthur Rimbaud<br />
51
Stéphane Mallarmé<br />
52
Jean Racine et Pierre Corneille m’ont permis sur la période 81-87 de découvrir les lois invisibles<br />
et les codes dont parfois peuvent s’orner certaines tragédies ou certains poèmes.<br />
53
De 1987 à 1992, je me suis engagé dans une incroyable aventure qui a consisté à traduire en<br />
alexandrins blancs CAD non rimés ces deux ouvrages colossaux de la culture mondiale. La Bible<br />
représente 100 000 vers et Le Coran 19 000 … Je ne regrette pas ces superbes années où j’ai pu<br />
entrer dans un monde extraordinaire de richesses et de cultures.<br />
54
Virgile - Sénèque - Eschyle - Euripide -<br />
J’ai eu le privilège de traduire en alexandrins blancs 10 des 12 chants de L’Enéide.<br />
J’ai pu également adapter la Phèdre de Sénèque, L’Orestie d’Eschyle et deux pièces travaillées<br />
par Racine Andromaque et Iphigénie d’Euripide de 1993 à 1995.<br />
55
Paul Celan, Michel Deguy et Andrea Zanzotto forment ce que l’on pourrait appeler ma seconde<br />
troïka. Leur apport fut considérable. Je ne saurai oublier Robert Juarroz et André Du Bouchet,<br />
grands poètes que l’on sait.<br />
56
A partir des années 1995, la présence de la littérature étrangère a<br />
été très importante , et de grands auteurs tels<br />
Ezra Pound, Octovio Paz ou Roberto Juarroz ont<br />
jalonné mon œuvre ou ont encore grandement participé<br />
à l’écriture de mes poèmes.<br />
Octovio Paz, Nobel de Littérature<br />
La fameuse Poésie verticale de Roberto Juarroz …<br />
57
Anne-Marie Albiach<br />
André du Bouchet<br />
58
Henri Bergson a été un auteur incontournable d’une très grande<br />
intelligence. Quasiment tous ses ouvrages ont été lus avec avidité et beaucoup d’intérêt. C’est<br />
toutefois L’évolution créatrice qui restera pour ma personne l’ouvrage clé dans son œuvre<br />
remarquable.<br />
Lire Alain c’est apprendre à aimer La Philosophie. Alain vulgarise cette discipline le plus<br />
souvent amère, difficile et aride.<br />
Ces deux auteurs ont été d’un apport considérable pour l’élaboration de mes différents essais, et<br />
je pense à L’acte poétique ou encore à Eléments de réflexion<br />
59
Anne-Catherine Emmrich et Sainte Faustina ont vu ou ont reçu des messages divins qui enrichissent de<br />
manière considérable les contenus établis dans les Evangiles. A bien des raisons, elles prolongent les<br />
enseignements et les révélations donnés dans le Nouveau Testament.<br />
60
Ces deux femmes mystiques que ce sont Marie d’Agreda et Maria Voltorta ont vu des passages entiers de<br />
la vie de Jésus-Christ.<br />
Ces événements ont été consignés avec minutie dans des sortes de journaux ou cahiers écrits vingt ans<br />
après les faits ou encore régulièrement au quotidien.<br />
Il va s’en dire que ces personnes fort respectables ont été canonisées ou sont en cours de béatification.<br />
61
Il est vrai que la religion est de faible attrait aujourd’hui mais en Midi-Pyrénées nous avons<br />
l’extraordinaire pèlerinage de Lourdes. Un site incontournable.<br />
Plus discrète il est vrai, la basilique de Germaine Cousin à Pibrac près de<br />
Toulouse. Je ne saurais oublier Marie Lataste qui a reçu des révélations divines de Jésus-Christ.<br />
62
Repas de Noël 2013 … chez Marie<br />
63
Dans le salon de la maiion - 2015<br />
Même pose photo, une année plus tard …<br />
64
Eléments <strong>biographiques</strong><br />
Franck Lozac'h est un écrivain français né le 27 mai 1958 à Rennes. Auteur fécond,<br />
il a abordé grand nombre de genres à l'exception de ceux de la nouvelle et du roman.<br />
Ecrivain indépendant ses ouvrages sont accessibles essentiellement en version<br />
numérique.<br />
Parcours littéraire<br />
Tout d'abord imprégné du XIXe siècle (Mallarmé, Baudelaire et Rimbaud) dès son<br />
œuvre de jeunesse, il va petit à petit s'intéresser aux tragédiens Jean Racine et Pierre<br />
Corneille pour remonter jusqu'à l'Antiquité avec des traductions en alexandrin blanc<br />
de Sénèque, Eschyle et Euripide.<br />
Sa démarche actuelle le pousse à explorer le domaine étranger - Roberto Juarroz,<br />
Luis Borges, Andréa Zanzotto.<br />
Mais sa vrai quête littéraire est d'atteindre L'Extrême contemporain français avec des<br />
Collections telles Bleu du Ciel, Flammarion Poésie, et Impeccables.<br />
65
Principaux ouvrages<br />
1978 L'Huile fraîche - Le Germe et la Semence -Parfums d'apaisement - Le Sac et la Cendre<br />
- Le Buis et le Houx<br />
1979 Le Moût et le Froment - Le Manuscrit inachevé - Le Croît et la Portée -<br />
La racine et la source<br />
1980 Collages - Louanges du feu - Losanges - Isabelle (roman) - Les Interdits - Les Oubliés<br />
1981 Poïétique - Exil - Phrases - Prières - Ombres bleues - Sachet d’herbes<br />
1982 Douleurs extrêmes - Sueurs sacrées - La reine Astride (Théâtre érotique)<br />
1983 Le Livre blanc<br />
1984 La Mort du Prince (Théâtre) - Alexandre (Tragédie) - Les Sonnets 84<br />
1985 Camille et Lucille (Théâtre)<br />
1986 La Pute (Théâtre)<br />
1987-1992 Traduction de la Bible en alexandrins<br />
1991-1992 Traduction du Coran en alexandrins<br />
1993 Traduction de l'Enéide en alexandrins<br />
1993 Traduction des Ecrits Intertestamentaires en alexandrins<br />
(Tomes IV de la Bible, collection Pléiade) -<br />
1993 Souffles nouveaux I<br />
66
1994 Traduction d'Andromaque d'Euripide - Traduction de Phèdre, de Sénèque<br />
1995 Traduction d'Iphigénie d'Euripide - Traduction de l'Orestie d'Eschyle<br />
Souffles nouveaux II - Grappillages<br />
1995 Messages I - II - III - L’Acte poétique<br />
1996 Messages IV - V - VI - Eléments de réflexion<br />
1997 Résonances I - II - III<br />
1998 Résonances IV - V - VI<br />
1999 Suites et Relances I - II - III<br />
2000 Suites et Relances IV - V<br />
2001 Pensées sculptées<br />
2002 Endormies sur le feu<br />
2003 Les Roses ensevelies<br />
2004 Substances et Distances<br />
2005 Variances<br />
2006 Apparences<br />
2007 Approches mutantes<br />
67
2008 New Sessions - Errances<br />
2009 Dissipations<br />
2010 Ads And More - Diaphanes<br />
2011 Cotangentes<br />
2012 Enigmes(matiques)<br />
1978 – 2017 Journal<br />
1990-2012 Psaumes (Religion) - Sourates (Religion) - Pseudo-Isaïe (Religion) - Pseudo-<br />
Jérémie - Verstes coraniques – Mosaïques (Religion) - Proverbes-Fragments (Religion)<br />
Anthologies<br />
1993 Florilège<br />
1996 Le Livre des sonnets - Morceaux choisis I - II - III<br />
1997 Morceaux choisis IV - V<br />
1978 - 97 Textes érotiques<br />
1999 Pièces courtes<br />
2000 Femmes de papier<br />
2001 Le Rosaire<br />
2002 Mille Poèmes en prose I<br />
2003 Mille Poèmes en prose II<br />
2006 Quatrains, quatre lignes<br />
2010 Le Nard et l'Ambroisie<br />
2012 La Sagesse personnifiée<br />
2013 Le parcours poétique<br />
68
Liens externes<br />
http://www.flozach.fr/librairie/<br />
http://flozach.free.fr/poesie/<br />
http://issuu.com/home/publications#/<br />
http://fr.scribd.com/my-uploads<br />
http://fr.calameo.com/search#search-franck%20lozac%27h/books<br />
http://www.youscribe.com/Search?quick_search=franck+lozac%27h<br />
https://www.facebook.com/lozach.franck<br />
http://www.yumpu.com/fr/flozach.free.fr<br />
https://plus.google.com/115651285775523964651/posts<br />
https://fr.pinterest.com/lozachf/<br />
https://www.wattpad.com/user/lozach<br />
https://www.youtube.com/results?q=franck+lozac%27h<br />
https://www.tumblr.com/blog/francklozach<br />
https://play.google.com/books/uploads<br />
69
LISTE<br />
au Ier janvier <strong>2018</strong><br />
LISTE DES OUVRAGES<br />
REALISES<br />
PAR ORDRE ALPHABETIQUE<br />
1. Abnégations.<br />
2. Actes des Apôtres<br />
3. Ads And More<br />
4. Agamemnon<br />
5. Alain Bashung<br />
6. Alexandre<br />
7. Alexandre Acte I Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />
8. Alexandre Acte II Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />
9. Alexandre Acte III Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />
10. Alexandre Acte IV Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />
11. Alexandre Acte V Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />
12. Anatoles<br />
13. Andromaque<br />
14. Andromaque 85<br />
15. Anne-Catherine Emmerich Livre cinquième<br />
16. Anne-Catherine Emmerich Livre quatrième<br />
17. Apocalypse<br />
18. Apparences<br />
19. Approches mutantes<br />
20. Approches mutantes Relevé de variantes<br />
21. Arpèges sur Paul Valéry<br />
22. Art et Esthétique<br />
23. Azurs<br />
24. Bat-mitsva<br />
25. Bécaud 2012<br />
70
26. Bécaud 2013<br />
27. Black Beauty<br />
28. Bleuités<br />
29. Blondeurs<br />
30. Camille et Lucille<br />
31. Camille et Lucille Rectifications manuscrites<br />
32. Certitudes<br />
33. Chansons de jeunesse<br />
34. Collages<br />
35. Collages <strong>Version</strong> 1980<br />
36. Commentaires religieux<br />
37. Corpus johannique<br />
38. Corpus prophétique I<br />
39. Corpus prophétique II<br />
40. Cotangentes<br />
41. Couplages I<br />
42. Couplages II<br />
43. Critique poétique<br />
44. Daniel<br />
45. Daniel Première version<br />
46. Déliquescences<br />
47. Deuxième livre des Rois<br />
48. Deuxième livre de Samuel<br />
49. Deuxième livre des Chroniques<br />
50. Deuxième livre des Maccabées<br />
51. Diaphanes<br />
52. Différents états du génie<br />
53. Dissipations<br />
54. Différents états de la Conscience<br />
55. Dominique Ingres<br />
56. Douleurs extrêmes<br />
57. Douleurs extrêmes Relevé de variantes<br />
71
58. Écrits qumrâniens 4 Règlement de la guerre<br />
59. Écrits qumrâniens 6 Psaumes Pseudo-Davidiques<br />
60. Écrits qumrâniens 7 Commentaires bibliques<br />
61. Écrits qumrâniens 2 Rouleau du Temple<br />
62. Écrits qumrâniens 1 Règle de la Communauté<br />
63. Écrits qumrâniens 3 Écrits de Damas<br />
64. Écrits qumrâniens 5 Hymnes<br />
65. Élans cassés<br />
66. Eléments <strong>biographiques</strong> <strong>Version</strong> <strong>2018</strong><br />
67. Éléments de philosophie I<br />
68. Eléments de philosophie II<br />
69. Éléments de réflexions<br />
70. Endormies sur le feu Émergences<br />
71. Endormies sur le feu Relevé de variantes<br />
72. Enigmes(matiques)<br />
73. Ensemble 84<br />
74. Ensemble 84 Inédits non dactylographiés<br />
75. Ensemble 86<br />
76. Entretiens imaginaires<br />
77. Ephémérides – Berndette Soubirous<br />
78. Ephémérides - De Dieu I<br />
79. Ephémérides - De Dieu II<br />
80. Ephémérides - De Dieu III<br />
81. Ephémérides - De Dieu IV<br />
82. Ephémérides - De Dieu V<br />
83. Ephémérides - De Dieu VI<br />
84. Ephémérides - De Dieu VII<br />
85. Ephémérides - De Dieu VIII<br />
86. Ephémérides – De Dieu IX<br />
87. Ephémérides - Le Christ nouveau<br />
88. Ephémérides - Marie Curie<br />
89. Ephémérides - Marie de Magdala<br />
72
90. Ephémérides - Marilyn Monroe I<br />
91. Ephémérides - Marilyn Monroe II<br />
92. Ephémérides – Marilyn Monroe III<br />
93. Ephémérides - Martine Carol<br />
94. Ephémérides - Personnages apparus<br />
95. Ephémérides - Sainte Véronique<br />
96. Épîtres de Paul<br />
97. Éros<br />
98. Errances<br />
99. Escapades rimbaldiennes<br />
100. Esdras Néhémie<br />
101. Espaces intérieurs<br />
103. Esences et Parfums<br />
104. Évanescences<br />
105. Évangile selon Jean<br />
106. Évangile selon Luc<br />
107. Évangile selon Marc<br />
108. Évangile selon Mathieu<br />
109. Exercices 81-87<br />
110. Exercices 82<br />
111. Exercices 82 1 82 2 82 3 82 4<br />
112. Exercices 82 9<br />
113. Exercices 82 14 82 13 82 12<br />
114. Exercices 82 15 82 16 82 18<br />
115. Exercices 82 19 82 20<br />
116. Exercices 84<br />
117. Exercices 84-88<br />
118. Exercices 86 suivi de T42 Inédits non dactylographiés<br />
119. Exercices 87 1 - 87 2 Inédits non dactylographiés<br />
120. Ezéchiel<br />
121. Faits de guerre<br />
122. Fantômes d'idées<br />
73
123. Femmes de la Bible<br />
124. Femmes de papier<br />
125. Feuillets d'Eros<br />
126. Fioles mallarméennes<br />
127. Florilège<br />
128. Fluides d'intelligence<br />
129. Fragments d'intelligence<br />
130. Fragments poétiques<br />
131. Fragments religieux 2000 suivi d'Extraits du Nouveau Testament<br />
132. Fragments religieux 2012-2013<br />
133. Grappillages<br />
134. Hard Blues Rock Bertignac<br />
135. Helmuth Newton I Shot You<br />
136. Hénoch<br />
137. Histoire de Jacob<br />
138. Intertextes<br />
139. Interventions religieuses 2009-2010<br />
140. Invisibles 81<br />
141. Invisibles 81 17 Mars<br />
142. Invisibles 81 22 Avril<br />
143. Invisibles 81 23 Mai<br />
144. Invisibles 81 24 Juin<br />
145. Invisibles 81 25 Octobre<br />
146. Iphigénie<br />
147. Isabelle<br />
148. Isaïe<br />
149. Ivresses...<br />
150. Jérémie<br />
151. Jésus au milieu des docteurs<br />
152. Jésus marche sur les eaux<br />
153. Job<br />
154. Joseph<br />
74
155. Joseph et Aséneth Anne-Catherine Emmerich<br />
156. Josué<br />
157. Journal 78-79<br />
158. Journal 80<br />
159. Journal 81<br />
160. Journal 82-83<br />
161. Journal 87<br />
162. Journal 88-89<br />
163. Journal 90-91-92<br />
164. Journal 93<br />
165. Journal 94<br />
166. Journal 95<br />
167. Journal 96<br />
168. Journal 97<br />
169. Journal 98<br />
170. Journal 99<br />
171. Journal 2000<br />
172. Journal 2001<br />
173. Journal 2002<br />
174. Journal 2003<br />
175. Journal 2004<br />
176. Journal 2005<br />
177. Journal 2006<br />
178. Journal 2007<br />
179. Journal 2008<br />
180. Journal 2009<br />
181. Journal 2010 Janvier- Juin<br />
182. Journal 2012<br />
183. Journal 2013<br />
184. Journal 2014<br />
185. Journal 2015<br />
186. Journal 2016<br />
75
187. Journal 2017<br />
188. Journal de Jeunesse 78-83<br />
189. Journal Juillet 2010 Décembre 2011<br />
190. Journal mathématique<br />
191. Judith<br />
192. La Cène pascale<br />
193. La Cité intérieure<br />
194. La Crucifixion<br />
195. La Genèse<br />
196. La Manne et La Rosée<br />
197. La Mort du Prince<br />
198. La Multiplications des pains<br />
199. La Pentecôte<br />
200. La Pute<br />
201. La Racine et la Source<br />
202. La reine Astride<br />
203. La Résurrection<br />
204. La Sagesse de Salomon Première version<br />
205. La Sagesse personnifiée<br />
206. La Thora d’Ezéchiel<br />
207. La Transfiguration<br />
208. L'Acte poétique<br />
209. L’Annonciation- La Visitation<br />
210. Le Buis et le Houx<br />
211. Le Cantique des Cantiques Première version<br />
212. Le Coran Sourates de I à VII<br />
213. Le Coran Sourates de VIII à XXIII<br />
214. Le Coran Sourates de XXIV à CXIV<br />
215. Le Croît et la Portée<br />
216. Le Deutéronome<br />
217. Le Germe et la Semence<br />
218. Le Grain et le Regain<br />
76
219. Le Grand Livre des Sonnets<br />
220. Le Lévitique<br />
221. Le Lin et la Laine<br />
222. Le livre blanc<br />
223. Le livre de Baruch<br />
224. Le Livre de la Consolation d’Israël<br />
225. Le livre de la Sagesse<br />
226. Le Livre de l’Emmanuel<br />
227. Le Manuscrit inachevé<br />
228. Le Moût et le Froment<br />
229. Le Nard et L’Ambroisie<br />
230. Le nouvel éros<br />
231. Le parcours poétique<br />
232. Le poème et son double<br />
233. Le poète interne<br />
234. Le Politique - l'Économique<br />
235. Le Psautier<br />
236. Le roi David<br />
237. Le Rosaire<br />
238. Le Sac et La Cendre<br />
239. L'Ecclésiastique<br />
240. L'Énéide - Livres de I à X<br />
241. L'Épouse insoupçonnée<br />
242. Les affres de l’âme<br />
243. Les belles ébahies<br />
244. Les Bucoliques - Fragments<br />
245. Les chevelures claires<br />
246. Les Choéphores<br />
247. Les cinq rouleaux<br />
248. Les douze petits prophètes<br />
249. Les douze petits prophètes Première version<br />
250. Les Euménides<br />
77
251. Les Interdits<br />
252. Les Jubilés<br />
253. Les Juges<br />
254. Les méandres de l'esprit<br />
255. Les Noces de Cana<br />
256. Les Nombres<br />
257. Les notes d'Alexandre<br />
258. Les notes de la Mort du Prince<br />
259. Les Onctions de Jésus<br />
260. Les Oubliés<br />
261. Les Procès de Jésus<br />
262. Les Proverbes<br />
263. Les Proverbes Première version<br />
264. Les Psaumes<br />
265. Les Rejetés<br />
266. Les Roses ensevelies<br />
267. Les soupirs de la chair I<br />
268. Les soupirs de la chair II<br />
269. Les soupirs de la chair III<br />
270. Les Soupirs de l'esprit<br />
271. Les Testaments des douze Patriarches<br />
272. Les Turbulences du génie<br />
273. L'Exode<br />
274. L'Huile fraîche<br />
275. L'Infini-en<br />
276. Losanges<br />
277. Louanges du feu<br />
278. Maria Valtorta<br />
279. Marie de Magdala selon Franck Lozac’h<br />
280. Marie de Magdala selon Maria Valtorta I<br />
281. Marie de Magdala selon Maria Valtorta II<br />
282. Marie-Madeleine selon Anne-Catherine Emmerich<br />
78
283. Marie-Madeleine selon Marie d’Agreda<br />
284. Marilyn For Ever<br />
285. Marilyn Monroe Made In France<br />
285. Marilyn Monroe Sexy Sexy<br />
286. Maxime<br />
287. Melchisédech Anne-Catherine Emmerich<br />
288. Messages I<br />
289. Messages II<br />
290. Messages III<br />
291. Messages IV<br />
292. Messages V<br />
293. Messages VI<br />
294. Messages Relevé de variantes<br />
295. Mille poèmes en prose I<br />
296. Mille poèmes en prose II<br />
297. Miscellanées<br />
298. Morceaux choisis I<br />
299. Morceaux choisis II<br />
300. Morceaux choisis III<br />
301. Morceaux choisis IV<br />
302. Morceaux choisis V<br />
303. Morceaux choisis VI<br />
304. Morceaux choisis VII<br />
305. Morceaux choisis VIII<br />
306. Morceaux choisis IX<br />
307. Morceaux choisis X<br />
308. Morceaux choisis XI<br />
309. Morceaux choisis XII<br />
310. Morceaux choisis de I à XII<br />
311. Morceaux choisis Œuvre de jeunesse<br />
312. Mosaïques<br />
313. New Sessions<br />
79
314. Notes 87 1<br />
315. Notes 87 2 87 4<br />
316. Notre Père<br />
317. Nouveaux prétextes<br />
318. Obstruées<br />
319. Ombres bleues<br />
320. Paraboles inédites de Jéusu-ChristMaria Valtorta<br />
321. Paraboles<br />
322. Parfums baudelairiens<br />
323. Parfums d'apaisement<br />
324. Paroles Figures Fragments<br />
325. Party !<br />
326. Pascal, Heidegger et quelques-uns...<br />
327. Pensées sculptées Surgissements<br />
328. Pensées sculptées Relevé de variantes<br />
329. Petite science conjecturale<br />
330. Phèdre<br />
331. Phosphores<br />
332. Pièces courtes<br />
333. Pièces courtes de jeunesse<br />
334. Poèmes de l'Ancien Testament<br />
335. Poèmes de l'A-Science<br />
336. Poèmes d’influnece baudelérienne<br />
337. Poème d’influence mallarméenne<br />
338. Poème d’influence rimbaldienne<br />
339. Poème d’influence valérienne<br />
340. Poèmes du Nouveau Testament<br />
341. Poèmes en prose 78-83<br />
342. Poèmes influencés par l’oeuvrede jeunesse<br />
343. Poïétique<br />
344. Pré-Evangile de Jésus-Christ<br />
345. Préfaces<br />
80
346. Premier livre de Samuel<br />
347. Premier livre des Chroniques<br />
348. Premier livre des Maccabées<br />
349. Premier livre des rois<br />
350. Première année de la vie publique de Jésus-Christ<br />
351. Prières Phrases Exil<br />
352. Primitif Le Manuscrit inachevé<br />
353. Primitif Le Croît et la Portée<br />
354. Primitif Le Germe et la Semence<br />
355. Primitif Le Moût et le Froment<br />
356. Primitif L'Huile fraîche<br />
357. Primitif Parfums d'apaisement<br />
358. Prismes de Sonnets<br />
359. Prolongements<br />
360. Prophéties 92-93<br />
361. Prophéties 94<br />
362. Prophéties 97-98<br />
363. Prophéties 99<br />
364. Prophéties 2011-2012<br />
365. Prophéties 2013- 2015<br />
366. Protévangile de Jésus-Christ<br />
367. Proverbes Fragments<br />
368. Psaumes<br />
369. Psaumes de Salomon<br />
370. Pseudo Isaïe<br />
371. Pseudo Jérémie<br />
372. Puretés raciniennes<br />
373. Quatrains, quatre lignes<br />
374. Questions de religion I<br />
375. Questions de religion II<br />
376. Radio Caylus<br />
377. Ramassis<br />
81
378. Rectifications d'Alexandre<br />
379. Récupération d’ensemble<br />
380. Religion 95-96<br />
381. Religion 2002<br />
382. Religion 2003-2006<br />
383. Religion 2008-2009<br />
384. Religion 2014-2015<br />
385. Religion 2016<br />
386. Résonances I<br />
387. Résonances II<br />
388. Résonances III<br />
389. Résonances IV<br />
390. Résonances V<br />
391. Résonances VI<br />
392. Rewritings<br />
393. Sachet d'herbes<br />
394. Saint Joseph<br />
395. Salomon le magnifique<br />
396. Seconde année de la vie publique de Jésus-Christ I<br />
397. Seconde année de la vie publique de Jésus-Christ II<br />
398. Seleccion de poemas<br />
399. Selected poems<br />
400. Serge Gainsbourg<br />
401. Six Freedom Highway<br />
402. SM Poésies<br />
403. Sonnets 84<br />
404. Sonnets de Jeunesse<br />
405. Souffles nouveaux I<br />
406. Souffles nouveaux II<br />
407. Souffles nouveaux Relevé de variantes<br />
408. Sourates<br />
409. Substances et Distances<br />
82
410. Substances et Distances Relevé de variantes<br />
411. Sueurs sacrées<br />
412. Sueurs sacrées Relevé de variantes<br />
413. Suites Relances I<br />
414. Suites Relances II<br />
415. Suites Relances III<br />
416. Suites Relances IV<br />
417. Suites Relances V<br />
418. T 29<br />
419. T 30<br />
420. T 41<br />
421. T 42<br />
422. T 43<br />
423. T2 T3 T5 T4<br />
424. T 24<br />
425. T 25<br />
426. T 28<br />
427. T 33<br />
428. T 40<br />
429. T 41<br />
430 T 42<br />
431. T 43<br />
432. Ténèbres et Néant<br />
433. Testament de Moïse<br />
434. Textes érotiques I<br />
435. Textes érotiques II<br />
436. Textes érotiques III<br />
437. Textes érotiques IV<br />
438. Textes érotiques V<br />
439. Textes érotiques VI<br />
440. Textes érotiques VII<br />
441. Textes érotiques de jeunesse<br />
83
442. Textes et Prétextes<br />
443. The Naked <strong>Version</strong><br />
444. Tobie Première version<br />
445. Tobit<br />
446. Tractacus philosophico-poeticus<br />
447. Trois esquisses...Hugo, Cocteau et Gide<br />
448. Troisième année de la vie publique de Jésus-Christ I<br />
449. Troisième année de la vie publique de Jésus-Christ II<br />
450. Troisième année de la vie publique de Jésus-Christ III<br />
451. Variances<br />
452. Variantes bibliques 88-92 Inédits non dactylographiés<br />
453. Variantes d'Alexandre<br />
454. Variantes de Collages<br />
455. Variantes de Losanges<br />
456. Variantes de Louanges du Feu<br />
457. Variantes de Poïétique<br />
458. Variations freudiennes<br />
459. Versets coraniques<br />
460. Vrac<br />
84
MORCEAUX CHOISIS<br />
85
86
TOME I<br />
ANNÉES 78 - 79<br />
L’huiLe Fraîche<br />
Le germe et la semence<br />
Le manuscrit inachevé<br />
87
L’Huile fraîche<br />
Rien ne détruira<br />
Rien ne détruira les frayeurs promises à son front si clair. Ni<br />
souffle ni violence n'épancheront de fièvres froides les douleurs de ses<br />
plaintes.<br />
Il vit solitaire et immortel, caché dans sa retraite au fond des<br />
bois. Il dort d'un sommeil paisible ou contemple la nuit les grands<br />
champs alentours.<br />
Recensez la sagesse de son cœur ! Embrassez son calme<br />
mortuaire ! Ce sont ces bouches qui vous parlent, écoutez-le !<br />
On se joue de lui pour un écrin de perles ? Qu'importe !<br />
Personne n'admirera le diadème qui l'habite. Son secret divinement<br />
gardé sera seulement dévoilé au maître des lieux.<br />
88
Il faut savoir<br />
Il faut savoir que les perceptions n'étaient que des<br />
chuchotements indistincts, - efforts, appels, supplications - rien ! De<br />
vagues lueurs s'évadaient parfois sur les tempes comme de lentes<br />
lumières attirées par un miroir éclairaient une face promise au réel.<br />
Des mois d'attente, des incendies soufflés par une brise légère,<br />
et des orchestres mal dirigés comme dans les squares d'un Thabor<br />
ancien. Ô feux sauvages, ô complaintes de toujours, je me souviendrai...<br />
89
Que le délassement assombrisse<br />
Que le délassement assombrisse les pensées élevées ! Que l'or<br />
battu parmi les treilles inonde les <strong>pages</strong> de transparence ! Que l'orgueil<br />
envoûté par un maléfice inhumain use de troublantes paroles en ces<br />
décennies de perdition ! Oh ! Qu’une transfusion de sang neuf comme<br />
une gerbe d'allégresse emplisse mes veines !<br />
Le passage étroit pour deux âmes accède aux caves de la<br />
déportation. Il nous faut être bien nés dans la solitude, - là est la dernière<br />
image de l'amour ! Vies de l'âme, ingratitudes des râles, la volupté est<br />
bénie encore. La volupté contemple le monde. Elle va, elle vient et<br />
s'étonne dans les profondeurs du moi.<br />
Stupide à noircir la feuille, dit l'ancien. Heureux présage de<br />
l'enfant, dit l'adulte. Déferlement animal, dit le sage.<br />
90
Tu exposes le diagramme<br />
Tu exposes le diagramme à la génération décriée. Tu prolonges,<br />
expédiant les lettres des novices, un caveau promu au délaissement des<br />
sens. Et dans les vignes florissantes, tu tires le vin à la bouteille d'argent.<br />
Déplorables tromperies recouvertes d'amertume ! Agissements prompts<br />
pour la mansuétude du peuple !<br />
Mais voilà le sanctuaire des hémistiches, voilà le sacrement<br />
autrement déplacé !<br />
L'exercice est insipide, insignifiant aux yeux des<br />
contemporains. Qu'il évolue ou dorme, quelle importance ! Oeil fixé sur<br />
les écrits, tendance aux souillures internes, dépistage d'une carence<br />
idiomatique, - là est le surfin de l'observateur. L'ignorance vécue, le<br />
délabrement d'un site, - qu'est-ce à dire ? Un point insignifiant pour les<br />
nuées alentour, un rejeton de défauts semblables aux découvertes<br />
antérieures !<br />
91
Un midi étrangement profond<br />
Un midi étrangement profond où se consume l'air pur de nos<br />
actes. D'anciennes survivances d'un passé moyenâgeux, des allégories<br />
puis des spectacles, enfin des particules infimes déployées contre les<br />
murs de la cité.<br />
Marcher, marcher encore et soumettre ses idées dans un hall<br />
visqueux, - car tout mélange est de règle, et obtenir une place à l'ombre<br />
des infortunés. Voilà la contribution latente pour nos incertitudes.<br />
Trébucher et parvenir ! Oui, parvenir ! Le vain mot. Ultime valeur, tu<br />
changeras les visions ! Oublie les règles, et convoite un autre lieu !<br />
Fuir, fuir ! Mais où ? Quelle destination sublime ? Quel mal<br />
nous dépècera encore ? Je suis parti ! Une mélodie d'évasion. Un instant<br />
de solitude espéré depuis tant de mois. Et puis... Et puis la chute ! Tu te<br />
romps, et les coups portés ne sont que leurres ! Tu projettes une image,<br />
tu obtiens le maléfice ! ...<br />
Que reste-t-il à inventer ? Une morale pesante, prescrite il y a<br />
92
deux mille ans. En trois mots, un monde transformé suivant les<br />
transcendances d'un peuple. J'ordonne le supplice, c'était le supplice.<br />
J'ordonne la paix, éclate la guerre !<br />
93
Les rayons suprêmes<br />
Les rayons suprêmes se détachaient sur des trames de couleurs.<br />
La raison tremblait dans l'âme du pauvre. Bientôt les valeurs délicates<br />
furent trempées dans de la cire avec un sceau royal pour effigie.<br />
Point de mesure. Le décor condamnait l'hôte à toute délectation.<br />
Une montagne à venir ? Non, le contour ! Non, l'attente ! Non, le repos !<br />
Il fallait marcher plus vaillant que la mort, plus fort que la paix.<br />
Mais pourquoi transformer l'acte fécond en images saillantes ?<br />
Pourquoi, grandir dans les louanges, sombrer dans le théâtre de<br />
l'imagination ?<br />
94
C'étaient des lèvres creuses<br />
C'étaient des lèvres creuses sur des diamants renversés. La<br />
nature, qui par sa forme, accomplit tout un rêve voyait s'abattre leurs<br />
mains lourdes et pesantes : infortune de deux êtres, et merveille du<br />
monde en détresse !<br />
Telles des voix éclatantes, un rire perça le pur silence : saveur<br />
de l'accouplement et lugubres tentations !<br />
Que l'on ne berce pas de lueurs divines des mots tendres et<br />
choisis ! Que l'on ne dicte pas des lois sublimes ! Car le feu envahit de<br />
ses flammes agressives les éclairs éparpillés qui se lamentent.<br />
95
Opaque cité<br />
Opaque cité, pour l'élévation ! Que le temps pardonne<br />
l'existence de tes sens ! Va, toi impassible et fière mourir dans les débris<br />
de l'âme inculte. Va à l'extermination assurée ! Ton devoir te l'impose,<br />
oui, va !<br />
On détruisit l'idée de l'holocauste par ce pays superbe. D'un<br />
saint, les paroles s'évadaient tristement parmi les comparses délaissés.<br />
L'onction, la croyance, le mythe, qu'en firent-ils donc ?<br />
Ô fruit qu'un spasme émancipe, que la gratitude jaillisse sur tes<br />
chevaux sauvages ! Car tu ignores la mélodie sans fin dans le mélange<br />
de nos plaintes merveilleuses !<br />
Ils entament calmement<br />
96
Ils entament calmement le déferlement de nos actes. Ils<br />
sécrètent d'une sève douteuse toutes les substances promises et<br />
humaines. Ils se jouent de l'arbitraire et inventent l'acte sublime.<br />
Quelle est leur destinée ? Oh ! Une toile insipide coloriée de<br />
fades couleurs. C'est l'espérance pesante et vieille sur les bras courts de<br />
l'artiste. Je parle d'infectes bavures qui polluent les mains. Un rachitique<br />
pinceau trempé dans les frayeurs d'une huile blanchâtre, et des traits<br />
obscurcis par les déceptions du temps. Vérité légitime, bouffonneries<br />
hideuses et Temple bienveillant ! Quel mélange crasseux ! Et ils<br />
crachotent des bouffées d'alcool et des vibrations et des noirceurs sur des<br />
papiers roses !<br />
Quoi ? Vivre de la scène lugubre quand l'homme exploite les<br />
rondeurs profilées, quand l'espoir recouvre un incestueux rectangle de<br />
marbre ? Non, car la pureté s'étire et ramifie les mondes. L'élévation est<br />
mère de nos travaux.<br />
Il est temps de vendre le supplice. L'accoutumance au malheur<br />
est scène de pauvre, point de l'homme. Pour des catafalques de gloire,<br />
l'enjeu - l'immense enjeu couvre nos destinées.<br />
97
Qui eut dit<br />
Qui eut dit qu'un transfuge pastoral eût pu dans sa verve<br />
élastique usurper la nonchalance de son amour-propre ? Personne. La<br />
rareté de son bien dansait sur les ondes légères, et l'espérance rêvée<br />
sertie de musique céleste - harpes, pianos à cordes, ballerines etc.,<br />
s'élançait dans des accords nouveaux.<br />
La conquête des humeurs facilitée par la commodité des stances<br />
jonglait sur la bouche des esclaves. L'ange se dut d'intervenir : la fête<br />
était sujette à la délivrance, au jeu enfantin, mais on interdisait la<br />
débauche culturelle.<br />
Les éléments fâcheux se firent reconduire aux portes du palais<br />
sous forte escorte. Des spectres à la faux aiguisée montraient le chemin à<br />
suivre.<br />
Quand sonnèrent les douze coups, les esprits échauffés par l'air<br />
malsain refusèrent de penser. On dut les tirer de leur torpeur. Quelquesuns<br />
uns trop lourds pour se déplacer restèrent cloués sur place.<br />
98
Des oriflammes, des marbres<br />
Des oriflammes, des marbres surplombés de tréteaux nouveaux.<br />
Un vin rougi par le sang des victimes coule à profusion dans les panses<br />
des vainqueurs. Des esclaves vierges portent les cruches à leurs bouches.<br />
Ils rient, rotent et se congratulent pour la victoire. On berce les sourires,<br />
on écume les flots de sueurs, on range les épées et les sabres. Minuit,<br />
minuit de gémissements plaintifs voile la lune de halos. Le lendemain,<br />
repus d'hymens et d'ivresse divine, ils se réveillent prêts pour un autre<br />
combat. La ville de Douches sera visée.<br />
On égorge les derniers mourants. On récupère l'équipement.<br />
Des oriflammes, des marbres surplombés de tréteaux nouveaux.<br />
Un vin rougi par le sang des victimes coule à profusion dans les panses<br />
des vainqueurs. Des esclaves vierges portent les cruches à leurs bouches.<br />
Ils rient, rotent et se congratulent pour la victoire. On berce les sourires,<br />
on écume les flots de sueurs, on range les épées et les sabres. Minuit,<br />
minuit de gémissements plaintifs voile la lune de halos. Le lendemain,<br />
repus d'hymens et d'ivresse divine, ils se réveillent prêts pour un autre<br />
combat. La ville de Cycomore sera visée.<br />
99
Je revois un sanctuaire<br />
Je revois un sanctuaire de déserteurs où toute malice se déploie<br />
en corolle jusqu'aux solstices des Rois. Le monde à part, c'est la<br />
vieillerie soudaine, les tentacules confondus et l'œuvre des notables !<br />
Des cascades enchantées se meurent d'accoutumance. Le grignou<br />
s'étonne à la rencontre d'un monde nouveau et descend un fleuve<br />
impérieux.<br />
Ils se sont décapités ! Oh ! Les pertes, les sphères et les autres<br />
Prométhées ! Ils ont usurpé le goût des baies fulgurantes, ils ont traversé<br />
les bois d'osier, et rieurs de la loi, ont dansé sur des chevaux de cristal !<br />
Le bénéfice fut vain car jamais l'accord ne s'éloigna des disciples.<br />
100
Spectacle<br />
Spectacle. De chaque côté, les rives soumises à l'infatigable<br />
mouvement du courant pliaient leurs tendres roseaux avec grâce et<br />
soumission. Le bouillonnement, les écumes, le bruit incessant semblant<br />
venir du lit même transformaient ce paysage en théâtre tragique.<br />
L'acteur, la nature, les lumières, le soleil pâle. Les rayons<br />
réchauffaient la terre. Le sujet était l'éternel recommencement de la vie,<br />
la fonte des neiges. Et le dénouement était de se jeter dans le delta de la<br />
mer, et d'y mourir ! L'homme ne peut rêver plus belle représentation. La<br />
tragédie divine ! Ce que le Grec crut inventer, n'était que piteuse copie.<br />
Dieu le précédait de cinq milliards d'années.<br />
101
C'est elle la petite morte<br />
C'est elle la petite morte cachée derrière les vallons, elle,<br />
couchée sous les feuilles jaunissantes de l'automne, avec une chaîne en<br />
or autour du bras. On se souviendra de son visage longtemps !<br />
Mais pourquoi est-elle morte ? Étrange créature qui à cinq ans<br />
n'avait pas supporté cette impossibilité de vivre. Que d'inquiétudes, de<br />
peines et de maux dans cette adorable tête chagrinée !<br />
Les anges recouvriront tes cheveux de lauriers fraîchement<br />
cueillis, un tapis de pétales roses t'indiquera le chemin à suivre, des<br />
images sur un mur blanchi te divertiront.<br />
Ô pâle enfant que la lumière jamais n'éblouira ! Belle enfant,<br />
dors d'un sommeil de rêves !<br />
102
L'impossibilité<br />
L'impossibilité de régir tout acte contrôlé, l'insouciance d'une<br />
exploitation misérable, l'acharnement parfois stupide dans la<br />
continuation de la tâche, - une faiblesse reconnue en quelque sorte, voilà<br />
en trois points l'existence bénigne d'Hortense. Pourtant point dépourvue<br />
de savoir ou de bon sens, elle divaguait dans un engrenage visqueux,<br />
comme si une force dirigeante agissait en son nom, je devrais dire en son<br />
âme. Quoique d'une nature exemplaire, j'entends guère trompeuse, elle<br />
dérivait comme un voilier sans voiles offert aux vents et aux courants.<br />
Être à bord, savoir que l'on dérive, et être impuissante à<br />
contrôler le bateau, - vie d'Hortense !<br />
103
Honfleur !<br />
Honfleur ! Dernier souvenir bruni par des tapis de feuilles<br />
mortes. La vision suspecte d'un paysage transporté dans une autre<br />
époque. À présent, transformation féconde d'une culture archaïque.<br />
Honfleur de jadis, Honfleur de jamais ! L'inquiétude frappant ma<br />
personne a déclenché le mécanisme divin.<br />
104
Des granites bleus<br />
Des granites bleus où l'exil couche ses floraisons chantées. Une<br />
ombre matinale revêtant ses rosées les plus pures, l'écarlate divin exalté<br />
de vapeurs louant au ciel une étoile argentée. Et des ordres stricts, ivres<br />
de feux bouleversants, en extase devant les lueurs et l'éveil, - luxes<br />
appauvris !<br />
Dans les chantiers, des portes furieuses se fracassent. Les<br />
ouvriers tels que des funambules de cirque réclament encore quelques<br />
pièces.<br />
L'erreur est folle. L'idiome de couleurs refuse le contraste. Le<br />
monde délassé par les chanteurs harmonieux, le monde s'endort<br />
paisiblement. Les astres bleutés resplendissent dans leurs nullités à<br />
travers les outrages et les sabbats.<br />
Mes mains lèchent une rose noire, les tâches humiliantes<br />
combleraient mon front immaculé de rouge.<br />
Mes os se rejoignent. Le cadavre s'étire aussitôt.<br />
Ha ! Charniers ! Atroces pécules, quand oserai-je vous dominer ?<br />
105
Chanson<br />
Ô futile douceur<br />
Qui a tout amoindri,<br />
Souviens-toi des langueurs,<br />
Des langueurs qui ont fui.<br />
Oui, les vœux de patience<br />
Nous auront prévenus<br />
De l'âcre impertinence<br />
Et des chansons perdues...<br />
Alors lui, fou de rage,<br />
Agressif dans les rues,<br />
Lui, cet odieux carnage<br />
Demain se serait tu.<br />
Mais pour ta délivrance,<br />
Que les fureurs s'éprennent !<br />
Acclames-tu ma danse<br />
Autant qu'il m'en revienne ?<br />
Mais passé ou présent,<br />
106
Envole-toi bien loin,<br />
Bien avant que ton sang<br />
Ne blêmisse le mien.<br />
Ô futile douceur<br />
Qui a tout amoindri,<br />
Souviens-toi des langueurs<br />
Des langueurs qui ont fui.<br />
107
Éternité<br />
Le disciple exalté<br />
En ces rêves anciens<br />
Se foudroie éveillé<br />
Sur un vieux parchemin.<br />
Tremblant d'une main moite<br />
Par l'ivresse embaumée<br />
L'affreux aux tempes froides<br />
S'incline désabusé.<br />
La saveur est perdue !<br />
Au loin dilapidée<br />
Vers l'espoir inconnu<br />
Qui n'a jamais percé !<br />
Mais cloué à sa tâche,<br />
Comme l'insecte fourmi<br />
Jamais ne se relâche<br />
De minuit à midi.<br />
Le disciple exalté<br />
108
En ces rêves anciens<br />
Se foudroie éveillé<br />
Sur un vieux parchemin.<br />
109
Partir vers l'infini<br />
Partir vers l'infini pour des étés abrupts ?<br />
Hélas ! L'entendement qui encense mes nuits,<br />
Comme un rayon oblique sur des feuilles caduques,<br />
N'est que soupir, ô songe, éteint et agonies !<br />
Pourtant steamer grée, vois à la poupe, j'obtiens<br />
Tel un vieux rêve difforme, l'image délicieuse...<br />
Que dire ? L'aventure est vaste ! Des vagues de rien !<br />
Mais ces charmes à éclore sous la lumière affreuse,<br />
Sont substances créées que trempent mes sueurs<br />
D'amertume, mon âme toi qui chantes et qui pleures !<br />
110
Le rêveur<br />
L'œil voilé par l'azur qu'une lente descente<br />
Éblouirait encore d'une clarté funèbre,<br />
Prolonge une lugubre vision diurne entre<br />
Les larges ifs plantés dans le lieu des ténèbres<br />
Et succombe lentement, ô parabole magique,<br />
À ce fade désespoir du paysage blêmi.<br />
Comme buvant, perdu cette froideur de site<br />
Que le maître du temps éloigne et abolit,<br />
Il luit, rêveur ailé ! D'une pupille morne<br />
Voit les tristes lueurs qui au lointain s'endorment.<br />
La paupière que le ciel imperceptible bat<br />
Couvre la pâle image, et le rêveur s'en va.<br />
111
Au tout premier réveil<br />
Au tout premier réveil<br />
Hors des sables mouvants<br />
Sans lumière sans soleil<br />
L'exil s'effile tremblant.<br />
Amoureux des douceurs,<br />
L'esprit rassemble encore<br />
Les dernières saveurs<br />
Soufflées quand il s'endort.<br />
Dans un vol embaumé<br />
Son corps déjà s'avance<br />
Vers l'espace condamné<br />
En sublimes espérances.<br />
Des sanglots tout à coup<br />
Dans ce calme limpide !<br />
Elle, nue à pas de loup,<br />
Pleure dans son œil humide !<br />
112
Pour mon indifférence,<br />
Ô fille délaissée !<br />
Bercée de nonchalance,<br />
Elle se voulait aimée !<br />
Senteurs de l'altitude,<br />
Loin des lâches misères,<br />
Comme à son habitude,<br />
Fuyant l'horrible terre !<br />
113
Rien<br />
Rien du terme pur de sa course<br />
Régnant défunt et infini<br />
N'exaltera l'ancienne source.<br />
Vois le temps qui s'enfuit.<br />
D'horribles survivances<br />
Fécondées d'irréels cris,<br />
C'étaient vœux de patience,<br />
Et bonheurs accomplis.<br />
De la suite chaque nuit<br />
Tel un suicide de rage,<br />
Il ne reste que l'agonie<br />
De l'inhumain carnage.<br />
Ô douloureux enfantements<br />
Putrides et malingres fœtus<br />
Asphyxiés lentement<br />
Dans le sein qui les a conçus !<br />
114
Rien du terme pur de sa course<br />
Régnant défunt et infini<br />
N'exaltera l'ancienne source.<br />
Vois le temps qui s'enfuit.<br />
115
Je t'écris<br />
Je t'écris sur un lit tumultueux<br />
Où ta hanche féconde la mienne.<br />
Au firmament jusques aux cieux<br />
Que ta taille m'entraîne ! ...<br />
Par les couleurs vives de l'automne,<br />
Que le givre recouvre les toits !<br />
Je voudrais tant que tu chantonnes,<br />
L'espérance folle d'autrefois !<br />
Mon vieil amour défunt encore<br />
Comme respirant une ombrelle<br />
Sur les chemins déflore<br />
La bouche frêle que j'aime ! ...<br />
Délicate quand comblée de soupirs,<br />
Ton corps enfin se déchaîne.<br />
C'est l'éternité ou le plaisir,<br />
Oh ! Qu’il s'en souvienne ! ... etc.<br />
116
Langueur a dû<br />
Langueur a dû<br />
Par temps de pénitence<br />
Aux offres défendues<br />
Trembler de jouissances,<br />
Car résident en ce lieu<br />
Sous quelques alcools divers<br />
Une terre feue<br />
Brille par mon hiver.<br />
En cela malheureux<br />
D'allégresses perdues,<br />
Quitte vite, grand pieux<br />
Les sombres détresses,<br />
Et bois aux coupes d'or<br />
Le breuvage divin<br />
Pour endiabler ce corps<br />
De plaisirs malsains, etc.<br />
117
Comme un bruissement d'aile<br />
Comme un bruissement d'aile posée sur l'endormie<br />
Qui joue dans la pénombre à miroiter son vol,<br />
Espiègle et bombinant, virevoltant ici<br />
Embrasse la charmante, la caresse et la frôle ;<br />
Comme des satins clairs qui jailliraient d'aimer<br />
Sur le sein délicat ou la gorge sensible ;<br />
Des rires confus offrant à des bouches rosées<br />
L'apparat éclatant des demoiselles dignes ;<br />
Comme une attente encore que celui-ci refuse<br />
Car des calices d'or donnés au coeur d'argent<br />
Échappent toutefois aux sanguinaires muses<br />
Pour les blondes moissons de son stérile enfant.<br />
118
Au soleil, je m'avance<br />
Au soleil, je m'avance par ce brûlant servage,<br />
Et l'ombre accoutumée à ma face soumise<br />
M'emporte là, tout près de toi, jusqu'au rivage.<br />
Mais ta substance aimée est déjà compromise ! ...<br />
Que n'entends-je se plaindre ton rayon si brutal ?<br />
Est-ce masse étonnante de son puissant métal ?<br />
À mes yeux tant cernés, l'étonnement est doux...<br />
Prolonge en ma fraîcheur de longues accalmies !<br />
De l'embellie si vive, le regard flambant neuf<br />
Consume les pensées obscures de ma nuit ! ...<br />
J'accours sur ta mémoire rappeler en ton heure<br />
Ces somnolences rêvées et ces voix enivrantes,<br />
L'heureuse cérémonie sertie de ses candeurs<br />
Qui forte en ce miroir, fait ma lèvre tremblante ! ...<br />
119
Obsession<br />
Même, délicate Cybèle, même le sourire aux dents,<br />
Au grand vent de l'absence, dans les souffrances mêmes,<br />
Quand ton épaule nue à mon côté, chantant<br />
Des airs anciens, des sérénades et des rengaines ;<br />
Même alanguis, nous anges, baignés de broderies,<br />
Des souffles inondant par des flots bienheureux<br />
Un carême, même offerts aux charmes des grands ifs<br />
Que j'admire le soir convulsé ou fiévreux ;<br />
Même nous ivres et légers, bercés de compassions,<br />
Respirant un air clair, vol des aigles royaux,<br />
Et même bordés de grâce, de rires, de libations,<br />
Je n'oublierai jamais ces lutteuses infinies<br />
Échappées ou béantes aux portes de mes maux<br />
Qui conspirent, ensanglantent mon sort dans leurs tueries !<br />
120
Pastiche<br />
Sur les ondes immortelles, va la blanche Ophélie.<br />
La douceur de ses seins ferait frémir mes ailes.<br />
Voici bientôt mille ans que descendent en la nuit<br />
Deux bruissements lointains qui murmurent vers elle.<br />
Baignée de lys et d'eaux plates, paisible elle dort<br />
Au milieu des joncs et des hallalis étranges.<br />
On entendrait chanter vers les roseaux dès lors<br />
Des muses éternelles embaumées de grands langes...<br />
Dans sa romance, le vent caresse le nénuphar.<br />
Belle Ophélie, pâle Ophélie, ton cavalier<br />
A-t-il perdu son coeur de pierre dans ton regard ?<br />
Hélas ! Emportée comme un souffle par la nature,<br />
Belle Ophélie se fond en la neige de fées !<br />
Oh ! La belle Ophélie étire sa chevelure !<br />
121
Ophélie<br />
Merveilleuse accouplée descendant sur les rives,<br />
Toi dont les nuits d'extase semblent oublier les jours,<br />
Connais-tu les rousseurs, les déboires de l'amour<br />
Toi qui sembles insensée, désabusée ou ivre ?<br />
Car l'herbe folle, où poussent les haillons s'étale,<br />
Vaste écrin de beauté, sur tes cheveux dansant.<br />
Tu resplendis dans l'onde tourmentée de penchant<br />
Jusques aux cieux rêvant de douceurs, en aval.<br />
La pâle beauté, libre de doutes anciens<br />
S'éloigne lentement dans ses frissons, sans bruit,<br />
Regagnant les surfaces de l'horizon lointain.<br />
Elle confond ses lumières dans un ciel obscur,<br />
Et part abandonnée sous la frayeur qui luit.<br />
Ô douloureuse et nue qu'aucun mal ne murmure !<br />
122
À Sandrine<br />
Repose sur ce sein que la paresse offense,<br />
Et brûle en ma raison tes prochaines fumées.<br />
De mon ravissement, embrasse les carences<br />
Qui s'imposent sur ma joue frappée et profanée.<br />
Alors pour ta liqueur, bois le fruit des délices<br />
Et organise un songe où tu reposeras.<br />
Qu'importe, vraie beauté, les mouvements factices,<br />
Car l'appel de ta chair me redemandera.<br />
Ah ! Courir sur les flots antiques de lumière !<br />
Qu'une étincelle éclaire et chante tes fureurs !<br />
À l'ombre du platane, je te vois, tu es fière ! ...<br />
Parée de tes bijoux, de parfums délicats,<br />
Tu lances des étoiles pour orner mes lueurs,<br />
Adorable beauté que j'aime, et qu'il brusqua !<br />
123
Qui donc du cerveau<br />
Qui donc du cerveau infécond que l'esprit aime<br />
Fait jaillir des monstruosités et des charmes ?<br />
Quel humain, quelle bête à l'étincelle suprême<br />
Proposerait le diamant comme la flamme ?<br />
Ce rarissime exploit en qui vit la nature<br />
Et croît à chaque instant, diadème nouveau,<br />
Rassemble les méfaits en sublime mixture,<br />
Et grave son empreinte sur le cœur de mon sceau.<br />
Qu'un Dieu, un jour superbe, couronne ma faible tête<br />
De cascades de lauriers pour ces œuvres stériles !<br />
Pour descendre mon âme au niveau de vos bêtes<br />
Aurait-il vu en moi un serviteur débile ?<br />
La nuit, la nuit obscure foudroie contre mes tempes<br />
Des feux bouleversants détruisant mon salut.<br />
Ces douleurs incisives, ces souffrances latentes<br />
Me condamnent à la mort, moi qui ne parle plus.<br />
124
Offert aux rêveries<br />
Offert aux rêveries d'un suicide, regardant<br />
L'astre décliner lentement dans les cieux,<br />
Ton ombre veut maudire ce paysage odieux.<br />
L'éveil d'un chant difforme, excessif pour ton corps<br />
Qu'on oublie TOUJOURS, solitaire des nuits, des jours<br />
N'est qu'un refrain perdu quand ton crachat s'endort...<br />
Et lourde d'amertume, l'âme chancelle au vent,<br />
Suit indolente et faible les noirs frissons d'hiver,<br />
Suit la flamme douceâtre qui brille dans les temps !<br />
Ô l'oeil fécond tourné vers les vives ténèbres,<br />
L'amour endeuillé, ivre sur tes lèvres détruites<br />
Pousse un convoi royal, majestueux, funèbre !<br />
125
Il retiendra son souffle<br />
Il retiendra son souffle, car lui ailé même dans les retombées de<br />
ses pluies, s'élève inlassablement. Il sonde les déluges, les tempêtes et<br />
les vents, et sous les vertes mers s'étalent les bruissements de ses eaux<br />
nouvelles.<br />
Il confondra les cieux d'ocre, les horizons de l'amour, les<br />
vagues et les cataclysmes. Même dans la topaze de ses yeux, renaîtra<br />
l'éveil de l'enfance heureuse.<br />
Au chant du golfe blanc, le visage de la vierge embrassera<br />
l'énergique appel du carillon des matins. Pour l'assaut de la nuit,<br />
circuleront les nuptiales rumeurs des astres étoilés. Et dans les<br />
miroitements des nébuleuses dorées, l'automne resplendira pour sa<br />
fatigue et sa langueur promises.<br />
L'évasive multitude parmi les vapeurs brunes, bouche ouverte,<br />
lèche déjà les montagnes du printemps qui peintes aux couleurs de la<br />
lave mauve, trempent leur duvet de soie dans les lacs glacés.<br />
L'empreinte diluée de son pas neigeux, et sa robe incrustée de<br />
126
minuscules diamants enveloppent le rivage de bronze et les couches de<br />
l'aurore.<br />
Il détiendra la clé et du rêve et de l'instant de l'homme car lui<br />
seul est ange et poète ressuscités.<br />
127
Il brillait dans les yeux<br />
Il brillait dans les yeux de ce rêveur ailé de lentes courses<br />
comme les fraîches vapeurs matinales se levaient dans les rayons à la<br />
teinture pastel.<br />
Dans les sous-bois où la fleur suave abandonne un parfum<br />
printanier, ses souliers faisaient craquer les petites branches mortes. Et<br />
quand il eut franchi le vallon - le vallon de mousse - ses pas<br />
accompagnèrent l'écho lointain.<br />
L'exil s'essayait à de folles transhumances, les fureurs<br />
s'enivraient de futiles préciosités et le jour descendait plus calme encore<br />
sur l'horizon limpide.<br />
Il baignait et entourait son coeur de mélancolies. Son joug<br />
condamna d'admirables complaintes. Ses regards enflammés par un<br />
esprit malin changèrent en haine toute chose vécue.<br />
Il but de ces liqueurs aigres et frelatées, et transperça avec des<br />
aiguilles remplies de venin la face humainement désespérante.<br />
128
Il aurait voulu<br />
Il aurait voulu des courses folles - démesurément folles - à<br />
travers la campagne, jouir des dernières chaleurs d'un automne avancé,<br />
et marcher à la recherche d'espoirs perdus.<br />
Il prévoyait dans toute sa candeur de fulgurantes et intensives<br />
excitations de l'âme, des sortes d'images transformées pourtant réelles<br />
suivant les lois internes de son esprit, suivant des pensées brutes tirées<br />
de son imaginaire.<br />
Étaient-ce des rêves éveillés où le réel côtoie l'indécis, où<br />
l'excès est maître de ses interdits ? Une liberté d'action parfaite dans le<br />
miroir de sa jeunesse !<br />
Une pierre jetée ricoche dans l'eau morne d'un bras de rivière, et<br />
la lumière questionne le présent et son temporel.<br />
Ce sont des vols d'étourneaux battant de l'aile, craintifs de la<br />
froidure. Ce sont des montagnes lointaines qui dansent là-bas. Puis la<br />
femme, belle et sensuelle qu'un espoir de conquête embrasse.<br />
La magie est à répéter.<br />
129
Il est un minuit<br />
Il est un minuit qui se perd et que tu enjambes malgré toi.<br />
Certaines concordances dissidentes naissent du coffre des ombres. Des<br />
feuillées d'abeilles tourbillonnent par-delà les minuits dans les grands<br />
regrets du mécanisme. Les tapis d'or placés sur les dômes d'azur ne sont<br />
que des succursales initiatrices de notre inconnu.<br />
Léger comme l'envol, virevoltant sur des incendies fraîchis,<br />
l'ange plonge dans les gaz et les étoffes et les mousselines argentées.<br />
L'horloge tinte les douze doigts de la présente année, et<br />
semblable aux modulations des cloches à venir, s'évadent des sonorités<br />
tels l'Angélus ou la Métaphore du Soir.<br />
130
À la cloche d'ivoire<br />
À la cloche d'ivoire, comme drapé de mélancolies diverses, il<br />
hume les survivances alentour éteintes. Par le jeu des syllabes, le grand<br />
précipice offre des chaleurs à ses dépravations intimes. Son masque<br />
d'argent se désagrège petit à petit.<br />
De l'éternelle et souffreteuse anecdote, on assure l'infini des<br />
jouissances. On promet un réel sublime que le sauvage doit faire naître<br />
en sa demeure. On détruit la rareté d'une force distincte...<br />
Immuable soir qui s'égare sous des nuées honteuses. Un coeur<br />
voué à la solitude sensuelle use des tentations et fait de l'être impur un<br />
mémorable délice en ce jardin de terre.<br />
131
Un froissement d'étoffes<br />
Un froissement d'étoffes court dans les environs putrides. Une<br />
décharge superbe, et le printemps resplendit aux fenêtres insoucieuses ;<br />
une démarcation légère, un regard pour ses yeux, et de luxuriantes<br />
larmes coulent sur son jeune front.<br />
Malgré l'intolérable monotonie des silencieuses commodités, le<br />
vent froid et sec parmi les gloires anciennes, malgré la fraîcheur exquise<br />
d'une rêverie embaumée, entend.<br />
Derrière l'amas des déchirures, plus loin que le contour qui se<br />
dresse, des pas approchent irrésistibles dans leur avancée. Lourds,<br />
encombrés d'alcool sain, je les sais qui s'en viennent TOUJOURS. Je les<br />
sais arriver. Il est temps de nous cacher, de revêtir ces voiles, ces châles<br />
qui traînent là dans la pièce. Viens, il est temps de mourir.<br />
Des répliques, des sinistres cachots, - quel amalgame ! Des<br />
diversités de saisons pluvieuses naissent et se reproduisent avec une<br />
rapidité affolante. Les forçats s'acclimatent à cette végétation, d'autres<br />
crachent les renvois de la déchéance, d'autres encore suintent, et se<br />
languissent de désespoir. Des masques pour les condamnées, des cordes<br />
pour les ignorants, des infusions pour les délaissés.<br />
Souviens-toi des rouges, des cambrures à l'extrême, de<br />
132
l'insipide râle, des fourberies nuisibles et des pitiés promulguées.<br />
Souviens-toi du cheval, des veules inquiétudes, des murs tombés en<br />
décrépitude.<br />
consoler.<br />
Vois comme j'avais raison ! Il est trop tard à présent pour se<br />
Sur des rêves où la tentation était déjà vouée à l'échec, je<br />
crachais comme d'autres expulsent l'air de leurs poumons. Je sombrais.<br />
J'ai bu de vos poisons, ô l'écrin, ô la monstrueuse déchirure !<br />
133
Minuits - points<br />
Minuits - points. Affirmations, épaves vaines inclinées sous des<br />
soleils souterrains ; et l'odieuse symphonie accorde un chant multiple, et<br />
les mots vibrent et se prolongent dans des espaces silencieux.<br />
Rêves : - froissements de jupes vertes, honorables fantasmes<br />
teints en des secondes inertes, protocoles inconscients pour des eaux à<br />
venir. Antique romaine ou hellénique soeur. Du sadisme douteux sous<br />
des cordes glacées.<br />
Pour quelle naissance, pour quelles vies nobles et justes ?<br />
134
Un tambour en rut<br />
Un tambour en rut comme des palpitations répétées, immuables<br />
saccades jouisseuses de mon sommeil et des sonorités sourdes<br />
dispensées dans une chambre capitonnée.<br />
Mouvement éternel qu'aucune brise n'effleure, mouvement de<br />
terreur et de folie tortionnaires.<br />
Un troupeau de ronflements monocordes simulant une envolée<br />
de galops profonds et venant d'un lointain inconnu, de l'infinité de mon<br />
être stérile qui gonfle mes tempes et boursoufle mes veines.<br />
Des gouttes de sang noircies par la haine jaillissent de tous les<br />
pores. Des masses visqueuses vivent, se reproduisent à une vitesse<br />
inexprimable.<br />
Soudain des cris. La tempête éclate et déchire et détruit toute<br />
sueur interne. Des ravages terribles, - d'anciennes garnisons englouties<br />
en un souffle, - un souffle mortel, œuvre satanique.<br />
Sont-ce des lueurs illuminant la face terne du moribond, un<br />
vulgaire traité de paix jamais respecté, un stratagème démoniaque ? Un<br />
compromis ? On avance un sourire aux lèvres. On avance toujours. Tous<br />
135
les membres sont crispés. Que fait-il ? Pourquoi ?<br />
136
Ô solitude morne et plate<br />
Ô solitude morne et plate qui envahis l'être d'admirables<br />
torpeurs ! Jadis tu m'étais inconnue... Pas un souffle de faiblesse pour<br />
respirer le calme mortuaire, la langueur et le déroulement infini du<br />
temps.<br />
Comme je soupèse le bonheur de l'homme seul, sa survivance<br />
profonde dans l'âme insondable ! ... J'interviens posément et goûte le<br />
luxe de la répartie. Je laisse confusément comme un monotone fleuve<br />
dans le cours de ses eaux, la folie sereine s'emporter vers des paysages<br />
perdus.<br />
En amont, une source pure et claire que des montagnes<br />
chérissent avec tendresse. En aval, la beauté majestueuse,<br />
l'épanouissement de la pensée.<br />
Eaux calmes, quand le silence règne en moi, comme je voudrais<br />
pour toujours m'endormir...<br />
137
C'était d'une humeur claire<br />
C'était d'une humeur claire, presque prompte à démêler les<br />
pensées nouées de l'âme que je me réveillai, ce matin-là. J'aurais pu<br />
selon la bonne remarque populaire, battre flots et tempête.<br />
Il est de rares saveurs que l'on ne goûte à l'extrême. Le temps,<br />
notre ennemi redoutable nous appelle à d'autres tâches. Mais ces instants<br />
de réflexions avaient une telle intensité qu'ils eussent pu être confondus<br />
avec des instants de bonheur...<br />
J'avançais comme un miraculé qui retrouverait le<br />
fonctionnement de ses jambes, émerveillé par la légèreté de son corps.<br />
Mais un bruit ultime, l'imperceptible bruissement de deux ailes,<br />
et le charme disparaît. Dès lors, l'engourdissement de mes jambes<br />
m'interdit de peiner davantage, dès lors l'intervention stérile du refus<br />
m'interdit quelconque action.<br />
Pourtant je te savais, et tu n'es déjà plus ! Tu disparais quand tu<br />
supplies. Tu fonds mes pensées quand l'œuvre m'attend. Insaisissable<br />
amie, comme je te demande ! ...<br />
Auras-tu l'audace d'éterniser mes lueurs ? Voleras-tu aigle royal<br />
138
dans les ténèbres de mes nuits ? Tu m'atteins aux premières requêtes. Tu<br />
t'éloignes lasse de rêve aux moindres tourments.<br />
Tu es ma maîtresse, et tu te joues de moi ! Essayer de parer ta<br />
puissance, c'est me compromettre et te voir disparaître à tout jamais.<br />
Délicate langueur, viens bercer encore mes rêves ! Sur cette<br />
bouche, invente l'acte suprême de nos mélancolies ! Tu es en moi et<br />
pourtant impalpable. Tu vis dans mon coeur, et tu te nourris de mon<br />
sang comme d'un sublime poison ! J'ordonne ta faiblesse, mais tu es mon<br />
amante et j'attends.<br />
Vivre en toi, par toi et pour toi. Oublier l'ignominieuse carence<br />
de ces faiblesses. Crier à tous la subtile saveur de la solitude ! Hélas, j'ai<br />
beau hurler, qui entendrait l'essence pure de la vérité ? Quel être<br />
acclamerait l'ignorance de ses actes ?<br />
139
Un éternel recommencement<br />
Un éternel recommencement comme puisé aux sources mêmes<br />
de la vie, des chutes étonnantes semblant mourir dans l'abîme infini de<br />
l'âme, des vibrations soumises à une excitation durable :<br />
Les méandres de la pensée conservent presque religieusement<br />
toute la saveur extrême de leurs nombreux secrets.<br />
Parfois tumultes incontrôlés, souvent miroir irréfléchi de ce moi<br />
étrange, je ne me déplais pas de posséder les admirables accidents qui<br />
contiennent ma personne et se jouent de moi, pauvre conscience.<br />
140
Miroirs de l'âme<br />
Miroirs de l'âme, encriers de nos cœurs, quand pouvons-nous<br />
respirer calmes et paisibles les odorantes fleurs ?<br />
Le rêve se pâme d'atrocités et pousse nos désirs jusqu'à des<br />
désespoirs toujours plus humiliants.<br />
La traîtrise activée par un feu intérieur, resplendit davantage, et<br />
le soir est mourant.<br />
Esclaves d'hier, comme je condamne vos paroles !<br />
Esclaves de demain, entendez ma miséricorde !<br />
Martyrs défigurés par les liqueurs fourbes, aigles royaux ou<br />
loups des cavernes, pourquoi accepter cette torture ? Pourquoi la haine<br />
de tout un peuple ? Pourquoi les floraisons de toute une forêt et pourquoi<br />
la barbarie gravée sur le sceau de l'homme ?<br />
141
Les ondes turbulentes<br />
Les ondes turbulentes, les nacres bouillonnantes, les incendies,<br />
les glaives, les suprêmes disques de l'azur, les chocs sinistres et deux<br />
contradictions dans l'ouragan frénétique !<br />
Blessés, hommes terrassés, femmes défigurées, vieillards<br />
impotents et cheval fougueux jetant sa crinière blanche dans les<br />
cavalcades du temps.<br />
Carnassiers de l'amour, spectre figuratif : qu'on restitue l'image<br />
sacrée, qu'on étouffe les sanglots de nos chœurs, qu'on brave la nécessité<br />
révoltante ! Quelle heure, quel instant pour approfondir les causes de la<br />
cité ?<br />
Dans ce souterrain visqueux<br />
142
Dans ce souterrain visqueux, j'observe la foule macabre qui<br />
avance insouciante dans les dédales de la mort. Sans crainte, d'un pas<br />
égal, la longue file composée de vieillards, d'enfants et de femmes<br />
enceintes s'étire et déambule.<br />
On dirait le pèlerinage des temps sacrés quand de lentes<br />
cohortes de croyants traversaient les déserts arides.<br />
Ils continuent et s'engouffrent dans les graves ténèbres. Les plus<br />
vieux se refusent de mourir en bordure de la voie. Ils trébuchent éreintés<br />
par l'épuisante marche, mais ils avancent encore.<br />
Aucun signe de révolte ne se lit dans leurs yeux. Des visages<br />
livides, des masques peints, des regards attirés par une force invisible.<br />
J'ai voulu m'approcher pour les interroger, mais quelles<br />
réponses attendre de spectres ? Au matin, las d'observer leur atroce<br />
procession, je cherchai à me reposer quelques instants dans ce<br />
souterrain. Mais dans mon rêve, ils avançaient encore et défonçaient<br />
mon crâne de leurs horribles pas.<br />
143
Sur les scènes des partages<br />
Sur les scènes des partages, les médisances sublimes et les<br />
cascades et les sanglots : - l'or pur est convoité et arraché à la manne<br />
céleste.<br />
Les masques plombés tombent enfin, loin du réel malfaisant. Le<br />
plancher est tremblant sous le bruit terrible des carcasses.<br />
Une sorte de foudre voudrait que ce fût lui, vendu au sacrement<br />
de l'église, rejeté pour d'odieuses complaintes.<br />
Le temps pour sa maigre peau a ceint l'étoffe noirâtre. Son<br />
testament est éblouissant.<br />
Entends les sarcasmes et les rires et les joies. Nous bénirons la<br />
Sainte Éphémère, et donnerons l'eau neuve pour cette effigie consumée.<br />
Par-delà les éthers glacés, frissonneront les insondables cérémonies, les<br />
prières et les gloires.<br />
Sublimes mascarades des esprits. Nécessités des familles. Ô<br />
découvertes des âmes !<br />
144
Par la femme mystique<br />
Par la femme mystique, l'œuvre nous rassemble. Les gerbes de<br />
fleurs montent, se propagent sous les toits des antiques demeures.<br />
catacombes.<br />
Les cieux vulgaires constituent le morbide recrutement des<br />
C'est le délice dans les champs de neige ; aussitôt que<br />
l'éloquence gronde parmi les hêtres et les violettes, le Fils, ornement<br />
qu'elles méprisent ou non, devient symbole et mythe admirés.<br />
Bouffies, impies et jonglant entre deux lignes équivoques, elles<br />
encensent leur passivité et leurs douces attitudes.<br />
Peuvent-elles comprendre le sens de la pâmoison et se<br />
reconsidérer dans la tournure de l'acte ?<br />
145
Par la grâce et la discorde<br />
Par la grâce et la discorde, contre le fatalisme stupide, contre<br />
l'investiture d'une nonchalance, c'est toujours la logique immuable qui<br />
règne sur les appâts.<br />
Aux chaleurs extrêmes, l'évidence quoique pernicieuse restitue<br />
la morale jusqu'à l'extravagance de son soupir. Tu condamnes les<br />
blessures, tu hurles à la liberté.<br />
comprendre ?<br />
Je parle de simagrées et d'intolérances, mais pourras-tu<br />
146
Un simple cri sur ta bouche<br />
Un simple cri sur ta bouche et le délire naît de ma domination.<br />
De l'esthétique inouï aux contemplations vaines, le goût âcre de<br />
l'amertume s'éloigne dans le bruit sinistre de la nuit claire.<br />
Pour ton harmonie, mille couleurs ternissent d'une encre pâle un<br />
manuscrit maintes fois oublié. Les tiroirs du secrétaire condamné pour<br />
toujours garderont dans leur ventre de bois des substances peut-être<br />
exquises. Renfermeraient-ils une gerbe de délices ?<br />
Du théâtre à l'actrice première, des chants d'espoir aux<br />
catacombes pourries, oh ! un monde fourmille, une saveur parfume la<br />
chambre promise à des sourires amers ! ...<br />
147
Un ivoire brillant<br />
Un ivoire brillant où resplendit une rangée de dents équilibrées,<br />
une bouche fine et menue, hymne au baiser et à la tentation du coeur,<br />
une peau brunie par des rayons vermeils, je la vois qui s'étire, désinvolte,<br />
insouciante de sa nudité. Elle me regarde avec ce sourire enfantin qui dit<br />
: as-tu bien dormi ? Je lui souris et vais délicatement me plonger contre<br />
ce corps chaud encore d'une nuit passée à s'aimer et brûlant des plaisirs à<br />
venir.<br />
De languissantes étreintes aux rythmes accélérés elle se tord,<br />
enroule, souple serpent, ses longues jambes sous les draps soyeux, etc...<br />
148
Je croyais voir<br />
Je croyais voir en l'or de tes cheveux un nuage tendrement<br />
endormi sur des aquarelles mortuaires. J'y discernais un convoi de<br />
broderies éparses, et j'embrassais dans cet amas confusément respiré la<br />
rêverie lointaine. Je m'égarais dans les parfums, dans les sueurs de nos<br />
amours anciennes.<br />
Mais toi d'un geste dédaigneux, presque machinal tu passas ta<br />
main blanche et bien faite dans ce désordre de mèches blondes, et la<br />
noble rêverie s'est plu à se défaire, n'est-ce pas, Isabelle ?<br />
149
C'est un spleen<br />
C'est un spleen qui renferme toute la nostalgie d'une lueur<br />
sublime, une douloureuse faiblesse de coeur recueillie dans la solitude,<br />
morne solitude près du feu pétillant de la cheminée, où le seul ami est<br />
peut-être encore cette bouteille de vin rare et ce verre de cristal.<br />
Glacial amour, amour tendrement chéri, amour rêvé, amour<br />
volatilisé que la fantaisie de la femme reproduit inlassablement comme<br />
pour retenir son idéal, comme pour retenir le temps !<br />
Et la dernière lueur du brasier s'est plu à mourir. Ce n'est plus<br />
qu'une lumière douceâtre qui baigne la chambre décorée de bibelots<br />
rares et de meubles fort anciens.<br />
Ce n'est plus qu'un désir impossible qui resplendit encore dans<br />
l'âme d'Agathe. Ce n'est plus qu'une douleur inconsolable qui vit dans le<br />
coeur d'Agathe.<br />
Enivrée par le nectar, elle s'endort entourée de somptueuses<br />
étoffes posées nonchalamment sur le divan superbe.<br />
Parée de somptueux bijoux, l'oeil hagard et livide, soulevant<br />
d'une main nonchalante quantité de soierie déposée sur le divan, elle<br />
150
êve aux délicieuses soirées passées chez les De Busy.<br />
Et des images tenaces, toujours martelant son âme voyageuse<br />
s'amoncellent les unes contre les autres comme une pellicule de film<br />
inlassablement répétée.<br />
Et dans ses souvenirs voués déjà à l'ennui, elle multiplie les<br />
scènes, grossit les visages, et espère embrasser dans cet amoncellement<br />
de détails, l'instant unique et sublime que son esprit s'était juré de ne<br />
jamais oublier : le regard saisissant du jeune homme aux yeux foncés,<br />
tirant vers un marron extrême, - ce regard de feu exprimant toute la force<br />
et l'intrépidité de la jeunesse conquérante. Oui, malheureuse, presque<br />
envoûtée par ce sourire d'ange, par cette bouche suave, elle éternise son<br />
évasive rêverie sur le caporal blond.<br />
151
Un idéal songeur<br />
Un idéal songeur où la seule fortune de l'esprit consisterait à<br />
grandir des images pieuses comme issues d'un Livre d’Écritures, où la<br />
seule tentation de l'âme serait d'usurper et de drainer dans sa propre<br />
logique les pensées éparses qui s'incrustaient dans les parois de son<br />
esprit. Une expérience en soi unique, vécue en autarcie suivant des lois<br />
internes et presque rationnelles, tel était le souhait, ô combien désiré<br />
depuis sa tendre enfance par Magisture.<br />
Élevé dans une famille peu soucieuse d'instruire et d'imposer<br />
une éducation stricte et conventionnelle, il grandissait dans une liberté<br />
complète, pouvant à chaque moment décider de ses agissements.<br />
Jeunesse heureuse et sans contrainte, Magisture chérissait ses parents<br />
avec tout l'amour qu'il était permis de posséder à cet âge-là.<br />
Mais son rare ennemi, si ennemi était, inquiet de la faible<br />
rigueur parentale était un oncle qui visitait deux ou trois fois dans<br />
l'année, pendant les fêtes importantes, la maison des Ursus.<br />
De quelques années l'aîné de Madame Ursus, il ne pouvait<br />
s'empêcher de déplorer l'éducation trop peu conformiste dont un enfant<br />
en si bas âge jouissait.<br />
152
Des remarques subtiles et des cris d'alarmes moralisateurs,<br />
telles étaient les seules conversations qui jonchaient les interminables<br />
repas. Ces derniers se poursuivaient fort tard dans la nuit jusqu'à des<br />
heures avancées qui faisaient bailler de rage la pauvre Madame Ursus.<br />
153
C'était un vieux boudoir<br />
C'était un vieux boudoir où tremblaient des spectres d'ombres,<br />
où un mal invisible rôdait lugubre parmi les meubles de la pièce. Point<br />
de mots, points de regards - une attente éternelle épiait le moindre bruit,<br />
l'infime craquement des planchers. Les boiseries comme travaillées<br />
nuitamment gémissaient de douleurs et de plaintes répétées.<br />
À travers les carreaux de la fenêtre obscure, une lune pâle,<br />
ronde comme une hostie propageait ses rayons blanchâtres - un instant<br />
sublime que la peur éternisait, un instant d'inquiétude et de bonheur en<br />
soi.<br />
Il y avait les masses inertes de nos chairs blotties dans de<br />
profonds fauteuils. Les yeux du chat luisants étaient prêts à s'enfuir. Et<br />
nos mains transpiraient de faiblesse et d'effroi.<br />
Un coup de tonnerre puissant et le silence disparaît. Un cri<br />
perçant de sa gorge étroite, s'expulse et se propage en dissonance dans la<br />
pièce. Un cri inhumain et la femme indécente se transforme en vampire !<br />
154
Que reste-t-il des vils tourments<br />
Que reste-t-il des vils tourments, des promenades sous les<br />
orages soufreux ? Et toi, pauvre esprit disparu au fond de l'enfer, quand<br />
reviendras-tu ? Mais pour ces désespoirs, emblème facile de la dernière<br />
intonation écrite, qu'adviendra-t-il ?<br />
Idolâtre monstre d'une rosée tournée sur des feuilles tombantes,<br />
semblable amertume de mes yeux embués d'une marque dantesque, ô<br />
maussade gestation dégénérée sur un corps inconnu, que pour cette<br />
réponse resplendisse le tombeau de nos anciennes demeures ! Oui, que<br />
du maître légitime, une place minuscule me soit déjà promise, car<br />
j'ignore la décrépitude de la tache, mais je transpire le prix de<br />
l'insupportable souffrance.<br />
Un quatrain, deux quatrains, cent mille quatrains disposés sur<br />
des tranches de bois, un sonnet centenaire donné à des générations<br />
insouciantes, des déchirements noircis et copiés à la hâte pour oublier le<br />
désœuvrement. Ô l'espérance d'une reconstitution d'un univers douteux,<br />
comment saisir le nectar d'un éloge ? Sous quel roi ? De quel droit ?<br />
Épargneras-tu les martèlements incessants d'une jeunesse<br />
laborieuse ? Attends-tu déplorable créature l'impossibilité de ma<br />
155
croyance ?<br />
Mais de son silence naît un profond silence, plus terrible encore<br />
car plus noir dans toute sa solitude !<br />
156
J'ai volé<br />
J'ai volé à l'arbre frêle une mince couche de miséricorde, j'ai<br />
enflammé un coeur déjà perdu à la cause première, j'ai délaissé des<br />
promesses impossibles, des vœux d'amour, j'ai joué avec la connaissance<br />
usurpant çà et là des fruits de stupides saveurs.<br />
Sur une couche, j'ai réinventé l'acte suprême fort d'une<br />
imagination débordante. J'ai transformé des images pieuses en symboles<br />
multicolores me réservant le droit divin de retoucher comme un peintre<br />
l'empreinte de son tableau, les vicissitudes de mes rêves transparents.<br />
Plus loin encore, alchimiste de génie, prêt à découvrir le secret<br />
ancestral, j'ai brûlé dans des flammes vives la page blanche d'un poème<br />
jamais ébauché.<br />
Vaste mutation proche de la réalisation, hésitantes exactitudes<br />
vouées à un échec constant, quelles merveilleuses farandoles qu'une<br />
rêverie obscure dispensait dans les ténèbres de mes nuits !<br />
Magicien doué d'une sagesse constante, séraphin démoniaque<br />
ou démon divin ? Qu'importe ! Tous ces noms gravés comme des dalles<br />
de marbres dans mon crâne fatigué, qu'importe !<br />
157
Dans des cavernes fantastiques, je me suis promis les couleurs<br />
du printemps, - des pastels, des mauves, et des argents rouges comme le<br />
vin et blancs comme l'écume. Ô l'arc-en-ciel transporté dans les basfonds<br />
de la terre !<br />
Moi, homme de nuit respirant les fleurs disposées en corolles,<br />
humant les senteurs de mon propre univers, Moi enfant qui trébuche et<br />
succombe dans les dédales, Moi et la pluie, et le soleil et les étoiles, et<br />
Moi encore !<br />
Quel vain et âcre mélange dont les fruits bouleversent les<br />
sueurs extrêmes des envolées ! Quels affreux cauchemars qui conspirent<br />
complaisamment pour jouir de mes souffrances sanglantes ! Oh ! Le jeu<br />
de la mort ! Aucun vivant ne peut se défendre ! La mort tentaculaire qui<br />
possède corps et âme, se vautre dans des rires immondes retentissant<br />
encore dans les globes de me oreilles ! Oh ! La faux brillante persécute<br />
l'oeil torve imbibé d'alcool ! Oh ! Les scènes de pillage ! Oh ! ...<br />
158
Mourir dans les bras<br />
Mourir dans les bras de cette gueuse et rêver de soupirs<br />
merveilleux, d’extases inassouvies dans un lit de satin blanc.<br />
Ainsi toujours vers cette demeure prénuptiale, mon coeur,<br />
entends l'aventure grandie, écoute les complaintes perceptibles dans l'air<br />
safrané.<br />
Miséricorde, valeurs fictives, décadence de ses yeux, Seigneur,<br />
souffrez que j'aperçoive une autre vision enrichissante, car douloureuse<br />
cette horrible passion me mine tristement.<br />
J'entrevois les portes fatidiques d'une mort certaine etc.<br />
159
Un cloître très ancien<br />
Un cloître très ancien soutenu par quatre piliers en briques<br />
roses, une fontaine au centre où une eau stagnante semble mourir de<br />
solitude. Un dallage épais comme délimité par des touffes d'herbe<br />
éparse, un toit d'ardoises grises que les derniers rayons d'un soleil<br />
automnal caresse presque complaisamment.<br />
De ce morne bâtiment resplendit toute la prospérité<br />
moyenâgeuse d'une capitale catalane.<br />
160
Pour l'archaïsme en fuite<br />
en plein Sinaï.<br />
Pour l'archaïsme en fuite, des larmes, des torrents, des cascades<br />
flamboyants.<br />
Pour l'élection douteuse, le vol des aigles royaux sur des duvets<br />
des tourments.<br />
Pour la malédiction de l'enfance, un cri de détresse au centre<br />
Quant à l'outrance répétée, insultée par des huées sérieuses, tout<br />
finira par se comprendre.<br />
161
En tête<br />
En tête pour le sacrifice qu'une chute abolit dans ses<br />
gouttelettes grossissantes, et pour ce vain partage de l'exploit ranimé<br />
sous nos yeux. Je détruirai l'immortalité hors de sa pénitence, je<br />
frapperai le fruit sacré que l'homme malveillant exploite. J'inonderai de<br />
purs services la connaissance du prodigieux dessein.<br />
162
L'incompatibilité I<br />
Dédaignant une forme première,<br />
Le doute lentement s'endort.<br />
Qu'il vole l'écrin dans ce désert<br />
Semé de pierreries et d'or !<br />
L'amas de ces faiblesses ultimes<br />
Respirées sur des velours<br />
Est parfois légitime<br />
Et parfois maître de ma tour.<br />
Que je ne sache de l'inconnu offert<br />
La tentation maintes fois retrouvée.<br />
Ce feu cuisant qui me dévore<br />
Sait trop bien me torturer...<br />
Vois, honte suprême de mes délices,<br />
L'éternelle folie pareille aux aimés,<br />
Remplir et faiblir par des supplices<br />
Le cœur âcre et disgracié.<br />
Au tombeau, rempart extrême du bonheur<br />
Une lente agonie prépare en ton honneur<br />
163
La noirceur vile des Bacchantes<br />
Et promet, lugubre survivante,<br />
Des fiels suaves et de superbes jougs.<br />
Mais à l'extrême langueur de mon être,<br />
Je ne puis accepter du tout<br />
L'odieuse cérémonie de disparaître...<br />
164
L'incompatibilité II<br />
Dédaignant une forme première<br />
Où un doute lentement s'endort,<br />
Je vole au stérile hiver<br />
L'écrin parsemé de pierreries et d'ors.<br />
L'amas de faiblesses intimes<br />
Respiré sur ce coussin de velours<br />
Me semble parfois légitime<br />
Et parfois maître de ma tour.<br />
Que je ne sache de l'inconnu effort<br />
La tentation maintes fois retrouvée !<br />
Ce feu cuisant et fourbe qui me dévore<br />
Aura tout fait de me torturer ! ...<br />
Vois, honte suprême de mes délices,<br />
L'éternelle folie pareille aux aimés<br />
Remplir de lugubres supplices<br />
Le cœur âcre et disgracié.<br />
Au tombeau, rempart extrême du bonheur,<br />
Une lente agonie prépare en ton honneur<br />
La mort livide et luxuriante<br />
Et promet - maudite survivante -<br />
165
Fiels suaves et superbes jougs !<br />
166
Lie qui incube<br />
Lie qui incube, ô satané,<br />
Le réveil des nymphes posant<br />
Dans cette orgie ailée,<br />
Ébène, ivoire luxuriants.<br />
Mordre haine sanguine<br />
Et possession de la mort<br />
Pour une vile libertine,<br />
Terrible, sublime sort.<br />
Enroulées du ptyx macabre<br />
Chantant des Te Deum à pleine voix<br />
Entre poignards et sabres,<br />
Presque dévêtues du linge blanc,<br />
Qu'il retire violent dans sa foi<br />
Le Démon rit de son rire sanglant !<br />
167
Sache...<br />
Sache...<br />
Les chairs des lignes promenées<br />
En cercles vibrants, et l'oracle<br />
Caressant le sol nu de ton espace.<br />
Tu modules la granitique fonction<br />
De l'Ange ou du Météore.<br />
Cristaux de gaze enveloppés d'atomes,<br />
Ô substances épurées et soleils de neige !<br />
Mais ta bouche trousse l'innocence<br />
Comme tu contribues au sens crayeux !<br />
Impossible chimère inviolée en ce terme,<br />
Scabreuses fioritures et pensées interdites,<br />
C'est de ton nom que naîtra l'évidence.<br />
168
Dominateur<br />
Dominateur de l'épée disparue,<br />
Et sexe tenancier dans ces beautés sublimes :<br />
Florence, possédée sous l'antre bestial,<br />
Braillant son torse poussif et distendu.<br />
Nanou, dispendieuse de l'âcre besogne<br />
Volant au fil de l'âge sa jupe écorchée.<br />
Et Lore criant aux champs tapissés.<br />
Détroussées dans l'habit vert<br />
Des pâles naïades<br />
Et crachotant une foi débraillée,<br />
C'est l'extrême frayeur de l'incertitude :<br />
La rose puante est déflorée.<br />
169
La danse de l'idiot<br />
Les poings liés sous les convulsions d'une danse<br />
Macabre, agité de soubresauts, grimaçant,<br />
Le visage boursouflé par l'alcool, et immense,<br />
Un homme aux mains osseuses dans un rêve, chantant ;<br />
Ses pas répétés excitant la furieuse salle<br />
Qui applaudit encore envoûtée d'une fièvre,<br />
Qui vocifère et rit quand le manchot s'étale,<br />
Une foule balbutiant des paroles sur des lèvres ;<br />
Et la bouche ouverte à une dentition putride<br />
Où le venin coule à profusion, et l'écume<br />
Blanchâtre qui mousse toute semblable aux liquides.<br />
Des biles à expulser ; pour unique fortune,<br />
Quatre pièces jetées dans une casquette sale.<br />
L'idiot danse, danse encore ! Ô destinée fatale !<br />
170
Silence<br />
Par cette heure solennelle, en cet endroit superbe,<br />
Je ranime l'espoir, cause de mon remords,<br />
Je te salue, Seigneur. Agenouillé sur l'herbe,<br />
Je prie confusément pour le repos des morts.<br />
Là, nu devant mon Dieu dans l'ultime détresse,<br />
Pour l'œuvre de souffrances de son fils détrôné,<br />
Je supplie mains offertes le germe des faiblesses<br />
Qui grandit quelque fois dans les cœurs fortunés.<br />
Mais dans ta bouche, aucun murmure qui ne s'exhale !<br />
Aux puissances extrêmes invoquant le pardon,<br />
Qui donc parmi les ombres, au plus pur de son âme<br />
Entendrait une plainte pour implorer ton nom ?<br />
171
Enchaîné<br />
Enchaîné sous des monstres d'or et d'écume<br />
Quand des trompettes argentées sonnent le tocsin<br />
Et fuyant l'infortune chère, reflétée<br />
Par des prismes, aquarelles, et devins ;<br />
Langueur de son être proposée en ce siècle<br />
Où se fondent les mornes reflets bleus de l'été,<br />
Qu'il compte les sentiments de ses frayeurs<br />
D'horizons lugubres jamais dépeints !<br />
Qu'il vante le prompt éloge des ressemblances<br />
Accrochées tristement à de vaines survivances,<br />
Le poète, que la brise jamais ne retient<br />
Sur le cœur horrifié qui fut toujours sien !<br />
172
Nul n'arrêtera<br />
Nul n'arrêtera les frayeurs promises à son front si clair ! Pas la<br />
moindre tempête, par le plus sordide cataclysme n'épancheront de<br />
fièvres froides la douceur de ses plaintes.<br />
Il vit profond et immortel dans sa retraite, caché au plus loin<br />
dans les bois. Il dort d'un sommeil paisible et contemple la nuit les<br />
grands champs alentours.<br />
Encensez la sagesse de son coeur, embrassez son calme<br />
mortuaire. Ce sont ses bouches qui vous parlent ! Écoutez-le !<br />
On se joue de lui pour un écrin de perles ? - Bath ! Personne ne<br />
verra le diadème de feu qui l'habite.<br />
Son secret divinement gardé sera donné au maître des lieux.<br />
Mais quel secret ?<br />
173
Fuir, fuir !<br />
Fuir, fuir ! Mais où ? Quelle destination sublime ou quel mal<br />
nous dépècera encore ?<br />
Je suis parti ! Une mélodie étrange d'évasion, un instant de<br />
solitude espéré depuis tant de mois... Et puis... Et puis la chute !<br />
délivreras-tu ?<br />
Oh ! L’incertitude, soeur de mon enchaînement, quand me<br />
Pourtant dans l'Azur, le matin je vois parfois les premières<br />
pierres d'un Temple, et je souris quand les rayons frappent d'un éclat<br />
vermeil les plus hautes fenêtres de ma demeure.<br />
174
Ainsi toujours<br />
Ainsi toujours de sombres tyrannies en moi ! Que je dévoile<br />
une à une les pensées équivoques, les trombes redoutables, les<br />
souffrances subies ! Que j'aille durcissant mes forces dans le combat<br />
immoral, le combat sans défaite et sans vainqueur !<br />
Tu te romps silencieux, et les coups portés ne sont que des<br />
leurres ! Tu projettes ton image, tu obtiens le maléfice.<br />
Que reste-t-il à inventer ? Une morale prescrite depuis deux<br />
mille ans. En un mot, un monde transformé suivant les transcendances<br />
de notre peuple.<br />
175
Tandis que l'ancienne famille<br />
Tandis que l'ancienne famille pullule dans des portées<br />
grandissantes, le roulis sur nos dos nacrés résonne véritable tambour.<br />
C'est la fête dans les tapisseries et sur les chandails violets. Le<br />
rythme aigu du clairon va à la charge.<br />
L'effondrement des sens et le mouvement perdu dans les ondes<br />
fortuites, les verras-tu ?<br />
L'orgasme vendu, exploité, toléré prolonge l'intimité. C'est le<br />
repos banal ! La suite s'invente sur des rêves d'or.<br />
Le millénaire réunit une dernière fois nos âmes ténébreuses. Il<br />
les jettera dans la fosse des douleurs.<br />
176
Par sa magique essence<br />
Par sa magique essence, un Saint corrompt les destinées et<br />
puise aux fruits de l'insolence le vêtement dont il doit te couvrir.<br />
Il est profondément éprouvé. Des moribonds et des cadavres<br />
s'entassent sur les restes de son royaume.<br />
Aux pieds de la dalle marbrée, d'imposants candélabres<br />
croulent sous les venins des honorables dépositaires.<br />
Cependant que l'heure disparaît en un temps indéterminé, que la<br />
lumière rapide comme la ligne bleue circule parmi les nuages, la grande<br />
fable émerveille encore les multitudes composées de savants.<br />
Que diras-tu à la bouche ensevelie dans le Temple de rubis ?<br />
Que composeras-tu pour l'exploit du piteux contemporain ? Dans ta<br />
danse superbe, je te sais prêt à jaillir et à persécuter l'honneur de la<br />
raison.<br />
Féerique étoile au goût âcre de la vie, il entendra par-delà le<br />
miroir épais, le songe fabuleux de la vison primaire.<br />
177
L'architecture de la femme<br />
L'architecture de la femme ouvre ses yeux et dépose ses rayons<br />
rougis par le soleil. Pieds nus, tête penchée contre le regard pensif de<br />
l'éclusier, l'eau monte le long de la façade de bois - la cour est haletante.<br />
Elle vocifère l'inexpérience et sa paresseuse blancheur.<br />
Quant aux tapisseries, elles noircissent lentement sous les<br />
fouets du saule pleureur.<br />
Tout s'éloigne<br />
178
Tout s'éloigne dans le tombeau des phrases : - un hôtel ancien<br />
supporté par quatre murs grinceux, une bouche d'incendie dont la<br />
peinture rouge s'écaille faute d'utilisation, une rue passante illuminée par<br />
des lampadaires phosphorescents, et un froid incandescent prêt à bondir<br />
au premier de mes pas.<br />
179
Le ruissellement grimpe<br />
Le ruissellement grimpe et circule autour de la renommée des<br />
cascades. Il prolonge son effort dans les bruits modulés des sources<br />
primaires.<br />
C'est le nouvel exploit détruisant toute logique démoniaque,<br />
l'affranchissement de l'impossible, la transformation désirée depuis tant<br />
de siècles !<br />
L'objection ? ... Quelle objection ? Le mécontentement risque...<br />
Il n'y aura plus de mécontents !<br />
Que des pluies de diamants baignent leurs chants de lumières<br />
interdites ! Que le soleil bleu au couchant brille, divin, sur les coteaux,<br />
les plaines et les contrées !<br />
Que le vide cautionne la matière ! Que du néant naisse<br />
l'invisible, du doute la vérité ! Que etc.<br />
180
Elles tournoient<br />
Elles tournoient et se jettent dans l'obscurité ou l'insipidité de<br />
l'espoir. Un orgasme s'en souvient. Lui les invente et se meurt.<br />
Des pâmoisons, des meurtres indécis, des coups de feu. Du<br />
théâtre imaginaire où l'action métamorphose la vaillance du cœur, quel<br />
ténor put mieux chanter ?<br />
181
La providence exerce<br />
La providence exerce un magnétique attrait sur le cerveau<br />
embué de tournures exactes. Il se chevauche médisance, calomnie,<br />
despotisme qui font frémir de crainte la sagesse mystérieuse.<br />
Jamais éphémère tentation n'a rendu l'homme si stupide !<br />
Parfois un philtre virginal, candide, confondu avec de grotesques nudités<br />
se décharge sur la prospère marée des blasphèmes.<br />
Le jugement sauvé par certains, s'échoue sur ces récifs aigus !<br />
Mères, femmes, jeunesse féconde, je crie une rare vérité,<br />
j'appelle le mot heureux qui fera de demain la justesse de ma voix,<br />
j'invoque...<br />
182
Des délégations fourvoyeuses<br />
Des délégations fourvoyeuses de lyres et de cloches teintées au<br />
carême de la paix. Je dirais frémir des pétales mauves et or sous les<br />
couleurs tamisées de la grande place.<br />
Ce sont des chants patriciens gardés à l'étoile qui se meurt<br />
doucement dans le soleil âcre.<br />
Toute tentative fléchit naissante. Qu'on vieillisse le sacrement,<br />
qu'on interdise la tromperie, et plus jamais mélodieuse bouffée ne<br />
s'envolera derrière la masse écarlate et grelottante.<br />
Contre des sépias, un dressage. De troublantes farandoles<br />
tapissent de haine les moindres lumières voilées. Le faisceau veut briller.<br />
Le retard espéré transformera en désert stérile la bouffonnerie<br />
de leur musique odieuse.<br />
183
J'expérimente le salut<br />
J'expérimente le salut. L'incandescence - abstraction faite de<br />
miroitements - conspire et soulève mon âme comme un péché obscur<br />
dont on se joue cyniquement.<br />
Et partant de l'idée que l'incrédule est maître du royaume, je me<br />
plais à découcher l'insanité profonde qui resurgit du fond de mon esprit.<br />
Hélas cette projection spécifique n'est que le gouffre inné,<br />
toujours vierge de mon inconnu.<br />
Du néant se métamorphose le Néant. Je confesse l'impuissance<br />
dérivée de sa charge primaire. Mais est-il nécessaire qu'il puisse<br />
surpasser le doute et vaincre la supercherie ainsi déclamée ?<br />
Ignorance, - tel est le mot, ignorance !<br />
184
Sur les collines en pente douce<br />
Sur les collines en pente douce, l'eau neuve de nos cités, et tu<br />
criais pour boire goulûment à la source claire qui murmure.<br />
L'effet ponctuel constituant l'effort à l'état pur te ressemble<br />
quelque peu. Pourtant tout n'est que passion, drames, incertitudes.<br />
Sous la terre inculte, le songe dressé et disparate fertilise<br />
quelque fois. Tu travaillerais ce sol et sèmerais les graines de ton labeur,<br />
pourtant aucun feu, aucune loi, aucun soleil.<br />
Entre le ciel et l'eau, la danse sacrée et le son impuissant des<br />
tambourins. Tu aurais aimé vivre et voltiger parmi les feuilles et les<br />
arbres et les vignes, pourtant point d'opéra ni d'orchestre ni de<br />
musiciens.<br />
185
Des pétales mauves<br />
Des pétales mauves et roses accrochées aux arbres des<br />
pelouses, d'énormes camélias posés çà et là sur des terres labourées. Le<br />
jeudi, après le délassement matinal, nous gambadions déchiquetant de<br />
nos pieds menus la première herbe verte d'un printemps.<br />
186
Le froid crépusculaire<br />
Le froid crépusculaire chasse les dernières rougeurs d'un soleil.<br />
La plaine luxuriante s'abandonne aux glaciales tempêtes. Novembre<br />
terrible à l'est d'une saison surchargée d'humidité, de feuilles mourantes,<br />
Novembre quand se tord la rivière pâlissante, Novembre plus rien ne<br />
resplendit.<br />
À la rivière morne s'enfonce mélancoliquement, ultime fois ! -<br />
l'astre pur, las d'un terrible automne, qui d'un rayon oblique lèche une<br />
surface plane sans ronds propagés hier par la chute de minuscules<br />
cailloux.<br />
Éloignée, ô rite éternel, vacille nature cependant que l'espoir<br />
frappe contre les bordures de la vieille fenêtre. Endors-toi à l'aube de la<br />
complainte et de l'inconnu. Dors.<br />
Ce sont des grêles vêtues de robe cristalline reflétant çà et là les<br />
infinités d'un ciel éclairé de lourdes faiblesses, gonflant les bras de ces<br />
eaux, - ce sont des nuages bleutés transportant l'aquarelle du printemps.<br />
La femme renaissait sous les pétales de la rose et brunissait les<br />
chaleurs de l'automne. Une baignée dans les verdoyantes pâtures, et un<br />
signe de ta bouche, pâle déesse des râles, l'alliance s'éternisait<br />
187
De l'heure toujours mortelle<br />
De l'heure toujours mortelle où en ces lieux superbes,<br />
Je ranime l'espoir, cause extrême du remords,<br />
Temple, je te salue et m'agenouille sur l'herbe<br />
Qui confusément pousse sous le regard des morts.<br />
Un démon se souvient<br />
Un démon se souvient, et exauce ses vœux,<br />
Vomit cyniquement la tentation divine,<br />
Et arrache despote son cauchemar heureux !<br />
Dans les sombres ténèbres, luxes de désespoir,<br />
Elle, lubrique et lugubre sous les transes sanguines,<br />
L'âme horrifiée se meurt un peu plus chaque soir !<br />
188
Pour l'ombre de toi-même<br />
Pour l'ombre de toi-même, tu voltiges et tu plonges<br />
Dans le pur infini de ton morne délice.<br />
Et battrais-tu de l'aile ? Toi tourmentée tu sondes<br />
Les aurores oubliées par ton Génie propice ! ...<br />
Lourd amas de vertus tournoyant dans l'orage,<br />
Ton esprit s'égarait dans son Azur épais !<br />
Sous le déchirement de l'éternel carnage<br />
Un mage déployé venait et fécondait !<br />
Que tu soulèves les roches, exilée dans ton âme,<br />
Un Océan s'agite jusques à l'embouchure.<br />
Et dans les sombres traits de l'odieuse voilure,<br />
Tel l'étrange vaisseau qui longe ses parures,<br />
Du pur consentement toi tu vas et regagnes,<br />
Les mâtures inventées, les vagues et les drames !<br />
189
Que tu proposes nue<br />
Que tu proposes nue<br />
À ma souffrance ancienne<br />
Fruits, délices conçus<br />
Avec liqueurs suprêmes,<br />
Lentement de l'éclat<br />
Reposé sur un cœur<br />
Un souffle poussera<br />
Cris sublimes et candeurs...<br />
Perdue une seconde,<br />
Dans ce combat royal,<br />
Ma faiblesse profonde,<br />
Ô destinée fatale !<br />
S'émancipe quelque peu...<br />
Semble vivre et se meurt<br />
Dans la lueur du soir,<br />
Et chasse mon désespoir !<br />
Ô candides insouciances<br />
190
Ô candides insouciances<br />
De l'automne perdu<br />
Aux nombreuses naissances<br />
Les bels espoirs déçus !<br />
Mais qu'invoquer l'oubli<br />
À jamais impossible,<br />
Pour d'inhumaines pluies<br />
Dans un cœur si sensible ? ...<br />
Alors le moribond<br />
Sur des larmes versées<br />
Pour un feu infécond<br />
Pleure de lâcheté.<br />
Ô candides insouciances<br />
Des automnes perdus<br />
Serez-vous espérances<br />
De ce monde entrevu ?<br />
Car c'est la destinée<br />
Pour mes erreurs promises<br />
Qui enchante l'année,<br />
Cette année indécise !<br />
191
192
À ma dormeuse<br />
Je ne veux pas ce soir, licencieuse ennemie,<br />
Respirer en ton corps le doux parfum des songes,<br />
Ni déplacer mon cœur sur tes seins endurcis,<br />
Ni la jouissance facile où parfois tu me plonges.<br />
J'espère sur cette bouche inventer un amour<br />
Puissant et immortel que tu composeras,<br />
Redorer cette nuit jusqu'aux lueurs du jour<br />
Dans la chambre lugubre offerte à nos ébats !<br />
Qu'importe, les espoirs de nos mains en détresse,<br />
Le souffle accéléré que réchauffaient nos yeux !<br />
Je demande plus fort que houle et que tendresse,<br />
Un bonheur sans silence pour l'esprit ingénieux.<br />
Car de son pur cristal où le génie descend<br />
Rêvent de vrais soupirs qu'avait soufflé l'enfant.<br />
193
Que le délassement assombrisse<br />
Que le délassement assombrisse les pensées élevées ! Que l'or<br />
battu parmi les treilles inonde les <strong>pages</strong> de transparence ! Que l'orgueil<br />
envoûté par un maléfice inhumain use de troublantes paroles en ces<br />
décennies de perdition ! Oui, qu'une transfusion de sang neuf comme<br />
une gerbe d'allégresse emplisse mes veines !<br />
Le passage étroit pour deux âmes accède aux caves de la<br />
déportation. Il nous faut être bien nés dans la solitude, - là est la dernière<br />
image de l'amour ! Vies de l'âme, ingratitude des râles, la volupté est<br />
bénie encore. La volupté contemple le monde. Elle va, elle vient et<br />
s'étonne dans les profondeurs du moi.<br />
Stupide à noircir la feuille, dit l'ancien. Heureux présage de<br />
l'enfant, dit l'adulte. Déferlement animal, dit le sage.<br />
L'importance de l'enjeu n'est qu'une égratignure - une morale<br />
deux fois millénaire. Le tout s'étale dans la stérilité. Voilà où vous en<br />
êtes, - à détrousser, sauvages ! Quel mépris bestial ! Je parle de<br />
catastrophes, mais personne n'entend.<br />
Ho ! Non ! Point de chorale céleste ni d'entendements rugueux !<br />
L'observation se soucie de l'amitié de l'homme. C'est reconnaître la<br />
194
légitimité déplorable de vos actes que de pleurer. Et je pleure, je<br />
pleurerai encore !<br />
195
Quand l'ombre grandit<br />
Quand l'ombre grandit en ces jours monstrueux, une fée vêtue<br />
de pourpre et de rarissimes habits usa de sa baguette favorite pour<br />
orienter les ballades contemporaines : "Qu'un monde nouveau naisse en<br />
ces lieux ! Je veux par la grâce et la force universelles, la substance<br />
humaine".<br />
196
Tu exposes le diagramme<br />
Tu exposes le diagramme à la génération déguisée. Tu<br />
prolonges, tu expédies les lettres des novices, dans un caveau promu au<br />
délassement des sens. Et dans les vignes florissantes, tu tires le vin à la<br />
bouteille d'argent. Déplorables tromperies recouvertes d'amertume.<br />
Agissements prompts pour la mansuétude du peuple !<br />
Mais voilà le sanctuaire des hémistiches, voilà le sacrement<br />
autrement déplacé !<br />
Pauvre coeur rempli de doutes ! Remarquables stupidités à<br />
suivre ! Ceci est mon corps, ceci est mon sang etc. La soif est érotique, la<br />
faim est matérielle. Nul ne peut engendrer de si puériles constatations !<br />
Des noirceurs dans un regard tumultueux. Ho ! L’ingénue<br />
gaspille le bras droit du peuple ! ...<br />
L'exercice est insipide, insignifiant aux yeux des<br />
contemporains. Qu'il évolue ou dorme, quelle importance ! Oeil fixé sur<br />
les écrits, tendance aux souillures internes, dépistage d'une carence<br />
idiomatique, - là est le surfin de l'observateur. L'ignorance vécue, le<br />
délabrement d'un... qu'est-ce à dire ? Un point insignifiant pour les<br />
musées alentour, un rejeton de défauts semblables aux découvertes<br />
197
antérieures !<br />
Un trait ? De rien, de tout, de demain et d'hier. Un funambule<br />
sur une place publique ! Va-t'y tomber ? Va-t'y pas ? Que sais-je ? Il<br />
conserve les secrets qu'il ne veut dévoiler, et là est son génie !<br />
198
Ce n'est qu'un point<br />
Ce n'est qu'un point dans l'âme impure où l'être se tord de<br />
douleurs. De l'incendie à l'inhumaine souffrance, d'un cataclysme aux<br />
feux injectant leur incarnat de rêves, j'expulse les secousses rythmiques,<br />
et par ce vent de glaives, j'invoque la destruction des Dieux. Quoi ? Les<br />
fluctuations, les tempêtes, les raisons amputées ne sauraient révéler un<br />
travail de haine ?<br />
Des cantiques éclairaient les ondes purificatrices dans cette<br />
harmonie de douleurs, les amitiés malfaisantes rôdaient. L'orgasme était<br />
persécuté, la malice débutait en ses heures sous le regard des treilles,<br />
avec l'espoir des marches à venir.<br />
Opaque cité, pour l'élévation ! Que le temps pardonne<br />
l'existence de tes sens ! Va, toi impassible et fière mourir dans les débris<br />
de l'âme inculte. Va à l'extermination assurée ! Ton devoir te l'impose<br />
oui, va !<br />
199
On détruisit l'idée<br />
On détruisit l'idée de l'holocauste par ce pays superbe. D'un<br />
saint, les paroles s'évadaient tristement parmi les comparses délaissés.<br />
L'onction, la croyance, le mythe, qu'en firent-ils donc ?<br />
Folie sommaire ! Acte de bravoure ! Qu'en ce jardin<br />
tumultueux, le convive ne vole les parfums funestes, ne viole la Muse du<br />
veule arbuste.<br />
Ô fruit qu'un spasme émancipe, que la gratitude jaillisse sur tes<br />
chevaux sauvages ! Car tu ignores la mélodie sans fin et le mélange de<br />
nos plaintes merveilleuses !<br />
Regarde ! Qu'est-ce que la mort quand le Vésuve souffle à<br />
grands feux dans ta nymphe égarée ?<br />
Dans ses mains lustrées, se distingue la haine voulue des<br />
énormités antiques. Les ondulations respirent encore à la fenêtre des<br />
Ménales. L’Étude Chantant propose des cithares bariolées. On<br />
s'interroge. Que faire quand les cris, les cabales, les rustres procèdent au<br />
branle-bas dans la grotte infectée de marcs rebutants ?<br />
L'instance populaire est enfin proclamée. De toutes parts, le<br />
200
pays projette d'accomplir des reconstructions. Ce n'est point sans<br />
difficulté que le sbire parvient à un arrêté accordant à chaque contrée la<br />
parcelle réglementaire.<br />
201
Malgré cette commotion<br />
Malgré cette commotion, regorgeant de satin et de luxes avares,<br />
on prône des calèches ou des candélabres subtils, je les vois passer<br />
pleutres, honteux, les poches vides. Je sais les grimoires tumultueux. Je<br />
sais la voie se passer de leur regard. Mais que faire ? Ha ! Mourir, peutêtre,<br />
mourir lentement contre un sein vorace, contre une échappée de<br />
faveurs ! Mourir !<br />
202
Une attache suspendue<br />
L'attache suspendue à la treille de son ombre ; des<br />
durcissements émanait une fourbe complainte. Je vis tel un maléfice<br />
offert aux cuirasses des Sixtine, un palais d'or et d'argent constellé de<br />
briques roses. Plaqués contre les colonnades, des grabats centenaires<br />
fuyaient les lumières vives de l'été, se cachaient dans les taches et les<br />
horreurs - un sacrilège dans l'église des rois !<br />
L'aubois, - instrument stupide, s'entend dans les cirques bariolés<br />
de fresques bizarres, revêtant les habits les plus insolites. Au sortir de<br />
cette composition, monstruosités et effets, style Barnum. On attaque le<br />
prince ! Que de vexations ! Que de vieilles traversées et de tristes<br />
paysages !<br />
Ils ne furent qu'associés pourtant je les respectais. De leur<br />
démarche lascive, j'inventais un miracle. On tua le miracle. La gerbe fut<br />
déplacée au plus profond des gorges comme des antilopes étaient<br />
soumises à un feu oriental, des feuilles froissées, des encres desséchées,<br />
les taches prospérèrent ! On rit chez les pauvres, et même dans les<br />
maisons.<br />
203
Jadis je resplendissais<br />
Jadis je resplendissais lumière sublime dans des cavernes<br />
ténébreuses. La mémoire, la pensée, les actes par lesquels, je vis et me<br />
consume, célébraient chaque jour les insondables paroles venues de<br />
l'imaginaire.<br />
D'une plume vacillante, une écriture serrée semblait la<br />
conséquence d'un état fiévreux, noircissait de signes étranges une page<br />
encore vierge. J'écris car la main se mouvait avec zèle sur le rectangle<br />
inculte ! Oh ! Point de prétention ! Non ! Mais cette magique aptitude<br />
était preuve de force et de puissance en moi.<br />
Un dédoublement de l'esprit inexplicable et effrayant ! Un<br />
effort considérable, puis une chute terrible, - une agonie ! Vidée de sa<br />
substance vivante, morte, épuisée dans un combat où le seul vainqueur<br />
était l'incertitude, l'âme s'engourdissait vieillard impotent, s'éteignait<br />
dans un sommeil de mort.<br />
Parfois, aux premières heures du lever, surgissant de ses<br />
cendres, c'était une nouvelle bataille, un dernier souffle avant la fin<br />
suprême. Et des cadavres s'amassaient horribles et déjà putréfiés,<br />
exprimant toute la douleur et toute la sauvagerie de la Compagne. Des<br />
corps déchiquetés, des enfants massacrés, d'autres enfants naissant dans<br />
204
un ventre ravagé, et d'autres petits fœtus avortés, et soigneusement<br />
conservés dans des bocaux d'alcool ! Ho ! Somptueuse image !<br />
205
Rayons de pourpre<br />
Rayons de pourpre ; des corps d'ébène sur des ivresses !<br />
Des terrasses de marbre ; des ombres licencieuses ;<br />
Plus lourde que la houle, l'onde écarlate tremble ;<br />
Dressées les cathédrales, un mur de pierres poreuses ;<br />
Le murmure et l'azur de Novembre, dessous ;<br />
C'est la femme de grâce aux alizés si clairs ;<br />
La résonance des ventres, si sublime ; deux êtres ;<br />
Je lave ces douceurs qui coulent sur ma bouche !<br />
Le ravin déchiré s'accuse de violence.<br />
En effet, l'eau limpide, capiteuse pour nos corps.<br />
Furie de l'âme impure - déroulement. Exact !<br />
Transfuge d'un suicide où je rêvais, moi, terne ?<br />
Qu'importe ! Le plus haï disperse mon âme.<br />
Onde vaporeuse ou insouciance bénigne, que faire ?<br />
206
Baiser d'orgueil<br />
Cependant que le joug infernal et divin<br />
Acclame dans ses nuits des relents mortuaires,<br />
Que tes ailes immortelles vont frissonner au loin,<br />
Que l'aride destin succombe à son désert,<br />
Parfois frémissent les subtiles sueurs d'infinis<br />
Commérages ! ... Un baiser chaste aux syllabes du Moi,<br />
Encense de longs désirs, et croit, puissant, et luit...<br />
Je le sais impalpable, il provoque ma Loi.<br />
Du noble Empire soumis aux battements des cieux,<br />
Qu'il se redresse ou plonge dans le coeur des ténèbres<br />
Son bruit est sec et mat, et s'enfuit mélodieux...<br />
Emporter les tourments qui rattachent son deuil,<br />
Jouir au fond du lit de ses odeurs funèbres ?<br />
Qu'importe, sa voix grave ! - L'espoir est son orgueil !<br />
207
Des candeurs endiablées<br />
Des candeurs endiablées sur des sourires immondes<br />
Qu'on respire presque nu, boursouflé de chaleurs,<br />
Quand un Dieu inhumain par sa verve féconde<br />
Supplie jusqu'à la mort dans l'effroi des douleurs.<br />
Et des pistils de haine, des sermons crucifiés<br />
Que je bafoue la nuit dans le sel de mes pleurs !<br />
Et d'infectes bavures, des taches répétées<br />
Putréfient tout travail et toute odeur meilleure !<br />
Ce sont des voix affreuses qui conspirent en ma tête,<br />
Une saison chargée de splendides oraisons.<br />
Elles arrachent et dégorgent la misérable bête,<br />
Et avancent terribles aux creux de ma raison !<br />
208
Oui, tu voles et descends<br />
Oui, tu voles et descends sous l'œil méditatif<br />
Vers le feu incessant offert à ses lueurs !<br />
Mais le doute où la nuit achève son humeur<br />
Rit, tonne ses foudres, charitable plaintif !<br />
Au sommeil des dormeuses disposées en cascades,<br />
L'éloignement distinct a prolongé ses cris...<br />
Au plus loin, l'être frêle se pâme et a souri.<br />
Il trébuche au silence doux. Quelle mascarade !<br />
Le fruit délicieux soupirant de désirs,<br />
A quitté ébahi ses somnolences sourdes.<br />
Sur cette lèvre offerte, est une haleine molle...<br />
L'heure pénible, ennemie, appellera dès lors<br />
Le triomphe vacant des chevelures lourdes.<br />
L'esprit subtil et fort s'incline bas et dort !<br />
209
Ô si pure et si loin<br />
Ô si pure et si loin qu'une lueur m'émeut !<br />
Hélas ! Belle sous le doux bercement de la fleur,<br />
Je vis la merveilleuse dans les antiques feux,<br />
Une pâle beauté saignante de douleurs.<br />
Telle défaite de l'éternel complice encore !<br />
Lourde de somnolence, ô baisers de saveurs,<br />
Maint drame répété en mon cœur à éclore !<br />
Et l'oeil pour les substances divines et les douceurs.<br />
Se pose sur l'inconnue, le blond désir rêvé !<br />
C'est le terrible aveu, terme clair de l'espoir.<br />
Enivré de nature, je croyais voir couler<br />
Sur votre bouche rouge la blancheur d'un cristal.<br />
210
Baiser d'orgueil<br />
Parfois frémissent les subtiles sueurs d'infinis<br />
Commérages ! ... Un baiser chaste aux syllabes du Moi,<br />
Encense de longs soupirs, et croît, puissant, et luit...<br />
Je le sais impalpable, il provoque ma Loi.<br />
211
Le Germe et la Semence<br />
Infinies mes ardeurs<br />
Infinies mes ardeurs transpirent dans vos tempes,<br />
On dirait chanceler de noires loupes à vos yeux !<br />
De sombres amertumes et d'exaltants parfums,<br />
Vous riez et pleurez, vaste peuple de rêves !<br />
Des mots difformes s'évadent. De nébuleuses complaintes<br />
Participent passives à la jouissance de l'homme.<br />
C'est la nuit bleue plongeant aux raretés extrêmes,<br />
L'écrin des maléfices, le plus pur de vos lèvres !<br />
Dans l'ivresse, l'insouciance de mon âme est docile,<br />
Le jeu terni s'éclaire nonchalant de lueurs.<br />
Le superbe diadème, le satin des pensées ?<br />
Parfois regard stérile sur la feuille de papier ! ...<br />
Avide ou curieuse, lassée des vieilleries,<br />
Quand avec la puissance s'éveillent les hurlements,<br />
C'est un feu de révolte qui encombre mes bras !<br />
Consume le chant aimé par les frissons du doute.<br />
212
Avec cette chaleur où la tendresse dort,<br />
Des murmures et des cris hurleront tout à coup !<br />
Mais respire ou décline par cette floraison,<br />
Qu'importe ! Tes ennemies toujours spirituelles<br />
S'éloigneront bien vite du cadavre du sort !<br />
Alors lis pour l'orgueil, ou la force de l'âme<br />
Le dernier des vivants que tu encenseras !<br />
213
De royales prophéties<br />
De royales prophéties que l'on distingue à peine,<br />
Qui s'entassent lugubres dans de noires floraisons,<br />
Des serpentins d'extase sur des lits étouffés,<br />
Quand le doute remplit les profondeurs de l'âme.<br />
C'est un nuage superbe décrivant un combat<br />
Qui regagne les airs avec son Moi auguste,<br />
Trop d'étonnantes syllabes mâchées et décriées<br />
Que l'oracle ne peut contenir en un souffle !<br />
Gracieux ou démis, vibrant de souvenirs<br />
Taché de fourberies, envieux des grandeurs,<br />
Tout ce joug est puissant avec ces maléfices !<br />
Sont-ce des guerres ? Jamais. Des traces où l'orphelin<br />
Fait des jeux incompris, des soleils de la terre,<br />
D'immenses farandoles, des hymnes de jouissances !<br />
Ah ! Vaincu, amoindri par des forces pesantes,<br />
Ivre de lassitudes, et respirant ses nuits,<br />
Jonglant sur les sentences de ce Dieu malveillant,<br />
C'est l'espoir qui décline sur des villes connues,<br />
214
Sur des cités sans vie, pourtant monumentales !<br />
Subirai-je des frissons, de blanches apothéoses,<br />
Une espérance vaine pour ce feu déloyal ?<br />
L'adulte se détourne en pleurant sur son rêve,<br />
Et le voilà soumis à son cristal de gloire,<br />
L'adulte se détourne pleurant sa survivance.<br />
De royales prophéties que l'on distingue à peine,<br />
Qui s'entassent lugubres dans de noires floraisons,<br />
Des serpentins d'extase sur des lits étouffés,<br />
Quand le doute rempli les profondeurs de l'âme.<br />
215
Cet espace disgracieux<br />
Cet espace disgracieux voltigeant dans les airs,<br />
Amas de cendres et d'ombres, ce pleutre mercenaire<br />
Qui corrompt les méandres des hommes, et détruit<br />
La foi dans l'infini, c'est pourtant toi qui fuis<br />
D'une lueur torve dès que naissent les ténèbres,<br />
Impitoyables jougs des études funèbres.<br />
Voudras-tu dévoiler cette raison suprême<br />
Qui impose sa loi, et brille, vrai diadème ?<br />
Parleras-tu enfin de ce roi dans les cieux<br />
Que tu as recouvert de ton drap merveilleux ?<br />
Semblable et différent, à moi-même, être pur<br />
Possédé et pourtant le frère de ma torture,<br />
Nous choyons l'inconnu, ou le désir stérile,<br />
Naviguant solitaires soucieux de nos périls !<br />
Ô vous monstres sacrés dans les bras l'un de l'autre !<br />
Ô puissants mouvements qui toujours vous déchirent !<br />
Une amitié vaincue par des guerres éternelles<br />
Fera frémir la mort et les furies du ciel !<br />
Vos lugubres combats toujours redéployés<br />
216
Jetteront leurs horreurs aux humains éclairés !<br />
217
Venise<br />
Et dans ce lieu fétide où dorment des gondoles,<br />
L'eau morne et transparente fut raison de soupirs,<br />
Ô sanglots répétés et si mouvantes violes,<br />
Contre un ciel de grisailles qui voulait s'obscurcir.<br />
Des barques s'étiraient sur l'étendue. Nos rêves<br />
Profonds comme l'amour s'inclinaient lentement,<br />
Et penchaient plus encore par le vent qui soulève,<br />
Tremblaient, espoirs perdus, bercés au gré du temps.<br />
Et toi ma calme soeur, tu chantais ma faiblesse<br />
Lorsqu'un vol de corbeaux foudroya le vrai ciel.<br />
Pour noircir les souffrances d'une odieuse paresse,<br />
Je vis dans tes yeux clairs les rayons d'un soleil,<br />
D'un soleil pâlissant, or, rouge et fatigué<br />
Qui semblait se mourir à l'orée de tes yeux.<br />
J'y trouvais un déluge de larmes délaissées<br />
Croyant à l'avenir de nos étés heureux.<br />
218
Encensée dans l'alcool<br />
Encensée dans l'alcool qu'accusent nos chimères<br />
Et vomissant son feu aux blafardes lueurs,<br />
Son âme possédée supplie qu'une prière,<br />
Éclaire la mortelle et tremblante demeure.<br />
Si veule et infectée de macabres lumières<br />
Quand elle est appauvrie de pertes répétées,<br />
Ne supplierait-elle pas la funèbre misère,<br />
Repos lugubre et sceau de l'immortalité !<br />
Un démon se souvient et exhausse ses vœux,<br />
Vomit cyniquement la tentation divine,<br />
Et arrache despote son cauchemar heureux.<br />
Dans les blêmes ténèbres, au plus noir désespoir<br />
Dans la prison humide, crispée de transes sanguines<br />
L'âme violée se meurt un peu plus chaque soir !<br />
219
De vaines méditations<br />
De vaines méditations vouées à la parure,<br />
Pour ce nuisible ouvrage, de virulentes paroles,<br />
Disposées entre deux <strong>pages</strong> grises presque impures,<br />
Et des semblants d'images lues comme des paraboles ;<br />
Ô piteux de moi-même, tentatives perdues !<br />
Que je hais les espoirs luxuriants de tes nuits !<br />
À peine terminées et déjà délaissées,<br />
Ces horribles fadeurs que ma chair a vomies !<br />
Peut-être que demain, jour de lumière vécu,<br />
Par ce fouillis de lettres, moi l'esclave enchaîné,<br />
J'écrirai cette page maintes fois aperçue ?<br />
Ignoble sur qui l'esprit vain se consume,<br />
Qui fait de l'être indigne l'homme désespéré,<br />
Feras-tu se mouvoir ardemment cette plume ?<br />
220
Ta main alanguie<br />
Ta main alanguie, profusion de saveurs,<br />
Qui contemple la nuit, désinvolte froidure,<br />
Ta main a délaissé sur le drap amoureux<br />
Les stigmates profonds de ses sombres morsures !<br />
Et cette nonchalance abattue, aigre ou vile,<br />
Décline lentement dans ses douleurs dorées.<br />
Ses souffrances sont grâces et ses pensées occultes !<br />
La survivance s'éteint, antique et froissée<br />
Pareille au vieil orage sur nos murs tapissés.<br />
Je te goûte, fruit mûr, palme je te caresse.<br />
J'ondule, ô mon silence, parmi tant de furies,<br />
Luxure de mes nuits qui te désintéressent !<br />
221
Si, flamboyant dans un tombeau<br />
Si, flamboyant dans un tombeau, il survivra !<br />
Car sa chair proclamée en l'or de ses cheveux<br />
Telle la boueuse cascade qui jamais ne coula<br />
Fit naître des soupirs que vénèrent les Dieux !<br />
Dans l'immortelle flamme où nul sang n'eût brûlé,<br />
Lui serpent replié au sein des braises chaudes,<br />
C'est son démon qui ivre de désirs exaltés<br />
Entame l'immonde peine quand lentement il rôde.<br />
Point de plaisirs ! Espoirs honteux et transformés<br />
En des principes frêles pour l'incroyable vie !<br />
C'est le repos latent transparent ou changé !<br />
Que tant d'autres s'indignent de la puissance du mal !<br />
Mais cerclées d'apparat, elles superbes ou jaunies,<br />
Elles conspirent vainement, ces tentations banales !<br />
222
Soupir ancien<br />
D'un soupir ancien naît l'indifférente gloire<br />
Qui éclaire de l'ennui le plus pur diadème<br />
D'hier. (On prétendrait mourir en ma mémoire<br />
Un or épais et ocre dispendieux à l'extrême...)<br />
Fustigé à l'écart, éloigné des disciples,<br />
Je l'entends battre inexorablement en moi ! ...<br />
Vaste écrin d'amertume aux facettes multiples,<br />
Il fuit, meurt avorté sans l'ombre d'un émoi ! ...<br />
Mais que demain traînant son horrible fardeau,<br />
Pour l'éveil purifié resplendisse son nom !<br />
Peut-être testament au bas autel des maux...<br />
Ô le soleil de chair contemplant un vain drame,<br />
Idole de toi-même marqué à l'unisson,<br />
Seras-tu des substances faire couler une larme ?<br />
223
Cérémonial<br />
Grâce ! oici venus les ans<br />
Où teignant ta chevelure,<br />
Je fis tomber suivant<br />
L'éclat doré de ta parure,<br />
Le cor fin, l'onde d'argent.<br />
Et vaincu des découvertes<br />
Alignées contre l'effort vacant<br />
Fussent gloires très offertes ?<br />
Nenni ! Par le plomb infusé,<br />
Couleurs royales de l'ennui,<br />
Pour le coeur, aux pieds jeté,<br />
Rempart dans cette froidure,<br />
C'était ! Été engourdi<br />
Casque sacré et impur !<br />
224
Miroir<br />
Accroché à des vasques d'or<br />
Un divin dont j'ignore le prix,<br />
S'émoustille dans de jeunes flores<br />
À l'ombre d'un mets obscurci.<br />
Et il obtient la floraison<br />
Des pousses claires bercées au vent !<br />
Rutile, ô belle pâmoison,<br />
Car ton disciple déjà t'attend !<br />
En l'heure aimée pourtant tu dors<br />
Là dans mes bras, à l'infini ! ...<br />
Et la subtile pensée d'éclore<br />
Va, se dissipe sans bruissement ! ...<br />
Élève donc son pur ami,<br />
Au jeune jour encore tremblant !<br />
225
Du démoniaque héros<br />
Du démoniaque héros<br />
Naquit qu'enfin je pleure<br />
Dégustant l'outrance d'un tombeau<br />
En signe d'éternelle demeure,<br />
Que je sais séraphin parfois résigné<br />
Est ombre de pâles roses et ombre encore.<br />
Au minuit du pétale déployé<br />
Tel aspergeant le langoureux soupir,<br />
Viole d'une flore ou violon ahuri !,<br />
Dégage le parfum désirable et détruit :<br />
Au vase résigné tombent fleurs et jasmins<br />
Que son sanglot transportait un matin !<br />
226
Dédiant à la plus haute voix<br />
Dédiant à la plus haute voix<br />
Rêve béni du cristal fort ancien,<br />
Je promis quand du macabre émoi,<br />
S'estompa l'or saigné qui fut tien.<br />
Quiconque s'il doit briller d'une faux<br />
Où le givre blanchit comme l'espoir<br />
Vrai taira le fustigeant tombeau<br />
Plutôt que de bercer l'affreux nonchaloir.<br />
J'obscurcis. Pourtant l'âme transformée<br />
Pleure nuitamment l'âcre souvenir !<br />
Si ce n'est le satin pour son plaisir,<br />
Corrompu au vieux grimoire posé,<br />
De cela vivifiant de soupirs,<br />
Ce vent excédé se sent souffrir.<br />
227
Hanté et songeur<br />
Hanté et songeur d'une tenture nue<br />
Dont l'orgueil s'extasie encore<br />
Se vit crouler ou qu'il s'exténue<br />
Par maints rêves, un légitime remords :<br />
Apparue et défaite telle en chevelure<br />
Qui en ses âges parfois m'envahit<br />
Acclamée de soi-même en voilures,<br />
Ô miroir jadis dans son minuit,<br />
Vagabonde à la mémoire de l'œil<br />
Comme de mousseline sertie au passage<br />
Pareil du drame parfumé de deuil<br />
S'éloigna à jamais du mince paysage.<br />
228
Les contorsions du mal<br />
Gravement la voix s'est éteinte<br />
Comme après la tourmente,<br />
Le souffle court, ravageur.<br />
On eût dit quelque fois l'amour vil, honteux<br />
Quand la femme lubrique de ses doigts argentés<br />
Ausculte les profondeurs intimes de l'homme !<br />
On eût dit les torpeurs sanglantes, assoiffées de râles,<br />
Des incendies terribles détruisant toute vie humaine ;<br />
Pareil à des sanglots buvant la cupidité bestiale<br />
Un rouge ténébreux enorgueillit mes lèvres.<br />
Et juxtaposant la démarche au soleil inondé<br />
La bête sauvage, forte comme Satan<br />
Brûlant les univers,<br />
Gaspilla l'existence brumeuse de mes dires<br />
En carcans étriqués : - une profonde mort - !<br />
Grasses cascades d'exploits lugubres,<br />
La divinité s'éprend de vases pierreux,<br />
Et au calme de la soirée saccadée,<br />
Elle sonde le ventre, la chevelure,<br />
Et crache de putrides excréments<br />
229
Au cœur recouvert de glaives nouveaux.<br />
Battant mon âme impure, mon coeur bouillonne<br />
Et se fortifie d'esprits fourbes,<br />
Et soudoie toute tristesse<br />
Comme au temps où l'amertume sommeillait<br />
En déboires gesticulant la carence de la vie !<br />
Débarrassé de lacunes fortuites, l'esprit se meurt<br />
Dans les plissements de l'ingénue placide<br />
Et vampe les puissantes pensées<br />
De l'exposé sadique aux vertus en détresse.<br />
Croître dans la nuit sous un putride soleil ?<br />
Les candeurs ou l'agilité s'unissent enfin au désir<br />
Pour acclamer l'artifice de son sapement !<br />
Scander l'allégresse, caresse si facile,<br />
Dans l'engrenage de ses pauvres yeux ?<br />
Je ne sais plus, cadavres intermittents,<br />
Qui gesticulez dans la foi primaire de mes apôtres !<br />
Pouvoir, inquiétante Cybèle, forcer d'un sein déplacé<br />
La tournure exacte de nos songes angéliques ?<br />
230
Pourvoir la quintessence d'un savoir clément ?<br />
Qu'importe, race tonitruante, je ne sais plus !<br />
Fiels dispensés dans l'exactitude du labeur,<br />
Je m'accorde la filiation suprême du saint,<br />
Et j'exauce par ce sacrement divin,<br />
La peur dévoilée par ses génies anciens !<br />
Amoindri dans ses mensonges, le mal s'éteint<br />
Pour cette chaste protubérance de ma gloire.<br />
J'accorde pourtant à l'Ancienne Cité<br />
Le pardon aujourd'hui démodé.<br />
Ô le crâne vétuste de mon humble devoir !<br />
Je postule avec des mains enchanteresses<br />
L'exercice d'un style perdu et délabré,<br />
Et j'invente, quoi que tendre, ma tendresse,<br />
Folle prouesse des hommes arriérés !<br />
Je joue avec un vent grandi et radieux,<br />
J'exprime la souffrance au drame étonné,<br />
Et froid comme l'automne et ses feuilles perdues<br />
Je jette aux yeux glacés, ma face éclairée.<br />
231
Ravalée d'insectes fastidieux, mon âme éclose<br />
Postule la valeur des autres tenanciers.<br />
Elle crève les boutons regorgeant de puanteur,<br />
Bêtises de rires scabreux,<br />
Et voiles de la miséricorde et des péchés.<br />
Anglicanes, mes églises ont joint aux durs labeurs<br />
L'expression des sens aujourd'hui oubliés.<br />
Connaissant la lumière de mes rêves passés,<br />
Elles ont fourni à l'Enfer la marque d'un demi-dieu.<br />
Finement la main a tenu cerclé de chaînes molles<br />
Spectacle gratuit, spectacle grinçant.<br />
Elle possédait dans des scènes lugubres,<br />
Elle proposait la facile crucifixion<br />
De mes déboires offerts à la sagesse !<br />
Anges bleus, véhicules de mon cœur ensablé,<br />
Est-ce fin en ce monde galvanisant ?<br />
Non. Peut-être l'âme détruite<br />
Soulève-t-elle de sordides cataclysmes<br />
Ou des vagues rarissimes ?<br />
232
Peut-être des vagins défoncés, humiliés<br />
Dans un grabat sans contenance<br />
Arpentent-ils l'abandon de nos actes ?<br />
Moi vrai, cher Amour des autres années,<br />
J'entends le glas, père d'un sang nouveau<br />
Qui raisonnant sur ses dernières prouesses<br />
Balayera la joie alerte avec son sceau.<br />
Vrai, j'attends des nobles contrés<br />
L'extase d'un dire, d'un roi inhumain,<br />
Qui, cheval fougueux traînant sa guerre,<br />
Éloignera toutes les hontes de la terre entière !<br />
233
Peines<br />
Incandescence de l'astre,<br />
Les rousseurs de la mer,<br />
Quand la plaine dévaste<br />
Les relents de l'éther !<br />
Les soupirs de l'enfance<br />
De la mémoire perdue<br />
Offerts, puis décadences,<br />
Ô les étés diffus !<br />
Le moulage de la grâce,<br />
Les amours sanglotantes,<br />
Combien de fois vivaces,<br />
Les peines accablantes !<br />
L'ordre s'est rétabli<br />
Là, sur des marches stupides<br />
Puis vers des lieux arides.<br />
Oh ! L’enfance s'est enfuie !<br />
234
Ô sevrages, ô licences<br />
Envolés dans les flots<br />
Et les dernières outrances<br />
Que berceront les eaux.<br />
Non, jamais attendues<br />
Et jamais désirées<br />
Ô les fleurs de l'été<br />
Qui toujours se sont tues !<br />
235
Candides insouciances<br />
Candides insouciances<br />
Pour cet automne perdu,<br />
Ô monstrueuses naissances<br />
En ces mondes déçus !<br />
Mais qu'invoquer l'oubli<br />
À jamais impossible !<br />
Oh ! Les affreuses pluies<br />
Dans un coeur insensible !<br />
Ainsi le moribond<br />
Sur des larmes versées<br />
Pour ce feu infécond<br />
Pleure ces lâchetés.<br />
Des peines obscurcies<br />
Toujours redéployées<br />
Car l'enfance a vomi<br />
Ses pâles raretés.<br />
Candides insouciances<br />
Pour cet automne perdu,<br />
236
Serez-vous espérances<br />
Par ce monde entrevu ?<br />
C'est bien la destinée !<br />
Oh ! Les erreurs promises<br />
Qui chanteront l'année,<br />
Cette année indécise ! ...<br />
237
Réminiscences et destinée<br />
Ô vil et toi-même voleur,<br />
Je saisis de ton mensonge<br />
Les traces sublimes de tes saveurs,<br />
Astre si pur, et combles et songes !<br />
L'instant superbe est de quitter<br />
L'alcôve chère de cette chambre.<br />
C'est pour grandir ou embrasser<br />
Des horizons encore plus tendres.<br />
C'est pour bannir la terre inculte<br />
Que l'on a travaillé pourtant.<br />
Suprême envolée ? Est-ce chute ?<br />
Veux-tu venir, car on t'attend !<br />
J'aspirerai demain l'odeur<br />
De cette antique et noble ville<br />
Qui sera fruit et puis douleur<br />
De ce prochain et mûr exil...<br />
Mais de ta voix encore si claire<br />
238
Ô mon amie, par toi songée<br />
Je n'oublierai ce pur enfer<br />
Où dans ta nuit tu m'as plongée.<br />
Empire à ta sève sertie,<br />
Joie de l'enfance, précieuse,<br />
Allons avec ces pas promis<br />
Dans l'existence délicieuse.<br />
239
Sa grâce accoutumée<br />
A.P.V.<br />
Sa grâce accoutumée<br />
S'enivre de soleil.<br />
Ô la nymphe égarée<br />
Dans ses rayons vermeils,<br />
D'un brin de pureté,<br />
Sur son onde, s'éveille,<br />
Si sensible beauté.<br />
Et le vent dégarni<br />
Plisse dans les roseaux<br />
Les substances réunies<br />
Par le calme des eaux.<br />
Elle, baignée à demi,<br />
Évasive sans trop<br />
Elle dit, mélancolie.<br />
Les bruissements subtils<br />
De son regard si fin<br />
Ont découvert fragile<br />
L'oeil clair qui est le mien.<br />
J'emporterai l'exil<br />
240
Car te sachant au bain<br />
Je ne pourrais, sensible,<br />
T'imposer le tien.<br />
241
Les catacombes<br />
A.C.B.<br />
Dans les catacombes<br />
Froides et grinceuses<br />
Où des femmes affreuses<br />
Émergent de chaque tombe,<br />
Des lueurs blanchâtres<br />
Faiblement éclairent<br />
Les murs d'albâtre :<br />
Un spectre mortuaire<br />
Déambule et vacille<br />
En ce lugubre monde.<br />
Alors mes pas fébriles<br />
Devant ces torches fugaces<br />
Voient l'empreinte profonde<br />
De mémorables traces ! .<br />
242
Que tu proposes nue<br />
À Sandrine<br />
Que tu proposes nue<br />
À ma souffrance ancienne<br />
Fruits et délices conçus<br />
Avec liqueurs suprêmes,<br />
Lentement de l'éclat<br />
Reposé sur un cœur<br />
Un pur souffle unira<br />
Cris sublimes et candeurs !<br />
Éloignée une seconde<br />
De ce combat royal<br />
Ma faiblesse profonde<br />
De sa pensée fatale<br />
S'émancipe peu à peu...<br />
Semble revivre et meurt<br />
Dans les lueurs du soir,<br />
Et chasse mon désespoir !<br />
243
La transparence endormie<br />
Comme d'une transparence endormie<br />
Offerte au goût exquis des fleurs<br />
Une mémorable accalmie<br />
S'élève par les premières lueurs.<br />
Après une nuit de déluges<br />
La gerbe sacrée, multicolore<br />
S'apaise dans l'ombre d'un refuge<br />
Et lentement, heureuse, dort ! ...<br />
Ô lasse et promise au repos<br />
Des Dieux qui contemplent ton âme<br />
Dors dans l'espoir des jours nouveaux,<br />
Car la cruauté princière<br />
Dont ouvertement ils se réclament<br />
Ce soir, t'emportera encore aux enfers.<br />
Éloignement<br />
244
Folle aimée qui d'une jouissance<br />
Offre des fruits langoureux,<br />
Oserai-je te parler<br />
Quand résonne ce cœur pluvieux ?<br />
L'enchanteresse s'éloigne<br />
Au plus profond du corps<br />
Elle désire, elle décline<br />
Dans ses cheveux soyeux<br />
Sa délivrance la tord,<br />
Le sommeil est cherché.<br />
La jambe longue, la jambe fine<br />
Posée sur le bord du lit<br />
S'étale dans un rêve<br />
Tout imprégné de fleurs.<br />
La pâle, l'amoureuse encore,<br />
Sur le drap bleu s'est endormie.<br />
245
Air petit<br />
Qu'est-ce donc le génie<br />
Quand, par l'inconnu,<br />
Je vois chaque nuit<br />
Les mots qui se tuent ?<br />
Pour l'absurde grandeur<br />
De l’Être tant aimé<br />
Un usurpateur<br />
Me dit de chanter !<br />
Et à peine assouvis<br />
Les mots s'entrelacent<br />
Comme à l'infini ! ...<br />
J'invoque une douceur<br />
Légère et fugace<br />
Pour changer ma face,<br />
Mais ne veut répondre<br />
En ce lieu maudit,<br />
Ne veut correspondre<br />
Pour l'admirable écrit !<br />
246
Qu'est-ce donc le génie<br />
Quand, par l'inconnu,<br />
Je vois chaque nuit<br />
Les mots qui se tuent ?<br />
247
Vapeur d'une audace<br />
Vaste enveloppement :<br />
De là s'endort l'animosité.<br />
Ô le golfe léger pour une étoile diffuse !<br />
Les flammes claires des opales de feu,<br />
L'opulence des magnanimes exploits.<br />
Dans la veillée, l'oracle murmuré<br />
Telle une mort délicieuse et vague.<br />
La volée neigeuse dans les vents d'Espagne,<br />
Les esclaves du soleil dans les cohortes des nuits.<br />
Sous les baies claires l'instrument insipide<br />
Qu'une discorde entame et vole parfois.<br />
C'est le seuil où l'ondée s'amuse.<br />
Un char va éclatant sur l'orée des Santals.<br />
L'eau neuve circule<br />
Par les dépaysements sauvages.<br />
Lenteur des pôles que l'attraction<br />
248
Distribue à soi-même.<br />
Pour la courbe cosmique,<br />
Le terrain glorieux<br />
Et des fractions d'évidence<br />
Sous un ciel bellâtre.<br />
Tu distribues et condamnes<br />
L'ordre de la seconde<br />
Comme aux temps soucieux du mirage.<br />
Pâles brumes de l'aurore, horloges de sang,<br />
Mais la raison est de redescendre.<br />
249
Nord<br />
Le suc de l'aube au talisman du soir ;<br />
L'union des métaphores sous le péché véniel :<br />
Le duel soumis dans les carcans résignés,<br />
Et par l'évidence, l'insigne d'une croix.<br />
Le déroulement des âmes que transportent<br />
Les salives de l'homme encore révolté.<br />
Sur les contreforts de l'espace, le mot d'ordre émis<br />
Même contre la charpente des poussières d'orgueil :<br />
Pillages, contractions logiques et courses équivoques<br />
- Là, les soubassements déduisent encore.<br />
La répulsion se réduit dans l'hélice,<br />
Des pertes d'acier en pente douce, et l'éloignement.<br />
250
Trophée des ors<br />
Trophée des ors dispersés par les vierges sensuelles,<br />
Éclats violents de l'âme pour des corps en délire,<br />
Des vomis écœurant dans les gorges impures !<br />
L'étoffe d'une multitude,<br />
Les rejets saccadés par le sang et la bave<br />
Coagulés sur des lèvres trompeuses !<br />
Dans lames affûtées pour les gueules du peuple<br />
Incapable de jouissances et de meurtres subtils !<br />
Et l'alliage sirupeux sous les veines débiles<br />
Qui fit jaillir le pus des fontaines oubliées !<br />
L'abrégé des douleurs à l'assaut de ses chutes,<br />
L'orgie se débattait, s'étalait dans ses eaux,<br />
Les marais étaient disposés en cercles étroits.<br />
Tout disparut à l'aube béante des mortels :<br />
Les marques enfoncées dans les plaies jaunissantes<br />
Et l'effroyable vacarme hurlé entre deux fiels !<br />
Trophée des ors dispensés par les vierges sensuelles,<br />
251
Éclats violents de l'âme pour des corps en délire,<br />
Des vomis écœurant dans des gorges impures !<br />
252
Ivresse citadine<br />
Le songe saupoudré d'étoiles et de nacre<br />
Se dodelinait en la triste demeure<br />
Et des bruits cahoteux - d'anciens bruits de fiacre<br />
Ronflait sur le pavé de la cité du cœur.<br />
Mélange de bitume et de réverbères luxueux<br />
Semblait confusément à la pâle lumière<br />
Fantômes gazés et marée houleuse.<br />
Oui, l'indécis joignait l'irréel<br />
Et transportait dans une vision superbe<br />
Les méandres de l'insignifiante ruelle.<br />
Oui, le doute assemblé à l'enivrement du ciel<br />
Transformait l'instant en sublime frayeur.<br />
Brandissant de vulgaires épées<br />
Comme de longues aiguilles aiguisées<br />
Et roulant leurs flots de pavés<br />
Tel le déluge d'un pénible rêve,<br />
La route et le pylône renversés<br />
Criaient A Mort au spectateur blasé !<br />
253
Eau boueuse<br />
Que tu coules déchirante<br />
Sous les rayons crayeux !<br />
Au gré de la tourmente,<br />
Ton penchant va douteux.<br />
Car bercé sur les rives,<br />
Ce doux chuchotement<br />
Est sombre, mais dérive<br />
Quoique d'un air chantant.<br />
Parmi les clairs roseaux,<br />
Pour des douleurs extrêmes,<br />
Serais-tu fortes eaux ?<br />
Semblant encore frémir<br />
Dans tes souffrances blêmes<br />
Ne veux-tu point mourir ?<br />
254
Je veux te dédier<br />
Je veux te dédier, chatoyante parure, sur des coussins bercés par<br />
le luxe et l'encens, cet hymne solennel bordé de sa froidure, et promis<br />
aux secousses vengeresses du Néant.<br />
Alors je te convie entre ces quatre murs, au sublime festin de<br />
l'inconnu malheur, et je prépare, cynique, une noble mixture qui brûlera<br />
ta peau et percera ton coeur.<br />
Et quand, momie étrange et desséchée, sur un plateau superbe, je<br />
te poserai nue, tu vibreras encore de spasmes saccadés, admirable beauté<br />
que j'aime et que je tue !<br />
255
Le beau langui<br />
Le beau langui sur des espaces de miel. Qui frappe en cette heure<br />
lugubre ? Mais vrai, l'oraison des beautés dans un geste d'éclore pétille<br />
d'union pure.<br />
On cesse là l'ébat. La lutte est condamnée jusqu'au soir, et des<br />
toux hideuses rappellent le génie.<br />
Oh ! Race ! Que m'importe le pacifisme de l'acte ? Oserai-je<br />
espérer des tourbillons d'esclavages ?<br />
Accoupler c'est détruire. Les firmaments déjà. J'entends les pas<br />
saccadés dans sa nuit. On se meurt dans les tourments. Le défunt, l'hôte<br />
pâle ! Le défunt s'enfuit.<br />
256
Par des attaches, soudés<br />
Par des attaches, soudés à la honte proscrite ; le deuil contracté<br />
aux basses terres nuptiales et la haine apparente sur des doigts crispés.<br />
Des visages macabres, des vengeances progressives,<br />
l'indescriptible fièvre des mouvements hagards, le meurtre qui<br />
sommeille dans chaque âme.<br />
Le mouvement perpétuel de deux pieds qui se touchent, glacés<br />
sous le drap noirci des longues nuits. Le geste cadencé, immuable des<br />
bouches, la perle suprême de l'entente cordiale !<br />
Démon de l'intimité, déplorables bêtes, assermentées par l'alliance<br />
jaunie ! Ô chairs contemplatrices des mornes soirées ! Années terribles<br />
dans les bas-fonds d'un lit !<br />
257
L'ondulation déterminée<br />
L'ondulation déterminée dans les souffles du vieil orage ; les<br />
miroirs brisés par l'opulence des fats ; le maigre cynisme conduit la ville<br />
crasseuse ; les chants nocturnes sont pailletés de grandeurs ; l'oraison<br />
flotte et les pleureuses ennemies grattent encore les terres déchirées.<br />
Automne des devantures martelées en ce siècle que la soif de<br />
vaincre éparpille prestement, dispose de la masse, imberbe et ranime le<br />
flambeau !<br />
Cependant que des moulages ternissent le ciel, une délivrance<br />
mugit, carapace de mille labeurs. Une hyène féconde se multiplie. Elle<br />
procure l'assurance au peuple, et pour ses nourrissons allaités, elle jouit<br />
du malheur des hommes.<br />
Ô périssable femelle, consume le désespoir de demain ! Il en sera<br />
toujours temps !<br />
258
Le chant médusé<br />
Le chant médusé, ivre de marques d'estime s'écoute pareil aux<br />
insuffisances de notre vie. Chaque fleur tombe dans les cris de gloires et<br />
de renommées. Fébrile destin qui secoue les amours de nos chœurs<br />
déployés !<br />
Nos réussites, extases des souffles, applaudiront les parcelles<br />
négligeables, et nos souffrances telles des lions enragés grandiront dans<br />
des parchemins et des maux de détresse.<br />
Ô tentations de l'inconnu aux reflets marbrés ! Jets des<br />
oriflammes offerts par les puissances divines !<br />
J'ai gravé sur la pierre des Morts deux noms réunis pour l'éternité.<br />
L'ordre, dans sa course immuable, bannit déjà la vérité du long supplice.<br />
L'oracle se meurt. Les maigres affirmations condamnent davantage<br />
encore les prisonniers du Néant.<br />
Je devrais maudire le jeu des damnés de l'ambition. Tu aurais dû<br />
exister, non pas te perdre dans les coulisses de l'exploit. J'évoque<br />
l'enfant, le pur diamant, l'union de deux corps. Tes lèvres parlent encore<br />
et ton cœur s'est tu !<br />
259
Les cyclones se meurent<br />
Les cyclones se meurent par-delà les collines. Les grands ifs se<br />
tordent quand l'orage éclate en été. Les hommes transposent l'image et<br />
oublient le présent.<br />
Les rayons de l'automne sont faiblesse et les départs accentuent<br />
les désertions ; en éventail, la femme se nourrit de plaisirs, et devient<br />
indisponible à sa tâche.<br />
L'origine de ton Mal, c'est la bêtise qui se croit mûre ; des rouages<br />
ou des structures hiérarchiques, chacun se voulant maître des autres. Toi<br />
aussi, tu dois m'apprendre le génie ! Tu jettes ta connaissance pour<br />
annoncer le mouvement cyclique, tu craches la page du Livre Saint - la<br />
grande oeuvre de l'inconnu ! Tu débites l'incohérence, machine enrayée.<br />
Ton message est un conseil, et ta voix un ordre. Je te maudis,<br />
piédestal, illustres cendres de mon destin !<br />
260
Dans mon rêve épuré<br />
Dans mon rêve épuré, je discerne ton nom<br />
Dans les lieux à venir, j'entends battre tes yeux<br />
Je sais ton chant, je sais ta voix et ta beauté<br />
Et le regard d'amour qui encombre tes bras.<br />
J'écoute frémir mon heure puissante et ténébreuse<br />
Que l'instant et l'histoire encenseront encore<br />
J'embrasse l'enfant violence des voluptés<br />
Et je dors lentement à l'ombre de mon ombre.<br />
Je me plais à vêtir le monologue qui dure<br />
Patience, dévouement, sagesse, supplices<br />
Tasses d'or et d'argent jetées contre nos cieux<br />
Et délires et délices et salive et amour<br />
Et les ans passeront comme un souffle inhumain.<br />
J'observe la douceur et l'orgueil de ces transes<br />
La chaude montée au coeur qui est rose et bleue<br />
Et j'approuve en moi-même le désir de survivre<br />
Pour rester longtemps presque mort en nous deux.<br />
261
Offert aux rêveries<br />
Offert aux rêveries d'un suicide ; regardant<br />
L'astre pur décliner lentement dans les cieux ;<br />
L'ombre maudit ce paysage mélodieux !<br />
L'éveil d'un chant difforme, excessif à ton corps<br />
Qu'on oublie toujours, solitaire des nuits, des jours,<br />
Est refrain modulé quand ton crachat s'endort.<br />
Mais lourde d'amertume, l'âme chancelle au vent,<br />
Suit indolente et perdue les noirs froids d'hiver,<br />
Suit la flamme douceâtre qui brille dans le temps.<br />
Alors mon oeil tourné vers les vives ténèbres<br />
Et l'amour craquelé sur tes lèvres détruites<br />
Poussent un convoi royal, majestueux, funèbre.<br />
262
Le stérile hiver<br />
Le stérile hiver glace d'un geste royal<br />
La source limpide et claire que ma lèvre embrasse,<br />
Alors le fort déluge d'un roulis infernal<br />
Sur le front enivré de songes se fracasse.<br />
Vils de douleurs, et de violentes pensées,<br />
Des rapaces s'en viennent s'abattre sur mon toit.<br />
Leurs serres ensanglantées dans ma chair déchirée<br />
Arrachent à mon esprit d'impénétrables lois.<br />
Là-bas le Néant absolu, dévastateur<br />
Voudrait bien m'engloutir dans sa ténèbre immonde.<br />
À son service, tous ses démons provocateurs<br />
Jetteraient ma raison dans des caves profondes etc.<br />
263
J'ai dû aimer<br />
J'ai dû aimer sous d'autres cieux,<br />
Mais je ne sais plus quel matin,<br />
Agile et noble comme le feu<br />
La beauté au regard divin.<br />
C'était désir stérile mêlé de grâces<br />
Que l'ivresse emplissait sans grandeur ;<br />
Quand l'âme libre enfin s'efface,<br />
L'amour de Dieu devient pêcheur.<br />
Quiconque use de ses ongles sur sa peau<br />
Et comprime son souffle dans l'abus,<br />
Vrai, bannira l'horrible fardeau<br />
De l'acte facile sur le corps nu.<br />
Mais la beauté en fruit lubrique<br />
Métamorphose son idéal<br />
Sous les saccades rythmiques<br />
De son galeux caporal !<br />
264
La protubérance excessive<br />
La protubérance excessive<br />
Qui me servait de sommeil<br />
S'éclipse dans les premières senteurs<br />
De mon vaste ciel.<br />
Que d'inconnus rivages<br />
Et que de sources à explorer !<br />
L'infini commérage<br />
À déjà bouillonné.<br />
Chastes idées reçues,<br />
Catacombes enfantines,<br />
Quand l'espoir est perçu<br />
La chaleur me fascine !<br />
D'autres vents se sont engouffrés<br />
Sous ma porte vagissante.<br />
Mon tendre esprit, il est arrivé<br />
Le seuil étroit de ma pente !<br />
Clairons, sonnez l'expansive<br />
Et heureuse cérémonie<br />
265
Puisque des femmes agressives<br />
Sur les couches se sont endormies.<br />
Ô la câline, la débaucheuse,<br />
Le tempérament étrange !<br />
Elle gît Sandrine la pleureuse<br />
Comme le sourire de mon Ange !<br />
266
Hanté et songeur<br />
Hanté et songeur d'une tenture nue<br />
Que l'orgueil extasie encore<br />
Se vit crouler ou qu'il s'exténue<br />
Par maint rêve, un légitime remords :<br />
Apparue et défaite telle en chevelure<br />
Qui d'ans en ans parfois l'envahit,<br />
Acclamée soi-même de voilures<br />
D'un miroir existant jadis en minuit.<br />
267
Ne veux-tu pas, mon âme<br />
Ne veux-tu pas, mon âme, sur la couche béante<br />
Comme un désir sans fin activer mon ardeur,<br />
Respirer contre moi la sensation latente<br />
Dont disposent la nuit les raretés du cœur ?<br />
Dehors, tout est sinistre. Tout arbre semble mort.<br />
Si ce n'était la brise tourmentée par ce vide,<br />
Tout le peuple agonise et la foule s'endort.<br />
Je n'aime point courir sur les murs de la ville,<br />
Aspect trop délabré des cités reconstruites.<br />
Le ventre s'y resserre à chaque instant fébrile !<br />
Reste là dans mes bras. Oublions les douleurs<br />
Qui couvrant nos orgasmes maintes fois avortés<br />
Rappellent au masque noir la marque des splendeurs.<br />
268
Alors tu te réveilles<br />
Alors tu te réveilles, ô beau corps de déesse !<br />
Tu cherches mes désirs comblés par les tourments.<br />
La pointe de ton sein sevré de sang se dresse,<br />
Mon admirable amie et mon sublime amant !<br />
Si mon ventre s'éteint, j'appelle tes lueurs.<br />
Je jouis de l'incomparable volupté<br />
De rester en moi-même et d'être un autre ailleurs,<br />
De créer un génie aux plaisirs insensés !<br />
Je verrouille ta chair, la place du bonheur.<br />
Je dors paisiblement dans le cœur des Aimées.<br />
J'invoque ta richesse, ta sublime saveur,<br />
Ta substance promise, et ton nectar sacré !<br />
269
Je revois de mornes jets d'eau<br />
Je revois de mornes jets d'eau accroupis dans l'ombre d'un<br />
bassin de marbre. J'entends la chute des corps minuscules et leur<br />
bruissement s'accoutume à ma présence. Derrière une montagne d'herbe<br />
folle, une ancienne raconte : "Des cygnes étranges se pâment dans les<br />
reflets de la mare, des poissons bouche bée à la surface cherchent l'air<br />
périssable, une petite cascade chante un refrain - rien - le calme, l'azur,<br />
l'immortalité du temps". Il fallait bien du courage pour s'éloigner de<br />
cette quiétude savante. J'y ai laissé mon enfance toute grise de rêves<br />
interdits, morose d'espoirs qui se jouent.<br />
Deux heures de repos. De sauvages promenades à travers des<br />
ronces qui griffent les mollets. Des canicules où la bouche embrassait le<br />
seul robinet d'eau potable. Des roses dispersées finement taillées par la<br />
main experte du jardinier, etc.<br />
270
Qui use de son intelligence<br />
Qui use de son intelligence, qui déploie toute vigueur et dispose<br />
de l'inconnu ? Qui ?<br />
Quel monstre, fort de la loi de nature, engendre des monstres<br />
forts de la loi ? Quel monstre ?<br />
Quelle puissance désireuse de s'épanouir est soumise aux<br />
ressources impures de l'homme ? Quelle puissance ?<br />
Mais, d'un lieu temporel, d'une destinée avancée, toutes les<br />
recherches explosent. Il nous faut diriger la pensée, seul espoir de<br />
survivre.<br />
271
Au comble de sa bouche<br />
Au comble de sa bouche, je discernai quelques fleurs pour la<br />
très tendre, la très exquise durée de nos deux songes. Envolés sous l'air<br />
pur, nous partîmes en orgasmes.<br />
Je ferai crever ses boutons<br />
Je ferai crever ses boutons empestés de jeunesse et<br />
d'abrutissements enfantins. Je hais la faiblesse, - elle est en moi. Je<br />
détruirai dans un déluge de perversions, toute pureté puritaine, tout acte<br />
moralisateur. La force du langage n'est compatible qu'avec la force du<br />
Moi ! Je me dois de déchirer les enveloppes successives. La puissance<br />
m'attend. L'œuvre brilla d'une grandeur infinie.<br />
272
Décors<br />
Une hélice ancienne, source de bruits obscurs qui tournoie dans<br />
les airs jusqu'à la tombée de la nuit. Un paravent cache un tiers de<br />
l'hélice. De droite à gauche, une lumière lancinante, mais en mouvement<br />
perpétuel. On utilisera des ampoules rouges ou bleues. Puis costumes ou<br />
habits hétéroclites. Maquillage surfait voire choquant. Huit personnages<br />
dont quatre femmes.<br />
Un long mur tapissé de figurines étranges, symboles d'une<br />
mythologie grecque ou phénicienne. À trois hauteurs de plinthe, une<br />
ligne couleur argent. Sur cette ligne, un ensemble d'objets rituels utilisés<br />
pour l'accomplissement de l'acte sexuel. Le plafond, - minutieusement<br />
décoré. Masques d'acier, machines de guerre du quinzième siècle (voir<br />
les plans de Léonard de Vinci) - un lem au centre. La partie gauche du<br />
plafond réservée à un croquis succinct mais fondamental : la position de<br />
la terre, des planètes, des satellites dans le système solaire. Enfin à<br />
droite, une œuvre picturale de Picasso.<br />
273
Ô distinct et pourtant<br />
Ô distinct et pourtant plus sombre que moi-même<br />
Qui fait de ces lueurs étrangères et que j'aime<br />
Un feu brûlant de laves rouges et incandescentes,<br />
Quand, ivre de sueurs en ces tombes exaltantes,<br />
Dormiras-tu enfin à l'aube des finis ?<br />
Quand repu de délices que parent tes furies,<br />
La couche lourde de rêves étonnement anciens<br />
Bercera enivrée d'un somptueux divin<br />
Les suavités rares de tes lugubres nuits ?<br />
Ta faiblesse fatale...<br />
274
Jadis oignant le bel<br />
I<br />
Jadis oignant le bel avec sépulcre bas<br />
D'un songe que le vent par un goût animal<br />
Achève en maintes nuits comme il poursuit ses pas ;<br />
Si ce n'était le doute qu'insouciance avale,<br />
Quoi ? Des formes pourtant, émulsions des rêves<br />
Dont l'âme détourne les bruissements, achèvent<br />
La vaine réalité entre ses murs noirs<br />
Et contre ces fertiles, graves frayeurs, le feu<br />
Que nul n'enfantera, le charme tant aimé<br />
Déclameront le prix en sondant ses bévues.<br />
II<br />
L'entendement soucieux où calice fol à l'air<br />
De qui bat l'éternelle, vaste profusion,<br />
Sous les lueurs blafardes, c'est un masque de guerre<br />
Par le brillant de l'astre qui crie à l'unisson.<br />
275
Battre sous la patine et les danses du soir<br />
Des masques qui selon font l'entente odieuse,<br />
Qui conspirent en leurs têtes vers l'Ancien Devoir,<br />
Rien, si dans cette soirée, tu ne deviens pleureuse...<br />
Extrait<br />
Quoi, de formes pourtant, émulsion des rêves<br />
Dont l'âme détourne le bruissement, achèvent<br />
La vaine réalité entre ses murs noirs !<br />
III<br />
Ô Beau des solennelles cérémonies d'été !<br />
Sur cette bouche où brillent les humeurs délicates...<br />
Est-ce contre le doute que cette voix conspire ?<br />
Non ! Puisque l'âme toute vole toujours et meurt.<br />
276
Pour les douleurs extrêmes<br />
Pour les douleurs extrêmes<br />
Déployées sous ce joug<br />
S'étale le diadème ! ...<br />
Que de larmes, cette nuit !<br />
Ô purs scintillements !<br />
En surprises alanguies,<br />
Je serai mécontent ! ...<br />
Odorante saveur,<br />
Je ne puis par ces vers<br />
Jouir d'une faveur<br />
Ou de subtils éclairs !<br />
L'or brut de la beauté<br />
M'éloigne tout à coup<br />
De ma vaine pensée ! ...<br />
277
Le Manuscrit inachevé<br />
Quel équilibre ?<br />
Quel équilibre ? Ces lignes dénotent ta nature. Tu as voulu un<br />
monde à ta mesure. Tu n'étais qu'un enfant.<br />
Les conversations pendant les longues promenades n'existaient que<br />
dans ta tête. Ta vie, ta jeune carrière sont-elles à résumer ? Dois-tu ajouter<br />
quelque chose ? Tu as vendu tes fantasmes. Que reste-t-il à écrire ?<br />
ris pas.<br />
Ce style précieux, étonnant, te donne-t-il le droit au bonheur ? Ne<br />
Y eut-il des tentatives intimes qui purent me satisfaire quelque<br />
journée ? Ce métier, était-il accessible à l'adolescence ?<br />
Devons-nous grandir parmi les hommes de lettres, parrainés des<br />
plus hauts génies, et chaque soir nous endormir désespérés ? Nous faut-il<br />
vivre avec l'horreur de les toucher ?<br />
Mais pourquoi rester enfermé seul des nuits entières dans cette<br />
278
chambre putride ? Ta solitude, je commençais à m'y habituer, moi qui<br />
travaille fort tard la nuit.<br />
279
Je m’évangélise cyniquement<br />
Je m’évangélise cyniquement. Tous mes préceptes m'ont suivi.<br />
Voilà que je retombe dans mon mal. Arrête-toi là, s'il te plaît ! C'est la<br />
conscience qui parle, etc. Tu écris mal.<br />
Las de se battre avec soi-même. La parfaite comédie de la vie,<br />
les petits événements, les distractions. Chacun se croit subtil. En vérité<br />
des niais !<br />
Écouter des chansons distrayantes, des idioties ! Je me suis<br />
peigné, brossé les dents. La mort dans l'âme, je sais ce que je représente.<br />
- Atroce nuit - nuit qui éclaire !<br />
Il faut se faire comprendre. La puissance est à l'audace. Je n'ai<br />
jamais su exploser. J'ai toujours eu à subir la passion des autres.<br />
280
Tortures de la tête<br />
Tortures de la tête. Ronflements incessants contre les supports<br />
stupides de la mémoire.<br />
J'aurais préféré peindre la lumière des poèmes à boire. Je suis à<br />
l'agonie. Les sécheresses à des lieues du talent des écrivains !<br />
Extraire des sucs, ma chimie ! J'étais heureux, sans plaire. Mon<br />
public, ces murs bleus...<br />
Pâle faiblesse. J'ai changé les batailles. J'ai porté l'habit rouge.<br />
Je me restaure aux Dix commandements. J'ai ordonné à un vol<br />
d'étourneaux des tourbillons d'étoiles sans opérer de fantastiques<br />
agressions. Et pourquoi ?<br />
281
J'ai dénoué les cheveux d'or<br />
les amours !<br />
J'ai dénoué les cheveux d'or. Que valsent les éclairs, les amants,<br />
Sinon, qu'insignifiante sa désinvolture paraisse !<br />
Qu'il s'y plaise avec ses sermons, à l'origine de son feu !<br />
Les images fusent, tombent, réapparaissent et se cognent,<br />
fractions de culture.<br />
Pour quelle intensité, lui sergent de mes songes pendant que je<br />
travaille à nous verser davantage de femmes, invariables de chimie dans<br />
nos bras ?<br />
282
J'annonce<br />
J'annonce la scientifique année, et je plonge sous l'obstacle. Je<br />
devrais courir, voler, me battre.<br />
Résignée, la plume est anéantie sous des milliers de lecture.<br />
J'obtiendrai, moi l'infatigable, l'effet qu'ils doivent retenir. Croire en soi,<br />
en Dieu. Je ne prie pas. Je fortifierais mon âme.<br />
283
Je me couche néanmoins<br />
Je me couche néanmoins sur des neiges brûlantes en grande<br />
personne du premier âge.<br />
J'ai la page à laver selon le vide, car le poème se meurt.<br />
Une ligne préférée, c'est un pas vers toi. Pourtant la vie est<br />
commune. C'est l'air du débarras. La génération jure qu'on m'attend.<br />
La petite folie me tient au cœur, et la belle bête s'est vautrée au<br />
voisinage de la raison.<br />
Peu d'âmes pour converser ! Je sens mon dialogue s'éteindre,<br />
mourir et renaître, - dialogue de mon choix.<br />
Je me suis consolé, libre et serein. Essais difficiles.<br />
L’intelligence rampait dans la fange. J'ai nié ma culture.<br />
284
Mes trophées<br />
Mes trophées, mes jérémiades, ô la mystification pour des<br />
richesses convoitées !<br />
Crapule, tu crèves dans l'orgueil. Tu as subi des crises puantes,<br />
des cris menteurs. Tes nullités nagent. Ce sont tes soucis.<br />
Voici que les difficultés tombent dans tes chemises ! Pour<br />
raisonner, lis les journaux ! La vie est d'une transparence sans esprit.<br />
As-tu fait dire de toi : quel esprit complexé ! Arrivait le pâle<br />
essai, et j'interrogeais mon rôle : qui est-il ? Silencieuse nuit, nuit lourde<br />
de travail où je ne dominais rien.<br />
285
Mystérieux écrivain<br />
Mystérieux écrivain sorti d'un corps d'élite. Eux autour de<br />
l'apprenti. Groupés, écoutant les mots gonflés. Et je pense à Stéphane, et<br />
je pense à Paul. Comblé, le fade prosateur qui composait à la limite de<br />
son possible. Dans la maison du Pendu, je croyais entendre des<br />
suffocations.<br />
286
Des beautés ?<br />
Des beautés ? Rien au passable ! De l'envie de se surpasser. À<br />
quoi bon continuer ? Point de sueurs, des attentes seulement. L'art<br />
s'efface au profit du succès. Quelle est ma différence ? Tu y gagneras à<br />
être un inconnu. Tu n'intéresseras jamais personne.<br />
Ignorer le passé, il m'indispose toujours.<br />
Plaindre son jeune âge.<br />
Apprendre à se contrôler.<br />
Cracher sur les idioties enfantines.<br />
Les mots, les carences de l'âme, à oublier. Les subtilités<br />
incomprises, les musiques savantes, les beaux accidents, à rêver. Mes<br />
désirs, mes mensonges, mes mystifications, que sais-je ? Je veux du<br />
neuf.<br />
287
La bouche collée<br />
La bouche collée à la source d'inspiration. Seul, tout de même,<br />
les yeux plaqués sur ces livres, sur ces feuilles blanches qu'il faut noircir.<br />
Prêt à céder quelques lopins de terre, à souffrir dans la<br />
contrainte. Les concessions, les gentillesses, les sourires. Le sauvage<br />
sortira de son trou. Lorsque le loup a faim etc.<br />
J'ai menti de bonne foi, allègre mais besogneux.<br />
Je me suis dégoûté avec ces phrases douteuses ! À la recherche<br />
de nouvelles aptitudes. Lire les grands classiques, c'est se haïr, se<br />
reprocher ses <strong>pages</strong> incertaines, Fils de chien, tu resteras chien etc.<br />
Et le mot insensé se charge de vibration.<br />
La tension : je tremble de plaisir.<br />
Une ombre tenace d'Entités pour un poème menaçant.<br />
J'entends les âmes blanches penser : il écrit trop vite.<br />
vais. Patience.<br />
J'illumine les impuretés. Je nage dans le détail. Ne sais où je<br />
Nègre, cette prose est détestable. Cherche des idées à défendre.<br />
288
Je t'inviterai à prolonger la fête, la nuit. Ce que tu diras pourra te nuire.<br />
Lis bien. Engage-toi dans de nouveaux poèmes. Agis pour scandaliser.<br />
Aucune articulation dans ces textes. Rien n'est accouplé. Tu te<br />
gaspilles. Sans rigueur, que comptes-tu faire ? Il faut te forger une<br />
discipline.<br />
289
Les contrôles<br />
Les contrôles constituent les premiers pas vers une certaine<br />
maîtrise. Apprendre consciemment. Dure école ! La grande œuvre du<br />
génie est désespérante. Rare la satisfaction. Toujours recommencer, et<br />
penser très haut.<br />
Je n'en suis qu'à la rhétorique. Des fragments à inventer.<br />
Ajouter d'autres lignes et savoir chiffrer ! Tout chiffrer ! ... Écrivain. Se<br />
compromettre, mentir. Inspiration !<br />
Se dégoûter, changer de méthode. Se faire sauvage. Quels<br />
avantages à en tirer ? Ne plus savoir comment finir son paragraphe,<br />
voilà le travail de ma vie !<br />
Des <strong>pages</strong> bâclées. Il faudra les polir. Je suis pourtant<br />
courageux, mais comment écrire de bons livres ? Je n'ai pas de méthode,<br />
je n'ai aucune technique.<br />
Qui voudrait m'apprendre ? Je travaille seul. Je n'obtiens que de<br />
maigres résultats. Quelqu'un pour me guider, qu'il puisse me diriger !<br />
Quelle cuisine insolite, pas même originale !<br />
290
Et puis assez de ramasser les miettes, d'écrire des pauvretés et<br />
des bouts de phrases sans style et sans idées !<br />
Mes brouillons resurgissent. J'atteins un point de sensibilité<br />
rare, une tension intérieure effroyable. Je suis pauvre ! Toujours à<br />
m'inquiéter, à m'importuner avec des engagements grotesques qui<br />
servent de nourritures à mes morceaux pourris.<br />
291
Je m'use<br />
Je m'use en différentes études, - mes linges sales. Mon style<br />
mauvais, mes expressions vulgaires - à la porte. Ce sont tes heures de<br />
bonté, misérable !<br />
Maître, apprécie, je te lis. Je rêve de te claquer. Quant à y<br />
croire, mieux vaut reconnaître... J'ai changé. Comment t'y es-tu pris ? Le<br />
métier d'écrivain que tu possèdes demande des efforts... Nous devons<br />
exploiter la critique comme si des règles régissaient les mécanismes de<br />
l'art.<br />
pour me roder.<br />
Je suis écœuré par ta technique. Joli moulin à paroles, je te lis<br />
Tacite, j'écrivais. Quand ? La nuit.<br />
J'ai pressuré les phrases, craignant de ne savoir les écrire.<br />
Croquer le verbe me semble souvent facile. Je préfère toutefois utiliser<br />
le présent.<br />
292
Grandirai-je ?<br />
Grandirai-je ? Ô souffle magique, tout disparaît. Revivre l'acte<br />
créateur... Je me soulève. L'enfant se fait homme. Je suis prêt à mentir<br />
pour un nouveau coup du destin, pour un monde qui ne m'échapperait<br />
pas, cette fois-ci.<br />
Apprendre à composer ! Mais ce travail est avant tout<br />
mécanique ! Oh ! Le choix des éléments pour construire ma phrase !<br />
Suis-je du sang ? Je puis couvrir de lignes stupides les <strong>pages</strong><br />
examinées...<br />
et ridicule !<br />
Mais ils se moquent de tes déguisements. Quel esprit précieux<br />
L'albatros s'éloigne dans les profondeurs de son amour-propre !<br />
Il se vide de sa sensibilité créatrice. En lui, naîtront les rêves insoumis.<br />
Et les tensions unies dans le Grand Livre revêtiront toutes les espérances<br />
! Blessé dans ses recherches, il attend. Dramatiques les fureurs brillent<br />
de le voir se lever. Lui, seul est perdu. Libre de voyager en son âme, il<br />
attend. Entouré de ses poèmes, dans quel monde s'enfuira-t-il ?<br />
293
Cette feuille à noircir<br />
Cette feuille à noircir, c'est pour qui ? Espoirs et progrès.<br />
Quelle affreuse méthode de travail ! J'ai tout à regretter. Les <strong>pages</strong> à<br />
graisser. Mais ne faut-il pas me former ? Recolmater tous ces poèmes<br />
pour se faire refuser. Ma raison et ma rage sont en enfer. Je suis à la<br />
merci de ma courte mémoire, je n'obéis qu'à ces tristes mensonges.<br />
Qui compose les masses de cet essai ? Reprendre avec lenteur<br />
les suicides et les poèmes écrasés par les guerres et le temps ! Moralité :<br />
encore deux heures perdues !<br />
294
Incohérence<br />
Des bruits crissants répercutés sur le sol s'imposaient. Je<br />
prétends que l'effet ressenti - échouage et marée - était ma paix. Pénuries<br />
d'ombre qui au gré du jour déplaisaient à ma foi canonique.<br />
Même les esprits droits sont des musiciens. Leur crainte de<br />
rengaine les libère. Ils modifient leurs excentricités. Bénévole action qui<br />
m'éclaire !<br />
La grande fille blonde baignée dans sa jupe longue, et dans sa<br />
course elle sourit d'aise.<br />
Si j'attends de pousser le libérateur Hourra, la folie deviendra-telle<br />
mon sentiment ?<br />
295
Les danses scandinaves<br />
Les danses scandinaves m'ont poussé à agir sous le couvercle<br />
de la folie, et j'ai rêvé aux millions d'équinoxes.<br />
J'échappais aux potences, au soldat, au lacet etc. Je voulais<br />
vivre contre ma volonté, pour mon harmonie. Je me comprenais.<br />
qui s'en prendre ?<br />
Des essais, de la diversité. Si le charbon n'est pas un diamant, à<br />
J'ai dénoué la corde. S'échappaient les idées. Jeu de patience.<br />
Celle qui était détendue. Simagrées du martyrisé. Moi, à genoux.<br />
296
Je dois encore m'abrutir<br />
Je dois encore m'abrutir avec des imbécillités. Pourtant j'y<br />
trouve mon plaisir. Les malfaçons, les contresens ne sont que les reflets<br />
de ta personnalité. Bêtise et nihilisme ressentis par l'état de vivre. Je<br />
féconde sans penser. Réflexe majeur uni à ma puberté éternelle. Le<br />
monde me suit. Mes estimations sont raisonnées.<br />
Si la pierre se fait marbre, le marbre, cathédrale, - je n'aurais<br />
pas à en rougir. J'avais l'idée. Elle s'est enfuie. Je renonce à sourire.<br />
Le départ racontait le poème, les offres, les transactions. Je bats<br />
de l'air. Fluide qui glisse de mes mains ; les chemins de demain,<br />
expériences pour lesquelles j'amasse les notes.<br />
Coups de poings, de tonnerre. Hurlez mes douleurs ! Plafond de<br />
ma vengeance. Rien au terrible. Point d'excès.<br />
297
Incapable d'assumer ma tâche<br />
Incapable d'assumer ma tâche, je sens que vieillir est mon<br />
unique but. Si l'espoir a fauté, me conduira-t-il à l'âge d'homme ?<br />
Vainqueur, équilibré ? Aurai-je réussi à sortir de la nuit sans excès, sans<br />
témoins ?<br />
La musique n'épouse plus les ondulations de la phrase. Maux de<br />
tête à l'idée de travailler les anciens manuscrits. J'augmenterai petit à<br />
petit les doses de souffrance. Je n'écris que le nécessaire. Des phrases<br />
simples et correctes.<br />
Comptes-tu rattraper ces lignes perdues ?<br />
Enfant conseillé par des experts, était-ce ? ...<br />
298
La montre plate<br />
La montre plate à cadran, d'aiguilles avance de quarante années.<br />
Jamais ne ralentit sa trotteuse. Mais ce qu'elle ignore, c'est qu'elle<br />
indique l'heure voulue par l'ensemble de la communauté.<br />
J'ai fixé le calendrier de la Grande Horloge, et telle sonnera<br />
mon heure. J'ai vécu un siècle, une heure, une seconde. J'ai renfermé le<br />
temps en mon coeur.<br />
Je nage dans l'innocence comme l'hémistiche est vomi à la<br />
minute, (- en cent secondes ?), comme je suis incapable de contrôler<br />
mon âme.<br />
Mais penser n'est pas écrire. Se dominer n'est pas réussir.<br />
299
Vision divine<br />
En guise de croyance, une force à adorer.<br />
L'être de Lumière qui ordonne.<br />
Le flux de l'amour et le tourbillon lumineux<br />
Immuables dans toute leur sérénité.<br />
Vif et semble renaître à chaque instant,<br />
L’Être s'éclaire de ses pensées.<br />
Les ondes soufflées de vie à ma face.<br />
Vent de joie inépuisable qui s'accélère.<br />
Parfaite éternité, souveraineté divine.<br />
Le raisonnement vif comme l'éclair :<br />
Les images de mon enfance filent, sont lues.<br />
Étapes de mon enfance. Procès libérateur.<br />
Dieu : "Retourne d'où tu t'en viens."<br />
Le passage dans le tunnel étroit. Retour.<br />
L'immense faiblesse à réintégrer son corps.<br />
300
Mes habitudes<br />
Mes habitudes ont sacré mon absence :<br />
Je vis seul près du Saint Livre.<br />
Tant que sortir sera mon audace,<br />
Jamais je ne serai audacieux.<br />
Je grandis dans la souffrance<br />
De nombreux esprits.<br />
Ils veulent guider mes pas,<br />
Offense !<br />
Mais leur raison jamais ne s'exprime.<br />
Pas de bonheur en plus !<br />
Aux fêtes de l'amour,<br />
Je règle mon exploit.<br />
Non à la fureur.<br />
Mon grand penchant est digne :<br />
Éloge de la décadence !<br />
Jouir n'est pas aimer.<br />
Un règne de luxure à entretenir.<br />
Les confessions hâtives<br />
Sur les oreillers crémeux.<br />
301
Que je rejette la chair<br />
En ces temps d'hier !<br />
302
Assez<br />
Assez de la culture chrétienne ! Je me défends néanmoins de<br />
désobéir à Dieu. Je serai le sauvage, l'homme primitif contemplant son<br />
âme.<br />
Quels confrères ? Je me détacherai petit à petit de mes<br />
plantureux poèmes.<br />
Ô l'harmonie ténébreuse souffle en moi !<br />
Mes origines me rappellent au combat. Je me battrai pour moimême.<br />
Je m'élirai à tout coup. Assez chanté, trop peu vendu !<br />
J'ai ce broussailleux jardin à travailler. Qui t'oblige à travailler ?<br />
303
J'ai voulu toucher son corps<br />
J'ai voulu toucher son corps, et elle a disparu. Elle n'existait pas.<br />
Elle se meurt avant d'exister, ma poésie, car elle n'a aucun sens.<br />
Toutes les querelles sont fraîchement débattues. La solidité des<br />
liens pour une logique écrasante, je l'ai quittée car tout était réellement<br />
absurde.<br />
Les banalités interceptées par cette fange du cerveau inhalaient<br />
les fantasmes dépeints dans l'intimité etc.<br />
boomerang.<br />
C'est encore de la fraude, un élan mystique, ou l'effet<br />
Je crois encore à l'accord nouveau, à la musique différente. Les<br />
grandes vérités resteront cachées. Les explorations et les conclusions<br />
hâtives, des niaiseries que le bon sens éloigne !<br />
Ceci ne demande aucune explication. Pourtant on ne peut rien y<br />
débrouiller. Quelques partisans acharnés y dégoteront d'archaïques<br />
teneurs. Et cela m'amuse déjà beaucoup.<br />
304
Je suis la Félicité (I)<br />
Je suis la Félicité, et je t'annonce de grands changements pour<br />
demain. Tu as d'abord défait toutes les acrobaties, les tangages de la<br />
cervelle, et vrai ils ont existé.<br />
Les recherches étaient donc à l'intérieur de l'homme. C'est<br />
l'idée, la seule trajectoire pour une aventure réalisable. Le reste est<br />
mesquin.. C'est un toi-même à développer et à chérir. L'enfant de<br />
l'impossible et les écrits et les découvertes ne formeront qu'un moule.<br />
Le banal et les autres et l'amour : assez ! Moi ! Moi seul contre<br />
cent mille fronts dans les déserts, les métropoles. (Je serai un inconnu.<br />
Contre tous, glacé et fécond, - les puanteurs de nos distances !<br />
Assez de salutations et des blêmes sourires pour les voisinages.<br />
(Je serai un solitaire), et mon grand plaisir sera pour l'émotion. On<br />
dégustera les heures glorieuses sans hommes, sans raison. Je serai libre<br />
de croire en Dieu, et je lui parlerai.<br />
305
J'ai récupéré<br />
J'ai récupéré les perversions scolastiques des ancêtres. En<br />
posant le doigt sur les masses de lectures, je recrée ma logique<br />
mercenaire liée à ma frustration bucolique.<br />
Des plongeons énormes dans les ventres de la chimie, des<br />
préceptes souvent incompris de philosophie très ancienne.<br />
La mathématique primaire est résolue, j'embrasse les thèmes<br />
divers des assemblées fermées. Docteur, je dicte mes résolutions<br />
passives.<br />
Là, ce sont d'énormes phallus magnifiques et autoritaires,<br />
dernière phase d'une sexualité latente.<br />
et la satisfaction.<br />
Plus loin, l'Annonciation de Léonard me jette dans l'étonnement<br />
En effet, je tremble et je trépigne d'admiration. Rien<br />
d'explicable. - Vertige puis explosions. Un non-sens, n'est-ce pas ?<br />
La fausse connaissance divine et universelle en moi, le détail<br />
déplorable, ce faux-semblant de culture, plusieurs s'y laisseraient<br />
306
prendre ?<br />
crépusculaire.<br />
Quant à la politique sombre et taciturne, elle gît à l'état de larve<br />
Mes ressemblances, ma pluralité indiquent une âme de<br />
vainqueur. Le druide des raisons est prêt à tout recommencer.<br />
L'imitation est besoin du pauvre. Ma fortune est déjà faite.<br />
Aucun doute, jamais je ne serai écartelé. Cette vie, ma dernière,<br />
sera riche et illuminée.<br />
Je retournerai dans les légèretés du monde neuf ! La civilisation<br />
est répugnante et le trajet littéraire éternel : les imbéciles sont à<br />
endiabler.<br />
Mais il faut rire de sa fixation. Et tout est à recommencer.<br />
307
Et j'imite<br />
Et j'imite...<br />
Ô Seigneur, j'ai trouvé ma fixation. Elle me hantait jusqu'en<br />
Enfer. Vrai, Seigneur, débuts très difficiles, retard extrême : j'ai volé. Je<br />
me suis puni. C'est le principe de l'imbécillité. J'en suis l'inventeur. J'ai<br />
couru, que dis-je, j'ai brûlé dans les flammes maudites, le feu et sa<br />
justice. Ô Seigneur, la punition reprend son souffle.<br />
308
Tous ces détritus<br />
Tous ces détritus, on ne sait quoi en faire. Souvent, je les ai<br />
expédiés. Ils me furent rendus comme du papier etc. Qui avait raison ?<br />
Qui avait tort ? Je ne pourrais le dire. J'aurai un peu grossi. Sachez que<br />
jamais je ne pleure, mais toutes les peines en plein front, les peines,...<br />
Le bonheur eût été le voyage à l'intérieur de l'homme. La voie<br />
cherchée est peu sûre. Il y a cent mille façons d'y arriver. Moi, je me suis<br />
trompé. Il reste un métier, mais c'est sans importance.<br />
Me suis-je compris une fois, une seule ? Je parle du destin, de la<br />
fatalité. J'ai oublié la réponse.<br />
Tu seras le gardien du troupeau, criait-elle. Je me suis donc fait<br />
porcher ! Quelle nourriture ! Des porcs, que pouvaient-ils comprendre ? Il<br />
fallait quitter cette existence.<br />
J'ai aimé les obligations, j'aurais aimé les vendre. L'argent est<br />
un bien utile. On ne regarde pas la vérité avec des lunettes noires. La<br />
poésie est le vœu du solitaire. Seul, puis-je me comprendre ? C'est du<br />
vice. Non, c'est ta vie.<br />
309
Il disait<br />
Il disait : "Jamais tu n'auras la patience. Ton monde trop petit à<br />
exploiter est ennuyeux. Les lignes accumulées noircissent des <strong>pages</strong>.<br />
Pourquoi ne te relis-tu pas ? Sans complexe, tu avales les mots en leur<br />
donnant des significations étranges. Et toi seul peux en interpréter le<br />
sens. C'est un trop plein de ta cervelle que tu jettes sur la feuille blanche.<br />
Les idées s'accumulent.<br />
L'Art n'est jamais rentré en toi. De vagues notions, et encore de<br />
la poésie primaire ! Tout ce qui est inconscient, vicieux et bête est<br />
exprimé. La réflexion est nécessaire.<br />
Toi, tu as toujours écrit avec deux mamelles pendantes. Aucun<br />
surpassement, rien à l'original. Que voulais-tu donc prouver ? Qu'est-ce<br />
que cela voulait dire ?"<br />
Que pouvais-je reprocher à cette méthode ? Le désespoir et la<br />
conquête de l'irration-<br />
nel ? Je ne suis sur de rien. Ai-je trouvé une autre formule ?<br />
310
Je t'apporte le cri<br />
Je t'apporte le cri de ma nuit consumée<br />
Qui fuyait à travers des masses d'amertume ;<br />
Si ce n'était l'ennui terrible et angoissé<br />
Trébuchant et geignant dans des frissons de brume,<br />
Qui donc désespéré, tremblant de tous ses membres<br />
Sous les premières aurores par un soleil caché<br />
Désirait s'arrêter mais poussait vers novembre<br />
Poussait l'attente obscure pour ne plus l'oublier ?<br />
311
Si j'ai un jour<br />
Si j'ai un jour quelque mémoire pour accéder aux marches les<br />
plus hautes, je voudrais qu'elle gardât sa grâce et sa beauté.<br />
Tant que dans ses yeux ne jaillira pas le sang des révoltes<br />
anciennes, et que ses plaintes n'atteindront pas nos prières, l'espoir<br />
résistera aux insuffisances de la vie.<br />
Grand est son amour dépourvu de raison, et sa fidèle tendresse<br />
me bercera encore.<br />
J'ai rêvé d'elle l'année écoulée, retenant mon malheur avec des<br />
images profondes. Puis conquérant, je l'ai bannie et oubliée.<br />
Femme qui danses et chantes, applaudie de tous, je n'ai que les<br />
murs gris de ma chambrée. J'attends le pitoyable commerce quand mère<br />
et comparse, tu me donneras à voir l'enfant.<br />
Des traces indélébiles tacheront le reste d'une vie ! L'avenir, le<br />
présent s'accoupleront pour ne former qu'un seul temps.<br />
Je vis dans la séparation vaine des corps avec la ferme<br />
prétention de nous réconcilier. Ce mariage déchiré puis retrouvé, qui de<br />
312
nous d'eux en portera la faute ?<br />
Connaître les détails des naissances sous des visions, c'est en<br />
parfait médium que je sais vivre en moi les ondes de la destinée.<br />
313
Ce n'est pas un nom que j'essaie d'éclairer<br />
Ce n'est pas un nom que j'essaie d'éclairer. Non ! C'est l'ombre<br />
qu'il faut effacer. L'ombre noire cachée derrière les ténèbres ! Dans les<br />
profonds néants, elle existe ! Je la sais qui me regarde, qui m'arrache<br />
avec ses griffes des lambeaux de vie. C'est elle le démon à la fourche<br />
cornue, le feu, le sang et le venin aussi !<br />
Car écrire est un acte délicat. Il suppose de perpétuer une race<br />
presque surhumaine. Quelles puissances attendre de soi-même quand<br />
Romantiques et Parnassiens ont chanté tout ce qui devait être chanté, - le<br />
vent, la fleur, la rose et le printemps, le fleuve immense qui roule ses<br />
graciés - le fleuve qui charrie ses noyés, ses cadavres et ses pendus ?<br />
Effets subtils que je recherche ! Je me déplace dans l'analogie,<br />
ou je calque ceux qui m'ont précédé. Qu'ai-je à en tirer moi des danses<br />
lyriques qui m'invitent à aimer ? Rien. Le peu de bonheur que je reçois<br />
contribue à me rendre idiot. La folie s'empare de l'âme comme l'enfant<br />
agrippe ses jouets. Mais vrai, je m'amuse énormément de ces bêtises !<br />
314
C'est avec netteté que je voyais<br />
C'est avec netteté que je voyais, et tous les troubles de ma<br />
pensée n'étaient que d'insignifiants prétextes à des expériences<br />
captivantes. En effet, la plus infime observation par une vicieuse<br />
opération de l'esprit devenait objet de fixation.<br />
La nuit favorisait l'accomplissement de ces expériences. Les<br />
sommeils difficiles à provoquer fixent l'esprit court et l'affolent des<br />
événements passés de la journée.<br />
De quoi étaient composés ces manigances ou ces<br />
indéchiffrables flashes qui à peine compris ou interprétés s'effaçaient de<br />
la mémoire remplacés rapidement par d'autres flashes tout aussi<br />
éphémères ?<br />
C'étaient des phrases ou des bribes de phrases qui venaient se<br />
fracasser à l'endroit de mon front accompagnées de sonorités diverses.<br />
Les voix se juxtaposaient et quoique inharmonieuses pouvaient<br />
se comparer à un ensemble d'instruments de musique, chaque musicien<br />
jouant son propre morceau sans que personne ne vînt l'accompagner.<br />
La souffrance qui s'obstinait m'incitait à des croyances<br />
315
profondes, à des prières que jamais je n'aurai osé imaginer. J'étais<br />
devenu mystique.<br />
316
À ses pieds<br />
À ses pieds ! Et des idées neuves ! Tu lui dois une bonne<br />
reconnaissance ! Que serais-tu s'il n'avait existé ? Quelle fraîcheur<br />
aurais-tu cueilli ? Le grand sentiment pour le père et le génie. L'espoir,<br />
l'aide pour les espaces neufs.<br />
Je veux la grâce pour les insinuations, les échos et les sonorités<br />
débiles. Il faut me pardonner. J'ai l'esprit de la bêtise. Quelle importance<br />
puisque ce n'est pas imposant.<br />
J'ai gâché mes jeunes années avec des compagnons imbéciles,<br />
des sourires niais, des gamineries studieuses.<br />
J'ai relevé le défi. Le retard était immense. J'ai flambé les étapes !<br />
J'ai vidé le sens de l'alexandrin et cassé la musique !<br />
À ses pieds. Ses rythmes, ses formes, ses génies et tous les<br />
hommes bavent là-dessus. Pas besoin d'être consolé puisque c'est une<br />
autre vie. Il est si beau, unique, lui.<br />
La conscience : poursuis ton travail.<br />
D'ailleurs, qui sait si l'amour n'est pas le plus important. Le<br />
317
travail ne mène peut-être à rien.<br />
Tu voudrais changer la rime du discours. Tu ne sauras jamais<br />
chanter. Tu es le plus mauvais. La faute, l'erreur incombent à la<br />
jeunesse. Enfin, c'est mon sentiment.<br />
Je me connais très bien. Il y a en moi un grand mystique. Je<br />
regagne d'autres formes, mais je n'ai plus le droit de renaître. Près de<br />
Dieu, je fus le coeur purifié.<br />
Lui seul est le maître de l'homme nouveau. L'Ange aux yeux<br />
bleus. L'enfant né, le poète prêt à toutes les expériences, ce Satan<br />
désargenté croyant à l'élixir de vie. Le phénomène à imaginer. La<br />
foudre. Ai-je une seule fois su flatter quelqu'un ?<br />
318
Se pourra-t-il<br />
Se pourra-t-il que tu nous entraînes vers des profondeurs<br />
inconnues ? Que tu laisses sans te retourner ce patrimoine d'or, la<br />
richesse de l'adolescence ? Pour qui ?<br />
Il disait<br />
Il disait : "Jamais tu n'auras la patience. Ton monde trop petit à<br />
exploiter est ennuyeux. Les lignes accumulées noircissent des <strong>pages</strong>.<br />
Pourquoi ne te relis-tu pas ? Sans complexe, tu avales les mots en leur<br />
donnant des significations étranges que toi seul comprends. C'est un trop<br />
plein de ta cervelle. Tu accumules les idées. L'Art n'est jamais entré chez<br />
toi. Rien que de vagues notions, et encore de poésie primaire !<br />
Tout ce qui t'est inconscient, vicieux ou bête est exprimé. La<br />
réflexion est nécessaire avant que de commencer. Toi qui as toujours<br />
écrit à intervalles réguliers. Aucun surpassement, aucune originalité.<br />
Que voulais-tu donc prouver ? Qu'est-ce que cela devait dire ?"<br />
"- Que pourrais-je reprocher à cette méthode ? De m'être lancé<br />
désespérément à la conquête de l'irrationnel ? Je ne suis sûr de rien. Aije<br />
trouvé une autre formule ?"<br />
319
Conjuguer le verbe<br />
Conjuguer le verbe me semble souvent difficile. Je préfère<br />
utiliser le présent. Je crains d'écrire avec d'énormes bourdes dans le<br />
manuscrit. Là, du moins je sais où je m'engage... Tu ne feras pas succès.<br />
Je produis ainsi : aucune syntaxe, le style n'est pas assuré, des<br />
formes douteuses.<br />
On se modifie. Je déshabille les phrases. On se demande<br />
comment certains s'y sont pris.<br />
Les heures d'insomnies, à quoi servent-elles ? Cette nuit, je me<br />
sens libre. Pourtant, je suis enfermé dans ma chambre. Mon réveil est<br />
retardé. Ma chimie est incompréhensible et inviolable maintenant.<br />
Purifier la langue<br />
320
Purifier la langue ? Que fais-tu donc ? Le surplus est<br />
inutilisable. Pas de fioritures, pas de tournures de phrases.<br />
Des milliers de retouches ! Se plonger dans ces papiers<br />
grossiers ! Demain, cela s'élèvera... Déjà, on y trouve un sens. Quelle<br />
comparaison avec Radiguet !<br />
Reconnais l'insignifiance de ces <strong>pages</strong>. Pour quel public ?<br />
Lignes superficielles, invention stérile, le minable sans effet de<br />
parade. Comment composer ? Impossible, ma soif est apaisée !<br />
321
Comment vivre ?<br />
Comment vivre ? Travailler toutes les nuits. Recolmater tous<br />
ces poèmes pour ne pas être publié. Ma raison est en enfer. Je<br />
commence à m'en détacher. Je débloque. Je suis à la merci de ma courte<br />
mémoire. Je n'obéis qu'à ces tristes mensonges ; Je n'ai pas le caractère<br />
pour vivre l'invitation au bonheur. Cromwell et De Fontenoye n'ont<br />
guère réalisé que je portais la lanterne chauffée avec des morceaux de<br />
bois. Retourne dans ton sac ces bouts d'essai, hélas !<br />
Sans force<br />
Sans force, un style bâclé à tout venant, bannissant toute<br />
réflexion, - une écriture lâche ! Fluide de pisse ! Des mots sortis d'une<br />
imagination fatiguée par des milliers d'heures de travail, courant à la<br />
recherche d'un esprit neuf. Ces phrases qui chancellent comme déportées<br />
par un grand souffle, qui voudrait s'en occuper ?<br />
Ceci est fort détestable. Il faut prostituer les ordures de la<br />
maison. Que la faim me prenne au ventre ! Je ne veux plus discourir des<br />
vices de mon âme.<br />
322
Les mots sont en grève<br />
Les mots sont en grève. La source est oubliée dans la mémoire.<br />
Ils attendent que je les rappelle.<br />
Ce qui était substantiel est devenu dérisoire. Hier, c'étaient de la<br />
musique, des chœurs, des chanteurs même ! J'obtenais des accords<br />
étonnants, des situations fausses qui étaient rarement des essais<br />
fructueux.<br />
J'ai décidé de me tourner vers la "modernité". Mot magique qui<br />
cache tant de mystères, qui ne veut plus dire grand-chose. Je compte<br />
faire quoi ?<br />
De mes voyages et de mes entreprises<br />
De mes voyages et de mes entreprises, il ne me reste rien. À<br />
présent, je vis caché et enfermé. Je sais que la lumière est à l'intérieur.<br />
Regarde-toi toi-même ! Et je vis !<br />
323
Autour de moi<br />
Autour de moi.<br />
Je me conduis en jeune homme très ordinaire bourré de<br />
contradictions, cherchant un système...<br />
Je suis un rescapé issu d'une légendaire pluie de fantômes. Tout<br />
m'est chu avant la lettre.<br />
J'ai eu de fâcheuses entrevues. On m'a pardonné mes<br />
gamineries, les tâches des débutants... On m'a autorisé de stupides<br />
âneries.<br />
Ma faute fut d'avoir vu sortir de si pesants poètes. J'ai évité des<br />
drames, j'ai consolidé les parties fraîches de ma cervelle. J'ai longtemps<br />
cru y gagner en maturité.<br />
324
Nous maudissons à quatre<br />
Nous maudissons à quatre tout ce qui nous vient des autres. Les<br />
silences sont nos puretés. Il nous faut longtemps puiser en nous-mêmes<br />
pour rejeter les cas d'imbécillités présentées.<br />
Étrange métier que celui d'écrivain. Il se peut que gagner ne soit<br />
pas vaincre. Nous agissons avec illogisme, en trop peu de temps. Ce sont<br />
des œuvres ridicules, sans intérêt.<br />
Bouleversement dans la littérature. Détection des jeunes génies.<br />
Travail intense. Aides, maîtres. Rentabiliser les cerveaux. À quel prix ?<br />
Écoles spécialisées. Évolution, largesse intellectuelle des enseignants.<br />
Multiplication des œuvres d'art à un degré élevé. Avantage pour la<br />
communauté. École de poétique ?<br />
325
Effets cyniques<br />
Effets cyniques que je recherche ! Je me déplace dans<br />
l'analogie, ou je calque ceux qui me précèdent. Qu'ai-je à en tirer moi<br />
des danses lyriques qui m'invitent à aimer ? Rien. Le peu de bonheur que<br />
je reçois contribue à me rendre idiot. La folie s'empare de l'âme comme<br />
l'enfant agrippe ses jouets. Mais vrai je m'amuse énormément de ces<br />
bêtises.<br />
326
Toujours à détruire<br />
Toujours à détruire ces forces, vers, lignes et poèmes.<br />
Inquisition. La loi est d'inventer. Je leur vends mes beautés. Ils habitent<br />
ma maison. Qu'ont-ils à me reprocher ? Mon acharnement au travail ?<br />
Ces maigres contributions ? Savent-ils ce que j'ai enduré poussant les<br />
mots sans même l'espoir de chiffrer ?<br />
Qu'il libère<br />
Qu'il libère les sens et les pensées déformées quand les sons<br />
puissants retentissent dans ses oreilles de marbre !<br />
Que la voix imposante continue à s'entendre par-delà les<br />
frontières de l'exil !<br />
Les bruits lassent les recherches mêmes vaines quoiqu'il s'essaie<br />
encore à trouver de nombreuses substances.<br />
327
Les oraisons incantatoires<br />
Les oraisons incantatoires échappent à la fumée productrice qui<br />
évolue en cercles symétriques au-dessus des habitations ombragées.<br />
Elles s'appellent, se répondent avec des échos aux sens inaudibles, se<br />
contraignent à écouter les paroles irrespectueuses. Le temps obscurcit les<br />
roulis glorifiés qu'elles harponnaient de flèches triviales.<br />
328
Abolie la peine<br />
regarder.<br />
Abolie la peine pour des morts certaines, et je me décide à les<br />
Des contemplations hâtives. Elles n'existent pas. Puis des étapes<br />
sur des chairs de rêves pour aimer.<br />
Un mot par sa bouche, et la pyramide des syllabes s'écroule sur<br />
les feuillets, et renaît encore.<br />
Elle s'enfuit par la montagne. Je la suis épouvanté. C'est elle qui<br />
me condamne. Je ne bougerai pas.<br />
La règle des infinités. Comme des escalades et de nouveaux<br />
principes, des phrases fusent et viennent ici mourir.<br />
329
L'inquiétante femme<br />
L'inquiétante femme se donnait, se glissait lentement dans mon<br />
lit, me prodiguait des caresses luxuriantes, et obtenait de moi plusieurs<br />
orgasmes par nuit.<br />
Je la revois dévêtue, offrant sa vulve étroite, son pubis blond,<br />
touchant et touchant ses seins pour faire dresser leurs pointes, puis<br />
venant vers moi me faire encore l'amour.<br />
Je l'ai tuée. Vouloir la prendre, c'était la faire disparaître. En<br />
fait, quelle bêtise ! Il fallait la détruire pour retrouver sa vie sexuelle.<br />
Même dans les campagnes où je faisais une tournée spirituelle,<br />
elle me poursuivait. La chance simplement ! Et dire que je n'ai jamais eu<br />
l'idée de la prier.<br />
Il doit être ajouté que j'ai failli mourir. La folle s'enivrait de mes<br />
fantasmes, de mes luxures et de tous mes péchés. Ce qui me semblait<br />
heureux pour une vie efficace, n'était que l'élément même de ma<br />
déchéance. Je l'ai petit à petit évincée. Elle a perdu ses forces ne se<br />
nourrissant que de mes fantasmes.<br />
Elle a disparu telle une entité.<br />
330
331
Moi, j'irai la sertir longtemps<br />
Moi, j'irai la sertir longtemps, dans ses souvenirs vides et<br />
passés, mélangeant toutes les vies et tous les vices. Je retrouverai l'esprit<br />
clair des nuits ombreuses.<br />
Plein de fougue et d'entrain pour des femmes alanguies qui<br />
scandalisent avec leur nudité. Celles avec qui l'on couche pour leur<br />
ressembler, les autres que l'on aime pour leur beauté. Savoir le génie de<br />
la femme, et pleurer dans ses bras. Ou bien, vivre des danses sexuelles et<br />
s'épuiser dans les draps défaits.<br />
332
Le message<br />
Le message dans les grands draps des chimères pour les lits<br />
d'amertume nous a récompensés. En obtenant le partage, de nouvelles<br />
mesures se sont esquissées. Deux lustres pour l'expression de la<br />
souffrance qui battait à peine. Puis l'erreur s'est implantée.<br />
À présent, je redonne la priorité à la Grande Dame, et je<br />
réinvente les pâleurs virgiliennes pour la mieux supplier.<br />
Est-ce cela l'Amour ? Ce cadavre qui s'écroule avec des plaintes<br />
et des cris accentués. Elle m'attendra encore. Moi derrière les murs de<br />
ma prison, écervelé, je l'oublierai.<br />
Les salles, je les veux pleines, craquant sous le poids des<br />
ordures et de la bêtise humaine. Quand nos courses seront retombées, un<br />
autre profil répondra à nos angoisses. "Je n'ai jamais eu réellement froid,<br />
me disait-elle, ta folie m'a apprivoisé. Pourquoi ne pas avoir crié ? Je<br />
t'aurais aidé et compris." Etc.<br />
333
Ces humains ont-ils des âmes ?<br />
Ces humains ont-ils des âmes ? L'esprit est lourd de bêtise et de<br />
confusion, l'âme stérile est stupide. Rêvent-ils ou bétail, mâchent-ils<br />
leurs imbécillités ? Minables et satisfaits de l'être !<br />
Lâche la haine, puisque la haine est en toi. Grand besoin de<br />
renaître ces coupables. Il faut qu'ils revivent du moins pour se purifier !<br />
Que d'ingratitude dans de si maigres cerveaux ! Le pardon est<br />
indiscutable.<br />
Mon départ vers les hommes est un échec. J'ai réalisé leur<br />
néant. Je me suis plongé dans des sources taries. Ma bonté m'a perdu.<br />
Des règles pour ce peuple malséant. Des lois.<br />
C'est de tenir ou de mourir qu'il est question. Ils m'en font baver.<br />
Aucun retour. De la lie, de l'insouciance. Seigneur, qu'on les éclaire ! - On<br />
les éclairera.<br />
Un régiment, des terrains vagues, des matricules pour ces<br />
damnés. Ils ignorent qu'ils vivent ! Un dirigeant pour ces fous d'ivresse<br />
et d'insouciance. Leur tête est à prix. Non je ne les tuerai pas. Pourquoi<br />
baigner mes mains dans le sang ?<br />
334
Ô messager<br />
Ô messager, passe-moi le secret !<br />
Silence.<br />
Le secret des magiciens.<br />
Je prévois un grand poème sans prétention, sorti du néant - Ils<br />
m'écoutent béats, ils vont m'interrompre - une fatidique résolution à tout<br />
emporter !<br />
Me trompais-je quand j'imaginais un avenir meilleur ?<br />
Toujours est-il qu'il me faudra attendre moi inconnu des heures de toute<br />
beauté tandis que ma capitale jeunesse s'achève. Je rougis d'avoir autant<br />
travaillé. Dire que j'écris si mal !<br />
Je lis mal ! J'écris vite ! Assez d'âneries. Pourquoi se plaindre ?<br />
Ta vie est ce qu'elle est. Je la rêvais différente.<br />
public te l'a dit ?<br />
Je masquerai ma haine puisque je suis sans importance. Quel<br />
"Salut, lis et à travailler", qu'ils auraient pu dire.<br />
Moi, je n'ai pas quitté ma chambre.<br />
335
Un coquelicot doré adossé à la fenêtre sent venir le courant sous<br />
ses longs cheveux.<br />
Comme tout cela est vraiment bête !<br />
Flamboyant, prétentieux, idiot, quelles raisons invoquer pour<br />
cela ? D'ailleurs je ne veux pas de réponse. Le mystère. Je m'abandonne<br />
à de simples spéculations.<br />
Un commando tombé du lit sans voix, à l'improviste me trempe<br />
dans le poème ? Moi, j'évinçais leurs conseils. Que le moi fut plein !<br />
Qu'ai-je à regretter ? Rien. La moisson du mystère ? Je<br />
l'abandonne. Après tout, ce ne sont peut-être que des mensonges...<br />
De mémorables lesbiennes que je devais déflorer, et faire jouir.<br />
Je devais m'en occuper assidûment et déplacer les frontières de leur<br />
sexualité.<br />
Quand bien même, on me reconnaîtrait du talent, je dois<br />
attendre, m'armer, me fortifier etc. Vieillir !<br />
Tristesse, hécatombe, meurtres, incendies, grande tristesse ce<br />
soir : je n'ai pas eu souci de plaire.<br />
336
Adossé à mon lit et malade, de qui aurais-je pu avoir peur ?<br />
Vont-ils enfin se taire ou parler ? Ils préfèrent se taire.<br />
Satané monde prêt à mentir d'un rire infâme, tandis que je<br />
m'obscurcis complaisamment.<br />
Un monde éphémère, changeant, compliqué et lunatique. Un<br />
monde ou un public ?<br />
Je croyais aux grandes vertus. Je prouve que l'effort même<br />
unique ne mène à rien.<br />
Efficacité nulle, leur venue. Des silences. Il faut calquer parfois<br />
des poèmes. Très drôles, ces écrits. À quoi servent-ils ? Pitoyables<br />
poèmes. Et personne n'a ri.<br />
C'étaient tes chances, ces pacotilles que tu n'as pu saisir. C'était<br />
l'ordre de ton succès !<br />
Hécatombes, silences. J'avais à filtrer leurs venues. Mon<br />
occultisme naïf a tout évanoui.<br />
337
Encore faudrait-il<br />
Encore faudrait-il que tous vos fantasmes se fissent en plein<br />
jour, que vos grandeurs d'âme rassemblassent nos espoirs ou nos<br />
évidences !<br />
Tout nous classe, nous dirige à progresser, à aller de l'avant. Des<br />
fainéants regardant le troupeau brouter. Les théâtres nous interrogent. Nous<br />
voulons la chair, nous délirons par le cœur. Appelle-t-on cela le vice ?<br />
Tant d'enseignements, tant d'esprits féconds que nous<br />
n'utilisons que bêtement ! Les fortes intelligences guident nos pas. Qui<br />
les embrasserait ?<br />
Nous jugeons et détruisons nos ancêtres, et baignés dans un<br />
siècle bouleversé, nous espérons tout transformer. Piteuse jeunesse qui<br />
se pâme de déchets radioactifs, de mois de mai et de camps<br />
concentrationnaires. Ils hurlent ceux qui n'ont plus de quoi faire des<br />
livres sur les guerres de l'Orient !<br />
Des gueulards, des incapables, des sans sujets ! Quelle<br />
connaissance détiennent-ils du passé ? Ils se pavanent parce qu'ils ont lu<br />
quelques grands poètes. Ils jureraient de donner des conférences ! Des<br />
338
je-parle-de-tout et des je-ne-sais-rien.<br />
339
Noble écrivaillon<br />
Noble écrivaillon banni par l'ensemble, tes nuits grossissent, tes<br />
ennuis fracassent ta tête.<br />
Graduellement des secousses comme celles éprouvées par le<br />
Malade font souffrir à chaque instant.<br />
Hôpital des dimanches quand j'entends ronfler la tondeuse à<br />
gazon du voisinage, quand son bruit languissant assourdit mes deux<br />
oreilles.<br />
T'essaies-tu aux rigueurs<br />
T'essaies-tu aux rigueurs, aux larges rigueurs de ta forte nuit ?<br />
Pensais-tu renverser l'ordre nouveau ?<br />
Tu avançais avec ta perte, ignorant les vicieuses plaies. Quel<br />
saccage ! Quel travail ! Des inaptitudes reconnues !<br />
Ô cuirasses de plaisir, j'entends battre à l'assaut mille forces.<br />
J'entends gémir l'ordre absolu !<br />
340
Il goûte à ces plaisirs grotesques<br />
Il goûte à ces plaisirs grotesques. Il se noie dans la chair<br />
vicieuse, et lèche ces nécessités excrémentielles. Il aime à se vanter de<br />
ses lamentables conquêtes.<br />
Sous des abords très convenables, multipliant les avances,<br />
poussant les vices à l'extrême, on le voit se disculper : Il vit ! En fait, il<br />
croit vivre. Car ses raisons l'entraînent vers des buts insensés.<br />
Son nom frappe avec intensité les portes des caveaux où des<br />
femmes attifées de souvenirs vulgaires, le vampent d'une œillade<br />
généreuse.<br />
Mais tous ces succès se rencontrent aisément - des luxes faciles<br />
-, des phrases grossies sous des lumières multicolores. - Lumières<br />
stupides !<br />
Il se prête pourtant au jeu, inventant des puérilités, niant ses<br />
faces cachées. Sa tolérance se reflète sur les crânes abrutis ou vidés. Il se<br />
déçoit mais feint à son ignorance.<br />
Quel que soit son chemin, quelles seraient ses traverses ? Son<br />
341
destin le rejette vers d'autres infortunes.<br />
Un drôle insensible à ce genre de vie, un inconscient prêt à des<br />
basses concessions pour vivre ses amours. Ho ! Le crétin incapable de<br />
briser les chaînes d'or qui le font suer dans cette chambre !<br />
Quelle tirade facile ! Quel jeu enfantin ! Pourquoi ternir ces<br />
<strong>pages</strong> de rouge ? Cette couleur ne se rencontre jamais.<br />
La vague confession dans l'âme déchirée. Je suspends mes<br />
carnages ; je cesse de me plaindre.<br />
Mais un esprit malin veillait à ses délices. Ses cruautés amères<br />
avec de vils péchés se perdaient dans le creux de l'instant.<br />
C'étaient des bruits sauvages, des écoutes passives. Se mêlaient<br />
des rires furibonds avec des chocs passifs.<br />
Tous semblaient le surveiller ou lui venir en aide. Il l'a cru !<br />
Non, il ne sait plus. Ses nuits s'encombrent de silence. Il tire de grands<br />
avantages à exprimer ses confessions.<br />
On se dit écrivains ou docteurs. On s'invente des professions.<br />
Rien au sérieux. C'est la parfaite ignorance, celle qui fait se poursuivre<br />
les questions.<br />
342
En une période plus faste, moins terne - une période<br />
d'indulgence - on eût pu concevoir des tourments sauvages, indignes de<br />
sa belle vie. Il eût été humain d'achever ces actes de barbarie pousser à<br />
leur extrême, et d'expliquer les primitifs mystères.<br />
343
Un grand trou méchamment blotti<br />
Un grand trou méchamment blotti entre quatre haies d'acacias,<br />
et les sèves exaltantes coulent en saccades jusqu'au parquet d'en face.<br />
Point de fraîcheur à espérer dans ce jardin-là : les branches vieillies<br />
blanchissent de tous côtés.<br />
Un monde bestial dès l'automne surgit, réapparaît sous les<br />
fenêtres ternes des surfaces aérées. La cupidité humaine ressuscite et se<br />
polarise sur des effets négligeables pour que les gens s'interrogent.<br />
différemment.<br />
Longtemps fuir les modèles que l'artiste interprète<br />
344
La nuit en juillet<br />
La nuit en juillet couvert et silencieux. Dans ce jardin monotone<br />
et stérile hanté de cent personnes où tout est mort, on ne raconte rien.<br />
Mauvaise allée avec ses gravillons. Lignes travaillées qui vengeront ce<br />
néant vert, lignes pour le progrès ! Que la ligne soit belle !<br />
Sous le climat laid qui tombe, je suis à plaindre. C'est la prison<br />
médiocre ! La chambre bleue ne tranchera pas sur mes souvenirs.<br />
Templiers de la mort, chanterez-vous mes querelles ?<br />
Frapperez-vous les ordres qui semblent survenir ? Que vous êtes<br />
méprisables !<br />
Je vomis les artifices et je vise de savantes sueurs. Ma tête<br />
remplie de songes illustres multiplie ses défauts.<br />
Elle navigue à la découverte de vastes terres. Quelle se<br />
convertisse, elle qui flambe les étapes !<br />
345
Les transmutations alchimiques<br />
Les transmutations alchimiques tenaient en émoi le pauvre<br />
Eléonard dans sa prison depuis six années. De vieux livres achetés à un<br />
prix d'or renfermaient le secret de la longévité.<br />
Il s'était procuré les grimoires par une secte très spéciale qui<br />
pratiquait la magie noire et qui de temps en temps se réunissait pour<br />
fêter le sabbat. Le Grand Maître lui avait proposé le Livre des Anciens à<br />
des conditions excessives moyennant quoi, Léonard curieux de<br />
beaucoup de choses accepta. Il s'était fait rouler. Le bouquin était une<br />
sorte de Grand et petit Albert où les recettes de cuisine sont plus<br />
nombreuses que les moyens de faire fortune.<br />
On y apprend que les ecclésiastiques portent à leur doigt une<br />
bague en améthyste qui les préserve de l'ivresse, que la bave du limaçon<br />
a des vertus curatives et guérit des maux de ventre, mais l'art de faire<br />
fondre de l'or, on n'y trouve point la recette.<br />
346
Assez de l'analogie<br />
Assez de l'analogie et de son génie. Les heurts de mots<br />
absolument incompatibles feront de moi un être reconnu. Assez du<br />
compte et de l'accentuation, j'écrirai sans cela. Ma terre, mon inspiration<br />
suffiront. Que m'importe le texte écrit ! Pourquoi se soumettre à des<br />
règles vieilles de trois siècles ? Ne peut-on plaire sans cela ?<br />
Laissez-moi l'accord des mots, je serai qu'en faire. Ne dites pas<br />
de moi que je suis un faible parce que je ne suis pas un chasseur<br />
foudroyant, parce que ma jeunesse m'interdit tout travail sérieux sur la<br />
page blanche !<br />
Laissez-moi faire, je vous dis que cela vous plaira. Je ne<br />
prônerai pas l'anarchie. Je donne à la mémoire toute liberté. Je crois en<br />
elle.<br />
Lisez tous ces piètres inconnus qui s'efforcent d'associer<br />
quelques techniques à leur faible savoir. Regardez-vous aussi, vous qui<br />
ne vendez rien, qui n'intéressez aucun public.<br />
347
Nous maudissons à quatre<br />
Nous maudissons à quatre tout ce qui nous vient des autres. Les<br />
silences nous sont si chers qu'il nous faudra longtemps puiser en nousmêmes<br />
pour rejeter les cas d'imbécillités présentées.<br />
Il est un verbe<br />
Il est un verbe, il est un mot qui doit venir, qui nous appartient,<br />
qui nous échappe pourtant. Il est ma sève, mon droit et mon orgueil.<br />
C'est un esclave qui nous domine, - stupide état !<br />
Je vomirai toutes les haines qui sont en moi. Je cracherai sur les<br />
sépulcres qui s'encombrent de poèmes. Et je ferai pleuvoir des<br />
montagnes de sperme et d'excréments.<br />
Le peuple tout entier tremblera, effrayé par les forces du destin.<br />
Ceci sera ma vengeance. L'acte qui épuisera le monde.<br />
La foudre s'abattra sur les femmes, les enfants, les vieillards, les<br />
malades. Des tremblements de terre dévastateurs et d'énergiques tueries<br />
sur la population !<br />
348
Je veux égorger le Mal qui rôde, qui s'installe en tout lieu. Ô les<br />
membres décharnés, et le sang que je tords !<br />
La réalité<br />
La réalité est-elle à ce point écœurante que je doive m'éclipser<br />
d'une vie momentanément perverse et ridicule ? Quelle réponse attendre ?<br />
La femme m'ignore, me rejette vicieusement.<br />
À chaque instant, un fragment mortel me condamne à rejeter les<br />
habitudes que je ne m'étais promis de suspendre.<br />
Tout m'éclaire avec horreur, tout me jette les feux de la<br />
décadence. Elle est là, butée et servile. J'invente mes fantasmes.<br />
Mais ces têtes nécessairement affreuses me provoquent, me<br />
contraignent à me battre. Une compensation douteuse, une danse stupide<br />
! Que réaliser dans ce royaume ?<br />
349
Longtemps après les cavales<br />
Longtemps après les cavales dans les bois, je m'endormis à la<br />
première étoile de l'été.<br />
Les mains sur les hanches, je fis un tour complet sur moimême,<br />
et je regardais le paysage près du ciel. Un grand poète face à moi<br />
dans les pénombres des arbres élevés.<br />
les feuillages.<br />
Je tournai la page, et un autre homme me rit à la figure à travers<br />
Au milieu des bosquets, un rappel de symphonies humaines : de<br />
larges voix vagabondaient dans mon âme.<br />
Ma tentative fut de m'exprimer. Rien ne sortit de ma bouche.<br />
Dans les moissons, je trébuchais sur ma jambe d'appui. Ils se<br />
moquèrent de moi. Arrivé près de la dernière demeure, je trouvai la clé<br />
des folies éternelles. Je ne pus les chasser. Elles revinrent en force.<br />
Mon esprit grandissait. Je me croyais chanceux. J'étais à<br />
350
plaindre. Le réconfort est lié à l'espace. Mon temps est trop cher,<br />
j'attendrai.<br />
Je repris une course belle à travers les sous-bois. Parmi les<br />
ombres menteuses, je m'effrayai. On me montra du doigt. Je pleurai<br />
souvent.<br />
Entre les châtaignes, je reçus des épis d'or. Malmené, j'aperçus<br />
la Vénus verte pour deux nus cachés. Ma jeunesse grossissait en raison<br />
du vin bu. Ma modération cachait mon tour de tête. En raison du parti<br />
pris, je cognais une nouvelle fois mon sang dans ma cervelle. Je ne lisais<br />
pas.<br />
Qui sait si je ne respirerai pas l'air du printemps et ses herbes et<br />
ses odeurs et ses mirages ? Mais non, car l'aventure a rendu amer mon<br />
exil.<br />
351
Un jardin naturel<br />
Un jardin naturel où foisonnent de laides orties ; s'agrippent à la<br />
croisée des rosiers qui agglutinés monteraient aux murs du pavillon.<br />
J'aperçois les arbres verts, les sapins tordus, les volets bleus de la<br />
mansarde. A gauche, un pré jauni par les flèches cruelles du soleil. De<br />
l'autre côté, la route passante. Y circulent cyclistes, piétons, automobiles.<br />
Rien à l'exploit. Chacun à sa vitesse. Les infirmes sont exceptionnels.<br />
Des gosses avec des ballons, des planches à roulettes, - innocence et<br />
rires enfantins.<br />
La maison c'est une vaste chapelle faite de lieux saints. Les<br />
morts y parlent. De l'eau bénite dans tous les coins. On croit au mystère.<br />
Des crucifix et des images de vierges entourent d'une vapeur indicible<br />
les rares invités. Tout pour la charité. On se donne bonne conscience. On<br />
prépare les décès. Et pas de place ici pour les assassins d'oiseaux à<br />
moitié crevés ! Que d'hirondelles déficientes ! Du pain malaxé dans du<br />
lait : elles vivront. On ne leur tordra pas le cou. Elles seront fortifiées et<br />
prêtes pour le départ, le départ automnal.<br />
352
Un coup du sort<br />
Un coup du sort nous jettera-t-il dans la course aux souvenirs ?<br />
Enfin est-il possible qu'un lancé de dé insignifiant libéré à une vitesse<br />
extrême au calcul de six, perturbe irréversiblement l'existence du lanceur ?<br />
En ce cas, il serait possible qu'un jet de dé lâché dans des<br />
conditions illusoires ou grotesques opère une action sur l'ordre du joueur<br />
afin de bouleverser ses caractères ?<br />
Je compte pourtant sur cette tentative démentielle et libératrice.<br />
353
Ces humains ont-ils une âme ?<br />
Ces humains ont-ils une âme ? L'esprit est lourd de bêtise et de<br />
confusion, l'âme stérile est stupide. Rêvent-ils, ou bétail mâchent-ils leur<br />
imbécillité ? Minables et satisfaits de l'être !<br />
Lâche ta haine puisque la haine est en toi ! Grand besoin de<br />
renaître ces cancres ! Il faut qu'ils revivent du moins pour se purifier !<br />
Que d'ingratitude dans de si maigres cerveaux ! Le pardon est discutable.<br />
Mon départ vers les hommes est un échec. J'ai réalisé leur<br />
Néant. Je me suis engagé vers des sources taries. Ma bonté m'a perdu.<br />
Des règles pour ce peuple malséant. Des lois.<br />
C'est de tenir ou de mourir qu'il est question ? Aucun retour. De<br />
la lie, de l'insouciance. Seigneur, qu'on les éclaire ! Ils seront éclairés !<br />
Un régiment. Des terrains vagues. Des matricules pour ces<br />
damnés. Ils ignorent qu'ils vivent. Un dirigeant pour ces fous remplis<br />
d'ivresse et d'inconscience. Non, je ne les tuerai pas. Je me salirai les<br />
mains.<br />
Et dans la nuit noire<br />
354
Et dans la nuit noire, je pensais. Une nuit lugubre où je me<br />
morfondais sur quelques intérieurs de mes bonheurs passés. Ces soirs<br />
qui s'acheminent toujours vers des inquiétudes mêlées à des angoisses.<br />
Ces soirs quand la mémoire s'étire, et toute remplie de confusion<br />
s'enivre.<br />
En ces soirées douteuses, je songeais. Mais rien ne vivait<br />
réellement en moi. Des images sacrées, des images anciennes se<br />
bousculaient comme au sortir d'un tombeau. Des scènes étranges<br />
captivaient mon âme. On aurait dit un sacrement bizarre. Les scènes se<br />
succédaient avec mépris et horreur. Et je vis tout à coup le Mal, le<br />
Néant, le désir s'emparer de moi.<br />
Était-ce la peur, était-ce l'angoisse ? Un malaise intraitable me<br />
prit au collet comme un lapin étranglé par ce lacet. Les heures<br />
imperturbables se poussaient l'une à l'autre. Le temps se jouait de moi.<br />
355
Les horreurs de mes yeux<br />
Les horreurs de mes yeux, et les lentes putréfactions vues<br />
comme je réfugiais mon regard vers des allées maussades.<br />
Une femme croupissante, recouverte de plaies de la tête<br />
jusqu'au bassin nue, rejetait ses matières fécales nauséabondes et urinait<br />
cela même.<br />
Clocharde dans l'allée, ivre sans doute, vieille et toute ridée,<br />
laide et sale elle faisait. Le visage crispé, accroupie, elle accomplissait<br />
son acte sous le réverbère.<br />
À la dérobée, je la vis prendre quelques feuilles d'un arbre<br />
malingre. Je dirais cela et rien de plus.<br />
Oeil furtif à droite et à gauche, et remit tous les habits entassés<br />
sur la bordure de la pelouse, se rajustant rapidement. Cela je vis, et<br />
c'était la nuit.<br />
Je fus pris de terreur et d'angoisse. J'étais comme stupéfait,<br />
bouche ouverte doutant de mes sens.<br />
Mais plus encore quand titubant après que l'infortunée eût<br />
356
disparue, j'allais vérifier si le rêve ne m'avait pas trompé.<br />
357
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME II<br />
ANNÉES 78 - 79<br />
Le Moût et le Froment 79<br />
Le Croît et la Portée 78/79<br />
ParFum d’aPaisement 78/79<br />
358
Le Moût et le Froment<br />
Le monde est vicieux<br />
Le monde est vicieux, je te l'ai déjà dit. Que m'importent tes<br />
paroles et tes actes insensés pour me tirer de mes lourds sommeils ? Que<br />
me veux-tu avec tes longues tirades et tes discours absurdes ? Tu me<br />
vends toutes les séquelles de la pensée uniforme, réflexions de<br />
l'enthousiasme, des plaisirs et du jeu. Tu me proposes l'avenir partagé<br />
entre mille tourments. Tu voiles tes fantasmes et tes licences sous des<br />
questions nocturnes. Mais tu mens ! Tu désires la luxure et l'élévation<br />
quantifiées de douleurs. Tu voles encore les attaches d'une vie saine<br />
passée dans le silence et la solitude.<br />
La punition sonne : une pluie d'applaudissements et un tonnerre<br />
de symphonie. La folie m'invite aux rejets de ces concessions. Mais tes<br />
marques, figures et souffles organisent ma soif de péchés. L'être imberbe<br />
s'étire malgré lui, et tombe sur les portes de l'enfer. C'est ton nom qui<br />
s'étonne. L'alternative est trompeuse. Moi, gonflé d'insouciance j'entends<br />
dès lors les bruits sourds de la renommée - de ta renommée.<br />
Tu dois vivre, réponse inlassable dépourvue de sens. Toutes tes<br />
359
haines pour des catastrophes circulent dans mon âme. Mon désespoir te<br />
fait rêver. Ma chute est ton envie.<br />
Tu dispenses à l'infini les sermons que je bafoue. Tu récuses<br />
mon affirmation. Tu accuses mes pensées. Tes chants, ta voix jettent des<br />
vibrations désespérantes. C'est le déchirement de l'enfant vers l'adulte, la<br />
dernière phase des délices de la puberté. C'est l'abrupte vérité du futur<br />
grandi. L'angoisse bat son plein.<br />
J'essuie les interprétations diverses, les lacunes et les<br />
déchiffrages. Comme un grand spectre endormi je me retourne, et d'un<br />
bond m'éveille trempé de sueurs. Ta haine me brûle, et mes entrailles se<br />
gonflent.<br />
La marche vers les invincibles forces, le retour au sacrement<br />
des demi-dieux ! La jeunesse et les crasses et les feux de la raison<br />
illuminent les nombreux détours.<br />
À tuer les richesses, les travaux et les horreurs du soir !<br />
Indignes les transes et les déversements des larmes desséchées !<br />
360
Par-delà toutes ces marques<br />
Par-delà toutes ces marques imprégnées qui usent ta vigueur<br />
divine ; par-delà le harcèlement éternel qu'il te faut subir sous ces lueurs<br />
torves et déchirantes, c'est l'esprit de la soumission que tu es prêt à<br />
tolérer. Tu jouis de ces mensonges comme une femme complaisante<br />
nageant dans de monstrueuses orgies. Tes revendications ne sont que des<br />
pleurs, facilités vis-à-vis des autres et de toi-même. Car tu aimes à<br />
toucher d'un doigt mesquin tes saveurs déployées, tes suavités<br />
fulgurantes. Tu aimes à entendre ces agaceries bizarres qui frappent ton<br />
âme révoltée mais distendue.<br />
Ces horizons s'illuminent tout à coup avec des torches vivantes,<br />
enflammant l'intérieur possédé et visqueux. Quand bien même, tu<br />
rejetterais cette image, tu la détiens. Tu la portes malgré toi, contre toi.<br />
Tu vis dans l'horreur de la déformation, avec la vengeance, avec la<br />
bestialité sublime que tu sais battre en toi. Ô puissance infinie et<br />
pourtant invincible !<br />
Tu acceptes la soif de vengeance dont la seule nécessité est de<br />
te nuire. Après la contemplation languissante, joie des règnes putrides,<br />
tu te perds dans des luttes excessives, indignes de ton affreuse foi. Tu as<br />
longtemps goûté les délectations fatidiques, les hymnes triomphants<br />
entendus à chaque heure du jour et de la nuit. Les voyages bienheureux<br />
361
s'offraient plus loin. C'étaient des sentiments blafards, des couleurs<br />
torréfiées, des fluides d'espoir et d'insouciance. Plus loin des ors perdus<br />
pour des mémoires délassées.<br />
Brillaient et se répondaient les scintillements sous des flammes<br />
magiques, flambeaux exaltés. Ils prolongeaient l'excessive satisfaction<br />
d'un regard braqué vers l'avenir, et donnaient la vision déroutante d'un<br />
mélange de symboles et d'interprétations impossibles. Ils permettaient<br />
d'exister dans un futur que les chaos de formes dispensaient de rigueur.<br />
Amalgames de rêves pour des privilèges et des libertés promises !<br />
J'ai aimé ces arrêts brutaux et ces départs impossibles qui<br />
flambaient dans l'insignifiance du temps et de la raison. Je confondais<br />
avec les joies de l'adolescence l'inertie totale et l'abandon d'un corps<br />
pour la folie sauvage de l'esprit.<br />
362
Fraîcheurs spirituelles<br />
Fraîcheurs spirituelles qui vagabondent à l'orée des moissons,<br />
envolées légères qui s'élèvent vers les cieux cristallins ! Jeune homme<br />
aux épaules solides, va et porte tes fruits sur les terres purifiées. Laisse<br />
l'insouciance et la rancune sur le seuil de ta porte. Là-bas les routes<br />
courbées et cahotantes déambulent. Mais l'effroi et la crainte unis et<br />
passionnés te font languir.<br />
Je te préviens, ton orgueil doit me suivre. Moi, j'obscurcis tes<br />
secrets, je conjugue l'inertie, la force de tes vingt ans ! C'est le devoir<br />
aujourd'hui maudit, le bonheur de demain ! Toutes les voix de la<br />
délivrance mystifient le Temple court des repentirs. Toutes les traces des<br />
confrères sont à oublier. Il ne reste qu'une femme sensible qui indique la<br />
route à suivre...<br />
... Sueurs qui transpirent déjà par mes veines ! Et meurtres de<br />
l'enfance que j'ai abandonnés ! Éterniser son malheur est raison du<br />
pauvre ! La magnifique satisfaction de l'enjeu ! Ho ! L'immense succès<br />
que le temps saura apprécier !<br />
Les lourdes terres s'impatientent. Il faut aller.<br />
Mais je vois trembler les chairs, et les ordres se vautrer dans la<br />
363
couardise. L'esprit fort se meut avec l'effroi de la bête traquée, cette bête<br />
qui geint sous les coups de la mort, et ces douleurs lascives se lamentent<br />
sous sa peau ! Puis ce sont les cicatrices éternelles de l'animal qui a trop<br />
vécu, trop souffert aussi !<br />
Tu proposes l'horreur, tu fais briller les feux de la jouissance<br />
comme un mal utile. La venimeuse vérité enfouie sous les ors et les<br />
semailles, n'éveillera que des feuilles épineuses, qu'un cancer de haine<br />
dans des déchirements horribles.<br />
La misère frappe mes voûtes nocturnes. Elle me prévient,<br />
bienveillante, des dramatiques peines à venir. De ses dents aiguisées, le<br />
sang coule sur ses plaies purulentes. Tu arraches l'abandon d'une vie de<br />
reconnaissance formulant l'amour de soi-même.<br />
C'est encore la brûlure d'un esprit purifié ! Le combat éternel<br />
contre soi, contre les autres aussi !<br />
... "Le fruit qui savamment a mûri, n'est point cueilli ? Doit-il<br />
pourrir dans la terre déjà grasse, dans la terre si féconde ? C'était un jus<br />
fraîchi pour les haleines assoiffées»...<br />
Ta vorace solitude grossit dans les bras d'un égoïste. L'aigreur<br />
se transforme en haine et maudit toutes les facilités acquises par l'ordre<br />
364
des destinées, - des forces présentes en ton esprit !<br />
Que ton souffle enterré s'émeuve de chocs funèbres ! Ô justice<br />
de demain ! Et cette inexpérience, ce départ trop rapide seraient-ils les<br />
raisons des lugubres échecs ? Les précipitations d'une jeunesse<br />
impétueuse seraient-elles les principes de ces constantes erreurs ?<br />
La faiblesse te condamne, et tu revêts l'habit du mensonge pour<br />
douter. L'agacement servile et les plaintes sont les douleurs acides<br />
exprimant ton insatisfaction. Désordres d'une cervelle qui succombe à la<br />
tentation de l'estime ! Tes plaintes seront-elles entendues ?<br />
Les libertés dans les saines consciences, les mères pour ces<br />
veillées douloureuses - pour l'élévation ! Ô ces lignes fulgurantes,<br />
envolées comme des cris de jeunesse !<br />
Ont-ils tué l'or d'une alchimie verbale ? Les puissants instincts<br />
ne parlent plus. Ils tombent dans les feux de l'absence. Il reste un vide<br />
immense où même les interrogations ne résonnent plus.<br />
La faute est en moi-même. La voix était ailleurs. Les silences<br />
prouvent que je me suis trompé. En dilapidant la source de l'espoir, tu as<br />
voulu vivre une aventure impossible. Ta faiblesse véritable, c'était la<br />
vanité dans un travail bâclé. La passive insouciance est ta plainte fatale.<br />
365
Mais ce renoncement pour ces erreurs pénibles, doit-il faire oublier<br />
les instants de bonheur et les grandeurs d'une rébellion enfantine ?<br />
Le mélange de ton âme qui succombe à l'estime, toutes tes<br />
pensées étranges, tu te dois de les contenir. L'agacement participe aux<br />
douleurs, irritations de l'esprit mécontent.<br />
Dans ces veillées pourtant, l'élévation de l'âme assurait la<br />
jouissance à la libre conscience. Ces pensées fulgurantes planaient sur<br />
des plaies luxuriantes.<br />
Et ces combats, c'étaient des victoires contre soi-même, contre<br />
le néant aussi. La joie portait les couleurs vertes d'un devenir heureux.<br />
Les formes et les éclairs s'accouplaient pour les délices du lendemain.<br />
L'invention était stérile sans rejet, sans le "beau". Le pur effet<br />
de l'inconscient ! Torche sans flamme, folie sans délire ! Un regard glacé<br />
sur la vive adolescence qui riait de son propre étonnement. Que ma<br />
disgrâce demeure comme je n'ai pas observé ni la rigueur ni la science<br />
pour une cause à présent perdue ! Une voie nouvelle est déjà indiquée.<br />
Une station pour l'avenir des symphonies tourmentées, la prostitution<br />
sous mille chaleurs, une expérience...<br />
366
Le Prince<br />
À la croisée de ses ordres, un grand prince nu de coeur et<br />
d'esprit. Les obstinations insignifiantes se considèrent modérées, presque<br />
désuètes. Elles rassemblent parfois toutes les espérances des joies<br />
nouvelles. Enfin, il l'a cru longtemps. Les aigreurs étaient acheminées<br />
alors que des êtres dansaient, énervaient, excédaient ses parodies. La<br />
conséquence fut une gerbe de doutes et de nonchalance vis-à-vis de soimême<br />
et des autres aussi. Les cérémonies ajournées, un appel fut lancé<br />
mais personne ne l'entendit. La voix portait peu. Pour des silences, il<br />
aurait donné son âme.<br />
Les drames engendrèrent d'autres malformations, mais son<br />
agilité se jouait encore de ses prochains malheurs. Les sourires<br />
élastiques cachaient l'adversité et le goût du combat. De miteuses<br />
convalescences après des journées terribles passées dans la privation de<br />
l'amour, puis la haine réapparaissait plus digne encore comme une<br />
femme victorieuse. On cassa ses membres pour l'empêcher d'agir. Vite,<br />
ils furent remplacés par des béquilles circulaires. L'homme avançait<br />
malade. Il était la risée de ses contemporains. Après ses médiocres<br />
sorties, le Prince décida de s'enfuir dans son palais unique. Il prévoyait<br />
des fêtes, et voulut que sa suite pensât autrement. Il insista, mais quoi ?<br />
Il se vit châtier par son opposition. Les journées s'égrenaient, et<br />
367
l'animosité réapparaissait. C'était un grand vide comme après une orgie.<br />
La solitude s'amplifiait, et l'espoir s'oubliait.<br />
Chassé par ses amis, il ne voyait qu'une issue. La mort me<br />
sauvera, pensait-il. La mort seule peut soulager un grand malade à<br />
survivre. Il s'essaya au suicide mais trop pleutre peut-être, se résolut à<br />
haïr. Les nouveautés, les incursions dans un idéal auraient dû<br />
transformer ses fugitives clameurs. Mes ministres sont coupables. Il les<br />
tua. Il en appela d'autres.<br />
Après quelques journées de règne heureux, il les accusa de<br />
mentir et de jouir de ses facultés. Par droit princier, ils furent pendus. De<br />
crainte de voir sa vie en danger, plus personne n'osa le conseiller. Il vit à<br />
présent maître de son royaume, de lui-même et règne enfermé dans son<br />
pays.<br />
368
L'éruption ainsi métamorphosée<br />
L'éruption ainsi métamorphosée libère ses fruits. Les feux<br />
règnent sous les clartés blanchâtres, et de larges fumées roulent sur des<br />
cieux neigeux. Plus loin, les chocs des tonnerres, l'éclair et sa foudre<br />
tombent sur des laves encore incandescentes. Les traînées sanglantes,<br />
troupeau incessant, mordent la terre lavée, et brûlent l'herbe tannée.<br />
Elle gonfle les volcans de braises, épuise les soufres qu'elle<br />
respire. Elle remplit les tranchées et les gorges luxuriantes. Elle monte<br />
sur des sommets avec des chaînes d'esclaves et des bruits immortels :<br />
vengeances de Dieu, drames humains et pleurs dévastateurs dans nos<br />
pensées divines !<br />
Les torrents de chaleur frôlent les bouches. L'impénétrable<br />
venin circule dans les ombres finies. Lorsque les mensonges éclatent, les<br />
airs soulevés et les bourrasques de mots répercutent toutes ces frayeurs.<br />
Ils sont tortures inspirées par les folies bestiales. Ils sont détours<br />
de la tendresse bavée. Dans les sourires immondes, les craintes<br />
déracinent les semblants d'amour proposés. Les corps explosent malgré<br />
eux sous les durcissements autres. Les tempêtes, les sermons meurent<br />
tout à coup !<br />
369
Seras-tu encore possédé de tentations vulgaires ? Donneras-tu<br />
l'espoir aux mains interdites ? Et ton coeur, dans sa nuit, tremblera-t-il<br />
pour le joug de l'insouciance prononcée ?<br />
370
Toutes les étapes<br />
Toutes les étapes d'une sinueuse vie passée à jouir de l'inconnu,<br />
du mystère, à faire trembler le doute sous les vibrations de ma loi, d'un<br />
souffle magique ou démoniaque s'éloignent à jamais.<br />
Des tromperies jetées sur les flammes du sublime quand une<br />
braise ardente réchauffait l'âne apeuré. Comme des rires enfantins,<br />
comme des bonheurs faciles, de languissants plaisirs qui retenaient les<br />
horreurs d'une vie. Puis la secousse, la catastrophe unies dans un combat<br />
déloyal pour l'absolu et la vérité. Un futur transformé, détestable,<br />
reconstitué à partir de brides étincelantes venues du Néant. Des voix<br />
taciturnes qui labouraient l'oreille de mots riches et pauvres, des syllabes<br />
tordues par des relents dévastateurs. Enfin tout un peuple démoniaque,<br />
vil, insoucieux de sa force compromet une heureuse destinée !<br />
Sera-ce la logique inépuisable de grandeur et de gloire ? Serontce<br />
ces accords parfaits dans le luxe et les ténèbres ? Ces ardeurs<br />
promises pour étancher la soif excitent une mémoire perdue. Ces<br />
délicates fortunes s'élevaient déjà autrefois sur des sourires aimés et<br />
fugaces.<br />
371
Vendre l'aquarelle<br />
Vendre l'aquarelle ou léguer le testament ? Vrai, tout s'use, tu le<br />
sais très bien. Bêtement transformé en animal de cirque, le spectacle<br />
s'est menti à soi-même. Mais que fallait-il espérer ?<br />
L'amour dans le bas-fond de la capitale, t'en souviens-tu ? Tout<br />
ceci était véritablement mesquin, vil, ignoble et indécent. La petite croix<br />
lâche l'unique décision. Mais ce sont peut-être les gâchis du temps...<br />
Autrefois les signes s'interprétaient dans la débauche et la<br />
luxure. La folie à la montée des regards pour... personne ! Moi, je ris<br />
comme un perdu. Toi-même, tu voulais pleurer. Tu aurais répondu<br />
quelques mots.<br />
C'était tout de même un fabuleux personnage Je l'ai aimé deux<br />
années, puis il a disparu, volatilisé. Ô propre de moi-même, ô magicien !<br />
372
Ainsi ai-je vu<br />
Ainsi ai-je vu de lourds chevaux traîner de superbes cohortes de<br />
sel. C'était au sortir du rêve. Oisive, entretenue par la fatigue du matin,<br />
l'imagination jouit, reine du lieu de la chambre. Elle conduit le repos<br />
jusqu'aux portes de l'inconnu. Encore du drôle peuplé de romantisme,<br />
des croissants de bonheurs comme des étapes successives. Elle égrène sa<br />
course puisque le sommeil gagne et condamne les premières heures du<br />
lever ! Quand je distribue les rôles de chacun, par de mesquines<br />
allusions, je les sais composer l'image sacrée et transformer à leur goût<br />
les règles de mon propre jeu.<br />
Silence, distorsions comme des cambrures sur de planes<br />
figures, puis des mouvements cycliques dans des bourrasques d'eaux<br />
pleines : elle se plaît avec l'impossible, rit de ses nombreuses<br />
découvertes. Amie de l'absolu, du négatif, femme ou démoniaque Circé,<br />
qui est-elle ?<br />
373
C'est l'éclatement<br />
C'est l'éclatement des astéroïdes splendides ! Un duvet se<br />
repose entre les sillons de sa propre éclosion, une pluie de lumière prête<br />
à illuminer le sol sablonneux ! Cependant que les bruits incertains<br />
couvrent le vent du grand large, une explosion infinie comparée à la<br />
durée de son temps d'existence, multiplie les risques d'échouages, et<br />
confère à l'univers en transe des complications étonnantes. En effet si<br />
l'éloignement de son négatif peut rassurer les populations littorales, une<br />
mince déchirure déclencherait la catastrophe inévitable. Drames du<br />
peuple, inquiétudes car pollutions divines - recherche du mot magique :<br />
sécurité.<br />
374
Tout t'est radieux<br />
Tout t'est radieux même l'influence néfaste qui se perd dans les<br />
bruits et les goûts étranges. On prêche ici un regard sur la terre<br />
équivoque. Là-bas, d'autres mensonges ou déboires. Les singeries et les<br />
attaques évoluent autour d'une orange pressée. La confession sort du<br />
chaos : le signal des michelines, les Guerres de Troie magnifiquement<br />
ratées et les danses soulèvent les roches dans les airs. En fait, les rouages<br />
et les Cerbères médiocres s'engloutissent à l'abri des soleils et des urnes.<br />
Dégage ta voix, et les assauts et les enfantillages engendreront<br />
la parfaite harmonie.<br />
Quand le moulage du sein illumine les musées des villes, ton<br />
admiration grandit et quand nous transformons les patries, tu notes le<br />
faux. Ton innocence disparaîtra sous les traits durcis de larges envolées,<br />
et l'exil s'enivrera de saveurs.<br />
Que tu regrettes ton compte, que tu entames les veillées, ton<br />
bonheur régnera toujours sur ton néant.<br />
375
Ils justifient vos miracles<br />
Ils justifient vos miracles. Leur hargne terrible, c'est<br />
l'indifférence pour une église délabrée. Comme ils proposaient des<br />
révélations grandioses, - surtout des jardins inconnus, les mystifiés se<br />
sont levés, ont rejeté les compassions et les drames sirupeux. Constituant<br />
ainsi une grande famille, leurs primitives opinions ont banni leur foi<br />
indiscutable.<br />
Tout ceci prête à rire. L'envolée stérile des machiavéliques<br />
femmes prolongea le péché dans la croulante particule.<br />
Le midi rassemble les hommes de la détestable corruption, -<br />
encore des écrits souillés à la graisse du Néant. Mais ils participent à la<br />
reconnaissance de leur bêtise et de son acte heureux. Plus profonds que<br />
les invisibles, leurs sens jouissent de sons angéliques comme si pour<br />
franchir les grilles et oublier les faiblesses possédées, il fallait labourer<br />
les terres fraîchies.<br />
Écoutez : l'ignorance méprise les investigations, condamne les<br />
vols alors pourquoi ces défis ? Pour faire des mécontents ? Je redresse<br />
les beautés du passé et les masses de l'automne. Je respecte le désespoir.<br />
Moi, je rejette ce qui est insignifiant. Inquiétez-vous des autres.<br />
376
Des granites ont mêlé<br />
Des granites ont mêlé leurs cheveux d'or aux neurones et<br />
dendrites du ciel. Un grand vol mourait tombant vaste oriflamme, et les<br />
menus traitements glissèrent sous les couronnes des minuits.<br />
Je garnissais les fontaines d'eau troublées. Enfin l'armée<br />
vieillissait ses colombes, les plaintes, ses chants nocturnes. Il regardait<br />
les grands pôles s'éteindre sous les heures de l'amour. Comme par<br />
regrets, c'étaient des pleurs sur la grande place de l'été.<br />
Tu savais les découvertes contre les sables car un jour tu as ri<br />
pour cela. Des ondes libératrices peut-être. Surtout des cavales, des<br />
soupirs et de profonds sommeils.<br />
Je m'élance ou m'éloigne. Même les magnificences de la vie<br />
retournent à la sombre tendresse. Encore que parcourir ces autres<br />
champs perdus m'agace quelque peu. On perd l'âme tranquille. Il ne reste<br />
que la fortune. Le grand malaise est soulevé par ses béquilles, l'égorgeur<br />
des troupeaux dépecé pour son sang ! Tu respires tes maladresses, mais<br />
c'était ta vie.<br />
Tu devrais pleurer davantage et sombrer dans tes cauchemars.<br />
377
Des présences<br />
Des présences, des sorcelleries, des spasmes, des meurtres, des<br />
incubations pour l'âme. Des troupeaux sataniques qui roulent sur mes<br />
pleurs. Ô les glaires de l'inceste grimpant sur les parcelles du temps !<br />
C'est la recherche d'un absolu. De longues dérives pour les trames d'un<br />
enfer ! Moi, je pense sur des eaux.<br />
Contre les soifs de l'hiver, de larges coulées de sang bues à la<br />
sève de l'excrément, d'éternelles complaintes subies dans les affres du<br />
pardon.<br />
Rien ne chasse l'image pieuse par-delà les montagnes de<br />
jouissance. C'est un rêve de pierres pour les drames chantés !<br />
Si des cadavres se justifient, l'âme s'élève et s'abandonne ; si le<br />
damné jouit d'une éclosion intime, un feu s'amoncelle sur les cendres du<br />
Néant. Choisissons.<br />
378
L'oracle flamboie<br />
L'oracle flamboie cependant que l'espace prononce sa destinée.<br />
L'heure abolie dans son antre divin disparaît dans les confins du réel.<br />
L'explosion démoniaque se modifie par-delà l'effigie blême du peuple<br />
grave.<br />
Jamais, rien, toujours et encore ! Néant, chaos, force, inertie !<br />
Parle ami, une minute. - Impossible ! Le temps n'existe plus.<br />
Changements de sens, de l'œuvre inouïe, paysages provocateurs<br />
d'une ère suprême et assurance du renouveau pour ta pensée conductrice !<br />
379
Tu cherches à envahir I<br />
Tu cherches à envahir d'une folie perverse l'âme pieuse mais<br />
révoltée dans ses silences, la bonté cachée derrière l'obstacle de l'espoir.<br />
L'orgueil t'achève ! Les refus sont humiliants ! Le peuple inconscient qui<br />
te vénérait, te dénigre à présent. Homme seul, tes plaintes resplendissent<br />
à la lumière comme l'aurore après la ténébreuse nuit.<br />
L'angoisse, la grande, explose dans les bouches d'une<br />
incompréhensible erreur. L'erreur ! Car ta foi prouve que tu auras<br />
toujours raison. Les éclosions de bonheur enterrent les fautes et les<br />
fatales tromperies ! Un assassinat et une stérilité parcourent les dernières<br />
lignes d'une âme digne de trouvailles. Ce sont des crachats sur une<br />
putréfaction déjà vaine !<br />
Tu ouvres tes portes secourables pour l'impossible pardon. Les<br />
repentirs, les torts des odieux disciples jamais ne seront exprimés.<br />
Toujours des plaintes caverneuses sans échos ni semblants.<br />
Le fruit qui a mûri savamment, pourquoi n'est-il point cueilli ?<br />
Doit-il pourrir dans la terre grasse et déjà féconde ?<br />
C'étaient le jus rafraîchi pour des haleines assoiffées... La<br />
380
compassion mesquine des hontes aimées...<br />
381
La vorace solitude<br />
La vorace solitude grossit dans les bras d'un égoïste<br />
malchanceux. L'aigreur se transforme en haine et maudit toutes les<br />
facilités acquises par l'ordre des destinées, - toutes les forces présentes<br />
en ton esprit.<br />
Ce terrible souffle avec des chocs funèbres, sera-ce la puissante<br />
justice de demain ? Peut-être sont-ce l'inexpérience, le départ trop rapide<br />
qui deviennent les causes des multiples échecs ? Peut-être les<br />
précipitations d'une jeunesse tumultueuse ?<br />
C'est la faiblesse qui te condamne, et tu revêts l'habit du<br />
mensonge pour douter.<br />
L'agacement servile, les plaintes et les douleurs acides, le<br />
désordre d'une cervelle étroite qui succombe à la tentation de l'estime, la<br />
conscience, les libertés dans les raisons saines, les mues pour ces<br />
veillées, pour l'élévation, les fulgurantes lignes envolées comme cris de<br />
la jeunesse etc.<br />
382
C'était l'invention stérile<br />
C'était l'invention stérile. Le pur jet de l'inconscient, torche sans<br />
flamme, folie sans délire. Un regard glacial sur la vive adolescence qui<br />
riait de son propre étonnement.<br />
Que la disgrâce me ceigne ! Je n'ai pas observé la rigueur ni la<br />
science pour une cause à présent perdue !<br />
Une voie nouvelle est déjà tracée. Une station pour l'avenir, des<br />
symphonies à tourmenter, la prostitution sous mille feux de chaleur, une<br />
expérience, etc.<br />
383
Tu cherches à envahir II<br />
Tu cherches à envahir d'une folie perverse l'âme pieuse mais<br />
révoltée dans ses silences. L'orgueil t'achève, les refus sont humiliants.<br />
Le peuple inconscient que tu vénérais, te dénigre à présent.<br />
Homme seul, tes plaintes resplendissent à la lumière comme<br />
l'aurore après la ténébreuse nuit. L'Angoisse, la grande, explose dans des<br />
bouches qui expriment leurs erreurs. L'Erreur ! Car ta foi prouve encore<br />
que tu as atteint les catastrophes.<br />
La fatale tromperie enterre les éclosions de joie. Un assassinat<br />
et une stérilité parcourent des lignes dernières d'une âme digne de<br />
trouvailles : des crachats sur une puanteur déjà vaine !<br />
Tu ouvres des portes secourables pour un pardon impossible.<br />
Les repentirs, les torts de tes odieuses disciplines jamais ne seront<br />
entendus. Que de plaintes caverneuses sans échos ni semblants !<br />
384
Il a perdu les esplanades<br />
Il a perdu les esplanades enlacées sous les sourires de guerres et<br />
les charmes frileux. Les baisers brûlants comme des soupirs florentins<br />
liquéfient les pâles signatures d'un demain. Il avait aimé les fibres<br />
mauves ouvertes aux pétales des insouciances, et bleus les esprits<br />
respiraient lentement. Sur des bouches, l'haleine chaude avec des satins<br />
de bonheur frôlaient les tendres silences et les neiges aussi. Comme<br />
abaissées, des pentes multiformes ivres et libres, et c'étaient des duvets<br />
pour des brises raréfiées. Les pas tremblaient sur les couleurs, mais les<br />
spacieuses plaies contaient les délices de l'air. Plus loin, transposée dans<br />
des courbes, une pluie fine de battements montait vers des éclairs<br />
heureux.<br />
Un jour la fluidité éloigna petit à petit l'étincelle verdoyante des<br />
fusions lourdes. Parfaite dans sa rondeur, elle dansait sur les fils bleutés<br />
de la vie et plongeait dans les intimités avares des silences. Contre les<br />
ailes d'or, les feuillages fondaient leurs écumes et leurs chaudes toisons.<br />
Les boutons de soie sous des sommeils de plaisirs soufflaient les hymnes<br />
de froidures. Maintenant invitée pour les complaintes et les cris de<br />
l'enfance, elle laisse un à un les étés fuir dans les chaleurs boréales.<br />
Les filigranes et les miroirs réapparaissent trempés d'images<br />
385
troublées, et les frissons vieillissent les ombres de la nuit. Les jardins<br />
puis les miracles tombent et meurent sous les délectables souffles. Les<br />
fileuses consument les grâces sublimes des instants. Dans sa blancheur,<br />
elle épuise les plaies pensantes.<br />
Le songe s'épuise et l'espoir s'ennuie. Bouleversée, roulant<br />
parmi les meurtres de ses ombres, épousera-t-elle l'effet des voix<br />
entendues ou s'écroulera-t-elle sous le poids de ses faiblesses ? Des<br />
nombres soulèvent déjà les passives déclarations et les chants règnent<br />
sur l'or défini.<br />
386
Il s'élevait<br />
Il s'élevait dans les douceurs immondes se rappelant à chaque<br />
instant les noirceurs d'une vie passée à vendre l'imaginable. De sa chute,<br />
puis de sa gloire s'effondrèrent les rumeurs des foules, les obéissances,<br />
les victimes et l'angoisse. C'est en gravissant l'abrupte pente du malheur<br />
que passa en son âme, comme une bouffée de braises brûlantes,<br />
l'indicible mutation de l'exploit. Jouissance du mystificateur et oracle<br />
bienveillant, personne n'eut raison de sa foi.<br />
387
Dans le dégoût<br />
Dans le dégoût, la femme s'envole et s'enivre des fraîcheurs<br />
matinales. Les veines sont gonflées par les saveurs extrêmes et le sang<br />
bat sous la peau lisse et fatiguée. Allongée, le corps nu sous le drap de<br />
satin, la respiration est courte, saccadée par moments. Puis une longue<br />
bouffée d'air pur gonfle sa poitrine. Le sein droit découvert dévoile une<br />
pointe violacée, tendre et ferme. La main caresse un autre corps qui<br />
repose à ses côtés. Un visage lourd de rides et d'espérances oubliées. Les<br />
yeux transparents d'amertume collent un plafond grisâtre. Et la lèvre<br />
pendante encore semble boire avec avidité ses vingt ans.<br />
388
L'idée cosmique<br />
L'idée cosmique partagée entre le ciel et l'air ronfle sur les<br />
ordres suprêmes des nébuleuses. Qu'un chaos disperse les ordres, et<br />
l'électricité crispe ses lumières, ses infinis. Un dieu écoute et jouit de nos<br />
discours. Pourtant, pas un battement pas un souffle, pas un éclair. Le<br />
néant et l'homme se combattent, propriétaires des mondes et des univers.<br />
Le néant prolonge l'inquiétude. L'homme ailé d'un vent gracieux<br />
construit.<br />
Frères de l'impossible, jouons-nous de l'inconnu et par le<br />
langage réinventons-nous le monde à notre dimension ? Je vous sais<br />
ivres de mensonges, de profondeurs nocturnes. Je sais le désespoir et la<br />
quête du négligeable. Mais pour l'amour de la beauté, pour la pure<br />
perfection d'un art oublié, combattons encore !<br />
389
Le mort séquestré<br />
Le mort séquestré dans son caveau morbide crie l'espoir d'un<br />
maigre devenir, et frappe les parois du solide pour se révolter contre son<br />
Dieu. Peur de son néant, de l'inconnu macabre aussi. Et peur du spectre<br />
blanchi pour les siècles à venir, qui surveille son honneur comme<br />
d'autres des prisons. La femme sommeille encore possédée par Satan qui<br />
veut l'épouser, et l'enfant hurle sa crainte de se voir périr.<br />
L'homme espère encore un pardon.<br />
390
Opulence<br />
Opulence du gendre fier ! Tu profites des misogynies perverses,<br />
et ta voix s'expulse en saccades.<br />
Un ténébreux parcours dans les rues de la cité confond<br />
l'égarement, et les nymphes veulent chanter.<br />
L'enchaîné déserte le lit corrompu d'odeurs folles, et le lever<br />
distant rassemble l'époux gras.<br />
Des libations générales se sont vendues sous des draps infectés,<br />
mais ton calvaire franchira la porte de l'interdit, découchera puis vomira<br />
l'oreiller du songe.<br />
Le respect mercantile ? - Oublié ! Quand du jeu tonneront les<br />
heures indues, des fonctions rares participeront à l'écart.<br />
391
Ton estime<br />
Ton estime : pluies de déroutes et maux de terre. Parvenu, le<br />
chant produit jusqu'à se rompre dans les entrailles, - le chant s'éloigne<br />
dans les crépitements de l'arrière-saison.<br />
J'ai toléré l'artifice véhément. Sur un pommier volé, j'ai arraché<br />
le fruit sec et mauvais. Sans protocole ! Pitoyable vertu pour quelques<br />
graines à la sève vivifiante !<br />
On se lamentait sur ton ancienneté : - climat d'incertitude et de<br />
violence. L'espoir peut-être forcera le château des pays radieux.<br />
392
L'heure<br />
L'heure ne retiendra pas les déceptions ni les termes prononcés<br />
dans les batailles magiques et charmeuses. Pourtant tes seins se<br />
gonfleront du sang pulpeux : l'enfant naîtra. Dans tes veines, la force<br />
vaincra nos absences, et ton sexe sera plaisir et joie. Par tes yeux bleus et<br />
marron, j'avais nourri l'espoir d'une vie harmonieuse.<br />
Des effets moteurs pour courir à ta recherche, de grandes<br />
évasions ! Quelle déduction universelle ? Un départ vers un autre corps !<br />
Les forces spirituelles aimantaient nos deux âmes. J'allais mourir, c'était<br />
folie et jouissance réunies.<br />
393
Équinoxes<br />
Équinoxes des abrutis,<br />
Saison charnelle,<br />
Il te pousse deux ailes<br />
Pour voler dans la nuit.<br />
Surtout dès l'aurore<br />
Tu soulèves encore...<br />
Mais ne fais pas de bruit,<br />
À la source des minuits !<br />
Et c'est toujours moi<br />
Qui bouscule les lois !<br />
Mais tu recules,<br />
Un, deux, trois...<br />
Hourra pour les gueules !<br />
Car à peine seul,<br />
Mon exil est fini.<br />
394
Vrai, je dirais croître<br />
La lumière de l'œil,<br />
Mais je suis en deuil.<br />
Équinoxe des génies :<br />
Saison spirituelle,<br />
Il te pousse deux ailes<br />
Pour voler dans ta nuit.<br />
395
Id ! (idées) :<br />
Toutes les peines reçues en plein front, toutes !<br />
Et les cordes pour resserrer le cœur, les cordes !<br />
Des vérités mêlées à de superbes mensonges :<br />
Les voix grincent dans mon crâne.<br />
La solitude tourmente les pauvres âmes.<br />
- Enfin, j'ai cru entendre distinctement.<br />
L'envoûtement est spectaculaire,<br />
Sache le désarroi, sale nègre !<br />
La pensée se met en éveil,<br />
Ils bondissent nus et s'agrippent aux hanches.<br />
Des frissons éternels puis leurs rires sournois !<br />
Ils avancent dans les rêves qu'ils revêtent !<br />
Lavage de la cervelle et maléfices affreux.<br />
396
Nul ne portera<br />
Nul ne portera à tes lèvres la coupe,<br />
Assoiffé ! Mais ton sang bu dans les<br />
Artères du mal glorifiera tes<br />
Carences exploitées.<br />
Les laits vidés de ton absolu périssent<br />
Sur les étoffes usées des mémoires.<br />
Même ce chant clôt l'abdication<br />
Ancienne.<br />
Soulèvements dans un cri, c'était hier !<br />
Tout se crache : les compréhensions<br />
Méthodiques restituent des voix d'or,<br />
Surtout des offres ! En fait, des perles.<br />
Un goût de survivance pourtant<br />
Aux lâches besognes ; besognes<br />
D'esclaves. Déjà les fuites,<br />
Les départs sont impossibles.<br />
397
Suc protecteur que personne<br />
Ne voit luire ; moi, victime de<br />
L'habit invisible ; il suinte<br />
De tes pores les transpirations acides<br />
De la clairvoyance.<br />
Éclats de l'entretien dont les<br />
Lumières éblouissent comme des phosphores<br />
Neigeux ; moi-même : "Mares de sang<br />
Autour des crimes de l'infortune ;<br />
Violences à l'âme qui convoitaient<br />
D'autres plaisirs".<br />
Matrices rigoureuses, mathématiques de l'art ;<br />
Ignorant qui achève le droit du hasard ;<br />
Seul et unique possibilité<br />
De la destinée inhumaine.<br />
Le sort roule dans des veines de chaleurs,<br />
Imbéciles révélations<br />
D'une épopée unique,<br />
Et des transferts déjà<br />
Palpables dans l'obscur soi-même ;<br />
Le règne de la philanthropie<br />
398
Hurle son dû.<br />
Silence.<br />
Celui qui se lève marche sans se retourner<br />
Mais ne peut rire de son insipide essai.<br />
"Choisis."<br />
Un nivellement qui échange des idées,<br />
Des luxes, des obstacles et<br />
De misérables gémissements puis d'éphémères<br />
Bontés. Les lois divines sont bafouées.<br />
Mais toi seul, tu conduis.<br />
399
Les lignes d'or respirées<br />
Les lignes d'or respirées<br />
Lentement dans les vallons de l'aurore ;<br />
Les philtres qui s'accordent<br />
Flambent les noirs coteaux de l'hiver.<br />
Ce sont des races et des bons étranges.<br />
Si j'ai grand souci de l'estime ?<br />
Libre, je déploie les passives douceurs<br />
Aux sons ailés des villages voisins.<br />
L'accord des pâtres pour des chansons,<br />
Les mauves poursuivent l'air humé,<br />
Et les courses se plantent entre deux eaux.<br />
Ai-je le goût de l'atroce silence ?<br />
Veulent-ils l'aurore des points cardinaux ?<br />
Pour les vents du déchet, l'empreinte<br />
Et le danger sur des pierres coupantes.<br />
Ai-je grand souci de l'estime<br />
Quand le soir les rentrées nonchalantes<br />
Poussent l'ennui dans les mares et les boues ?<br />
400
Nature, guette les travaux des champs.<br />
Il te faut atteindre l'espace lointain.<br />
Bonheur dans l'évident silence,<br />
Ton esprit est encore tué ! Rencontres et reflets<br />
Des taches dorées sur les mousses exigeantes !<br />
Je rendrai l'intelligence pourprée.<br />
Et dans les semailles d'un autre hier,<br />
Je tremperai ses lichens aimés.<br />
L'herbe violette sentira bon<br />
Par-dessus le val tout glacé de plaisir.<br />
Quoi ! L’ensemble est réparti dans les terres ?<br />
Il baise l'air frais, et plus loin la rosée.<br />
Canton, aurai-je encore mainte estime ?<br />
Feu des prés, voleur des disgrâces,<br />
La folie est consternée dans l'envol prochain.<br />
Mais puis-je maudire ainsi déchus<br />
Ces philtres, ces lignes, ces accords,<br />
La permission d'un renouveau ?<br />
Les oisifs pleins de tourments écoutent,<br />
Gardent le mot qui se devine.<br />
Même l'hôte peint la saison chargée.<br />
401
L'air pur se voudrait être digne dans l'orgueil ;<br />
Les brumes fléchissent peu à peu ;<br />
Des bonheurs sous les couches perdues ?<br />
Des soleils d'automne qui se tannent la peau ?<br />
Quand tu pleures tes mensonges,<br />
Quels instincts pour la possession des Natures ?<br />
D'une voix qui épuise les chœurs étrangers,<br />
Les vertes couleurs muent inlassablement,<br />
Mais les superbes brises souffrent-elles ?<br />
Ha ! Comprendre cette infortune ! ...<br />
Pourquoi ces crachats rentables ?<br />
Serait-ce l'ordre bleu des pensées d'argent ?<br />
La soif sèche les fenaisons détestées.<br />
Lignes cent fois maudites, philtres et accords !<br />
Mais sur des fragments resplendira le soleil !<br />
Tu joues le miracle de l'espérance humée.<br />
Des fous se pâment bien pour quelque or.<br />
Tu te lies avec la précocité urbaine.<br />
Et dans les spasmes de l'effroi, de l'angoisse,<br />
Des monstres attaquent, tu es seul !<br />
402
La ville détruit la noble fonction,<br />
Et conspire contre l'audacieuse foi.<br />
Ligue ancestrale et fatidique !<br />
Ce cri achève les paroles rêvées<br />
Puis crache sa démence dans les bruits de l'action.<br />
Gigantesques souterrains, et arbres de fer,<br />
Combat des formes dans l'artère jaunâtre !<br />
Val mousseux sous les buissons du silence ?<br />
Teintes sublimes transférées par l'invention ?<br />
La chair du poète arrachée par des loups.<br />
Ho ! Du tombeau de la gloire s'enfuit le rubis !<br />
Poisse et crasse et vieilleries, et dégoût encore !<br />
403
Mais c'est toi et toujours<br />
Mais c'est toi et toujours et encore face au peuple,<br />
Sombrant sous les sanglots humides du destin !<br />
Si un rire incertain plisse ses lèvres rouges,<br />
Un scandale se lève arrachant les drapeaux !<br />
Ce mur, ces toits forgent les traces anciennes,<br />
Tandis que sur les glaces sont des bouffées d'air pur.<br />
De noires inquiétudes recouvrent les longs cris<br />
Comparables aux déboires qui frappent l'esprit libre.<br />
La voix hante la demeure hautaine des demains.<br />
Ce sont des joies divines qui s'esclaffent en ton heure.<br />
Ta voix a traversé de sombres marécages,<br />
Ô l'ardeur militaire, ô les pas saccadés !<br />
La femme s'est donnée sous la force des armes,<br />
Et le sein arraché est hurlant de douleurs !<br />
Les enfants ont pleuré et supplié du pain.<br />
Le vieillard est gisant sous le poids de son ombre.<br />
404
C'est vivre l'espoir des continuelles peurs<br />
Transpercées de rappels éteints et ranimés !<br />
Car des hommes s'acharnent, infligent violence,<br />
Comportements sauvages des humains arriérés !<br />
Mais les leurres ont craché la paix intempestive.<br />
Du dehors, aucun mal, nulle douleur ne crie.<br />
Déjà ma voie s'efface dans l'oubli des raisons :<br />
Ô les plaisirs débiles pour toute délivrance !<br />
Et les sermons brûlés - c'était irrésistible !<br />
Et les pleurs de ces Dieux écoutés dans mes nuits !<br />
Ainsi l'écho se perd dans les pures résonances<br />
Pour se figer squelette dans les masques crispés !<br />
L'amertume et le goût silencieux du vide :<br />
Mouvement de jeunesse qui perturba ma vie.<br />
Si cet appel figé prétend fléchir toujours,<br />
Pourquoi continuer ce délit condamnable ?<br />
405
Mouvements sur les clartés<br />
Mouvements sur les clartés et les paraboles d'argent,<br />
L'hymne des fées et des vierges s'ébat<br />
Et tournoie dans les vapeurs de l'été.<br />
Fluides jaunes qui bondissent dans les chaleurs inertes.<br />
Les ondes blanchies montent sur les faisceaux d'or.<br />
Contre les rares sèves, les monts et les calices,<br />
Un segment de droite est dirigé vers les champs,<br />
Et l'astre gonfle le feu des lumières vivifiantes.<br />
L'équilibre s'étend sur les folies boréales.<br />
Le magnétique attrait subit les couleurs<br />
Et s'élance sec et brûlant vers les pluies inouïes.<br />
L'élasticité des secondes conduite par des photons<br />
Perturbe la pesanteur des rayons irradiés.<br />
Tout danse dans l'arc-en-ciel bruni<br />
De force et de phosphore. Les lumineuses plaies<br />
S'éloignent avec peine sous les pastels, par principe.<br />
406
Des sépias teignent un phare de proue,<br />
Vers l'extérieur soulevé de la terre,<br />
Et les flux propagent les chocs<br />
Sur l'écran métallique.<br />
Variétés de l'origine transposées jusqu'aux<br />
Migratoires pensées. Enfin cataclysmes teigneux<br />
Qui rebondissent dans les soleils de l'aurore,<br />
Repères et flèches pour la géométrie du Néant.<br />
Les siècles bariolés longent leur espace,<br />
Et les nébuleuses ocres tourbillonnent à l'est.<br />
C'est un point engouffré sous les ombres et les noirs :<br />
Le dépassement de l'origine retourne au réel.<br />
407
Encore moi éternellement !<br />
Encore moi éternellement !<br />
Puisqu'il te faut partir<br />
Dans les chaleurs du printemps,<br />
Plutôt que de mourir<br />
Vivons en suppliant.<br />
Encore moi éternellement !<br />
On me dit : use<br />
Les traces de l'été.<br />
La folie amuse<br />
Les hommes détraqués.<br />
Réponds : demeure<br />
LUI éternellement<br />
Depuis trois cents ans.<br />
Au fil des heures<br />
Sale mauvais temps etc.<br />
Il continue :<br />
408
LUI éternellement.<br />
Avançons ta mue,<br />
Il n'est pas très grand.<br />
Encore Moi de temps en temps.<br />
409
Est-ce bien qui étonne<br />
Est-ce bien qui étonne,<br />
Ou joie et plus flore ?<br />
Dans les sémaphores,<br />
Le vent déraisonne.<br />
Brasses sur de l'écume<br />
Dans le canal suivi.<br />
Par des lacs de fortune,<br />
Une cavale sortait.<br />
Vapeurs sur aquarelles<br />
Oui, des brouillards stagnants<br />
J'aperçois deux ailes :<br />
C'est moi tout tremblant.<br />
Puis l'orage se creuse<br />
Contre ses peupliers :<br />
Une course furieuse<br />
Sur le bord des marais.<br />
Et pour ses souffrances,<br />
410
Cet espoir est sanglant.<br />
Là dans ses apparences,<br />
Le pur est navrant !<br />
Ha ! Syllabes de survie,<br />
Crasse de mes yeux.<br />
Mais l'air s'est appauvri,<br />
Et s'étend à moitié.<br />
Est-ce bien qui étonne<br />
Ou joie et puis flore ?<br />
Dans les sémaphores,<br />
La chanson s'envole !<br />
411
Chute<br />
Ton violet canonique<br />
Sur l'écharpe des eaux<br />
En rotations rythmiques<br />
Lèche ses grands sanglots !<br />
C'est ta voix qui s'épuise !<br />
Maudis l'enchantement<br />
Lui qui hante à sa guise<br />
Miroirs, éclatements.<br />
Mais les soleils se mirent,<br />
Tu sembles l'oublier !<br />
En cascades, respire<br />
Ton azur détesté !<br />
Horreurs de la saison,<br />
Le vice est dans tes nus !<br />
Afin que ta raison<br />
Au cœur ne parle plus !<br />
412
Nuitamment<br />
Tu peux à présent te reposer,<br />
Toi qui t'imprègnes d'or et d'encens<br />
Et sur la tête courbée<br />
Rêver de rêves tout-puissants.<br />
Tu peux si ton humeur câline<br />
Te verse des fruits savoureux,<br />
Bercer ton corps qui s'achemine<br />
Vers les hauteurs des Dieux.<br />
Allusion aux soleils de la terre,<br />
Respire la caresse des nobles odeurs,<br />
Et bois la suave liqueur<br />
Qui remplit les espaces clairs.<br />
Enfin dépourvue de toute haine<br />
Dans tes songeries, dormeuse,<br />
Oublie le mal qui se déchaîne<br />
Vers ton âme amoureuse.<br />
413
L'étincelle de l'heureuse tentation<br />
Gâchera malgré toi ta candeur :<br />
Un masque stérile d'inspiration<br />
Réveillera tes sueurs.<br />
Accords sur la page tremblante<br />
Au comble de la forte nuit,<br />
Ce seront lueurs sanglantes<br />
De ton travail maudit.<br />
414
À l'heure où tombe<br />
À l'heure où tombe le crépuscule,<br />
Je vois selon le faisceau diurne<br />
L'horizon conquis par maints sots.<br />
Si ta couche couverte de vertiges<br />
Se veut par tel songe vespéral<br />
Au feu cuisant qui t'oblige<br />
À vendre l'endroit de ton mal,<br />
Va, princesse à l'haleine chaude<br />
Te goinfrer de grasses pâmoisons !<br />
Et bois dans l'œil livide qui rôde<br />
Le vif éclat des floraisons.<br />
Car l'odeur de ses boutons<br />
Te jette le florissant puceau,<br />
Nue du nombril jusqu'aux tétons !<br />
415
Écoute le cœur maudit<br />
Écoute le cœur maudit et renfermé du poète inconnu qui<br />
s'appelle Franck Lozac'h, celui qui n'a pas la rigueur pour progresser et<br />
pour vendre des phrases, l'impatient, le résigné, celui qui écrit trop vite,<br />
celui qui est incapable de se maîtriser, celui qui se gaspille à son bureau<br />
en regardant ton image, celui qui espère et attend des jours meilleurs.<br />
Il a écrit des livres qui ne font guère succès qu'auprès des<br />
morts. Lui qui s'est lavé dans la poésie, il est refusé par tous. Va-t-il<br />
attendre encore des semaines, ces heures d'insuffisance noyé dans la<br />
fumée ? Ses défauts sont innombrables. Il ne sait pas même construire<br />
un texte. Des suites illogiques, et des fautes ! Des fautes ! ...<br />
Il aimerait tant la rigueur des bons poètes. Plein de fougue et de<br />
sentiments, mais si faible écrivain. Sans accent, point de rythme, sans<br />
choix de verbes, point de phrases. Il jette un coup d'oeil sur le morceau<br />
d'hier. La même tristesse, le même dégoût. Comment aller vendre ces<br />
feuilles rachitiques à Paris ? Voilà qu'il n'est plus ni sincère ni objectif<br />
avec soi-même.<br />
Que compte-t-il prouver au juste ? Un traîne-misère, cet<br />
invendu, passif, à l'écriture féminine. La maigre obole ! Un vrai poète,<br />
pauvre comme les autres, seul contre les autres. Il n'a jamais eu de<br />
416
succès ni de très grandes joies. Qui voudrait l'éditer ?<br />
Je n'ai rien à gagner. J'ai passé quelques instants avec toi à te<br />
parler de mes ennuis. Pardonne-moi toutes mes faiblesses. Je n'ai plus<br />
l'esprit à inventer quoi que ce soit.<br />
J'attends peut-être que le petit jour termine ma page. Le temps<br />
me condamnera-t-il à m'assassiner ?<br />
Ces heures tendues ont fait exploser le poème proche de la<br />
source d'espoir. Je rattrape les actes nerveux. C'est angoissant ce profond<br />
silence quand on est seul. Je transpire de bonnes <strong>pages</strong> parfois. Un<br />
sentiment indigne m'envahit. Quel luxe lorsque l'on vous écoute par une<br />
grande nuit !<br />
417
Théâtre d'enfance<br />
À l'endroit du décor, on aperçoit les séculaires peintures<br />
tombées dans l'oubli. Derrière les machinistes, se dressent les<br />
instruments utilisés au théâtre. Côté cour, des acteurs entrent en scène.<br />
Des échelles, des cloches, objets hétéroclites de toute époque, - des<br />
bureaux Louis XV, des consoles, des commodes et des lustres. Quelques<br />
gens s'activent, s'énerve la Pavlova, la Grande Étoile.<br />
La scène étroite, recouverte de planches de bois et le rideau<br />
vert, motifs - sirènes languissantes énormes, fleurs rouges, lacs dans le<br />
fond couleur pastel etc.<br />
La fosse invisible sauf des loges latérales ornées de fauteuils<br />
rouges, de moquettes rouges aussi. Tout est correct. Au plafond des<br />
lustres somptueux accrochent le regard parfois.<br />
Celles qui placent : de grandes corbeilles en osier, ceintures<br />
autour des reins. Femmes vêtues de noir, faméliques, sorte de gagnepetit,<br />
une torche à la main.<br />
À l'entracte, des parfums et des robes somptueuses. Des<br />
femmes grandes, élégantes, dédaigneuses presque.<br />
418
Les loges - si je me souviens bien - sur trois étages. Des glaces<br />
placées tout autour de la loge. Des sièges médiocres, - de simples<br />
chaises. Des ampoules autour des glaces.<br />
Des costumes - partout des costumes. Elles se déshabillent, ces<br />
actrices de troisième ordre. La troupe rit. L'une d'elle, Bernadette fait le<br />
pitre. Moi, enfant je regarde un peu gêné les femmes se déshabiller.<br />
Poudre de riz, rouge à lèvres, éclats de rire, théâtre.<br />
419
Par-delà<br />
Par-delà toutes ces forces qui usent ta vigueur divine, par-delà<br />
le harcèlement continuel qu'il te faut subir, c'est l'esprit de la soumission<br />
que tu es prêt à accepter.<br />
Tu jouis de ces mensonges comme une femme complaisante<br />
baignée dans de monstrueuses orgies. Tes revendications ne sont que de<br />
pleutres facilités. Car tu touches d'un doigt mesquin les saveurs<br />
déployées, les suavités fulgurantes. Tu aimes à entendre ces agaceries<br />
bizarres qui frappent ton âme révoltée.<br />
Ces horizons s'illuminent tout à coup avec des torches vivantes<br />
enflammant l'intérieur de ton esprit possédé et visqueux. Tu vis dans<br />
l'horreur de la déformation. Tu acceptes cette soif de vengeance dont la<br />
seule utilité est de te nuire. Après la contemplation unique des règnes<br />
putrides, tu te plais à jouir des luttes excessives indignes de ton affreuse<br />
loi.<br />
420
À la limite<br />
À la limite, les faux remplissent aisément les <strong>pages</strong> de poésie.<br />
Le travail est un jeu que je ne maîtrise pas, un pur état de conscience ou<br />
de simple écriture... Croyons au talent. Le comique est que chacun se<br />
croit doté d'une dose importante de cette essence.<br />
Mais quelles en sont ses véritables manifestations ? Est-il<br />
possible qu'un écrivain de vingt ans en soit fourni et qu'il reste inconnu<br />
de ses contemporains ? Se peut-il qu'un chef-d'œuvre se cache dans le<br />
mystère ? En vérité toutes les pièces sont lues par des lecteurs avertis.<br />
Un chef-d'œuvre serait-il refusé par un comité de lecture ?<br />
421
Fragment<br />
Je ne puis que constater les avantages des poètes et des<br />
écrivains de vingt ans : j'écris mal. Vite !<br />
Sentiment d'inutilité qui m'habite sitôt l'acte achevé. Penser tout<br />
le long du discours, est-ce la consigne à respecter ? Je me plains, direzvous,<br />
d'une constante et misérable jeunesse à vivre dans l'ignorance et<br />
dans la solitude ?<br />
Le temps consacré à l'étude est néant, comme la méthode de<br />
travail est perte. Je tâtonne cherchant des réponses dans des bouquins<br />
signés d'anciens incapables, livres de rien. Les maîtres, eux, ont caché le<br />
savoir dans des poèmes et des textes divers.<br />
422
Je n'en finirai pas<br />
Je n'en finirai pas de sitôt les devoirs à accomplir, non que je<br />
puisse les faire sans quelque chance, mais mon enthousiasme m'a<br />
vaincu, a ébranlé mes derniers espoirs.<br />
Depuis longtemps, je me jurais d'achever le peu qui avait été<br />
écrit jusqu'alors. Mais déçu par mes découvertes, j'ai décidé de m'en<br />
tenir à quelques <strong>pages</strong>, - les moins décevantes. Il ne me reste de la<br />
production de l'année qu'une poignée de feuilles jugées convenables.<br />
Le contrôle que je me promettais d'observer n'a été qu'ébauché.<br />
Primesautier, j'en suis encore à me désespérer de ma faible écriture.<br />
Depuis dix mois, j'ai gâché mon inspiration ignorant les règles<br />
élémentaires de la poésie. Dès lors je tache par l'étude à les découvrir.<br />
Mais la poésie est un art difficile, et dénouer des fils invisibles<br />
est chose délicate. Je m'y suis essayé tant bien que mal.<br />
Je veux me délivrer de cette jeunesse insouciante, sans<br />
connaissances littéraires qui se repose ou se complaît de légères<br />
satisfactions.<br />
423
Et pour te démontrer<br />
Et pour te démontrer que le Néant existe, ne change pas. S'il te<br />
faut croire qu'il résistera, couvre d'un air d'orgueil ce que tu<br />
comprendras, remets sur table ta naissance, de la main, afin d'y déposer<br />
l'or écouté. Car véritable dépotoir, c'est ton choix qui en dit seul<br />
l'exploit. Mais laisse-moi y voir le profil du navire ou l'accord d'y vivre.<br />
Effet de conjuguer, je m'accompagne dans un excès de doute au rythme<br />
lent. Tempête ! Les vagues d'analogies avancent, compas détraqué,<br />
plutôt que de pousser vers la Grande Île.<br />
L'année est proche qu'il ne travaille au poème, et du doute glacé<br />
qu'il ne remplace à peine le pur-sang, des feuilles tachées. Pondération à<br />
ce qui est dit, il mérite un deuil et nécessite de valeureux soleils dont<br />
l'origine explose pour le sentiment de rêve. A l'encontre de cette vie et<br />
ne rougissant pas, sont-ce les chimies et les décors de la prison ? Les<br />
fumées, les acides ont usé les angoisses. Ni roi ni avocat n'ont gagné la<br />
place qu'ils méritaient, si ce ne sont l'été encore et la voix même !<br />
Vagabond qui recule, pourquoi nier l'oubli que s'arrachait l'or<br />
de la tempête ? Quoique derrière tes soucis noirs, l'expertise contredise<br />
la profonde chute, tu fais éclater les nullités alors que rien ne se vend !<br />
Tu t'emprisonnes, et rarement tu confies la lecture de la page à autrui<br />
424
comme le doute t'envahit.<br />
Si bravement hébété, un héritage renversait le corps, purs<br />
l'entreprise seraient et le cœur aussi. Sans patience, la ténacité, nulle part<br />
ne nous conduit. Le plaisir dont tu t'es gavé te vante, et tu découvres que<br />
perdre connaissance est peine longue.<br />
Mais déguerpis ! Ton sac ! Car tu cours après l'envie de te<br />
contrôler, Narcisse ! Et du vin pour l'épouser avant la nuit.<br />
425
Ce n'est plus une idée simple<br />
Ce n'est plus une idée simple et compréhensive en peu de temps<br />
qui est ainsi exprimée, mais les caractères même de la pensée qui sont<br />
explorés avec toute l'attention nécessaire. A moins qu'il faille envisager<br />
l'analyse avec plus de discernement, avec une rigueur incisive et efficace<br />
telle que personne encore n'avait osé s'y astreindre.<br />
Pourquoi s'essayer à trouver des arguments, des preuves alors<br />
que le bon sens que chacun possède suffit à démontrer le contraire ?<br />
Certains savent que nos vues ont fui ce mélange trouble.<br />
Pourtant plusieurs chemins s'offraient à nous. Deux pouvaient être<br />
empruntés. Ils semblaient aisément praticables. L'un indique<br />
l'impuissance et le retour prononcé sur soi-même avec une jouissance<br />
ressentie dans la vie du malade. L'autre est plus dangereux, il est le<br />
sceau de la vie fatidique. On ne peut y échapper. C'est une issue dernière<br />
comparable à une porte ouverte sur le néant. Chaque étape étant<br />
identique, il est impossible de la dissocier de la précédente. Une sorte de<br />
mort qui serait le point idéal de stabilité comme un neutre, équilibre<br />
parfait.<br />
C'est la chance révélatrice des destinées qui fit échouer<br />
426
l'expérience de l'emprisonnement. Une force magnétique, elle<br />
conditionne les pensées, les change et les fait resurgir déformées comme<br />
par envoûtement. Tout l'esprit se voudrait autre, car il est conscient de sa<br />
perte : c'est un venin qui se diffuse en nous, une araignée qui enveloppe<br />
sa proie.<br />
La conscience éclaire le possédé pour lui donner la raison de<br />
résister, mais comment lutter contre son destin ? On aimerait à comparer<br />
le destin à une machine infernale lancée que le conducteur serait<br />
incapable d'arrêter, à une espèce d'énorme bête besogneuse qui<br />
avancerait gueule écrasée, les pas alourdis par l'empreinte du temps.<br />
La foi est l'unique guide puisque le Saint Livre détient la clé de<br />
la Vérité. Seul, l'apport divin peut lever les voiles, lui seul a prouvé<br />
l'Annonciation. Lui seul te sauvera des misères et des embûches de ta<br />
détestable vie.<br />
Mais le rire divin éclate à mes oreilles, et fait trembler mon<br />
être, comme pour se moquer avec ironie de mon piteux effort.<br />
427
Il te faudra cette semaine<br />
Il te faudra cette semaine vieillir les fruits exaltants et<br />
longtemps descendre les montagnes de rêves. Ils symbolisent déchets et<br />
crasses, putréfactions horribles, odeurs insoutenables que toi seul hélas !<br />
tu oseras humer. Dans le désespoir de la solitude, les sens malgré un<br />
dégoût répugnant cherchent un bonheur vain, une délivrance et un air<br />
pur regretté. Ces roulis de peines dès que la ligne de l'esprit sera irradiée<br />
blesseront, déchireront un corps déjà noir de pus.<br />
Images captivantes que la misère développe à une cadence<br />
effrénée avec l'horreur que cela inspire. L'une d'entre elles assassine les<br />
<strong>pages</strong> blondes qui vivent dans l'attente d'un lendemain. Elle détruit<br />
l'espoir, cette unique contemplation que tu t'essaies à conserver en toi. Je<br />
la sais brûler les taches d'or épousées dans les ténèbres de son néant. Je<br />
la sais flamber les feuillets superbes dont l'existence est déjà<br />
compromise.<br />
L'autre comme attelé par quatre chevaux dévale les sommets et<br />
les pentes de l'infortune avec l'agilité divine. Elle, parée de somptueux<br />
bijoux avance majestueuse tenant dans sa main droite les rênes de la<br />
postérité. Les coursiers bavent de l'écume par les naseaux, se cambrent<br />
et crachent des flammes qui vont se perdre dans l'infini. Elle seule sait<br />
428
les maîtriser.<br />
Elle est ce corps svelte aux proportions harmonieuses, ce<br />
sourire éclatant qui lui donne la dignité de la femme forte de son avenir.<br />
Ce sont du moins ces parties qui se chevauchent, qui se<br />
succèdent avec une vitesse, avec une rapidité incroyables. Elles glacent<br />
les intestins qui éclatent sous l'action du froid, qui explosent sous les<br />
regards vainqueurs de la femme.<br />
Mais libéré ou prisonnier, sous le joug de l'incorruptible<br />
confusion, les sinuosités m'envahissent. Les éléments même de la<br />
déperdition s'acharnent sur les sueurs de l'insomnie. Des tremblements<br />
puis des bontés, des drames puis des voluptés et des raffinements luttent<br />
dans un tumulte de vice et de luxure.<br />
Engagement de deux colosses gigantesques qui s'écrasent et se<br />
relèvent, qui sont tonnerre et foudre, immortels et invincibles. Des<br />
sentences pour ces démons, de phénoménales vengeances pour retrouver<br />
la quiétude et la paix désirées.<br />
Impitoyables ennemis et pourtant en harmonie avec moi-même.<br />
Mon âme crée les combats, les charniers et les artifices. Elle engendre<br />
des nuées de cauchemars, elle enveloppe d'étoffes gonflantes les<br />
429
cataclysmes subis, les catastrophes vénérées.<br />
J'aime à comparer cette fresque étrange avec l'épique marasme<br />
qui détruit tout sur son passage, qui multiplie les dangers d'une vie<br />
vouée à l'étrange et au mystère.<br />
Quand s'éteignent lentement les lumières vacillantes des<br />
chandeliers d'argent, les chambres consument encore les dernières lueurs<br />
qui s'enfuient : or, palme et plaisirs ! Tout s'entrelace dans des coffrets<br />
immondes, tout respire les parfums discrets que juxtaposent dans de<br />
phosphorescentes fêtes des fantômes exhibés. Depuis que la porte laisse<br />
échapper les envolées divines par des trous béants, ils mystifient la<br />
raison pure et contribuent à haïr les actes sauvages.<br />
Par manque de logique déterminante, hagards et bornés, leurs<br />
mouvements irréfléchis restreignent les essais. Ils avortent les fruits dans<br />
des solutions troubles et inexpliquées. Le poids des fatigues retarde un<br />
exode désiré puisqu'ils font courber les protestations avec des fouets<br />
excrémentiels. Je m'explique : hier, les pensées, les réactions se<br />
rejoignaient par essence inconnue mais révélée. Des complexités<br />
poreuses montaient irréelles sur des magmas de terres travaillées. On<br />
voyait s'élever les pulsions, il en résultait cette appréciation mouvante et<br />
incertaine.<br />
430
À présent les conditions diffèrent. Je malaxe des rejets, et les<br />
substances inondent de caractères blanchâtres des œuvres<br />
indéfinissables...<br />
Un non-sens toujours, car s'accouplent des mots incapables<br />
d'exprimer une opération logique. Ils sont des groupements subtils de<br />
malfaçon, incohérents et pourtant harmonieux. Ils déterminent le doute<br />
absolu que chacun doit posséder en soi. C'est l'incertitude pour le monde<br />
incompréhensible. C'est convaincre l'homme de son impuissance à se<br />
diriger soi-même.<br />
Rien que des planifications et des regards braqués sur l'histoire<br />
! Des illusions avec des instruments d'aucune efficacité. Vous brandissez<br />
des rapports, des analyses structurées, des conclusions et des bilans sur<br />
le devenir humain. Vos complexes machines sont vos cervelles grises<br />
qui restituent des amalgames approximatifs. Des millions de données<br />
pour d'insignifiants résultats ! Vous en êtes encore à la sorcellerie<br />
scientifique, vous plaisant à programmer des banalités, des débilités de<br />
rêves enfantins.<br />
De là, vos ressources se désagrègent, vos profondes expériences<br />
n'accaparent que des vents incertains. Quand bien même de minuscules<br />
vérités s'offriraient aux interprétations diverses, jamais vous n'obtiendrez<br />
la juste appréciation recherchée.<br />
431
Je suis la pensée qui exprime les intolérables mensonges que<br />
personne n'avait osé dépister, la splendide tricherie que vous<br />
n'observerez que chez les autres, qui se cache en vous-même malgré<br />
votre bonne volonté et vos apparences trompeuses.<br />
Vous vous propagez croyant manier avec habileté un appareil<br />
sans âme, un bourreau sans sentiments, une sorte de divine force que<br />
vous contemplez comme l'irréfutable Messie.<br />
Hommes de science, vous n'idolâtrez qu'une mémoire, que des<br />
fonctions irréfléchies. Vous vous plongez dans l'univers du chiffre sans<br />
espoir de conquêtes sur le mouvement des destinées et de ses<br />
révolutions.<br />
432
À part l'explication cosmique<br />
À part l'explication cosmique, son poète reste un incompris. Sa<br />
plume enchante les symphonies. L'effort de minuit entreprend de faire le<br />
point sur le Beau. Il repart sans musique en vrai poète. Il se replie dans<br />
son corps vers d'autres noctambules.<br />
Vibrant de ses cordes vocales mais écouté dans ses solitudes.<br />
Bras tendu aux portes des caves. À toucher de la main les sources de la<br />
jeunesse.<br />
Sonde-t-il les dégagements des eaux baignées dans la tourmente ?<br />
Le vol des airs suspendus à l'aile noire ? Terre plate recouverte de laves<br />
refroidies. Des flammes semblaient descendre... Volcan !<br />
Ce temps n'a de durée que pour le jeune homme. Fini son<br />
amalgame de chances, il rentre dans son Néant. Fleurs odorantes, pétales<br />
chagrinés où vont les feuilles qui volent ? Dans l'espace soulevé et tendu<br />
de son génie. Mais à choisir qu'il m'aurait plu de boire la mare sous les<br />
vents endiablés ! Couché sur les terres, de manger de cette boue comme<br />
un soleil, d'y lire les vols pour tout un mois, puis de chanter les rêves,<br />
sueurs des lits, baignés aux cris des fois anciennes.<br />
Des espoirs vagabonds ruisselaient dans des libertés. Un vin de<br />
433
couleur remplaçait les jeux. Animalier, ce tour de force me prit aux<br />
poignets. Grâce aux vieux on prêche pour se bagarrer à la surprise des<br />
sales découvertes.<br />
Et le cœur lutte contre les yeux, contre les sons qui roulent<br />
pupilles et corps dans leur immensité chaotique. Il faut équilibrer les<br />
battements du bonheur. Si un vent soufflant vient à mourir entre deux<br />
focs, comment son bonheur sera-t-il certain ?<br />
Un dernier regard vers les astres aimés. Quelle réponse me<br />
témoignera plaisirs ou danses ? Hélas, mon nom est piqué sur la page<br />
blanche.<br />
434
Il y avait un lieu<br />
Il y avait un lieu où le monde se pensait. Chacun, seul était un<br />
fragment de tous. La tête inclinée, le visage enfoui dans ses deux mains,<br />
il pensait. Il n'attendait pas de réponses des autres. Sa mémoire après<br />
maintes opérations savantes se transformait. Il devenait, je devrais dire,<br />
il grandissait. L'esprit ainsi neuf, l'esprit multipliait les raisonnements. Je<br />
suis devenu longtemps après les anciens une force saine.<br />
Silence approfondi sans la parole humaine. Se sont fondus, se<br />
sont confondus les préceptes, idées et syntaxes. A l'origine des pensées<br />
sereines nageaient dans un tourment un feu. C'était une autre idée pleine<br />
de confusion marquée d'abandons douteux.<br />
Il y avait ce lieu où je me lisais. Fort de ma jeunesse, je buvais<br />
chaque parole. Il y avait la femme que j'inventais. La femme droite unie<br />
à sa danse, elle était perdue. Ni lieu ni secte ne la concevaient. Elle se<br />
mourait. On remplaça la femme par des poupées. Elles nous firent<br />
l'amour.<br />
Dans les copies, je voulus du neuf. Je remarquais mes non-sens,<br />
et j'insistais. En fait mes raisons me déplurent. Je m'accaparais... Je me<br />
plus à jouer avec le vent. Je devins libre et solitaire. Les forces<br />
m'accompagnent encore. Mais je jouis de mon esprit volontaire.<br />
435
Il y eut un lieu où les hommes se haïssaient. Je partis serein et<br />
transformé, libéré mais sans copies. On remercia le travail.<br />
Sans paradis, quel ange nous porterait ? Sans prison quel<br />
homme de peine nous garderait ?<br />
Il y avait une voix, mais je ne la chercherai plus.<br />
436
Toutes brutales<br />
Toutes brutales. À marquer d'une croix blanche les fantasmes,<br />
mais sans gloire où vont-elles ? La figure se défait dans les armatures, et<br />
ma transe si jamais possession est désuète me prolonge sous les<br />
tractations d'hier. Encore que le sobre nécessaire admette les<br />
déchirements. Quoi ! Reconnais que mes émissions me font participer...<br />
Faibles voix ! Des chutes précoces m'éloignent de ma large entreprise.<br />
Erreurs baignées de haines trompeuses et de suffocations. Leur<br />
laideur crache des pulsions comme des spectres à demi dévorés par la<br />
faim.<br />
Mais toute la gloire éclate, renvoie les déchets sous des<br />
coupoles de cuivre. Moi, je dors enfermé dans ma demeure. Ha ! Toutes<br />
mes souches commencent à encombrer les tableaux que l'on a répertoriés<br />
là-bas.<br />
Non, je ne leur en voudrais pas pour leur infecte soumission,<br />
mais leur facile case, prodigieuse construction hâtive, me foudroie la<br />
cervelle.<br />
Dominer tous les membres, les gloussements et les frontispices.<br />
Incroyable ! Ils viennent.<br />
437
Mélodie vicieuse et superbe qui s'envolait à la minute furieuse.<br />
Boire une tombe et un office d'ancienne guerre. Les forts en gueule ont<br />
chuté impassibles derrière les verres de la beuverie. Mais calmant leur<br />
souffrance, un sang neuf visite petit à petit les gloires passées.<br />
Divagations ! Mais la vie encourage les hommes à devenir<br />
d'autres hommes. Moi gentil et possédant la carcasse de ma nuit, je<br />
m'épuise déjà. Un mauvais toucher gâche l'étude lourde de préceptes<br />
fabuleux.<br />
Se riant de la bavure passée, mortes ou sanglantes que revivent<br />
les traces admises des sots ! C'est la liberté qui vole, et qui repoussée<br />
entre les quarts sort ivre. L'amour croule sous l'armature du soldat. Je<br />
fais glisser les remerciements des casernes diurnes. Le coup droit passe<br />
et mutile les présomptions auxquelles j'étais soumis.<br />
Un regard chu de tempêtes psalmodie les divergences qui ont<br />
bu les arêtes de la cité. Action typique de la déchéance certaine amarrée<br />
près des nouvelles voilures.<br />
Passe l'ordre fin. Des transactions se meurent jusqu'à la<br />
dernière. Ralentissements des fortes chaleurs et les duvets des<br />
purpurines viennent se coucher au premier contact des joies passées.<br />
438
Tout vol réside dans l'acte anodin.<br />
439
Lèvres sonores<br />
Lèvres sonores indistinctes en leur lit, car plaisant je divague<br />
sans m'élire parmi la faune ivre des humains. Tentations ! et mordre l'air<br />
fluide des sauvages esclaves. Encore qui mince je touche du doigt les<br />
millions, et je m'escrime dans un balancement facile ! Ô j'aime ces<br />
mystères...<br />
Vois si je domine les traces dernières, et non je suis jeune !<br />
Recopie l'acte passable. Mon heure s'éloigne de mes déchets... Lignes<br />
abondantes qu'un tel éclair les fonde loin de la chasteté. Je me nuis,<br />
impuissant de mes vils secours... Non, je me veux sous le grand jour,<br />
fruit sec niant mes découvertes exquises.<br />
Quel poème gît pauvre ou las, ou danse presque beau ? Avoir de<br />
mes chances ! Graisse pâle de mon insomnie, et les dieux fiers de ma<br />
traîtrise écoutent encore ... Vite, ta place se perd et des élans me<br />
consument en ma diversité. Erreur ! Car le moindre exploit embrasse mes<br />
douleurs d'enfance. Ô calme traîtrise toute fécondée d'orgueil ! Miroite<br />
esprit désuni dans les profondeurs impies des anciennes horreurs !<br />
C'est mon chant, ô ma puanteur de femme qui plonge aux<br />
derniers frissons. Et qui croira en l'influence stérile puisque je change les<br />
fumées de mes paroles en élixirs grandis ? Je vole à l'espoir incertain sa<br />
440
quantité de merveilleux. Qui dans la transe entendra les secondes<br />
désarmées se morfondre sous mes soupirs exaltants ? L’Être poursuivi<br />
pleure.<br />
441
Œuvre raisonnable<br />
Œuvre raisonnable aux penchants mystiques qui brille d'une<br />
lueur spéciale, j'écrirai artificielle. L'homme a voulu conquérir son âme.<br />
Recherches, méandres, labyrinthes : l'œuvre est incompréhensible,<br />
inaccessible au critique pauvre que je suis. L'auteur espérait qu'on lui<br />
dirait ce qu'il avait voulu dire. Comme son œuvre est insensée,<br />
indéfinissable, personne n'y a rien entendu. Il est des hommes qui<br />
s'enorgueillissent de posséder le génie, celui-ci n'est qu'un vulgaire<br />
mystificateur.<br />
Je déconseillerai au lecteur d'acheter ce livre. Il regretterait la<br />
centaine de francs du volume. Certains livres sont à oublier. Ils ne<br />
méritent même pas la publicité accordée.<br />
À notre époque, il n'est rien de plus facile que d'être publié.<br />
Hélas, c'est encore le public qui achète les pourritures cachées dans les<br />
fruits. L'ignorant ne se fie qu'à l'emballage.<br />
442
Monsieur Breste<br />
Les mutilations de l'esprit, les effets cyniques tolérés dans les<br />
bouches d'autrui, les agacements continuels, les emportements d'une<br />
foule excessive, tout le déchaînement de l'extérieur, tous les conflits<br />
intérieurs de l'âme multipliaient les opérations et invitaient l'esprit plus<br />
qu'à se contredire, à se nier. Sa mémoire s'emplissait de son vide. Il<br />
touchait le Néant. Je devrais dire son Néant.<br />
Les savantes expériences dont il se croyait le Maître l'intriguait<br />
au plus haut point. Par une somme d'intuitions, il s'essayait à dégager<br />
l'utile de l'inutile, à refuser le hasard, à saisir ou à comprendre toutes les<br />
sensations dont vibrait son corps.<br />
Son étrange et constante recherche de soi-même faisait de lui<br />
un splendide narcisse. Détruire tout ce qui l'entourait : ville,<br />
architectures, culture, genre humain, voilà à quoi il passait sa vie !<br />
Il vivait dans une complète solitude voulue et désirée. Le seul<br />
ami avec lequel il tolérait échanger des paroles ou des réflexions était<br />
son âme. Un étrange rite en suivait. Il se plaçait devant un miroir et<br />
attendait de son interlocuteur des réponses.<br />
C'est à la lumière de ce genre d'anecdotes de la vie de Monsieur<br />
443
Breste qu'un jugement sobre rend compte de son comportement.<br />
444
J'avoue les heures<br />
J'avoue les heures ont perturbé mon âme. Des séquelles ont<br />
endolori mes bras. Dans mes chemises, des souffles divins sont passés.<br />
Et des sources de bontés coulèrent largement pour l'histoire et le<br />
renouveau.<br />
Dans les silences jamais éteints, de Grandes Âmes neuves ont<br />
lavé mes espoirs. Rien que des Âmes figuratives, insignifiantes.<br />
Un jour plus riche, j'ai joint des libérations vaines à des<br />
possibilités rarissimes. Mes douleurs vives retracèrent les chemins de la<br />
débauche.<br />
445
Les extravagances de l'esprit<br />
Les extravagances de l'esprit, les grands maux de l'âme<br />
Tourmentent la vie de l'écrivain<br />
: il se nie. Il n'existe pas. La profusion des douleurs, l'éternel, le<br />
bruit constant : Il n'existe pas. Les jours brûlent, il inscrit leurs dates.<br />
Hier est déjà oublié, car aujourd'hui est plus présent encore. J'obtiens le<br />
Néant sous le soleil de l'avenir. Les morts ont tué ma jeunesse. Les mois<br />
disparaissent : il n'existe pas. Les conditions de vie sont inhumaines. Un<br />
refus constant à la culture, à l'écriture, à la lecture. Une gêne perpétuelle<br />
- des coups certains. Je n'ai pas de défense. C'est la soumission. Je subis<br />
les forces. Je suis contraint à subir leur présence. L'espoir, c'est leur<br />
départ. Ou, non - c'est la cohabitation féconde et intelligente. La fin d'un<br />
bagne ou d'une prison. Les oreilles libérées, cette putain de vie<br />
redeviendrait humaine.<br />
446
J'arriverai à exprimer les déficiences<br />
J'arriverai à exprimer les déficiences, les mutilations<br />
grotesques, les insouciances de l'esprit... Ceci sera la preuve de ma foi.<br />
Malveillantes, cupides... Les explications ne manquent pas. J'inventerai<br />
des axiomes, je dégagerai l'essence pure et sans le savoir je redécouvrirai<br />
les pastels cachés.<br />
Dans la mesure où l'heure me garde, je me tais. Les cycles<br />
d'espoir sont à peine achevés, et c'est la grande course vers les paradis<br />
divers, ce sont des lances, des déboires, et au-delà de l'ordre instauré, des<br />
mesures et des grâces atténuées.<br />
Il suffit de s'habiller à la parfaite étoile, de revêtir les draps<br />
soyeux et de gagner la respectabilité. Ma suite tient dans les<br />
découvertes. Ce sont des taches vulgaires, mais je me défends de les<br />
anticiper.<br />
447
J'ai rêvé d’intelligences<br />
J'ai rêvé d’intelligences dignes de mes douleurs et de mes<br />
capacités. Point d'intelligence. Rien que des hommes gris, maîtres de<br />
l'absolu, indisponibles à toute cause suprême. J'ai élevé des autels aux<br />
mémorables survivants. Ma poésie est faite de morts.<br />
Dans une grande ville où je passais pour oublier mes haines et<br />
mes révoltes, j'ai rencontré des tourbillons d'aigreurs, et je me suis jeté à<br />
leurs pieds. J'ai banni mes puissances. Je me suis faisandé dans la<br />
persécution. Les novices m'ont joué un bon tour. Je retournerai dans<br />
cette ville par souci de préserver mes silences.<br />
448
Repose-toi<br />
Repose-toi de tes efforts ! Mais je n'ai pas travaillé ! Le<br />
raisonnement en plus, et la lenteur dans le jeu. Quand apprendrai-je les<br />
règles ? Quelle souffrance acide ! Les silences de l'âme. Trop près de la<br />
nuit. À la recherche de nouvelles femmes. La littérature inconnue, les<br />
indisciplines.<br />
Vers les orgasmes déchirants. Je me souviens des<br />
vagabondages, des folies, des déserts et des nuits froides. Cajolantes vies<br />
d'artistes ! Coups-de-poing sur les lieux de l'inspiration ! Ô travail si<br />
fécond, et stérile !<br />
449
Peut-être sentirai-je ton âme<br />
Peut-être sentirai-je ton âme voltiger autour de moi, Grand<br />
Maître ? Mais pour toute réponse, je n'ai que des silences et un regard<br />
amusé sur la feuille de papier. Une ombre parcourait la chambre. Le seul<br />
encouragement était sa présence.<br />
Peut-être que le jeune poète trébuchant sur les mots t'amusera<br />
encore ? Ho ! Combien de maladresses et d'ignorance dans ce fol esprit !<br />
Quoi de plus sévère et de plus inquiétant que l'ombre discrète d'un grand<br />
homme dans sa chambre ! Aucun espoir d'une aide quelconque, on<br />
regardera, on jugera, cela et rien de plus.<br />
450
On dit que les forces supérieures<br />
On dit que les forces supérieures gravitent autour de nous, mais<br />
qu'elles sont invisibles. Je les ai vues et les ai étonnées avec mon savoir.<br />
Je les ai reçues dans un délire de suffrages, et mes tornades ont fait rire<br />
les meilleurs.<br />
J'aurais voulu m'engager - pauvre fou ! Mes symphonies<br />
déplaisaient à certains. Je n'insistais pas, conscient des erreurs d'autrui.<br />
Un arrivage, une procession sans clown, - dans cette chambre<br />
appauvrie. Une sorte de Versailles empaillée. Des nuits impossibles<br />
mêlées à de piètres tourments. Une faiblesse certaine.<br />
Tout cela existait gravement. J'ai jeté les pierres et le feu aux<br />
yeux des survivants. Je me suis débattu sans lumière, - la lumière était<br />
en moi. On s'est payé d'atroces laideurs, et des méchancetés stupides. On<br />
pensera à de la prose, à un jeu d'écriture. Ma morale est sauvée.<br />
451
Cependant que l'oublié<br />
Cependant que l'oubli hante sous les rayons, et qu'une pluie<br />
passive s'agrippe aux carreaux glacés ; alors que tout, - infortune de mes<br />
jours - pâlit stérile dans ma demeure, je déchire avec l'implacable<br />
douleur les méandres ternes de l'âme tourmentée.<br />
Et la vieille horloge gravite à quatre heures. Le carillon s'épuise<br />
en langueur monotone, et mon registre est vain.<br />
Le bout de mèche de bougie s'efforce de survivre, et lèche<br />
l'ivoire et les dentelles des rideaux. Le front rougi de pâleurs<br />
incandescentes, j'entoure les plis du visage de ronds de fumée immobiles<br />
et lents.<br />
452
Un phallus de cristal<br />
Un phallus de cristal incrusté de pierreries, d'émeraudes et de<br />
saphirs, avachi et mou sur un coussin de velours avec des garnitures d'or.<br />
Je m'imagine et m'appartiens. Au point le plus haut de<br />
m'appartenir une vision terrestre de beauté transparente m'apparaît, une<br />
femme vêtue d'un voile léger, bercée par un vent flotte devant mes yeux<br />
et sa chevelure noire baigne et tournoie autour de son corps. Ses pieds<br />
recouverts d'une robe limpide sont soulevés au-dessus du sol. Elle tend<br />
ses deux mains vers moi, s'approche lentement et son corps glisse. Son<br />
regard me fixe, elle m'invite à me lever et à la rejoindre.<br />
Sur le point de la rejoindre alors si près que je m'enivrais de son<br />
parfum, si près que ses doigts tendus touchaient les miens, elle disparut<br />
comme une bonne fée inaccessible aux simples mortels que nous<br />
sommes.<br />
Un phallus de cristal incrusté de pierreries et d'émeraudes et de<br />
saphirs, raide et tendu sur un coussin de velours avec des garnitures d'or.<br />
453
L'or<br />
L'or sur des paupières repose près des yeux amoureux. Il<br />
dormirait des anges berçant ta chevelure noire. Sur le lit défait, le corps<br />
langoureux sourit, amas de chair lassée, confusion de membres affaiblis.<br />
Des lits de roses<br />
Des lits de roses ; que des pétales nacrés meurent indolemment<br />
d'une ivresse de larmes et de baisers aussi ! Les lunes vertes regardent<br />
attristées les têtes des bouquets larmoyer leurs pâles sueurs. Par la<br />
fenêtre battante, un combat de séraphins vaincus des douleurs passées.<br />
Avec un bruissement d'aile<br />
454
Avec un bruissement d'aile qui voltige dans le clair matin des<br />
dieux, les manteaux des roses à peine éveillées sommeillent dans les<br />
brumes et les brouillards encore. Dentelles frêles piquetées de<br />
mousserons et de gouttes de pluie dans le pré qui dort. Les anges étalent<br />
leurs robes de soie, recouvrent d'un mouchoir neigeux les tiges vertes ;<br />
et le corps de la vallée s'embaume, la bouche de la vallée respire les airs<br />
purifiés.<br />
Naissance d'un monde derrière le lac.<br />
455
Voici l'hiver venu<br />
Voici l'hiver venu. Un dieu se lève et embrasse les charmes<br />
immortels de la séduction.<br />
C'étaient des vendanges et des labours, ce seront des saisons où<br />
seul je porterai les brumes et les fleurs, où seul j'irai danser par les sousbois.<br />
Je réchaufferai la terre et la lisière. Et ma poitrine se gonflera de<br />
souffles rares, d'airs purifiés, de campagnes fumantes.<br />
456
Il y a les grandes villes<br />
Il y a les grandes villes, les fortifications blanches, ensembles<br />
tolérés par les préfectures. Sur les pelouses humides, les libations riches<br />
du printemps. Près des forums, les garnements scandent des jurons dans<br />
les cœurs de la cité.<br />
L'adversité a des pesants d'horloge. On cueillerait sur les terres<br />
dénudées des slogans et des graffitis jetés dans la souffrance.<br />
J'habite le Nord. Hameau de passions, de jeunes couples tendus<br />
vers l'avenir. L'unique droit - c'est un devoir - est de maintenir l'ordre<br />
entre deux haies de glaïeuls. Gardiens d'immeubles en bleu de travail<br />
récoltent les amendes et rattrapent les enfants chahutant.<br />
Je me lave dans les nuées et les départs vers de nouvelles<br />
classes. Participer aux actions de la masse. Déjà l'horreur des groupes,<br />
des colleurs d'affiches, des revendeurs de prospectus.<br />
Je foudroie les dernières taches de pluie. Ma survivance est<br />
prochaine. Je contourne les jardins adroitement découpés.<br />
J'avance très vite dans le cœur administratif. Ici, on a implanté<br />
un centre. C'était un terrain vague. Il y a des clôtures et des barbelés.<br />
457
Je respire les fumées dégagées des cheminées et des<br />
échappements des voitures. Les conducteurs sont au nombre de trois.<br />
J'ouvre la porte à un passager plaqué à l'arrière de son véhicule. Plus<br />
loin, je tire les volets d'une fenêtre, et j'observe la cloison d'en face. Tout<br />
à l'ordinaire : les niches se superposent sur des niches.<br />
L'estimation des murs est facile. On a planté trois clous dans le<br />
plancher. Le reste est affaire de justice. On laissera la carte accrochée<br />
aux murs de la chambre d'enfant.<br />
Les ordures contaminent toutes les odeurs du quartier. Les<br />
boîtes aux lettres se détériorent. Les vagabonds les arrachent dans leur<br />
course.<br />
On embrasse le jeu avec des ballons amassés dans des cours ; on<br />
nettoiera les cages et les vélos plus tard. On s'accompagne dans les<br />
champs car le sérieux est bien loin. À notre portée, des mottes de terre<br />
déchargées pour de prochains ensembles. Les filles, si je me souviens<br />
bien, sont au nombre de quatre. Toutes nues et embrassées dans les<br />
recoins. On leur plaît. On a frappé dans des garages et tordu tous les stores<br />
des particuliers. L'instant est au mélodrame. On demande vengeance, et<br />
l'on devra payer.<br />
458
Des cirques sur le terrain vague. Peu d'affaires à espérer. Les<br />
jetons sont distribués aux porteurs d'eau. Il faut se lever de bonne heure.<br />
L'opportunité aide. Encore des heurts et des chocs, des carambolages<br />
dans des voitures contrôlées cette fois.<br />
Le monde se démêle dans l'eau. Voilà que l'on a regagné le<br />
centre de la ville. Des baignades forcées sous le contrôle d'un maître<br />
nageur. Dix leçons. À tuer, l'homme idiot. Une connaissance de ma<br />
famille. Une erreur de plus.<br />
Les sorties sont pauvres. Quelques mers en été. De monotones<br />
discussions dont j'ignore le sens. Déjà je regrette le bruit et les tons<br />
élevés du père.<br />
C'est la musique ardente pour les poltrons que nous sommes.<br />
J'ai perdu toutes mes forces dans des travaux stupides et imposés. Je suis<br />
devenu clown dans un cirque en tournée. J'ai joué la grande parade, et je<br />
suis tombé dans l'adolescence sans marcher convenablement.<br />
459
Au lieu-dit de l'espoir<br />
Au lieu-dit de l'espoir, une femme se présenta nue à mes yeux.<br />
Avec des coups de poing terribles, je la chassai. Elle résista sous des<br />
abords disgracieux à mes avances. Elle s'émut de mon intelligence et de<br />
mes capacités étrangères à ses possibilités. Je la violai sans la retourner.<br />
Je m'enfuis dans les déserts de l'indifférence. Peu après, je la haïssais<br />
sans méchanceté. Premier ménage.<br />
J'ai fauté avec la belle<br />
J'ai fauté avec la belle, avec l'éternelle beauté. Le printemps<br />
s'est engouffré sous la farouche sœur, et a gonflé sa robe rose comme<br />
l'air filait dessous. Nous nous sommes allongés près d'un vieux chêne.<br />
Sa poitrine respirait, se déplaçait sous la robe légère.<br />
460
Voici mes tragédies<br />
Voici mes tragédies et puis voici mon rire<br />
Ne laissez pas tomber en si piteuses mains<br />
Le savoir d'un géant perdu dans son empire<br />
Ne laissez pas la mort s'emparer du malin.<br />
Que la plus belle voix, sœur et mère des apôtres<br />
Acclame tristement l'hymne et le chant du maître<br />
Et chante d'un air vainqueur les bienfaits du grand prêtre<br />
Chante à l'enterrement suivi par tous les autres.<br />
Car je veux qu'en ce jour l'immortel apprenti<br />
Regagne ses grands cieux escorté de ses anges<br />
Triomphe de son génie acclamé de louanges<br />
Et encore s'en retourne où certains sont partis.<br />
461
Il y a le Néant<br />
Il y a le Néant et l'Espoir et la Vie,<br />
La Mort qui me poursuit, déchirures et démons,<br />
Le Passé qui n'est plus, le Futur qui se vit,<br />
Il y a le coup du sort, dansons et pleurons.<br />
Le Génie du destin a frappé mes soleils,<br />
L'amour a traversé mes rayons impudiques,<br />
Des ébats ténébreux ont glacé mes sommeils,<br />
J'étais ivre de chair et d'actes fatidiques.<br />
Le fruit n'était pas vert, le suc était limpide.<br />
Concessions et jouissances insipides,<br />
Que le corps fut amer ! Je recherchais l'amour.<br />
Abruti et servile, je ne me connais pas.<br />
La femme est un besoin enlacée de contours.<br />
Sans âme et sans pensée, je n'y reviendrai pas.<br />
462
La goutte a coulé belle<br />
La goutte a coulé belle sur la hanche bombée<br />
Le sang s'est répandu entre les lèvres ouvertes<br />
Le sperme est sur les dents de la femme courbée<br />
Le liquide jaunâtre sur la langue est séché.<br />
La fille s'est tordue entre les draps salés<br />
L'amour a pleuré pur au bord de son délire<br />
Le lit fait de soupirs a murmuré encore<br />
Et la nuit vagabonde s'est enfuie au grand jour.<br />
S'est inclinée la tête sur le rêve endormi.<br />
463
Tout près, si près<br />
Tout près, si près, si proche aux délices d'entendre,<br />
Comme une ombre lassée des plaisirs de la chair,<br />
Femme endormie, tu m'appartiens ce soir, très tendre<br />
Ou tu remues la tête baignée dans la lumière.<br />
464
La chute<br />
La chute. Vers la source d'eau vierge. L'élan à travers les<br />
branches. La neige fond goulûment dans les ruisseaux. Le support des<br />
rives. Vers les hameaux, les odeurs et les fumées. Paysage triste. Les<br />
bras mobiles du moulin. L'écume grouille et lèche le dessus de la plaine<br />
jusqu'à la rivière plus loin.<br />
Il y a un souterrain dans les bruyères. Les enfants jouent à la<br />
bataille déguisés en apaches et en soldats d'Amérique du Nord. Cris<br />
stridents dans la nature paisible. Il y a des morts sur le champ de guerre.<br />
Je me relève d'un bond. Les mains sont liées dans le dos avec une corde<br />
pesante.<br />
Le bruit avachissant me rend immortel. Le couteau à la gorge.<br />
Déjà quatorze mois. J'avais vingt ans. Écarts et silence encore. Le poème<br />
est-il correct ? Mais c'est la même débilité, la même enfance. L'eau ne<br />
lavera par les cellules pures. Je serai prisonnier encore.<br />
465
Des terre-pleins<br />
Des terre-pleins partagés entre des bâtiments occasionnels que<br />
l'on distingue à peine derrière des fumées d'usines médiocres. Les<br />
teigneux et les innocents se croisent pêle-mêle entre les allées<br />
sablonneuses et les chemins de gravillons.<br />
Un tel est mort cet après-midi. Il était gros et bouffi. Les<br />
croque-morts l'ont transporté sur une chaise jusqu'à l'ascenseur.<br />
Là-bas c'est l'accident bête. Les gosses se cognent la tête sur les<br />
barres fixées aux poteaux électriques.<br />
Des troupes de pauvres défilent dans le quartier, les mains nues<br />
sans slogan hostile dans la bouche.<br />
C'est le vice, la luxure et les grands patronages qui<br />
reconstruisent le nouvel emblème. Il route des flots de sang de tes<br />
langueurs.<br />
ville.<br />
Quant à la prostitution, elle est inexistante sur les pavés de la<br />
Mais tous ces déchets sont des symboles et des retours et des<br />
466
appels d'une mémoire perdue ou d'une âme arrogante. Rien à la<br />
découverte. Tout m'a appartenu. Aucune clé. Un passé lointain qui<br />
resurgit des profondeurs de l'inconnu, voilà tout.<br />
Sais-tu, il y a des vagabonds et des déracinés. Un oeil torve<br />
observe, c'est le judas dans le milieu de la porte.<br />
Ô les débordements indescriptibles, les écarts fangeux, les<br />
faveurs gracieuses exorbitantes mais c'est le théâtre virevolté et<br />
ténébreux. Sur une piste, il y a des jongleurs qui brossent des poupées<br />
d'argent. Dans un stade, des artistes fabriquent des rôles. Il y a aussi des<br />
transferts d'indifférence et des amertumes contrôlées.<br />
À la dernière invention, je me suis envolé et j'ai crié dans ma<br />
poitrine éclatante les mots à cacher. Il est vrai que je n'aurais pas pu les<br />
vendre, et qu'ils auraient été conservés dans une bibliothèque ou une<br />
grande surface.<br />
Après les malédictions souveraines, des pleutres sont venus<br />
regarder l'oiseau distancé, et ils ont ri lugubrement de mes faiblesses.<br />
Aujourd'hui ni l'oiseau mort ni les consternations existent. C'est peutêtre<br />
mieux d'ailleurs.<br />
Il aurait été idiot de flamber un bois roussi, d'assassiner une<br />
467
idole ou d'arracher les pattes à un insecte.<br />
Le vice aidant, il m'est venu l'envie de construire un chapiteau<br />
gigantesque. Des pitres vicieux et perfides ont collé sur des carreaux et<br />
des vitraux des prospectus sordides. Ont-ils compris qu'ils étaient les<br />
grands perdants de cette fresque extrême ?<br />
Faut-il m'interdire de travailler<br />
Faut-il m'interdire de travailler ? De compter, d'accentuer ?<br />
Faut-il détruire une âme saine, une force vive de vingt et un ans ? Ma<br />
paresse et ma chair sont-elles d'or ? Que sont-ce que ces systèmes, que<br />
ces complexes ? À quoi peut bien servir de nasiller des phrases<br />
indistinctes ?<br />
Ho ! Les yeux me brûlent. Il faut se taire. L’erreur est bien<br />
quelque part. J'ai dû me tromper.<br />
468
La mort<br />
La mort aimant à me martyriser, je m'abandonnais encore aux<br />
lâches réflexions avec des bourdonnements teigneux dans mon âme. Je<br />
resplendissais de défauts. Je ne me sentais guère le cœur frêle et blanc<br />
battant la mesure éternelle de la souffrance.<br />
Le bruit, quel vieil ennemi de ma jeunesse atteinte ! Ô le pleutre<br />
et l'enfermé, banni de tous et de la femme, caché dans la masure, face au<br />
soleil ! Ô la mort qui observe dans le clair de l'oeil le savoir qui s'éteint<br />
en elle !<br />
Mais eux, tous illuminés et chancelants sous l'ignorance ! La<br />
force énorme et stupide contre l'enfant purifié ! Quels déchets<br />
tourbillonnent autour de l'âme glorieuse !<br />
Je puis brûler tes tympans. Tu es en mon pouvoir, esclave<br />
maudit. Je me suis abattu sur toi tel l'aigle noir. Tu croyais voir le sceau<br />
royal annoncé par la lumière divine. Tu es ma médiocre perversion, moi<br />
qui t'ai possédé pendant de longs printemps.<br />
469
Nuits grasses de sperme<br />
Nuits grasses de sperme qui roulait sur des poitrines, et tombait<br />
en cascades dans des gorges assoiffées ! Ô jets immondes qui<br />
fécondaient une vulve étroite !<br />
Sexe s'engouffrant dans ses rondeurs lourdes et interdites !<br />
Place innée pour les couples de chair !<br />
Laideur qu'on appelle amour ! Je me rends à vos pieds, femmes<br />
humaines ! Hélas j'aime encore !<br />
Et toutes les vomissures bues, les urines goulûment avalées, les<br />
crachats léchés sur vos ventres tombés. Les langues qui s'introduisent<br />
dans les parties intimes de vos corps de possédées.<br />
Ô femmes, et ces matières fécales arrachées avec l'index<br />
honteux et ces doigts sucés avec délectation ?<br />
Qu'ai-je donc appris ? Que l'amour était une horreur ? Que le<br />
plaisir était une douleur stupide ? Un sexe gratté jusqu'au sang par des<br />
ongles très longs, des glands brûlés et sucés jusqu'aux entrailles, un<br />
pénis tordu et mordu par des dents tout blanches avec un rire ou un<br />
rictus sur vos bouches entrouvertes ? Ô femmes, je ne sais plus.<br />
470
Fallait-il sodomiser et rire de la laideur, et de son acte ? Cela<br />
était-il le bonheur ? Ô femmes ou démons, le rouge n'a jamais envahi<br />
vos visages de salopes !<br />
Que l'homme fait de conscience s'en repente ! Jamais plus, et<br />
plus jamais, et maudits soient les plaisirs éphémères !<br />
471
Nue. Elle était nue.<br />
Nue. Elle était nue. Et la jambe longue et la fesse lourde étaient<br />
un appel à l'amour, à la caresse, à la jouissance et à l'ivresse.<br />
Le sein superbe et droit, viril comme une tigresse, dressé au ciel<br />
appelait la morsure sublime de l'homme.<br />
Ma langue léchait encore cette aisselle que des gouttes de pluie<br />
trempaient de saveur. Mes yeux remplis d'éclairs et de désirs appelaient<br />
ses yeux bleus. L'ivresse et les soupirs berçaient de leur langueur<br />
mélancolique l'âme satisfaite et rassasiée de plaisir.<br />
Et la femme, bouche ouverte, la chevelure bleue renversée en<br />
arrière soupirait d'aise.<br />
472
Des caresses nonchalantes<br />
Des caresses nonchalantes sur des coussins de pourpre d'or,<br />
baignées dans une lumière molle. Les corps fatigués comme une ombre<br />
chinoise, se donnent sur les murs de la chambre.<br />
La flamme bienveillante regarde les monstres énormes surgir et<br />
souffler inexorablement. Les langues s'unissent et se mêlent dans un<br />
palais merveilleux, les odeurs et les chaleurs éveillent les sensations des<br />
désirs enfouis.<br />
Ô râles, cris sauvages des bêtes griffées ! Les corps se fondent,<br />
lutteurs inassouvis de chair et de jouissance ! Les corps s'usent dans un<br />
combat de plaisir monotone.<br />
La bête crache, hurle et s'éteint. Les survivants se délassent et<br />
meurent dans les draps parfumés d'excréments et de senteurs anales. Ô<br />
les maudits dont les sexes sont gonflés du suc épais ! Les saletés<br />
respirées, léchées et avalées ! Les contacts vicieux et lâches. Les coins<br />
de chair ensanglantés et brûlés !<br />
Toutes les erreurs et tous les naufrages sillonnent dans ma tête.<br />
Mais le plaisir se meurt, hélas le plaisir est oublié !<br />
Un bric-à-brac curieux<br />
473
Un bric-à-brac curieux où se mêlent des objets de la première<br />
guerre mondiale. (La Der des Ders, comme le pensait chaque petit<br />
français) des masques à gaz, des armes et des baïonnettes, des maquettes<br />
de tranchées allemandes et les fameux casques et l'accoutrement du<br />
parfait soldat tombé pour la France.<br />
Évidemment, on se croirait dans un musée. Il ne manque que la<br />
plaque commémorative au-dessus de la porte d'entrée : gloire aux<br />
immortels inconnus de quatorze qui défendaient jusqu'à la mort le sol de<br />
notre patrie.<br />
Mais il n'y a pas de plaque commémorative, comme il n'y a pas<br />
de musée. Il n'y a pas non plus de conservateur ou d'employé qui<br />
délivrerait des tickets à un franc cinquante, ou des bons gratuits pour les<br />
enfants ou les scolaires.<br />
Non, toute cette histoire se déroule dans mon âme, et il n'y a<br />
pas de sol à défendre et je suis en paix avec moi-même.<br />
Non, ce paragraphe certes médiocre m'est sorti de la tête<br />
comme je pensais à Jean Cocteau et à Guillaume Apollinaire. Ce sont<br />
Thomas l'imposteur et la femme assise qui évoquent en moi la guerre de<br />
quatorze dix-huit.<br />
474
Et cette merveilleuse insouciance du peuple parisien, tandis que<br />
des affrontements sans précédents ont tué plus d'un million et demi<br />
d'hommes.<br />
475
Ô les reflets changeants<br />
Ô les reflets changeants et le spécial effet<br />
stupéfiant l'ordre et le désordre des traces naturelles !<br />
l'étang d'à-côté !<br />
Les lumières violettes et ocre et rouges, et la couleur qui baigne<br />
Ô les superbes et les belles renflouées dans les sources, près des<br />
citernes de cristal, autour des terres !<br />
En contrebas, un grand royaume qui file vers les vallées<br />
boueuses. Les rieuses tempêtes et les barrages calfeutrent les forces des<br />
eaux. Les digues ont vibré, élégantes dans leur conception. Rien à sec.<br />
Des terrains, des maisons se chevauchent, jonglent avec les espaces des<br />
particuliers.<br />
Tous à la toilette. Les vieillards agrippent des bâtons, les<br />
gamines multiplient les entrechats, et les femmes s'acharnent à marcher,<br />
mais elles dansent.<br />
Une seconde encore, et la panoplie des visages disparaît<br />
derrière les arbres. Avec des cris enfantins, tous courent se laver.<br />
476
Les neiges et les chaînes des monts ! Du sommet coule la<br />
source et règne sa majesté !<br />
477
Une beauté au comportement bizarre<br />
Une beauté au comportement bizarre a taché ma jeunesse, et j'ai<br />
heurté les rocs de la consternation. Plus loin dans des mouvements<br />
incertains, la belle s'est métamorphosée en reine, non ! en ange.<br />
Angélique apparut pour la première fois au bal. Son<br />
magnétisme était foudroyant. Dans les chambres, elle a tourné son<br />
regard vers moi et sa silhouette féminine glissait sur les tapis. Je<br />
transpirais une sueur aigre et m'essuyai du revers de la manche.<br />
Elle flottait, plutôt qu'elle ne marchait. Et j'ai suivi sa démarche<br />
au-delà des murs où elle a disparu. Au balcon, je vis son spectre<br />
traverser l'allée faite de roses rouges et d'œillets multicolores. Elle<br />
m'échappait, je m'avançais.<br />
Plus tard dans le parc, je reconnus sa démarche, et je courus à<br />
sa rencontre. Je l'ai prise par la taille, et je tombais à ses genoux.<br />
Elle s'assit sur mes hanches sous les chênes roux. J'embrassais<br />
sa poitrine et je glissais tous mes bras dans ses cheveux.<br />
Peut-être roulerai-je avec elle vers les sous-bois, et dans l'herbe<br />
foncée. Au premier choc, je me suis enivré de tendresse, et hagard<br />
478
d'amour je me suis laissé emporté pour les tourbillons d'illusions.<br />
Vers la première heure, je m'endormis.<br />
479
Étonné par mes tribulations<br />
Étonné par mes tribulations, je sens les scintillements des<br />
étoiles et des nébuleuses jouer contre ma face radieuse ! Le désert s'est<br />
évanoui aux premières heures, et j'ai souffert de tout mon corps pour une<br />
terre promise. Combien de bréviaires et combien de pus ! Deux sont<br />
venus se fondre entre mes doigts !<br />
Non, je ne te parlerai pas, Marie. J'exploserai en souffrances,<br />
voilà tout. Je laisserai mes douleurs se perdre en gémissements plaintifs,<br />
et ma voix sera un râle capté par toutes les terres en Occident. Je me<br />
sauverai, Marie, je me sauverai.<br />
Voici les blés et les récoltes, et voici les fruits mûrs. Vois<br />
comme ils s'amoncellent dans le grenier. L'humidité, je la chasserai. Les<br />
rats, je les tuerai. Ne désespère pas, Marie, je suis l'éternel chasseur, le<br />
chasseur foudroyant.<br />
Les racines du mal s'agrippent à ma bouche. Mon organe n'est<br />
plus qu'une corde vocale souffrant dans l'immense immortalité. Je<br />
détruirai les méchants et je relèverai les bons et je croyais en toi, ô mon<br />
seigneur !<br />
Je te défends de m'insulter, Marie. J'aurais pu cueillir les fruits<br />
480
de la création. Je te défends de me battre. Je pourrais construire le<br />
royaume de l'entente.<br />
L'entente, c'est la paix et le pain à satiété pour tous. Mais tu<br />
sembles étrangère à mes paroles. Pourquoi ne m'écoutes-tu pas ? Tu es<br />
seule, éloignée du troupeau. Je t'aime, Marie. Hélas, mes paroles sont<br />
vaines !<br />
481
J'ai besoin de ta poitrine<br />
J'ai besoin de ta poitrine où je cueillerai le fruit de nos<br />
entrailles. J'ai besoin de ton odeur douce de pucelle où j'engouffrerai<br />
mes cheveux. Que m'importe l'inceste, marie. Il n'y a pas d'inceste entre<br />
toi et moi. Ton corps m'appartient et je suis ton corps. Ne souris pas,<br />
Marie, de ton sourire d'ange. Ne te moque pas de moi. Je suis purifié et<br />
je suis le fruit de ta chair.<br />
Un ange ou un Dieu a posé son aile blanche sur la tête des<br />
morts. La femme s'est ouverte et le feu de l'amour a réchauffé ses jambes<br />
et ses seins. Et son sexe a brûlé d'une chaleur vive.<br />
J'ai jeté un baiser sur tes lèvres, moi avec ma bouche infectée<br />
de mensonges et de crimes, moi avec ce coeur qui bat au rythme de<br />
l'envie et du vice de la chair. C'est avec une humeur étrange que je me<br />
suis allongé près de toi. Et j'ai senti ton haleine chaude, et l'orgasme si<br />
proche qu'il semblait te contenir.<br />
J'ai caressé tes jambes lentement, et je me suis couché sur ton<br />
épaule. J'ai bu dans ton oeil pur le plaisir qui libère. J'ai bu le sang du<br />
pauvre, la jouissance infinie.<br />
Ne m'accable pas de péchés. Mes sens inassouvis ont demandé<br />
482
le droit au bonheur. Je lèche ton sein, et je me repose dans tes odeurs.<br />
Ô femme, que n'es-tu femme et déesse et vierge et bontés !<br />
Pourquoi tant de haine dans ce coeur, toi qui as joui de mon parfum de<br />
rêve ? Marie, baigne-moi dans tes caresses, baigne l'enfant sacré dans tes<br />
faiblesses de mère !<br />
483
Loin des derniers péchés<br />
Loin des derniers péchés, les races vont, viennent et dansent<br />
dans les sillons du hasard.<br />
Près d'un lac, j'ai vu des figurines tournées leurs yeux maudits<br />
en direction des plaines déjà perdues. Les guerres maltraitaient les<br />
possédés agrippés au choc de la charrue. Les vols et les mues<br />
transforment les comportements tandis que je me propose de partir à la<br />
recherche du renouveau.<br />
Ma tignasse promet des survivances. Dans des encyclopédies,<br />
j'ai trouvé des chiffres. J'ai pris garde de les dévoiler. On aurait pu<br />
découvrir les démons sacrés, les vraies pistes. Dans mes pensées<br />
subtiles, se cachait un vandale en proie à des dépressions macabres.<br />
Plus loin, j'ai suivi les traces des poursuivants. Ils m'ont lâché<br />
dans la nature près des fontaines étroites. Vers les caves sanglantes, les<br />
hommes sont revenus, et je les ai chassés à coups d'écoeurement. Les<br />
pénombres légèrement teintées transformèrent en pluies transparentes<br />
les derniers exploits ainsi conquis.<br />
Dans un royaume d'argent, elles m'obligèrent à m'asseoir tout<br />
484
nu, droit sur une chaise, face au confessionnal. Je m'agaçais maudissant<br />
les heures d'infortunes passées dans des conditions inconfortables.<br />
Toutes les chaleurs du globe vinrent à ma rencontre dans un brouhaha<br />
formidable. Je m'élançais jusqu'à la demeure du revenant. La tête<br />
harcelée du matin jusqu'au soir, je chantais des cantiques pour me<br />
relaxer comme je le pouvais. Je désirais une forme saine et un état<br />
physique compétitif.<br />
485
Longue la courroucée<br />
Longue la courroucée qui jurait avoir vu sept flammes se perdre<br />
sans écho dans les tourments des destinées. Revêtue de la robe des<br />
prêtresses, l'élégante s'enferma sans plus rien y voir - "Obscure, obscure<br />
vie, tu nous prends !" Cria-t-elle.<br />
Nourrie de fantasmes, l'âme révoltée et soumise s'égarait dans<br />
des évaluations incertaines.<br />
"En cette heure importante, l'homme joue et se perd dans la<br />
réalité. Il embrasse les forces qui rougissent, qui régissent sa flambante<br />
destinée. Le monde est mort !" Hurlait-elle !<br />
486
J'habite<br />
J'habite dans un très vieil appartement où s'entassent des<br />
souvenirs confus par milliers. Là, une console qui a connu son heure de<br />
gloire à l'époque de ma grand-mère. Là, un tas de grimoires croulant<br />
sous la poussière, et des estampes représentant des scènes d'amour<br />
d'avant-guerre, - celle de quatorze - le désordre y règne.<br />
Les tapisseries usées ? - Des scènes campagnardes allégoriques.<br />
On y voit un jeune homme sous le soleil radieux tenant dans ses deux<br />
mains largement ouvertes des grappes de cerises. Au loin, des jeunes<br />
filles près des arbres debout sur des échelles remplissent des paniers de<br />
fruits juteux et rouges. C'est l'été.<br />
Les autres saisons sont aussi représentées avec des détails<br />
touchants. Les moissonneurs, puis l'hiver, la neige, le froid, les<br />
vendanges, le raisin : tout y est bête et puéril, mais charmant. J'y jette un<br />
oeil blasé, parfois la monotonie plaît à ma rêverie et à ma nonchalance.<br />
Avez-vous contemplé ce tableau admirable de Renoir "Pêches<br />
et amandes" ? Il y règne une paresse qui semble échapper au temps.<br />
Mon intérieur est semblable aux œuvres de ces maîtres. La vie<br />
487
s'est arrêtée, l'heure n'existe plus. Le seul bruit qui se perçoit est le<br />
silence dans cette demeure passée.<br />
488
Éloigné des douleurs<br />
Éloigné des douleurs que le repos apaise,<br />
Plusieurs fois dans la nuit, je me dois de vieillir<br />
Avec de vagues tâches qui jamais ne me plaisent,<br />
Tant l'Art est difficile, que pourrais-je cueillir ?<br />
Je m'y astreins pourtant moi, artisan en chambre.<br />
Si le travail m'est cher, je tombe dans le doute.<br />
Personne non jamais ne sait ce qu'il en coûte<br />
À l'esprit fatigué des vers qui se démembrent !<br />
Je me flatte pourtant d'y risquer ma jeunesse.<br />
Perdu et sans rigueur que reste-t-il à faire ?<br />
Attendre patiemment que le génie se dresse,<br />
Ou pleurer sur son sort que le Néant éclaire ?<br />
489
Le Croît et la Portée<br />
L'aigle<br />
Loin, le dévastateur dans le ciel obscurci<br />
Sillonnant de son aile inconnue, le remords,<br />
Tombe sur maints poètes misérables et maudits<br />
Et couvre de son ombre les charniers et les morts.<br />
Les yeux remplis de fiel et du sang des esclaves,<br />
Il boit l'œuvre sacrée, jouit cyniquement<br />
Des martyrs dépecés traînant de noires épaves<br />
Dans des champs merveilleux ou des déserts brûlants.<br />
Sur sa terre, l'homme seul croit reposer en paix.<br />
Nu, le regard braqué sur sa tâche il sommeille,<br />
Quand un aigle puissant, majestueux l'éveille :<br />
Et l'on entend le sordide appel du néant<br />
Arraché à son cœur un dernier souffle au ciel :<br />
Le poète au combat tombe épuisé, hurlant !<br />
490
Dans les noires profondeurs<br />
Dans les noires profondeurs de ma tragique vie,<br />
Un spectre immense rôde la nuit autour de moi,<br />
Un fantôme sans âme, sans chair et sans esprit<br />
Qui lentement regarde, majestueux et droit.<br />
Il regarde les heures s’égrener peu à peu,<br />
Cadavre bicéphale implanté dans mon âme<br />
Qui hante les écrits, les jette dans les larmes,<br />
Et mon piteux savoir est toujours miséreux.<br />
Vers d'autres gouffres encore, le blond génie espère.<br />
Loin des cachots humides, triomphe sa mémoire :<br />
Elle cherche son espace limpide, vaste et clair.<br />
Elle se nourrit d'extase, de nard et d'illusoire<br />
Et prétend posséder la beauté immortelle<br />
Qui doucement l'élève vers la sphère irréelle.<br />
491
Le désespoir<br />
Alors que toute fin recouvre les ténèbres,<br />
Que des odeurs légères flottent dans le lointain<br />
Et voguent en s'inclinant au firmament serein,<br />
Des cloches se fracassent dans mon ciel étoilé.<br />
Mon âme fatiguée, frappée par mil combats<br />
Épuisée dans ses heures, atterrée et couchée,<br />
Mon âme glisse encore et se meurt lentement<br />
Sous les mornes langueurs de l'écrasante nuit.<br />
Tout luit ou resplendit dans ce néant sinistre :<br />
L'aiguille des minutes me rappelle l'instant,<br />
Et morose et fini, je vais dormir encore.<br />
Alors ils sont sept rêves pernicieux et ingrats<br />
Qui viennent me gagner dans ma sombre Cité.<br />
Et mon âme et mon cœur déchus et convoités<br />
Comme la lourde mer aux entrailles profondes<br />
Lentement rapatrient ma souffrance de chair,<br />
Je m'abats sur moi-même et je supplie encore.<br />
492
Ange de ma souffrance<br />
Ange de ma souffrance, voyez-vous ma détresse<br />
Venir mourir au fond de mon humble tombeau<br />
Où le temps incessant qui jamais ne paresse<br />
Me réveille à chaque heure et frappe le caveau ?<br />
Ange de ma souffrance, voyez-vous ma détresse ?<br />
Quand tout semble achevé et qu'il ne reste rien,<br />
Quand le vil désespoir a recouvert mon âme<br />
De luxures et de meurtres et de rêves anciens,<br />
Quand les femmes atroces lentement se pavanent,<br />
Oui, tout semble achevé et il ne reste rien.<br />
Une voile tendue pourtant au loin s'apprête<br />
À transformer les cœurs, et l'on croirait y voir<br />
Des mâts et des îlots survolés de mouettes,<br />
Le temps est incertain, il fait déjà très noir.<br />
Une voile tendue pourtant au loin s'apprête.<br />
Partir vers d'autres rives, partir à l'infini !<br />
Mais tout ce qui vit doit réellement mourir<br />
À l'exception du temps que j'entends venir<br />
Se charger des angoisses et de tous mes ennuis.<br />
493
Partir vers d'autres rives, partir à l'infini !<br />
494
Oradour-sur-Glane<br />
Lorsque l'aube envahit et tomba maladroitement sur le petit<br />
village endormi,<br />
Lorsque le soleil bleuté dans ses vapeurs automnales s'éleva<br />
lentement au-dessus des cheminées fumantes,<br />
Un cri terrifiant fit trembler la campagne et tous les oiseaux<br />
s'envolèrent d'un seul coup.<br />
L'homme inquiet sortit de sa cabane de bois et jeta un regard<br />
circulaire sur le paysage effrayant.<br />
Des damnés s'agglutinaient avec leurs charpies aux rochers et<br />
des femmes ensanglantées dans leurs haillons tendaient une main<br />
tremblante vers le refuge.<br />
L'homme frotta ses yeux croyant rêver encore. Il se vit dans son<br />
lit, il chercha la bougie et l'âtre fumant où rougeoyaient les cendres de la<br />
veille.<br />
Des images hideuses traversaient son esprit : des corps nus, des<br />
enfants martyrisés geignant et suppliant appelaient la délivrance, les<br />
yeux remplis de sang, sans flammes et sans lueurs d'espoir.<br />
495
La Déesse<br />
Tu te pâmes, Déesse sur des lits insoucieux,<br />
Et dans la gloire, ivre de soupirs, tu t'endors.<br />
Un long rêve de miel s'échappe, désireux...<br />
Pourquoi tant de caresses après l'ignoble effort ?<br />
Oh ! L'ombre des complaintes, des plaisirs inouïs !<br />
Ces jambes découvertes aux substances divines<br />
Succombent sous le feu lugubre de ta nuit !<br />
Une pointe dressée accède à la poitrine...<br />
Ô lueurs matinales, ô cœur qui bat en moi,<br />
Que la source où mon mal s'endormait un instant<br />
Émancipe en l'orgueil la douceur de l'émoi !<br />
La volupté de marbre qui sied à mes côtés<br />
Peut avec son regard de belle à tout moment<br />
Entre deux nonchalances ou trêves s'envoler !<br />
496
Ô paix profonde<br />
Ô paix profonde quand ton silence supplie en moi,<br />
Se meurt sous de superbes lumières l'astre pur<br />
De sagesse douloureuse. J'entends battre l'effroi...<br />
Tu te dodelines, l'oeil vif, pensant au futur.<br />
L'oriflamme de tes songes, tu le veux revêtir ;<br />
Aux ténèbres lourdes où ruisselle l'accalmie,<br />
Tu discernes les plaintes et les lieux à venir.<br />
Dans ta bouche béante se baignent les furies.<br />
De blondes somnolences contemplent les rivages.<br />
L'être infini recherche la croyance des Dieux,<br />
Et les voix accouplées dans le Néant dégagent,<br />
Un sonnet fort ancien que je croyais odieux.<br />
Regardant les ombres déplacées ou libres, fier<br />
De la jetée, je m'éloigne de la misère.<br />
497
Et toi de la plus chaste<br />
Et toi de la plus chaste que tes seules mains demeurent<br />
Aux sources limpides et d'or où sommeillent parfois<br />
Les tristes complaisances de tes soupirs de coeur !<br />
Ivre de terres lointaines, je te vois, tu chancelles...<br />
Là-bas j'ai vu sombrer tes naufrages, exploser<br />
Les faiblesses étroites que tu aimes à durcir,<br />
Et dans ta couche froide, c'est une tombe aisée :<br />
Des maîtres sibyllins, carnassiers de plaisir.<br />
Que de tentations ! La chair ne peut résister,<br />
Elle se tord confuse dans ses désirs étranges !<br />
Et le mal épineux, hypocrite est jeté.<br />
Ô la folle jeunesse au pur sourire de l'ange.<br />
Je sais la pâle élue resplendir, mais malheur :<br />
Qui embrasse son corps éloigne sa fraîcheur !<br />
498
Tombeau de l'Obscurci<br />
Puisque l'arôme incarne une lumière noire,<br />
Où mille baisers épris ont caressé l'instant,<br />
Dans son luxe alourdi à peine descend l'oir...<br />
Que la veine obstruée arrange l'Obscurci<br />
Car l'amas de son doute succombe tel sanglant<br />
Jusqu'en la nonchalance qu'un alcool a démis.<br />
Une paix généreuse modulant les mérites<br />
Prescrit comme le rêve puise sa destinée<br />
Des Naïades étranges ou de claires Orites<br />
Sur le doigt élégant d'une sublime fée.<br />
Et nue et éperdue, telle vestale en démence<br />
L'inspiration priant l'herbe sur son écho<br />
Va sur sa tombe belle moduler en cadence<br />
La réalité vaine d'un horrible sanglot.<br />
499
Même tombeau<br />
Puisque l'aurore incarne une lumière noire<br />
Où mille baisers épris s'accomplissent en l'instant<br />
De son luxe alourdi à peine descend l'oir...<br />
Que la veine obstruée encombre l'obscurci !<br />
Sur cet amas de doute il succombe et il meurt<br />
Jusqu'en la nonchalance qu'un alcool a demis.<br />
Une paix modulée qui vente les mérites<br />
Prescrit, comme le rêve pense sa destinée,<br />
Des Naïades étranges et de claires favorites<br />
Sur le doigt élégant qui distingue la fée.<br />
Alors nue et perdue, vespérale démence !<br />
L'inspiration qui prise son bel écho<br />
Va sur sa sombre tombe moduler en cadence<br />
La réalité vaine d'un horrible sanglot.<br />
500
Marie la bonne<br />
Ces braillards écumant dans leurs assiettes creuses<br />
Fortifient en des sacrements des rôts vulgaires.<br />
Poussifs de crasse, et l'articulation osseuse<br />
Ils crachent des fumées dans des relents de bière.<br />
La bonne, ronde de cuisses, aux fesses bien pesées<br />
En rose de jeunesse circule en riant.<br />
Les mains larges et rugueuses de façons empressées<br />
Se posent rapides et lestes en gestes caressants...<br />
Marie la bonne heureuse convoite les délices<br />
D'un jeune militaire assis devant son vin.<br />
Marie, Marie pensante rêve d'amours factices ! ...<br />
Car le teint délicat et la barbe naissante<br />
Sont l'hommage rendu à l'heureux sacripant.<br />
Marie, séduite tombe à ses pieds, fleurissante...<br />
501
Les ivrognes<br />
Plaqués contre les murs, les ivrognes hagards<br />
Pissent de leur mieux chantant contre les poubelles.<br />
Vils, contents d'eux, puant leur horrible pinard,<br />
Ils se frayent un chemin sur les boîtes qu'ils martèlent.<br />
Et la barbe de vin et l'haleine putride<br />
Cognent leur pauvre tête sur les murs égarés.<br />
Un instant de bonheur, la main comme une bride<br />
Baise de son mieux la pouffiasse délaissée.<br />
Eux, dans leur misérable sort riant de joie<br />
De leurs dents jaunies par l'alcool de fumée<br />
Crachent encore ou vomissent en s'aidant de leur doigt.<br />
Semblable aux fantômes de la mort, mon malheur<br />
Pourrit son fruit lugubre en des noires fumées,<br />
Pourrit cette jeunesse honteuse de mon coeur !<br />
502
Soirée funèbre<br />
Quand l'imperturbable monotonie agite<br />
Les regards langoureux de haine et de malheur,<br />
La fin perpétuelle se meurt et se précipite<br />
Comme un déferlement au temple des douleurs.<br />
Des caveaux ouvrent leurs portes remplis d'espoir !<br />
Les spectres enchantés, mains osseuses et tendues,<br />
Proclament lestement qu'il faut entrer pur voir,<br />
Le bonheur se veut autre et n'est jamais perdu.<br />
Et quand entraînés par cette force sublime<br />
Soulevant le poids de l'existence douteuse,<br />
Esclaves enchaînés d'une voix qui domine,<br />
Nous allons, fuyant par ces ténèbres le soir,<br />
La peur s'empare enfin de toi, ô ma dormeuse :<br />
Tu supplies mon amour et cries ton désespoir !<br />
503
Et ils vont ces vieillards<br />
Et ils vont ces vieillards honteux et affranchis<br />
Dans la fosse commune resplendissant de vers.<br />
Le pas lourd, boitant, ils vont hagards et démis<br />
Comme des fils lugubres se dirigeant sous terre.<br />
Ils ont l'oeil ténébreux perdu dans des espoirs<br />
D'hier ! La morne parole tremble sur leurs lèvres.<br />
Ils continuent inlassablement jusqu'au soir<br />
Dans l'implacable marche sans abandon ni trêve.<br />
Et leurs pieuses mains parfois se lèvent au ciel<br />
Suppliant le Divin de détruire leurs péchés,<br />
Cependant les regards cherchent continuels<br />
Des miracles nouveaux par cette mort latente.<br />
Les fossoyeurs, pelle à la main, prêts à creuser<br />
Entendent l'Ange des litanies désespérantes.<br />
504
Dans les sombres demeures<br />
Dans les sombres demeures où rêvent les comparses<br />
Comme des souffles amers éveillant la chaleur,<br />
Ils viennent respirer et nourrir des douleurs.<br />
Le commun des mortels en ignore la trace.<br />
Dispendieux en accords, en chastes entrevues,<br />
Ils encombrent mes nuits de souffrances profondes,<br />
Et si ce n'est l'esprit décrié qu'ils fécondent<br />
Qu'est-ce pour moi, mon coeur, leurs constantes venues ?<br />
Je sais la liberté de l'âme purifiée.<br />
Tapis dans l'ombre ils rient de leur propre bêtise.<br />
Je sais que ma pensée espère les humilier<br />
Dans l'infecte néant que leur esprit attise.<br />
505
Des candeurs endiablées<br />
Des candeurs endiablées sous un sourire immonde<br />
Qu'on respire presque nu, boursouflé de chaleurs,<br />
Et qu'un dieu inhumain par sa verve féconde<br />
Dicte jusqu'à la mort sous l'effroi des douleurs.<br />
Et des pistils de haines, des sermons crucifiés,<br />
Que je bafoue la nuit dans des larmes et des pleurs,<br />
Et d'infectes bavures, des taches répétées<br />
Purifient tout travail et toute œuvre meilleurs.<br />
Alors des voix affreuses conspirent dans ma tête,<br />
La raison est chargée de splendides oraisons,<br />
Ils arrachent, ils égorgent la misérable bête,<br />
Et avancent horribles au creux de ma raison.<br />
506
Le Poète<br />
Enraciné sous les nombres d'or et d'écume<br />
Quand des trompettes argentées ont sonné le tocsin !<br />
Ou fuyant l'infortune chère et reflétée<br />
Par des prismes, aquarelles et des devins ;<br />
Langueurs de tout son être proposées en ce siècle,<br />
Où se fondent les mornes reflets de l'été ;<br />
Qu'il conte les sentiments de ses frayeurs<br />
D'horizons lugubres jamais dépeints.<br />
Qu'il vante le prompt déluge des ressemblances<br />
Accrochées tristement à de vaines survivances.<br />
La brise silencieuse jamais ne se retient<br />
Sur le cœur horrifié qui fut toujours sien.<br />
507
Mystique<br />
Une nuit que j'étais, moi, miséricordieux,<br />
A capturer mon songe en mille tourments heureux ;<br />
Alors que presque nue aux bords de ce rivage,<br />
La sublime beauté remarqua mon hommage,<br />
Alors que j'ordonnais aux puissances finies<br />
De suspendre leur vol et de poser ici<br />
La douceur éclatante de l'âme tumultueuse,<br />
L'accalmie avança ; et mes lèvres pieuses<br />
Implorèrent jusqu'à l'aube la grâce du pardon,<br />
La grâce fut donnée pour sauver ma raison.<br />
508
Journal d'un fœtus<br />
Presque né, et j'entends palpiter son coeur sous une masse<br />
inerte de graisse. Il bat et s'accélère aux moindres de ses mouvements.<br />
Horrible horloge à supporter ! Elle mange, elle mange encore. Je devrais<br />
dire, elle engloutit ! Ses aliments viennent frapper la porte voûtée de<br />
mon temple de fortune. Là, elle boit, - c'est de l'eau. Non, du vin ! Un<br />
affreux tord-boyaux qu'on versera dans mes veines.<br />
Elle se lève, elle parle. Non, elle crie car ses paroles résonnent<br />
sous mon crâne, ma pauvre petite tête pelée. Son ventre l'étonne. Il<br />
pourrait être plus volumineux ! Elle me fait des recommandations pour<br />
que j'active son enchantement.<br />
La terrible ménagère qui voulait m'avorter ! Elle y pensa<br />
sauvagement. Elle dut me concevoir, délais passés ! J'ai frôlé la mort<br />
sans défense - ignoble petit rejeton ! Les Dieux l'ont décidé, et je croîs,<br />
je gonfle, demain j'exploserai... Ce seront des souffrances inhumaines !<br />
Vengeance...<br />
Je me souviens... Une insurmontable terreur pénétra tout mon<br />
être. Je crus à une mort comme de celles qui persécutent mes<br />
cauchemars. C'étaient des pointes lancinantes enfoncées dans la délicate<br />
épaisseur de mon crâne, des déchirures internes provoquées par un<br />
509
poison dont elle seule a le secret. Ce meurtre épouvantable mais qui<br />
avait échoué fit croître en moi les forces de la survivance.<br />
Invincible à présent, je suis le maître de ses lieux, et je dilate à<br />
volonté les chairs qui me parent. Jeux d'un feu démoniaque je me débats,<br />
je me retourne. Ce sont de grands coups de pieds dans la poitrine de ma<br />
future mère... Comme je jouis de ses plaintes ! Je deviens volcan, et mes<br />
laves couleront entre ses jambes ouvertes. Des laves brûlantes qui, je<br />
l'espère, feront tordre ses mâchoires et ses lèvres décharnues.<br />
Et ses mains suppliantes iront chercher le fruit de sa chair entre<br />
ses cuisses... Attendons... Attendons.<br />
Le jour de ses sangs, elle supplia désespérée. Pas la moindre<br />
goutte, pas le plus infime ruisseau tant décrié. Des pleurs, des larmes,<br />
des lamentations et des suffocations qui se répercutaient dans mon être,<br />
moi déjà petite larve vivante.<br />
Et l'angoisse merveilleuse, car moi seul connais le secret,<br />
l'angoisse dans toute sa splendeur ! Le père ! Quel père ? Un<br />
accouplement de passage ? Un ivrogne rotant encore ses flux d'alcool ?<br />
Qui donc ? Elle s'arrachait des masses énormes de cheveux, elle n'avalait<br />
plus rien. J'avais faim !<br />
510
Elle restait éveillée très tard dans l'impossibilité de fermer un<br />
oeil. Durant cette période, j'aurais bien voulu la consoler, mais harcelée<br />
par de languissantes questions, elle n'entendait pas. Ce n'est que<br />
quelques mois après, lorsqu'elle voulut ma mort que je sentis le besoin<br />
de me venger. Je lisais dans son âme comme dans un livre ouvert.<br />
"Expulsion ! disait-elle inlassablement, expulsion, misérable fœtus ! Tu<br />
es ténèbres, retourne dans ton enfer !" C'était elle, mon enfer et je<br />
deviendrai le sien...<br />
Aujourd'hui, la moitié du chemin est parcourue. Encore<br />
quelques sueurs, et le mémorable supplice déjà cent fois conspiré<br />
m'arrachera à son ventre trop étroit. Encore de longues nuits et de<br />
nombreuses angoisses à plaindre. Encore des battements frappant sa<br />
poitrine molle. Oui, je la harcèlerai jusqu'à son terme pour voir la<br />
déchéance envahir son mélange flasque d'eaux sales et entendre hurler sa<br />
gorge. Qu'elle vibre sous les martèlements impénétrables de mes bonds à<br />
venir !.<br />
Déjà une semaine ! Ho ! Quelles heures de délices j'ai connues !<br />
Je l'ai fait vomir. Des hoquets, des jets de baves, des glaires jaunâtres<br />
coulaient sur la descente de lit. Il y avait une odeur affreuse dans la<br />
chambre à coucher, lieu de sa procréation.<br />
Admirable bataille. Je la vis défaillir et tomber dans un état<br />
511
comateux. Personne pour la secourir. Elle, moi et le temps qui s'écoulait,<br />
et des cris fracassés contre les vitres de la fenêtre. Dans mon coeur un<br />
doux chant s'évadait...<br />
Cette nuit-là, je trouvais un immense repos... Vainqueur, j'avais<br />
amoindri ma victime, et j'en avais fait une esclave enchaînée jusqu'à sa<br />
libération prochaine.<br />
Elle calma ses douleurs avec des drogues douces qui<br />
m'abrutissaient parfois ; Puis avec ses vomissements répétés on lui<br />
interdit l'abus des soporifiques. Je renaissais. Maître en tous lieux et en<br />
tous temps, je me tordais comme une couleuvre en proie à une bataille<br />
sanglante. J'alourdissais son bas-ventre pour la déformer davantage, pour<br />
qu'elle conserve les séquelles d'un meurtre qu'elle désira...<br />
Quel est l'homme qui parle ? Je sens une main caresser les<br />
rondeurs de sa monstruosité. Ô douleur indescriptible ! Je subis un poids<br />
effroyable qui me brise les os. Un corps étranger pénètre et frappe à<br />
espaces réguliers les frêles murailles de ma prison. Mon pouls s'accélère.<br />
Je vais cracher mon sang, je ne respire plus. Serait-ce la mort ? Est-ce la<br />
mort qui vient ? Pourquoi cette accalmie ? Plus rien ne tremble, mais<br />
toujours cette masse pesante sur mon faible corps. Ces maux inconnus,<br />
sont-ce des démons qui m'ont déclaré la guerre ? Ils reviennent à la<br />
charge et je ne puis jamais savoir. Peut-être une nouvelle arme après ses<br />
512
drogues ? ... J'ai failli perdre la vie dix fois, vingt fois ! Et ce déluge s'est<br />
transformé en haine immonde, en grandioses tortures ! ...<br />
Elle ne se déplace plus. L'énormité de sa charge l'humilie-t-elle ?<br />
Clouée dans un fauteuil, elle confectionne des lainages ; je serai fagoté<br />
pour avoir moins froid ! Qu'est-ce que le froid ?<br />
Je ne pense plus combattre. La grosseur de mon corps me<br />
comprime, je transpire et ne peux qu'à grand mal respirer. Je suffoque, je<br />
crie. Qui entendrait ? Je frappe ce tambour capiteux, mes mains glissent.<br />
Non ! Des forces pour survivre !<br />
Des tourbillons tout à coup ! Je suis dans un entonnoir. Je sens<br />
une force impénétrable me pousser vers un orifice douteux, là même où<br />
autrefois les démons venaient se fracasser contre ma tête. Ce sont des<br />
ténèbres. J'ai peur. La force m'entraîne etc. je vacille. Je m'asphyxie. J'ai<br />
perdu mon âme ! Serait-ce donc la mort ?<br />
513
Toute la faiblesse humaine<br />
Toute la faiblesse humaine respire en ce cœur. Point de<br />
moqueries ni de vulgaires rires échauffés par quelque alcool douteux ou<br />
quelque vin mauvais. Ceci est une constatation. La plus impitoyable des<br />
constatations lourdes de conséquences fâcheuses pour l'équilibre déjà<br />
douteux de ma personne.<br />
J'ai le privilège - mot absurde car il ne reflète pas l'exactitude de<br />
mes dires -, de souffrir inexorablement à chaque moment de la vie<br />
comme un être pris d'un mal incurable.<br />
C'est ce muscle qui palpite soixante-douze fois par minute qui<br />
est cause de ma future déchéance. Il se resserre l'ingrat et détruit mon<br />
organisme avec subtilité. Il se comprime violemment. Un jour enfin il<br />
éclatera. Ce sera la mort.<br />
Je l'entends s'incruster dans cette partie gauche de ma poitrine,<br />
délimiter son territoire et en faire un fief impénétrable. Je peux analyser<br />
ses moindres agissements, compter le temps passé sur telle ou telle<br />
étape.<br />
Aujourd'hui le voilà armé, et ces attaques légères se<br />
514
transforment en déroute honteuse. Il agit par pulsions et peut activer ce<br />
muscle jusqu'à deux cents battements en soixante secondes.<br />
Tremblant presque épuisé par cette lutte extrême, je n'ai plus<br />
qu'à baisser les armes et me déclarer vaincu. Mais il n'en reste pas là. Il<br />
s'implante petit à petit dans toutes les parties de mon corps et gagne<br />
impitoyablement de nombreuses victoires.<br />
Hier, il parcourait en observateur, la trachée-artère jusqu'au plus<br />
profond de ma gorge. Il vise, et je le sais, là serait sa suprême victoire, la<br />
partie gauche de mon cerveau (je suis droitier), et rêve comme un<br />
empereur de poser là son trône imaginaire. Il me faut user d'un<br />
stratagème efficace pour enrayer l'avancée ennemie. Une sorte de petite<br />
bombe intérieure qui certes fera de nombreux dégâts, mais fera reculer à<br />
tout (...)<br />
515
Le stigmatisé<br />
Chaque année, à la même heure, une secousse rythmique se<br />
fracasse contre les parois de mon cœur. C'est un refus inconscient et<br />
momentané de communiquer la sensitive douleur, puis une décharge<br />
émotionnelle grandissante où le corps comme en proie à des déchirures<br />
lancinantes ne peut résister à la délivrance extrême... C'est un feu venu<br />
des enfers qui brûle et se consume dans les méandres de mon âme. C'est<br />
un démon usant de toute sa substance créatrice pour jouir du mal répété.<br />
Le déluge est de courte durée, mais ses traces sont visibles sur<br />
toutes les parties extérieures du corps : des inflammations rouge sang<br />
qui après huit jours se transforment en petits boutons remplis de pus. Il<br />
faut faire jaillir le pus hors de la peau. A l'aide d'un fin scalpel ou d'une<br />
lame de rasoir, on entaille l'épiderme d'un signe de croix - un liquide<br />
jaunâtre, mal odorant s'écoule rapidement.<br />
L'opération terminée, le tout se cicatrise en une quinzaine de<br />
jours, et de longs sillons bleuâtres apparaissent sur la poitrine. On dirait<br />
des lanières de fouet entremêlées et formant une figure géométrique<br />
ordinaire - de petits carrés. Je passe un baume ou une vulgaire pommade<br />
pour tenter de diminuer les souffrances. Rien n'y fait. J'attends. Et un<br />
bon mois est nécessaire pour que disparaissent les ultimes séquelles.<br />
516
L'analyse profonde de ces événements répétés me fut d'aucun<br />
secours. Le phénomène est mathématiquement inexplicable. J'avoue<br />
toutefois que je n'ai jamais osé aborder ce problème avec un homme de<br />
science compétent, peut-être trop timoré pour oser lui dévoiler cette<br />
intime faiblesse liée à ma personne, peut-être trop timide pur accepter<br />
d'être le cobaye de gens inconnues.<br />
Chaque année, à la même heure, une secousse rythmique se<br />
fracasse contre les parois de mon cœur.<br />
517
Un froid glacial<br />
Un froid glacial foudroie les vitres givrées. Dehors des<br />
montagnes de neige scintillent par une pleine lune hâlée. À l'intérieur, un<br />
feu grandiose pour réchauffer nos deux corps fatigués. Nos petites têtes<br />
posées l'une contre l'autre réclament une chaleur douce et muette, et mes<br />
deux mains dans les tiennes te caressent longuement... avec des baisers<br />
si tendres que tu en gardes le secret.<br />
Je n'irai pas plus loin dans les chemins visqueux, seul avec ma<br />
suffisance pour compagne : plus de longues marches dans les forêts où<br />
les épines de pins s'enfonçaient profondément dans les chevilles, plus<br />
d'insouciantes randonnées à travers champs et ruisseaux. Non ! Plus que<br />
toi mon amour - la merveilleuse présence d'une tête blonde qui m'aime<br />
et écoute mes douleurs, et sait rallumer les faibles lueurs qui me<br />
rattachaient à son âme - plus que toi !<br />
Alors que la despotique nuit s'amplifie comme un effroyable<br />
cauchemar, qu'une gerbe de violence tonne et extirpe des déchirements<br />
aux cieux en guerre, viens contre cette bouche et embrasse délicatement<br />
les souffrances stériles de mon âme, et puise aux sources vives de cet<br />
amour que toi seule peux unir jusqu'à la fin des temps.<br />
518
Parfum d’apaisement<br />
Le sou du pauvre<br />
Déterminé, croulant dans des flaques de boue,<br />
L'impotent aux mains sales, les ongles décharnés,<br />
Confusément ramasse le bien malingre sou,<br />
Le diamant suprême qui scintille et qui pue.<br />
La fièvre convulsive dans son âme palpite<br />
Pour la pièce sinistre mais à ses yeux si douce.<br />
Sur son visage, reflète l'éclat de la pépite<br />
Quand l'or est tenu entre l'index et le pouce.<br />
D'admirables espoirs se cognent dans sa tête<br />
Tels de puissants désirs qu'on ne peut décevoir !<br />
L'alcoolique incessant imagine une fête,<br />
De superbes pichets de vin s'offrent à boire !<br />
L'amertume se rit des innombrables dettes,<br />
Car est mort en ce jour son triste désespoir !<br />
519
L'âme en fleur<br />
Femme dont le regard sait annoncer la joie,<br />
Admirable beauté, allons chercher au soir<br />
Les amours tant chéries de nos corps en détresse,<br />
Oui, allons bras sous bras puisque le temps nous presse.<br />
...Et comme nous marchions embaumés l'un par l'autre,<br />
Et comme un doux parfum s'évadait dans les airs,<br />
Je prie soin de vous embrasser, bel apôtre !<br />
Posant un clair baiser sur cette bouche en fleur.<br />
Et plus tard enlacés dans le sous-bois d'été,<br />
Et plus tard mes deux mains où résonne le cœur<br />
Entendaient palpiter leurs roses préférées...<br />
Je ne saurais, amie, qui vivez en mon âme<br />
Regarder le spectacle du ciel et de la terre<br />
Sans penser à ce corps qui fit briller ma flamme...<br />
520
Battements<br />
Des stances inquiétantes procurent à l'infini<br />
Des diapasons dorés sur des mètres de marbre.<br />
Les regards amoureux soudain se sont enfuis,<br />
On les dirait mourir onduleux sous les arbres...<br />
La miséricorde virevolte, clamant à l'heure<br />
Un chant tumultueux où l'espoir s'évadait.<br />
Dans la nuit, elle déroule des rubans de douleurs ! ...<br />
Les femmes piquent la foi dont ils furent défaits.<br />
Mêlés de honte, dans un déferlement de haine,<br />
Rares et gavés en des complaintes, ils s'étonnent<br />
Brûlant d'un œil glacial le mot que l'on dédaigne.<br />
Vasques de plaisir, insouciantes et fécondes<br />
Elles rejouent d'un gémissement épris et résonnent<br />
Pour un grain de soupir sur d'autres chairs immondes...<br />
521
Le vieil homme<br />
Impotent le vieillard aux mains sales de crasse,<br />
Aux ongles jaunis, toussote de vertes glaires<br />
Sur ses lèvres pendantes. Il entasse, il entasse<br />
Et perpétue cloué le mythe de sa guerre,<br />
Balbutie, secoue la tête par résignation.<br />
Parfois dans ses yeux bleus, un reflet de lumière<br />
Éveille en sa mémoire des danses et des chansons.<br />
"Oui, souviens-toi, jeune homme beau, ô combien fier..."<br />
Mais le temps disparaît, et le Seigneur l'oublie !<br />
Écrasé et vibrant sur son lit, il s'endort.<br />
Est-il mort ? Oui, presque mort, enfin à demi...<br />
Là-bas, d'autres enfants vigoureux, d'autres forts,<br />
Des femmes éblouies belles comme des fleurs :<br />
Le monde se poursuit, trouvant ses successeurs !<br />
C'est la fatigue<br />
522
C'est la fatigue langoureuse dont tout esprit supérieur se<br />
délecte, c'est un acte parsemé de vols d'oiseaux, c'est un coeur enfin qui<br />
se nomme pitié. Mais qui l'entendrait en ces moments de déluge ?<br />
Personne. Non. Personne. Alors de gestes perdus en déboires sanglants,<br />
la force disparaît petit à petit comme un cyclone sur le point de mourir,<br />
comme un vieillard enfin. Et ce jeu qui procure tant de raisons de haine<br />
à nos ancêtres maudits, aggrave mon délice tumultueux où mon âme<br />
s'était mise, car de tous côtés des jets de lumière virevoltent sous des<br />
saccades, et des artifices grandioses acclament prestement le Mal qui<br />
m'est si cher.<br />
Elle parlait à mi-mots pour me rappeler sa présence et dans son<br />
doux sourire des oriflammes brillaient. Une enfant peut-être garnissait<br />
ma couche, un plaisir sans doute. Sa démarche était semblable à celle<br />
des beautés de Palmyre, et quand d'un triste souffle elle rappelait le<br />
temps, j'aurais voulu mourir là, heureux à l'ombre de ses seins - heureux<br />
de voir lentement la Mort m'exposer ses adieux, heureux d'entendre la<br />
mer me ramener sur ses rives.<br />
Mais c'était cher payer la chute de mes mots. Je n'avais pas le<br />
droit de mourir. Le suicide est interdit dans le cercle des poètes. Souffrez<br />
peut-être, maudissez mais ne tuez jamais. Car ce lent supplice qui<br />
chaque jour nous fait plus mauvais, nous rapproche des dieux. Non. Il<br />
523
fallait subir !<br />
Alors dans ses longs yeux comme un rivage sans fin, j'attendais<br />
bravement les méandres d'un autre délice, et dans sa crinière posée sur<br />
ma bouche confuse, je priais tendrement l'attente d'un autre bonheur, et<br />
d'une mort ô combien méritée.<br />
524
Des races de séraphins<br />
Des races de séraphins accrochées aux basques de la mort<br />
émanent des saccades démentes sous des mémoires ténébreuses. Comme<br />
de puissants néons éclairent leurs lueurs dans les ruelles avoisinantes, ils<br />
vont hagards et malchanceux annoncer la triste nouvelle au peuple<br />
étonné. Avec des serpentins d'argent, ils acclament les naufrages,<br />
pardonnent aux pauvres leur existence facile, et parfois quand un tendre<br />
prédit pour quelques écus une existence nouvelle, ils crachent<br />
violemment sur la bible des ancêtres, hurlant des propos frauduleux où<br />
la richesse corrompt l'infortune de notre sort, où le sensuel brûle ses<br />
idées moroses et plane sur de mauvais calculs, où l'adulte mesquin ne<br />
verra plus le soleil respirer sur les ailes de sa destinée.<br />
Vociférant des pensées occultes, ces mages maudits anticipent<br />
sur les nombreux préjudices, les condamnant au feu éternel, et dans un<br />
dernier éloge prophétique ils annoncent grandement le temps fini des<br />
choses douces ! Remplis de cette verve traîtresse, les reptiles usent des<br />
mots tout neufs et fortifient le peu que possèdent mes disciples.<br />
J'ai vu l'enfant honteux se refléter dans l'image malingre de sa<br />
glace, j'ai vu l'amertume sanglante brûler le visage de mes<br />
contemporains ; et nul ne sait où finira cette mascarade de mots<br />
insensés, cette ignominie verbale où l'ignorance de tout un peuple se<br />
525
morfond en tristes désespoirs.<br />
Le mouvement s'amplifie, engraisse nos villes et nos<br />
campagnes, et déjà hume la destinée de nos survivants. De tous côtés, la<br />
polémique embrase les cœurs perdus, et des visages crispés acclament la<br />
délivrance ! Dans les crépuscules hideux, ils frappent aux portes,<br />
savamment, avec profit, car l'éloquence de leurs dires leur donne raison.<br />
526
Métapoétique<br />
Quiconque place l'instant dans la nuance d'une éternité de<br />
temps indéterminés et fusionnés les uns aux autres par l'essence même<br />
du terme infini, croit à la superstition de son âme et tend vers la réalité<br />
divine.<br />
L'espace puissant n'est décelable qu'au risque d'une étendue<br />
complète au supra accessible. Mais la compréhension du dernier terme<br />
entraîne logiquement l'explication divine.<br />
Sur l'étendue complète, le raisonnement faiblit. Que se passe-til<br />
dans le néant perdu ? Le néant est invisible. Son fait est qu'il est faux.<br />
Sa réalité abstraite dans la partie la plus infime de sa valeur le démontre.<br />
527
Complainte<br />
Si du moins tu savais mes douleurs de damné<br />
Et le mal incessant qui ronge ma cervelle<br />
Le combat violent des dernières années,<br />
O mon âme perdue, serais-tu tant cruelle ?<br />
Les noirs bourdonnements et les vaines souffrances<br />
Le tapage constant infligé chaque nuit,<br />
Dis-moi, pourrais-tu croire en la belle espérance,<br />
Toi dont la noble force éternelle s'enfuit ?<br />
J'encombrerai de fruits alourdis mes consoles,<br />
Je m'en irai vomir des charrettes d'horreur,<br />
Dans ma tête inclinée que le chagrin désole,<br />
J'apprendrai les leçons que dicte le vainqueur.<br />
Ma patience, hélas ! a tardé à m'aimer.<br />
Poète vieillissant, j'offrirai sur ma tombe<br />
Les offrandes sacrées que j'ai su vénérer<br />
Les brisures du cœur, les meurtres, les colombes.<br />
528
Sous les coups de couteau, le cœur ensanglanté<br />
D'avoir autant gémi est tombé aux enfers<br />
Le cœur souffrant n'est plus qu'un luxe exorbitant<br />
À mes yeux ténébreux, je ne suis que misère.<br />
Peut-être ma raison ira puiser là-bas<br />
Les joyaux ignorés de ce vieil édifice<br />
Que les sombres tambours recrachaient quelques fois<br />
Quand l'horreur de la vie était faite de vice.<br />
Mes souvenirs s'éteignent ; j'ai oublié l'emploi<br />
De la rime superbe tout empourprée de rose ;<br />
Mais je poursuis, la tâche est vaine et je me noie.<br />
Je ne sais si je dois continuer, je n'ose.<br />
Dans un jardin offert au sublime soleil,<br />
Mon visage a coulé sur la cendre éternelle<br />
Et j'ai vu rayonner sous la vasque vermeille<br />
Des nébuleuses d'or et des femmes nouvelles.<br />
Était-ce toi, ô sir, rajustant tes culottes<br />
Qui s'écria d'un tour malsain et puéril :<br />
"Combien de temps encore faut-il que je les frotte,<br />
Cette gaine et ce sein à mon contour viril ?"<br />
529
Mais une fée passa entendant ta prière<br />
Et tu te vis curé user de tes blasphèmes.<br />
Pécheur de l'absolu, tu chantas la misère<br />
- Les dieux sont avec toi, tu connais la rengaine.<br />
Sur la motte de pus Ursule avec Novice<br />
Allèrent d'un pas boiteux la bouche faite d'aigreurs<br />
Éloignés des sirènes, des cris de la Police,<br />
Ils s'en allaient marchant unir leurs yeux rêveurs.<br />
"J'ai bien soif, dit l'un d'eux. Veux-tu que je t'amuse ?<br />
Allons nager tout nus dans la Seine et sa sœur.<br />
Il y aura tes seins, ton cul et mon prépuce<br />
L'eau froide de la Seine fait jouir les baigneurs".<br />
"Un instant, belle-mère, pas pour vous, s'il vous plaît,<br />
J'aime mieux un curé qui trempe son anus !"<br />
Cette douche glacée lui fit un tel effet<br />
Qu'elle partit choquée voulant que je la suce...<br />
530
L'ingénue<br />
Au secours ! Au secours ! Cria l'ingénue. Cet homme aux<br />
regards de braises s'est rué sur moi. Dans un dernier élan volontaire, j'ai<br />
tenté de lui échapper. Mais je n'ai pu résister à sa force musculaire. Et<br />
relevant ma jupe de sa main rude et perverse, il a baissé ma petite culotte<br />
rose, et a introduit de force ses deux doigts grossiers dans mon anus.<br />
Comme j'ai pu souffrir en cet instant, comme le rouge a envahi mon<br />
visage. L'ignoble personnage m'a retournée, et sa bouche énorme s'est<br />
abattue sur mes lèvres rouges. Je ne pouvais plus crier, paralysée par la<br />
peur, effrayée par l'acte barbare dont j'étais la victime. L'homme a<br />
arraché mes dessous, a plaqué sa main sur mes lèvres et s'est penché sur<br />
mon petit sexe tout ruisselant de peur. Goulûment il a léché cette fente<br />
étroite, ce petit velours de poils que Dieu m'avait donné.<br />
Mais l'instant le plus haïssable restera gravé en ma mémoire, et<br />
je n'ose vous le raconter tant la honte s'est abattue sur moi comme un<br />
rapace aux serres effilées.<br />
L'ivrogne ou le rustre a déboutonné, avide de ma personne une<br />
braguette retenue par quatre boutons. Et horreur de ma vie, malheurs<br />
éternels des damnés de la terre entière, de ses fonds lugubres et<br />
malséants, il a fait apparaître un sexe énorme, un sexe décalotté aux<br />
dimensions inappréciables. J'ai pensé que seul le diable possédait un tel<br />
531
engin, que cette œuvre était le don de quelques malins esprits amoureux<br />
de la chose et ennemis de Dieu, notre Seigneur.<br />
D'un geste rageur, il enfonça son vit énorme dans mon ventre et<br />
je crus qu'il me fendait en deux. Je perdis connaissance, et je m'évanouis<br />
morte de peur. Le goujat en profita davantage, allant et venant en mon<br />
cœur avec plus de satisfactions encore, je pense. Quand je repris mes<br />
esprits, des secousses vengeresses de sperme coulèrent entre mes<br />
cuisses, et sous le coup de la douleur, je pleurai de chaudes larmes tant<br />
le spectacle m'alarmait et tant ma virginité avait été mise à dure épreuve.<br />
Désespérée, amoindrie, fatiguée par un tel assaut, je pensai que<br />
le sadique s'arrêterait là, et fuirait après son meurtre accompli. Mais il<br />
n'en était rien.<br />
L'homme riait, satisfait de lui-même, et je vis son horrible<br />
bouche et son sourire jaune briller à la lueur torve des lumières de la<br />
ruelle. Je croyais que mon malheur s'achevait, et qu'il me laisserait<br />
pantelante, qu'il se rajusterait, et comme un meurtrier fuirait le plus loin<br />
qu'il pût de sa victime.<br />
Mais une autre épreuve m'attendait, plus humiliante encore.<br />
L'homme, après mon combat désespéré, excité par mes charmes offerts à<br />
532
sa vue eut une nouvelle érection plus dure, plus forte encore que la<br />
première. Dans un éclat de rire démoniaque, il me retourna. Les forces<br />
me manquèrent et je ne pus résister davantage. Il introduisit, l'ignoble<br />
individu, son sexe tremblant dans mon anus. Je sentis sa virilité frapper<br />
contre les parois intimes de ma personne et chercher malignement<br />
l'entrée la plus vile, la plus honteuse de mon être.<br />
Comme je tentai de serrer ces petites fesses roses qui avaient<br />
été cachées de la vue d'un homme ! Comme je me contenais pour<br />
échapper à ce maléfice. Mais l'homme me frappait et je dus céder.<br />
Le mal qu'il m'avait fait par-devant, n'était rien à côté de celui<br />
qui m'attendait. Il avait déjà obtenu de moi une déchirure céleste, la<br />
déchirure de la vierge et quelques gouttes de sang me laissant pantelante.<br />
Par-derrière, il commettait un crime sans précédant : une sodomie<br />
forcée, le viol d'une jeune fille qui ignorait même tout de cet acte, qui<br />
ignorait que cette ignominie pût exister. Comme mon innocence en<br />
souffrait ! Je pensais que Dieu me punissait pour des péchés que je<br />
n'avais pas commis.<br />
Mes petites fesses l'excitaient et l'odeur naturelle et intime de<br />
ma personne plus encore. Je crus avoir affaire à un fou, à un détraqué<br />
sexuel.<br />
533
L'homme poussa, poussa. Je résistais en serrant les fesses; mais<br />
dans un moment de faiblesse, son sexe vicieux s'engouffra en moi. Je<br />
poussai un cri de frayeur, et je crus m'évanouir de honte. La souffrance<br />
me brûlait les intestins. Son vit transperçait ma pudeur de jeune fille.<br />
Son liquide chaud et démoniaque à saccades répétées envahit mon<br />
intérieur. Et dans un dernier cri, l'homme se sortit de mon corps en<br />
soufflant inexorablement.<br />
Nous fûmes tous deux à moitié morts, lui récupérait de son acte<br />
barbare, moi de mes fatigues et de mes souffrances.<br />
Mon visage est-il gracieux ? Mon corps attirant pour satisfaire<br />
cet anormal ? Toujours est-il qu'après dix minutes de repos, il commença<br />
à me gifler et à me traiter de salope et de putain. (Moi un esprit vierge et<br />
si propre). Il m'intimida, et je pris peur. Mes vêtements étaient en loques<br />
et les dessous qui cachaient ma chair avaient été déchirés par cette bête<br />
humaine. Que me reprochait-il ? Je ne le saurai jamais. Mais il m'agrippa<br />
de force et me mit sur le ventre, et frappa inlassablement mes fesses qui<br />
devinrent chaudes puis rouges à cause de la douleur. Sa main énorme<br />
s'abattait avec sauvagerie sur mes petites fesses, et seuls mes pieds et<br />
mes jambes se débattaient. Mais j'étais impuissante et je ne pouvais que<br />
hurler sous les coups inhumains.<br />
534
Je n'ose le dire car le rouge me monte au visage. Mais de temps<br />
en temps, entre deux fessées, il enfonçait ses trois doigts dans l'anus et<br />
ressortait un peu de matières fécales qu'il avalait avec délectation. Sa<br />
bouche dégoulinait de mes excréments et il passait sa langue avec<br />
ravissement sur ses lèvres putrides. Mon anus n'était plus un muscle, ni<br />
même une caverne étroite et intime, mais un lieu maudit dont il se gavait<br />
vicieusement. Sa bouche sentait, pardonnez-moi, la merde, la même<br />
merde que je rejetais dans la fosse d'aisance. L'homme était une bête,<br />
non, un démon, que dis-je, le diable ! Les fesses rouges et brûlantes, le<br />
vagin défloré par sa force, l'anus humilié, emprisonné par son vit, je<br />
pensai toucher le fond de l'enfer.<br />
Dans un dernier élan de survie, quand cet homme se délectait<br />
de ma matière fécale, je pus me débattre et lui échappais. L'ignoble ne<br />
tenta même pas de me rattraper, et laissa s'enfuir sa proie comme<br />
satisfait des sévices qu'il avait pu lui faire endurer.<br />
À demi nu, à demi hagard, perdant mon sang, et brûlée par les<br />
souffrances, je réussis à courir de toutes mes jambes lorsqu'un agent de<br />
police entendit les cris que je jetais et m'intercepta. Car je crois bien que<br />
j'aurais couru longtemps, fuyant toujours et fuyant encore.<br />
Voilà, Monsieur le Commissaire, je vous ai remis ma<br />
déposition, mais honteuse, en loques, laissez-moi pleurer encore car je<br />
535
n'en peux vraiment plus.<br />
536
TOME III<br />
ANNÉES 78 – 79<br />
Le sac et la cendre<br />
La racine et la source<br />
Le buis et le houx<br />
Le grain et le regain<br />
Le lin et la laine<br />
537
Le Sac et la Cendre<br />
Le repos du Poète<br />
Je viens baigner ma tête pour un repos amer.<br />
Par mégarde d’un dieu, le vent s’y engouffra<br />
Et l’antre tourmenté d’un joug jusque sous terre<br />
D’une longue morsure blessa alors mes pas.<br />
De ce sort contenu où son mal resplendit,<br />
Une voix épuisée veut mordre la lumière.<br />
J’accours sur tes deux seins, ô ma profonde amie<br />
Une nausée me suit qui descend là derrière.<br />
Fulgurantes lueurs, sa voix est parcourue<br />
D’une fraîcheur nouvelle sous un vent d’embellie.<br />
Je plonge et je m’avance avant qu’un bras ne sue...<br />
Du moins la ténébreuse me réclame la nuit<br />
Et mon coeur sans relâche admire, constellé<br />
Les étroites cachettes dont dispose l’aimée.<br />
538
La baigneuse<br />
Elle avait posé ses habits et se baignait<br />
Heureuse dans la rivière cristalline ; là<br />
Où s’entrecroisent les ajoncs et les genêts.<br />
Elle n’avait entendu le son de mes pas.<br />
Dans le feuillage, je contemplais à mon aise<br />
Sa jambe fine et blanche et si jolie à voir ;<br />
J’aurais bien voulu m’approcher mais fournaise !<br />
J’ai eu soudainement peur de la décevoir.<br />
C’étaient merveilles son dos et sa hanche légère,<br />
Et ses adorables reins courbés en arrière<br />
Rappelaient la beauté des Antiques inconnues.<br />
J’embrassais encore de mon regard ébahi<br />
Le plaisir de mon extase inassouvie.<br />
Et quand j’ouvrais les yeux, elle avait disparu !<br />
539
Tristesse<br />
Quand encastrés deux corps se mêlent dans la nuit<br />
Les remous du décor engendrent un vrai plaisir,<br />
Et cette longue étreinte suivie de l’agonie<br />
Rend plus sinistre encore les relents du désir.<br />
Délaissée et pensive l’âme s’enfuit du cœur<br />
Et la mélancolie pénètre la tristesse.<br />
Le temps va comme la pendule sur son heure<br />
Et s’envole oubliant des milliers de caresses.<br />
Ô le corps alangui où la fumée s’évade !<br />
La honte et les remords chassent les cavalcades,<br />
S’extirpant du rêveur allongé dans son sang.<br />
Solitude d’amour du dernier survivant,<br />
Tu nous déchires encore dans tes noires découvertes,<br />
La courbure de ton sein est infiniment déserte !<br />
540
Tu te repais, enfant<br />
Tu te repais, enfant, dans ce démon sacré<br />
Par les désirs subtils qu’un Dieu un jour créa.<br />
Et sur le noir bitume, ta démarche tracée<br />
Offre des jouissances au moindre de leurs pas.<br />
Dans la laideur de ta chambre où tu poses nue<br />
Pour quatre cliquetis de métal argenté<br />
Tu t’étends sur le lit que les hommes remuent<br />
Avec convulsions étranges et tourmentées.<br />
Tu espères un cri d’orgasmes à chaque seconde.<br />
Je vois dans tes yeux frêles le feu de ton malheur<br />
Et ce débauché qui une nuit te féconde<br />
Jouit des vicissitudes de ton labeur.<br />
Mais ta cruelle chance est de ne point aimer<br />
La solitude qui arrache nos douleurs,<br />
Et ta joie suprême est de pouvoir te coucher<br />
Sans détacher les noirs pétales de ta fleur.<br />
541
Elle cache dans ses yeux<br />
Elle cache dans ses yeux d’adorables mystères<br />
Et son sein où tant d’hommes se sont reposés<br />
Est fait pour inspirer la plus tendre prière<br />
Au poète incompris ou à l’amant blasé.<br />
Et dans sa chevelure nacrée et plus polie<br />
On peut voir des bateaux, des navires et des mâts<br />
Des vagues démentielles où chantent les furies<br />
Des marins possédés qui poursuivent ses pas.<br />
542
Chanson pour elle<br />
Comme une feuille morte<br />
Ses mains, son cœur<br />
M’emportent au loin.<br />
Tout s’évapore<br />
Dans la nuit forte<br />
Des lendemains.<br />
Je vole, j’existe<br />
Moi parasite<br />
De ses deux reins !<br />
Je roule dans la mousse<br />
Ses deux jambes sacrées.<br />
La folie me pousse<br />
À encore aimer !<br />
Quand lugubre est le soir,<br />
Quand triste est la bougie,<br />
Il est doux le cheveu noir<br />
À caresser la nuit !<br />
Comme une feuille morte<br />
543
Ta main, ton cœur<br />
M’emportent au loin !<br />
544
Le voyageur<br />
Ainsi vers la croisée avec ses haillons neufs<br />
Le voyageur s’envole assermenté de songes.<br />
Les yeux illuminés ou le regard de bœuf<br />
Dans sa douceur enchantée, longtemps il se plonge.<br />
Dénudée, odeur des rêveries exotiques,<br />
Collée contre son cœur, une jeune enfumée<br />
Espère un tendre mot, un plaisir érotique,<br />
Et vers la bouche aspire le brouillard à humer.<br />
Leur sublime insouciance ne saurait apprécier<br />
Le monde encombré de piètres découvertes. Mauve<br />
La compagne se meurt évasive et aimée.<br />
J’ajouterai encore pour finir votre histoire<br />
Encombrée de satin où l’esprit se fait fauve<br />
Les plaintes indistinctes qui s’échappent le soir.<br />
545
Tristesse<br />
Quand encastrés deux corps se mêlent dans la nuit<br />
Les remous du décor engendrent un vrai plaisir,<br />
Et cette longue étreinte suivie de l’agonie<br />
Rend plus sinistre encore les relents du désir.<br />
Délaissée et pensive l’âme s’enfuit du cœur<br />
Et la mélancolie pénètre la tristesse.<br />
Le temps va comme la pendule sur son heure<br />
Et s’envole oubliant des milliers de caresses.<br />
Ô le corps alangui où la fumée s’évade !<br />
La honte et les remords chassent les cavalcades,<br />
S’extirpant du rêveur allongé dans son sang.<br />
Solitude d’amour du dernier survivant,<br />
Tu nous déchires encore dans tes noires découvertes,<br />
La courbure de ton sein est infiniment déserte !<br />
546
Fantaisie d’un soir<br />
Dans cet adorable corsage,<br />
Deux mamelles terrifiantes<br />
Vous parlent de breuvage.<br />
Elles exhibent des rouges bien dressés<br />
À la langue hardie ou<br />
À la lèvre assoiffée.<br />
Elles portent leur désir<br />
Sur vos yeux dévastateurs,<br />
Elles parlent de douceurs et de plaisirs<br />
Tout en vous montrant<br />
Les puissantes rondeurs.<br />
Je poserai ma main, mon cœur et mon cou<br />
Sur votre sein, magnifique nourricière<br />
S’écrie le subtil bébé<br />
Dont le vice est de n’être qu’affamé.<br />
547
La Racine et la Source<br />
Stérilité<br />
Le printemps s’engouffrait dans cette robe blanche<br />
Le pas léger allant, elle avançait tout droit<br />
Les bras levés au ciel, elle implorait sa foi<br />
Elle avançait toujours et quémandait sa chance.<br />
Toujours elle espérait pareils aux pèlerins,<br />
Suppliait à genoux qu’on lui donne un enfant<br />
Elle en désirait un depuis bientôt mille ans<br />
Elle suppliant toujours et suppliait en vain.<br />
548
Bénédiction II<br />
Ainsi tu as germé, minuscule poussière<br />
Et tu gonfles mon ventre avec tes chairs pourries.<br />
Avorté, jamais, tu ne verras de lumière,<br />
Aux chiens affamés, je jetterai tes débris ! ...<br />
Moi dont la chair est superbe et pleine de grâce,<br />
Il me faudrait accepter cette horrible forme ?<br />
Pensez-vous que je puisse m’observer dans la glace<br />
Avec des seins tombants sur de la graisse énorme ?<br />
Les hommes enfonceront les ongles acérés<br />
Dans le cœur qui a vu cette expiation<br />
Pas une seule nuit ne sera oubliée<br />
Où des feux noirs me brûleront de passion.<br />
Tu souffriras comme nul n’a encore souffert,<br />
Oui, neuf mois, tu entendras mes amants m’aimer,<br />
Et ta mort connaîtra les gouffres de l’enfer<br />
Car de toutes parts tu te trouveras souillé.<br />
549
Pourtant quand l’enfant apparut dans ce bas monde<br />
Son bourreau étonné de le voir si joli,<br />
Eut pour lui tant de joie et tant d’amours profondes<br />
Qu’il se confessa de tout ce qu’il avait dit.<br />
Ha ! Mon petit, pardonne-moi mes noires débauches.<br />
Je regrette le mal j’ai pu hélas te faire !<br />
Je serai, je le jure, ta mère qui réchauffe<br />
Son enfant malheureux sur cette triste terre !<br />
550
Description<br />
Elle avait la beauté qui aujourd’hui s’est tue :<br />
Elle avait la finesse de la douce Romaine,<br />
Le corps éblouissant de l’antique statue,<br />
La chevelure nacrée et le sourire des reines.<br />
Ses poses nonchalantes égayaient mon regard,<br />
Ses lèvres sensuelles appelaient à l’amour.<br />
Malgré mes remontrances et mes nombreux discours,<br />
On restait éveillés toutes les nuits, très tard.<br />
Et l’air toujours vainqueur des courageux soldats,<br />
Elle dégustait les fruits qui lui étaient si chers<br />
Une soirée d’amour, un plaisir, un combat<br />
Dans l’épaisse moiteur des chaudes atmosphères.<br />
551
J’ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours<br />
Qui croîtront à l’envi de l’écorce nouvelle.<br />
Ronsard<br />
Les amants<br />
Nous aurons un grand lit rempli de roses rouges,<br />
Des fleurs pour admirer tes poses languissantes,<br />
Nous aurons des odeurs fortes et enivrantes<br />
Qui charmeront ta chair qui doucement s’entrouvre.<br />
Nous aurons le soleil des matins printaniers<br />
Qui brûlant puissamment par sa verve nature<br />
Offrira ses rayons lumineux en pâture<br />
Pour caresser tes gestes et mourir tes baisers.<br />
Et nous aurons encore de superbes extases<br />
Parsemées de moiteurs et de cris et de joies<br />
Nous aurons la folie de l’amour qui embrase<br />
Ton corps de souveraine soupirant quelquefois.<br />
552
Puis nous prierons les Anges animés de vigueur<br />
Qui, redonnant la vie à nos cœurs en détresse,<br />
Enflammeront nos mains dans un feu de tendresse<br />
Quand le mois de décembre n’aura plus de couleurs.<br />
553
L’angoisse<br />
L’angoisse nous assaille et agrippe nos cœurs,<br />
Fatidique Serpent qui entoure sa proie.<br />
Nous parcourons avec cette ancestrale peur<br />
Le chemin de la vie qui nous mène au trépas.<br />
Sa présence est constante, et nous demandons grâce.<br />
Avec quelques plaisirs, on cherche à l’oublier.<br />
Mais elle est toujours là à poursuivre nos traces.<br />
Chaque jour, elle s’est un peu plus approchée.<br />
D’un coup elle bondit comme un tigre féroce<br />
Et déchire nos corps de ses cruelles dents.<br />
Elle déguste la chair de nos souffrances atroces<br />
Et se délecte encore de nos cris de mourants !<br />
554
Une vie antérieure<br />
Oui, j’ai longtemps connu Venise et ses gondoles<br />
En riche commerçant qui donnait sans compter.<br />
Que de nuits exaltantes ! Et que de farandoles !<br />
J’ai vécu sous de vastes portiques bleutés !<br />
Ho ! Là, là ! Je puis m’en souvenir car j’allais<br />
Dans des endroits charmants aujourd’hui défendus<br />
Remplis de femmes, d’alcool et de vin. J’embrassais<br />
Les bonheurs de la vie qui hélas se sont tus !<br />
555
Les gouttes bienfaitrices<br />
Le visage triste, il attendait vainement<br />
Que des gouttes de pluie tombassent de sa gourde<br />
Comme la femme qui se fait encore plus lourde<br />
Attend toute fébrile la venue de l’enfant.<br />
Des nuages brumeux se cognaient dans sa tête,<br />
Pourtant dans son malheur, la soif se tenait là.<br />
Il priait, suppliait à genoux que l’on jette<br />
Des pluies d’orages clairs sur son immense toit.<br />
556
Spleen V<br />
Observant ce ciel bas azuré et lointain,<br />
Je disais - parce que de lugubres pensées<br />
S’étaient là installées dans mon esprit troublé<br />
Qu’il serait bon d’avoir une femme et du vin.<br />
Et je considérais que la vie était triste<br />
Sans une consolatrice pour écouter son âme.<br />
Et je pensais encore, la bouteille qui enflamme<br />
Cette cervelle humaine peut la rendre moins triste ! ...<br />
Je songeais à tout ça, mais je ne faisais rien<br />
Car j’attendais encore que s’éclairât demain,<br />
J’attendais que le temps filât dans son malheur ! ...<br />
J’attendais écoutant le cri plaintif du cœur<br />
Que cette nuit s’en vînt arracher le nuage<br />
Qui avait recouvert ma détestable image ! ...<br />
557
À Baudelaire<br />
Les cours sont différentes, mais les monarques restent<br />
Mortels, éblouissants dans leur clarté funèbre.<br />
Ils viennent surgissant de leurs noires ténèbres.<br />
Hélas ! On les acclame comme l’affreuse peste.<br />
Pourtant un jour l’homme reconnaît son feu père<br />
Comme le créateur de choses bien nouvelles<br />
Et son âme s’exalte, et lentement s’élève.<br />
Souvent, trop tard, le poète gît dans la terre...<br />
On l’encense de gloire et de chants en latin.<br />
Mais qu’importe ! Il divague pour des pays lointains<br />
Adieu, angoisse, spleen et bijoux très sonores !<br />
Tout là-haut, dans les airs, ses autres frères l’honorent.<br />
558
Spleen<br />
Mais que recherches-tu, ô mon âme indolente ?<br />
Veux-tu chérir l’amour et ses formes diverses,<br />
Sa chevelure de lionne ou ses seins de déesse ?<br />
Préfères-tu écrire tes poésies latentes ?<br />
Aimerais-tu trembler sous l’œil hagard du vin,<br />
Puis dormir sagement d’un bon sommeil paisible ?<br />
Veux-tu l’amour, ce soir ? Son objet accessible ?<br />
Dis-moi veux-tu vraiment quelque chose de divin ?<br />
Je veux mourir en paix, tranquille et solitaire<br />
Je veux trouver la mort. L’âme enfin libérée,<br />
Je m’en irai voler dans ce monde insensé<br />
De bonheur, de bonheur, plus haut dans les éthers.<br />
559
Interrogations<br />
Avez-vous admiré la statue, la beauté<br />
Son œil indifférent et sa jambe de reine ?<br />
Le sein haut et dressé je l’ai imaginé,<br />
Son cœur entre mes bras pour égayer ma peine.<br />
Avez-vous admiré la statue, la beauté ?<br />
Avez-vous parcouru l’immensité profonde ?<br />
Mais c’était ce jeune homme qui hantait la forêt,<br />
Qui cherchait le repos de l’âme dans la tombe,<br />
Très loin de ces vivants enchaînés à regrets !<br />
Avez-vous parcouru l’immensité profonde ?<br />
Avez-vous entendu le cygne dans la nuit ?<br />
Mélodieux, tenace, cet hymne de la vie<br />
Tirait du marécage des notes et du bruit<br />
Qui exalte mon cœur, l’emporte et le ravit.<br />
Avez-vous entendu le cygne dans la nuit ?<br />
560
Avez-vous observé la fleur s’épanouir ?<br />
Au soleil de l’espoir, elle attend le grand jour<br />
Où des feux de bonheur la feront s’éblouir<br />
Dans le sang de la vie et du parfait amour.<br />
Avez-vous observé la fleur s’épanouir ?<br />
561
L’inspiratrice<br />
Elle cache dans ses yeux d’adorables mystères<br />
Et son sein où tant d’hommes voulaient se reposer,<br />
Est fait pour inspirer la plus douce prière<br />
Au poète incompris ou à l’amant blasé.<br />
Et dans sa chevelure nacrée et puis polie,<br />
On peut voir s’agiter des navires et des mâts,<br />
Des vagues immortelles où chantent les furies<br />
Des marins possédés qui poursuivent ses pas.<br />
Et sa jambe et son cœur et ses hanches et son dos,<br />
Pareils à la grandeur des statues de Palmyre,<br />
Éveillent en mon esprit le sentiment du beau.<br />
Et dans ses noirs secrets où l’on veut s’endormir<br />
Imprégnés du parfum de ses senteurs nouvelles,<br />
S’exaltent des plaisirs qui la rendent immortelle !<br />
562
Superbe créature<br />
Je veux songer à toi, superbe créature.<br />
Je vois devant mes yeux se dresser un soleil.<br />
Je vois devant mes yeux les fruits de la nature,<br />
Tant de grappes fleuries à la clarté vermeille !<br />
Oui je vois dans mon cœur brûler une lumière<br />
Qui pourrait éblouir telle la lueur divine.<br />
Je vois encore ta bouche, ta bouche qui me fascine,<br />
Et ce corps nonchalant qui quémande prière !<br />
Oui, je vois tes bijoux, tes poses langoureuses,<br />
La blancheur de tes dents et ton corps de déesse.<br />
Alors je vois ces mains qui déjà me caressent<br />
Et s’empressent d’aimer, ô Divine amoureuse !<br />
563
La belle Pompadour<br />
Tentez d’imaginer les plaisirs de la cour,<br />
Ses parfums délicats, ses odeurs pénétrantes.<br />
Tentez d’imaginer la belle Pompadour<br />
Alanguie dans la grâce des douceurs enivrantes.<br />
Respirez, je vous prie, ses deux seins parfumés,<br />
Dans la langueur des nuits consumées et profondes<br />
Ou baignez-vous encore dans ces délices blondes,<br />
Dans ses sources limpides qu’on entend murmurer.<br />
Délectez-vous alors de ses grains de beauté<br />
Qui me disent tout bas : voudrais-tu m’embrasser ?<br />
Voyez ces nobles poses et cette chair si ronde !<br />
Son visage d’enfant est un hymne à l’amour.<br />
Voyez, je ne peux pas m’encombrer de discours<br />
Car je le sais trop bien, elle est unique au monde !<br />
564
Dans tes yeux<br />
Quand tu es alanguie sur le lit des amours,<br />
Que tes cheveux embrassent ton visage de reine,<br />
Je crois voir défiler dans tes yeux des sirènes<br />
Qui se pâment dans l’onde, le sein est bas et lourd.<br />
Et je vois l’océan agiter ses souffrances<br />
Dans le cœur des marins qui regagnent le port.<br />
Je vois la nuit étrange qui indique le sort<br />
Au voyageur en peines de douces délivrances.<br />
565
Ô saison<br />
Quand le soleil plus fort de rayons chaleureux<br />
Alourdit la nature de ses lueurs vermeilles,<br />
J’aime à me promener sous l’horizon du ciel,<br />
Ce portique azuré mais toujours ténébreux.<br />
Que j’aime à contempler les ombres qui grandissent<br />
Quand vient mourir la nuit dans l’espace et le temps !<br />
Et j’admire étonné s’engouffrer dans le vent<br />
Mes deux ailes pensantes qui de désir frémissent !<br />
566
Esprits frappeurs<br />
Quelquefois on entend frapper contre les murs<br />
Des esprits enivrés aux ténébreuses mains<br />
Qui essaient de sortir un son chantant et pur<br />
Pareils à des Tziganes sur de secs tambourins.<br />
Ils continuent le brouhaha toute la nuit.<br />
Mais à peine se lèvent les lueurs du grand jour,<br />
Ils partent comme venus, sans échanger de bruit<br />
Comme après le spectacle, les tristes troubadours.<br />
567
Le Messie<br />
Titube et marche encore : ton étoile est au loin.<br />
Tu dis : mes pieds sanglotent ? Mais que m’importe ! Marche !<br />
Marche encore et toujours. La lueur du matin<br />
Saura bien t’indiquer la voie du Patriarche.<br />
Obéis, c’est un ordre ! Je suis Dieu, je le veux.<br />
Mes disciples obéissent, je le veux, obéis.<br />
Mais je ferai de toi un être valeureux.<br />
Oui, tu seras très grand : un sublime génie.<br />
Marche, et prie mon âme troublée. Marche, j’ai dit.<br />
Aime-moi, je le veux : tu sauveras tes frères.<br />
Montre-leur le chemin et lave leurs esprits<br />
Va, car on te connaîtra sur cette terre entière.<br />
568
Répétez la flûte<br />
Puisqu’il est dit que la mort se jouera de vous,<br />
Puisque le souffle tremblera dans vos entrailles,<br />
Puisque la pourriture agrippera vos joues,<br />
Répétez avec moi les doux vers de Ménale.<br />
Répétez la flûte, les bois, les violons<br />
Répétez les doux chants des Dieux et des Déesses<br />
Et les airs élevés dans les purs horizons<br />
Et leurs accords aériens qui nous caressent<br />
Puisqu’un beau jour prochain, votre sein dans la tombe<br />
Pleurera son enfant ou encore son malheur<br />
Puisque dans le large caveau froid et immonde<br />
Votre corps grelottera ses cris et ses pleurs,<br />
Répétez la flûte, etc.<br />
Puisque le Christ est mort, gisant à mes côtés<br />
Puisque le rouge enfer pleure ses flammes d’Antan<br />
Puisque la pure vierge vit dans la sainteté<br />
Et puisque je vous aime pour au moins cent mille ans.<br />
Répétez, la flûte, les bois, etc.<br />
569
Ton cœur assoiffé<br />
Oui, ton cœur assoiffé de braises éternelles<br />
Déploie de doux sujets pour confondre ma nuit :<br />
Ni les claires farandoles ni les fastes ombrelles<br />
Ne sauraient retenir mon étoile qui luit.<br />
Quand cette main se fait éblouissante et douce,<br />
On dirait une plume éveillant la vigueur<br />
Comme au pied du grand chêne, la délicate mousse<br />
Qui ranime le tronc de sève et de rigueur.<br />
Ta noble raillerie et ton ventre bien chaud<br />
Divaguent dans mon âme comme un profond baiser<br />
Et je pleure, et j’écris à grands cris de sanglots<br />
Les <strong>pages</strong> d’un amour aujourd’hui éveillé.<br />
La beauté de ta bouche me nourrit de plaisir<br />
Comme l’instant sublime d’un ange du Très Haut :<br />
Ta plume vacillante m’a fait cent fois mourir<br />
Dans les bras d’une reine, pour le cœur d’un héros.<br />
570
Quelque fois pour calmer mon immense blessure<br />
Tu parfumes ta chair de liqueurs et de vin,<br />
Et je reste muet devant cette parure<br />
Implorant plus encore ce merveilleux destin.<br />
L’amas de chevelure qui pare ta beauté<br />
Décrit dans mon vrai ciel des éclairs inquiétants<br />
Alors les premiers râles de ta pure volupté<br />
Sont des cercles sur l’eau s’évadant, nonchalants.<br />
571
Le Buis et le Houx<br />
La complainte<br />
Elle me disait : “ Viens dans les vignes flamboyantes<br />
Respirer le dernier rayon de notre été,<br />
Viens dans la verte nature, regagnons les prés,<br />
Cette terre est remplie de senteurs enivrantes.<br />
Oui, j’aimerai ta bouche et tes lèvres et ton coeur.<br />
Dans la nature même, nous unirons nos âmes<br />
Dans l’amour et la joie, ces éternelles flammes<br />
Qu’illuminent les feux de ce tendre bonheur.<br />
Et des ruisseaux d’argent couleront d’une eau pure<br />
Afin d’accompagner nos extases divines ;<br />
Des oiseaux imprévus avec leur chant sublime<br />
Redonneront force à nos faiblesses futures.<br />
Oui, pour toi j’apprendrai les doux vers de Ménale<br />
Pour distraire ou reposer ton esprit pensif ;<br />
Et des chants d’amour mélodieux ou furtifs,<br />
S’envoleront comme la musique d’un bal. ”<br />
572
Je lui dis : “ Je veux être seul, écrire mes vers<br />
Dans la solitude de la nuit étoilée,<br />
Chanter l’amour sans nulle femme à mes côtés.<br />
Mon unique compagne sera la vaste mer ! ”<br />
573
Paysage champêtre<br />
Le soir déjà tombait sur les blés flamboyants,<br />
Le soleil se couchait au-delà des collines,<br />
Les oiseaux voltigeaient vers les doux nids charmants<br />
Poussant des cris plaintifs ou des chansons sublimes.<br />
Et le ciel avançait sur son rouge écarlate<br />
Pour annoncer la belle Vénus aux bergers.<br />
Une épaisse fumée semblait sortir de l’âtre<br />
Pour dire aux villageois : “ Est-ce l’heure du dîner ? ”<br />
Moi, je restai allongé dans cette verdure<br />
À contempler les étoiles du firmament.<br />
J’écoutais s’endormir doucement la nature<br />
Et j’aurais souhaité vivre au moins cent mille ans !<br />
574
C’est un trou de verdure où coule une rivière<br />
A. Rimbaud<br />
Te souviens-tu encore, ô divine compagne<br />
Le soleil était lourd sur la blonde campagne.<br />
Le soir tombait déjà et mille feux brillaient<br />
De lumière éblouie quand nos deux corps s’aimaient.<br />
La chaleur forte encore d’un bel après-midi<br />
Avait quelque peu émoussé nos appétits.<br />
Alors nous caressions, première découverte<br />
Nos chairs d’adolescents dans l’herbe folle et verte.<br />
On tremblait effrayés comme on craint un malheur<br />
(Qui du premier amour n’a pas connu la peur ?)<br />
Maladroits, rougissants, mais que de doux moments<br />
Allongés sur la mousse, caressés par le vent.<br />
Oui, c’est là, lecteur, que je connus la folie,<br />
La crainte de l’enfer unie au paradis ;<br />
C’est là que je connus un de ces jours heureux<br />
Bercé d’un souffle clair, ô combien merveilleux<br />
575
Rêve d’adolescence<br />
I<br />
Dégrafer son corsage et respirer ses seins,<br />
Ho ! Le bonheur sublime de mes tendres pensées.<br />
J’imagine mes mains doucement enlacer<br />
Sa chevelure bouclée sur son beau corps lointain...<br />
... Des rivages heureux, un soleil, des guitares,<br />
Des Andalous chantant des airs démesurés,<br />
Des sirènes nageant dans le songe du soir<br />
Et mon coeur suppliant sa sublime beauté.<br />
Puis un sable affiné de blondeurs taciturnes,<br />
Nos deux corps alanguis sur la vague des mers<br />
Des bouffées de chaleur dans un splendide hiver,<br />
Des mensonges d’amour par les clartés de lunes...<br />
576
II<br />
Allons ! Viens plus près, faisons l’amour doucement,<br />
Oui, je caresserai ton corps avec tendresse.<br />
Allons ! Viens, faisons l’amour sans que l’on nous presse,<br />
J’embrasserai tes lèvres jusqu’au soleil levant.<br />
Baissons la lumière, je veux t’aimer dans la nuit.<br />
J’allumerai ton corps avec mes lentes mains,<br />
Je t’aimerai jusqu’à faire se dresser tes seins,<br />
Je t’aimerai pour entendre gémir tes cris.<br />
J’observerai ta chair quémandant le plaisir,<br />
Et soupirer de joie, d’amour et de bonheur.<br />
J’entendrai battre alors ta passion sur mon coeur<br />
Comme possédée d’un incroyable désir.<br />
577
III<br />
Je voudrais dans ton sein creuser une falaise<br />
Pour que tu te souviennes qu’un jour je t’ai aimée.<br />
Je voudrais être la mer forte et agitée<br />
Et brûler dans ton corps jusqu’aux dernières braises.<br />
J’aimerais te tenir tendrement dans mes bras<br />
Puis te serrer de force, ô vague déferlée<br />
Par la marée montante et déjà déchaînée<br />
Maîtresse des marins, des bateaux et des mâts.<br />
J’aimerais entendre battre ton cœur sur mon cœur,<br />
J’écouterais ce triste chant mélodieux<br />
Animer d’un zéphyr ô combien chaleureux<br />
Par une noire nuit, amie de la pudeur.<br />
578
Les femmes<br />
Oui, j’avais en des temps de jeunesse absolue<br />
Apeurer la pucelle avec des nouveaux mots<br />
Et j’avais alerté un peu trop, un peu plus<br />
La main divine de ma compagne en sanglots.<br />
Les temps changent, et la honte a fait place à l’amour :<br />
Le glaive de chacun n’a plus rien d’un malheur !<br />
Si la femme jubile avec de longs discours,<br />
Par le jeu du plaisir s’envole toute peur.<br />
Dans l’extase sublime des monarques et des reines,<br />
L’amoureux nonchalant se dispute son corps<br />
Et malgré le dégoût ou la joie du blasphème,<br />
Bienheureux il repose dans les draps qui l’honorent.<br />
Mais je connais encore d’autres douceurs exquises :<br />
Les femmes aux doux bijoux sublimes et mourantes,<br />
Qui savent se faite chattes, délivrées et conquises<br />
Quand la lampe blanchâtre se fait toute tremblante.<br />
579
La symbolique de l’amour<br />
Fidèle et infinie pour contempler ma joie,<br />
Elle marche démesurée dans ma vie errante !<br />
Sa clarté éternelle de temps en temps foudroie<br />
Le repos enivré de mes pensées latentes.<br />
Quand la nuit faite de jeux accouple nos deux corps,<br />
Apollon, le frère de l’amour grec et latin<br />
Apprend à Messaline les plaisirs de l’encor<br />
Dans les braises suaves de leur petit matin.<br />
Naguère en des temps licencieux et désinvoltes<br />
La beauté tant aimée se prêtait à des poses<br />
Languissantes et osées qui donnaient aux révoltes<br />
La douceur bienfaisante de ses métamorphoses.<br />
Mais aujourd’hui le calme insipide a terni<br />
La folie enivrée de ses danses troublantes,<br />
Et si, quelque fois la joue saillante rougit<br />
C’est le vin qui l’emporte sur son âme mourante...<br />
580
Tristes remords ! La couleur du désir s’évade<br />
Vers les astres lustrés qui égaieront le jour<br />
Et la forte lueur de ses pures cavalcades<br />
Ne pourra rallumer les ébats d’un amour.<br />
581
Le Grain et le Regain<br />
Au lecteur<br />
Tes mains tremblent encore et ton cœur palpite,<br />
Un rythme infernal anime ton bateau,<br />
Et la terreur qui résonne, facilite<br />
La venue de l’angoisse qui ronge tes os.<br />
Seuls le vin et l’amour, extases divines,<br />
Allègent tes malheurs et ton pesant fardeau<br />
Quand la nuit se fait froide, tu imagines<br />
Des instants où tu trouverais le repos,<br />
Des pays merveilleux où liqueurs et beautés<br />
Deviendraient les plaisirs éternels de ce monde.<br />
Mais regarde ! L’immensité est profonde<br />
Pour ton malheur, tu ne sais pas même nager !<br />
582
Les belles éplorées<br />
Parfois pour apaiser nos atroces souffrances<br />
De belles éplorées couvertes par le deuil<br />
Prodiguent des caresses ou des noires délivrances<br />
Avec des fruits osés que tous les hommes cueillent.<br />
Les chers enfants câlinent et embrassent les cœurs.<br />
Elles ondulent des corps un peu chauds, un peu moites,<br />
Elles attirent la proie avec tant de douceurs …<br />
Et nos mains se propagent dans leurs cavernes roides.<br />
Le sein lourd est chargé de senteurs enivrées,<br />
La chevelure embaume de liqueurs exaltantes,<br />
Et la jambe polie et bien ornementée<br />
Se déploie dans l’espace et se fait suffocante.<br />
De doux bijoux se posent sur la couche brodée,<br />
Les saveurs du plaisir enivrent les esprits.<br />
La jouissance divine dans l’espace étoilé<br />
Acclame calmement le bonheur qui s’enfuit.<br />
583
Et les yeux amoureux s’évadent sur des larmes,<br />
Et les mains tremblent encore pour un nouveau plaisir,<br />
Et les chairs dilatées de beauté et de charme<br />
Embrassent dans les pleurs les perles du sourire.<br />
Et d’autres agonies et puis d’autres complaintes<br />
Et d’autres agonies et puis d’autres fureurs<br />
Et l’on s’aime à nouveau, et encore l’on s’éreinte.<br />
Dehors la nuit gémit et supplie le bonheur.<br />
12 mai 1978<br />
584
La belle amante<br />
J’ai goûté hier encore aux plaisirs de sa chair,<br />
Au souffle court et chaud de son haleine douce,<br />
Et son corps assoiffé n’a plus aucun mystère<br />
Depuis que j’ai passé quelques heures sur sa couche.<br />
Elle a de doux bijoux où l’on peut s’endormir<br />
Des perles de l’orient nacrées et puis polies.<br />
Elle a dans les cheveux des pierres et des saphirs,<br />
L’or avec le diamant y sont assortis.<br />
Elle parle avec des mots de tendresses exquises<br />
Et ses longs doigts brûlants de braises éternelles<br />
Embrasent des régions à son âme soumises,<br />
Des régions découvertes par les anges du ciel.<br />
Sa poitrine superbe m’arrache des soupirs<br />
Des cris de joies d’amour, de puissantes caresses.<br />
Et sa jambe serrée s’exalte de plaisir<br />
Quand sauvagement contre moi, elle se presse.<br />
585
Épître<br />
Je t’offre cette lettre car ton regard éteint<br />
Entame pour nos corps de confuses paroles.<br />
La vaste nonchalance où repose ton sein<br />
N’est plus qu’un jeu douteux quand l’orgasme s’envole.<br />
Et je t’accorde encore les tendresses voulues,<br />
Ces drôleries obscures et ces gestes passés.<br />
Dans cette chevelure exquise qui n’est plus<br />
J’oublie les jouissances anciennes et aimées.<br />
Par cette vérité, je reconnais la bête<br />
Qui dispose d’un corps et non point d’une tête.<br />
Ces désirs sensuels ne sauraient éveiller<br />
Les noires turbulences que ton bas-ventre appelle.<br />
Mais j’ordonne à ton cœur toujours désespéré<br />
L’aventure promise du poète si frêle.<br />
586
La danseuse<br />
Elle rythmait la cadence avec des poses<br />
Languissantes et osées qui allaient à ravir<br />
Avec son visage d’ange, avec son sourire<br />
Divins comme l’amour et purs comme les roses.<br />
Elle dansait presque nue sous ces puissants néons<br />
Qui offraient à ses cheveux de blanches couleurs,<br />
Étonnantes parfois quand on aime son coeur ;<br />
Elle dansait à merveille, de toutes les façons !<br />
Elle dansait toute seule, sans aucun cavalier.<br />
Mon âme exaltée se fit bientôt enivrante<br />
Par son image belle qui arrivait troublante<br />
Dans les sphères du désir à jamais étoilées.<br />
587
Le Lin et la Laine<br />
Les repentirs du fantasme<br />
Ton sommeil est un port qui rêve d'inconstances<br />
De vagues démentielles et d'hommes révoltés<br />
Qui rêve d'esclavage et de noires délivrances<br />
Qui rêve de fureurs et d'amours exaltées.<br />
Quand nue, sur ton grand lit, tu caresses tes hanches<br />
Devant tes yeux défilent des puissances dressées<br />
Et des corps chauds, brûlants d'un feu insoupçonné<br />
Propagent leurs sueurs et les substances blanches.<br />
Tu soupires doucement pour supplier le ciel<br />
En extases divines et en plaisirs nouveaux.<br />
Des vagues flamboyantes s'évadent démentielles,<br />
Tu les implores encore gémissant tes sanglots.<br />
588
Comme un tigre d'ébène, ton cœur en feu s'enflamme<br />
Éloignant la pudeur de cette chambre vide,<br />
Des torrents de remords viennent gonfler tes larmes<br />
Et courent se jeter dans les bras du suicide...<br />
589
Quand caressée<br />
Quand caressée par les vagues de la vaste mer<br />
Ton buste se pavane dans les douceurs de l'onde,<br />
Dans mon esprit défilent des images amères<br />
Dont les vastes clartés éternelles et profondes<br />
Entraînent ma pensée vers des plaisirs charnels :<br />
Je revois ta beauté, ton sublime regard<br />
Qui espère avec un oeil discret et espiègle<br />
Son amant désiré et toujours en retard.<br />
Je revois ton regard briller d'une indicible<br />
Lueur ; la mâle volupté respire encore<br />
Le souffle et les désirs et les puissants efforts<br />
Quand je mourrais en toi, ô maîtresse gracile...<br />
590
Aube campagnarde<br />
Le matin se levait sur les dernières étoiles,<br />
L'aube avait revêtu son manteau éclatant.<br />
Derrière la multitude de ses immenses voiles<br />
Un soleil jaune apparaissait de temps en temps.<br />
Le berger se couchait là-bas sur la colline,<br />
Et les premiers fantômes de la brume légère<br />
Taquinaient le verger et les tendres ramilles.<br />
Loin, la rouge cité se vautrait incendiaire.<br />
Nous deux, amants dans la rosée encore heureuse<br />
Dégustions calmement le bonheur d'un lever,<br />
Et comme ta main était douce et amoureuse<br />
Je l'ai tenue avec tendresse pour l'embrasser.<br />
Ha ! Le temps où l'amour enflammait nos regards !<br />
Ha ! Les yeux enivrés qui se parlaient au cœur !<br />
Que ce fut le matin ou le très jeune soir,<br />
Nous étions enlacés pour un autre bonheur !<br />
591
Dans la chair du Subtil<br />
Dans les vagues torpeurs de la tragique nuit<br />
Circulent des idées constellées de grandeur<br />
Qui vont sur le cristal éclatées en chaleur<br />
Avec des chants sublimes, des rouges ou des envies.<br />
À peine les fantasmes ont-ils ouvert les yeux<br />
Que les discours boiteux répudiant les femmes<br />
Imprègnent son doux front de perles et de larmes<br />
Et transforment l'horreur en chant mélodieux.<br />
La dérive et le corps, tout s'anime dans l'Un :<br />
Les mots lancés et durs embrassent le péril,<br />
Le cœur veut s'animer pour l'amour de son sein<br />
Puis il va divaguer dans la chair du Subtil.<br />
592
Elle avait la douceur<br />
Elle avait la douceur des femmes d'autrefois,<br />
Des belles Lavalois aux parures sonores ;<br />
Elle était la grâce et le maintien qui honorent<br />
La noblesse de robe ou encore le bourgeois.<br />
Ses blanches mains habillées par le diamant<br />
Conservaient toutefois la pure délicatesse ;<br />
Ses gestes nonchalants soulevés par le vent<br />
S'imprégnaient de soleil et de tendres caresses.<br />
Et lorsque sa démarche se déplaçait alerte<br />
L'on pouvait admirer sous cette robe blanche<br />
Ses jambes sans pareil, sublimes découvertes,<br />
Filant comme un soupir sur le dédain des hanches.<br />
593
Les vieux amants<br />
Après la noire tourmente et les feux de l'orage,<br />
La nuit tiède viendra adoucir nos deux cœurs.<br />
Après le souffle ténébreux du ciel, les fleurs<br />
Viendront s'épanouir dans l'espoir qui soulage.<br />
Après les déluges, les tempêtes, les marées,<br />
La mer calme et profonde bercera nos deux âmes.<br />
Sans un récif, sans un rocher, sans une larme<br />
Nos corps vieillis s'aimeront dans des draps brodés.<br />
Et nos bouches trembleront de joie et d'espoirs<br />
Et nos mains animées par la grandeur divine<br />
Caresseront un corps qui constamment fascine<br />
Les yeux, sublimes lueurs, des amants d'un soir.<br />
594
Sous la treille enivrée<br />
C'est le mois de septembre et sa saison finie,<br />
Son soleil nonchalant, paresseux à midi.<br />
La vigne forte encore de ses grappes tombantes,<br />
Embaume son été de senteurs enivrantes.<br />
C'est là que se reposent sous la treille parfumée<br />
Les pensées vagabondes et ô combien lointaines<br />
D'un esprit insouciant qui s'en va où l'entraînent<br />
Les images plaintives, sublimes ou rêvées ;<br />
Et parfois se déroule l'enchantement unique<br />
De curieux dessins car sous ses yeux mi-clos<br />
Des femmes merveilleuses à la superbe peau<br />
Ondulent de leurs corps en cadences rythmiques<br />
595
L'antisémite<br />
Petite, mesquine et laide, l'œil à la loupe, elle marche.<br />
" Tous ces êtres maudits se valent dans le feu<br />
À la pâleur éteinte des nobles Patriarches. "<br />
Le goût de son haleine est âpre et sirupeux.<br />
Des jointures osseuses lui servent de monture<br />
Et pour toute beauté la maigreur de ses jambes.<br />
Elle déploie la bêtise en sinistres blessures<br />
Et fait croire alentour que son âme s'enflamme !<br />
Quel détestable jeu ! Quelle obséquieuse amie !<br />
Son cœur est tatoué à la pierre de Dachau<br />
Et sa haine féconde se transforme en furie<br />
Quand cette bouche arrache ses pitoyables mots.<br />
Oh ! L’effroyable peste ! L'ignoble mascarade !<br />
Sur ses lèvres fiévreuses poussent des fruits gâtés.<br />
Elle supplie, elle dénonce les noires jérémiades<br />
Mais sous sa cape rouge est un couteau caché !<br />
596
Néron<br />
Je viole les enfants sur des couches exquises,<br />
Ô rouges floraisons, abominables cris.<br />
Je piétine leur Dieu, j'ai toujours la main mise<br />
Sur des monceaux d'argent, - je prends quand j'ai envie.<br />
Je vomis sur la Bible et sur les Écritures.<br />
Mon venin puant souille les cavernes étroites<br />
Des femmes suppliant dans leur sombre luxure,<br />
Cette main vicieuse est rugueuse et puis moite.<br />
Je détruis la Lumière, j'empale les Disciples<br />
Je pends les seins des femmes et les viscères des hommes<br />
Je suis le précurseur d'une race multiple<br />
Je serai le Premier dans la cité de Rome.<br />
597
Le radeau<br />
La vieille conque grince sur la mer déchaînée.<br />
Des espoirs vacillants voient des lueurs de Temple.<br />
Pour la voix forte et grave, pour les douleurs peinées<br />
La violence des râles se fait encore plus ample.<br />
Au-delà des montagnes de cadavres violets<br />
Le rempart de l'horreur engendre nos malheurs ;<br />
La houle tapageuse se fait et se défait<br />
Comme pour rappeler les chimères de la peur.<br />
Le néant effrayant envahit l'étendue.<br />
Le glas du désespoir est grincement cynique<br />
Pour les pauvres marins au gibet des pendus<br />
Sur le radeau de bois étroit et frénétique.<br />
La mort ! La mort !... Rien n'arrêtera le courant.<br />
Va-t’en, débris de bois sur l'écume des montagnes !<br />
Pour l'ultime cri du coeur, ô souffles des mourants,<br />
Au sommet de ce mât est l'espoir de Cocagne.<br />
Ce tas de chiens crevés anime le bateau.<br />
598
La souffrance et l'effort détruisent l'amitié.<br />
Goélands ! Goélands ! Notre chair est de trop.<br />
Approchez ! Approchez ! Venez nous dévorer.<br />
Et puis la mer, la mer derrière ce noir naufrage,<br />
La mer brutale et bête de notre capitaine !<br />
Cette horrible ennemie de l'inhumain carnage<br />
Qui gagne le combat de la sinistre haine.<br />
599
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME IV<br />
ANNÉES 80 - 83<br />
Collages 80<br />
Losanges 80<br />
Louanges du feu 80<br />
Les interdits 80<br />
Ombres bleues 81<br />
Poïétique 81<br />
Sueurs sacrées 83<br />
Éloge de L’orgasme 81<br />
La faucille sanglante 82<br />
Prières/Phrases/Exil 81<br />
600
Collages<br />
Cheval noir<br />
corps.<br />
Cheval noir, sang rouge. Frissons de femme, courez sur mon<br />
Œillets des cimetières, les tombes s'animent encombrées de<br />
lourds pétales plombés.<br />
Lutins espiègles ? Amuseurs du génie ? Mon âme froissée<br />
respire encore les doux sanglots posés sur sa bouche.<br />
anciennes.<br />
Comme du miel, larmes d'enfance. Blancheurs blêmes d'amours<br />
des blés.<br />
Fille stérile à la chevelure tiède. Étés courus dans la blondeur<br />
de ton vagin.<br />
Je roule et je tombe vers ton corps. Je meurs pour les chaleurs<br />
601
Abandons de femmes claires<br />
Abandons de femmes claires, murmures des sources, lait de ton<br />
sexe jaune, amours.<br />
Rêves, poèmes, fuite des mots et des regards. Nuits, crimes des<br />
yeux perdus et hagards.<br />
Lumières mornes de l'œil retourné, extase ! Le temps s'oublie<br />
dans la pénombre de la chambre.<br />
Lit tiède par le devoir accompli. Draps bleus tout imprégnés de<br />
sueurs. Ta jambe molle ébahie, ton sein lourd, mûr, lassé de caresses.<br />
Cris, geins, pleure encore. Griffe, bête ou crève. Fille sauvage,<br />
loque humaine, plus rien ne vit.<br />
602
Un souffle est à passer<br />
Un souffle est à passer, alors la toison rose<br />
Égaie d'un doux parfum le tourbillon morose<br />
Respiré ce matin. Déjà, je me sens ivre...<br />
Tu titubes et trébuches sur ce corps qui se forme,<br />
Qui va et s'abandonne à l'envie de revivre...<br />
La chair est sur la chair faite de métamorphoses !<br />
Et la femme, cet amas ! Ô les frais mouvements<br />
Imperceptibles presque d'une main jamais lasse !<br />
Ô soupirs confondus dans l'éveil des aurores !<br />
La bouche, le trou béant des sublimes extases !<br />
Râles, gémissements avec des cris obscurs !<br />
Baise la lèvre rouge comme un vin de saveur !<br />
J'oublierai par tes yeux noirs les ténèbres mêmes...<br />
Apaise mon chagrin affreusement déçu...<br />
Sorti est le poème par les frissons perçus !<br />
Je serai lourd d'ennui, de silence et de peines.<br />
603
Bercées dans des pâleurs<br />
Bercées dans des pâleurs tes mains se sont lassées,<br />
Ou enivrées dans l'or d'objets sonores, elles dansent<br />
Puis se meurent, abandons dans les échos lointains.<br />
Lentement sur la chair ténébreuse de honte<br />
La tienne roule encore sur la peau moite ou sèche<br />
Qui accompagne une bouche nourrie de ses baisers.<br />
L'amante longuement affaiblie de péchés<br />
Rêve sous ses douleurs de pensées nuptiales<br />
Endormies... puis se dresse en fauve de désirs<br />
Pour une chair jamais reposée et renaît !<br />
Extases des amours, vous forces inconnues,<br />
Existez dans le sein battant, hélas ! vaincu<br />
Qui se propose encore pour connaître une mort<br />
Plus précieuse, plus délicieuse que sa vie !<br />
604
Oui, aux portes des cieux<br />
Oui, aux portes des cieux baignés d'anges étranges<br />
Où se mêle l'abandon, se pense un rêve qui change.<br />
Dans le mouvement imperceptible des nuits,<br />
Cette angoisse morose est l'ennui de tes craintes,<br />
Et son effroi stérile, puissant et infini<br />
S'élève jusqu'à l'aurore imprégné de contraintes.<br />
Ô soupirs vainement soufflés par mon orgueil !<br />
Ô la lumière torve des derniers sacrements !<br />
La racine interdite jette la feuille qu'elle cueille,<br />
Absence de blanche sève distribuée au temps.<br />
Mais un délire encore m'arrache à mon sommeil.<br />
Je veux par l'alchimie l'impérieux effort,<br />
Et je renais d'or pur vers de faibles merveilles.<br />
Mon âme est consumée et sa raison s'endort !<br />
Et l'espace agrandi en rimes de rumeur<br />
Offre l'objet stupide, tintamarre sans éclat,<br />
Au maître de mes lieux sans pitié pour son cœur,<br />
Pourtant reconnaissant d'un quelconque débat !<br />
605
Si le soleil<br />
Si le soleil par vous subi<br />
A caressé votre pubis<br />
Je voudrais tant qu'il pût toucher<br />
Les doux méandres de votre corps.<br />
Sur les seins lentement il vient pour s'endormir.<br />
Il lèche nonchalamment les belles pointes dressées<br />
Pareil à un amant volant une caresse<br />
Pour le repos charnel d'extase mérité.<br />
Oui, que les femmes rondes veuillent se délasser<br />
Épousant l'âme encore d'un soleil estival.<br />
Ma mie, n'est-il pas vrai ? Le grain de l'hiver passe,<br />
L'astre pur est chaleur jusqu'au rayon dernier.<br />
L'amour entretenu par vos puissants délires<br />
Condamne le jeune homme aux plaisirs défendus.<br />
Je voudrais que la folie s'emparât du rire<br />
Afin qu'au jeu meilleur l'orgasme fût venu.<br />
606
Ma plus tendre cannelle dans ton parfum suave<br />
Si ton orteil bronzé mollement par le vent<br />
Sous la poignée de sable s'amuse gentiment,<br />
C'est le jeu effronté d'un amant de passage.<br />
607
Adieu, bellement désolée !<br />
Adieu, bellement désolée ! Je veux fuir ce sein endormi,<br />
embaumé d'or et de pétales de roses.<br />
La chevelure flotte, rouleaux de vagues sur la mer où des<br />
baisers lèchent la surface de ta peau.<br />
Femme, toi, mon île, tout imprégnée de molles odeurs, et de<br />
piments aigres sous tes aisselles.<br />
Désert sans cris, stérile ardeur prête à recevoir. Dans<br />
l'indifférence du soir, abandon de chair pour mes caresses et mes élans<br />
faciles.<br />
Aimerai-je encore ? Je tends la main lascive vers les caches et<br />
vers les rondeurs, indolemment, sans peine d'offense, sans faveur pour<br />
découvrir ton corps.<br />
608
Mon âme entière<br />
Mon âme entière choisit cette Pléiade s'écrie<br />
Le poète exalté. Ombres vaines, cessez<br />
Le martyre du génie ! Que d'amours prodiguées<br />
Il sache si bien plaire ! Sa souffrance est secrète !<br />
Don cruel ! Don cruel ! Souffle divin en moi,<br />
Je tombe et m'abandonne à cette Mort vicieuse<br />
Qui mesure et raisonne les sentiments profonds<br />
Et humains quelque fois.<br />
Elle calcule, elle se vante<br />
Elle attaque et détruit les nobles dispositions<br />
En versant ses brimades. Elle est ordre et justice,<br />
Et consternation !<br />
Je m'enivre de sèves<br />
Qui sont bues sur les Arbres, et leur ombrage heureux<br />
Est un puissant délire. Les notes de ma lyre<br />
Bercent les vents d'automne au plus loin, dans le calme.<br />
609
Pourtant je m'interdis les mornes explications.<br />
Je préfère me cacher dans les noires bruyères.<br />
Ma race suprême se perd dans son étonnement.<br />
Je crèverai tout seul, nourri de ma misère.<br />
Ho ! Belle impertinence ! m'écriai-je à la Mort,<br />
Que ne peux-tu goûter à tous ces nobles fruits !<br />
L'aigreur n'est point donnée à cette blanche page.<br />
Enivre-toi de la grenade, mais incomprise<br />
Toujours te sera sa structure !<br />
Je choisirai<br />
Savant, mes rayons purs et mon esprit sera<br />
La tombe où le soleil viendra s'y recueillir.<br />
Ma solitude aimée, paix des intelligences,<br />
Ma folie commettra des péchés infinis<br />
Par rêves d'insouciances.<br />
610
De Mézan à Auteuil<br />
De Mézan à Auteuil en passant par Compiègne<br />
Je bois le vin nouveau mon verre a éclaté<br />
Je ne chanterai plus Que les femmes sont belles<br />
Mon regard est voilé mon sexe est fatigué.<br />
Pourtant dis-nous dis-nous vainqueur des eaux usées<br />
As-tu aimé le vin du Rhône et des Rhénanes<br />
Maintenant que ta panse l'a joliment pissé.<br />
Mes amis mes frères mes conquêtes mes idylles<br />
Je ne bois plus de vin. J'ai mal à la prostate<br />
Si la douleur est mère de la vie monastique<br />
Mon sexe est rabougri et ma fin est tragique.<br />
Avec Septembre et Pampres à la rime malheureuse<br />
Je ne suis plus de ceux qui aiment à s'amuser<br />
Venez plus près de moi O mes belles pleureuses<br />
Apollinaire s'ennuie son coeur est épuisé.<br />
611
Oui, j'aime tous les vins<br />
Oui, j'aime tous les vins vaillants comme la femme.<br />
Mon verre tremble soucieux des plaisirs éphémères.<br />
Mon ivresse, tu glisses amoureuse des âmes !<br />
Saoule mais sans orgasme, tu sais si bien me plaire !<br />
Séduit à la lumière noyée de mon esprit,<br />
Je danse comme un ange regorgeant de supplices.<br />
Je m'abandonne libre, ou martyre en sursis,<br />
Je m'endors ivre mort ensanglanté de vices !<br />
Et la saveur du vin coule dans mes entrailles !<br />
Je bois à la fortune grisé de vin nouveau.<br />
Je ne suis qu'un pantin sans vaillance ni travail.<br />
Ô Seigneur, suis-je bête ? Reconnais-tu ces mots ?<br />
Mes paroles s'épuisent vers cinq heures du matin.<br />
Dans cette fange orale de mon génie minable<br />
J'ai honte, alors je me couche complètement plein.<br />
Seigneur, pardonne-moi tous ces écrits passables.<br />
612
Ces fantômes voltigent<br />
Ces fantômes voltigent tout autour de mon âme.<br />
Ils enveloppent mon corps de leurs blancheurs de rêves,<br />
Senteurs évaporées, roses vierges d'amour.<br />
Mon oubli transparent ignore leurs caprices.<br />
Le givre des glaciers hélas m'aura saisi !<br />
Pucelage oublié sur des cuisses légères.<br />
Je rêvais des voilures des femmes qui ont fui !<br />
Limpide et ciel d'azur dans l'extase si claire...<br />
Ô l'écume folâtre vers les haleines tendres !<br />
La source belle où coulèrent les douceurs de sperme.<br />
Et tes larmes et ta bouche imprégnées par le sel !<br />
Premiers reflets d'argent sur une terre stérile.<br />
Ô le miroir du cygne, les ailes de l'épousée !<br />
Colombe entre mes doigts éclatants puis épris.<br />
Nuages, bergère où je me suis évanoui.<br />
Les nymphes égarées dans les tourbillons d'orgasmes.<br />
613
Les seins nus, les voilures, légères et puis vêtues,<br />
Mes rieuses aux dents blanches à la lèvre si rouge !<br />
Infiniment courez vers la mer aux déluges !<br />
Je danserai pourtant dans la pâleur des lys<br />
Au noir des oriflammes, ou neige vers les cimes<br />
Plutôt, je dormirai.<br />
614
Le bel hiver<br />
Le bel hiver éblouissant de givre avorte tristement comme une<br />
âme stérile les péchés pardonnables de l'enfance défunte.<br />
Le sceau enchanteur du maître divin, martyrisera-t-il sans haine<br />
farouche l'avorton aux membres rabougris qui, dans le ventre bombé, attend<br />
qu'on le touche d'un doigt mystérieux ou d'un sourire serein ?<br />
Sa face teigneuse mérite qu'on l'observe, parents prématurés<br />
d'un génie en délire. Recroquevillé dans son néant, il tétera avide le sein<br />
palpitant.<br />
Je tenterai la bouffée d'air pur. Je m'évacuerai de tes entrailles<br />
pendantes, et mes déchets iront pourrir sur tes fanges putrides, femme<br />
écœurante.<br />
615
Des vagins de reines<br />
Des vagins de reines, des lieux de jouissance martyrisés par le<br />
pouvoir des hommes.<br />
Les générations des poètes crachent le feu. L'exil au plus près<br />
de la femme. C'est bien une sorcière bourrée de recettes alchimiques des<br />
grands inspirés.<br />
Des alcools hors de toute raison. Les vins coulent sur des draps<br />
de soie multicolores. Par-delà les cordes rouges et les baldaquins<br />
élégants, les couches superbes ont éveillé l'ébat des amours.<br />
De larges baies ouvertes absorbent les rayons d'or, les ruisseaux<br />
du Sceau Divin et les pluies de bonheur chaudes.<br />
Les images par l'arc-en-ciel transpirent des gouttes d'orgasme,<br />
des silhouettes d'ombres, des effets très curieux.<br />
C'est le lever. Aux champs face au château, des pauvres<br />
s'activent et sèment pour nos sports favoris.<br />
Les bois roulent des bouquets vers là-bas au-dessus des vallons,<br />
616
oux bosquets dans le lointain.<br />
L'automne a éclairé. C'est la démarche des natures fatiguées<br />
puis finissant comme nos yeux pleurent, visitent alentours très loin,<br />
quelque domaine sinon cet espace.<br />
Courses affolées paisiblement lâches de la terrasse, nous<br />
accoudés un pied contre le cœur.<br />
Grande fille de bijoux caressant la peau de chair rose dans les<br />
douces matinées uniquement. C'est le fier repos des nudités lavées des<br />
soucis et des mornes peines alors que l'astre flamboyant étire doucement<br />
sa bosse rouge de sueurs matinales.<br />
617
Un désir de changer<br />
Un désir de changer d'existence secoua mon âme tout à coup.<br />
"Mon cœur, mon cher cœur défunt ne rêves-tu point d’oubli et<br />
de paresse ? Ne veux-tu pas noyer le chagrin qui t'obsède et t'éloigner,<br />
partir, fuir ? Regagner d'autres terres où ton corps travaillé par la<br />
vermine trouvera refuge ? Il te faut la langueur, la mollesse des îles<br />
enivrantes parfumées de musc et de rêves des tropiques.<br />
Oui, je crois voir une forêt de mâts baignée par la pureté bleue<br />
de l'Azur. Et j'entends déjà les chants lugubres des esclaves nègres, ivres<br />
de liberté, réconfortés par quelques bouteilles de rhum !<br />
Comme tout ceci est beau et prenant mon cœur ! La houle berce<br />
mélodieusement ton corps et chasse l'ennui !"<br />
Peut-être que le rêve et l'oubli m'éloignent de la triste réalité où<br />
mon âme s'était mise.<br />
618
Un jour, je fus assis<br />
Un jour, je fus assis à l'ombre de son Ombre et c'était le chêne.<br />
On me chassa avec des cordes serrées autour du cou. Je m'endormis dans<br />
les herbes et la bruyère. On me livra aux sorcières et aux démons. Je<br />
criais avec tout mon corps. On m'invita aux fêtes de la boisson, et mes<br />
pas me précipitèrent dans la honte de l'amour.<br />
Je me suis défait du nombre, enfant agile parmi les grands. Je<br />
me suis évanoui à quatre heures sonnantes. Quel carnage dans la frêle<br />
tête à idées ! Peut-être ne suis-je qu'un sot ? Tout cela n'est que du rêve ?<br />
Fort de l'inexpérience, je me bats contre des Morts et je roule<br />
mes nuits perverses dans l'enivrement de la femme. L'odeur n'éloigne<br />
pas la haine. Ô tête incestueuse, écœurement divin, femme sans lait,<br />
enfance sans chair, c'est à vous que je m'adresse !<br />
619
Comme je pense<br />
Comme je pense, je pense et cette faculté intelligente multiplie<br />
les opérations savantes de l'esprit, contacte toutes les ramifications<br />
subtiles de l'âme avec tout l'art actif de la jeunesse excitée.<br />
C'est un Dieu doué d'une force vive et expéditive qui se nourrit,<br />
avale, ingurgite et recrache toutes les informations qu'on lui présente. Il<br />
est capable de concevoir, de croire, d'exploiter toutes les finesses du<br />
genre humain sans même les réfléchir distinctement.<br />
La chance ou ses hasards précipités fondent sur le marbre de<br />
l'Absolue Vérité comme la loi de Justice est éternellement.<br />
620
À l'instant de ma puissance<br />
À l'instant de ma puissance, longuement, éternellement seul, je<br />
m'observe. Je vois comme un peuple de moi-même m'entourer, me<br />
ceindre de part en part, prenant possession de ce corps qui ne<br />
m'appartient plus, qui m'échappe comme une masse jetée dans les airs.<br />
À l'instant, je le sens qui me regarde. Le peuple s'exerce à vivre<br />
en ce Moi-même acteur et spectateur à la fois.<br />
621
Je n'avais pas vingt ans<br />
Je n'avais pas vingt ans lorsque je perdis connaissance de la vie.<br />
Je m'éloignais du monde réel pour entrer dans celui composé vaguement<br />
de fresques fantastiques et nébuleuses. Aucun personnage n'existait.<br />
Tous faits d'ombres et de vapeurs m'entouraient, enroulaient mon corps<br />
de souffles blancs.<br />
J'allais d'évanouissements en évanouissements. Mes pertes de<br />
conscience me forçaient à garder le lit. Je glissais dans des sommeils<br />
profonds de plusieurs nuits. Vers les quatre heures du matin, je me<br />
réveillai. Ma gorge était en feu. J'avalais deux litres d'eau. Mes brûlures<br />
apaisées, je regagnais ma chambre titubant, ivre de fatigue, et je me<br />
couchais agonisant comme après une nuit de débauche.<br />
Le corps n'existait plus. Seule l'âme encore agile, quoique<br />
pleine de mensonges me donnait l'impression qu'une infime partie de<br />
moi-même vivait toujours. Je découvrais le monde de l'insolite, et dans<br />
mes rêves éveillés, l'étrange se mêlait à l'impossible et au merveilleux.<br />
Les images se mouvaient dans mon âme jusqu'à m'obéir<br />
irrésistiblement. Je devins le maître de mes fantasmagories. Je créais le<br />
Néant. J'inventais Dieu. Je le vis face à moi en source de bonheur, en<br />
petite force jaune tourbillonnante sur soi-même. Je me crus<br />
622
exceptionnel. J'ordonnais à la Mort de se déplacer. Elle m'obéissait. Je<br />
vécus pendant des mois avec des fantômes à ma dévotion, admirateurs<br />
de mon âme.<br />
Je me fis pervers et lubrique. Je réinventais tous les vices de<br />
l'amour. C'est ainsi que j'ai battu des femmes jusqu'au sang, les<br />
humiliant et obtenant de leurs corps toutes les substances vitales à mon<br />
génie.<br />
623
Je devins fantastiquement pervers<br />
Je devins fantastiquement pervers. J'embrassais toutes les<br />
ombres et je me roulais dans leurs vapeurs jusqu'aux premiers signes de<br />
l'aurore.<br />
Je transformais ma chambre en théâtre du rire. Tous vinrent et<br />
apprécièrent les exclamations du pitre. On me dit intéressant, mais on<br />
me traita d'idiot. Je me pensais sérieux.<br />
Je conservais dans les profondeurs de mon inconscient toute ma<br />
jeunesse vécue. Je croyais avoir affaire à des initiés. C'étaient des<br />
imbéciles incapables de saisir le moindre effet.<br />
Je me retranchais en moi-même. Les nuits vivantes<br />
s'écourtaient grâce à mon savoir. Je vieillissais sans la conscience du<br />
temps, trop accaparé par mes discours.<br />
Mes énigmes attristaient. Je me fis hiéroglyphes<br />
indéchiffrables. Je garderai le secret. On me passa le feu. Je l'alimente de<br />
phosphore. C'est mon don. Je bouscule les heures, les temps et les<br />
saisons. Je suis un mystificateur. Ma faute fut de déchirer un chefd'œuvre.<br />
On me taxa d'amateurisme. La preuve : je ne gagne rien. Qu'aije<br />
à faire de ces confessions ? Un feu immense d'où jaillira un autre<br />
624
souffle.<br />
Ha ! La malsaine confusion nous induit dans les bouffonneries<br />
les plus saugrenues ! Ha ! Les tares de la jeunesse. Mais ces élans de<br />
joie, ces grands sentiments, comme tout cela est beau !<br />
Je divague. L'ancêtre est en moi. Je suis immortel. La sagesse<br />
me rappelle au bon sens, au calme. Je dois vivre trois minutes en une. Je<br />
veux cracher sur les prodiges. Ha ! Maturité, intelligence, savoir !<br />
Mais pense-le, imbécile, et tais-toi ! Ces points d'exclamation<br />
sont la preuve évidente d'une âme révoltée, en pleine ébullition. Compte,<br />
tache d'accentuer, retiens-toi. Fais l'amour à ta page blanche. Qu'elle<br />
jouisse lentement, ta salope ! Qu'elle soupire et qu'elle hurle de désirs.<br />
Puis laisse-la reposer dans ses extases molles !<br />
625
J'inventerai la danse des sens<br />
J'inventerai la danse des sens. Je tomberai à la renverse dans les<br />
icônes et les tapisseries moyenâgeuses, puis je tisserai, araignée blanche<br />
la toile transparente de mes pièges fantastiques.<br />
À droite, les reines gesticulant barbouillées de sperme, de<br />
liquide épais et coagulant. Plus elles se débattent, plus elles se fatiguent.<br />
Elles sont mes proies faciles.<br />
J'attendrai leur agonie et sortirai de mon trou pour les piquer de<br />
mon venin mortel. Je me délecterai de leur corps, je détrousserai leurs<br />
jupons et les sodomiserai de force. Quelles jouissances à recevoir !<br />
Au centre, les râles désespérants des fantômes. Des litanies<br />
profondes sortent de ces cages d'hommes. Ô les chœurs émouvants des<br />
esclaves enchaînés ! Quels grands sentiments se dégagent de ces files<br />
d'hommes à moitié nus ! J'entends le bruit sourd de leurs chaînes monter<br />
vers moi.<br />
Dans le coin gauche, le spectre de moi-même. Je me suis<br />
dédoublé. Mon rire satanique explose en gloussements sordides, avec<br />
des rictus malins. Je montre ma satisfaction comme un singe gesticulant<br />
ou accroché aux grilles de sa cage.<br />
626
D'un coup, - peut-être ai-je brisé de mes gestes violents la fine<br />
membrane de mon fantasme -, le rêve disparaît. Je retourne à la chambre<br />
médiocre. La vérité m'éclaire. Ils sont là, quinze fantômes invisibles,<br />
détruisant mon âme, favorisant mon supplice avec leurs jeux stupides. Et<br />
ceux-là existent, hélas !<br />
627
J'étouffais<br />
J'étouffais ; des hoquets verbeux sortaient dans la confusion de<br />
ma bouche ovale. Je bouclais mes poèmes en enchaînant les mots les uns<br />
aux autres, en les soudant, en les encastrant dans un désordre stupide.<br />
Je me voulais caporal, je n'étais qu'un petit soldat ignorant les<br />
règles et la discipline.<br />
Le mélange éclaboussait les feuillets. Des vomissements<br />
stériles, des nullités, des débris de textes s'accumulaient.<br />
Je manque d'expérience. Ma jeunesse est un fléau. J'ai couvert<br />
mes lettres de lèpre, de taches indélébiles. L'ignorance est expulsée par<br />
mes entrailles.<br />
Je veux boire le vin dans la coupe sertie de pierres précieuses,<br />
je veux déguster les mets délicieux dans la vaisselle d'or avec des<br />
fourchettes d'argent.<br />
Le contrat sonne creux dans mon ventre bourré d'injustice. J'ai<br />
donné des fortunes et je paie encore. Je jette toujours mes poèmes à la<br />
face de l'éditeur commerçant.<br />
628
À bannir cet échange mercantile ! Ai-je offert de faux diamants,<br />
des perles truquées ? Suis-je un faussaire, un artisan en chambre, un<br />
mystificateur ?<br />
Poésies, quels effets à attendre ?<br />
Réfléchissons : ou tu portes des lauriers invisibles, ou tu es<br />
vaincu, et déjà tu es gisant !<br />
629
Tu en es encore à résister<br />
Tu en es encore à résister à la tentation charnelle, à la femme<br />
nue offrant une croupe bourrée de poils et d'excréments. Ha ! Tu te<br />
satisfais de masturbations enfantines, et tu pleures, tu gémis amoureux<br />
de la chair et interdit de l'acte d'amour.<br />
Apprécie ces créatures ! Allonge-toi sur leurs corps de rêve !<br />
Endors-toi alangui et épuisé après un assaut de fantasmes !<br />
L'heure de la nudité et des vertiges accomplis sonne à la grande<br />
horloge des orgasmes. Plie-toi, cambre-toi, hurle ! Que tes gémissements<br />
gonflent d'amour tes draps remplis de sueurs ! Que la marque indélébile<br />
de trois gouttes de sperme sacre d'un sceau sexuel la feuille froissée du<br />
drap refroidi...<br />
Ha ! Le breuvage exquis du champagne mousseux ! Ô nuits de<br />
fête pour des bonheurs oubliés ! Repose-toi après les amours blanches, ô<br />
mon coeur lassé !<br />
Mais tu es seule mon âme. Épouse l'esprit solitaire qui se meurt<br />
d'impatience. Sors de ta coquille protectrice, et féconde le sexe faible de<br />
celle à enfanter.<br />
630
J'engouffre des scènes lubriques<br />
J'engouffre des scènes lubriques, des fantasmes pervers, des<br />
déchets harmonieux. Ma fortune se nourrit d'étrange et d'insolite, de<br />
spectacles raffinés et d'insanités de mauvais anges.<br />
J'offrirai mes créations crétines à tous les enfants peu doués, à<br />
toutes les femmes souffrant d'absence, aux nains vagabonds, aux<br />
impuissants, à tout ce qui est en manque, à tout ce qui respire et vit<br />
chétivement.<br />
Avec mon audace, je pousserai le rêve. J'en sortirai la vérité. Je<br />
tourmenterai mes délires. Des reines de papier, des vierges couvertes de<br />
roses rouges apparaîtront et disparaîtront dans des brillants de lumière.<br />
J'inventerai de nouvelles demeures dans les sangs, dans les<br />
cœurs d'autrui. Je ferai exploser les larmes des femmes pour le chagrin<br />
de ma tristesse. Et quand je serai lassé de les entendre mourir, je<br />
changerai de monde et j'irai m'endormir dans ma nuit.<br />
631
La belle agite<br />
La belle agite ses roses bleues, - fruits des pastorales dans l'air<br />
salin. Encore des mots divaguant en mémoire.<br />
Je plonge sous les sataniques virgules, un non-sens, rapport<br />
d'ensemble. À séparer lisiblement. Impossible à comprendre.<br />
Ô vapeurs douces comme je vous parle ! Réponses agressives<br />
de l'au-delà burlesque.<br />
À mes marques. Je frôle, haleine chaude, les robes claires, -<br />
pucelles respirées, jambes blanches. Les ébats des corps dans les bois<br />
tendres. Bouches, langues fines sans paroles. Taisons les odeurs cachées<br />
dans les sexes.<br />
Je me vois perdu sous le miroir des âmes. Images, cognez au<br />
carreau ! Je transpose mes cloches avec mes délires. Un Jean ? Non - des<br />
gens - des invisibles. Et mes poètes connus ? Tous des génies !<br />
Ma faiblesse d'apercevoir... Si ridicule ! Flotte ou nage, tas de<br />
nerfs ambulants, excitation démoniaque.<br />
Élégante ta démarche. Quelle efficacité ? Roulis de corps dans<br />
632
la bourgeoisie modeste. Ça ne veut rien dire... Il me l'a dit.<br />
Sorties insoupçonnées, le tunnel des anges. Retours à<br />
d'anciennes époques. Je renais. Ouf ! Le stupide est à décrire. C'est du<br />
Jésus et de la Marie, hélas ! Pas de neuf.<br />
Lettre aux imbéciles. Et alors ? Rien. Nébuleuses rarissimes,<br />
géniales perversions. Mes glaciales pensées, comme je vous aime. Mais<br />
si ...<br />
Encore le silence. La lente agonie ? Atteindrai-je mon Dieu,<br />
mes desseins ? Toujours ce corps qui se sépare. Vers le coït à deux.<br />
633
Fini, la princesse<br />
Fini, la princesse aux clairs cheveux flottant comme sur un<br />
mirage. Elle s'est évanouie, vieil ensemble de croyance, d'inexistence,<br />
d'impossibilités. Le monde range ses spectres dans ces cieux rouges. Elle<br />
a disparu la règle invisible.<br />
Tous au Sabbat, à la messe noire et travaillons la nuit ! Que soit<br />
fécond le Satan vierge et purifié - c'est moi ! Les ailes des anges<br />
ensemencent son génie - c'est l'autre ! Tous à la passion destructrice.<br />
Je nage dans les brouillards et les écumes. Apercevrai-je le<br />
nouveau monde ? Je réinvente. Je ressuscite l'inspiration. La jeunesse<br />
ensanglante la Muse. Elle obéit la catin. Fini la prostitution de l'art.<br />
J'imposerai l'anarchie. Liberté !<br />
634
Sois câline, toute câline<br />
Sois câline, toute câline, toute douce et monotone comme la<br />
brise qui frissonne et caresse mon cou !<br />
Viens te coucher dans ce grand lit, et berce-moi de sommeils<br />
confus. Ma Muse, ma grâce et ma madone, offre-moi les poèmes qui<br />
endorment !<br />
Je veux mourir, tout mourir dans les rêves confondus. Enlacé, je<br />
me sens t'appartenir pour les plus beaux plaisirs repus.<br />
Dans le calme frais des baisers légers, j'embrasse ta lèvre qui se<br />
donne parfumée de ton haleine soufflée, ô mon amante, ô ma très tendre<br />
aimée !<br />
635
Perdus, perdus<br />
Perdus, perdus dans les vapeurs bleues, je sais que des oiseaux<br />
s'enivrent. Le piteux battement de leurs ailes en feu rougit l'horizon qui<br />
déjà se délivre.<br />
Brouillards, jetez sur mon corps vos blanches écumes tandis<br />
qu'en soupirs ma bouche résume les souffrances inutiles d'une nuit qui<br />
s'enfuit.<br />
L'automne a glacé mes poèmes de rêves. Mes enfances<br />
ténébreuses au soleil ont jauni. J'attends désespéré le spectre de la trêve<br />
qui calmera ma douleur de maudit.<br />
Je m'enferme dans des folies risibles, possédé par la Muse de la<br />
Mort, jouisseuse et perverse de mes prestations les plus crédibles ...<br />
636
Je sens la mort<br />
Je sens la mort mystérieuse m'arracher de mornes regrets tandis<br />
que la bouche rieuse expulse ses airs à regrets !<br />
Que l'infime souffle de ta lyre vibre de ses tendres émotions !<br />
Ou que tempêtes et délires déchaînent de violentes passions !<br />
Mais les faiblesses de mon âme me condamnent à noyer ma<br />
paresse dans tes yeux !<br />
Ta chair infâme me tire des larmes et des sanglots grinçants<br />
sous d'horribles caresses plus vengeurs que le néant des flots !<br />
637
Tes mains brûlantes d'amour<br />
Tes mains brûlantes d'amour, bercées par une palme, rien ne<br />
vaut le souffle calme du désir qui court.<br />
Et réchauffe nos âmes d'un rayon de soleil vermeil, et lèche le<br />
ventre jauni de la femme ou pince gentiment son orteil.<br />
Allongés nos deux corps sur le sable, gagnons des rivages<br />
meilleurs, à bouches confondues, adorable sœur !<br />
J'apaise ma soif sur la langue rosée qui reçoit et lèche le baiser.<br />
Oh ! Tes lèvres rouges de confusion désirables ! ...<br />
638
Les poètes<br />
Nous sommes les pauvres, les pauvres aux yeux tournés vers le<br />
Néant. Notre noir obscur nous condamne au rêve, pauvres aveugles qui<br />
avançons à tâtons !<br />
Devant nous, des femmes se donnent, des statues parlent, des<br />
bras invisibles nous touchent, des spectres dansent, des vierges saignent.<br />
Nous sommes les pauvres chiens galeux et impuissants, des<br />
bêtes et des crétins nourris de fantasmes.<br />
639
J'avance dans des visions<br />
J'avance dans des visions indescriptibles. C'est bien l'Enfer que<br />
je vis ! Torrents de boues rouges, morts, cadavres putrides,<br />
sanguinolents. Feux crachés par les bouches des infernales putains ;<br />
diarrhées éternelles des homosexuels ; cuisses écartées, des centaines de<br />
salopes pissent leurs règles dans des gueules de monstres assoiffés.<br />
Tous les vices, toutes les luxures s'offrent à mes regards<br />
horrifiés : des pères fendent les sexes de leurs enfants, et munis de<br />
crochets arrachent les entrailles de leurs progénitures. Ils enfoncent leurs<br />
têtes dans les ventres dégoulinants de pus et de matières fécales. Des<br />
fosses contenant toute la merde humaine se dégagent des odeurs<br />
insoutenables.<br />
Plus loin, c'est un lac de vomissures où des millions de<br />
mouches sont agglutinés sur les rendus d'une population de scatophages.<br />
Il y a une mer qui déverse sur ses plages des membres de femmes<br />
coupés, des bras et des jambes d'hommes séparés. La vague se retire, et<br />
sur le sable ces têtes supplient et appellent dans ma direction. Les mains<br />
s'accrochent aux rochers, les jambes tentent dans un suprême effort<br />
d'avancer vers moi !<br />
640
Il y a un monde inversé<br />
Il y a un monde inversé où la Femme domine l'Homme. J'étais<br />
l'esclave d'une divinité exquise. Pourquoi exquise ? Car ses petits pieds<br />
charmants étaient peints en rouge, et c'était un délice de voir gigoter les<br />
pointes délicatement sanguines, et admirablement coloriées.<br />
Une nuit elle me força mains attachées dans le dos, nu et<br />
agenouillé sur le marbre de son palais à me pencher avec lenteur. Elle<br />
m'obligea à lécher ses orteils. Je dus tendre ma langue hors de ma<br />
bouche et passer celle-ci entre les extrémités de ses pieds. Je fus tout<br />
d'abord horrifié par une telle soumission. Mais j'étais son esclave et<br />
risquais une peine exceptionnelle si je n'obéissais pas à son ordre. Je<br />
m'inclinais, je me courbais doucement et commençais à sucer le pouce<br />
puis les autres doigts un à un. Pour m'humilier davantage, la reine avait<br />
refusé à ses dames de Cour de lui faire prendre un bain. Toutes les<br />
sécrétions de la journée, toutes les odeurs fortes émanaient de son corps.<br />
C'était avec dégoût que je m'activais à cette tâche.<br />
Tandis que j'avais les mains liées dans le dos, que j'étais donc<br />
assis dans une position inconfortable, la reine souleva sa jambe, et<br />
poussa avec violence le haut de mon buste. Je me déséquilibrai et tombai<br />
sur le côté. Je reçus la chute sur l'épaule gauche. Elle se mit à rire à<br />
profusion, et appela ses demoiselles qui piaffèrent et ricanèrent à me<br />
641
voir dans une si médiocre posture. Je rougis de honte. Ma gêne fut<br />
tendue à son extrême quand cet ensemble de femmes s'aperçut que je<br />
tenais une puissante érection. Elles se placèrent autour de moi,<br />
dansèrent, et l'une d'elles moins farouche passa sa paume d'un geste<br />
rapide et discret sur mon sexe et sur mes testicules. J'étais fortement<br />
membré, et mon pénis fougueux acharné se dressait vers le nombril.<br />
La reine frappa dans ses mains trois fois. Les demoiselles<br />
d'honneur se turent. Le silence revint dans la salle, et semblait encore<br />
plus gênant que les simagrées de tout à l'heure. Les jeunes filles<br />
disparurent. Arrivèrent deux noirs énormes, d'une ossature gigantesque<br />
qui formaient la dernière garde du royaume. L'un me prenant aux jambes<br />
et l'autre aux bras, ils me portèrent et m'installèrent sur une couche<br />
splendide, bordée de lingeries rares et habillée de pierreries étincelantes.<br />
Après avoir accompli l'ordre, ils s'éclipsèrent. Je restais seul avec la<br />
reine. Sans se soucier de ma présence, elle fit glisser ses habits le long<br />
de son corps et se trouva nue face à moi.<br />
Mon érection était tombée. J'étais béat et admiratif devant sa<br />
beauté. Ses longues jambes minces et fines se poursuivaient jusqu'à ses<br />
hanches superbes. Son sexe épilé par endroits, sa toison<br />
merveilleusement noire, d'un noir profond tirant sur le bleu à la lueur des<br />
chandeliers s'offrait à mon regard. Je crus divaguer. Je n'existais plus. Il<br />
me semblait que mon âme était dominée par le rêve. Pourtant mes liens<br />
642
étaient si fortement serrés que les poignets presque sanglants me<br />
rappelaient à la réalité.<br />
Elle s'avança avec lenteur vers moi, posa un genou sur le lit,<br />
puis l'autre. Elle souriait comme la femme proche d'être conquise.<br />
Elle prononça ces mots : "Je te rendrai ce raffinement que je t'ai<br />
imposé." Et avec délicatesse elle suça l'extrémité de mes pieds. Agir lui<br />
était plus facile : ses mouvements libres favorisaient son action.<br />
Sa langue était experte et presque sublime tant elle roulait sa<br />
pointe aiguisée avec patience entre les espaces de mes ongles. Après<br />
avoir passé dix bonnes minutes à cette tâche subtile, observant à<br />
nouveau une terrible érection, elle vint s'asseoir sur mon sexe, et<br />
engloutit d'un coup mon vit tendu à en mourir. Jamais en corps de<br />
femme je n'avais ressenti si merveilleux délices. Elle balançait son corps<br />
de droite à gauche, et sa poitrine gonflée et lourde suivait le mouvement<br />
de sa croupe. Quand elle remarquait les crispations du visage, les rictus<br />
des lèvres, elle cessa le jeu pour le reprendre quelques instants plus tard.<br />
Elle s'approcha de ma bouche et dit en me regardant avec la complicité<br />
de deux amants.<br />
"Tes mains sont liées mais personne ne t'interdit d'enfoncer<br />
deux doigts dans l'anus. Le plaisir en sera plus savoureux."<br />
643
Toute la sueur qui ruisselait le long de mes fesses me servit de<br />
sécrétions. Je puis ainsi obéir à ses ordres sans souffrir d'une vive<br />
douleur.<br />
Son haleine était chargée de parfums étranges de musc rare, et<br />
j'aurais désiré que sa bouche se collât contre la mienne.<br />
Je pinçais mes lèvres et n'y tenant plus je suppliais : "Reine,<br />
reine, cesse de me faire souffrir et donne-moi la délivrance. Laisse-moi<br />
mourir en toi !" Au même instant le sperme en rasades épaisses coula<br />
dans son vagin. Je poussais tous les membres de mon corps afin de la<br />
pénétrer davantage. Après que j'eusse joui huit fois, ma tête roula sur<br />
l'oreiller, sur le coussin d'or. Je crus m'évanouir quand j'entendis sa voix<br />
terrible, son organe puissant de maîtresse m'ordonner : "Retourne d'où tu<br />
viens, et que je ne te revois plus jamais."<br />
L'ordre était si intense, en telle contradiction avec ses propos de<br />
femme de l'instant passé que je n'obéis point pensant à un mensonge, à<br />
une erreur. Je passais du rêve à la cruelle réalité.<br />
Elle frappa pour la seconde fois entre ses mains, et deux noirs<br />
formidables tombèrent sur mon corps et me transportèrent de force dans<br />
la cellule sordide où je croupis à présent.<br />
644
Couchée, évasive et nue<br />
Couchée, évasive et nue, je la voyais sourire d'aise. "Ne veux-tu<br />
pas mon cœur perdu venir mourir une autre fois dans mes bras si grands<br />
qu'ils y renfermeraient l'univers ? Tu t'éloignes de mon étreinte. As-tu<br />
donc peur de ces anges méchants qui rôdent autour de mon âme, et que<br />
passionnée toi aussi tu peux entendre ?<br />
Laisse-les mourir de souffrance, d'envie et de plaisir aussi ! La<br />
pauvre mort n'est plus rien. Qu'elle croupisse ou voltige autour de nos<br />
corps, nous n'en avons que faire !<br />
Vivons pour nous deux seulement, pour la lueur sacrée de tes<br />
prunelles éclatantes ! Je trouverai dans ces yeux-là l'oubli et l'ivresse de<br />
l'amour fatigué. Je boirai à la source de tes larmes, et peut-être<br />
dégusterai-je l’élixir aphrodisiaque qui réveillera mon ardeur de poète<br />
enfant ?"<br />
Mais la terriblement belle soupire, baille et s'étire pour<br />
s'endormir vers des pays autres.<br />
645
Par la fenêtre échappée<br />
Par la fenêtre échappée, se résignent à mourir ou à disparaître -<br />
que sais-je ? - Les dernières saveurs des masses bleues.<br />
Les fluides vaporeux s'éloignent nonchalamment puis s'activent<br />
à sortir comme aspirés par le dehors.<br />
Tous les maux de l'âme d'ivresse fatiguée cherchent à fuir par le<br />
saint breuvage bu, ou par le rêve indolent des anges perçus.<br />
Que faire ? Oui, écrire de lassitude. Quand sonnent les trois<br />
heures la souffrance arrive à grands pas comme possédée et horrible !<br />
Je m'évanouis dans mes joies anciennes. Jadis, ne rêvassais-je<br />
pas lourd de mes somnolences de poète . (Petit damné, tu dis des bêtises<br />
!) Retournons vers l'avenir. Soit : vers moi-même. Poursuis ces <strong>pages</strong> de<br />
signes bizarres. Éreinte-toi à noircir de nouvelles pâleurs.<br />
646
Qui peut me dire ?<br />
Qui peut me dire ? ... Je m'interroge. Je sonde l'intérieur de mes<br />
entrailles. Je m'exalte comme la Pythie. Je me satisfais de posséder cette<br />
parole intime, ce brouhaha indistinct de sonorités. Je tends l'oreille. J'y<br />
décèle un monde autre. Un bruissement dans les arbres ? Dieu, par<br />
l'intermédiaire de la nature s'adresse à ma personne. Une bestiole stupide<br />
agit, et fait son bruit ? Je réponds à l'infime inutilité. Je me crois poète,<br />
je le suis donc. À contre cœur, à contre vie. Mais je me force à exister.<br />
Et toutes ces lignes qui se poussent et vivent, ne sont-elles pas<br />
la preuve éclatante de mon éclat de prosateur de rêves ?<br />
647
J'ai connu, c'était hier<br />
J'ai connu, c'était hier, des corps semblables au mien du moins<br />
par leur toucher car le sexe était différent au ... etc.,<br />
J'embrasse des vulves. Je retourne au présent. Je caresse, je<br />
pénètre, je m'enfonce dans des terriers ... Sont-ce des possibilités de<br />
délivrance ? Non. Le temps disparaît. Mes plaisirs s'oublient.<br />
Ma force est d'abandonner mon désespoir et de m'en retourner à<br />
la simplicité de la femme.<br />
Je m'engage dans les îles que je survolais naguère. Mon âme en<br />
folie discute sur n'importe quoi ! Est-ce un souffle d'ange qui caresse<br />
cette tête que je soupçonne être mienne ? Je crois enfin que la réalité est<br />
terrestre.<br />
648
Je m'aime<br />
Je m'aime ou je crois m'aimer puisque je prends un plaisir<br />
insoupçonné à caresser ce corps. Est-ce bien le mien ? Cette masse rose<br />
de chair qui forme une prison ? Elle renferme une âme qui, elle seule<br />
semble m'appartenir ... Je disais éprouver plus de jouissance à toucher ce<br />
corps qu'aucun autre. J'ai eu à de nombreuses fois la possibilité d'aimer<br />
la femme. Je me sentais pressé, malaxé ou pétri par une nature morte ...<br />
Quand je baise mon épaule, j'éprouve un réel désir. Ma nudité<br />
me séduit. Sans gêne, je me promène ou je me contemple des heures<br />
dans une glace. Il me semble faire l'amour à un autre ... ou à moi-même.<br />
Tenir ce sexe serré ou gluant et chaud dans cette main, et j'ai<br />
l'impression qu'un autre me masturbe. Il n'y a pas d'arrière-pensée ; je<br />
n'ai aucun besoin homosexuel. Je soupçonne que tous les jeunes garçons<br />
et filles de mon âge ont ressenti maintes jouissances à posséder leur<br />
corps.<br />
Mais qui suis-je tout gonflé de pleurs ? Il me paraît que cette<br />
poitrine, que ce ventre duveté appartiennent à un autre. N'est-il pas exact<br />
que je suis le propriétaire de ce corps ?<br />
L'enfant s'est couché nu sur les bords de l'eau qui reflète dans<br />
649
des images désordonnées et incertaines tout le poids de son amas de<br />
membres.<br />
Je n'existe peut-être qu'à l'état d'ange ... Ma mémoire est<br />
effrayée. Je ne sais véritablement plus qui a pris possession de ce moimême<br />
! Ha ! Il me semble que j'offre un diamant monté sur un cercle de<br />
cuivre. Mon âme est brillante. Elle n'est seulement visible qu'à mes<br />
yeux. J'échappe aux regards des mortels. Il se peut tout aussi bien qu'ils<br />
ne puissent m'apercevoir ! Pourtant ma raison, cette intelligence<br />
resplendit de mille facettes ...<br />
Je m'aime. Je touche la chair douce. Elle respire le frais, et ses<br />
goûts âcres même dans les recoins les plus intimes de ma personne me<br />
sont des délices d'odeurs. Je parle de mes excréments, de ces urines<br />
jaunes.<br />
Je me plais. Je forme un tout. Il est vrai que je n'ai pas, jamais<br />
voulu partager mon corps avec une autre, !<br />
Quelle autre ? Une de ces filles au sein câlin, mais à l'âme sèche !<br />
Je ne veux plus me mêler à l'indifférence ou à l'insouciance ! Elle<br />
650
disparaîtrait aussitôt l'ébat amoureux achevé dans d'autres sources de<br />
plaisir. Si je partage, je possède etc.<br />
651
Elle est nue<br />
Elle est nue, et ses cheveux jettent des reflets de fleurs vertes.<br />
Non, des émeraudes dans sa lourde crinière ! Ou des chevaux galopant<br />
vers le rêve. Sa longue tignasse bleue maintenant flotte. Ha ! Les blés<br />
d'or de Botticelli. Ha ! Les traînes de ses vierges ! C'est du soleil ! Du<br />
feu ! Des odeurs d'ange et d'amours. Je dois jouir et atteindre mon<br />
paradis de poète !<br />
652
Indistinctement a dû<br />
Indistinctement a dû<br />
Par le plaisir qui se balance<br />
La bouche anale repue<br />
Engorger de pénis en transe !<br />
Ou choisir le mirliton, le bananier !<br />
Blanc, jaune, noir sans importance !<br />
Passez plaquez la main au panier,<br />
Jolie doudou est en démence !<br />
Très loin des cocotiers heureux,<br />
Le nègre énorme plus me suffit !<br />
Martiniquaise, où est le sorcier furieux ?<br />
Sur l'île là-bas, pas dans mon lit !<br />
653
Mais tu travailles encore<br />
Mais tu travailles encore à me rendre captif !<br />
Ma soumission vaine à la lumière torve<br />
Enduit mes pauvres yeux de ce métal fictif !<br />
Je veux rêver de l'imaginaire qui dort ! ...<br />
Je recherche l'espoir de retrouver la vie,<br />
L'unique, la terrestre, avec l'homme et la chair.<br />
Les ébats impossibles de la muse alanguie<br />
M'éloignent de ce monde par tes subtils éclairs.<br />
Le besoin de renaître m'éveille tout à coup<br />
Sur le sol pur et ferme pour mes pas accomplis !<br />
Hélas je tâte en vain les masses qui m'entourent !<br />
Ô fantômes de guerre qui écoutez mes cris !<br />
Ma faudra-t-il supplier cette mort<br />
De me laisser en paix ? Car je n'existe pas !<br />
Sans un sanglot, sans un répit, sans un remords<br />
Chaque jour davantage, un peu plus on me tue !<br />
654
Losanges<br />
Confession I<br />
Je me sentais meurtri comme l'habitant d'un nouveau monde qui<br />
échappait à des résistances anciennes. Je me fis tout petit face aux chefs,<br />
aux gloires partagées dans le luxe des ténèbres. Les combats étaient<br />
rudes, et je me consolais bêtement avec l'âge de mes tendres naissances.<br />
La fleur se flétrissait au printemps. Je mûrissais avant l'âge,<br />
j'avalais les gorgées amères de mes travaux et de mes poésies. Je me<br />
roulais ivre d'angoisse dans les trésors des conquêtes juvéniles !<br />
Je placardais mon nom sur des fresques naïves : c'étaient des<br />
femmes, des chevaux ou des poèmes. Je ne me souviens plus de rien.<br />
Aujourd'hui, j'implore le silence.<br />
Comme toutes ces phrases sont délicates à saisir ! Comme leur<br />
signification est pudiquement cachée par l'auteur ! Pourquoi se taire ? Qui<br />
est à craindre ? Je doute de l'espoir. Je ne crois qu'en moi. Dieu ne m'est<br />
d'aucun secours. Mon âme seule peut se nourrir de vérités. Je prétends avoir<br />
perdu le courage de croire en un sauveur. Que l'on me laisse en paix ! Je<br />
rétablirai moi-même l'équilibre de cet esprit controversé !<br />
655
Où trouverai-je l'impulsion pour sauter cette haie de ronces ?<br />
Sans élan, sans gloire, je ne puis que glisser le long du ravin invisible, et<br />
laisser dans la chute les marques indélébiles de mon corps.<br />
Ma vertu s'effrite comme les cailloux qui se séparent de la<br />
pente à pic. Jamais je ne me perdrai dans les nuits crétines de la femelle.<br />
L'espoir est ailleurs, il n'est pas dans les lits sinistres aux faibles plaisirs.<br />
Quelle confession détestable ! Je n'observe que l'échec. Quelles<br />
nullités du destin de m'imposer une mort si jeune !<br />
Mon âme est triste en cette nuit absurde : chaleur et frissons<br />
parcourent mon cœur qui bat rouge. Ô cendres dans les solitudes de mes<br />
lamentations ! Je parlerai encore de la faiblesse qui croît en moi. La tige<br />
verte de sève a été assassinée. Bonheur des bestioles qui montent le long<br />
de mon sexe, ou de ma colonne vertébrale.<br />
656
C'est avec un appétit de Divin que j'ai engouffré dans ma panse<br />
les mets les plus subtils. J'ai rendu toutes les organisations médiocres de<br />
l'esprit. Aujourd'hui je les offre au lecteur charitable et bon.<br />
Je ne veux que partir et fuir ce monde grotesque qui se nourrit<br />
d'aliments vulgaires. Ses goûts sont déplorables. J'ai vomi tous les<br />
déchets de mon âme, et certains prendront jouissances à me lire !<br />
657
Faut-il noter ces textes affreux<br />
Faut-il noter ces textes affreux, et les imposer à son corps pour<br />
se libérer ? Dois-je vivre de mon âme, ou faire travailler cette chair qui<br />
ne demande rien ?<br />
Plus bête qu'un Sade peut-être trouverai-je avec ces lignes le<br />
besoin de renaître ? Vivre, c'est survivre. C'est bouffer et procréer. Ces<br />
<strong>pages</strong> sont d'une laideur horrifiante. Je sombre dans le pléonasme pour<br />
démontrer mon dégoût au lecteur. Lui, peut-être y trouvera-t-il<br />
quelconque jouissance ?<br />
Et déjà je me reproche d'avoir osé écrire des lignes qui<br />
tomberont sous le coup de loi. Le tribunal des hommes jamais ne pourra<br />
comprendre que me déstabilisant, je recherche un nouvel équilibre. C'est<br />
dans l'excès et dans le vice que j'obtiendrai une purge de l'esprit.<br />
Que m'importe de choquer mon lecteur ! Je n'écris pas pour son<br />
honnête plaisir, j'écris pour le libérer du mal. Je n'en ai que faire de ses<br />
histoires de bonnes mœurs ! Qu'on me laisse tranquille : ces poèmes<br />
déplaisent, que l'on saute certaines <strong>pages</strong> de mon recueil. Mais je vous<br />
en prie, laissez-moi en paix hommes de mauvaise grâce !<br />
658
Cette poésie qui court<br />
Cette poésie qui court, qui me vampe, me harcèle, et<br />
m'échappe, comme je voudrais la tenir dans mes poings serrés ! Non, ce<br />
n'est pas une femme, c'est un oiseau. C'est un fluide invisible qui glisse<br />
entre mes mains, qui se faufile sur mon corps ou caresse parfois mes<br />
jambes comme une liane. Parfois elle se fait hyène, et me mord jusqu'à<br />
l'agonie, jusqu'à mes dernières ressources.<br />
Ne lui ai-je pas tout donné : ma jeunesse, mes loisirs, ma virilité ?<br />
Que m'a-t-elle rendu en échange ? ... Rien. La muse est une voleuse de feu,<br />
une dévoreuse d'hommes. Elle suce le sang de ses victimes comme certaines<br />
araignées qui vivent en Afrique. Elle agrippe mon dos, mes cheveux et<br />
enfonce son venin foudroyant dans mon âme.<br />
Je suis mort cent fois. J'allais ivre vers la tombe de mes<br />
cauchemars. Mais ce n'était qu'un mauvais rêve, et au petit matin je me<br />
levais comme l'alcoolique après avoir ingurgité des litres de gros vins<br />
mauvais, la tête pleine de sales idées - idées funestes avec le besoin<br />
désespérant de me suicider.<br />
Ho ! J'ai tenté de fuir, de m'échapper de son monde infâme.<br />
Mais comment se libérer d'une maîtresse dont on n'aperçoit que les<br />
659
contours ?<br />
Je la sentais revêtir les plus belles étoffes pour me séduire et sa<br />
bouche qu'effleurait la mienne dégageait une douce haleine comme un<br />
souffle divin.<br />
660
Constituant néanmoins<br />
Constituant néanmoins un rejeton d'œuvre, je me trouve<br />
toujours cerné d'anges grisâtres perdus dans les brouillards de ma<br />
chambre multicolore. Arc-en-ciel de déchéance, j'invente les couleurs<br />
des deuils : du blanc chinois au noir européen. Teintes obscures de gris<br />
dans le dégradé.<br />
Je pousse la ressemblance jusqu'à me coucher dans un lit : sorte<br />
de vieux caveau pour les Dracula sordides assoiffés de sexe et de sang.<br />
Je suis très fort. Après avoir perdu les muscles de mes jambes<br />
dans des pincements et des brûlures exceptionnelles, je cours encore<br />
malade sauvé par Dieu, ou paralytique récupérant le contrôle de ses<br />
cuisses.<br />
Ma démarche est loin d'être assurée quoique je prétende<br />
accomplir des distances de mille lieues. Poursuivons notre chemin. Deux<br />
livres encore, et je reconnaîtrais la ville.<br />
661
Ô les vapeurs saintes<br />
Ô les vapeurs saintes des sous-bois, les glaces liquides des roses<br />
embaumées, et toutes les jeunesses, et nos brouillards qui montent vers<br />
les cieux. Mais que restera-t-il de nos forces sublimes quand nous ne<br />
serons que quatre bras agonisant sur le lit des amours ?<br />
Je me place très nettement sur une chaise éclairée par des anges<br />
maudits sillonnant la chambre des créations superbes.<br />
Quand nos sexes supplieront grâce, qui de nous deux sera le<br />
plus fraîchement démis ?<br />
662
Le don du sexe droit<br />
Mais prends te dis-je ! Prends ce sexe entre tes doigts, et<br />
engouffre-le dans ta gorge profonde. Suce-le avec toute la dextérité et le<br />
savoir-faire de ta langue. Laisse monter le venin lentement sur tes lèvres,<br />
et quand le vit éclatera, quand le liquide envahira ton palais, tu m'offriras<br />
le baiser sublime : nos langues se mêleront et je jouirai une deuxième<br />
fois avec ma substance partagée entre nos bouches !<br />
Mais j'ai besoin de pousser plus loin ce sexe contre les parois de<br />
ton haleine. Mécaniquement je t'impose un va-et-vient superbe. Comme<br />
un coït amoureux, je jouis d'un plaisir inassouvi. Que tes petites dents<br />
blanches comme de la craie mordent mes testicules grouillants de<br />
sperme, plaintifs comme des femmes remplies de sang menstruel !<br />
J'enfonce mes mains tendues dans ta crinière de reine. Bois<br />
mon amour ! Bois te dis-je bois ! Bois ! Bois !<br />
bonheur !<br />
Ho ! Je me perds, je m'enivre à te voir t'abreuver à ma source de<br />
663
Ses seins nus<br />
Elle se promène seins nus ; ses seins sont des oiseaux qui<br />
s'envoleraient vers mon paradis d'enfant. Non, ses mamelles sont des<br />
bourrelets de chair pour la bouche du nourrisson géant que je suis. Ha !<br />
Je tète à ses pointes dures et sanguines. Aucun lait pour abreuver la soif<br />
d'amour qui me brûle la langue. Mais elle se cambre, et offre ses lourdes<br />
tentations à mes yeux, à ma bouche et à mon sexe aussi.<br />
Nue, elle fond<br />
Nue, elle fond. Et sa masse de chair comme chauffée au soleil,<br />
devient mare d'eau claire. Transformations de la femme. D'autres ont<br />
pleuré sur mon corps, et j'ai bu de toutes leurs eaux, de tous leurs sangs.<br />
664
Petite princesse<br />
Sa chair est l'été que je respire à profusion de saveur. De son<br />
vagin coule la source claire des sécrétions amoureuses. Entre ses dents<br />
étincelantes de jeunesse et de bonheur glisse sa salive d'amour, et son<br />
haleine est un bouquet de rouges roses odorantes.<br />
J'aime encore ses aisselles qui marquent sa robe avec ses sueurs<br />
enfantines. "Ô ma petite princesse, tu es le royaume du plaisir délicieux !"<br />
665
Souffrance, supplice<br />
Souffrance, supplice, tyrannies, violence. Le prince arabe<br />
accède aux nominations suprêmes. Je cravache, je torture, je jouis. Mais<br />
je vous adore, mes beautés aux parfums naturels.<br />
666
Le monde bouge<br />
Le monde bouge - je parle de l'âme. L'ancien renaît, et je crains<br />
de ne jouir que d'une répétition enfantine. C'est encore ce Rimbaud que<br />
je m'étais juré de tuer, qui voltige autour de mon âme. Où puiserai-je le<br />
courage de me libérer de ce joug infernal ? Ma cervelle s'active. Tout<br />
recommence ? Le nouveau départ. Je crève de honte. La gloire n'est pas<br />
dans cette chambre. (Cette parodie m'est unique. Jamais personne<br />
n'entendra la moindre expression).<br />
À présent, je retourne à la sorcière - les sacrilèges, les crimes<br />
sataniques, les fleurs des enfants, les brutalités commises sur les<br />
personnes âgées, les reines prises d'assaut dans leur forteresse de rêve,<br />
etc.<br />
J'ai banni mes grammaires, j'ai tué mes syntaxes, j'ai détruit<br />
tous les styles. Il est vrai que je ne sais pas écrire ! Que de contresens,<br />
que d’erreurs ! Je reconnais le dernier des cancres, l'imbécile des poètes,<br />
la tare, le rejet.<br />
667
Les dieux de l'Irréel<br />
Les deux de l'Irréel ont cogné fort à ma porte de papier. Elle<br />
s'est déséquilibrée, membrane transparente plus simple à pénétrer qu'un<br />
hymen de jeune fille.<br />
Je me déchire. Ma silhouette enfantine traverse les murs et fond<br />
sur les corps de mes favorites. (Ha ! Comme ces expressions sont<br />
impossibles à comprendre ! Je ne parle que pour ma cervelle !)<br />
J'ai déclenché des bourrasques, des éclairs, des tempêtes de<br />
diamants, des spleens suivis de lumineuses étincelles. Raz-de-marée,<br />
pôles brûlés par les chaleurs des tropiques, tombeaux de grêles, lunes<br />
accouplées à des terres sexuelles (Je sais, ça n'avait aucun sens. Cela<br />
avait le mérite d'être impossible).<br />
Les pluies de mensonges couvrent de leurs larges traînées le toit<br />
de la monotonie. (Je m'essaie à autre chose). Il faut battre le ciel, le<br />
décharger de tout son pouvoir mystique, le rendre à l'état humain. Nous<br />
devons manifester des envies surnaturelles. Nous nous imposerons à<br />
cracher sur nos besoins ordinaires. Là, est l'unique plaisir de volupté, le<br />
sublime désir du changement.<br />
668
Une sorte de barbare<br />
Une sorte de barbare fiévreux de prières mystiques tua toutes<br />
ses femmes. Elles agonisèrent dans des souffles et des râles désespérés.<br />
Elles enfantèrent des races d'hommes plus puissantes que les titans des<br />
cieux. Le prophète unit dans de vastes tromperies toutes les caravanes<br />
qui sillonnèrent le pays. Et d'autres vierges versèrent leur sang entre les<br />
cuisses de ce saint. Gonflé de mensonges crédibles, il trompa tous ceux<br />
qui le suivirent.<br />
J'avance médiocre paralytique à l'haleine chargée de puanteurs.<br />
On me rejette. Seules les mouches tombent autour de mon corps !<br />
Je m'allonge dans la boue de mes silences. Et que vois-je<br />
accroupies dans l'herbe fraîchement coupée ? Mes putes, mes salopes,<br />
mes vicieuses déféquant et salissant la nature de leurs ordures de reines !<br />
669
A la fenêtre<br />
J'élargis la fenêtre couverte de baies et de lauriers roses. Oh ! Je<br />
sens monter en moi les parfums exquis de l'ivresse.<br />
Je serai peut-être le piéton couvrant ses hectomètres à la lueur<br />
des nuits fumantes, ou le sorcier gardant secrètement ses potions<br />
géniales, enfin un personnage incompris.<br />
Trois sexes pour mourir dans les vagins, les bouches annales et<br />
les palais des reines splendides.<br />
J'ai brossé des estampes sur des paysages de cire. J'ai couru de<br />
laines en laines, et je me réchauffe dans mes peintures fantastiques.<br />
Parviendrai-je à allumer le feu qui brûle mes entrailles d'acier ?<br />
Et mes forces et mes aimantes ? Je vous glace balances d'espoir, justices<br />
sexuelles !<br />
670
L'Empire<br />
L'Empire naît d'une multitude d'incertitudes inconnues encore<br />
de l'homme. Il se tâte, s'observe, mâte ses yeux louches dans une glace,<br />
calque son double. Il ignore qu'il recopie des gestes imposés par Dieu<br />
depuis des siècles. Le royaume du primate est de douter qu'il habite un<br />
palais. Mais le doute est un artifice, la mèche se consume. Un feu<br />
intérieur l'habite. Les braises sont de l'or rougi. Enfin l'alchimiste du<br />
temps va savoir, il est sur le point de découvrir. Je cherche l'aventure<br />
interne s'écrit la sagesse... posément, très drôle le contraste !<br />
Il s'appelle "Sérénité" et s'enfonce avec avidité dans sa<br />
connaissance interne. Quelle soif de savoir pour un sage homme ! Il va<br />
trop loin, ce docteur des tempêtes de la pensée, des flux et des reflux de<br />
l'intelligence ! Il ne condamne pas, il constate. L'urine comme le sperme<br />
ou le sang, il les laisse dégouliner hors de son corps. Mais ce cœur qui<br />
cogne, où est-il ? Les sentiments bêtes du sexe qui chatouille le gland,<br />
d'où proviennent-ils ? La triple question stupide ne l'effleure pas.<br />
Il en a joui durant sa jeunesse. Le qui suis-je, où vais-je, que<br />
fais-je, provoquent en lui des ricanements grotesques. La concentration<br />
est de rigueur. La mathématique l'impose. Le champ d'investigation<br />
découle de raisonnements sérieux.<br />
671
Homme d'intelligence mûre, je semble fantaisiste, drôle ou<br />
comique. Pardonne-moi de crouler sous mes larmes... Je suis poète.<br />
J'interdis à quiconque de franchir les barrières de l'impossible, de l'irréel.<br />
Seuls atteignent le but ceux qui sont marqués de la croix.<br />
672
La très belle<br />
Viens plus près ma très belle car tu sais que je t'aime.<br />
Et je veux sur ton corps apaiser mes baisers<br />
Plus rugueux et plus secs que le tigre cruel<br />
Aux amants fatigués, le vice est toléré !<br />
Alors dans la souffrance de la couche secrète,<br />
Je brûlerai tes seins de morsures enflammées<br />
Pour voir si la succion de mes dents indiscrètes<br />
A ton cœur trop éteint saura le ranimer !<br />
Mes ongles sont des lames étincelantes ! ...<br />
Dans ta chair impie, je saurai les enfoncer.<br />
Tons sang roule sur tes reins, saccades brillantes<br />
Et rouges, mon lion sensuel et indompté !<br />
673
Je me console peu<br />
Je me console peu de ta haine soumise<br />
J'aimerai te voir chatte tigresse ou loup<br />
Ma belle aimée que veux-tu donc que je te dise,<br />
Griffe-moi, arrache mon cœur, suce mon cou.<br />
Non, je ne veux pas que ta douceur m'envenime.<br />
Sois forte comme le vice, brûle-moi d'amour.<br />
Qu'entre tes puissants bras, proie craintive et chétive,<br />
Je te vende mon sexe combattant pour toujours.<br />
La nuit froide où se noie la cruauté des Anges<br />
Me rapproche un instant de ton sein le plus doux<br />
Transforme-toi quelque peu en mégère étrange<br />
Veuille me procurer des plaisirs de voyou.<br />
Sur ta croupe incendiaire cingle-moi les fesses<br />
Tortille le train et que mon sang bout<br />
Dans tes lanières de cuir, je tremblerai maîtresse.<br />
Tu redonneras ardeur à mon sexe mou.<br />
674
Enfonce dans l'anus le pénis en plastic<br />
Gros énorme terrible que je crie mon plaisir<br />
Je déchargerai sur ta culotte rosée<br />
Le sperme amer de mon vrai godemiché<br />
675
Source vaginale<br />
Que tu éclates encore en profondes rumeurs<br />
Contre la chair au lit de celui qui a peur ;<br />
Que tu jases tes mots dans un ruisseau d'extase,<br />
Effrayée par l'intrus introduit dans ta vase ;<br />
Saveur de quiétude en ton passage étroit<br />
Qui propose à mon corps maints feux et diamants,<br />
Sur le sein de ta couche comme élixirs de fête<br />
Quand le sexe tendu avide d'eau s'apprête...<br />
En toi certes je veux toujours m'y maintenir<br />
Et abreuver mon âme à ta source maudite,<br />
Vagabond assoiffé des claires eaux qui reposent.<br />
676
Mais à peine enchaîné<br />
Mais à peine enchaîné à la mort qui s'étire<br />
Je regagne pourtant ton luxueux supplice,<br />
Et je veux m'activer sans haine et sans malice<br />
Dans ton Néant conçu à ce sublime effet.<br />
Les râles des sens ! Oui, je me sais t'appartenir,<br />
Prisonnier sans barreau mais en ta chair superbe.<br />
Je suis supplicié prêt à s'évanouir ! ...<br />
677
Je soutenais encore<br />
Je soutenais encore ma profonde paresse !<br />
Aux bras de tant d'échos, j'offrais une caresse...<br />
Alors évanoui, je calmai ma saveur<br />
Par l'orgueil de l'amour en ma savante sœur !<br />
J'entendais battre en toi le plaisir qui diffuse<br />
Les mouvements du corps en sporadiques effets,<br />
Et ta langue cousait pour ma bouche qui s'use...<br />
678
Fi de ton espace<br />
Fi de ton espace, les placides plaies chutent dans ma bouche.<br />
Silence, sarcasmes furieux : choix, et c'est mon orgueil !<br />
À vous ! À vous, je me donne à vous, gongs incertains !<br />
Saveurs du silence, éternelles retombées de l'esprit impartial !<br />
Je mugis dans cette excellente haleine des rêves qui percent<br />
comme l'abcès ! Je me veux cheval, race spirituelle et vagabonde.<br />
Mais lourde est la teneur des propos. J'ouvre les portes de<br />
l'avenir, par principe. C'est à vous que je m'offre.<br />
Fruit offert à ma souffrance, ou force sanglée dans des excès.<br />
Femmes fidèles, c'est à vous que je me donne.<br />
Ronce amère, ma ronce amère,<br />
Bave écume en cette demeure, race de mes étés pudibonds.<br />
Finissons-en, qu'enfin je gagne les demeures étroites !<br />
croire en Vous !<br />
Sel et larmes de pleurs, palme éventrée par la délivrance sans<br />
679
Je me donne à l'accoutumée, fort de danses.<br />
Résiste schisme ou strates du temps passé. Gonfle comme un<br />
crapaud, agate. Gargarise-toi de tes horreurs.<br />
Fais-toi cheval, (la mort parle). Cheval ensanglanté au gland<br />
superbe. Poète, tu nous trompes et tu ne nous réponds pas.<br />
680
C'est la fatigue des grands appuis<br />
C'est la fatigue des grands appuis et c'est la béquille qui tombe !<br />
Comme la chute est spectaculaire ! Il ne s'en relèvera pas de sitôt !<br />
Boîte, jeune homme ! Cours, machination géniale ! Crève le sol<br />
de ton impunité, force nauséabonde ! Mais il est un champ que tu ne<br />
posséderas pas, c'est celui de la fécondité. O l'extase étroite de celui qui<br />
est seul !<br />
Arrache des lambeaux d'interdiction, vampe la couronne<br />
céleste, enfonce tes yeux impies sous les draps de la satisfaction, tu<br />
n'obtiendras jamais le sacrifice défendu, et la langue séchera encore les<br />
excréments sublimes.<br />
Un matin aéré de toutes ses vapeurs, après une estimation de<br />
courte durée je crèverai la boule puante de ma pensée, et des flots<br />
d'ignorance jailliront sur ma face superbe. Et l'horreur de la charogne<br />
gonflera ma poitrine de passions méchantes.<br />
681
Il ne sera pas fait de chair et de sang<br />
Il ne sera pas fait de chair et de sang, mais il sera conçu par<br />
l'Intelligence et par l'âme de l'Intelligence, c'est-à-dire par Dieu soimême.<br />
Et son corps contiendra la pureté comme des Morts le mettront<br />
à l'épreuve ! Et son sexe ne servira qu'à uriner et son sexe ne sera pas<br />
l'instrument du pécheur ! Et ses testicules ne contiendront pas de sperme<br />
gluant, et le blanc liquide ne s'expulsera pas !<br />
L'homme sera tenté, humilié et il souffrira comme un saint mais<br />
il est écrit qu'il résistera.<br />
682
Intelligence d'or<br />
Intelligence d'or enchaînée à la perception de l'ignorance.<br />
Maudite soit l'âpre bêtise assoiffée de mes dons seigneuriaux ! Qu'après<br />
un déluge d'injures resplendisse le tout-puissant soleil de génie !<br />
Action pensante, fulgurante et stérile, après la tentation de la<br />
belle lettre, je sais me purifier et je t'obtiens par un délire étrange.<br />
683
Le gouffre de mes idées<br />
Voilà que j'ai touché le gouffre de mes idées, et ma tête cogne<br />
le fond ! Il y a des saignées abondantes et mon crâne gît dans les<br />
catacombes ! O la céleste blancheur de mes os, et comme mes dents<br />
rient jaune ! Un vieillard avec une face crispée d'adolescent. On n'a<br />
jamais vu ça !<br />
Le mille-pattes ronge ma cervelle pleine de pus, il fait<br />
commerce de mon intelligence.<br />
Que d'enflures dans ce bagne d'échanges ! Quelle morosité pour<br />
s'accoupler à la honte humaine ! En fait, un grand vent eut pu chasser<br />
toute cette lie associée à mon nom pour l'éternité ! Je suis le souffredouleur<br />
! Ils se régalent de mon Immortalité !<br />
Reine, Garce ou Pucelle, comme j'enfoncerais ce vit énorme<br />
entre tes cuisses tremblantes ! Comme cette sorte d'homme satisferait tes<br />
désirs et tes génuflexions !<br />
Les méandres, les vicissitudes d'une vie relativement perverse<br />
acclament mon délire et m'invitent à la bestialité. L'acte barbare s'épuise<br />
avec des mots.<br />
684
Du morse, des segments arrachés à la Mort, des paroles inutiles,<br />
des explications vaines. Mais à quoi ça sert tout cela ! Je le demande. A<br />
rien. Un cul étroit orienté vers la bêtise, un sexe chatouillé et une panse<br />
bombée, hélas !<br />
685
Baladin<br />
Baladin agrippé à ta route légère, sillonneur des contrées plus<br />
lointaines encore, pourquoi veux-tu partir ?<br />
Et le poète répond : "Je ne suis pas l'escale ou le port, je suis<br />
l'oiseau qui sillonne les immensités ou le vaste coup d'aile au-dessus des<br />
humains, c'est moi qui frappe l'air avec ma force vigoureuse ! Oui, je<br />
bats ou je vole. La danse légère du ciel m'emporte au-delà des saignées<br />
et des viols, et je m'évade comme un prince incompris.<br />
Je pense dans l'azur, homme libre aimé des anges. Personne,<br />
pas un Dieu ne me retient. Comme je sens l'Azur m'appartenir ! Le bruit<br />
des vagues et des mers lointaines, le choc des galets, la langue bleue des<br />
marées, et les focs qui claquent dans les tempêtes !"<br />
686
Ema<br />
Couchée, évasive et nue - la lourdeur de ses membres est<br />
affaissée sur le lit défait.<br />
La Reine se pâme d'écriture et lit mes poèmes anciens avec un<br />
air boudeur.<br />
Les seins pleins de sève exaltante, la jambe ronde et blanche<br />
elle lit.<br />
Des odeurs intimes, des saveurs semblent s'échapper de la<br />
chambre.<br />
Le sexe repu de grâce, le sexe lubrifié encore, elle semble<br />
dormir.<br />
Et son trésor rose et noir baille fatigué de ses amours.<br />
L'œil lourd, elle se délasse : elle critique les phrases ! Et<br />
j'écoute ses conseils amusé et surpris.<br />
Ho ! La femme qui n'a rien compris à mon don, elle m'aime<br />
comme on aime un enfant ! Je souris d'aise à Ema, belle candeur naïve,<br />
moi prince physique qui désira dix fois.<br />
Je m'éloigne de cet amas de chair distendu par l'effort d'une nuit<br />
lugubre !<br />
687
La belle amante<br />
Elle a un sexe blond où l'on aime à baigner son visage après les<br />
heures d'infortune. Sa caresse est facile, l'on veut se reposer entre ses<br />
jambes longues et fines comme un chat langoureux sur les genoux de sa<br />
maîtresse. L'on sourit d'aise quand elle passe sa main dans vos cheveux<br />
rugueux.<br />
Comme elle sait câliner la femme adultère, l'enfant maudit aux<br />
allures d'homme ou de mâle esclave ! Elle lui donne sa poitrine, et son<br />
sein est doux et amer ! Elle le laisse respirer ses odeurs intimes et<br />
profondes ! Ses lourdes rondeurs invitent à déguster l'amour.<br />
Elle cajole, elle dorlote, et parle à voix basse. L'enfant est dans<br />
son rêve et s'endort le sourire aux lèvres comme bercé par une Divinité<br />
ou par la Muse.<br />
688
Cendre d'or<br />
suants !<br />
Quoi ! La belle se meurt encore, roule et se tord dans les draps<br />
Quoi ! Elle gémit et pleure, elle crie sous les coups du buttoir !<br />
Dans les chaleurs voluptueuses, Cendre d'or, réserve d'amour,<br />
chair et chérie, caresse de mon plaisir, prolonge ta chevelure vers mes<br />
yeux hagards !<br />
Je te sens qui t'abandonne sous mes soupirs subtils. Et tes<br />
jambes, et tes bras, tu es là qui reposes d'aise, etc.<br />
689
Magnifique mais qui<br />
Magnifique mais qui sans l'espoir de leur plaire<br />
Je peux signifier que l'exil est présent.<br />
Pour la tiédeur amère de ma faible cervelle,<br />
Le bruit sourd et confus se lève lentement.<br />
Accroché à l'ennui par le Néant superbe,<br />
Le souvenir s'observe oublié de nos sangs.<br />
Radieux mais sans gloire, il n'a pas su leur plaire.<br />
Quand l'heure sonna de fuir inexorablement.<br />
Hélas, je me souviens que je ne savais faire<br />
Par ce poème absurde un pastiche évident.<br />
Mais ma force est si belle que le génie déterre<br />
Les fruits mûrs et pensés du Nouveau Testament.<br />
Dans la tombe s'exhale nulle odeur de péché,<br />
Nulle chair putride qui encore se décompose.<br />
Je voudrais bien séduire sous cette terre fraîche<br />
De pelles encombrées l'éclat pur qui se glose.<br />
690
Avec l'or et l'encens<br />
Avec l'or et l'encens au vagin ébahi,<br />
Terre de mes idées, moi j'incline une tête.<br />
Quand vicieusement, le bon plaisir s'apprête<br />
A lécher mollement le creux veiné du dos.<br />
De la source nouvelle jaillira un exploit<br />
Figuré, il est vrai, d'un mouvement de tête,<br />
Car sous les draps les râles et les soupirs du corps<br />
Expriment, je le crois, le triomphe des bêtes.<br />
En l'absence du rêve, je mugis fortement<br />
Pour les noires poussées du seul espoir d'aimer<br />
Pareille à la momie qui frotte son squelette.<br />
Encore que chagrinée, se métamorphose<br />
En lynx, écueil de chair, ou tempête, se glose<br />
Pour crier et mugir ou mourir vainement.<br />
691
Ceci est ma seule fin<br />
Ceci est ma seule fin, je sais m'appartenir !<br />
Rien, le passé sans gloire va de fleurs me couvrir.<br />
Il me reste une femme posant sur le tombeau<br />
Des bouquets en mémoire d'un néant de sanglots.<br />
Je vois que des pays plus beaux roulent des fleuves<br />
Ignorés, libres encor comme un nom sans murmure.<br />
Patiemment, je jette sans exil pour des mots<br />
Le poète impuissant qui jurait sa morsure,<br />
En sorte qu'éternel à ma vraie mort j'échoue<br />
Aux frontières du désert effleurées de soupirs<br />
Ou bien que je me pende cravaté aux falots...<br />
692
Alangui dans ma fange<br />
Alangui dans ma fange, sublime aux élixirs,<br />
Je parfume le corps des superbes déesses.<br />
Avec trois cris d'aveux de mort et de souffrance,<br />
J'élève l'insoumis hors de l'insouciance...<br />
Pardonnez ces fruits secs sans jus, sans jouissance,<br />
Je fais ce que je peux, le poète est petit.<br />
Critiquez, critiquez, il vous croit c'est sa chance<br />
Il se trompe parfois, sa vie n'a pas de prix.<br />
Vous êtes lassé de ce monde que je propose,<br />
Vaine inspiration et attaques superbes.<br />
Oui, je suis fatigué, cela est peu de chose.<br />
T'as qu'à écrire mieux, poète de misère !<br />
Et c'est ma faute, hélas ! Mon Dieu m'a oublié<br />
Mon divin, aidez-moi, je ne suis qu'un poète<br />
Mes ardeurs sont en cire, mon sexe est replié.<br />
693
Louanges du feu<br />
Rêve<br />
Ici je me trouve néanmoins dans ce salon 77 avec le bruit diffus<br />
de la mer. Sur la banquette il y a Brigitte belle comme dans un film, et<br />
moi tout près d'elle désireux de la prendre. Alentours enfoncés dans des<br />
fauteuils des êtres inconnus dont je ne me soucie guère. Ils m'interdisent<br />
par leur présence le coït ou l'assaut amoureux.<br />
- Vous êtes un mythe. Elle, pudique : n'exagérons rien.<br />
Ma mère sorte de théâtreuse médiocre semble la connaître.<br />
(Elle appartient aussi au décor). Ses yeux bleus, sa chevelure blonde<br />
encore la quarantaine.<br />
Plus loin dans un flash d'images renversées, je l'ai vue au temps<br />
où Dieu la créa, fine et svelte. Toute nue, debout près d'un lit.<br />
Peut-être ne la prendrai-je qu'en rêve ? Qu'en succession de<br />
pollutions nocturnes ?<br />
Garder l'espoir réel de la rouler une nuit dans ma couche de<br />
poète. Ce jeune corps de vingt ans n'a-t-il pas frotté la peau fatiguée<br />
694
d'une amante de cinquante ?<br />
695
Ce cher corps<br />
Ce cher corps formé de lente robe invisible se mouvant par l'œil<br />
amoureux...<br />
Est-il tendre ce sein bombé lorsqu'il flotte d'un air trompeur<br />
dans mes nuits rêveuses ? ...<br />
Câline, je voudrais pour apaiser ma bouche la salive mielleuse<br />
de vos lèvres enflammées...<br />
Ô ces bords voluptueux de chair que je caresse, plis de<br />
douceurs lourdes au sacrement du plaisir. L'aveugle cérémonie d'amant<br />
touche la chair et reçoit en retour l'extinction du désir.<br />
696
Les formes<br />
Les formes que proposent ta bouche... dans un éclat de chair<br />
alanguie... étalée sur le marbre froid.<br />
Palme ! Caresse !<br />
Palme ! Caresse ! Ta main est posée sur mon front de cendres<br />
chaudes. Baigne-la dans les frissons de ta paume claire.<br />
697
Cloué<br />
Cloué avec des flèches invisibles<br />
Enfoncées par les Anges du Mal<br />
Écroué dans une prison d'ombres<br />
Murs de vapeurs spirituelles,<br />
Plus durs que du béton armé.<br />
Les pieds dans des seaux de glace<br />
Les jambes griffées jusques au sang<br />
La cervelle bourdonnante<br />
Ho ! Les oreilles sont mortes !<br />
Je suis nécessairement<br />
Le pète persécuté<br />
Un mystique à l'état brut<br />
Battu par un groupe de fantômes.<br />
Saint Jérôme,<br />
Avoue qu'on se ressemble !<br />
J'en prends moi aussi des raclées<br />
Pourtant je poursuis ma tâche !<br />
698
Viande. Rien !<br />
Viande. Rien ! Sexe. Pour. Gamelles de déformations<br />
vaginales. Et zut si nos bites sont gonflées !<br />
Spliz ! Splooz ! Suffocations comme les ébats de la noche nous<br />
réveillent encore !<br />
Abominablement salope. Et qu'est-ce ? Nos cœurs s'entrouvrent<br />
noirs, violets, parfois secs de pleurs.<br />
De tout genre, de toute époque, en tout lieu. Pour quels exploits ?<br />
699
Phrases<br />
À la dernière crise, il vibre.<br />
Le platane enrubanné d'orties.<br />
Faces de soies, têtes de fantômes accrochées dans le vide de<br />
mon château insolite.<br />
caveau à soupirs.<br />
Les percutions étranges résonnent indistinctement dans mon<br />
Comme une mandore, le ventre plein de la femme à aimer.<br />
Les échappées d'air pur, les fluides là-haut glissent, s'étalent<br />
comme la membrane réfléchit quelques diapasons de couleurs.<br />
700
Jeunesse contre âge mûr<br />
Toi qui te flattes de ne pas subir la loi des jours, comment osestu<br />
me précipiter dans l'action pour accélérer le temps et la vitesse ?<br />
Souvent jeunesse plus reposée qu’âge mûr.<br />
invisible.<br />
L'enfance de marbre se rit d'un semblant d'immortalité<br />
701
Les tignasses blondes<br />
Les tignasses blondes dévoreuses de liberté battent de leurs<br />
lianes belles l'espace réduit tandis que je me frotte sur le même trottoir.<br />
Les narines aspirent les parfums se dégageant.<br />
Moi, infiniment petit porté par la grandeur de mon évènement.<br />
bauge d'or.<br />
Nuptiales, nudités exquises, petites chairs roses nouées par la<br />
des égouts etc.<br />
Pluies classiques avec ruissellements, boues rouges, vomissures<br />
702
Une ombre d'ombre<br />
Une ombre d'ombre tentait de me soutenir, débordait mon<br />
désobéir et je sombrais dans le naufrage de mon âme.<br />
Vainement accaparé par mon deuil d'œillets blancs, je rêve<br />
encore à vous peaux sans saignements, roses bouches d'enfances presque<br />
défuntes.<br />
Baigné dans des tempêtes inertes, mon corps se noie.<br />
Qui comprendra ma fin ?<br />
Il était l'heure, l'heure de mourir. Il ne savait plus très bien.<br />
Ma boisson est plus sûre qu'un écoulement de femme. Pluie<br />
d'or, ou vin rouge.<br />
703
Élévations<br />
Grégoriens<br />
Allégoriques<br />
Enchantés<br />
ANGES<br />
Élevés<br />
Envolés<br />
Évaporés<br />
Air clair bleu<br />
Clairière<br />
Enchaînés<br />
Amputés<br />
POETES<br />
Frustrés<br />
Asexués<br />
Correction démentielle<br />
Dantesque<br />
Dentelles blancs comptés BERGERES<br />
Virginité<br />
704
Innocence azur<br />
Douceur aimée<br />
légèreté<br />
très pure.<br />
705
Pure essence<br />
Je chanterai l'essence de mes poèmes.<br />
Fille au nombre d'or,<br />
Algèbre que j'adore.<br />
Mathématique vaine des règles usées<br />
Que je ne compte ici les mois sués.<br />
Dans le cylindre étroit de ta couche célèbre<br />
D'allées et venues d'arithmétique et d'algèbre.<br />
706
Mais à peine avancées<br />
Mais à peine avancées sur l'exil le plus pur<br />
Mes ondes singulières rêvent de loi parjure.<br />
Cette lame plantée en fantasme et fureur<br />
Traverse un sein obscur de ta race sans coeur.<br />
D'autres intimités sur le lit, paresseuse,<br />
Dévoilent les formes de ta jambe moelleuse<br />
Et l'haleine blanchie éclatante sous tes dents<br />
Charme ton amoureux par ce bel ornement.<br />
707
Souffles, songes, ô désirs<br />
Souffles, songes, ô désirs, ô râles tourmentés<br />
Bête qui fais de ton corps l'objet envoûté<br />
Qu'une nuit enfin bercée de tendres caresses<br />
Tu offres l'appât calmé, belle tigresse.<br />
Que tes mains parcourues d'un amour électrique<br />
Vibrent sur les soupirs de l'amant platonique<br />
Toi nue et fatiguée de tes chaleurs obscures.<br />
708
Hélène<br />
Azur ! C'est moi ... Je viens des grottes de l'Enfer,<br />
Et j'entends l'onde fracasser les rochers sonores,<br />
Je revois les vaisseaux dans les blanches aurores<br />
Renaître sous les ombres d'un bel univers.<br />
Mes précieuses mains tendues vers les monarques<br />
Suppliaient d'attendre fébriles leur noble venue.<br />
Je priais ; mais jamais les navires ne débarquent,<br />
Sur les rives de Troie, jamais galère n'est vue.<br />
Moi je sais en maints rêves la militaire ardeur<br />
Surgir des gouffres obscurs de mon néant de reine<br />
Et venger mon destin de l'insigne vainqueur.<br />
Mais les Dieux satisfaits de ma souffrance vaine<br />
Au sourire exalté condamnent mes supplices.<br />
Hélène se meurt d'ennui, de pleurs et d'injustices...<br />
709
Étude sinistre ou vile<br />
Étude sinistre ou vile de ton maître en délire,<br />
Ne sais-tu pas, folie, quelles heures d'élévation<br />
Attendent patiemment l'ange ailé de soupirs<br />
Dans les méandres infimes de ton obstination ?<br />
Je sais l'homme têtu parfois m'appartenir<br />
Gâchant tout son génie pour un vœu humiliant,<br />
La conquête de soi pour enfin en finir<br />
Et gagner le combat au destin éreintant.<br />
Moi je perds des années à jouer de la lyre.<br />
Le poème est médiocre, achevons la bêtise !<br />
Parfois je pleure de honte, parfois je fais sourire,<br />
Mais je poursuis l'écrit que la pensée attise !<br />
710
Les splendeurs nées<br />
Toutes les splendeurs nées d'un triomphe futur<br />
Enorgueillies à la flamme de ses victoires<br />
Brillant dans le berceau de l'absolu génie<br />
Élevé dans l'antre de parents dérisoires.<br />
Quelles tentations pour une âme si pure<br />
Vaincront les noirs délires des incessants mirages<br />
Quand les titans étincelants dans leurs armures<br />
Allaient tuer sous l'arme blanche le cœur sans rage ?<br />
Ma gorge a libéré des sanglots de bravoure<br />
L'âme s'est dévouée pour l'exil le plus beau.<br />
Sur l'Ile sans passion j'offre les vomissures<br />
Roulant fleuve intrépide sur mes lamentations.<br />
711
Tes mains brûlantes d'amour<br />
Tes mains brûlantes d'amour<br />
Bercées par une palme,<br />
Rien ne vaut le souffle calme<br />
Du désir qui court,<br />
Et réchauffe nos âmes<br />
D'un rayon de soleil vermeil<br />
Et lèche le ventre bruni de la femme<br />
Ou pince gentiment son orteil.<br />
Allongés nos deux corps sur le sable<br />
Gagnons des rivages meilleurs<br />
À bouches confondues, adorable sœur.<br />
J'apaise ma soif sur la langue rosée<br />
Qui reçoit et lèche le baiser,<br />
Lèvres rouges de confusion désirables.<br />
712
La complainte folle<br />
Je ne suis pas celui qui honteux aime à jouir<br />
Des bas plaisirs malsains enfermés dans ta chambre<br />
Ma souffrance est sereine, Divine, je veux te dire<br />
Que l'instant de faiblesse est très beau, est très tendre.<br />
Hagard dans cette nuit, j'espère encore me rendre<br />
Et puiser l'eau hélas ! sans saveur et sans vie<br />
Viens donc tout près de moi, je suis doux j'ai envie<br />
Parfois la mort me prend des baisers sans m'entendre.<br />
Je ne veux pas souffrir O bichon sans royaume<br />
J'ai bercé des millions de jeunesses stupides<br />
Encore un cri, Seigneur, le démon me sourit<br />
Je le sais malgré moi là dans mon sein qui rôde.<br />
J'ai couvert de baisers tes plaies silencieuses<br />
Des parfums de saveur s'envolaient sans te prendre<br />
Si mon cœur est brûlé partageons bois et cendres<br />
Mes femmes étaient trop belles, je les voulais pleureuses.<br />
713
J'ai craché sur ma croix des vomissures immondes<br />
Et mes éclaboussures ont aspergé le temps<br />
Les esprits ont dansé sur des refrains des rondes<br />
Je suis mort étourdi écorché et sanglant.<br />
Les gras voleurs de sperme m'attiraient dans leur tour<br />
J'ai couru comme un lâche l'oeil hagard par les nuits<br />
O piéton suis-je sûr d'aimer encore l'amour<br />
Des déesses sillonnent mon âme sans un bruit.<br />
Fuyant le rôle idiot imposé par la Tombe<br />
Je suis mort épuisé sans ressources et sans cris<br />
Le torse plein de bières, je le montre, je le bombe<br />
Et je geins de douleurs, la souffrance est sans prix.<br />
Malgré moi, je supplie le secours de mes anges<br />
Le clochard rote encore les relents de ses bières<br />
Je suis seul, je le sais et parfois je dérange<br />
Les horizons nouveaux et les jolies bergères.<br />
Lié à une corde je voudrais m'étrangler<br />
Et lentement mourir obèse et sans rancœur<br />
Que ne suis-je après tout qu'une femme réglée<br />
Mouillant un peu de sang sans honte et sans douleurs.<br />
714
Je m'excite pourtant à joindre tous ces mots<br />
Le jeu abrutissant m'éloigne des lumières<br />
Je ris comme un gamin avec des rires idiots<br />
Je prétends aux plaisirs de l'enfance adultère.<br />
Pardonnez, bonnes gens, pourtant je me veux grave<br />
Je déteste le sucre et les bonbons fourrés<br />
Le diamant me plaît, mes putasses de <strong>pages</strong><br />
Crachent le jet puant à l'éditeur loué.<br />
J'ai honte, j'ai honte encore que puis-je, bonnes gens<br />
Reconnaissez l'infâme, sa crétine de vie<br />
L'inspiration est moche, cet homme est emmerdant<br />
J'achèterai chez l'autre car il pisse comme il rit.<br />
Jetons à la poubelle ces masses d'amertume<br />
Le poète est petit attendons qu'il grandisse<br />
Il cache tous ses mots dans des brouillards de brume<br />
Je le lirai demain, aujourd'hui je m'en fiche.<br />
715
Les Interdits<br />
Anatoles<br />
Le Londres de mon âme<br />
À la pâleur triste et mélancolique<br />
J’entends le chant mélodieux du cygne<br />
Qui pousse ses litanies exquises<br />
Qui glisse sur les vagues de la Tamise<br />
Un vieux Londres tout encombré de gris<br />
De traînées blanches de brouillards endormis<br />
M’enveloppe de larmes et de pleurs alanguis<br />
Tandis que je traverse le pont de Brodwy<br />
Je déambule dans ce cafard aux lumières noires<br />
Éveillé par les vagues néons de la nuit<br />
J’allume une cigarette et la fumée s’enfuit<br />
Dans l’épais brouillard traversé un soir.<br />
716
Je me suis perdu dans ce vieux Londres de Bakanal<br />
Et je poursuis une silhouette qui geint et qui râle<br />
C’est un moi-même qui dans la brume pousse un cri<br />
Le cri de désespoir de l’homme seul sans ami.<br />
717
Le triangle du plaisir<br />
Un triangle noir très érotique<br />
Où je me perds confusément<br />
Dans la folie d’amours rythmiques<br />
Je sombre heureux profondément.<br />
Des vagues de plaisirs enchanteresses<br />
Me déboussolent, je n’y peux rien<br />
Dans le bonheur de mes détresses<br />
Je ne parviens à faire le point.<br />
Comme un bateau en perdition<br />
Je flanche à bâbord à tribord<br />
Dans les roulis des contorsions<br />
Je me jette vers toi encore.<br />
Et je m’enfonce dans les bonheurs<br />
Des îles blanches de ma nuit<br />
En toi mon amour je m’enfuis<br />
Poussant mon vit jusqu’à ton cœur.<br />
718
Dans mes rêves d’insomniaque<br />
Je bois la tasse goulûment<br />
De tes sécrétions aphrodisiaques<br />
Et je m’enivre sexuellement.<br />
719
Mourir seul<br />
Je ne veux pas ce soir prendre ton corps, enfant<br />
L’étreindre de plaisir jusqu’aux lueurs du jour<br />
Caresser ce corps blanc pour qu’il se meurt d’amour<br />
Je désire pour ce soir m’endormir lentement<br />
D’un sommeil lourd<br />
Sans femmes et sans fantasmes<br />
Bourré d’alcool et de médicaments<br />
Pour oublier le temps qui court<br />
Qui court toujours<br />
J’accrochais mes rêves à la fenêtre ouverte<br />
Pour les voir s’envoler au premier vent d’été<br />
Comme des poèmes d’amour que l’on voulait cachés<br />
Et que des yeux de femmes hélas ont découvert.<br />
Je ne veux pas ce soit toucher ton corps brûlant<br />
Le calmer de baisers jusqu’aux lumières du jour<br />
Le bercer de passions pour qu’il se meure d’amour<br />
Je désire pour ce soir m’endormir lentement<br />
D’un sommeil lourd<br />
720
Sans femmes et sans fantasmes<br />
Bourré d’alcool et de médicaments<br />
Pour oublier le temps qui court<br />
Qui court toujours.<br />
Et j’espère regagner les pays les plus beaux<br />
Exilé solitaire, drapé dans un linceul<br />
Au paradis de l’âme, je n’aspire qu’au repos<br />
Mais bon dieu cette femme me laissera-t-elle seul ?<br />
D’un sommeil lourd<br />
Sans femmes et sans fantasmes<br />
Bourré d’alcool et de médicaments<br />
Pour oublier le temps qui court<br />
Qui court toujours.<br />
721
Des secrets oubliés<br />
Des secrets oubliés<br />
Dans ma mémoire profondément cachés<br />
Des souvenirs enfouis<br />
Dans le néant de mon histoire.<br />
Et des filles s’en viennent<br />
Et des filles s’en vont.<br />
Comment dérouler le fil de mes printemps<br />
De mes amours faciles<br />
De mes amours dociles ?<br />
J’ai tout perdu<br />
Les restes de ma vie<br />
Débris d’images de film<br />
Que je ne déroulais plus.<br />
Les souvenirs s’entassent<br />
Sur d’autres souvenirs<br />
Je n’ai pas vu ma vie<br />
Me manger mon avenir.<br />
722
Le temps comme des vagues immenses<br />
Me chavire et je me balance<br />
Comme un navire fantôme<br />
Flottant de pôle en pôle.<br />
J’ai sillonné toutes les mers<br />
A la recherche de ta conquête<br />
J’avançais dans des brouillards étranges<br />
Enveloppé de brumes blanches.<br />
723
La danse du revenant<br />
Dans la maison hantée<br />
Pleine de poussière<br />
Et de toiles d’araignées<br />
Un vieux revenant<br />
Traîne ses chaînes d’argent<br />
Pour effrayer les vivants.<br />
Il arpente la salle à manger<br />
La cuisine, la cheminée<br />
Et nous pauvres immortels<br />
Craignons d’être ensorcelés.<br />
C’est pas maman qui pique<br />
C’est pas papa qui coud<br />
Mais un fantôme fabrique<br />
Des tissus de cauchemar<br />
Quand sonne minuit<br />
À l’horloge du soir.<br />
724
Il gigote, il crie, il geint<br />
Dans une polka<br />
Pour effrayer<br />
Jusqu’au petit matin.<br />
Ses os se cognent avec vigueur<br />
Pour faire trembler nos pauvres cœurs<br />
Son corps se déchiquette<br />
En petits tas sur la moquette.<br />
On quitte la chambrée<br />
On fuit la nuit l’été<br />
Le sinistre revenant<br />
Nous poursuit en ricanant.<br />
Le triste revenant<br />
Avait une fiancée<br />
Qui l’a quitté<br />
Qu’il cherche depuis mille ans.<br />
Dans cette chambrée hantée<br />
Elle a consumé le mariage<br />
Avec un moribond<br />
Un mari de passage.<br />
725
Et d’autres sont passés<br />
Sur son impossible fiancée<br />
Mais jamais le revenant<br />
N’a pu être son amant.<br />
Fou d’amour épris<br />
Il se venge la nuit<br />
Et hurle à l’agonie<br />
Dans sa chambre de maudit.<br />
Il faut pas faire l’amour<br />
Devant le revenant<br />
Il se rappelle toujours<br />
Sa fiancée d’antan.<br />
Et c’est pourquoi il hante<br />
La chambre, la cheminée<br />
Et nous pauvres mortels<br />
Craignons d’être effrayés.<br />
Jeunes amours très belles<br />
Toute pures comme le ciel<br />
Évitez ce passage<br />
726
Même si vous n’êtes pas sages.<br />
À l’orée du bois<br />
Unissez-vous pourtant<br />
Il y aura des émois<br />
Et par le revenant.<br />
727
La mangeuse de décibels<br />
Rythme ton cœur<br />
À la lumière atroce<br />
Des projecteurs.<br />
Qu’il balance nerveusement<br />
Dans tes contorsions<br />
Presque éclatant.<br />
Et tu danses fille<br />
À faire crever ton corps<br />
Dans un terrible effort<br />
Ton ombre défile.<br />
Qu’il se cambre sexuellement,<br />
Comme un orgasme qui démange<br />
Tes cuisses chaudes de garce enfant.<br />
Jouis dans les pieds des musiques<br />
Des sons dysharmoniques<br />
Écoute, ne fais pas semblant.<br />
728
Prends ton envie d’aimer<br />
Aux rythmes secs et saccadés<br />
Bon Dieu veux-tu exister ?<br />
Veux-tu exister réellement ?<br />
Veux-tu jouir réellement ?<br />
Écoute ma musique<br />
Qui t’entraîne dans le paradis<br />
Dysharmonique.<br />
Dans la solitude du plaisir<br />
Tu t’éloignes du monde méchant<br />
Possédée comme satanique<br />
Mais jouissant d’un amour lubrique.<br />
Tu es seule à présent<br />
Dans le bain du monde ambiant<br />
Tu t’es noyée dans ma musique<br />
Tu t’en retournes au temps présent.<br />
729
New York en hiver<br />
Je lis dans la presse<br />
Les derniers résultats du jogging<br />
Accoudé au comptoir<br />
Mon café-crème est un ice-cream.<br />
Tout est froid en hiver<br />
Achète-moi un blazer.<br />
La p’tite qui mate en face<br />
Est plus jolie que Marilyn.<br />
C’est qu’elle m’a réchauffé le cœur<br />
Pendant je tremp’ mon croissant beurre.<br />
Elle m’fait planer<br />
C’est vrai qu’ell’ fait rêver.<br />
Que dirais-tu jolie poupée<br />
D’une nuit d’amour en plein été<br />
Sous le soleil des tropiques<br />
Avoue ça s’rait pas triste ?<br />
Ca s’rait pas triste,<br />
730
Avoue ça s’rait pas triste ?<br />
731
Roulis de sperme<br />
Roulis de sperme entre ses cuisses possessives<br />
Perversion du mal des femmes en chaleur,<br />
La flamme de l’ardeur s’est éteint dans ton cœur,<br />
Tu meurs de jouissance, o ma sublime ingrate !<br />
Fesses, rebondissez en gloussements stériles !<br />
Écartez les soupirs timides et languissants !<br />
Jetez vos formes dans les souffrances fébriles !<br />
Unissez le vice à vos charnels mouvements !<br />
Le vit se travaille avec application,<br />
Adorez-le, agenouillez-vous, ô mes très belles !<br />
Et quand bien assombries par la pâleur clémente<br />
S’échapperont de vos bouches des rumeurs félines,<br />
Humiliées, honteuses cachant votre pudeur<br />
Dans le drap bleu et rose, vous pleurerez de gène<br />
Ô beautés aux fesses écrasées, frappées,<br />
Laissant échapper le venin du sperme refroidi !<br />
732
Gémissement<br />
Il entra dans ma chambre par les lueurs nocturnes,<br />
La tapisserie se déroulait sous mes yeux bleus.<br />
Et c’était Michel Ange uni au Père Heureux.<br />
Un Léonard brûlait la mèche, j’étais taciturne.<br />
Je pensais encore aux épreuves, aux secousses,<br />
Agitations malignes, sataniques ou bestiales.<br />
Mon coeur est un tombeau où les femmes se couchent,<br />
Je n’ai point vu d’éclipse ni de nuits boréales.<br />
Mon amour s’est enfui pendant des décennies.<br />
Voilà déjà mille ans que j’espère ton âme.<br />
Ne sais-tu femme indigne quel jeu, ou quel drame,<br />
Je joue personnage burlesque vaincu des infamies ?<br />
Je t’aime, je te veux et te désire,<br />
Hélas mollement car mon sexe se lasse.<br />
De demain en demain en demain, ce plaisir<br />
Le connaîtrai-je enfin, toi dont le corps me fâche ?<br />
733
Ombres bleues<br />
Inspiration<br />
Mémoire rectifiée ; ondes vibratoires d'un état oublié ;<br />
souvenirs diffus de la pensée abstraite ; mouvement transmis.<br />
de la masse.<br />
Brassage, chaos, éruption ; idées soulevées, projetées au-dessus<br />
Échecs, espoirs, fusions, analogies.<br />
Voilà que je crée ! Voilà que je pense ! Grondements intérieurs,<br />
soufre, dégagements impurs ; à moi de chasser, d'accoupler - je voudrais<br />
tuer ce jeu crétin - je poursuis pourtant la métamorphose des mots.<br />
734
Les sublimations oniriques<br />
Les sublimations oniriques créent des délires optiques, fixent<br />
des mouvements ondulatoires.<br />
Âme, tu voltiges, cervelle, tu valses !<br />
La raison glisse, tourne, m'emporte !<br />
Fi de la conscience du cœur, retournant à l'état barbare, je<br />
propose les vices des sens et la jouissance spirituelle.<br />
royaume charnel.<br />
Je tue leur Dieu inconnu, - il n'existe pas. J'invente mon<br />
Après l'exploit sur quelques créatures soumises, moi Prince ou<br />
Démon je m'enchaîne à la vision de tous les sexes, de tous leurs<br />
excréments.<br />
Je me lave dans l'impur avec l'application impossible du corps.<br />
Mémoire tu me trompes, et je me soumets au réel de la vérité.<br />
Pour avoir acquis l'impalpable, je m'élève vers le réel, je<br />
735
m'éveille, hélas !<br />
736
Son génie étant inaccessible<br />
Son génie étant inaccessible à mon petit caractère, je me trouvai<br />
néanmoins en crétin mystique s'essayant à des génuflexions sur les<br />
carreaux de sa Maison et saignant des genoux sur les dalles de son<br />
église.<br />
Je fus, aux bords des confessions chuchotant ses vices<br />
pardonnés et ses chefs-d’œuvre lubriques, un maigre poète aux<br />
battements rougeâtres, et au sexe tendu vers des filles, les yeux au porno<br />
et à l'argent démuni.<br />
Tout se fit sombre et delirium absurde. Au lupanar, taureau<br />
sanglant, et brandissant ses..., je me tendis jusqu'à ce que les lapines de<br />
ma banlieue vinrent se jeter sur mon futal.<br />
737
J'oublie les quelques mots<br />
J'oublie les quelques mots<br />
qu'il me faudra écrire,<br />
Les mots quelconques que mon<br />
absurde me suggère.<br />
J'écoute la voix indistincte, je l'écoute.<br />
Je plonge dans l'immense néant<br />
de ma cervelle, entaille profonde vierge ou rouge.<br />
Il n'y a rien. J'ai dit : Rien !<br />
Roulez flots d'insomnies, grondez cascades hurlantes !<br />
Entraînez sur vos rives les sexes, les femmes et les morts !<br />
738
Abolir l'esprit<br />
Abolir l'esprit stérile, décapiter l'âme pensante.<br />
Il croit en soi, il se sait<br />
Il crée le Nul, il Est donc Rien.<br />
D'ailleurs il s'est tu,<br />
Le silence est sa raison parfaite.<br />
VIDE<br />
BLANC<br />
État de pureté cosmique.<br />
Dieu, sauvage, ou Robinson ?<br />
Rien dans le Néant.<br />
Le Néant, c'est déjà quelque chose !<br />
Il ne faut pas que le Néant existe.<br />
Zéro.<br />
739
Les longues formes<br />
Les longues formes oblongues voilées de lumières floues<br />
ondulent dans la pénombre de la chambre.<br />
La femme se pâme et caresse ses larges tresses aux reflets roux<br />
puis se propose et dispose de son amant jaloux.<br />
Offrant un corps nu à la croupe sinueuse, la belle s'étire<br />
sensuelle et trompeuse.<br />
Sa bouche rose et noire aux lèvres retroussées se donne pour un<br />
soir à un amant blasé.<br />
Les chairs s'appellent et s'emportent et la femme presque morte<br />
s'épuise à genoux.<br />
740
Je t'apprendrai<br />
Je t'apprendrai l'extase des sens, la sublimation d'un corps<br />
presque nu. Puis la pureté de l'esprit, vierge de tous les vices et de toutes<br />
les passions. Tu nettoieras tes souillures dans la poésie élevée. Je<br />
t'enseignerai peut-être le talent...<br />
Veux-tu l'excitation blanche de la vierge pénétrée ? La candeur<br />
moite des sexes qui se frôlent ? Je t'offre l'impossible et la perte de<br />
l'insouciance.<br />
J'ai osé comparer par le délire des images la toile de l'araignée<br />
si fine mais si gluante à l'hymen savoureux de la pucelle d'un rêve.<br />
741
Ombre bleue<br />
Ombre bleue, sombre, diaprée de douceurs très légères, il y a la<br />
source là-bas, modulée de senteurs exquises.<br />
Ombres soyeuses<br />
Ombres soyeuses, pleurez dans vos nuées presque bleues.<br />
Des vibrations<br />
Des vibrations cosmiques se cristallisent dans l'air impur. Et toi,<br />
tu t'attendris langoureuse en extase au rythme régulier d'un amour qui te<br />
prend. Sais-tu que ma conscience vole, que mon corps s'extirpe hors de<br />
toi, ma très douce et ma très tendre substance humaine ?<br />
742
Courses de salives<br />
Courses de salives. Cours d'eau<br />
Des baisers amoureux, aimés,<br />
Langoureux.<br />
Salives des langues parfumées.<br />
Tourbillons ronds des pointes<br />
Tendues, aiguisées, collées<br />
Pour une durée courte d'éternité.<br />
Silences des yeux aimantés,<br />
Fermés, envoûtés.<br />
Ombre. Ombre des sens derrière<br />
L'arbre. Paix, sécurité,<br />
Qui a soif d'amour exalté<br />
Derrière l'arbre.<br />
Il y a l'ombre puis le clocher<br />
Qui circule en rond<br />
Avec son coq rivé<br />
Grinçant.<br />
Il y a nous contre l'arbre<br />
743
Roulés, noués, embrassés<br />
Dans l'été dans l'herbe des prés.<br />
Amours, amours pour s'éterniser.<br />
744
Chute du pauvre<br />
Chute du pauvre crispé dans son orage. Serpentins, filigranes et<br />
souffrances aux soleils noirs par un affreux printemps d'automne. Ici,<br />
c'est la mort. Et point de cailloux à rouler !<br />
Enfin je demeure crétin et amoindri. O les rayons blêmes, par<br />
ici, par en dessous.<br />
Mais moi Seigneur, il est que mon esprit vole !<br />
Petites inutilités de sang versé rougissant la terre verte - mais la<br />
place est prise avec mille douleurs !<br />
745
Ce qui frappait<br />
Ce qui frappait, ce qui choquait c'était cette impossibilité à<br />
donner au Hasard une valeur réelle, déterminée.<br />
Je me concède le droit au luxe et à la beauté.<br />
C'étaient une insinuation, un non-sens.<br />
Les fluides cosmiques traversent en paraboles étoilées les<br />
voûtes et les constellations du Christ - écrivais-je. Je pensais à l'Action<br />
Divine. Il n'agit qu'en décharges émotionnelles. Imaginons la Force<br />
rééquilibrer son monde avec des flux psychiques.<br />
746
Poïétique<br />
Plusieurs fois vint un Camarade, le même, cet autre, me confier le<br />
besoin d'agir : que visait-il - comme la démarche à mon endroit<br />
annonça de sa part aussi, à lui jeune, l'occupation de créer, qui paraît<br />
suprême et réussir avec des mots ; j'insiste, qu'entendait-il<br />
expressément ?<br />
Stéphane Mallarmé<br />
Quant au Livre<br />
Objet indistinct ; noirceurs éphémères de l'intellect. O la<br />
puissance totale de soi ! Et ces visions brouillées - compensations<br />
tardives d'un rêve en oubli ? Et ces jeux et ces règles indivisibles,<br />
accouplés dans le plus abstrait des desseins ?<br />
La dynastie des très riches - l'effort violent du défavorisé. O<br />
race, race d'hommes accomplis ! Nous chercherons encore !<br />
***<br />
747
Mémoire. Diphtongues et syllabes dans ma cervelle.<br />
Accumulations d'idées fixes. Penchants, renversements, attentes. Espoirs<br />
d'un temps infini. Étrange conquête de l'indécise échappée. Valeurs<br />
intuitives comme repères du temps et de l'espace.<br />
Modulations des termes employés. Architecture indépendante<br />
de ma volonté. Saturation vers le son aigu qui crisse ses avant-dernières<br />
syllabes. Puis ce silence qui résiste... qui résiste.<br />
seule - la mienne.<br />
Explosions. Rumeurs de multiples voix coordonnées en une<br />
***<br />
Pour que, subtilité sonore, le vers soit intense jusqu'à son<br />
exquise vibration finale.<br />
Quelque explosion buccale par la lèvre diffuse, haute note dans<br />
l'oreille amoureuse.<br />
barbares.<br />
Certains crissements entendus en mélodies ! - Amateurs<br />
748
La libération du son comme une retenue qui s'écoute, joue au<br />
rythme des cordes vocales.<br />
L'écrivain, refuse le produit brut.<br />
À la clarté de se dire, je crois l'entrevoir.. Il, le mot, s'échappe<br />
sous l'ombre. Parfois syllabe sonore comme l'écho perturbateur, ou<br />
insiste à vivre sur la feuille et démange l'auteur jusqu'à sa trouvaille. Des<br />
minutes et des refus.<br />
Puis nouvel autre cas : deux lettres, en exemple ces lo, qui sont<br />
l'ombre, moi-même, l'obsession ou dans le lieu naturel, l'onde.<br />
Je pense alors sa suite, qui refuse de se donner. Et rien d'autre !<br />
Elle seulement et ne veut s'oublier !<br />
Il existe aussi ce travail rudimentaire par le Livre, un tantinet<br />
surréaliste quand le Hasard accouple deux mots, page x : salle ; page y :<br />
il se célèbre. J'en obtiens - la salle célèbre, etc.<br />
Le reste s'acclame modestement à la faveur de l'artiste. Merci.<br />
749
coups rarissimes.<br />
Des combinaisons éternelles quoique peu d'heureuses - bons<br />
Et l'Inconnu ? Ne nous leurrons pas : inexplicable.<br />
Le moule - le cristal - la lumière - lumineuse salle - (ci-dessus,<br />
par facilité), bal, mousselines drapées - ballerines - théâtre, artifice.<br />
Par analogie, la scène naît petit à petit.<br />
(piteusement).<br />
La lecture puis la réminiscence. Calquez des styles<br />
Mais ce travail nocturne est source de cent manières différentes<br />
- les noter serait pénible et gâcherait mon Mystère.<br />
750
La femme. Avant moi, certains ont dit : transfert sexuel pour la<br />
sublimation de l'Art. Des contre-exemples dans la littérature démontrent<br />
que ceci n'est guère fondé.<br />
De l'agitation et de la crise. Ainsi le cerveau secoué, stimulé<br />
avec des pleurs ou des rages de rire est heureux présage. L'explosion<br />
nerveuse - volcan grondant puis bombes de lave - le livre brûlant,<br />
matière pure jaillit du Néant.<br />
L'envoûtement stérile n'est qu'un état de poésie. L'alchimie<br />
incantatoire sortie des braises multicolores ne phosphore en rien.<br />
dans l'Œuvre.<br />
L'apport spirituel du fantôme, résidu de nullité, d'insouciance<br />
Le Duel, la vibration douloureuse et l'explosion du verbe - Rien<br />
- Le Néant toujours recommencé.<br />
L'uniforme m'invite à me haïr.<br />
Les grâces obséquieuses du XVIIIe : ronds de jambes, sonnets<br />
déclamés à la Pompadour !<br />
L'effet de nature, archaïsme romantique, bannit la découverte;<br />
751
sinon la transformer par la révolution de la fin du siècle. Je sais : elle<br />
obsède. Sa présence perpétuelle - support inépuisable de monstres et de<br />
facilités.<br />
Il a écrit : les bras de cristal, les vallons bondissent. Je n'admets<br />
plus ceci.<br />
Je résiste.<br />
Expérience - Détruire l'entourage. Et forcer sur le vers abstrait,<br />
avec l'application d'une philosophie.<br />
À la merci de se contredire.<br />
Un Non-Moi se pense. Actions insoupçonnées du frère<br />
invisible. Il est né, se cache. Support de l'intelligence.<br />
La loi de l'original subit un conflit de démantèlement.<br />
L'insondable est accusé par l'élite dormant autour des<br />
manuscrits - le renvoi fait ici acte de justice. Ceux qui cassent le droit à<br />
publier sont de vils ignares appréciés une faction de temps. Qu'est-ce<br />
pour l’Éternité ?<br />
Maintenant qu'il m'a dicté, je me comprends.<br />
752
***<br />
Ne craignons jamais la présence du Spectre. Il attise de son<br />
brouillard incessant la légende de l'immortel. (D'autres descentes<br />
sérieuses des maîtres aimés sont à envisager...).<br />
Ne pas non plus éclairer le mystère d'une plume d'or glissante<br />
sur la page vierge ! Se taire est de rigueur.<br />
Le public invisible pour l'artiste, présent mais pareil au sot<br />
lecteur.<br />
Aucun de la pure échappée n'admet le vertige sinon le fumeur.<br />
A éviter la crétine recette employée par certains.<br />
fonctionnement.<br />
Au poème présent, un s'inquiète et analyse le système et son<br />
Comique !<br />
Le plus niais (des centaines) invoque bras dressés aux Cieux.<br />
Ci-là, moi stupidement croupissant au centre de brouillards<br />
invisibles - le spectre ou quinze. Indice romantique.<br />
753
***<br />
plutôt buccale.<br />
Le vers n'est point animé. Le chant s'enroue derrière la vocalise<br />
La concentration de purs substantifs, cela est après tout le<br />
système de l'effort.<br />
Tu noteras Stéphane que l'hôte perspicace, un toi-même<br />
redescendu ici bas, s'élève accroché par sa cervelle aux points<br />
d'interrogations.<br />
furent attrapés.<br />
L'appât n'était qu'un vermisseau gigotant. Les gros poissons<br />
J'appelle cela aussi de la mystification.<br />
Vous subissez peut-être une crise de découvertes.<br />
Oui, les Venues poussent l'enfance à la constante déclamation :<br />
le qui suis-je banal.<br />
Au lieu de s'émerveiller de la Décadence, cherchons le<br />
traitement dans les règles de vos écoles poétiques.<br />
754
Esthétiquement, le chef-d'œuvre est impossible.<br />
L'accumulation des non-sens condamne le langage - le vôtre.<br />
Ici pourtant point de folie, la logique absurde est chère à la<br />
mathématique élémentaire.<br />
ouf attendrissant.<br />
Bornons-nous à souffler sur la mèche de la dynamique avec un<br />
Je parle encore de l'échec. L'expérience a mené au vide et à la<br />
nullité de soi-même.<br />
faciles.<br />
Quelques études de mot dans un contexte de synthèse des plus<br />
Par le contraire d'une fonction dont j'ignore l'origine.<br />
Le feu grouillant de cendres versées à chaud sur le carré blanc.<br />
***<br />
L'Analogie est l'épouse comblée. Elle ignore le mécanisme<br />
755
cérébral qui provoque l'érection. De la naïveté dans sa jouissance<br />
continuelle.<br />
Ce compte, cet accent injustifiés.<br />
L'accent : de la grosse-caisse dans une symphonie littéraire. Je<br />
cherche en vain à écouter les violons, cors et cuivres.<br />
Je détruis pourtant la viole, la harpe, la flûte de roseau. Les<br />
pleurnicheries du pâtre et de l'ange !<br />
Le compte : il prétend ne pas s'échapper du cadre. Certains,<br />
peintres coupent la moitié de la chevelure comme elle déborde des<br />
limites imposées, - ce cadre justement.<br />
***<br />
composer.<br />
Il faut agir dans les silences. Obtenir des cris, des blancs et<br />
Le nul comme repère - norme.<br />
L'évidence ainsi est souhaitable.<br />
756
Causer de son expérience, cela ne révèle de rien comme chaque<br />
poète est une unité en soi-même, un cas unique.<br />
Dire : je sais, est absurde. J'ai vu à ma manière, avec ma<br />
méthode, mon système, ma culture, est plus juste.<br />
L'amical mystère de sa magnifique obscurité décharge ses<br />
lettres par le messager : moi, le médium.<br />
Voilà pour se dire : tâtons de la fréquence des pulsions<br />
cervicales à raison de cinq heures par nuit.<br />
Le mélange des sonorités outre la parole, cherche l'écho<br />
musical. Je dirige l'ensemble incohérent, ne me crispant point sur la note<br />
fausse.<br />
Admettons que l'ensemble des signes ne suffise pas à imposer à<br />
l'amateur le rythme désiré, l'intonation. Il y a ce causeur qui lit avec son<br />
sentiment. La pièce n'est plus reconnaissable. Le poète est tué.<br />
Toute la similitude hors la contrainte de l'exercer.<br />
À la nuance, peut-être d'un rapprochement relatif à l'exactitude.<br />
757
Retourner, âme molle vers l'extérieur.<br />
La démarche sécurisante du romancier.<br />
Vécue par la somme de soupirs, elle incline la tête alourdie que<br />
le travail a fortifiée. Restent l'éveil transitoire et maints bruissements<br />
passés que le souvenir stimule encore.<br />
Ici-bas, s'exerce l'attraction, dérision de chair, le cœur. La<br />
Muse, à le stimuler joue depuis vingt siècles..<br />
***<br />
Un préjugé de quelques heures - le doute, l'angoisse. Puis la<br />
reconnaissance, mais l'enthousiasme vit caché profondément inexistant.<br />
Cela et cela seulement entraînait l'action : Moi-même qui vit.<br />
Oui, le suicide. La perte de Soi. Enterré, croupissant dans le<br />
silence, il produit. A la demande spirituelle de quelque ombre éparse :<br />
pourquoi t'enfermes-tu ?, je réponds : il ne se dévoile pas.<br />
Surtout garde-toi de rompre la caressante intimité. Le déluge de<br />
pensées et ses somptueuses lumières du dedans !<br />
758
Un idiome suspect dont je rejette le sens et la signification.<br />
Tout confondu d'idées malsaines, de pensées rares. Je connais des<br />
raisons étymologiques douteuses. La valeur de mes académies s'écroule<br />
sous la poussière, sous les marbres et les arabesques.<br />
Je jouis pourtant d'une certaine Renaissance, d'un état tendu<br />
après maintes absences.<br />
***<br />
Plusieurs en ont tiré des idées fort instructives - leçons<br />
d'égoïsme, récitations de stoïciens. Le contrôle de soi-même incite les<br />
âmes les plus cruelles à s'autodétruire. L'effort s'exerce dans les<br />
pressions secrètes, avec ces étranges démangeaisons cérébrales, et les<br />
coups obscurs se plient au raisonnement.<br />
L'incertitude d'agir - la variable des désirs conditionnent le<br />
présent parce que le sujet souffre d'être né et de n'être pas.<br />
***<br />
La mémoire réalise de fort judicieuses randonnées dans son<br />
passé. Dommage que je sois obstruée par vous, pensait-elle.<br />
759
Tout le silence, toute cette science découle de l'image tournée,<br />
détournée puis effacée par le mensonge.<br />
La règle de la substitution est indispensable à la poésie secrète<br />
ou alchimique. IL ne s'agit point ici de permuter des axiomes, de dériver<br />
des lois. Seule compte cette capacité unique à favoriser de nouveaux<br />
nombres, tout en niant leur essence et leur utilité.<br />
L'accouplement des belles lettres. Ces signes nous conduisent<br />
incessamment à l'art moderne ! En aucun cas, il est conseillé de jeter le<br />
bagage encombrant des trois cent cinquante dernières années.<br />
Je dis : par la multiplication des idées, nous dérivons.<br />
Maintenant l'heure est à relire l'Ancien. J'entends l'Autre -<br />
intimement moi, soupirer en vagues de déception. Il dit : parodie<br />
d'imitation - désenchantement de pensées algébriques.<br />
Quant aux <strong>pages</strong>, elles sommeillent là, dans l'hiver silencieux.<br />
L'ordre ? Quel renouveau ? Elles se cueillent en un cent. Agir ou se taire ?<br />
Vaste trésor sans l'analogie, ou Idée d'un poème futur ?<br />
Calme-toi, accouplement divin. Retiens cette substance,<br />
760
mémoire infinie. Ne disperse pas ces flux et ces reflux de haute pensée.<br />
Il était un soleil à l'heure éternelle de minuit flottant, assis sur<br />
un support invisible.<br />
Je ne veux pas que ton souffle d'amour irradie tout à coup mon<br />
corps, mon âme à honorer.<br />
Ignore celui qui t'a vu, comme l'homme ignore le travail<br />
besogneux de la fourmi.<br />
***<br />
À trois ans d'âge, le casanier sauvage pareil à Robinson amasse<br />
les trésors sans l'ombre de faux.<br />
Je suggère plus au mot, qualité de couleur, de vibration<br />
émotive, qu'à la répétition d'un spectacle. Je le déclame : il n'y aura<br />
jamais de faiseur de roman à cette table.<br />
mort.<br />
L'œuvre s'accumule avec le journalier labeur - le miracle est<br />
Il dit : Génie ! Qu'engendre l'appel ?<br />
761
Par l'absolue incompréhension, ce silence est nécessaire. Or<br />
point de mode, ni de vente directe à l'éditeur. Je conseillerai jusqu'au<br />
bout à s'entêter à ne pas tirer.<br />
Quant à l'ami spirituel - un identique dédoublé - je néglige la<br />
part heureuse du Hasard qui le place sur l'épineuse route.<br />
Solitaire - éternellement.<br />
La femme ne peut être le stimuli ardent. Je la sais ronger l'heure<br />
immédiatement présente avant l'exécution.<br />
l'an.<br />
La générosité. Perdre à cent coups réguliers et vaincre une fois<br />
de l'Autre.<br />
La satisfaction éphémère hors l'admirable naïveté pour le Livre<br />
La muse absente, la magique opération cérébrale s'active à la<br />
remplacer. L'objet suspect romantique regagne sa tombe.<br />
Démystification.<br />
Maintenant et en toute heure ainsi soit-elle ! chair libre jusqu'à<br />
la fin des écoulements.<br />
762
Les os désormais attendris par les muscles qui les couvrent,<br />
s'entrecroisent pour l'érotique ballet - satisfaction des pauvres démunis<br />
d'art sensuel.<br />
Elle est neutre, s'enfonce, frappe n'importe où dans n'importe<br />
qui. Règles du séducteur parfait, et encore et ailleurs !<br />
***<br />
L'éveil magique dans les petites violettes.<br />
La présence du soir, baiser d'ombres molles.<br />
C'est le vaste désenchantement pour nos yeux à cerner. Le<br />
manuel érotique et la tentation stupide. Enfin un Mal crétin.<br />
solitude.<br />
Je t'appelle Évidence comme je ne t'aperçois qu'aux heures de<br />
La percée l'oblige à se dévêtir.<br />
En mal de patience, nous insistons malgré nous dans l'Absurde.<br />
763
Je te soumets chère vieille étude, mes rôts cacophoniques, mes<br />
accents de tambour, mes jérémiades de saltimbanque.<br />
À quand la leçon du savoir parler ?<br />
764
Sueurs sacrées<br />
Expulse les sueurs<br />
Expulse les sueurs sacrées, extases du Bien et du Mal, organes<br />
du savoir et du sexe.<br />
Belle solitude d'ivresse, âme vierge entourée du néant invisible<br />
à leurs yeux, insensible à leurs cœurs, tu proposes le poème jamais lu,<br />
toujours vin et jamais bu.<br />
S'il te faut l'image, l'horrible facilité, la terrible inutilité, je me<br />
tais et je te hais. Cherche dans ta cervelle, crache sur ton fantasme et<br />
crée ton monde, possède l'immonde.<br />
765
Ils sont torturés<br />
Ils sont torturés, ceux dont le devenir dépend de Dieu. A se<br />
purifier toujours, ils subissent le châtiment de l'ange.<br />
la belle franchise.<br />
Exerce le jeu stupide du réel absurde. Consacre ton savoir vrai à<br />
Entre la plaie et le plaisir, l'orage de sang et l'orgasme qui ment,<br />
ne choisis que le délice, que le délire.<br />
de ton Néant.<br />
La semence du Mal engendre beautés bien faites dans la terreur<br />
766
L'aube laiteuse<br />
L'aube laiteuse engendre le soleil tremblant du vieillard sénile.<br />
Toute vie exprime la mort. Tout cri de vie explique le remords de vivre.<br />
Sur ton sein de femme, je me suis déjà plu.<br />
Plus je pense, plus je souffre. Plus j'orgasme, plus je prêtrise. Je<br />
pourrais ignorer mes actes de vie, si je ne me savais moi-même.<br />
Appelle la mort<br />
Appelle la mort, ton bel espoir. Dans l'éternelle nuit, elle vomit<br />
ses torrents d'éclairs, phosphore et savoir. A toi de dépecer le coeur de la<br />
chair, l'ignoble du sublime.<br />
Toujours dans ta torture, supplie ton innocence. A te frapper, ils<br />
s'habituent pour leur plaisir.<br />
Une idée d'initiative, d'invincible tentation ; imperceptible,<br />
probable, respectée pour sa recherche.<br />
767
Ombre d'or<br />
Ombre d'or<br />
Délire d'extase<br />
Au feu bleu qui s'embrase,<br />
Meurent nos amours topaze.<br />
L'âme belle rêve d'exil<br />
Du coeur blême<br />
Qui toujours sème<br />
Pur son sublime.<br />
Sombre mort<br />
Soupir de femme<br />
La fleur feue s'évade,<br />
Pleure et s'enflamme.<br />
Larmes, douleurs subtiles<br />
Fiels ou malheurs<br />
La foi décline<br />
Dans sa stupeur.<br />
768
Quand tu seras capable<br />
Quand tu seras capable d'éprouver le vrai plaisir de la<br />
souffrance, ils s'échapperont en hurlant ceux dont le désir était dans ton<br />
doute spirituel.<br />
Aigre dans la torture, le châtiment dure. Facile est le plaisir de<br />
Dieu à faire souffrir nos corps.<br />
Tu donneras au feu le sang du Texte Sacré. Tu préféreras<br />
l'ignorance à l'audace remplie de Mal, je veux dire, le vice cruel.<br />
Dans le chemin des invisibles<br />
Dans le chemin des invisibles, si tu croises la beauté du Savoir,<br />
viole-la, frappe-la jusqu'à lui faire cracher, vomir ou saigner la<br />
connaissance interdite, les sublimes secrets du Bien et du Mal.<br />
À l'ombre molle, succombent les fleurs folles ! À l'aube claire,<br />
s'exaltent les flammes qui espèrent. Du néant au savoir l'incompétence<br />
sublime s'exalte jusqu'à l'obtention de l'impossible devenir.<br />
769
Extase d'agonie<br />
Extase d'agonie<br />
Agonie vers la Mort<br />
Je prie je supplie<br />
Le bon plaisir encore.<br />
Orgasme infini<br />
Infini quand tu dors<br />
J'implore à ta vie<br />
De recevoir mon corps.<br />
Ultime éclair<br />
Éclair vers la Mort<br />
Sublime est la chair<br />
Qui espère encore.<br />
Le cœur foudroyé<br />
Se meurt effrayé.<br />
770
À noircir le poème<br />
À noircir le poème tu prétends à l'intelligence, incapable que tu<br />
es à te comprendre et à savoir les autres.<br />
Cache-toi derrière l'hermétisme, complexité du géomètre. Si tu<br />
me vends, tu pourras accuser ton génie.<br />
À la limite, mieux vaut être apprécié par la fille d'or que par<br />
l'éditeur d'argent. J'en tire plus de bénéfices, plus de gloire même crétins.<br />
Imitez, jeunes poètes, X Y, qui ne sont rien, qui jamais<br />
n'existeront par leurs écrits, ainsi vous serez publiés.<br />
Initiez-vous à la poésie, à la composition jeunes hommes,<br />
forces vaines de mon demain. Qui de vous ou de moi sera ?<br />
771
Nous avons tout perdu<br />
Nous avons tout perdu, nous qui prétendions connaître le futur.<br />
Nous avons exalté des marionnettes que nous avons prises pour des<br />
momies. De ce silence éternel ne vit que l'exhibition crétine de nos sens<br />
atrophiés.<br />
Je souffre<br />
Je souffre par mon Baudelaire, extase de son génie et<br />
déchirements éternels ; à la première force de Valéry, je deviens sensé et<br />
je pense pareil à Monsieur Teste, erreur freudienne d'un esprit qui se<br />
voulait sublime. Je tue Rimbaud, sa vie, son œuvre. Je refuse son<br />
anarchie vulgaire. Il se meurt trop tôt d'avoir brûlé le feu de ses entrailles<br />
et de son sang. Je calque Mallarmé, petite force sublime, capable de dire<br />
non à ce Dieu qui existe. Je rejette Claudel, puissance d'orgueil par sa<br />
croyance en Christ.<br />
Je m'agenouille devant Racine. Grand et pur ! Fat et<br />
présomptueux, mais si conscient de son immortalité. Hugo me dérange :<br />
il unit la prostitution à l'ange. Sa grandeur à sa bêtise. Je lui octroie<br />
pourtant d'être le premier.<br />
772
J'apprends de Kafka l'absurde et le non-sens. J'en tire un certain<br />
malaise. Nietzsche me rend puissant, jusqu'au danger de la gloire<br />
hitlérienne. Sade caresse, frappe mon corps jusqu'à l'obtention d'une<br />
jouissance terrestre. Freud ne m'a enseigné que sa psychopathologie.<br />
Tu es femme<br />
Tu es femme avec tes pluies jaunes, tes extases sanglantes, tes<br />
odeurs que je possède avide. Tu te détruis par les symboles sacrés de tes<br />
jambes fines, de tes fesses rondes. A toujours t'imaginer je finis par te<br />
tuer.<br />
La femme faite image par ton génie n'est point femme. Elle<br />
noie ses couleurs dans l'extase de touches fines.<br />
Je conseillerai à l'artiste peintre de posséder son ange, et non<br />
pas de le reproduire par le trait accompli.<br />
773
Le brouillard<br />
notre ignorance.<br />
Le brouillard a ceci d'émouvant qu'il nous permet de savoir<br />
Le poète : le cuisinier de la nature. Il recompose avec le crée.<br />
Nouvelle cuisine : fruits et légumes pour assortir la viandasse.<br />
octave.<br />
Je te permets de souffrir, mais de grâce élève ta voix d'une<br />
Je roule mon or<br />
Je roule mon or, substance pure de ma conception. Et je<br />
m'écroule dans les horreurs de mes créations. Feu rouge, haine des<br />
entrailles. À jouir par le Mal, je ne subis que la justice des Irréels.<br />
774
Être sans être<br />
Être sans être, exister sans vivre. Au-delà de la passion du réel,<br />
par-delà l'impossible de créer se meurt une forme nouvelle, s'éteint la<br />
norme à inventer.<br />
Se suffire à soi-même<br />
solitaire.<br />
Se suffire à soi-même, là est la seule exaltation du délire<br />
Possède-toi dans l'excès, recrée l'homme uni à la femelle. Il y a<br />
par toi la brise, la caresse, la blancheur du matin. Il y a en toi l'odeur de<br />
ton pus, l'excrément de ta chair.<br />
Fais des enfants. Ton enfant. Acte pur du savoir uni au Néant.<br />
La folie mène à comprendre que l'on n'est pas fou ; comme<br />
l'amour charnel détruit le corps de l'autre.<br />
775
Si tu es vainqueur<br />
Si tu es vainqueur, tu ne seras que le grand perdant. L'unique<br />
contre la masse bêlante de ce troupeau assoiffé.<br />
contre tous.<br />
L'homme a toujours raison, plus encore dans son système. Seul<br />
Tu t'en retourneras au principe de l'ermite, le grand sage<br />
incompris de ce peuple.<br />
À celle qui saigne<br />
Le pubis plus rouge que les feux de l'enfer. Un plaisir plus<br />
brûlant que les désirs de la chair.<br />
Tu te donnes, volcan de flammes pour des soupirs. Tu brûles le<br />
brouillard de tes interdits.<br />
Et tu exploses en gerbes de délire, de cris en orgasmes à en<br />
mourir.<br />
Une agonie plus morte sur le lit qui expire. Une folie du corps<br />
jouissant de la femme qui espère.<br />
776
La jeune fille belle<br />
La jeune fille belle naissant sous son marquis d'ombres,<br />
haranguait la pulpeuse ivrée du matin. D'or et de bronze, toutes deux<br />
vêtues vociféraient parmi les flots de Palmyre, les écumes. Elle et son<br />
ombre, pour les sueurs les plus étroites.<br />
Ô les chaleurs exquises<br />
Ô les chaleurs exquises et les douces sueurs qui perlaient de tes<br />
cuisses ! Ô l'extase interdit et leurs souffles de soupirs respirant nos<br />
haleines !<br />
Sur ton tiède soleil, j'inventais un orgasme. Sur ta poitrine belle,<br />
je créais le plaisir.<br />
777
Il y avait cette fille<br />
Il y avait cette fille tiède à l'aisselle piquante et son fruit mûr<br />
respirait dans mes plaintes.<br />
complaintes.<br />
Il y avait cette fille, et son cri pur gémissait dans mes<br />
Lentement, je me souviens. Doucement, il me revient.<br />
Ne sois pas ce toi-même<br />
Ne sois pas ce toi-même qui toujours en se haïssant, ne<br />
découvre que le vide de son Néant.<br />
Invite la femme belle à partager ta semence, redeviens l'amant<br />
exquis enivré de ses soupirs et charmes.<br />
Il te faut t'émanciper, nier le savoir des anciens. A présent, tu<br />
dois vivre, et exister par toi-même.<br />
778
Ô les senteurs<br />
Ô les senteurs délectables des interdits et des tabous ! O les<br />
parfums violents qui fleurent leurs douceurs exquises ! Je me repais de<br />
ces courbes sensuelles et de vos cheveux prisonniers qui m'attirent vers<br />
vos possessions.<br />
Ô femmes<br />
Ô femmes plus délicates que le vent, j'aspire à la Sainte beauté,<br />
à l'effluve vaine de mes pensées. Je vous hais, et vous supplie encore !<br />
Invoque ton délire ; supplie-le dans ton fantasme. Et ton âme<br />
qui court de femmes en femmes, de poèmes en soupirs pourra enfin le<br />
transcrire.<br />
L'aurore tiède<br />
L'aurore tiède de son souffle blême, j'ai dit l'aurore - et ses<br />
milliers de feux qui se meurent dans la clarté - j'ai dit l'amour. Il me<br />
souvient de mes orgasmes ...<br />
779
Ô les filles sublimées<br />
Ô les filles sublimées de jouissance exquise, ô les femmes<br />
parfumées de senteur divine, j'offre mes semences aux moiteurs froides<br />
de l'été, je donne mes délivrances aux sueurs étranges de mon passé.<br />
Qu'elles existent, qu'elles soient, elles seront toutes des<br />
magiciennes du fantasme et de l'orgasme, ô toutes belles que j'ai à<br />
jamais et toujours désirées.<br />
C'est donc la femelle<br />
C'est donc la femelle à l'ongle acide, et les hommes se meurent<br />
de souffrances autour. C'est donc elle, la femme à la robe citrine et les<br />
formes d'hommes pleurent de jouissances et d'amours.<br />
Et toi plus belle que mes douleurs, tu gis dans l'orgasme de mes<br />
pensées. Ne te saurais-tu douce immortelle qu'en des plaisirs d'images,<br />
qu'en des fantasmes d'idées ?<br />
780
Ombre d'or<br />
Ombre d'or qui soupires à l'ombre de la mort, expulse tes<br />
dernières touffes d'air pur, propose ton ultime spasme de jouissance.<br />
Ô clarté vaine qui danses sur les flammes de l'espoir, voltige et<br />
baigne ta candeur première, et fais saigner ta douceur d'ignorance.<br />
Vibre mon exquise langueur<br />
désirs,<br />
Vibre mon exquise langueur, soupire ma sublime douceur.<br />
À t'entendre prolonger tes cris, à t'écouter plonger dans tes<br />
Me vient l'envie de te déchirer, de te posséder d'extase.<br />
Monte en moi le besoin de faire hurler ton fantasme.<br />
Et les morts sont mes songes, grandes pensées parfaites !<br />
781
Éloge de l’orgasme<br />
Au plus beau de la femme<br />
Au plus beau de la femme, il y a le bouton à éclore, il y a la<br />
bouche rose à colorier. Tel peintre ou tel poète à parfumer, à former de<br />
roses. Il y faudrait un bouquet de larmes ornées.<br />
782
Fille rêvée à ma jouissance<br />
Tes délires hurlent<br />
L'envie d'un désir.<br />
A toujours te morfondre<br />
Tu roules sous les ombres.<br />
Ne sais-tu point<br />
Que l'orgasme<br />
S'obtient dans le fantasme<br />
De mes puissantes nuits ?<br />
Espère encore le drap moite<br />
Et la saveur d'un doigt court !<br />
Jouis toujours de mon soupir<br />
Toi qui veux à ta chair m'unir.<br />
783
Nombre d'or<br />
Nombre d'or qui purifiez le monde, bronze de mort qui<br />
sublimez les ombres, j'exprime les formes, j'explique les normes de mon<br />
superbe jusqu'à mon irréel.<br />
Nous écoutions la brise vaine et le papillon zélé ; nous les<br />
entendions dans les espoirs de nos amours.<br />
Tu animes<br />
Tu animes ton corps fille longue aux jambes infinies, qui<br />
propose le rythme sacré du serpent, de la cadence sublime dans le temps.<br />
Et tu disparais, beauté de grâce, génie de femme qu'endort la nuit dans<br />
mes espoirs interdits, pour mes fantasmes et mes folies.<br />
784
Toi, plus blême<br />
Toi, plus blême endormie dans le rêve des douceurs, ô douceurs !<br />
et ton haleine tiède comme feu qui expire.<br />
J'écoutais battre lentement le rythme incertain de tes cils,<br />
j'entendais s'écouler la sève sublime de ta lèvre.<br />
Ton orgasme voltigeait d'espoir en fantasme, s'écrasait<br />
bêtement dans le cercueil de mes bras, et je te berçais dans les folles<br />
intempéries d'un naufrage ou d'un navire délirant.<br />
785
Ombre d'azur<br />
Ombre d'azur toujours<br />
Vous soupirez d'amour ;<br />
Ombre de mort encore<br />
Vous priez mon remords.<br />
N'ai-je point dans l'espoir<br />
Exprimé toute gloire ?<br />
N'ai-je point au soupir<br />
Offert tous mes désirs ?<br />
Sombres purs à jamais<br />
Tombez : je me défais ;<br />
Tombes d'or cet exil<br />
Je m'en vais dans mon île.<br />
Vous criez mon départ,<br />
Désir d'espoir hagard ?<br />
Vous implorez ma mort ?<br />
Craignez ; je tue mon corps.<br />
786
Mais ta chevelure<br />
Mais ta chevelure est un parfum qui m'obsède,<br />
Et je noie mon ivresse dans tes boucles tièdes !<br />
Fleur d'extase qui resplendit dans son pourpre de satin,<br />
Fille de nuage tout alanguie sur le souffle du matin,<br />
J'endors l'orgasme, odeur de feu, bien-être heureux mais<br />
lointain,<br />
Je pleure mes larmes, douleurs d'un mieux, fou paresseux mais<br />
souverain.<br />
787
La faucille sanglante<br />
Les portées inconnues<br />
Les portées inconnues sillonnent jusqu'à l’Éther. La harpe sur le<br />
coeur, j'entends les symphonies. La gloire des anciens resplendit dans<br />
mon âme. Écoute, écoute et vibre aux cris harmonieux de tes maîtres.<br />
Ai-je mal, souffrirai-je encore à l'appel des morts ? Ils sont rongés par<br />
les vers, mais leur musique sonne encore.<br />
Nous n'étions, ce soir-là<br />
Nous n'étions, ce soir-là que deux sexes, qu'une seule<br />
mécanique amoureuse pour satisfaire les besoins de nos corps. Nous<br />
n'étions que râles, plaisirs et jouissance sublime. Nous avions posé nos<br />
têtes sur la table de chevet, et nos corps pensaient.<br />
Un coeur contre un sein, une bouche sur des lèvres, des ongles<br />
qui se griffent, des mains qui se cherchent. Il y avait le silence de nos<br />
langues, seulement les cris de nos sangs.<br />
788
Ai-je compris, ai-je enfin compris que seul le plaisir existait<br />
comme un moment d'éternité que l'on retenait pour ne pas vieillir, pour<br />
ne plus se voir vieillir surtout sous les draps ?<br />
L'aurore<br />
au Néant.<br />
L'aurore hurle car son aube terrifiée s'est suicidée, se crucifiant<br />
détresses.<br />
Jeunesse qui ne cesse de mourir, ô jeunesse qui ne sait que<br />
Plus il pense<br />
Plus il pense, moins il sait ; plus il comprend, plus il souffre.<br />
Ses éclairs sont déchirements dans les cris de la mort.<br />
Les mémoires ont miroité dans des espoirs qui respiraient<br />
l'avenir. Les noires ombres ont déformé les mémoires que miroite<br />
l'espoir.<br />
Suffis-toi de toi-même<br />
Suffis-toi de toi-même, homme au coeur qui saigne les<br />
supplices de ton âme.<br />
789
Nos deux ombres s'accrochent dans la vallée des pendus.<br />
Nous n'étions que deux cœurs qui cherchaient leur amour,<br />
tournés vers la Mort.<br />
L'aurore bleuit, la dorure fleurit ; commençons par créer le<br />
monde, par croire en notre espoir.<br />
Avec son sexe, il expulse ses tortures. Avec son âme, il amasse<br />
ses horreurs dorées. Il crache son soufre âcre, il boit l'acide souffrance.<br />
790
Par-delà le savoir<br />
La victime du Divin est plus riche que l'aimé de Satan. Je ne te<br />
consolerai pas de tes maux, mais j'embrasserai tes larmes.<br />
Il y a un feu dans le foyer, l'âme danse sur des flammes.<br />
Par la magie du savoir, ton esprit tremble. Écoute ce cœur<br />
frémir pour le Bien et le Mal.<br />
Le cœur couleur pensées, lumières ou ténèbres comme l'âme<br />
qui croit et se désespère.<br />
Nous n'étions que des spectres drapés dans les linges du lit,<br />
qu'invisibles formes dans l'ombre des nuits.<br />
unis.<br />
Je perce ton sexe jusqu'au néant des orgasmes, âme et corps<br />
791
Corromps la chair<br />
Corromps la chair qui dresse et crispe les traits dans ses cris.<br />
Foudroie les airs que dessine, par le prisme, l'espoir qui s'enfuit.<br />
Il ne reste que substance blanche dans le lit des danses, que<br />
sublime chance pour le plaisir scandé.<br />
Au séjour nuptial, nul n'est convié exceptée la Mort, orgasmes<br />
des amants unis dans leur ciel pour le Néant.<br />
792
Si tu consens à la torture<br />
Du moins si tu consens à ta torture, que ce soit pour ta<br />
purification suprême.<br />
Embrasse l'objet du Mal, car seul par le Mal tu créeras.<br />
Le vice nuptial est de loi, n'est pas interdit. Le bonheur sadique<br />
est raison du poète, devient l'instrument de ses dires.<br />
Satisfais-toi d'embrasser la Mort, de la soumettre à t'entendre<br />
toujours. C'est l'Immortel qui se joue pour ton âme, dans leurs haines.<br />
793
À une loi<br />
À une loi, tu es poète. À sa raison, tu le deviens. Mécanique de<br />
chiffres, de primaire arithmétique, il ne reste rien.<br />
Tu vends l'image, ami du nuage.<br />
Sublime ton esprit d'espoir, d'envie de trahir ton âme. Illumine<br />
ce néant de vie pour aimer la mort.<br />
La grâce venue, nous purifions les âmes. Par le génie de<br />
l'intelligence, nous élevons la masse. La poésie est au sublime ce que la<br />
médecine est à la chair.<br />
Que les dix premiers hommes du Monde me lisent et la<br />
civilisation avancera.<br />
Qu'importe d'être compris, il faut être lu.<br />
794
Poète<br />
Poète, toujours tu sauras la Vérité. Tu te nourris de présences<br />
immortelles, de savoirs spirituels. Énergie d'espoirs, ton devoir sera<br />
d'instruire les âmes.<br />
Prophète du réel, compris après ta mort.<br />
Je te connais le loup, je t'ai aimé le chien. Crocs et caresses sont<br />
cicatrices dans mon corps. Je voulais toujours vous trahir par ma haine,<br />
je rêvais de toujours vous frapper d'amour.<br />
Nous avons soudain connu l’Éther, masse spatiale des airs. Nos<br />
corps se sont enflammés, esprits et chair unis.<br />
Qui charnel dans la noire nuit, imprégnera nos ailes du soupir<br />
des colombes ? Qui s'élèvera ?<br />
795
Poussière de sel<br />
Poussière de sel, au gré de l'amertume qui vole.<br />
Âme de l'homme torturé pour la Force Divine.<br />
Console-toi de ton désordre ; l'horloge sonne l'horreur des<br />
métaphores. N'imite pas les hommes qui mêlent les nœuds de<br />
l'imaginaire.<br />
Une fois Dieu vu, c'est la folie de l'ombre. Et la misère règne<br />
sur la mort. Le miroir vrai semble Satan, ou Christ.<br />
d'autres temps.<br />
L'horloge de mon coeur sonnait à d'autres heures, frappait<br />
eussions aimés.<br />
Il fallait rapprocher les aiguilles de nos midis, nous nous<br />
796
Sur ta perle rose et noire<br />
Sur ta perle rose et noire<br />
J'ai embrassé l'éther<br />
L'amour est désespoir<br />
Ou plaisirs amers.<br />
dressé.<br />
Belle dans sa chevelure profonde jusqu'à la pointe de son orteil<br />
La beauté était nue drapée dans ses soies blanches. La beauté,<br />
triste, indifférente, contemplait au plafond les lustres vieux.<br />
797
Je subirai<br />
Je subirai des tortures triomphales, et j’accéderai aux<br />
souffrances premières. Saint, mystique, oint ou poète, la postérité m'est<br />
assurée.<br />
Je supporterai l'absurde dans le Néant de mes idées. Voltigez,<br />
armures d'ivoire ! Je vous enterre, chairs douces inviolées !<br />
J'ai haï l'implacable rigueur. Muse invisible, pourquoi m'avoir<br />
frappé à coups de triques ?<br />
798
Spasmes, suffocations hideux<br />
Spasmes, suffocations hideux dans la bouche qui délire,<br />
pourquoi ai-je joui sous l'orgasme que je hais ?<br />
Toujours, si tu détruis que ce soit avec l'instrument de la Bible.<br />
Nous lancerons au serpent le couteau pour que son venin se<br />
mêle au sang de nos plaies.<br />
Quand on a mission d'éveiller, on commence par bailler. Le<br />
premier souffle putride est pour soi.<br />
Génie du Mal qui compose !<br />
799
Qu'importe<br />
Qu'importe de comprendre à cette heure, du moment que l'on<br />
comprend avant les autres.<br />
800
Les maudits<br />
Prières<br />
Nous ne serons que ces maudits inconsolables, que ces poètes<br />
haïs par les anges de l'au-delà. Nous resterons toujours les puretés<br />
tachées de vomissures, expulsant des crachats et des vices par la forme<br />
du poème.<br />
Le prêtre m'exorcisa avec ses prières tandis que je l'éclairais<br />
avec mes prophéties de mystique. J'annonçais la parole vraie, le savoir<br />
des initiés. Qu'a-t-il compris quand les chemins se sont croisés ?<br />
J'ai vécu<br />
J'ai vécu, réveillant le Mal qui croupissait autour de mon âme.<br />
Dans les nuits affreuses, j'ai crié cherchant à le chasser plus haut, dans<br />
l'exil.<br />
Lieu d'épouvante, infernale chambre, pour quel amour quand<br />
chair et corps se consument dans les braises du Démon ?<br />
L'ombre console du présent, nous étire vers l'avenir.<br />
801
Les archaïques mystères<br />
Les archaïques mystères s'écroulent sous les vastes règnes des<br />
générations de notre futur.<br />
Ici, tout est au savoir, tout est à la découverte suprême.<br />
Petits vieillards hypocrites, nous nous faisons cyniquement<br />
entretenir sur les restes de la postérité d'Hélène ; nous nous alimentons<br />
sans vomir les déchets crachés sur les tombes de nos poètes.<br />
Vous et moi ne serons que les résidus d'un festin ancien. Car<br />
eux seuls participaient aux repas de sang royal.<br />
Refusons l'accouplement avec la Béatrix ou la Pompadour,<br />
dédaignons les flots de mousselines et les coïts impossibles !<br />
Hélas la jeunesse convoite les belles images, s'enorgueillit à<br />
imiter les desseins d'hier, et surcharge les perfections intouchables !<br />
802
Il est clair<br />
Il est clair,<br />
Chair libérale et odorante,<br />
Que l'ombre noire<br />
Voltige, butine<br />
Autour de tes cruelles senteurs<br />
De miel.<br />
Il y a la fleur<br />
Qui de sang sexuel<br />
S'excite, s'épanouit<br />
Sur tes hymens à déflorer<br />
Sans violence.<br />
Mais moi Seigneur<br />
Voilà que je déflore très haut<br />
Atteignant les portes étroites<br />
Et les sources d'ombres<br />
Du paradis.<br />
À présent, retour au lieu<br />
Des chairs, ici-bas.<br />
Et frotte et pousse et grogne<br />
803
Pour des plaisirs à assouvir.<br />
Je hurle je force je m'enfonce<br />
J'obtiens le ciel par le sein<br />
À bénir de son lait<br />
En substances enrichies.<br />
804
Lumières et chasteté<br />
L'Azur ainsi de bleutés<br />
S'enivre ou s'exile<br />
Vers l'astre du bel été<br />
Il s'éclaire de parures,<br />
Il décline lentement<br />
Sous la ligne du Mort.<br />
Choisis, parabole changeante<br />
Les purs feux de l'exil !<br />
Car ton âme transparente<br />
Est revêtue de soies immobiles.<br />
805
L'invisible<br />
C'est bien de s'instruire qu'il faut parler ici. Tout est algèbre,<br />
ordre, organisation, complexes littéraires. Je dis encore : topologie, plan,<br />
structures syntaxiques, mais la jeunesse jamais n'écoute, et agit avec<br />
innocence.<br />
Apprenons à l'enfance poétique les chiffres qu'elle ignore,<br />
éclairons les jeux d'ombres, les mystères, les alchimies. Pourquoi tant de<br />
virginités confondent allure littéraire quand tout est axiomes, lois, règles<br />
et travail intensif ?<br />
806
Mémoire ; murmure<br />
Mémoire ; murmure ;<br />
Saphir ; cristal ; miroir.<br />
Les seins de Florence,<br />
Les colombes presque bleues.<br />
Féeries mes amours.<br />
Les lourdes chevelures<br />
Couronnées de parfums<br />
Et quelques d'ivresse ;<br />
Spectres royaux :<br />
Réveils d'ombres, aurores,<br />
Las vapeurs fluides<br />
L'incandescence du ciel<br />
L'envol dans le bel Azur<br />
Votre très douce Sainteté<br />
Marie, de grâce, voilée pieds nus<br />
Et les transparences ailées.<br />
Mes violons, vos harpes, ces violes<br />
La légèreté des accords mélodieux<br />
Et vous, mes anges, tourbillons de blancheur.<br />
807
Frigide que je délivre<br />
Frigide que je délivre<br />
Du pur hymen ancien<br />
Par un choc d'élan ivre<br />
La tête frottée contre ton sein<br />
Ou viole sans que s'y perde<br />
Sous la touffe jaune ou blonde<br />
L'arme aiguisée comme une bielle<br />
Le flot écoulé par ton onde<br />
Qui veut vierge ne doit<br />
D'un coup précis du doigt<br />
Rompre l'anal secret<br />
Et gâcher le bel essai<br />
Un soupir quand je recule<br />
Te tient à chaque écartement<br />
En arrière tu hurles<br />
Frigide que je délivre<br />
Au plus profond des mouvements<br />
808
Riant si clair<br />
Riant si clair à la lune<br />
Drapée blanche<br />
Ou de mousselines apparue<br />
Fille à la jambe jaune<br />
Voltigeant à la joie de la danse<br />
Comme si Prince vu<br />
Dans l'ombre du rêve imaginaire<br />
Soufflé par le soupir de la brise.<br />
Puis toi glissant hors de tes habits<br />
Et nue et rose aux fesses<br />
D'un tracé joli.<br />
Courbée et gracieuse<br />
Par le corps qui s'anime<br />
Mais lui dans la secousse du sommeil<br />
Te tue dans le rêve enfoui.<br />
809
Ô toison d'or<br />
Ô toison d'or<br />
Rêve que nul n'éteint<br />
Dans l'ombre des noirceurs.<br />
Ici c'est à la lumière<br />
Violette d'Igitur<br />
Qu'il faut phosphorer.<br />
Mais génie de vertige<br />
Ou de fumées embrouillées<br />
Les nettes ou sales vapeurs<br />
M'ont déjà enveloppé.<br />
Si quelque riche Prince<br />
Glisse sur les poèmes d'or<br />
À la clarté de s'ensoleiller<br />
Qu'il vienne s'enivrer.<br />
810
Les stigmates profonds<br />
Les stigmates profonds ensorcelèrent mes plaies. Le sang violet<br />
et l'or blond coulèrent dans mon cœur et dans mon âme comme des flots<br />
de substances alchimiques. Je me suis nourri dans l'ombre des secrets,<br />
illuminé à la flamme intérieure. Et le génie phosphorescent éclairait<br />
parfois mes regards.<br />
Souhaite toujours<br />
Souhaite toujours que la mort belle compose avec son mal,<br />
qu'affreuse, elle frappe sous la torture. Espère encore la destruction et le<br />
carnage. Chien haineux, tu te purifieras, tu grandiras.<br />
811
De frigides roses<br />
De frigides roses qui se délivrent<br />
Toutes les mêmes à reculons<br />
Avec des coups secs et profonds<br />
Dans leur Néant devenu ivre.<br />
Belle, sens-tu l'amant qui te délivre,<br />
À force coups de chocs et percutions ?<br />
Cette virginité enfin se rompt ...<br />
Nu, m'enfermant dans ton secret profond,<br />
Sans que je m'y perde, ou la viole<br />
La rose imprégnée d'arômes blonds.<br />
812
Toi, glaciale chasteté<br />
Toi, glaciale chasteté,<br />
Un sexe tendu sans plaisir<br />
Analement enfoncé<br />
Ne put te faire languir.<br />
Mais délire ! Voici que Sodome,<br />
Guerrier d'amour agenouillé<br />
Culbute la gamine chatouillée<br />
Dans un élan que personne<br />
Pas même le Vice déglandé<br />
Ne saurait mieux te prendre<br />
Aux fesses rondelettes écartées<br />
Allant et venant pour se répandre.<br />
813
Exil<br />
L'aurore<br />
L'aurore constellée de paillettes d'or, court vers l'azur,<br />
échappera à la nuit qui résiste, désire l'obscurcir et la maintient encore<br />
accrochée à sa voûte voilée.<br />
Les délires<br />
Les délires glissent sur les zones azurées - déplacements de<br />
couleurs, de sang noir, de souillures, de taches grotesques, d'ordures<br />
exquises.<br />
814
Ce soir, la lune<br />
Ce soir, la lune est plus triste, plus sinistre encore. Des taches<br />
verdâtres s'écoulent lentement, s'étirent avec paresse et animent<br />
mollement les formes ombreuses du belvédère.<br />
Je m'accoude avec négligence sur les rebords de cette terrasse,<br />
et je respire les profusions immenses du ciel pur.<br />
Phénix<br />
Inanimé, pulvérisé, réduit en cendres, en négligence<br />
d'excréments, le poème renaît, revit, s'active irrésistiblement par<br />
l'essence du mépris.<br />
Il faut apprendre à souffrir pour être poète.<br />
Je donnerai l'effort, l'estime, la grâce divine à tous ceux qui<br />
pourront soulever l'Irréel.<br />
815
Auras, gemmes<br />
Auras, gemmes dans les sales puretés tachées de sang et de pus.<br />
Partir là-bas sur les ailes vastes de l'exil. Oui, fuir toujours plus<br />
loin nos demeures et nos terres.<br />
Nous nous arracherons du mystère sombre et ancestral.<br />
816
Phrases<br />
La petite brume<br />
La petite brume polissait la pièce de cuivre un soir que Dieu<br />
était avare de ses pépites d'or.<br />
Qu'est-ce qui nous coûte à nous les trahis, les volés, les<br />
possédés ? La paix et son immense calme dans la nudité de la nuit.<br />
Une étincelle de minces éclairs, et les nouveaux flambeaux<br />
illuminent mon oeil intérieur.<br />
Lustre trempé de blanc sous le tiède matin, activité ruisselante<br />
qu'absorbent les reines d'or.<br />
Vers la clairière vagabonde, sautent, se bousculent les<br />
enchevêtrements des filles chatouillées.<br />
817
*<br />
Ho ! Les toisons jaunes ou noires des cuisses roulant dans les<br />
bruyères et les herbes tendres !<br />
Des sifflements alertes de merles rouges dans les règles diffuses<br />
du ciel. Je volerais facile dans les crèmes violettes des cieux, là-bas.<br />
Agenouillé dans les graisseuses nuits, je m'embrume à<br />
l'approche des roses assoiffées. J'obtiens un brouillard de rêve.<br />
Le soleil comme un éventail jaune et fumant écarquille son gros<br />
oeil, et vise la clairière fluide de ses douceurs printanières.<br />
Ho ! La mine satinée du crépuscule, la tête voilée d'un puceau<br />
rougissant. Encore le divin qui fait ses caprices !<br />
818
*<br />
L'aube de l'ange. Il voltige, tournoie, tourbillonne sur lui-même.<br />
Ho ! Les éclats argentés, les scintillements parmi les quartz de cristal, les<br />
neiges et les poudres de lessive transparentes aussi.<br />
Il s'illumine en petite fleur magique, en sainteté aux couches<br />
inviolables, plus pur que les colombes de cristal. Il se place très haut<br />
comme sa loge artificielle est vacante.<br />
Tel qu'un mystique en lévitation, mon aura rouge et or projette<br />
ses vastes rayons massifs autour de mon génie phosphorescent et parfois<br />
blanchâtre.<br />
derrière l'Enfer.<br />
Je m'exile tout simplement dans une humble patrie, plus haut,<br />
819
*<br />
Les anges bouillent d'impatience, et plongent leur tête dans les<br />
tissus de soies, sortes de nuages mousseux évaporés en fumées grisantes.<br />
Les vagues délicieuses se lèchent les dentelles bleues, les<br />
broderies blanches. Baisers mouillés sur la lisière du sable pétillant.<br />
Je ne ronge pas la lune, je ne la peinturlure pas de vert, je ne<br />
l'offre pas au croyant comme une hostie. Ici, je me propose de l'invoquer<br />
à une autre raison d'être.<br />
Renonçant à quelque aventure dans l'oubli, j'observe la nature<br />
des bêtes pareil à mes anciens très stupides. Je retourne à la<br />
contemplation des feuilles, des roses - objets inutiles.<br />
*<br />
820
M'éveillant à la droite de la femme molle, j'obtiens néanmoins<br />
la chevelure tiède et l'haleine transpirée par la bouche plaintive. Absence<br />
de tous mouvements. L'habit nocturne recouvre la chair laiteuse, puis il<br />
se rendort très rêveur.<br />
C'est l'altercation prodigieuse pour nos corps momifiés. La<br />
magique mécanique des sexes qui se meurent. Enfin le principe de<br />
progression des races comme les glandes se dilatent encore.<br />
Maintenant et en toute heure, ainsi soit-elle ! chair libre jusqu'à<br />
la fin des écoulements.<br />
821
*<br />
Tes rires retroussés sur les bords de tes lèvres, et tu souris<br />
d'extase comme l'enfance ébahie.<br />
T'entendre dire le son câlin des mots, c'est que peu de délires se<br />
cognent dans ma tête.<br />
Je courais à toute escapade, à tout mouvement. Je courais<br />
haleine molle, cœur ramolli, jambes dans mes épaules. Oh ! je n'avançais<br />
pas !<br />
La métamorphose de la femme. Sa chevelure jaune se fait<br />
boucles d'argent ; ses pendentifs se balancent à ses oreilles, émeraudes<br />
ou diamants. Les draps sont des étoffes rares d'Égypte, de Babylone, de<br />
Syracuse etc.<br />
822
Avec comme pur dépucelage<br />
Avec comme pur dépucelage<br />
Rien qu'un pénis aux cieux<br />
Du plaisir rien ne se dégage<br />
Qu'un peu de sperme poisseux.<br />
Sexe tout jutant par-derrière<br />
Si tu le prends si tu en jouis<br />
Coquine glousse et accélère<br />
Serre ces larges fesses rebondies.<br />
Timides on va redescendre<br />
Dans le Néant de ta chambre.<br />
Toujours tendu qu'il m'apparaisse<br />
Entre tes mains quand tu le presses.<br />
823
Ne tarde pas<br />
Ne tarde pas saison charnelle,<br />
Je cours m'ensoleiller chez Adèle.<br />
Tout à coup Mademoiselle<br />
Qui voulûtes<br />
Vois se diversifier un peu<br />
Les objets de mes luttes,<br />
Je vous pris par-derrière<br />
Refusant le Missionnaire<br />
Sans Missel de soupirs<br />
Au ciel vain je vous fis languir.<br />
*<br />
824
Pour que subtilité sonore, le vers soit intense jusqu'à son<br />
exquise vibration finale.<br />
*<br />
Quand la folie serre la cervelle de l'intelligence, celle-ci se<br />
compresse si violemment qu'il en sort une substance qu'on appelle Art.<br />
*<br />
Les divagations chimériques, pâles, pleureuses, se meurent de<br />
lassitude universelle tandis que la Méthode réduit le monde en axiomes,<br />
normes et règles.<br />
825
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME V<br />
ANNÉES 83 - 94<br />
Le livre blanc 83<br />
Les sonnets 84<br />
Les lozes 87<br />
Souffles nouveaux I 93<br />
Souffles nouveaux II 94<br />
Grappillages 85-93<br />
826
Le Livre blanc<br />
Va, mon cœur amoureux<br />
Va, mon cœur amoureux caresser la charmante ;<br />
Va longtemps respirer sa douce odeur d’amante.<br />
Quand ivre de vertiges tu sauras t’endormir,<br />
Sa folle chevelure sera un long soupir.<br />
Toutes tes passions mêlées dans un grand rêve<br />
Vogueront lentement vers la mer qui s’achève,<br />
Et comme le tangué qui berce le bateau,<br />
Seront baisers d’écume sur le roulis des flots.<br />
Évade-toi toujours ; tes puissantes pensées<br />
Comme font les marins dans leurs cœurs oppressés,<br />
Seront colombes blanches dans l’ombre qui expire.<br />
Mais au matin songeant au rêve qui délire<br />
Te réveilleras-tu aux bercements des eaux ?<br />
Mais, ô mon corps, entends les pleurs des matelots !<br />
827
Quand j’aurais épuisé<br />
Quand j’aurais épuisé ma semence charnelle<br />
Dans tes gémissements, ô ma douce cruelle,<br />
Quand le noir repentir sur la couche d’extases<br />
Saura trop me punir de l’horreur des orgasmes,<br />
Je plongerai mon cœur dans ses froides ténèbres,<br />
J’éclairerai mon âme de ses torches funèbres,<br />
Et regagnant ce lieu que tu ne connais pas<br />
J’irai maudire mon corps d’aimer tous tes appâts.<br />
Et peut-être verrai-je à la clarté du Mal<br />
Descendant l’escalier de mon vice infernal<br />
De ces vers resplendir le feu des passions ?<br />
Dans la nuit son phosphore rongera mon remords<br />
Et me fera mourir de pénétrer ton corps,<br />
Ô mon sublime objet, sombre tentation !<br />
828
L’indifférente<br />
Ô sublime beauté, sirène de mes songes,<br />
Quand mon âme se noie, je crois voir et je plonge<br />
Dans l’élixir des eaux, extase de mes nuits<br />
Profondeur inconnue qui lave mon ennui !<br />
Et ton corps apparaît perlé de gouttes d’or<br />
À l’épave enivrée qui s’attache à tes bords.<br />
Ma détresse infinie appelle ton amour<br />
Qui hurle, naufragé, le cri de son secours.<br />
Que t’importe, inhumaine que les pleurs dans ma voix<br />
Implorent l’impossible de mon terrible effroi ?<br />
- Tu ne sais qui je suis, tu ne sais où je vais !<br />
Dans le rêve étoilé il faut donc inventer<br />
Un cynique poète qui se rit d’exister<br />
Du moins pour oublier cette vie à jamais.<br />
829
Connais-tu la torture<br />
Connais-tu la torture infligée par la Mort,<br />
Descendue ici-bas pour corrompre ton corps ?<br />
As-tu subi du ciel l’horreur de l’envoûté<br />
Qui croyant en son Dieu n’aurait jamais douté ?<br />
J’étais pur, j’étais vierge !, et j’avais vingt années<br />
Quand ces monstres vicieux sont venus me frapper<br />
Accusant ma jeunesse de péchés inconnus.<br />
Dans mon corps transparent, mon esprit allait nu.<br />
Terreur du possédé, je suppliais toujours<br />
Et mes cris imploraient l’espoir de l’au-delà.<br />
Mes poings étaient crispés, et je tendais mes bras.<br />
Ha ! Je hurlais mes douleurs sans connaître l’amour<br />
Que ce Dieu insensé m’avait alors promis ;<br />
Car la Force céleste au Mal m’avait soumis ...<br />
830
La conscience de l’amante<br />
Je pourrais pour te plaire prodiguer sur ton corps<br />
Les caresses insensées qui chassent les remords<br />
Et donner, mon amour, sur ta chair déjà lasse<br />
Les plus profonds baisers que ton désir embrasse.<br />
Je pourrais t’infliger les sublimes détresses<br />
Que ton âme envoûtée supplie dans ses ivresses,<br />
Et frapper sur ton coeur les fantasmes sanglants<br />
Que ton esprit vicieux implore en gémissant.<br />
Mais je sais qu’éloigné de la passion charnelle<br />
Éclairé du génie par la flamme éternelle,<br />
Tu vis dans ton Néant que je ne connais pas.<br />
Jamais je ne saurais en mes superbes poses<br />
Proposer de mes charmes les folles métamorphoses<br />
Et offrir au poète la beauté des appâts.<br />
831
La chute vers Satan<br />
Ce monstre sans pudeur sait torturer les âmes<br />
Et peut par sa terreur les plonger dans l’infâme ;<br />
Il aime unir au goût de la lubricité<br />
Le plaisir de souffrir dans son atrocité.<br />
Son génie prend le charme de la métamorphose<br />
Et offre sa beauté dans de sublimes poses ;<br />
Il crée le désir noir de la vile tentation<br />
Aux esprits inspirés de basse prostitution.<br />
Ce démon, par son vice, veut jouir de toute chair ;<br />
Il inflige au croyant la joie du possédé,<br />
Ce besoin de subir le rythme saccadé.<br />
Son alchimie du corps fait oublier l’éclair.<br />
Et plus fort que l’ivresse de la femme et du vin,<br />
Il purifie par l’homme le baiser du Divin !<br />
832
Il vous faudrait oser<br />
Il vous faudrait oser sans rougir de contraintes<br />
Activer sur mon corps ses cris et ses complaintes,<br />
Il vous faudrait bercer de baisers les plus doux<br />
L’amant et le poète qui aiment à genoux.<br />
Mais vous me proposez, ô femmes impudiques<br />
Sous vos caresses viles des positions lubriques,<br />
Et vous vous prosternez, insouciantes à mes yeux<br />
En vos plaisirs sublimes, exaltés d’odieux.<br />
Je préfère à vos corps la chair de la bergère<br />
Parfumée des senteurs enivrées de bruyère,<br />
Je préfère la pudeur à vos horribles appâts.<br />
À moins que toutes deux, par vos chaleurs exquises<br />
Vous sachiez m’exciter, ô divines marquises,<br />
Sur le sofa d’extases qui subit nos débats.<br />
833
La belle soumise<br />
Je supplie ton sadisme de me frapper encore,<br />
De faire hurler d’extase les passions de mon corps ;<br />
Je veux que ta torture engendre mon fantasme,<br />
Que le sang et les pleurs saccadent mon orgasme.<br />
J’implore tous tes vices, monstre de cruauté.<br />
Que ton viol inhumain s’unisse à ma beauté.<br />
Je veux dans la souffrance atteindre le plaisir,<br />
Et faire jaillir en spasmes les enfers du désir.<br />
Il est que je ne puis pareille à ces amantes<br />
Éprouver le bonheur des amours nonchalantes.<br />
En ces caresses tendres, il n’est pas de soupirs.<br />
J’infligerai longtemps à ma chair qui expire<br />
Les hurlements d’horreur qui toujours me condamnent<br />
À n’apprécier l’amour que dans l’horreur du drame.<br />
834
Le tortionnaire repenti<br />
Il cherchait dans l’excès des jouissances cyniques,<br />
Le plaisir tyrannique de posséder un corps ;<br />
Des haines et du besoin de torturer encor,<br />
Il plongeait dans l’horreur des souffrances physiques.<br />
La semence expulsée, son symbole sexuel,<br />
Le poussait tout entier vers des transes barbares,<br />
Pareils à des vaudous dans leurs danses tribales,<br />
Avant de profiter de l’offrande charnelle.<br />
Il nourrissait sa nuit de fantasmes maudits,<br />
Il créait en son âme les sublimes interdits,<br />
Dépeçant les humains, les cadavres et les morts.<br />
Après avoir tué, satisfait de ses crimes<br />
Coulaient sur ses joues rouges des pleurs et des remords,<br />
Des sanglots de pitié qui priaient ses victimes ...<br />
835
Il faut pleurer ce Dieu<br />
Il faut pleurer ce Dieu d’infliger ces tortures<br />
À la masse d’humains implorant vers les cieux<br />
Des prières de paix contre un monstre odieux<br />
Qui toujours se complaît dans les cris des blessures.<br />
Je connais ton extase, ô beauté immortelle,<br />
Et je bois à ta source, assoiffé de l’envie<br />
De jouir des présents que compose ta vie<br />
Éloignant au plus loin les souffrances charnelles.<br />
Il est que mon sublime s’inspire de ton corps<br />
Et chasse de son âme ses passions et remords<br />
Refusant l’au-delà qui jamais ne m’inspire.<br />
Je goûterai longtemps les plaisirs de ta chair<br />
Me vautrant dans le lieu du bonheur qui délire<br />
Voyant peu dans l’azur le signe d’un éclair.<br />
836
Légende bretonne<br />
Quand les noirs goélands voltigent dans l’air pur,<br />
Dans la baie de Penmarc’h irradiée de soleil,<br />
S’en vient se fracasser sur l’horizon vermeil<br />
Un cri agonisant gémissant vers l’azur.<br />
Le pleur d’un trépassé en souffrances obscures<br />
Supplie dans la bruyère dorée d’ocre, et réveille<br />
Les anciens naufragés aux douleurs immortelles<br />
Se souvenant encore de leurs combats impurs...<br />
Les légendes bretonnes racontées tous les soirs<br />
Autour des cheminées amplifient les mémoires<br />
Des vieilles dentellières assises près du feu.<br />
Il paraît que les nuits favorables aux esprits<br />
Les mourants se levant, les bras tendus vers Dieu<br />
Implorent leur pardon sur la mer infinie.<br />
837
Si dans le bel azur<br />
Si dans le bel azur tout empourpré de rose,<br />
De mon esprit zélé chassant son noir morose,<br />
Ô ma Dame d’Amour de mon âme égarée<br />
Peut se faire par ton cœur ma croyance dorée,<br />
Je veux sur mes genoux implorer tes complaintes<br />
Et prier par ta grâce mes douleurs et mes craintes.<br />
Ô ma blanche irréelle invisible à mes yeux,<br />
Je veux punir longtemps tous mes péchés odieux.<br />
Et peut-être sensible aux terreurs qui m’enlacent,<br />
Seras-tu dans mes songes éloigner les courroux<br />
Et frapper en Enfer les Malins qui menacent ?<br />
Ma douceur est si pure, la prière qui absout<br />
Peut-elle justifier la belle délivrance<br />
Toi qui sais que le feu est bienfait de souffrance ?<br />
838
Lorsque dans le futur<br />
Lorsque dans le futur j’irai avant mon âge<br />
Et partirai mourir avecques mes tortures,<br />
Le torrent de mon sang fera de longs murmures<br />
Et nourrira mon nom de ce triste langage.<br />
On entendra longtemps la souffrante complainte<br />
Maudire dans l’au-delà l’horrible destinée<br />
Que le Dieu ou la Muse dans mon infortuné<br />
Parmi de mauvais anges infligeaient à ma plainte.<br />
Mais les plus orgueilleux prétendront de sagesse<br />
Que le Mal prodigué n’est que juste largesse<br />
À mon coupable esprit qui n’a point existé.<br />
Et jamais dans leur cœur ne cueillant un soupir<br />
Un sot ricanement couvrira mon gémir<br />
Que Satan bénira de m’avoir possédé.<br />
839
Le sage et l’insensé<br />
Le sage et l’insensé unis dans leurs délires<br />
Sauront par leurs propos accuser mon jeune âge,<br />
Et du génie poltron pleureront leurs soupirs<br />
Ou mieux se fâcheront de violente rage.<br />
“Ainsi, se diront-ils, du savoir de Pascal,<br />
De quel droit ose-t-il imiter les Pensées ?<br />
Végéter au désert comme le noir chacal,<br />
Ou pareil à l’ermite dans son âme rester ?”<br />
Si telle la beauté je dois offrir mon corps<br />
Au premier courtisan qui voudrait l’admirer,<br />
Quel serait mon mérite dans l’ombre de l’effort ?<br />
Si tel un bon esprit doué à tout venant<br />
Pour quelques belles lettres l’on veut m’apprécier<br />
Ne serais-je précieux ou du moins en pédant ?<br />
840
Il me faudrait, se veut<br />
Il me faudrait, se veut, me montrer sans la crainte<br />
Et par tous mes amis me gloser de complainte,<br />
Gémir tel un génie mes sublimes pensées,<br />
Et faire l’indifférent de lauriers dispensés.<br />
Il me faudrait encore mi-pudeur et mi-gloire<br />
Sans gonfler mon cerveau de superbe mémoire<br />
Parmi les bonnes gens faire le demi-dieu<br />
Et rougir du travail accompli de mon mieux.<br />
Je ne possède point le jeu de la traîtrise<br />
Et je ne prétends pas posséder la maîtrise<br />
Faisant par mon esprit un humble vaniteux.<br />
Aussi je me suffis en ma tendre jeunesse,<br />
Dans ma pauvre demeure de ma folle sagesse<br />
Et prétends par cela être un jeune homme heureux.<br />
841
Breton serait savant<br />
Breton serait savant s’il n’était point Breton ;<br />
Breton serait pensant s’il savait bien écrire,<br />
Hélas, en un patois, il exprime son ton.<br />
Son esprit est si clair qu’en sabots dans la bouse<br />
Il fait danser d’amour les cuisses de sa dame !<br />
Son talent répandu au-delà de son âme<br />
Est admiration aux yeux de son épouse !<br />
Ah ! Du Bellay maudit avec une arrogance<br />
Le vent soufflant de l’ouest des grands navigateurs<br />
Trouvant dans leurs esprits les nouvelles espérances...<br />
De surcroît il saurait que sans poltronnerie<br />
Des guerriers * de demain iront d’un air vainqueur<br />
Chasser du sol français l’Anglais de la patrie.<br />
842
Les Sodomites<br />
Vous vous êtes tous deux jetés dans la démence<br />
Et avez accompli de lâches infamies,<br />
Prétendant que ce Dieu dans sa grande clémence<br />
Saura vous soulager de vos noires sodomies !<br />
C’est ignorer en vain la pureté divine<br />
Qui condamne le Mal animé de l’horreur<br />
De pénétrer le corps en sa substance intime,<br />
Répandue par la chair jusqu’au profond du cœur.<br />
Vous avez compromis l’espoir de délivrance<br />
Qu’à chacun d’entre vous j’avais toujours promis<br />
Préférant au plus pur la joie de la jouissance.<br />
Car c’est prétendre au mal hélas se voir soumis,<br />
C’est donner à son âme le terrible malheur,<br />
Et subir à jamais une atroce douleur !<br />
* Du Guesclin.<br />
843
Essence de sainteté<br />
Si de n’avoir jamais tué le loup qui blesse,<br />
Et si d’être toujours resté en ma maison,<br />
Si jamais à beauté j’ai offert de caresse,<br />
Peut-être que mon Dieu bénira ma raison.<br />
Et si jamais je prie les louanges divines<br />
De pardonner mon cœur de viles tentations,<br />
Il se peut que Marie, mère des punitions,<br />
Saura bien écouter mes prières sublimes.<br />
Il est que dans mon cœur la vengeance n’est point,<br />
Il est que tout le Mal est rejeté au loin.<br />
J’entends de tous les anges les musiques du cor.<br />
Il était que ma chair n’était plaisirs extrêmes<br />
Il était que jouissances m’étaient pures et suprêmes<br />
Et jamais à l’envie je n’ai choisi le corps.<br />
844
Il te faut parvenir<br />
Il te faut parvenir, ô jeunesse affolée<br />
Malgré le désespoir du vers incontrôlé<br />
En ton âme pensante extirper le savoir<br />
Et tirer de l’ancien la sublime mémoire.<br />
Il te faudra longtemps extraire une substance<br />
De tes maîtres savants, fils de la Renaissance,<br />
Qui conquis par l’idée de l’esprit le plus pur<br />
Ont pu dans l’au-delà regagner leur azur.<br />
Je sais que ton cerveau se voudrait tout connaître<br />
Encenser de leur gloire le génie des poètes<br />
Et dénouer les nœuds qu’ils firent en se moquant.<br />
Par-delà les sueurs qu’inflige le sublime,<br />
Je pourrais conseiller à ton cœur se mourant<br />
D’implorer l’Idéal dans sa lueur divine.<br />
845
Il faudrait me conter<br />
Il faudrait me conter de la plus belle histoire<br />
De l’au-delà certain les raisons purifiées ;<br />
Curieux tel un savant je voudrais en mémoire<br />
Les bases les plus saines par la terre édifiées.<br />
Il faudrait que mon Saint descendant en ce lieu<br />
Me montrât du savoir mais en juste milieu,<br />
Des créations divines à mon âme sensées.<br />
Se pourrait-il pourtant qu’un bel esprit sublime<br />
Ignorant l’évidence d’un purifié du Roi<br />
M’aidât à déceler l’image qu’il exprime ?<br />
Il serait étonnant qu’un Dieu si monstrueux<br />
Permît à ses disciples, enorgueillis de foi<br />
D’influer aux humains son génie glorieux.<br />
846
Doubles quatrains<br />
I<br />
Me faudrait-il t’aimer, toi mon indifférence<br />
Qui prétends de ton charme m’éloigner du plus pur,<br />
Et qui confonds ta chair avec le bel azur<br />
Et crois de volupté la blanche transparence ?<br />
Me serait-il possible me roulant sur ta couche<br />
De gémir l’élixir exprimé par mon cœur ?<br />
Par semence sacrée trouverais-je bonheur<br />
Expulsant le plaisir au profond de ta bouche ?<br />
II<br />
Ton image irréelle qui plonge dans mon songe,<br />
Ta beauté immortelle constellée de mensonges,<br />
Ton corps qui se voudrait irradié de fantasmes,<br />
Et ton cœur qui supplie pleurant toutes ses larmes...<br />
847
Je ne pourrais jamais briser le noir miroir,<br />
Je ne pourrais jamais dans la clarté du soir,<br />
Faire briller la lumière que reflètent tes yeux,<br />
Étincelles d’espoir, ô désirs amoureux !<br />
III<br />
La transparence nue propose à ma candeur<br />
Ses parfums volubiles, orgasme d’une odeur<br />
Parsemés, voltigeant dans l’âtre des soupirs<br />
Sur la bouche d’ivresse implorant ses désirs<br />
La caresse amoureuse m’inflige par ses charmes<br />
L’abandon de la chair, ô profusion de larmes<br />
Et je pleure confondu, corrompu à l’amour<br />
Les sublimes délices sur son sein blanc et lourd.<br />
848
IV<br />
Je voudrais m’endormir dans nos amours d’extases<br />
Et plonger en ton corps le plaisir qui m’embrase,<br />
Je voudrais m’alanguir sur ton sein le plus doux<br />
Et respirer encore ta chair sur mes genoux.<br />
Il est que mon esprit s’enivre de tendresses<br />
Et plonge dans l’oubli des sublimes caresses,<br />
Il est que je ne puis oublier la candeur<br />
Unissant au plaisir ton incroyable ardeur.<br />
849
Ombres qui tombent<br />
Ombres<br />
Qui tombent<br />
Sombres<br />
Sur l’espoir insensé<br />
Cœur<br />
Qui pleure<br />
Se meurt<br />
Sur l’exil espéré<br />
Le mort<br />
Qui tord<br />
Sans cœur<br />
Les plaisirs désirés<br />
Et moi<br />
Qui vois<br />
Les plaies<br />
Déchirées<br />
850
Vous étiez mon génie<br />
Vous étiez mon génie et mon prince charmant<br />
Mon unique folie ô mon amour chantant<br />
Vous étiez mon génie et j’étais votre fleur<br />
Perle rosie d’espoir offrant ses premiers pleurs<br />
Mais vous souvenez-vous<br />
De ce soupir d’orgasme<br />
De ces cris de ces spasmes<br />
Que je donnais pour vous.<br />
Mais les revoulez-vous<br />
Ces plaisirs de mon âme<br />
Soupirs ou cris de femme<br />
La joue sur vos genoux.<br />
851
Commencements<br />
Mais quand cesserez-vous de croire en mes raisons ?<br />
Tu subis la torture...<br />
Et quand me repaissant de mes péchés morbides,<br />
C’est ignorer en moi la volonté du Mal<br />
Que j’aime à torturer ceux que j’ai dominés<br />
J’ordonne la souffrance<br />
Sublimer par le Mal cette innocence humaine<br />
Ils implorent mon nom, ô châtiment sublime<br />
Que j’aime à torturer la pureté humaine<br />
Et infliger l’horreur, châtiment de ma haine.<br />
Bétail de chair humaine, meuglez tous vos malheurs<br />
Ô Satan, aime-moi ! Sublimant tes fantasmes<br />
Je peux...<br />
Et mes saints courageux se taisent quand je tue<br />
Parcelles d’or si pures,<br />
Écoutez-les gémir !<br />
Écoutez-les gémir ceux que j’ai enfantés,<br />
852
Écoutez-les pleurer !<br />
A la pensée belle, s’éclabousse mon glaive de raisons autres.<br />
Ô pensée nouvelle, astre du songe !<br />
Ah ! Le génie de penser autre !<br />
Une fois seule que l’éclair pourfende l’esprit !<br />
À cueillir la rosée certains se désaltèrent.<br />
Beauté resplendissante<br />
Parfumée de senteurs et de douceurs exquises<br />
La douceur de ton sein où reposait mon âme<br />
Les rigueurs de l’esprit voulaient punir mon cœur<br />
De l’ardeur du désir<br />
853
L’ivresse du temps<br />
Les parfums de ta chair respirés à l’aurore<br />
Les senteurs de ton corps délivrées par nos morts<br />
Et les cris les plaisirs s’évadant dans nos nuits<br />
Gémissements d’amour qui crient et qui s’enfuient.<br />
Les contours de tes seins et cette jambe longue<br />
Ta chevelure épaisse, une cascade blonde<br />
Qui roule et qui s’écroule sur l’oreiller du lit<br />
Pareille à la rivière qui meurt et agonise.<br />
Et ta lèvre enivrée du plaisir qu’elle attend<br />
Ta bouche qui s’entrouvre pour un baiser du vent<br />
Tes mains qui me caressent et recherchent mon corps<br />
Qui s’agrippent à ma chair en suppliant l’effort.<br />
Et tes soupirs exaltés de femme soumise<br />
Tes désirs espérant une beauté promise<br />
Qui crient et qui implorent dans la blancheur du jour<br />
L’éternel infini des plaisirs de l’amour.<br />
Les pluies et les odeurs délivrées par l’automne<br />
854
Tes jouissances folles offertes à tous les hommes<br />
Et les premiers regrets de nos rêves passés<br />
Et les moments d’extase comme un fruit desséché.<br />
Nos haines qui s’entassent et nos refus de voir<br />
Que nos amours sont mortes couleur de désespoir<br />
Que nos plus beaux plaisirs s’enfuient et disparaissent<br />
Aux roulis monotones d’un navire en détresse.<br />
855
Raisons du poète<br />
Puisqu’il me faut hélas subir tant de chimères<br />
Puisqu’il me faut hélas crier mes haines amères<br />
Je saurais, je le peux, exprimer par mon âme<br />
Violences et amertumes et douleurs infâmes.<br />
Je saurais expulser l’ombre et la trahison<br />
Que nourrissait la mort dans sa sombre prison.<br />
Je saurais, je le veux, prétendre à un délire<br />
Qui, noir, agonisant, dans l’au-delà expire.<br />
856
Les Sonnets/Les Lozes<br />
En lieu de Montauban<br />
Ce que je fais ici en lieu de Montauban<br />
C’est d’apprendre à ma plume à se mieux déplacer ;<br />
Je la tords à nouveau et la veux voir tracer<br />
Par l’encre qui s’écoule des signes en ruban.<br />
Ce que je ne dois pas c’est de me satisfaire<br />
Des proses puériles par les muses appréciées ;<br />
Et si je hais toujours leurs propos outranciers,<br />
C’est qu’une âme inspirée prétend encore mieux faire.<br />
Là si je me punis en ma noire demeure<br />
Pour croire en l’écriture, en de meilleurs acquis,<br />
C’est que l’esprit suppose ce qui lui est promis.<br />
Non je ne crains en rien qu’en cet endroit je meure :<br />
Les belles immortelles, par leurs gloires encensées<br />
M’ont d’un espoir promis sublimé mes pensées.<br />
857
Hymne au Divin<br />
Toi qui dans le Néant fais flamber tes lueurs,<br />
Toi qui du noir obscur engendres la lumière,<br />
Toi qui dans l’Au-delà sais ta gloire première,<br />
Et du génie sublime éclaire tes sueurs,<br />
Peux-tu par ma prière satisfaire ma mémoire,<br />
Et peux-tu lui donner par l’âme qui soupire,<br />
Le divin sacrifice de l’esprit qui expire,<br />
Qui implore et supplie son impossible espoir ?<br />
Car tu peux abolir les lois et son futur,<br />
Et te faire obéir du vil et du plus pur,<br />
Imposant dans les Cieux le puissant repentir.<br />
Toi qui Maître Géant renais de tous les morts,<br />
Qui d’Essence promise défais tant de remords,<br />
Veux-tu Force Inconnue ton hymne retentir ?<br />
858
Si tu sais Du Bellay<br />
Si tu sais Du Bellay, quelle chose c’est Rome<br />
Du plaisir et du vice et d’autres choses encore,<br />
Tu ne sais le malheur de s’essayer au corps<br />
Et de feindre au dormir par la voie de Sodome.<br />
Tu ne sais quelle honte il nous faut déployer,<br />
Par ruse et par traîtrise pour traiter l’excrément.<br />
Ne sais de quel mensonge il faut jouer l’amant<br />
Et courber ou pencher la belle en son foyer.<br />
Tu as su obtenir les pensées les plus pures,<br />
Les amours à prescrire et les vilains parjures :<br />
Par la Grâce de Dieu, ne t’en détourne pas.<br />
Si tu sais observer les noirceurs les plus vaines,<br />
Des rouges et des calots, des grandeurs souveraines,<br />
Par ta forte raison, chasse au loin ces prélats.<br />
859
Celui qui pureté<br />
Celui qui pureté atteindra l’Immortel<br />
Passant de porte obscure à la claire Déité,<br />
Celui-là obtiendra par sa félicité<br />
Le bonheur qui confère le plaisir éternel.<br />
Celui-là gagnera l’aile pure qui respire<br />
Voltigeant, inconscient dans le sublime azur,<br />
Et nageur fait d’espoir par la gloire du futur,<br />
Construira de ses cendres la beauté d’un empire.<br />
Les superbes princesses, les reines à genoux,<br />
Seront saintes ou esclaves admirant sa grandeur,<br />
Soumises à son génie, promises à sa hauteur.<br />
Ou que ses frères d’esprit, haineux et en courroux,<br />
Se fassent chiens et loups, par le Mal qui honore<br />
Et de leurs crocs sanglants lui infligent la Mort.<br />
860
Je ne te dirai point<br />
Je ne te dirai point mes amours immortelles,<br />
Ne sachant les plaisirs qu’on éprouve en ces lieux ;<br />
Et me tairai encore des beautés éternelles<br />
Que mon âme féconde propose de son mieux.<br />
Mais je puis te conter les douceurs solitaires<br />
Que la gorge et le corps expulsent de leur mieux.<br />
Ou te parler toujours des hontes urinaires,<br />
Que ma panse gonflée propulse en tous lieux.<br />
Ainsi étant misère, aucune chair abonde.<br />
Quel que soit le logis où le soupir est monde,<br />
Il est que fait poète on me veut malheureux.<br />
Je me sens entouré par l’âme maléfique.<br />
C’est encore le désir d’une Muse saphique,<br />
De sublimer l’écrit pour me voir douloureux.<br />
861
Je ne m’abuse point<br />
Je ne m’abuse point qu’en tout lieu de nos villes<br />
Celles mêmes pucelles se changent en catins,<br />
Et pareilles effrontées comme sont les putains,<br />
S’aguichent et se transforment en de vilaines filles.<br />
Je ne m’amuse point qu’en ces jeux les plus vils<br />
Celles-là fleurs encore se donnent jusqu’aux demains,<br />
Et s’offrent des plaisirs et s’activent des mains,<br />
Fantasmant ou rêvant de leurs mâles virils.<br />
En ces temps tout est bon à la cuisse légère<br />
À désirer la chair, à caresser la peau ;<br />
Et celles-ci sont loin de ma pure bergère,<br />
Vagabonde et limpide dans la belle campagne,<br />
Sinon que celle-là jouant de son troupeau,<br />
S’essaie peut-être aussi leur servant de compagne.<br />
862
Il est sot d’accuser<br />
Il est soit d’accuser le poète en sa tour<br />
Qui, dans son désespoir s’essaie de mieux parfaire,<br />
La pauvreté d’un don afin de se défaire<br />
De sa basse ignorance que sa raison entoure.<br />
Il est sot d’accuser sa sombre solitude<br />
Qui se veut d’obtenir des meilleurs accomplis ;<br />
Qui se doit de chercher des sonnets assouplis,<br />
Afin de satisfaire à la noire multitude.<br />
Il faut tant de courage et de sueurs encore<br />
Que le vouloir punir s’activant dans l’effort<br />
C’est d’un lâche stupide que je veux évincer.<br />
Il faut tant de crétins pour peupler le bas monde<br />
Que je puis pardonner par leur bêtise immonde,<br />
Leurs stériles paroles qui me feraient grincer.<br />
863
Ô mon âme incomprise<br />
Ô mon âme incomprise, ne te languis en rien !<br />
Tu te dois de laisser l’insensible critique,<br />
Incapable qu’elle est par son droit despotique,<br />
De savoir séparer l’ivraie de son bon grain !<br />
Ô mon esprit penseur, cesse enfin de gémir !<br />
Tu ne peux l’ignorant de toujours l’accuser,<br />
Innocent qu’il sera, ne veux-tu l’excuser,<br />
De ne comprendre point l’amour et son soupir ?<br />
Il est qu’un Comité satisfait de son rang,<br />
Prétend par le pouvoir qui lui est conféré<br />
Décider du savoir dont il use en régnant.<br />
Il ne sert de jurer de son inaptitude<br />
À vouloir encenser ce qu’il a préféré,<br />
Même si son erreur prêche l’exactitude.<br />
864
N’est-ce pas d’un stupide<br />
N’est-ce pas d’un stupide que de quitter ces lieux<br />
Pour s’en aller quérir en traversant le monde<br />
Que la terre à tourner est toutefois très ronde,<br />
Qu’une mer en furie est océan furieux ?<br />
N’est-ce point de bêtise que la folle jeunesse<br />
Pour se vouloir mûrir se veut de rencontrer<br />
Mille entraves ou déboires afin de démontrer<br />
Que de vivre ses vœux est preuve de prouesse ?<br />
Sont-ce pas ces regrets que certains ont chanté<br />
Pleurnichant leur pays et leurs muses angevines<br />
Se lamentant encore de leurs sources divines ?<br />
Sont-ce pas ces antiques que plusieurs ont chanté<br />
Fuyant la douce France et ses belles campagnes<br />
Cherchant le satisfait par-delà les montagnes ?<br />
865
Vois-tu, mon Buridan<br />
Vois-tu, mon Buridan, je sais sur cette terre<br />
Ne me plaindre jamais des malheurs les plus bas ;<br />
De ne gémir jamais des gloires que je n’ai pas,<br />
De ne râler en rien du génie qu’on enterre.<br />
Vois-tu, je puis tenir, et noircir dans mon ombre<br />
De mon vers, le précieux, le bien qu’on n’aime pas.<br />
Je peux ternir l’amour qui m’est chair et appât,<br />
Et dormir dans la Mort que je veux pierre sombre.<br />
Je dis qu’il est demain aux plaisirs de mon ange<br />
De croire en un Toujours, en des désirs plus beaux<br />
De couler par mes pores maints sanglots de mes eaux ;<br />
Je sais qu’on ne peut pas aimer de mon étrange<br />
Par ce sonnet sensé tous ces mots à graver,<br />
Et qu’il faut la folie pour oser les braver !<br />
866
Je voudrais m’endormir<br />
Je voudrais m’endormir dans les yeux de la Mort<br />
Glisser tout doucement, mais sans aucun remords ;<br />
Sans regrets, sans soupirs, m’étendre dans la nuit,<br />
Tomber dans l’ombre noire du soleil qui a fui.<br />
Je voudrais respirer les plaisirs de la Mort,<br />
Les jouissances promises, délivrances du corps,<br />
Et libérer enfin les tortures de la chair<br />
Qui condamnent mon âme aux sombres adultères.<br />
Je voudrais voltiger par-delà l’univers,<br />
Glorifier mon esprit au-dessus de nos sphères,<br />
Purifier les noirceurs qui hantent mes malheurs.<br />
Parvenant à chasser par mes vœux les plus chastes,<br />
Les horreurs de la vie, ces terribles douleurs,<br />
Foudroyer ces frayeurs à ma raison néfaste.<br />
867
Je ne te dirais point<br />
Je ne te dirais point mes amours immortelles,<br />
Ne sachant les bonheurs qu’on éprouve en ces lieux ;<br />
Et me tairais encore des beautés éternelles<br />
Que mon âme féconde propose de son mieux.<br />
Mais je puis te conter les douceurs solitaires<br />
Que la gorge et le corps expulsent de leur mieux.<br />
Ou te parler toujours des hontes urinaires,<br />
Que ma panse gonflée propulse en tous ses lieux.<br />
Tu vois qu’étant misère aucune chair abonde ;<br />
Quel que soit le logis où le plaisir est monde,<br />
Il est que fait poète on me veut malheureux.<br />
Je me sens entouré par l’âme maléfique :<br />
Et c’est bien le désir d’une muse saphique,<br />
De sublimer l’écrit pour me voir douloureux.<br />
868
Cinquième brouillon<br />
Les Lozes<br />
2 Étrange visiteur qui anime ma nuit !<br />
Qui dans l’ombre brumeuse tel un ange s’enfuit !<br />
J’offre sur un rectangle les signes à nettoyer,<br />
Les chiffres qui se cherchent, les sons qui se répondent,<br />
6 Et les mots qui se fondent, les phrases à renvoyer.<br />
Et lui-même m’observe et s’essaie sans un bruit<br />
À déduire de mes lois celles qui correspondent.<br />
Vérifie tel un maître, l’écrivain qui construit.<br />
L’architecte est de marbre, et l’enfant est de sable.<br />
4 Le temps ensevelit mon travail périssable.<br />
Car de ma boue fangeuse, ai-je tiré de l’or ?<br />
Dans ce charbon noirâtre, nul diamant ne dort ! ...<br />
2 Mais sa forme grandit et son spectre apparaît<br />
Et sa critique acerbe condamne mon attrait.<br />
Ton présent est promis à la race dernière,<br />
4 Car quel cristal opaque se baigne de lumière ?<br />
L’enfer dans sa splendeur est un feu merveilleux,<br />
869
Mais de ta flamme torve, peux-tu être orgueilleux ?<br />
Il s’acharne, il arrache la chair de mon esprit<br />
Il frappe la cervelle et l’extirpe du songe<br />
6 Qui se pensait en grâce et n’avait rien compris.<br />
Mais lui-même incapable, peut-il se trouver pur<br />
Et nourrissant sa substance d’un sublime mensonge,<br />
Croire que sa mémoire est un génie obscur ?<br />
870
Sixième brouillon<br />
Je te hais pour ton pur<br />
2 Je te hais pour ton pur, ô mémoire de moi-même<br />
Et je dois te trahir pour ton savoir suprême.<br />
Que me vaut ta substance issue de cet esprit<br />
Qui se veut de sa forme, immortel ! ... Incompris ! ...<br />
6 Je peux juger sa chair éternelle et funeste<br />
Qui désire dans sa loi échapper au céleste !<br />
Nul don commande à l’âme de se baigner de larmes :<br />
Inspiré, c’est le rire qui se plaît de tes charmes !<br />
Il dit d’un son moqueur les vers de mes faiblesses<br />
4 Enrichies du Néant et de piètres noblesses.<br />
Il crie pour m’interdire de tenter de poursuivre<br />
Le coup et l’exigence que je me dois de suivre.<br />
2 Je le tue. Je détruis le maître de l’extrême ;<br />
Mon miroir m’illumine, précieux diadème ...<br />
Mon reflet, mon éclat prolongent mon sublime !<br />
4 Que je plonge dans l’ombre d’un monstrueux abîme !<br />
871
Ô conscience, science de la source boueuse,<br />
Ô rafale du songe qui m’emporte houleuse !<br />
Je me déchire. J’arrache l’insipide pensée,<br />
Je m’acharne à détruire ma parure insensée,<br />
6 Et mon nu découvert s’annule en s’observant<br />
Et se prosterne honteux, piteux, se décevant !<br />
Présence de moi-même, mémoire de mon suprême<br />
Précieux diadème, ô maître de l’extrême !...<br />
872
Septième brouillon<br />
2 Que n’es-tu toi qui t’aimes dans ta vieillesse immonde ?<br />
Observe ce toi-même, ce pareil qui se sonde !<br />
Non, ma beauté, mon pur sont l’éclat de mes ans.<br />
Je puise au souvenir l’image de mes songes.<br />
6 Si parfois je parcours ma mémoire où tu plonges,<br />
Je trouble mes eaux claires au souffle de l’élan.<br />
Et mon esprit certain saurait trop me suffire,<br />
De ton charme éternel si ta pensée soupire.<br />
Mais je peux pour te plaire te prêter un sourire.<br />
4 Le parfait de mon âme me satisfait d’un rire.<br />
Oui, je veux que ton Moi au miroir des fontaines<br />
Pousse sa douce peur et ses brises soudaines.<br />
Ne dois-tu t’approcher ? Est-ce doute suprême<br />
2 Qui retient ta venue ? Que ta crainte est extrême !<br />
873
Je ne veux avancer pour vouloir me paraître.<br />
Tu n’es point ennemi comme tu es mon être.<br />
4 M’étant juré toujours que jamais je ne change<br />
La raison de te voir me semble trop étrange.<br />
Ma parure immortelle condamne ton plaisir.<br />
Je ne puis effleurer l’ombre de ce désir,<br />
6 Je m’éloigne pour le doute que tu nous as donné<br />
Que me vaut la caresse de chercher à me voir ?<br />
J’abolis la faiblesse ne sachant que me croire<br />
Pardonnons à nous-mêmes de s’être abandonnés ...<br />
874
Seconde jetée<br />
Tu te verras te voir, identique à toi-même,<br />
Et tu te jugeras dans ta pensée suprême.<br />
Je suis plus que Narcisse ne sachant qu’au plaisir<br />
Donner à son reflet la beauté du désir.<br />
Et je suis ce moi-même qui vit avec son corps<br />
Qui semblable à sa chair agite son décor.<br />
Agite son semblable et parle par ses membres ...<br />
Je te vois dans ma chair. Et moi-même, tu trembles ! ...<br />
Tu es plus que mon frère. La dimension extrême<br />
Me confère de trois fois ta chair, ta chair si blême.<br />
Tu es toujours ce frère en doublant ma naissance.<br />
Je ne sens vivre en toi, orgueil de ma puissance !<br />
Tu ne sauras te croire, inapte à le penser,<br />
Mémoire de ta mémoire, mais encore dépensée !<br />
Il ne m’exprime point ignorant mon savoir,<br />
Il n’extirpe que mon nul, feignant à son devoir ...<br />
Ton propre qui te voit te propose en critique,<br />
875
Dispose de ton âme, de ton sublime antique ...<br />
... T’impose du regard le produit de soi-même.<br />
Mais tu reposes hagard, ô feu d’un diadème !<br />
Et mon corps se mouvant n’est rien que ressemblance !<br />
Que l’un vienne à la mort, ô fruit de délivrance !<br />
Conserve mon image dans un dernier soupir,<br />
Comme de mon trépas, je revis quand j’expire !<br />
876
Douzième brouillon<br />
2 Dans ce désir de chair et dans ce moi intime<br />
Repose en languissant, ô sublime victime !<br />
Je veux au plus profond, accueillant ton nectar<br />
4 Accoupler ton génie et ton âme féconde<br />
À mes beautés de formes dans cette toison blonde,<br />
Je veux te voir mourir dans mon regard hagard.<br />
Je prendrai ta puissance et je ferai jaillir<br />
Les jets de nos passions, superbes élixirs<br />
6 Qui roulant en cascades entre mes cuisses offertes<br />
Se glisseront d’extase sur mes lèvres ouvertes.<br />
Ce feu qui scellera le fruit de notre union<br />
S’élève dans la gloire par cette communion !<br />
2 Mais à peine éloignée de ce plaisir de femme<br />
Je renais du mensonge où je posais mon âme.<br />
Je me plais à détruire ta substance fangeuse,<br />
J’expulse ton médiocre sans le moindre remords<br />
6 Et je nie pour toujours le combat de nos corps,<br />
Piteuse tentation de faiblesse orageuse.<br />
877
Je laverai mon cœur pour chasser l’excrément,<br />
De ta gloire versée sur mon ventre béant.<br />
Et pour me purifier, pour condamner cet acte<br />
J’implorerai Satan de m’accorder ce pacte :<br />
4 De punir l’avorton qui dans mon sein grandit<br />
Et le donner au feu pour en faire un maudit !<br />
878
Souffles nouveaux I<br />
Jette dans le noir désir<br />
Jette dans le noir désir l’ombre spirituelle qui se plaît à<br />
enorgueillir tes nuits. Plonge sous la clarté macabre les derniers délires<br />
de tes folies.<br />
Hélas, je propose toujours des combinaisons puériles. Je joue<br />
par l’analogie, par l’avalanche de mots de la même famille. Mais quand<br />
comprendrais-je que je ne suis plus apte à exciter ma critique avec de<br />
telles solutions ?<br />
Un jour maudit entre tous, je délaisserai ma chair et regagnerai<br />
l’intemporel. Je défis l’existence de m’apporter une once de savoir ...<br />
Rare est le verbe possédant sa teneur, sa charge de vérité me<br />
permettant d’agir. Mon “ Je ” est détestable.<br />
Je cherche à transmettre le produit dans des conditions extrêmes<br />
de gains. Je veux pouvoir dire : je prends et j’ajoute.<br />
Donné aux esprits de l’air, soumis aux verges du ciel ! À l’aube<br />
879
du poème, je n’étais qu’un fils coupable. Il fallait descendre le maudire<br />
et le soumettre jusqu’à ce que la douleur lui fît produire ces écrits<br />
impossibles.<br />
Le génie d’ombres, la lumière intérieure. Dans les fluides de<br />
fumée, ce sont des protections ridicules et dérisoires. La chair adressée<br />
... Les cicatrices invisibles. L’horreur de la souffrance et pour quelle<br />
Force d’espoir ?<br />
Un avenir ! Que l’on fasse germer un futur ! Un avenir et non<br />
pas un amas cotonneux de verbes et d’insuffisances. Un avenir<br />
splendide, épuré pour y baigner son âme assoiffée. Qui implores-tu ? Lui<br />
abonde, lui est repu !<br />
Pensées autrefois sublimes, pensées aujourd’hui contrôlées. Un<br />
esprit vif se hâte jusqu’à n’obtenir que le néant de soi-même.<br />
Il y a aberration à vouloir tout écrire, à se dire : qu’importe, je<br />
parviendrai toujours à récupérer la structure, ne suis-je point un habile<br />
trapéziste qui retombe sur le fil ? D’ailleurs, il y a un filet.<br />
C’est une constance d’incompréhension, mais de ce tas<br />
douloureux monte un effluve léger et dansant qui nous indique la voie à<br />
880
suivre.<br />
La réponse de la cervelle me fascine comme un éclair traçant<br />
qui signe la feuille de papier.<br />
De ces déchirements, de ces violences internes, de ces conflits<br />
invisibles, qu’en tirera l’intelligence ?<br />
881
Délaissés par la folie perverse<br />
Délaissés par la folie perverse, nos délires sont des fontaines<br />
d’opales perlées. Nous poursuivons les aigreurs de nos pulsions pour en<br />
tirer ce mélange fade et laid. Tout cela est atroce, abominablement<br />
sauvage, inutile d’accès. Des strideurs de cris, des tabous, des<br />
ricanements, des hurlements - Sabbat.<br />
Je hais la nature. Je déteste le bruit du van dans les nuages<br />
bariolés de fautes d’hortografe de grammair, d’image, de signes à<br />
compter, d’un moi à défendre, d’une pucelle à offenser etc. On dirait du<br />
Prévert, et ce n’est pas un compliment.<br />
Une écriture nouvelle, non pas plus pure, mais belle toutefois<br />
comme une femme à qui on insuffle la vie. Au commencement de la<br />
lettre était, et la lettre s’unit au chiffre. Mais le chiffre était amoureux de<br />
la note. Faisons cela à trois, se disaient-ils.<br />
Je crains de n’obtenir en expulsant la phrase qu’un effet<br />
mécanique à transcrire. Il me faudrait penser autrement, avec une<br />
intelligence apte à produire des structures nouvelles.<br />
882
impossible.<br />
L’obtention du résultat est méprisable. Ma quête ridicule et<br />
forme.<br />
Pourquoi pousser le fond ? - Parce que l’on ne peut parfaire la<br />
Nous serons la chair embaumée dans le désespoir mortuaire,<br />
nous habiterons des lits d’hôpital souffrant des cancers, des plaies<br />
impures, nous serons ... nous habiterons ...<br />
J’étais mort avant vous au cœur de mon adolescence, soumis à<br />
revivre par l’ordre fatal du Divin. Après je suis devenu. Je le prouve<br />
puisque j’écris.<br />
Dans le déchaînement des vices sensuels, dans l’absolu des<br />
fantasmes interdits ... hélas, j’ai tout détruit, j’ai tout étouffé.<br />
883
Je constate avec résignation<br />
Je constate avec résignation l’impuissance du Moi poétique.<br />
Quelle est ma marge de progression ? Jusqu’où puis-je espérer aller ? Et<br />
ce sinistre désespoir, et cette absolue conscience devant les œuvres des<br />
autres, - des Génies. Difficile ! ... Faut-il abandonner ? Pourquoi écrire,<br />
si l’on n’est pas capable de faire mieux ?<br />
Je glisse, tu glisses, il glisse. L’on produit plus qu’autrefois,<br />
l’on produit moins bien qu’autrefois. Le latin et le grec nous échappent.<br />
Nous les remplaçons par l’anglais et l’allemand. Nous sommes devenus<br />
des agents d’entreprise et non pas des artisans d’art. Alors nous tombons<br />
des nues devant la façon parfaite dont Baudelaire composait ses sonnets.<br />
Lui-même n’était-il pas désespéré de la manière dont Racine écrivait<br />
Athalie ? Racine de s’indigner devant Dante, et Dante de se maudire en<br />
lisant Virgile ?<br />
Ce que je veux, c’est inverser cette tendance, mais j’ignore la<br />
manière de m’y prendre. L’on peut y gagner avec la quantité. Je serai<br />
donc ce gros commerçant quincaillier qui méprisera l’habile manière de<br />
son collègue bijoutier, comme celui-ci a un chiffre d’affaires inférieur au<br />
sien.<br />
Vers quel avenir ? Quelle est ma certitude ? Si du moins j’en<br />
884
tirais des résultats probants. Je ferai peut-être plus...<br />
Nous n’éprouvons nulle jouissance à nous sublimer. Nous<br />
n’obtenons que des effets minimes. Vous qui êtes lecteurs, vous prenez<br />
autrement l’image, le son et sa vibration.<br />
885
Maintenant que la mort<br />
Maintenant que la mort nous regarde avec son oeil noir, nous<br />
faut-il haïr le temps d’avoir eu raison ? Pénétrons l’épouse sombre du<br />
temporel, faisons valser les délires obscènes de nos âmes vicieuses,<br />
recherchons le plaisir hagard pour oublier qu’à chaque instant, sous<br />
chaque minute on nous tue.<br />
Le soleil de minuit respire son deuil sous ses dais de rayons<br />
tombant. S’il pleuvait une légèreté de brise, l’arc-en-ciel de l’espoir<br />
éclairerait nos âmes.<br />
Quand je cesserai de te détester, d’expulser ma substance<br />
sublime dans ta chair violée, je te chasserai dans l’indifférence de nos<br />
défis, plus loin, derrière nos souvenirs disparus, à mourir.<br />
Ne m’accuse pas d’indifférence. Que puis-je espérer d’un coeur<br />
qui ne bat plus, d’une chair qui se tait ? Le Mal te torture ? Tu hurles ?<br />
Je ne t’entends même pas souffrir.<br />
Agonisant encore sous quelques cendres chaudes, j’expulse mes<br />
dernières sueurs sacrées, je tire les ultimes prélèvements de l’esprit<br />
créateur. Qu’obtiendrai-je de cette nourriture nouvelle ? Je n’ai même<br />
plus la force de m’entendre gémir.<br />
886
Tout ce qui instruisait ma cervelle jouissive était énergie<br />
rapidement ingurgitée. Je n’étais qu’une mécanique d’apprentissage,<br />
avide et jamais satisfaite, cherchant à produire toujours plus, à créer<br />
autrement.<br />
Mais l’obtention du résultat était décourageante. Je jetais les<br />
feuillets à peine achevés dans le mépris et l’indifférence de mon âme. Je<br />
croyais pouvoir faire mieux. Je désirais extirper par le vice, par<br />
l’irritation, par le Rien et le Mal, d’autres poèmes subtils ou niais,<br />
invisibles ou invincibles. Je n’obtenais que le dégoût de soi-même.<br />
Faible compassion.<br />
Ai-je eu l’idée, une fois, une seule, de délaisser l’acte d’écriture ?<br />
Je ne le pense pas. Il n’existait aucun autre moyen d’expression me<br />
permettant de catalyser, de canaliser le débit qui soufflait en moi.<br />
J’affermis mon printemps, bel espoir du passé ! Je réinvente un<br />
rêve bercé d’impossibles, de tentations audacieuses - mais tout cela est<br />
inutile - je cherche le départ vers l’avenir qui me guette. Pourrais-je<br />
encore retrouver cette impulsion juvénile qui me permettait de savoir et<br />
d’admettre, de comprendre et d’analyser en prescience, parce que<br />
jeunesse a toujours raison ?<br />
887
Quelle heure est-il ?<br />
Il est l’heure de produire.<br />
Et je t’entends, moi le forçat de l’écriture soumis à extraire de<br />
ma cervelle des solutions autres, guère satisfaisantes, mais ô combien<br />
utiles pour apprendre à me détester, et pour m’obliger à tirer encore de<br />
nouveaux rots de cette gorge putride !<br />
888
L’infructueux espoir<br />
Nous tendons vers l’infructueux espoir, conscients de nos<br />
incertitudes, poussés par la folie de vouloir autrement. Nous croyons<br />
avec un langage nouveau, reconstruire l’univers parfait. Nous échouons<br />
évidemment, pauvres crétins de l’écriture que nous sommes.<br />
D’essence unique, de pensée supérieure, l’Esprit dirige<br />
l’inspiration. Ce Dieu merveilleux doit me donner ce que j’espère, ce<br />
que je quémande. Suis-je suffisamment pur pour accéder à la réception<br />
du contenu ?<br />
J’attends, j’explose en syllabes inconnues, en structures<br />
différentes à concevoir. Je souffle sous les cendres de la feuille brûlée. Y<br />
a-t-il un livre ? Quelle manière ?<br />
Il faut penser : comment écrire autrement ?<br />
La pensée jaillit puis se meurt en apothéoses de nullité. Tout<br />
s’en retourne au néant, à l’insipide parole avortée. Je continue à<br />
chercher.<br />
De quoi te plains-tu ? Dans ta solitude superbe, tu produis. Que<br />
dirais-tu si le mal pourri rôdait dans ton corps pour t’interdire d’agir ?<br />
889
Sous le silence, il y a la tombe éternelle, splendide femme<br />
comme un vagin de luxe. Je viens jouir dans ton Néant de chair, épouse<br />
distinguée du poète inconnu.<br />
Ange plus clair, éblouissant d’orgasmes, suppliant la chair belle<br />
de s’endormir à côté de l’image, puise longtemps au plus profond de toi<br />
l’espoir d’un idéal songeur, l’infini d’un corps de pureté et le<br />
mouvement de lignes effilées, là-bas, plus loin.<br />
Plonger sous soi pour y chercher l’interdit et l’excès, la<br />
substance salvatrice des audaces exubérantes, se jeter dans le noir pour y<br />
ramener quoi ? Une profusion d’images aberrantes, une folie de<br />
condensation de mots, de structures, etc. La raison conseille de s’en<br />
retourner au moi social, de prendre femme et profession. La raison<br />
conseille... Ne faut-il pas la tuer, cette connasse pleine de bon sens qui<br />
embourgeoise nos comportements ? Mais jusqu’à quand saurai-je<br />
résister ? Jusqu’à quand saura-t-il dire non ?<br />
Ma capacité est dans la ténacité, dans ma force vitale à<br />
m’exclure de tout, de tous et de toutes. Je croîs en puissance, du moins<br />
je le prétends.<br />
Mes certitudes perdues dans un avenir publié, détruites par la<br />
890
logique et par la vérité du temps, je vous pense et je vous pèse, ô mes<br />
folles images chargées de grains invisibles ! Pourtant j’avais tort, je<br />
concevais l’impossible à réaliser et je me suis plu de mes chimères. La<br />
distorsion du temporel, puis le retour à la seconde exacte ont condamné<br />
la raison du poète, c’est-à-dire le mensonge.<br />
891
Dans les ténèbres de mon Verbe<br />
Dans les ténèbres de mon Verbe, j’atteins la verve du délire, je<br />
fixe le vertige, je pousse au plus profond et je remonte du Néant.<br />
Tant que je ne parviendrai pas à construire des structures<br />
vierges et nouvelles, je puis dire que mon écriture est inutile. Il me faut<br />
inventer, et je n’y parviens pas.<br />
Je cherche à communiquer autrement, différemment. J’emploie<br />
toujours ces termes, je prouve ma fixation mais je ne résous rien. Je<br />
conçois par les poètes. Si je pouvais...<br />
... L’expulser au-delà du possible. Je dors doucement contre<br />
mon rêve, et là-dessous il rampe. Cherchons la folie du - :<br />
Un privilège de printanier, nous, il conçoit le pur gr. Te le<br />
demande l’impossible par-delà, je<br />
m.<br />
Ecoutelez, écantulez, puissance de volutes, et mort, et mort, et<br />
Atomisez, condensez ! explosion des 26 lettres tel le big-bang<br />
puis reconstruire le dictionnaire, concevoir la bibliothèque,<br />
892
l’arrangement des mots, les différentes langues - Je deviens Dieu - ô<br />
Dieu, inspire-moi que je fasse l’univers des lettres ! Du carbone dans<br />
l’espace !<br />
Dans la pourpre romancière. Ière - Hier, j’étais à futur. Dans le<br />
toboggan de la route a disparu, disparaîtra.<br />
Quel est le risque ? Jusqu’où peut-on aller dans l’audace ? Cela<br />
sert-il à quelque chose ?<br />
Ur. Urle à la douleur. Fait hurler l’innocent dans sa quête<br />
d’espoir. J’ai désiré le voir nouveau, plus dessus, par-delà les forces et<br />
les ailes.<br />
Prends-moi, convie-moi à la déchéance plus belle ! Est-ce la<br />
chance de la liberté ? Ce de la liber ? De la ? e l ? ( ) le rien est beau,<br />
comme une femme qu’on efface, de sa mémoire inventive, de son<br />
imaginaire songeur.<br />
L’idéal, le convoite blondissant. Si je te disais “ je t’aime ”<br />
autrement, me croirais-tu ?<br />
Constitution, convoi, classe, blonde, et tout l’a, là-dessus<br />
s’écroule en orgasmes à venir, en espoirs décisifs. Faut-il encore courir<br />
893
après la fille ?<br />
Essaie la haute, la belle stérile, bondissante d’apothéoses,<br />
explosante en délires, puis dors repu de fantasmes nouveaux, de chair<br />
abondante.<br />
reine.<br />
Puissance d’effusion sous la voûte sacrée de l’intelligence<br />
Soupirs et murmures qui supplient en moi.<br />
Mouvement de l’esprit qui expulse ses premières syllabes et qui<br />
recherche sa diction.<br />
Vierge pensée à peine née, avance à pas raisonnés dans le<br />
labyrinthe de ma réalité !<br />
Le soir descend doucement, il voyage des fumées épaisses et<br />
lourdes. Des souvenirs confus s’amoncellent ou s’entassent<br />
lugubrement.<br />
Ô souffle, mon souffle tellement désiré, irradie-moi de ta<br />
nourriture céleste, laisse-moi puiser en toi toute la substance<br />
enchanteresse et subliminale.<br />
894
Je vagabondais<br />
Je vagabondais dans l’or de la tourmente, délaissant les refuges<br />
et les auberges, où j’avais autrefois abandonné ma jeunesse.<br />
Dans sa chevelure épaisse, je reconnus la beauté d’Hélène qui<br />
voltigeait et tourbillonnait sur elle-même. Sur ses boucles très claires, je<br />
déposais un bouquet de roses rouges. Sa beauté se suffisait du silence. Je<br />
n’avais qu’à me taire sans la surcharger d’effets poétiques douteux.<br />
Je décidai de m’éloigner, emporté par d’autres souffles, pour<br />
d’autres bonds étranges.<br />
Maintenant que tu as refait ton printemps, que te reste-t-il<br />
inventer ? Car tu vas surcharger les effets d’hier, tu vas reproduire les<br />
souvenirs de ton adolescence !<br />
Il te faut te jeter dans l’avenir, vers l’au-delà, en utilisant le<br />
savoir des anciens, pour être plus que toi-même, pour être un autre,<br />
supérieur à ce que tu es.<br />
Eaux d’émeraude verte qui s’extasient dans le bien-être des<br />
douceurs, eaux de mon vouloir, eaux sublimes et amoureuses, venez<br />
caresser le délicat de mes traits si purs.<br />
895
Dussé-je une seule fois m’éparpiller en pétales de mémoire, en<br />
lumineuse source d’amour, et embrasser un peu partout avec des lèvres<br />
orange les contours incertains de la femme faite de chair ?<br />
896
Ainsi fuis ma pensée<br />
Ainsi fuis ma pensée, haute dans la sphère ; l’impossibilité de<br />
l’exécution t’impose à détruire.<br />
Je plonge sous vous. Les mots, les sons, les sens, toute certitude<br />
me soumet à vous détester, haine ridicule...<br />
J’insiste, je poursuis l’exercice.<br />
Le jaillissement est semence en épanouissement de source.<br />
L’espoir vermeil franchit les barrières premières à mon front<br />
serein, le siège de l’agitation.<br />
Le moi se recherche<br />
Avec le concept autre, nouveau, différent au bord du ciel<br />
superbe - mais il n’existe pas.<br />
Je relaxe la chair du poème,<br />
J’atteins ma sainte clarté.<br />
Vapeur d’incertitude, multiple et souple, déliée et défaite, je<br />
touche à ma survivance.<br />
897
spirituel.<br />
Grains de durée, je renonce à concevoir dans mon orage<br />
Je bois l’ivresse du doute<br />
J’exploite la tentative d’un produit autre.<br />
Mon corps désespéré me harcèle, déteste la femme-poème.<br />
sommeil !<br />
Moi, j’exulte, je bondis dans des transes, j’en tire un foudroyant<br />
Ta rondeur est folie, je pénètre dans ton exil. N’es-tu pas<br />
bizarrement fraîche, ou noire ou hurlant sur tes flancs endurcis ?<br />
Rieuse de ma nuit, n’est-ce donc que cela ? Une petitesse de<br />
femme muse inutile et stérile ?<br />
acte.<br />
Tu rends idiot le texte à écrire ; ta solitude n’est plus d’aucun<br />
Je me défais de tes flux inventifs.<br />
898
Conscience du critique<br />
Ce qui est à craindre, c’est le décalage, la perte temporelle,<br />
l’inéquation sociale entre le produit littéraire décadent et la civilisation<br />
progressiste. Être relégué au musée de l’oubli près du dinosaure de<br />
Valéry, être ridicule dans le hangar de la médiocrité.<br />
Du gargarisme poétique, de la nomenclature albanaise. Principe<br />
autarcique, d’autosatisfaction. Implosion du communisme ! Poésie =<br />
communisme ?<br />
Vendre sa force délétère ; l’échanger contre une part de travail<br />
d’un médecin, d’un garagiste, d’un technicien etc. Valeur du travail<br />
poétique ?<br />
Les jeunes ne veulent pas comprendre l’exigence de l’exercice,<br />
la nécessité du sérieux, la formation à temps complet. Ils produisent à<br />
heures libres, ils se délectent de divertissement. Certains mettront trente<br />
ans pour devenir de bons poètes, puis il sera trop tard. Ils n’auront plus<br />
l’énergie intellectuelle suffisante pour ajouter sur le savoir des anciens.<br />
Et ainsi de la décadence ! Jeunes, secouez-vous et agissez !<br />
Le mal n’est pas nécessaire à la poésie ; c’est le travail qui lui<br />
est nécessaire. L’habillage est ce qu’il sera ; ce qui importe, c’est la<br />
899
qualité du corps, des muscles, des tendons, de la chair etc. Produire de<br />
beaux athlètes de l’esprit, de l’intelligence, et non pas des drogués<br />
sidaïsés ! Voilà le principe.<br />
Il faut imiter les structures où l’on obtient des gains : le sport, la<br />
science ; imiter les méthodes, les principes d’investigation, de formation<br />
et de développement.<br />
Ils disent aux jeunes : droguez-vous, sodomisez-vous,<br />
nourrissez-vous d’insouciance, soyez sales, très sales, très dégoûtants,<br />
très puants. C’est sur le fumier que le coq pousse son cocorico. Et les<br />
jeunes les croient. Alors ils les imitent ; ils cherchent l’aventure<br />
extérieure, tandis que les véritables aventures sont internes. Pauvres<br />
gosses ! Et quelle poésie nous laissent-ils ? De la merde. De la pauvre<br />
médiocrité.<br />
Je dis : il faut penser, chercher, produire, lire, concevoir,<br />
inventer, travailler, cinq ans, dix ans. Voilà le moyen de relever le défi<br />
de la décadence poétique dans une structure de techniques appliquées<br />
ascendante.<br />
900
Éloge<br />
Si René Char m’aidait.<br />
Me faut-il donc extraire de nouveaux sucs princiers, de pures<br />
substances créatrices ? Ou dois-je plonger dans mon désespoir pour y<br />
remonter quelques folies perverses, quelques vices inconnus ?<br />
Mais moi depuis trop longtemps j’ai délaissé l’art du Néant. Je<br />
ne conçois plus que par la matière spirituelle, l’élan mystique et sa<br />
souffrance de Saint.<br />
Je suis peut-être trop “ Christ ”, trop “ Voyant ” pour vous, mes<br />
chers poètes d’autrefois. J’ai tant aimé vos œuvres, plus que vos<br />
biographies, plus que vos visages.<br />
Je ne dirai point la teneur du souci. Dans la nécessité, abstienstoi<br />
de ce flux !<br />
Qui épouse beaucoup, rendra plus d’un centuple. Mais qui<br />
expire peu trouvera l’idéal.<br />
À fenêtre ébahie, impose-toi le doute ;<br />
901
Ne mésestime pas la folie du pervers.<br />
J’en connais qui se croient auréolés de gloire.<br />
La petitesse nous invite à la supplication.<br />
Cette futile jeune fille aux accents inconnus, aux poses<br />
audacieuses, se faisant femme dans des relents d’adolescence, je l’ai<br />
prise et reprise puis délaissée sur le lit béant de nos nocturnes<br />
perversités.<br />
Prends ta chair, fais corps avec elle ; au plaisir de sa salive,<br />
d’autres mots, d’autres phrases se formeront par la bouche ovale, par le<br />
vagin charnel ou l’extase des sens.<br />
J’ai perdu dans la contemplation de mes Dieux, la folie<br />
insouciante de mon impiété. Je produis par l’Esprit, sous l’ordre de<br />
l’Éternel. Et tu me parles de cuisses, de rondeurs féminines ?<br />
902
Sagesse et audace<br />
I<br />
Entre la sagesse et l’audace, apprends à concevoir l’occasion,<br />
maîtrise ta chance, elle te guidera.<br />
“ La bravoure et la prudence de David ”, dons du Saint-Esprit.<br />
Puis je sais, puis je prends conscience que je suis Rien. Mais<br />
rien, c’est déjà quelque chose se plairait à ironiser le railleur de l’esprit.<br />
Non, j’écris sérieusement. Nous sommes quatre à comprendre, la Trinité<br />
et Moi.<br />
Absent pour les inutiles, présent pour l’Oeuvre. Que pouvais-je<br />
tirer de vos médiocrités, de vos visages détestables, de vos âmes stériles ?<br />
Le puits était en moi. L’onction était en moi. Je devais y puiser pour<br />
extraire le produit poétique.<br />
Je ne vous ai pas haïs, je vous ai contournés comme on<br />
contourne un obstacle, un mur, un boucheur d’horizon.<br />
Fallait-il s’en référer à vos niaiseries, à vos médiocrités de<br />
fonctionnaires ? Petits jaculateurs de la cervelle, y avez-vous songé ?<br />
903
Je pense à mon idéale de beauté, à cette femme bleue presque<br />
blanche de chevelure à la Magritte. Je la vois pure et transparente, je la<br />
sais confusément sous un amas d’ombres, de chair belle et de<br />
nonchalance. Je l’invite au repos suprême pour qu’elle devienne mienne<br />
dans des épousailles spirituelles. Elle voltige et tournoie et rit de ses<br />
dents éclatantes puis elle se jette sur mon âme pour un ballet nuptial,<br />
superbe et messianique.<br />
Ténèbres de mon âme d’où surgissent des pensées oubliées, des<br />
images de mémoire, je ne veux plus de l’implosion chimérique,<br />
médiocre désespoir. Ai-je l’aptitude pour créer autre chose ?<br />
L’homme rampe dans son esprit, fusillé ou soumis, l’homme<br />
cherche, esclave quémandant le poème.<br />
Donne-moi une chair de poème à pénétrer, à jouir pour un<br />
orgasme cérébral !<br />
904
II<br />
Je ne désire pas immobiliser le temps. Je marche avec lui, je<br />
cours. Non, je le devance, là-bas dans l’avenir.<br />
“ Le temps, je le devance, là-bas dans l’avenir ”.<br />
L’essor sublime vers la pensée élevée. Au plus profond de ma<br />
nuit, que cette divine grâce me soit accordée, purifiée et vraie.<br />
Voltigeant de hauteur en hauteur pour moi et pour les autres. Est-ce<br />
possible ?<br />
Je suis déchet d’écriture, médiocrité de production. Je hais ce<br />
travail détestable dans sa décadence. Mais quand tirerai-je de l’absolue<br />
certitude un futur et pour quelle valeur ?<br />
Résistance. Pourtant je sais que cette forme n’est rien, inutile<br />
dans sa conception. Je n’exploite aucun champ d’espoir. Je combine et<br />
spécule. Je comprends, mais je suis impuissant.<br />
La lucidité de mon néant m’inflige à me détester jusqu’à<br />
l’abandon total du produit à obtenir.<br />
Le mécanisme de la combinaison me convainc d’abandonner la<br />
905
jetée ; je lance parfois, je condense, je refuse, car je sais que je perds.<br />
Je dois certainement chercher dans autrui le fruit à dérober,<br />
l’essence à exalter, seul par moi-même, je suis peu.<br />
prophète ?<br />
Je veux produire par l’Esprit, par sa Sublime pensée. Poète ou<br />
Le fardeau du Mal est trop pesant. Si je possédais l’intelligence<br />
libre, ma recherche serait autrement supérieure. Je poursuis le jeu<br />
ridicule de la douleur, de l’interdit à produire. Quelle histoire !<br />
J’existe par mes absences, car il n’y a personne à voir, à<br />
écouter. Moi seul me suis inutile.<br />
Les œuvres peut-être, les hommes jamais. Ma méthode n’est<br />
pas dans le relationnel avec autrui. Je produis avec des livres, non pas<br />
avec les hommes, hélas !<br />
906
III<br />
Que veux-tu dire ? Es-tu espoir pour atteindre l’exil du<br />
printemps ? Je convoite ta jeunesse.<br />
Que veux-tu dire ? Es-tu femme pour extirper la pensée<br />
nouvelle ? Je pénètre ta chair.<br />
Produisons, encastrons-nous l’un dans l’autre pour les feuillées<br />
d’abeille, pour les aubes éveillées etc. C’est encore les coups d’autrefois !<br />
Je ne cherche plus à écrire les faiblesses, tu le sais, va-t’en.<br />
Je tue la Muse, j’appelle l’Esprit, celui qui inspire, je me fais<br />
esclave, j’obéis. Qu’écrirai-je ?<br />
Je sais où me portent mes insuffisances, nullités, de moi-même<br />
à écrire de la sorte. J’abolis l’image impure, fausse et truquée. Je<br />
travaille en vision à présent. Je pense par l’Esprit. Je suis un moyen.<br />
forte !<br />
Ô les nouveaux exploits de celui qui croit en sa potentialité plus<br />
Il faut apprendre à extraire au-delà de ce qui est possible ; il<br />
907
faut tirer de la cervelle crétine les figures folles, - en vérité ce qui est<br />
interdit.<br />
Tout ce qui est interdit, est essentiel.<br />
Il faut inventer en détestant le mal. Il faut concevoir en<br />
exploitant les outils de l’intelligence.<br />
Je ne veux plus souffrir avec le rictus Baudelairien, avec le vice<br />
du marquis ; j’espère par l’Intelligence belle de l’Esprit tirer de pures<br />
vérités autrement élevées et purifiées.<br />
Qu’ai-je à faire du présent ? Je dois me projeter dans l’avenir<br />
pour savoir et comprendre. Je parle de ma durée.<br />
Je dois conjuguer avec le Verbe, celui qui est près de Dieu,<br />
penser par l’Esprit et créer.<br />
Il n’y a pas travail ; il y a écoute et application de l’écoute.<br />
C’est la recherche de la science sublime, de la pensée<br />
excellente. Le puis-je ?<br />
908
IV<br />
Les feuillées vénérées illuminent l’espace clair sous la pensée<br />
limpide qui se liquéfie, se fragilise puis explose en mille sons<br />
multicolores et dansants là-dessous.<br />
Des nébuleuses sphériques bariolées de lumières voltigeantes<br />
tourbillonnent, jonglent et fuient là-bas derrière les masses bleutées, et<br />
vagabondent.<br />
Les torrents lavent les berges en haillons de verdure. Plus loin<br />
un peintre écrase des couleurs rouges et ocre sur un carré de toile. La<br />
voûte du ciel est bleue électrique. Je ne comprends pas.<br />
Quelle insouciance de l’esprit, quel vagabondage de l’âme sans<br />
raison, sans logique, uniquement confronté au jeu de la lyre pour<br />
produire des coups, des combinaisons heureuses et audacieuses !<br />
Ce n’est pas travailler pour accéder à la Vérité, mais c’est rire<br />
d’une activité impie, c’est caramboler pour le plaisir du divertissement.<br />
Ah ! Que ne puis-je m’en retourner à ma rigueur d’autrefois !<br />
Comme je hais ce désordre ! Le parallélisme assure au marcheur<br />
l’avancée du pied droit suivie immédiatement de celle du pied gauche !<br />
909
C’est vrai que l’on subit la monotonie du placement. Si du moins les<br />
paysages étaient de belles femmes vert émeraude, repues de chair et<br />
plantureuses. Alors en moi s’exciterait la représentation confuse et<br />
confondue d’une avalanche d’images aptes à stimuler...<br />
Et l’essor joyeux me porterait...<br />
Non, je cherche à parler sérieusement, à exprimer la<br />
justification de la règle qui obéissant à l’inspiration s’associe avec elle<br />
pour fabriquer un produit de l’esprit capable de séduire le lecteur.<br />
Sur l’ombre vive enflammée, le fluide de phosphore et les<br />
mèches dressées couleur opale lèchent la crête verte.<br />
L’oeil interne s’illumine, la pensée secrète s’éveille tout à coup<br />
pour exploser en millions de photos, de grains d’éclaircies qui<br />
transmettront l’idée à naître, celle qui cherche à vivre.<br />
Je dois produire ; il faut accéder à un principe supérieur de<br />
stylistique. Hélas ! Que puis-je entreprendre, moi jeté dans le XXe<br />
décadent ? Ai-je la raison et la rigueur du XVIIe ?<br />
910
V<br />
Dans quelle nuit lugubre dois-je me plonger pour extraire le<br />
mauvais diamant du mensonge ? J’en ai assez de mentir, je cherche la<br />
vérité par la certitude de l’Esprit.<br />
Yeux qui voyez, rapportez-moi la lumière spirituelle, celle qui<br />
transperce la matière et vient se loger, là au plus profond de l’homme<br />
sous les battements du cœur.<br />
Chacune des lettres qui compose ton nom, ô beauté, consacre<br />
ton sublime, enorgueillit ton idéal jusqu’à nous faire mourir lentement<br />
d’extase et d’abandon.<br />
Pour qui souffrons-nous ? La grandeur du martyr réside dans<br />
son aptitude à glorifier Dieu même dans la fournaise. Les êtres<br />
supérieurs s’en retournent, masse vaporeuse et décorporation astrale.<br />
Comment produire sans la recherche intérieure, sans tirer de soi<br />
la ressource invisible ? Il faut concevoir un espace différent, un support<br />
nouveau où germera, où s’extasiera la pousse de fleur de Muse.<br />
Pourtant je ne me prétends pas apte à extraire cette richesse encore<br />
inconnue. Ai-je l’éveil de l’inventeur ? Il me faut une mécanique<br />
911
ondulatoire : sera-ce la forme qui engendrera le poème ? Sera-ce le fond ?<br />
Je n’y crois guère ?<br />
Que lis-tu dans ma cervelle stérile ? L’interdit de trouver une<br />
forme pure émise par l’invisible né.<br />
Que dois-tu extirper après ce lustre de léthargie ? Le concept<br />
émotionnel qui répand ses ondes subliminales.<br />
Je prétends à la pensée folle, voltigeant au-delà de ses repaires,<br />
je crois vaguement embrasser des possibilités claires offertes à<br />
l’intelligence blanche.<br />
VI<br />
Si je t’écris qu’il faut tout détruire, tu douteras, tu en seras à<br />
mépriser mes relents d’écrivain. Je hais les révolutions, je leur préfère<br />
l’évolution dans la continuité. Donc : se baser sur les anciens, y ajouter<br />
sa nouveauté, préparer la sauce - le style - et espérer que cela prenne ...<br />
Où en sont les autres ? Je n’ai plus lu de poésie depuis six ans.<br />
J’étais trop fixé sur la Bible et le Coran : 100 000 et 20 000 alexandrins.<br />
Merci. Peut-être “ Libères ” chez Gallimard. Beaucoup me semblent<br />
petits à présent. Moi je pense VH. Qui est un monstre. Mon gros sumo.<br />
912
Ceci est très affectif.<br />
La cervelle, lourde de pensées parviendra-t-elle à extraire hors<br />
d’elle-même ces inconnus à contrôler ? Pour qui ? Le premier lecteur est<br />
un critique détestable.<br />
Il ne s’agit pas ici d’imaginer, non. Il faut puiser en soi-même<br />
la vérité qui s’y cache. Ni hasard, ni mémoire, ni combinaisons de<br />
propositions anciennes mêlées à des concepts ignorés de tous.<br />
Les lumières du Verbe m’éclairent tout à coup comme un<br />
nouveau Christ, comme un nouveau prophète. J’obéis, je tache à trouver<br />
ce qu’Ils m’inspirent. Je crains de me tromper. Ma foi est superbe.<br />
Je cherche par Daniel par Jérémie, par Osée, je cherche et je<br />
trouve. Mais que vaut mon intelligence ? Que vaut réellement cette<br />
perspicacité ? Je ne peux pas me tromper.<br />
Je scrute les Écritures. Je souffre par le Mal. Que vais-je<br />
pouvoir tirer de cette abominable violence ? Est-ce pour produire cela ?<br />
J’ai la connaissance des saints puisque je souffre. Je souffre,<br />
hélas ! À qui profite la douleur ?<br />
913
Ô toi qui plonges<br />
I<br />
Ô toi qui plonges dans le lourd sommeil sans images, conçois<br />
quelque peu par cette substance autre...<br />
Tu m’es espoir par la pureté de l’Oint et sur l’onde inventive, tu<br />
oscilles ou tu penses y découvrir le futur d’un secret.<br />
Ou mieux, tu es le souffle gonflé d’idées sereines, l’algèbre<br />
complexe d’un élixir à découvrir, à déceler là au plus loin, au plus<br />
proche pourtant de la raison diffuse.<br />
Tu m’es l’approche insoupçonnée, la brise d’aile légère dans le<br />
battement envolé, et je dois te saisir, ombre belle d’idée fraîche comme<br />
une femme imagée.<br />
Ou lentement tu descends les marches pour caresser le pur<br />
miroir d’eau fugitive, Princesse chaste aux pieds rêvés.<br />
Et je dois te capturer dans la transparence de ma pensée, quand<br />
à peine saisie, tu m’as échappé.<br />
Et je dois te concevoir dans la claire essence d’un concept<br />
914
supérieur ...<br />
Folie ! Audace ! Oser te comparer de la sorte à la femme, toi<br />
mon principe d’élévation, toi ma spéculation de l’esprit !<br />
II<br />
Je délaisse la terre d’ombres et d’odeurs où la forme de femme<br />
est repos de mon corps.<br />
Je vous cherche, grains de lumière pensés.<br />
Produisez plus sereinement, ô mes grains de lumière dans mon<br />
vide intérieur, comme météorites brûlées dans l’atmosphère. Mon ciel,<br />
ma mer dans leur calme apaisé, et c’est douceur encore sous l’égide de<br />
Pollux.<br />
Femme alanguie dans sa mollesse, dormeuse entre mes bras au<br />
plus clair de la nuit, qui donc en moi écoute le pur gémissement de ta<br />
faiblesse ? M’es-tu démon ? M’es-tu captive ? Ou le mal apaisé ? M’estu<br />
captive et soumise ou belle d’abandon dans l’évanouissement de ta<br />
chair ?<br />
915
Solitude, au plus profond de l’homme !<br />
I<br />
Solitude, au plus profond de l’homme ! Celle qui se répand sur<br />
mon épaule, lourde de chair et de fatigue, comprendra-t-elle un jour le<br />
secret de mon songe ?<br />
Splendide solitude au sublime de l’homme ...<br />
Je te sais seulement pour ta source de femme, je respire<br />
confusément tes paillettes d’or ...<br />
Le désir s’est enfui dans les vapeurs légères de l’orgasme. Je<br />
délaisse ce front de femme offert à la caresse suprême. Je plonge dans<br />
ma propre envie pour me savoir autrement, pour me comprendre un peu<br />
mieux.<br />
Celle qui souffle son haleine claire, comme brise très pure par<br />
ses lèvres éclatées de rouge dans la nacre brillante et parfaite, celle plus<br />
dévêtue que femme, repose corps alangui, rêveur.<br />
Toute perception plus douce à contempler, blonde et admirée ...<br />
Idéale sphère qui tient par son sublime ovale du visage ... et de quelle<br />
autre grâce supérieure encore t’aimer ? Je la sais lointaine, mystérieuse<br />
916
encore dans l’invisible et l’infini.<br />
Saveur de chair recommencée et vierge pour l’amant toujours<br />
nouveau, constance d’épouse qui supplie et gémit, beauté prise au coeur<br />
de son intime, dans son essence de femme, ô grâce et je suis ton captif<br />
dans le creux de toi-même ...<br />
Par toi, le rêve se forme, les noces spirituelles de l’amant, de la<br />
muse ; par toi, la chair se meurt et délaisse le miel délicieux de l’âme,<br />
grandes douceurs pour l’ultime épanouissement de ton orgasme.<br />
...<br />
Solitude au plus profond de l’homme ! Celle qui se répand etc<br />
917
II<br />
Et cet oint sublimé chez les hommes : “ Prophéties ! Prophéties ! ”<br />
Paroles naissantes inspirées par les Dieux, et tout ce souffle ailé, substances<br />
nourricières pour les générations autres, pour les fils et les filles plus purs<br />
peut-être ... de comprendre l’annonce faite.<br />
Nulle âme encore ne peut y prendre le message. Qu’on le<br />
bâillonne donc ! Le convainque de se taire dans l’assemblée silencieuse,<br />
dans la haute assemblée insouciante des paroles d’avenir !<br />
La belle perte de syllabes confuse roule sur la bouche de<br />
l’interdit, se mêle à la salive, à l’huile salivée. Les yeux lumineux<br />
brûlent d’un sel supérieur, et contemplent la beauté du Fils, soupirant,<br />
soupirant, hélas ! ...<br />
Je supplie et j’ai souci d’extase dans l’invisible à créer : ombre<br />
de femme et miel de femme, comme embarcation légère sur des<br />
mouvements de tangués et de voiles agitées encore.<br />
Voici l’amante endormie qui respire imprégnée de songe,<br />
soufflée de mensonges à la première heure bleue. Elle-même est fleur<br />
épanouie et reposée.<br />
C’est elle qui sommeille sous la pénombre du jour dans son<br />
918
amas confus de formes lourdes et d’étoffes épaisses et drapées, là dans<br />
son avalanche, elle dort.<br />
Et moi, je veille celle qui ne m’entend pas.<br />
Ô rêveuse jusqu’à moi hors de toi, temple d’images, qui médite<br />
dans l’inconnu des hommes, comme pensée très pure vers l’espace<br />
aérien, que n’es-tu donc que l’imperceptible certitude de vérité, qui<br />
côtoie le mensonge, le roule, le souffle comme la femme experte ?<br />
Observe-moi enfin : je m’éveille, je m’éclaire tout à coup, je<br />
prends science de ta haute naissance, le front marqué du sceau divin ;<br />
quel subtil bruissement approche encore tout près de toi ?<br />
Vocation qui s’ouvre sur l’ordre de l’illuminé de sphères et de<br />
lumières ! Ô splendeur de la Force sublime ! Ô toi éternellement pur qui<br />
te consumes et renais dans l’instant, dois-je le dire ? ...<br />
919
Et toi plus chaste<br />
Et toi plus chaste d’être enfance de rêve, dans tes blondeurs<br />
nées, n’es-tu point grande fille impossible à présent ? Oui, chair de<br />
femme contre ma chair d’espoir, haleine claire et douce sur mes yeux<br />
assoiffés, et corps d’arôme à ma bouche brûlante et offerte. Entendsmoi,<br />
je t’appelle.<br />
Oui, ce goût de femme amoureuse quand j’approche mes lèvres,<br />
et mon corps agenouillé quand ton interdit est fruit à consommer.<br />
Fourvoyeuse ma langue, tout tendues mes fibres, et je te vois, nappée de<br />
frissons, ouverte en tes herbages, dans ton silence fait de soupirs. La nuit<br />
est pleine d’occasions<br />
...<br />
Bel amour au goût de blé qui respire la profusion de richesse avec<br />
vallons de chair et de désirs bondissants, entends-tu ma souffrance<br />
invisible, ma sombre souffrance de mendicité, de corps brûlé sans soleil ?<br />
Ô fille splendide, le savais-tu ? Me vient toujours la sublimation<br />
de la chair belle, et belle comme œuvre d’art ...<br />
Voici. Elle se déplace. Est-il mots capables de produire l’image<br />
920
quand l’image déteste les mots ?<br />
Celle qui dans la nuit s’évapore sur l’épiderme frais de mon<br />
corps, qui lentement disparaît et fuit le désespéré, - sait-elle pourquoi<br />
réellement ?<br />
spectre ...<br />
Et moi que fais-je entre tes grandes jambes désertes ? Le même<br />
Et déjà dans l’aube laiteuse, la pure cérémonie nuptiale<br />
s’accomplit. Voici ! En cette feuille, s’admire l’épousée. Il y a<br />
longtemps qu’elle avait vouloir de la fibre de ce poème, pour y boire la<br />
vocation : “ Ô chant sublime ! Ô premier chant, je suis impatience,<br />
veuille me prêter la couronne superbe. Suis-je compagne du prophète ?<br />
Belle et soeur du poète ? Et qui sera mon homme ? ... ”<br />
Perle d’amante, ô sublime et désirée pour sa bouche assoiffée !<br />
Liqueur d’extase qui enivre ses lèvres chaudes ! Coule, coule suc de ta<br />
fibre, sueur exquise, sensiblement délicieuse au plus profond de sa gorge<br />
assouvie.<br />
921
Magnifique au loin l’Épouse<br />
I<br />
Magnifique au loin l’Épouse, et l’espérance insoupçonnée !...<br />
Chant de fiançailles, ô vous, je vous consacre mon souffle : j’offre une<br />
clameur belle, supérieure encore qui s’engouffre dans la chambre<br />
nuptiale. Si ce n’est un délire d’excès et de forme, avec quelles faveurs<br />
promises témoignerai-je ?<br />
Il me vient à l’esprit d’essayer ces quelques mots, je me dois de<br />
les combiner dans une folie raisonnée, dans une audace maîtrisée. N’estce<br />
pas là un jeu que d’y trouver son plaisir ?<br />
Oui, mes Dieux, je m’y consacre avec soin, avant qu’elle<br />
s’enfuit dans l’éther incompris, cette grande fille vierge de chair,<br />
d’étoiles incessantes composée.<br />
Je me dois de produire l’écrit, il me faut concevoir le poème. Je<br />
l’honorerai de profusion divine. N’est-ce point grande œuvre que d’agir<br />
ainsi ? Qui dirige le texte ?<br />
Ô mes sublimes donateurs, je vous retourne tous les biens que<br />
vous m’avez remis : j’ai entendu l’ordre, j’étais présent quand le<br />
message fut transmis. Oui, le bel ouvrage se propose et se fortifie. N’est-<br />
922
ce point obéissance à l’appel de la Voix ?<br />
Je parlerai de vous plus tard.<br />
Brise, berce ma naissance ! Inonde-la de souffles purs ! Que ma<br />
faveur repose au vrai soupir de vent léger !<br />
923
II<br />
Substance qui conçoit, qui reçoit l’éphémère parole de toute<br />
vérité certifiée. Oui ! Au plus profond de l’être, se pense une âme qui<br />
change.<br />
Extase d’être dans ta chair, en moi-même repu, au délice de<br />
m’entendre. L’élan du murmure me dicte tout à coup de produire par ce<br />
battement de cil, par ce soupçon d’insignifiance ... et j’émets des<br />
sonorités diverses, des pulsions d’écrit. Tant de choses qui sur l’instant<br />
s’obtiennent ... Ai-je l’étonnement<br />
?<br />
Et moi que suis-je au fond du corps dans la certitude du Fils<br />
avec souffle vrai de son Père, avec voyance d’intelligence des Frères, les<br />
Dieux ?<br />
La main qui pince le calame, qui se berce de paroles faciles, qui<br />
produit et accumule par le poème, n’est-ce donc que cela ?<br />
Comme il advint à celui qui très longtemps, sentinelle de son<br />
ombre, attendait en vain l’explication du message ...<br />
Pour moi, dans la confiance des Dieux, je deviens le serviteur.<br />
924
Ne me dessaisissez pas, ô belles clartés. Mais que suis-je dans<br />
l’immense sérénité, dans cette certitude éternelle, effrayante !<br />
Femme, haute de tes délires, belle tentatrice, tu proposes à mon<br />
âme ces desseins insoupçonnés, ces esquisses d’audaces, vois, je te<br />
prends tout tremblant, soumis, toi, armée de lanières, je viens lécher le<br />
ruissellement de tes sécrétions ...<br />
Ah ! Concept ridicule ! Moi, je puise à la source de l’Esprit ...<br />
Se lève la violence avec picotements aigres sur les cuisses, avec<br />
agressions latentes de ce mal invisible. Et que vais-je obtenir, moi dans<br />
ce tohu-bohu ridicule, dans cette grande messe de la bêtise ?<br />
De penser ainsi le savais-tu ? Me vient parfois cet idéal de<br />
vivre, avec bercements insoupçonnés d’états latents, avec espoirs vains<br />
et instants disparus, gris là-bas peut-être dans des lieux que je ne puis<br />
atteindre, ô mes sources interdites.<br />
925
Je prétends le Verbe<br />
Je prétends le Verbe entre l’Élixir et la pensée céleste.<br />
Inengendré, incréé, au-dessus, Il se conçoit soi-même, sublime<br />
et divin, dans sa parfaite communion avec le Père.<br />
Je me sais hélas dans ma ridicule naïveté de voyant, d’oint, de<br />
rien, de moi en vérité.<br />
qu’à recevoir.<br />
Ton existence terrestre ne te sert qu’à progresser, qu’à sublimer,<br />
La nuit me permet de retrouver l’éphémère image qui disparaît<br />
là-bas derrière le mur. (Je parle en mystique. Moi seul puis me<br />
comprendre). Y voyez-vous des Dieux ? Je les vois.<br />
L’esprit est au futur. À moi la concordance des temps. À vous,<br />
l’interprétation diverse.<br />
Ne me méprisez pas. Souvenez-vous du grain de sénevé.<br />
L’image me reste, puissante et immortelle, - votre image - ô<br />
926
sublime image.<br />
Que puis-je avec ce petit esprit ? Mais que puis-je obtenir ?<br />
Il faudra quantifier le surnombre, donner à certains, taire à<br />
d’autres. Si du moins j’obtenais ce que je me suis promis !<br />
Produis et donne ; travaille et transmets ; ce que tu possèdes,<br />
offre-le à tes fils ; apprends à ajouter sur ce qui est déjà ; nourris-toi dans<br />
tes pères, tes pères instruits.<br />
Absence pour les autres. Non, il n’y avait personne. Ô vous,<br />
mes chers livres, mes belles Pléiades, et puis Toi, et puis Toi, et ton<br />
Frère, et moi peut-être, moi certainement, hélas !<br />
L’Esprit, au plus beau, là-bas, dans l’exil, apparut et qui fuit, si<br />
près de moi, prêt à disparaître, reparti, retourné, à jamais peut-être.<br />
En vérité Père, à part Toi, qui ai-je connu de plus beau ?<br />
Ce n’est pas d’une mémoire dont j’ai besoin ; je recherche un<br />
moyen, une manière de produire, d’extraire. C’est du neuf qu’il me faut.<br />
Qui est neuf ?<br />
927
Les ténèbres de l’espoir m’encombrent sous des ors étouffés.<br />
Entends-moi qui respire, doucement comme un frêle filament, comme<br />
une tige bercée par l’air câlin.<br />
“ Mon frère, le doute. ” (Pourquoi as-tu douté Céphas ?) (Je me<br />
rappelle la parole du Fils) (Moi, j’ai douté de son Père).<br />
Non, ce n’est pas seulement cela. Fallait-il me couvrir de<br />
ridicule, ou porter le poids de la honte ?<br />
928
À l’horizon poétique<br />
À l’horizon poétique est l’incertitude.<br />
Quelles propositions nouvelles, l’intelligence saura-t-elle<br />
produire ? Incapables que nous sommes de faire évoluer la forme, nous<br />
devons concevoir un fond toujours différent.<br />
Qui dit différent, ne dit pas spécialement meilleur.<br />
Je crois en l’intelligence collective. Elle existe déjà dans les<br />
secteurs de la science expérimentale et des techniques appliquées.<br />
Mais les poètes sont des femmes, ils se chamaillent stupidement<br />
et ne savent pas travailler ensemble. Ils travaillent les uns contre les<br />
autres, se méprisent et sous-évaluent leurs exercices.<br />
Ce sont des égocentriques. Le vieil adage : l’union fait la force<br />
n’a jamais été aussi vrai.<br />
Toujours refusés, toujours niés par autrui nous produisons<br />
encore autrement pour changer la manière, pour obtenir un nouveau<br />
fond. Nous courons après l’originalité. Nous en sommes à nous faire<br />
ingénieux en utilisant les symboles et les analogies d’autrefois. Nous<br />
allons vers l’avenir à reculons.<br />
929
Est-ce révolution permanente dans nos piètres cervelles ?<br />
Méfions-nous ! L’avons-nous parfois embrassée dans son concept initial ?<br />
Cherchons encore.<br />
930
Je ne fais que répéter<br />
Je ne fais que répéter.<br />
La splendide lumière du Verbe m’éveille et me sanctifie.<br />
Pourtant je ne participe pas à la sublimation géniale. Je demeure dans<br />
l’ombre de moi-même, vaincu et suppliant.<br />
Le combat dans l’obéissance.<br />
Soumis au Mal, obéissant aux Dieux. Il n’y a pas alternance,<br />
mais interaction, intégration de ces deux opposés. Chez moi, ce mystère<br />
est inexistant.<br />
Comment pourrais-je haïr ? C’est un dégoût que de tout<br />
partager. Est-ce cela élévation ? Je dois donc me plonger dans cette<br />
pourriture de morale.<br />
Toi l’imaginaire, je te déteste, car le mélange est mensonge. Je<br />
cherche mes puretés, mes Dieux, mes prophéties.<br />
C’est par les yeux que l’on se fait voyant et non pas le<br />
dérèglement des sens. (Mais voyant veut dire prophète.)<br />
La mémoire ? À quoi peut-elle servir ? À aller dans l’avenir ?<br />
931
- Puissances infinies ! Que suis-je moi chétif vermisseau ?<br />
- Et cesse de dire : je ne suis qu’un enfant.<br />
Ce bouquet d’ombres de fleurs épanouies au soleil de mon âme<br />
éveille mes espoirs de poèmes, d’élixirs etc.<br />
Voici la lumière et sa couronne de gloire qui triomphe, qui<br />
triomphe. Qui sera le premier ?<br />
L’appel céleste au plus sublime de ma nuit, et la petite<br />
intelligence interrogative encombrée de lourds impossibles à combattre,<br />
éveillée à la lumière qui déchire la matière. Moi.<br />
Je pense aux femmes que j’aime, toujours les mêmes, le même<br />
visage, la même chevelure, toutes en crinières blondes bouclées et<br />
voluptueuses. Ce sont des moissons, des champs de blés, c’est la<br />
richesse de l’amant. Cela est facile, je le sais.<br />
Cette jeunesse avide d’apprentissage.<br />
932
De très grands espoirs<br />
C’étaient de très grands espoirs de croissance pour développer<br />
la possibilité intellectuelle et la faire s’épanouir au-delà de la limite<br />
autorisée, c’étaient ces interdits à violer et à entreprendre. Mais qui<br />
aurait eu l’audace de s’y aventurer ? Quel être se serait prévalu de<br />
pouvoir s’y essayer ?<br />
On disputait pour savoir qui était le premier de Jean ou de<br />
Pierre tandis qu’il fallait se faire Christ !<br />
Et d’implorer la beauté de l’Esprit, l’extrême grandeur de Dieu,<br />
là-bas si loin sur les hauteurs, proche toutefois, apte à transmettre, à<br />
inspirer !<br />
Dans les déroutes de l’intelligence, dans ses méandres abjects<br />
où se mêlent vices et passions, désirs charnels et petitesses matérielles,<br />
on espérait pourtant se hausser quelque peu, on prétendait nos actes<br />
mieux devenir ...<br />
Désastre de soi-même ! Ô la forme effrayante du mal qui gît et<br />
s’anime là au plus près, qui dispose et décide des faillites, qui perpétue<br />
les faiblesses d’hier et les impose encore ! Ô détestable passé, horrible<br />
autrefois !<br />
933
934
La jeune pensée<br />
Ô fille légère presque dansante dans l’orée de mon matin, vois,<br />
je me baigne d’images claires, de pensée aériennes, d’imperceptibles<br />
bruissements d’ailes... Ou je te regarde, tu t’animes, tu virevoltes et<br />
reviens très fine te poser sur le bout de mes doigts.<br />
- Est-ce là cette fille, cette pensée alerte ?<br />
Cette fille et peut-être sotte ?<br />
- Veux-tu te taire ? Là voilà déjà cherchant autre compagne<br />
pour s’associer dans un ballet printanier. Puis une autre encore semble<br />
surgir de l’escarpement de l’intelligence, qui chante, court et danse ...<br />
Observe ! Elle, délicieuse, de grâce vêtue, telle danseuse. Tout cela est<br />
vraiment délicat, de voilures vues et se courbe, et butine, folle dans<br />
l’éther, posée et s’élève à nouveau.<br />
Le bel état subtil de formes insaisissables et entrevues dans<br />
l’éclat de lumière de filles aimées !<br />
Ces instants, ces éclairs, ces fragments conçus et perdus, ces<br />
bonds de la cervelle ... Elles se disputent une forme, avec baguette de<br />
phosphore et voltigent, tourbillonnent sur elles-mêmes, et semblent<br />
démêler le pur de son impur, semblent défaire l’informe, chassent la lie,<br />
935
et s’éveillent dans le sel, mon bel aliment !<br />
Si l’une veut se cacher dans l’ombre, c’est pour reparaître<br />
ingénue ou libertine, folle ou insouciante. Je me régale de ses jeux<br />
amoureux, sibyllins.<br />
Allez viens, pose-toi sur ma bouche et me donne le doux baiser.<br />
936
Le sommeil<br />
Au plus profond de Moi est le Sommeil, sorte de masse<br />
détestable et inerte, repue de fatigue, se nourrissant des excréments de<br />
ma vie éveillée.<br />
Tu m’attires inlassablement vers toi, m’envoûtes et<br />
m’hypnotises. Tu es bête, incapable que tu es d’échanger la moindre<br />
vérité utile à ma raison, tu es l’absence de ma conscience, la constance<br />
de perte temporelle, le mange-vie de mon savoir.<br />
Ta facilité me plonge dans ton néant d’oublis, de récupération,<br />
de nécessaire fortification. Tu es la charge que je porte sur un tiers<br />
d’existence, tu es l’impôt de mon corps, le prélèvement de vie ! Tu es<br />
mon voleur de temps.<br />
Tu gaspilles mon existence, immense et avide, tu es ma faible<br />
performance, mon interdit à spéculer. Tu ponctionnes le temps et ta<br />
durée subsiste car ta dimension est certaine.<br />
Quelle autre pensée pourrait animer mon esprit te concernant ?<br />
Je m’intègre en toi, je pénètre en moi pourtant, mais y aurait-il quelque<br />
subtil échange entre nous deux ? Voilà, tu fais le mort. Je te subis sans te<br />
désirer. Et je me sens terriblement captif de ta fausse personne. Je<br />
937
t’entends au travers d’un soupir. Avec ce rythme lent et régulièrement,<br />
tu exhales le souffle de ton propre système d’existence. Tu es ma<br />
faiblesse, et je me sens stupide en toi.<br />
Je suis un étranger au fond de moi-même, perdu dans sa propre<br />
demeure. Je suis cet être immobile, ce handicapé de l’âme incapable<br />
d’utiliser ses jambes et des bras.<br />
Tu entraves mes mouvements par ta paralysie.<br />
Ton regard intérieur est tourné vers les sombres ténèbres. Il se<br />
nourrit de néant, s’inspire d’ombre et prétend penser toutefois ! Tu te<br />
suffis de ta substance informe et nullement précise, avachi que tu es<br />
dans ta propre cité ! Tu te repais de mes déchets par le travail du rêve, tu<br />
te conçois à travers cette masse ridicule d’images haïssables ... Voilà ce<br />
que tu présentes à ma propre raison, et tu prétends que je dois me<br />
satisfaire de si peu ?<br />
Quelle maigre critique t’a donc disposé ainsi ? Reconnais que je<br />
te suis autrement supérieur. Je suis ta Conscience. Un abîme nous<br />
éloigne tandis que je suis inclus en toi ! Étrange sentiment qui m’éclaire<br />
encore !<br />
938
Au soleil irradiant<br />
Au soleil irradiant ma sublime puissance,<br />
Je bois l’or qui s’écoule de la sphère exaltée.<br />
Je me nourris de nard, d’extase, dès ma naissance,<br />
Je roule dans son souffle de lumière enivrée.<br />
Et le Dieu satisfait de ma nature sereine<br />
S’élève vers le ciel réjoui de bonheur.<br />
Il caresse l’éther baignant de blanche haleine<br />
L’invisible inconnu jusque dans sa hauteur.<br />
Tout principe de vie instruit d’autorité,<br />
Dans la gloire immortelle et l’esprit de splendeur<br />
Éclaire l’intelligence de pure lucidité :<br />
L’oint jadis promis et superbe éternel<br />
Resplendit de beauté parmi ces deux grandeurs,<br />
Divine vision d’espace solennel !<br />
939
Voyance ! Ô mes divins<br />
Voyance ! Ô mes divins par l’esprit de lumière,<br />
Les superbes effets baignés de transparence.<br />
Pour l’espoir absolu de pure intelligence,<br />
Je vous veux désormais dans ma pensée entière.<br />
La puissance abolit l’opacité du mur :<br />
Je peux glorifier la vision suprême.<br />
Je me nourris d’extase comme le saint du Chrême.<br />
Hagard et accompli, je supplie vers l’Azur.<br />
Vous placez ma présence dans l’extrême grandeur<br />
Où mon âme incomprise se suffit de l’exil<br />
Et je contemple encore l’aspect de la splendeur,<br />
La vôtre, si au plus près de l’éternité<br />
Dans le produit d’étoiles insensé et fertile<br />
Où même vous riez de votre immensité !<br />
940
Le qui suis-je<br />
Je ne t’en veux pas,<br />
Je ne me crois pas,<br />
Et j’ai oublié<br />
Ce que j’étais.<br />
Je ne me vois pas,<br />
Je ne me sais pas,<br />
Mais j’ai espéré<br />
Pouvoir me signifier<br />
Ce que je serai.<br />
À quoi avons-nous travaillé<br />
Tout au long de la destinée ?<br />
À essayer<br />
De comprendre<br />
Ce qu’Il avait imaginé,<br />
Ce qu’Il avait décidé.<br />
Qu’avez-vous bien pu faire<br />
Jusqu’à la mort de l’été ?<br />
Nous avons espéré<br />
Pouvoir nous dessiner,<br />
941
Nous décider<br />
D’exister.<br />
942
Le Sylphe<br />
Ô moi, pauvre miroir, je gémis de beauté<br />
Pour m’être caressé dans ma pure nudité,<br />
Et j’implore, et supplie la nymphe souveraine<br />
De tenter de m’offrir sa chair dans la fontaine.<br />
Qui m’écoute attendri au calme éclat du soir<br />
Où la lune laiteuse répand au reposoir<br />
Nonchalamment repue une forme d’ivresse,<br />
Appesantie et lourde imprégnée de mollesse ?<br />
La chair est apaisée et se languit d’extase.<br />
S’étonnant de soi-même, son image s’embrase<br />
Et cherche tout à coup quelque nouveau baiser !<br />
Dois-je me satisfaire de l’invisible effet<br />
Et soupirer, clair Sylphe, dans le bleu d’un reflet<br />
Où l’ombre de mon âme semble s’être apaisé ?<br />
943
La dominatrice<br />
I<br />
Ne veux-tu pas ma chair embrasser la charmante ?<br />
Ne veux-tu pas ce soir caresser ton amante,<br />
Et comme un long parfum tout imprégné de rêve,<br />
Déshabiller sa grâce qui lentement et s’élève ?<br />
Il est doux de mourir dans son corps de déesse.<br />
L’âme y trouve refuge très loin de la détresse.<br />
La chair est sur la chair et se métamorphose,<br />
En s’essayant encore dans de sublimes poses.<br />
Tout appelle à l’amour : l’existence brumeuse,<br />
La conscience du moi toujours dévastatrice<br />
Et sa beauté sauvage ferme et dominatrice.<br />
Implore sa science et supplie-la encore<br />
De verser le supplice au profond de ton corps,<br />
Et de jouir en toi, ô superbe semeuse !<br />
944
II<br />
Quel plaisir trouves-tu à me soumettre encore,<br />
Exigeante et cruelle, ô femme de la mort ?<br />
Quelle jouissance as-tu, ô superbe maîtresse<br />
À entraver ma chair dans le bois de détresse ?<br />
Me voici à genoux quémandant le pardon,<br />
Écrasé et soumis nu et à l’abandon.<br />
Les mains liées, frappé par ta baguette d’or,<br />
Tu m’imposes à lécher les fruits de ton trésor.<br />
Ô Mégère idolâtre, toi divine et sublime,<br />
Enfonce dans mon coeur cette lame assassine<br />
Et viens te reposer en buvant mon poison.<br />
À moins que frénétique et ivre de désirs,<br />
Tu veuilles chevaucher jusqu’au dernier soupir<br />
Les vices inconnus de ma sombre raison ?<br />
945
Ô parfum répandu<br />
Ô parfum répandu sur tes courbes célèbres,<br />
Aromate bizarre nourri de chair intime,<br />
Lente macération de ma plus pure estime,<br />
Je veux trois fois mourir dans tes trouées funèbres.<br />
Et j’irai me répandre là où jaillit la sève,<br />
Dormir au plus lointain de cette forêt sombre,<br />
Me coucher bienheureux comme rêvent les ombres<br />
Et voguer ou nager vers la chair qui s’élève.<br />
Et qui sait si là-bas éloigné de l’horreur,<br />
De la cynique vie où s’épuisent mes jours<br />
Je trouverai un lieu pour chasser ma torpeur ?<br />
Se peut-il qu’en toi-même dans la nuit enfermé,<br />
Je découvre l’issue qui m’offre le secours,<br />
Ô fatal interdit du plaisir embaumé ?<br />
946
Je veux perpétuer<br />
Je veux perpétuer par la race suprême<br />
Le don de figurer dans le tombeau, extrême<br />
D’une mort qui ne fait que languir, et encore<br />
Poser le délicat avec l’éclat de l’or.<br />
Nonchalamment éteint, ou plus vrai, éternel,<br />
À présent éloigné du rut bas et charnel,<br />
J’offre le vrai poëme aux dieux meilleurs élu,<br />
Ayant la suffisance d’être à deux au moins lu.<br />
Comme toi, cher Stéphane, au pur miroir fugace<br />
Une ombre de toi-même apparaît et s’efface<br />
Et nie en cet instant le réel du lecteur.<br />
À moins que retournant dans le passé permis,<br />
Je vienne visiter pour témoin le génie<br />
Qui ne m’accuse point d’un effet de menteur.<br />
947
Into himself resolved by Death’s great change<br />
Il vient à abolir la légende éternelle<br />
Par le temps maîtrisé en sa verve féconde ;<br />
L’éphémère absolue gît livide, immortelle<br />
Crucifiée en son sein par sa haute faconde.<br />
Ô ris si en toi-même tu n’as pu concevoir<br />
Sous le sceau du génie la superbe splendeur !<br />
Ta critique aiguisée sait-elle se décevoir<br />
Reconnaissant l’acquis triomphant de grandeur ?<br />
Mais il se peut encore que t’essayant au jeu<br />
Tu sois, frère, parvenu à gravir l’idéal<br />
Encombrant de bouquets l’art du poème feu ?<br />
Avec sérénité, sur toi tu les déposes<br />
Et veux te gloser d’être le pur féal<br />
Pour le couronnement des invisibles roses.<br />
948
Souffles nouveaux II<br />
Divinités propices ...<br />
Divinités propices à toute sorte de savoir, c’est encore vous que<br />
je supplie, que je supplie agenouillé dans l’innocence de moi-même ...<br />
Et les superbes livres nourris de pensées supérieures, où sont-ils<br />
? J’en ferai ma culture ... Déjà je veux m’instruire.<br />
Pourquoi serai-je triste ? Ai-je bu à la gourde de l’homme ? Me<br />
suis-je enivré de son nectar ? Quel nectar ?<br />
Si l’homme s’engage à mes côtés, je le ferai boire face au Vent,<br />
face au grand Vent du Savoir.<br />
Mes Dieux sont venus me donner naissance pour la deuxième<br />
fois. Jaillissez, ô forces divines ! Suis-je le bien de votre progéniture,<br />
suis-je rajout ?<br />
consacre tout.<br />
Oui, Fils, plus beau encore dans ma certitude, vois, je te<br />
Sont-ce pensées nouvelles dans le vent divin ? Irai-je ailleurs,<br />
949
là-bas, au plus profond de moi-même pour concevoir autrement ?<br />
Donnez-moi, ô Dieux, la plénitude de mon dû !<br />
Encore conceptions plus pures, conceptions élevées par l’Esprit<br />
qui pense, par l’Esprit secondé.<br />
C’est un vol inconnu au-dessus de la ville.<br />
Ha ! Certes, des pensées élevées nourries à l’essence du Vent !<br />
Certes, des concepts autrement définis ! ...<br />
C’est l’envolée vers les espoirs nouveaux, une légèreté de<br />
plume qui monte dans les airs !<br />
L’impatience excède l’homme, homme étrange, sorte de<br />
transmetteur entre la masse et l’irréel, le sommet et le néant. Oui,<br />
l’homme dans sa réalité stupide et borgne, inapte à comprendre et à se<br />
reconstruire, l’homme simple et primaire.<br />
Ce n’est point la foudre, l’illumination brève dans le noir<br />
charbon qui est invoquée, non, ce qui est invoqué c’est l’Autre, je veux<br />
dire le frère de Dieu, sa Présence.<br />
“ Me voyez-vous soudain ? Déjà, je disparais, déjà je ne suis<br />
plus, moi qui suis apparu ”.<br />
950
Ô moi qui subis les outrages, moi si frais dans le monstrueux<br />
orage, saurai-je faire de mes dieux mon Festin ?<br />
Me hâter, me hâter ! produire vite et mieux dans le bel<br />
environnement, dans le lieu favorable, bien éloigné de la cuisse, de<br />
l’aisselle aigre de la femme, et peut-être que mes Fils me succéderont ...<br />
Oui, semences venues du ciel, venez me développer. Aurai-je le<br />
privilège d’être novateur ?<br />
Venez m’envahir, venez me dominer, soyez mes tuteurs, ô<br />
Pères de l’Esprit. Que je croisse, et dans l’expectative des choses de<br />
croissance, que la puissance du Fils, que son immense vérité se fortifie<br />
encore !<br />
La grande formation doctrinale doit me nourrir, m’instruire et<br />
m’élever. Et n’ai-je pas l’espoir d’une potentialité autre, nouvelle, plus<br />
performante, peut-être !<br />
Si l’homme de poésie préfère la rose à son créateur, l’oiseau à<br />
son géniteur, qui puis-je ? Oiseau et rose s’en retourneront à la mort.<br />
Non, je ne suis pas le maître de ma pensée, je suis là face au<br />
951
Vent, essayant de comprendre, de saisir et de concevoir aussi.<br />
952
Conscience<br />
Tu es toujours satisfait de ta piètre médiocrité, tu te flattes<br />
d’être toi-même, et tu festonnes à l’extérieur comme si ta compétence te<br />
permettait de te prévaloir de quelconque valeur.<br />
Pourtant tu es rien, tu es le néant ajouté sur la ténèbre noire,<br />
l’insignifiant rejeté par tous, le vers solitaire se tortillant tant bien que<br />
mal.<br />
Et là au fond de ta conscience, un être prétentieux te dit : “<br />
Qu’importe ! Je ne suis pas compris, ne suis pas lu, je ne suis pas édité,<br />
mais j’ai la certitude de posséder quelque chose, et j’appelle cela le don. ”<br />
Et des milliers, des centaines de milliers de poétereaux de<br />
province, de personnages imbus de leur suffisance raisonnent comme<br />
toi, c’est-à-dire comme des pots de faïence, que Dieu casse, que Dieu<br />
méprise, que Dieu rejette !<br />
Faut-il poursuivre le jeu obséquieux de la séduction ? Faut-il<br />
tenter par-delà les refus, par-delà les certitudes d’échecs la mécanique<br />
inutile du relationnel, qui nous renvoie et nous meurtrit ?<br />
N’y a-t-il pas lassitude devant cette incapacité à prouver à<br />
953
l’autre que ce que l’on produit peut être utile ? N’y a-t-il pas non plus<br />
dégoût de soi-même devant cette constance de refus ou ce mépris<br />
courtois qu’exprime la critique ?<br />
Dans quelle source énergique, dans quelle foi devons-nous nous<br />
plonger comme dans une eau de régénérescence ? Où trouver cette<br />
volonté puissante de poursuivre toutefois le produit détesté de tous,<br />
méprisé de l’ensemble ? Mais où trouver la force ? Est-ce du<br />
j’emboutisme ?<br />
954
Il faudrait engendrer<br />
Il faudrait engendrer une nouvelle essence, éloignée de tout<br />
vice et de toute concupiscence. Tu es lambeaux sauvages, tu te complais<br />
dans ta solitude ardente ... N’as-tu jamais pensé concevoir autrement ?<br />
Avec plus d’humanisme ?<br />
Tu exploses, tu plonges dans le jeu languissant des variables de<br />
mots. Parfois tu gesticules ! Au profond de ton âme est une fourmillante<br />
cité, sinueuse, aride, éternelle où se mêlent des parfums et des saveurs.<br />
Crois-tu réellement que d’une jouissance promise tu brilleras de<br />
mille sceaux ? Je te sais, tu aimes t’éloigner de ces mondanités ridicules<br />
et détestables ...<br />
Cesse de parler en mon nom ! Cesse, vaine rumeur ! Pourtant<br />
n’irrites-tu pas ce jeune homme qui va nu, qui se nourrit de ses<br />
charnelles délivrances ? Tu es grâce vaillante, et la sagesse t’est donnée !<br />
À qui va ressembler le témoin noble et pur ? Baigné d’un sang<br />
neuf, tu glorifies ta plainte.<br />
955
Il est un chant<br />
Il est un chant à détruire, à détester, à maudire, il est là pourtant,<br />
il insiste - je me dois de l’utiliser.<br />
Vous qui savez, femmes superbes et stériles, où s’arrêtent nos<br />
chants, et dans quels corps de rêves se dresseront nos fantasmes, gardeznous<br />
un sein parfait pour reposer nos âmes.<br />
La puissance se dresse ! La puissance se dresse ! Observez-la.<br />
Elle veut déjà labourer de déchirures nos tendres chairs.<br />
Et toi, Sylphe qui va t’exécuter, qui va t’essayer à extraire des<br />
sonorités nouvelles, sous le gaussement de ton pipeau stupide, considère<br />
encore la faiblesse offerte à ton piètre chant.<br />
Les injustices, les faibles capacités de ma raison me font<br />
détester tout ce que je puis obtenir. Les revendications de la chair sont<br />
peu de chose comparées à l’immense désespoir où se jette la vérité<br />
poétique. Et qu’un souffle vienne à passer, comme ancien souvenir et<br />
jeunesse oubliée, alors tristesse du moi et tristesse encore !<br />
956
Âge majeur<br />
Âge majeur, déjà atteins mon espace, espace de nouveautés et<br />
d’invisibles aussi. J’accède à la limite parfaite dans l’inconnu, dans<br />
l’inconnu qui se cherche et se découvre. J’exploite des horizons autres,<br />
des pensées diffuses, des concepts bigarrés. J’invente encore le drame,<br />
désirant bêtement l’unir à la passion d’écrire. Mais que vais-je en tirer<br />
de toutes ces folies audacieuses, de tous ces déchirements dans l’espace<br />
comme des éclairs dans la cervelle ? Je l’ignore. Je m’observe et je me<br />
contente de noter ce qu’Il veut bien ...<br />
Plus loin un déchirement d’images atroces où se concentre la<br />
folie perverse de quelques-uns uns, femmes que j’ai autrefois aimées. Je<br />
les anime et leur impose pour leur jouissance une domination exquise<br />
entre chaînes et lacets, bondage et humiliation. Elles se forment, se<br />
déforment et disparaissent dans des hurlements sublimes de chiennes<br />
écarlates.<br />
Ô mes raisons ensanglantées sur des lames étincelantes, mes<br />
objets phalliques dans des trouées superbes, ô beautés du songe que<br />
j’arrache avec mes dents géniales, je dirais encore les audaces de mes<br />
nuits d’autrefois.<br />
957
Grande fille blonde<br />
Une très grande fille blonde dans une robe presque bleue<br />
déchire tout à coup mon espace de pensées où la raison tâchait de s’unir<br />
avec la logique mystique, - accouplement difficile, audacieux mais<br />
intéressant à tenir.<br />
Est-ce défaillance de mon estime ? Est-ce faiblesse de moimême<br />
?<br />
Je poursuis toutefois mon cheminement vers les buts aériens. Et<br />
dans le bleu de cet inconnu mien, qui y a-t-il ? La sphère limpide et pâle,<br />
ce moi-même sans chair, idéalisé, qui voltige et tourbillonne dans sa<br />
constance de sérénité.<br />
Je chercherai ce moi-même dans demain peut-être, quand<br />
arraché de cette enveloppe de terre, j’irai penser éternellement, plus<br />
beau, je le sais.<br />
958
Quand nous sommes jeunes<br />
Quand nous sommes jeunes, nous produisons par effet de<br />
synthèse, nous concevons par le génie des créatifs, notre énergie est<br />
fusion, nous travaillons avec le poème de l’autre, des autres - il y a un<br />
moyen employé qui s’appelle condensation.<br />
Et cette intelligence plaît - elle est ramification, rajout de<br />
brindilles, de branche légère sur le noble tronc de l’arbre poétique.<br />
Puis nous vieillissons, hélas ou heureusement. Mais notre<br />
action plus personnelle est peu apte à être comprise - elle est en décalage<br />
avec la capacité de critique que possède le lecteur (Difficile de lui faire<br />
comprendre, plus difficile serait de lui demander d’ajouter sur notre<br />
compétence, - je plaisante -) et l’on s’aperçoit que ce qui enchante, ce<br />
qui charme, ce qui séduit, c’est justement cette spontanéité de jeunesse<br />
que nous possédions autrefois.<br />
De quelle manière devons-nous nous y prendre ? Il nous<br />
faudrait à la fois l’insouciance, la légèreté de l’âge nubile associée à la<br />
raison, à la rigueur de l’âge adulte. Mais est-ce réellement compatible ?<br />
N’y a-t-il pas dans cette absolue recherche quelconque utopie à satisfaire<br />
une loi impossible ?<br />
959
L’instrument<br />
Quel est l’instrument exact pour mesurer ?<br />
Il y a l’homme avec sa certitude, les yeux obstinément fermés,<br />
cherchant dans sa mémoire les origines de sa critique, qui suffoque et se<br />
crispe lorsque je lui propose des écrits nouveaux.<br />
Clos en lui-même, quel est son horizon ? La courbe de sa<br />
certitude le limite à son néant. J’offre la chair de mon poème pour le<br />
nourrir et le fortifier. Il prétend regarder arc-bouter sur mon vrai ciel.<br />
Mais que peut-il admirer, que veut-il mesurer ? Déjà je suis enseveli et<br />
m’en retourne dans mes sables mouvants.<br />
960
Aphrodite<br />
Cependant la beauté depuis déjà longtemps soumise à des désirs<br />
inassouvis, nourrit au plus profond de sa chair des souffrances extrêmes,<br />
un invisible feu la torture dans son corps, et elle gémit de languir.<br />
La puissance éclatante du héros, les superbes reliefs de ses<br />
muscles reviennent constamment à sa pensée. La force remarquable de<br />
sa nudité demeure fixée dans son esprit, et troublée par ses images<br />
inoubliables elle ne peut abandonner ses membres à un repos qui puisse<br />
l’apaiser.<br />
Le jour s’était levé, et l’Aurore balbutiante éclairait mollement<br />
de ses faibles rayons la chambre encore humide, alors Aphrodite se fit à<br />
elle-même cette douce confidence :<br />
“Ô toi ma propre soeur, quelles sublimes visions me<br />
tourmentent et me tiennent en suspens ! Qui est ce dieu superbe qui<br />
pénètre en nos âmes ? Quelle grandeur, quelle noblesse s’animent sur<br />
son visage ! Cette beauté virile m’a saisi tout à coup, et je peux supposer<br />
de grandioses exploits ! Oui, je veux l’espérer, - que cela ne me soit<br />
point illusoire - il est lui-même un dieu. La médiocrité se répand dans la<br />
cervelle des plus humbles, la couardise et la crainte ont tôt fait de<br />
s’animer en eux ... Mais lui, de quelle essence est-il fait ? Quelle mère<br />
l’a porté ? Je puis imaginer sa destinée glorieuse, ses guerres et tous les<br />
961
périls qu’il a dû affronter ... Mais je m’éloigne, je le désire, je le<br />
recherche et ai la ferme volonté de m’unir à son corps par les effluves du<br />
plaisir.<br />
Trop longtemps déçue par mes premières amours, je voulais<br />
délaisser le nuptial combat et imposais à mes sens de ne plus succomber.<br />
J’éteignais la torche ardente qui gît profondément dans le corps de la<br />
femme, et je crus en moi-même me dégoûter de tout plaisir. Pourtant<br />
j’en ai la certitude, il tourmente à nouveau mes sens et me fait souffrir<br />
des orgasmes interdits, toute ma volonté ne pourrait me contenir,<br />
constamment je le vois, je le sais me prendre et me pénétrer pour<br />
exploser après des profonds va-et-vient dans ma chair. Je connais à<br />
nouveau le désir d’autrefois, je sens jaillir les flammes de la torche<br />
d’hier.<br />
Ô mon Père, de quels tourments ta pauvre fille s’agite tout à<br />
coup ! Veuille me pardonner, ou me précipite alors dans la profonde nuit<br />
avec les tristes ombres pour n’en plus revenir !”<br />
Elle parla ainsi, et soumise à des convulsions étranges laissa<br />
éclater des larmes qui se répandirent sur sa blanche poitrine.<br />
962
Le messie pastoral<br />
Après avoir accompli sa prière et supplié humblement les dieux<br />
du site, il prit quelques gouttes d’huile d’une petite fiole accrochée à son<br />
cou, il en versa la substance dans le creux de ses paumes, se frotta les<br />
mains et répandit le liquide restant sur son front et ses lèvres.<br />
Il ceignit ses tempes d’un rameau d’olivier, et implora les<br />
forces mauvaises du lieu de cesser de le tourmenter et de s’en retourner<br />
dans leur caverne ténébreuse, lieu répugnant et détestable où gisaient des<br />
monstres et des créatures infectes.<br />
Il conserve encore quelque énergie, et appelle de douces<br />
Nymphes de lui bien vouloir indiquer le chemin à suivre.<br />
Alors le Père Tout Puissant, ayant entendu sa requête, et<br />
sensible enfin à ses tendres prières fit apparaître dans l’éther un nuage<br />
gonflé de rayons de lumière et resplendissant d’or.<br />
Il comprend enfin la signification du message, et dressant ses<br />
deux poings vers le nuage de lumière : “Ô père, père infiniment bon, le<br />
jour est enfin venu où tu as pris pitié de ma terrible détresse. Je sais à<br />
présent que tu ne m’es plus contraire et que tu m’accompagneras dans<br />
mes prochaines démarches.”<br />
963
Tout à l’envi de ce signe encourageant, il décide sur-le-champ<br />
de préparer un festin et de le bien consommer.<br />
Et là, sous un arbre aux rameaux verts, il se hâte de dresser un<br />
autel afin d’y faire brûler un plantureux repas. Il pose dans l’herbe de<br />
délicieux gâteaux de figues et de levure légère, il brise un pain de pur<br />
froment dont l’enveloppe croustillante se détache aisément en plusieurs<br />
morceaux de dimensions sensiblement égales. Il répand dans une vaste<br />
coupe de nombreux fruits qu’il avait récoltés au cours de son<br />
déplacement et qu’il avait posés délicatement dans sa besace.<br />
964
L’incendie<br />
Alors les flammes immenses de l’incendie jettent mille feux de<br />
leur force indomptable. Les arbres déchirés, déchiquetés et remplis<br />
d’eau vomissent et déchargent une épaisse fumée. Une lourde vapeur se<br />
répand sur le site. Le feu n’en a pas pour autant perdu de sa vigueur. Ni<br />
les efforts considérables des maîtres nageurs ni la quantité phénoménale<br />
d’eau répandue ne sauraient apaiser le sinistre. Les hommes sont<br />
désespérés, fatigués, épuisés par un tel combat déloyal et injuste.<br />
Certains agenouillés ayant perdu leur force supplient un dieu de bien<br />
vouloir les entendre : “Ô Seigneur Tout Puissant, si tu veux nous<br />
accorder un peu de ta miséricorde, si tu acceptes de jeter un regard sur<br />
nos misères humaines, remplis-nous de courage et permets-nous de<br />
détruire ces horribles flammes. Sauve de ce désastre les dernières<br />
constructions qui n’ont point été calcinées, ou pour achever cette<br />
catastrophe, jette ta foudre sur nos âmes, et nous tue jusqu’au dernier !”<br />
À peine avaient-ils prononcé ces prières qu’une charge de<br />
nuages bleus et noirs apparaît dans le ciel lointain. Déjà s’en vient une<br />
cavalcade bigarrée des volumes gonflés par la force des vents. Une<br />
immense tempête se déchaîne. Jamais homme n’avait connu pareille<br />
violence. De toutes parts, sur les monts des collines et dans le creux des<br />
vallées éclatent des coups de tonnerre terrifiants. Des mouvements épais<br />
de trombes d’eau presque noires s’abattent venues du plus haut des<br />
965
éthers ; tout le bois restant est submergé, détruit et fracassé par la<br />
puissance de l’orage. Tout ce qui était calciné, à demi brûlé est à présent<br />
recouvert d’eau. L’ensemble des flammes monstrueuses est enfin éteint.<br />
Et dans ce sublime gâchis de feu, de cendres et d’eau, comme après un<br />
superbe combat, on entend le silence plus pesant encore se répandre sur<br />
le site dévasté.<br />
966
L’horrible sorcière<br />
Dieux qui soumettez à votre puissance toute âme de mortel,<br />
accordez-moi le droit de dire par cette plume ce que j’ai pu entendre, et<br />
avec votre autorisation laissez-moi exprimer ou dévoiler les choses qui<br />
sont ensevelies au plus profond de l’antre de la terre. Quand bien même,<br />
ce récit paraîtrait des plus sinistres, qu’il me soit, ô Dieux, donné de dire<br />
ce qu’il me fut permis de voir !<br />
Ils allaient sombres et courbés par cette nuit sans lune, blafarde<br />
et mortuaire, traversant l’ombre et les demeures isolées du royaume de<br />
Dis. Ils avaient emprunté ce chemin indicible qui traîne et déambule par<br />
les bois froids et glacés. On ne pouvait discerner nul rai même pâle de<br />
lumière qui donne aux choses alentour quelques formes de volume ou de<br />
silhouette allongée.<br />
La route s’achevait et tombait immédiatement sur un gouffre<br />
bourbeux. C’était un immense cercle large comme un cratère de volcan<br />
dont l’intérieur bouillonnait et vomissait une immonde boue rougeâtre.<br />
Des jets sporadiques de laves semblaient éructer ici et là<br />
comme des cloques sur une marmite en fusion.<br />
Une vieille sorcière vêtue de lambeaux et de guenilles infectes<br />
debout sur un radeau au bois moisi tient à la main un bâton courbé, et<br />
967
essaie tant bien que mal, tout en conservant son équilibre de regagner le<br />
bord du cratère. Elle est d’une épouvantable laideur. Des plaies<br />
purulentes s’étalent sur la face qui lui servait de visage. Une longue<br />
tignasse marron infectée de rats et de crapauds s’accroche à son crâne, et<br />
lui tombe jusqu’aux genoux.<br />
968
Apparition bleue<br />
Quoi ! Plus pure encore là dans l’invisible glace<br />
Que l’impossible esprit agite en ma faveur<br />
Et anime inconnue par cet air qui efface<br />
Sous la masse légère de mon effet rêveur<br />
Mais proche et bondissante en mousseline nue<br />
Apparaît et sourit voltigeuse si claire<br />
En amas d’ombres jaunes de tête chevelue<br />
Comme beauté stérile foudroyant un éclair<br />
Et du réveil soudain s’échappe l’irréelle<br />
Enveloppée de limbes et de pâles nymphes, elle<br />
Décor agonisant fuyant dans roses bleues<br />
Que je sais murmurer pour un plus bref azur<br />
Éloigné mais si proche et s’enfuient à mesure<br />
Que l’âme se défait de ses volutes feues.<br />
969
Baignée en chevelure<br />
Baignée en chevelure comme cascade blonde<br />
Un flot de femme plonge dans la vasque azurée,<br />
Pressant une torsade par sa main épurée<br />
Elle sépare les gouttes qui dans la jarre tombent.<br />
Et nue mais éloignée en sa masse de chair,<br />
Je vois confusément dans son miroir mêlé<br />
La forme abandonnée sur des voilures ailées<br />
Que des feux incertains par leurs renvois éclairent.<br />
Tout s’encombre de vague : femme, glace et lumière,<br />
Et la confusion est sublime à dépeindre<br />
Parmi ce paysage offert à la lumière.<br />
Ramasse mousseline à ses pieds pour se ceindre<br />
Tournoie, se précipite dans sa vasque azurée<br />
Et d’un bond disparaît par le rêve éveillé.<br />
970
La chevelure si claire<br />
La chevelure si claire comme flammes qui dansent,<br />
Ô mes tendres soupirs dans l’extase, légers,<br />
J’y enfouis mes yeux dans la masse, étrangers<br />
Vous bondissez, dormez comme femme en cadence !<br />
Mais l’or de la blondeur en richesse d’extase<br />
M’émeut moi démuni d’orgasmes à espérer<br />
En chair de la plus pure que l’âme doit pleurer<br />
Dans sa confusion d’invisibles et de gaze ;<br />
De semer ces étoiles dans chevelures floues<br />
Tels diamants ou torches, je conçois à l’extrême<br />
Le charme éblouissant d’un vibrant diadème,<br />
Et je veux compliquer par ce casque, j’avoue,<br />
Des droites fulgurantes pour la gloire de la femme<br />
Dans ce feu incessant de courbes et de flammes.<br />
971
Cette blonde cascade<br />
Cette cascade blonde de richesse bouclée<br />
Glissant en mes doigts purs, je la veux tourbillons<br />
D’écumes et de vagues sur l’épaule azurée<br />
Que la lumière efface, voltige, ou papillon ...<br />
Non, c’est assez ! Offrons au miroir ennemi<br />
Quelque songe diffus d’un idéal de chair,<br />
Réveillons l’astre torve en soi-même endormi<br />
Et par l’art de ce fard faisons briller l’éclair.<br />
Suis-je belle à présent ? Suis-je astre de soupir<br />
Parfumée d’une essence, encombrée de métal<br />
Dont les feux incessants exhortent le désir ?<br />
Je m’apparais en toi, mon image fugace,<br />
J’offre ma nudité à l’oeil contemplateur,<br />
Sublime corps de femme qu’il supplie et embrasse.<br />
972
Magnifique, superbe<br />
Magnifique, superbe, supérieur et tel,<br />
Oui, à se contempler dans l'infini néant<br />
Qui déjà agonise, mais jamais ne consent,<br />
Je me veux en moi-même Christ en son immortel.<br />
Nulle apparition n'engendrera de gloire<br />
Si ce n'est par l'effet du poëme illusoire<br />
L'invisible avalanche de cascades de mots.<br />
Je méprise l'honneur que consacre le vers,<br />
Quand, offert à cet œil qui lit et qui apprend,<br />
Dans un bond lumineux surgit et me surprend<br />
La Force sublimée, mère de l'univers.<br />
Quelle pure certitude (déjà par le tombeau !)<br />
M'acclame tout à coup dans le noirâtre azur<br />
Puisque de mon posthume je connais le futur !<br />
973
Supérieure encore<br />
Supérieure encore, je m'exalte au-delà ;<br />
Je peux me concevoir, oui, sphère sublime, et là,<br />
... Éternelle éphémère de naître et n'être pas ...<br />
Une pensée s'éclaire de lumière et d'aurore<br />
Qui se nourrit de l'ombre et revit et se dore,<br />
Puisant toujours en soi quelque énergie de vivre.<br />
Ô mon oint au travail, veux-tu que je délivre ?<br />
Ma durée est certaine ; je te donne mon bras.<br />
À quelque fin superbe, hisserai-je le droit<br />
De ne point m'indigner du génie qu'on foudroie ?<br />
Déjà dans mon espace le dessein est d'écrire.<br />
Accompagne le vœu, permets-lui de transcrire,<br />
Qui produit et reçoit, s'exalte et s'élabore<br />
Pour une œuvre inconnue sublimée par nos ors.<br />
974
Testament<br />
Ma sinistre souffrance qui m'arrache le bras<br />
Pour m'interdire d'écrire, pour m'infliger de dire<br />
Ce que je ne veux pas.<br />
J'attends comme un miracle<br />
La fuite de la mort qui toujours près de moi<br />
Nourrit ma sainteté, mon élévation<br />
Vers mes Dieux sublimés.<br />
Je crie, l'on me déchire,<br />
L'on écrase ma chair plus horrible en ce jour<br />
Qu'un supplice sans fin.<br />
Je veux me reposer<br />
Mais le lit est douleurs, est aiguilles enfoncées<br />
Dans mon corps constamment par le mal effrayant.<br />
J'étais un hurlement dans l'horreur de la vie,<br />
Une souffrance forte qui arrache des pleurs<br />
Des sueurs des douleurs et des cris infinis ;<br />
J'étais le désespoir de n'obtenir jamais<br />
975
Ce qu’une âme sait faire, ce qu'esprit élevé<br />
Peut rêver concevoir dans l'orgueil de soi-même.<br />
976
Où se meurt la lessive ?<br />
Où se meurt la lessive du soleil d’or ? Dans la pensée poétique,<br />
là-bas, vers la fatigue du jour derrière les grands arbres. Elle s’allonge<br />
lentement dans les brûlures du feu divin.<br />
Mais l’évidence de la pensée entourée de glace et de certitude<br />
exacte sait toucher le but à atteindre. J’embrassais la folie de l’une avec<br />
la rigueur de l’autre tandis que l’amour superficiel jouait parmi les<br />
ombres à fuir et disparaître, à gémir et implorer.<br />
Je refusais de m’abandonner à la lâcheté de ce cupide qui<br />
sanglotait, le beau menteur ! Lui, pourtant avec son front d’ange, pur<br />
comme l’hostie tachait de me corrompre ...<br />
L’hostie brisée, apparaissent de singulières évidences, des<br />
vérités tout pures entre la rose et le sel, entre la femme et la grandeur<br />
spirituelle.<br />
Si proche de l’inconnue, de cette éphémère de fille, je m’élance<br />
pour percevoir des concepts nouveaux, je m’élève dans les vapeurs de<br />
l’aura, bien éloigné de la basse réalité matérielle.<br />
Je vole jambe contre jambe, dans l’air, là-bas et me baigne dans<br />
977
la splendide lessive d’or !<br />
978
Mon départ<br />
Mon départ est secret. Il est à l’intérieur. Je me tairai, caché.<br />
Avançons, âme noble, progressons lentement.<br />
Ô puits chargé d’années, instruis-moi de savoir.<br />
Voltigeant, hoquetant, papillon et poète.<br />
Dans l’aube de la vie, il n’est point de jouissance.<br />
La blancheur de ta pulpe est sèche en ce matin.<br />
La bouche de l’enfant m’appelle de désirs.<br />
Amours des lendemains resplendissant d’espoirs.<br />
Cueillir le fruit d’amour aux branches alanguies<br />
Balancées par le vent dans l’éclair du printemps.<br />
La pierre et ses corolles, la fleur concrétionnée.<br />
Coquelicot tout bleu, éveille-toi dans l’ombre !<br />
Ô filles ingénues, qu’espérez-vous dans le printemps-miroir ?<br />
Vous entendre glousser et soupirer d’aise ? Filles de chair, hélas sans<br />
pureté de coeur qui aurez à revivre n’ayant pas compris !<br />
979
La main est agitée et elle s’agite encore !<br />
Quand comprendrons-nous enfin que la chair est détestable ?<br />
Ho ! Ruse pour la rose.<br />
Augmente-moi, Seigneur, car tu sais ce que je vaux.<br />
Tu vois ce qu’il me reste.<br />
Je sème avec mes mains. Je plante avec mon sexe.<br />
Dans le sentier de chair, je gémis de t’entendre.<br />
Au minuit des solstices, le zénith est atteint.<br />
Foudre, inspiration, que sais-je ? Et que suis-je ?<br />
Que sais-je ? Qui suis-je ?<br />
Répète-toi dans le brouillard. Comprends-tu à présent harcelé<br />
par toi-même, ton écho intérieur ?<br />
Toujours te dire jusqu’à ta bouche<br />
Les mots subtils qui nous enlacent.<br />
980
Le soleil nous instruit de notre pauvreté.<br />
981
Mon or se meurt<br />
Mon or se meurt dans cet impossible à extraire, dans cette<br />
incapacité à tirer hors de soi quelconque signifiant utile.<br />
Toute chose, lentement mais réellement se forme et se dégrade<br />
pour disparaître et ne plus revenir.<br />
Il cherche encore. Son sol fume. Est-ce diamant stupide qui<br />
déjà veut percer dans sa pure altitude ?<br />
Les demeures de topaze et les dômes aux feuilles<br />
resplendissantes s’amassent et se confondent dans ce flou de l’esprit.<br />
L’on croit apercevoir un vulgaire amas de formes vagues et obscures où<br />
la lumière offrirait nul attrait, nulle possibilité de comprendre.<br />
L’ombre molle ou stupide, l’ombre agaçante accroche à la<br />
pensée de bien faibles espoirs ! À la faveur d’une inspiration ténébreuse,<br />
un monde surgit, et des concepts voltigent ou se cognent contre les<br />
parois du crâne.<br />
Voici une flamme, voici la lampe. De pauvres lumières, en<br />
vérité. Y a-t-il quelques étincelles de vie dans ces yeux éblouis ? Je<br />
conçois par le Mal, par la Mort. Non. Rien. Je danse avec l’horreur dans<br />
982
cette cervelle stérile.<br />
Qui jaillit ? Qui jaillirait ? N’est-ce pas impossible ? Je cherche<br />
tiédeur et sagesse, lente explosion de sagesse et de maturité. Est-ce, en<br />
vérité, de la puissance encore ? Je ne sais.<br />
Vous mes amas glaireux, vous mes déchets de haine, tenterezvous<br />
de vous frayer une voie vers la conscience à écrire ?<br />
Il faut étouffer, détruire, avorter le poème de chair qui vit en<br />
soi, là dans cette cervelle où le luxe côtoie la lubricité et le vice la pureté<br />
du saint.<br />
983
L’esclave<br />
J’ai désiré un soir en de profonds soupirs<br />
La chaleur inconnue des membres alanguis,<br />
Et mon coeur en folie pour ces nobles plaisirs<br />
S’est donné en esclave par ses muscles soumis.<br />
Ô douleurs de la chair en poses incomprises,<br />
Quelle beauté d’être pris et d’être dominé<br />
Par sa grandeur de femme qui déjà martyrise<br />
Et pénètre mon coeur au profond infligé.<br />
Et voilà je soupire, je prie et je l’implore,<br />
Je la supplie déjà dans mon corps enflammé<br />
De délivrer mon sang hurlant jusqu’à l’aurore.<br />
Moi, pris de toute part je la lèche et demande<br />
De libérer mon vit en pulsions aimé<br />
Et je baise ses pieds comme un chien qui quémande ...<br />
984
La muse esclave<br />
Si tu veux libérer le poète inconnu<br />
Souffrant mille misères en sa triste demeure,<br />
Va-t'en féconde amie au plus loin dans les rues<br />
Où nulle espèce humaine ne supplie ou ne meurt.<br />
Éloigne-toi encore, rejette tout sanglot<br />
Stupide qui se mêle à la chair du poème<br />
Ou plonge au plus profond sous la vague et le flot,<br />
Scintillement d’extase offert au diadème.<br />
Je te sais malgré toi épouse frénétique<br />
Cherchant l’accouplement dans des lueurs brutales<br />
Enflammée de désir par ta vulve érotique,<br />
À moins que possédée par l’amour du servage<br />
Accroupie, enchaînée en poses horizontales<br />
Tu te plais à gémir pour un bel esclavage.<br />
985
Arrache mon germe et ma semence<br />
Arrache mon germe et ma semence.<br />
Cloué, je le suis dans le champ.<br />
J’attends ta bénédiction,<br />
Ô pluie de mes barreaux,<br />
Vois ! Je te suis prisonnier.<br />
J’héberge la haine,<br />
Mes amants me torturent.<br />
Ah ! Que violente est l’atroce vie<br />
Qui commence à vingt ans !<br />
Je dévore le fruit de mes souffrances.<br />
Le jour est suppliant<br />
Ensanglanté dans sa robe noire.<br />
Je hurle pour produire.<br />
Le souple soleil de mon espoir<br />
À disparu dans la nuit :<br />
“Salut ! Je te jette une phrase. ”<br />
Et puis nous repartons.<br />
986
Les aiguilles de douleur<br />
Sous ma chair pénétrée.<br />
Quel avenir de liberté ?<br />
Un désert de ronces encore.<br />
987
Grappillages<br />
Nymphes de mon désert<br />
Nymphes de mon désert, graines de solitude<br />
Qui de l’or en éclat fondez la multitude,<br />
De ce Moi qui s’endort dans ces premières eaux,<br />
L’orgueil de mon orgasme s’enflamme sur les flots !<br />
Je l’entends qui respire, ou pleure dans son sommeil.<br />
La profondeur est pure et le songe est vermeil ! ...<br />
La première me prend, s’étend sur le mensonge.<br />
Et le feu de sa chair dans ma mémoire me plonge.<br />
Au futur de l’oubli qui conte son mourir,<br />
Comme un astre perdu qui pleure un avenir,<br />
Les sœurs de sa pensée s’étirent sur l’étendue ! ...<br />
Immenses dans mon ombre qui recherche un moi-même,<br />
Elles s’éloignent et s’échappent de ma raison suprême ! ...<br />
Et l’heure de mon silence est toujours suspendue ! ...<br />
988
Les parfums de la myrrhe<br />
Pour d’Heredia<br />
Les parfums de la myrrhe ont imprégné leurs membres.<br />
Elles rêvent nonchalantes alanguies sur le lit.<br />
La flamme du brasier par leur forme éblouie,<br />
Éclaire l’ombre obscure qui vacille et qui tremble.<br />
Dans de profonds coussins, leurs chairs évanouies<br />
S’enivrent des tiédeurs et des douceurs de l’ambre,<br />
Tandis qu’un corps d’ébène se redresse et se cambre<br />
Proposant aux esclaves son charme épanoui.<br />
Sentant monter en elle le désir de l’effluve,<br />
Sa beauté presque nue aux chaleurs de l’étuve<br />
Se caresse et soupire en offrant ses deux seins.<br />
Les filles d’Ausonie admirant l’harmonie,<br />
De ce sauvage orgasme sur sa jambe polie,<br />
Supplient dans leurs fantasmes de sublimes desseins.<br />
989
Vérité de Lozac’h<br />
Il n’a pas écouté - vérité de Lozac’h -<br />
Mes nombreuses prières bien que sans me lasser<br />
J’ai toujours obéi et toujours respecté<br />
Son hémistiche divin qu’il m’avait octroyé.<br />
Extase<br />
D’un futur décadent<br />
Espérant l’élixir<br />
Du génie transformant<br />
L’impuissant en soupir.<br />
D’un noyau éclatant<br />
Son phosphore incompris<br />
Dans le creux de mes ors<br />
De mes flashes insoumis.<br />
Toi de ma pure épreuve<br />
Toi mon sexe sur ta bouche<br />
Que je dresse que je couche.<br />
Quand le jet spasme encore<br />
990
Mêlant ses mille efforts<br />
À la chair de mon corps<br />
Te suppliant ma mort.<br />
Quand de ta transe extrême<br />
Tu implores mon suprême<br />
Deux momies s’abandonnent.<br />
991
Hurles-tu, comme moi<br />
Hurles-tu, comme moi, de torture odieuse ?<br />
Entends-tu quelques voix dire : poète purifié,<br />
L’Au-delà te connaît, et ton âme radieuse<br />
Ira dormir en paix dans notre aire sanctifiée ?<br />
Assoiffée d’illusoire, dans ma douleur rêveuse,<br />
Ma raison s’épuisait, se voulant déifiée ;<br />
Et ma chair crucifiée se prétendait heureuse<br />
Espérant de l’horreur être enfin édifiée.<br />
J’étais le seul génie gémissant son miracle,<br />
Suppliant l’Au-delà, implorant son oracle ...<br />
Le Divin m’écoutait, enfin me libéra.<br />
J’étais baigné d’amour, et la sublime mort<br />
Me bénissait. Hélas ! N’était-ce que cela ?<br />
Je quémandais toujours, et je souffrais encore !<br />
992
Pernicieuses et impures<br />
Pernicieuses et impures, filles de mon désordre,<br />
Délices de mes extases qui désirent me mordre,<br />
Je répands ma substance, je succombe et je cède<br />
À ce délire de vivre que cette âme concède ! ...<br />
Presque nues dans l’intime d’un esprit qui se pense,<br />
Je confonds de vos formes le soupir qu’il dispense,<br />
Et j’implore l’azur clair dont le rayon premier<br />
Punira tout le doute de mon royaume entier ! ...<br />
Enfin moi ! Et du plus pur je renais de mon ordre<br />
Qui m’obstine à chasser cet interdit rêvé,<br />
Comme de ce mentir son mensonge est levé !<br />
Enfin toi ! Qui enlace et se veux de le tordre<br />
Ce stérile baiser de la fleur qui enivre,<br />
Mais qui de son soupir vain pleure et me délivre.<br />
993
Substances nourricières<br />
Imprègne-toi de moi ! Nourris-toi de substances<br />
Enivrées de vermeil, et de subtiles absences ! ...<br />
De ma chair faite d’essence observe l’azur rare<br />
Qui se forme, se déforme ... et dans son nul s’égare ! ...<br />
994
L’ennemi nous aimera<br />
Fascinés et impuissants nous regardons l’horloge du temps qui<br />
commence et achève sa course dans le cycle de ce soleil. Elle sera soeur<br />
de l’astre pur et nous ne craindrons plus immortels que nous sommes.<br />
Horreur<br />
Te reconnais-tu dans les poses infâmes de la femme ? C’est ce<br />
sein que je condamne, c’est cette bouche ignoble que j’accuse. Pourtant,<br />
je te donne un goût de perversité mêlé à du vice lubrique, et j’en jouis.<br />
Si mon râle explose en larmes de plaisirs dans ton infecte, dans<br />
le putride de ta chair, je suis coupable, et pourtant j’aime.<br />
Ma consolation sera de te savoir exposée pour d’autres hommes<br />
crucifiée et bénie, et satisfaite de tirer l’extrême du mal.<br />
Oseras-tu longtemps<br />
Oseras-tu longtemps encore me parler de pureté, de gestes<br />
995
clairs quand mon âme consciente sanglote de te posséder ainsi ?<br />
Crache, expulse, vomis, ignoble salope - voilà nos salives<br />
puantes - nos matières fécales avalées et coulantes. Au plus loin de nos<br />
vices, il y a une parcelle de lumière qui m’accuse toutefois.<br />
Je le sais trop que ton mal jamais ne sera le fruit miellé de ma<br />
pureté. De ta fange, je n’en tire aucune élévation mystique.<br />
Dois-je les accuser<br />
Dois-je les accuser ces incapables du sexe, ces vierges de la<br />
chair trop crétines pour proposer leurs charmes à mon Dieu ?<br />
Sel, salive, muqueuses bestiales, odeurs anales mais courbes,<br />
rondeurs de chair pourtant femmes, femmes ! Ô désirs malades toujours<br />
à soulager !<br />
996
Ronsard<br />
D’une belle Marie en une autre Marie,<br />
Belleau, je suis tombé : et si dire ne puis<br />
De laquelle des deux plus l’amour je poursuis,<br />
Car j’en aime bien l’une, et l’autre est bien ma mie !<br />
On dit qu’une amitié qui se départ demie<br />
Ne dure pas longtemps, et m’apporte qu’ennuis.<br />
Mais ce n’est qu’un abus : car tant ferme je suis<br />
Que, pour en aimer une, telle autre je n’oublie !<br />
Toujours une amitié plus est enracinée,<br />
Plus longtemps elle dure, et plus est obstiné<br />
À souffrir de l’amour l’orage véhément.<br />
Et, ne sais-tu Belleau, que deux ancres jetées<br />
Dans la mer, quand plus fort les eaux sont agitées,<br />
Tiennent mieux une nef qu’une ancre seulement ?<br />
997
Plein d’un charmant penser (CL XIX Pétrarque Canzoniere)<br />
Plein d’un charmant penser qui écarte de moi<br />
Tous les autres pensers, et me fait seul aller<br />
Par le monde, parfois, je me fuis à moi-même<br />
Afin de chercher celle, celle que je dois fuir.<br />
Et je la vois passer si charmante et cruelle<br />
Que mon âme est tremblante à prendre son essor.<br />
Si nombreuse est la troupe de soupirs qui en larmes<br />
Suit de la belle, l’ennemie d’Amour et la mienne.<br />
Et je découvre bien, je ne me trompe pas,<br />
Sous ces cils ombragés et altiers, un rayon<br />
Qui apaise en partie les douleurs de mon coeur ...<br />
Et je reprends mon âme. Quand je suis résolu<br />
À dire mon tourment, j’ai tant de choses à dire,<br />
À faire découvrir, je ne puis commencer...<br />
998
L’araignée royale<br />
L’araignée royale ? Une sorte de femme très possessive avec<br />
des bras immenses, avec des jambes infiniment longues et fines. Une<br />
sorte de beauté noire. Son lit, une couche ronde. Le noir et le blanc ses<br />
deux couleurs dominantes.<br />
Des lèvres rouges, un sexe rouge et ses grands yeux éclatants<br />
qui fascinent et envoûtent. Et cette volonté obsédante d’aller mourir sur<br />
son lit.<br />
Par Michaux.<br />
999
Des flux de topaze<br />
Des flux de topaze circulent dans les cieux cristallins. Des<br />
énormités, des souffles aspirent dans des mouvements circulaires et<br />
montent vers le paysage impossible à décrire ; plus haut, ce sont des<br />
vents et des flammes, des rouges incandescents et des lumières<br />
phosphorescentes qui se mêlent, se mélangent dans des tourbillons<br />
enivrés comme des orgasmes, bouillonnant comme des crinières folles<br />
de femmes.<br />
Mais le retour à la station première est imposé par le maître des<br />
lieux. Qui est le maître?<br />
1000
Partir vers des futurs<br />
Partir vers des futurs quand des pensées stoïques nous<br />
réclament d’obéir à des lois incertaines ! Me faudra-t-il encore au plus<br />
profond du Moi découvrir l’absolu qui transite en mon âme ?<br />
Tu m’appelles, ho ! la femme, et tu veux te languir sur ma chair à<br />
aimer ! Tu désires ce prépuce, cette bouche nourrie de sublimes baisers !<br />
Je te délaisserai, et j’irai vers ce Dieu. Mon extase présente<br />
recherche le bonheur que tu ne connais pas. J’irai vers ce si proche<br />
embrasser ses rayons confusément épars, techniquement finis.<br />
1001
Moissonnées les puretés<br />
Moissonnées les puretés célestes dans les airs cristallins !<br />
Brassées les gerbes d’or au-delà des soleils et des pensées légères ! Ô<br />
mon esprit subtil envole-toi là-bas où les Dieux t’appellent.<br />
Débarrasse-toi de ta carapace de chair et regagne le sanctuaire<br />
interdit ! J’y ai vu des hosties vivantes et des foyers de lumière<br />
tourbillonnant dans des espaces clairs ! J’y ai vu la voûte obscurcie dans<br />
l’ombre du savoir pour la parfaite connaissance de la vérité !<br />
À moins que ta mission soit encore t’obéir ! de t’abrutir<br />
cyniquement avec les livres sacrés qui encombrent ta tête ! à moins que<br />
le chemin à suivre soit cette présence parfaite d’un Christ en<br />
apprentissage ...<br />
Ho ! La plus atroce et la plus belle des tentations pour l’amour<br />
des trois Dieux, pour l’amour de ta propre pureté humaine !<br />
1002
Dans les temps meilleurs<br />
Mais dans les temps meilleurs, le monde sera-t-il vicieux, ô<br />
mon oint ? Propose-moi tes prophéties et les paroles de ton Dieu pour<br />
me tirer de la liturgie où mon âme s’était mise ! Sache délirer, toi le<br />
voyant !<br />
Tu m’offres toutes les structures de la pensée passéiste, tu<br />
t’inspires de la Loi ancestrale sans même vouloir y changer la plus basse<br />
syllabe !<br />
Tu prétends pourtant convoler à la plus sublime des autorités.<br />
Toutes tes images ne sont que des leurres, des conceptions intérieures de<br />
tes délires nocturnes et tu jures encore d’épouser l’invisible !<br />
Qu’en sera-t-il de ta crédibilité ! Une honte et un mépris des<br />
autorités ecclésiastiques, un refus réel de croire en ta vérité, - en ta<br />
propre vérité.<br />
1003
Mon esprit<br />
Mon esprit tu te plais au-delà des tourments<br />
De ta noire destinée à recueillir le fruit<br />
De ses purs aliments dont te gavent les dieux.<br />
Sauras-tu te nourrir à la lumière divine ?<br />
T’abreuvant des rayons qui règnent dans les cieux ?<br />
Par ce saint breuvage jouiras-tu du nectar<br />
Qui coule dans leur panse pareil au nard mielleux ?<br />
Ta substance est sublime, elle purifie ton coeur<br />
Où siège le savoir des génies et des oints.<br />
Et tel un vrai Messie engendré par les Cieux<br />
Tu pourras accomplir ton superbe destin.<br />
1004
Cet espace<br />
Cet espace qui se nie et renaît de soi-même,<br />
Pensée pure infinie, sublime diadème,<br />
Saurait-il au plus loin où plongent mes vigueurs<br />
Me baigner dans un bain de gloires et de grandeurs ?<br />
Je les vois se chercher imprégnés de substance<br />
Et de flux de lumière, ô blondes substances,<br />
Où coulent la raison et le profond mystère.<br />
1005
Magnifique mais qui<br />
I<br />
Magnifique mais qui sans l’espoir de leur plaire<br />
Il savait accéder au beau supérieur,<br />
- Le beau supérieur lui était accessible.<br />
Il savait dans ses Dieux dépenser sa fortune.<br />
Je peux signifier que l’exil est plus beau.<br />
Le triomphe absolu resplendit en soi-même.<br />
Magnifique mais qui<br />
II<br />
Magnifique mais qui sans l’espoir de leur plaire,<br />
Je peux signifier que l’exil est plus beau.<br />
1006
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME VI<br />
ANNÉES 95-96<br />
Messages I - III 95<br />
Messages IV - VI 96<br />
1007
Messages I<br />
C'est l'angoisse du poème<br />
C'est l'angoisse du poème qui se répand dans la nuit, et produit<br />
des formes d'écriture vers le ciel du papier blanc.<br />
C'est l'angoisse de la sublimation qui cherche désespérément<br />
dans le silence de la nuit, qui écoute l'éveil des premières notes sifflées<br />
pour le vent de l'espoir.<br />
C'est l'angoissante douleur qui mêle amours et plaisirs,<br />
souffrances et jouissances dans la pensée du poète, c'est elle encore qui<br />
décide de ce que sera la chanson.<br />
1008
Je mettrai à ton cou<br />
Je mettrai à ton cou un collier de perles pour symboliser la<br />
jouissance de ta chair délicieuse.<br />
Je couvrirai tes pieds d'étoiles comme des anneaux de lumière<br />
ciselés et brillants.<br />
La beauté idéale émane de ta personne, et te confère une<br />
superbe renommée.<br />
Cette grande admiration que j'ai pour toi, je la compose par ce<br />
poème, je te l'apporte comme une offrande, et ton sourire sublime me<br />
vient en récompense.<br />
1009
Artisans<br />
Potier, sculpteur, hommes de chair de la matière, à la recherche<br />
de la forme, pétrissez, malaxez la plastique de la femme, et concevez<br />
encore.<br />
Pénètre-la<br />
Pénètre-la au plus profond de la chair ! Impose-toi à creuser !<br />
Peut-être y trouveras-tu la substance de l'esprit subtilement cachée ?<br />
1010
L'homme s'exhale<br />
L'homme s'exhale inexorablement.<br />
L'homme dont la recherche interne est de comprendre. Il se<br />
nourrit d'autrui, s'instruit de l'inconnu et tente par l'alchimique effort de<br />
réduire, d'étendre, d'élever.<br />
L'homme qui use de prémonitions, d'avenirs proches, se plonge<br />
dans le passé, et se construit de l'intérieur.<br />
du verbe.<br />
Aux uns, l'insignifiance de la poésie. Aux autres la sublimation<br />
Offrir cette création, orienter la lumière, pour qui ?<br />
Nous tentons stupidement de plaire, mais la clé de la métaphore<br />
est seulement accessible à l'élite.<br />
Nous superposons des dimensions et des espaces les uns sur les<br />
autres, nous franchissons des portes au-delà de l'audace et pénétrons<br />
dans l'invisible. Mais qui pour nous suivre ?<br />
1011
J'ai aimé ta chair<br />
J'ai aimé ta chair creusée par l'orage, j'ai aimé ton visage d'eau<br />
claire et limpide. Sur le miroir de tes yeux, une imagination se<br />
concevait. J'ai déposé l'espoir sur tes mains de colombes.<br />
Tu resteras toujours le chiffre de mon mystère.<br />
1012
Voilà l'instant de repos<br />
Voilà l'instant de repos, permets que je m'assoie sur cette pierre.<br />
Tous ces livres commencés, je les poursuivrai un peu plus tard.<br />
Éloigné de ta grandeur, mon esprit ne connaît ni paix ni bienêtre,<br />
et mon travail constamment imposé est une lourde peine.<br />
Voilà le dernier jour de l'hiver, et le soleil déjà caresse la<br />
fenêtre de ses rayons.<br />
N'est-ce point le moment de chercher le renouveau du chant, et<br />
de te consacrer un hymne à la vie ?<br />
1013
Je m'endormis<br />
Je m'endormis et délaissai son image avec le sommeil. Je<br />
voulais la fuir, sachant qu'elle désirait me perturber.<br />
Je chasserai la femme avec ses formes, je gommerai le fantasme<br />
: parviendrai-je seulement à la faire disparaître ?<br />
Je jetterai ma chair avec son sexe, au plus loin de mon coeur.<br />
Quand le jour deviendra limpide, j'atteindrai la fenêtre et<br />
hurlerai au soleil levant.<br />
Les oiseaux de violence condamneront mon acte, la beauté<br />
luxueuse me cinglera le visage, la concupiscence et le désir chercheront<br />
à me tuer.<br />
Je me dois de foudroyer la recherche perverse de l'homme, car<br />
je la sais trop bien. Cette pensée n'est pas comprise, mes réflexions<br />
transpirent encore dans cette tête.<br />
1014
La mort est une aurore<br />
La mort est une aurore comme une croix de haine. L'esprit<br />
épanoui apprend à souffrir avec ses quelques piques et ses nombreuses<br />
flèches. Le vent de la torture vient hurler à la porte.<br />
La vieillesse s'achève, ma vie est une maison remplie de<br />
paperasses et de livres anciens. Ma vie espère la délivrance avec sa<br />
légèreté aérienne.<br />
1015
Ils ignoraient le chemin<br />
Ils ignoraient le chemin et prétendaient me diriger pour le<br />
savant apprentissage, mais moi je possédais en prescience la clé. Elle<br />
mène au fin fond de soi-même.<br />
Je détenais suffisamment d'instinct pour te trouver dès l'origine.<br />
Je comprenais sans le hasard.<br />
Les espèces de poètes me rejetèrent comme un chien et me<br />
crachèrent au visage comme un vagabond que l'on déteste. J'étais<br />
hideux, je provoquais le dégoût. J'avais refusé de les comprendre.<br />
Rempli de certitude, je cherchai là, à l'intérieur quand tu m'es<br />
apparu, trop pur peut-être. Et chaque jour, je te contemple dans ma<br />
destinée.<br />
1016
Le riche qui sommeille<br />
Le riche qui sommeille en moi remplit ses mains opulentes, et<br />
murmure le goût de l'avarice.<br />
Ses désirs sont entendus dans l'idéal de lumière accroupie ou<br />
rampante, dans le néant personnifié, rempli d'avenir incertain.<br />
Le goût de l'injustice se développe sur une mer de désespoir ;<br />
un aigle de torture plane au-dessus de cette étendue fangeuse.<br />
Quand la nuit atteint le zénith pour le repos de l'Occident, le<br />
riche s'éveille enfin et supplie : "Maudit je suis, parce que le jour<br />
étincelant m'a encombré de ses nourritures, mon coffre est plein !"<br />
Il hurle encore : "Ô néant, ô lourdes ténèbres, vous êtes ma<br />
conscience, détestables et ignobles moi qui vous connais trop bien."<br />
1017
Tu m'as placé<br />
Tu m'as placé dans l'âme de la victoire,<br />
Pourtant je ne voulais ni me battre ni gagner.<br />
Me comporterai-je comme un vainqueur quitte à véritablement<br />
le devenir ? Pourtant je me plaisais dans mon silence d'homme de la<br />
défaite.<br />
Je construirai, je produirai, j'avancerai encore, et quand j'aurai<br />
atteint mon idéal de rêve, quand j'aurai délaissé mes nombreux<br />
désespoirs, je pourrai mourir enfin, dépouillé de toute réussite.<br />
1018
Ton parler est complexe<br />
plus accessible.<br />
Ton parler est complexe, ô l'enfant, celui de tes disciples sera<br />
Mon ignorance est totale, je ne comprends pas l'origine des<br />
étoiles, ni les gemmes de ta nature.<br />
Ma conscience cherche à savoir. Elle est l'abeille qui butine la<br />
fleur, insignifiance et légèreté. Ma raison creuse à l'ombre des invisibles<br />
et des non-sens.<br />
Tes paroles seront comme des certitudes d'un au-delà<br />
vainqueur. Je me nourrirai de ta substance sublime, attendant la mort<br />
bienheureuse.<br />
1019
Liberté<br />
Elle n'est pas venue. Elle aurait pu signifier l'espoir d'un avenir,<br />
d'une aile blanche dans le crépuscule de la souffrance.<br />
Elle fut torturée dans la chair du poète, agonisant et hoquetant<br />
ses derniers râles pour un secours à jamais interdit.<br />
Sa sainte beauté implorait du bourreau quelques douceurs, mais<br />
la folie bestiale faisait souffrir plus fortement encore.<br />
Elle n'est pas venue, cygne ensanglanté col sur sa blessure,<br />
absence de guide pour le poète incompris.<br />
1020
Cette nuit<br />
Cette nuit, je l'ai voulue longue pour que ma maîtresse vienne<br />
me nourrir de ses substances exquises.<br />
J'ai rêvé de son profil furtif et impalpable à mes côtés, d'une<br />
pureté angélique, superbe inspiratrice.<br />
Le jour soudainement à point. J'embrassais confusément les<br />
roses bleues de ce bouquet de femme.<br />
Je suis aimé des morts, des dieux, je suis comblé dans ma<br />
pauvreté produite. Chevauchez-moi, beauté incendiaire, à l'haleine<br />
blonde comme un parfum ! Je ne chante pas le poème. Je résous un<br />
exercice quand bien même je gémirai dans l'or rouge de ta poitrine. Astu<br />
compris ?<br />
1021
Es-tu ma chair ?<br />
Es-tu ma chair ? Ma chair conçue pour accéder au délire de<br />
l'instant ? L'hypnose de mon désir convoite des formes lourdes. Le<br />
temps pénètre dans ta substance superbe.<br />
Es-tu ma chair ? La brise de la folie caresse l'étendue de ton<br />
corps. Elle favorise la naissance de l'orgasme. La chair est faite pour<br />
éterniser le présent et retenir sa fuite.<br />
Cupidon s'élève et nous laisse épuisés sur le lit, ombres<br />
éveillées, nourriture de nos lèvres. La nuit s'éloigne vers la splendide<br />
aurore, là-bas.<br />
Ma chair offerte pour retenir un instant immortel.<br />
1022
Ta production<br />
Ta production n'a pas d'avenir, mais elle a un passé. Celui<br />
d'avoir été en prescience de vérité. Mais demain est incertain.<br />
t'abaisse.<br />
Il y a fatalité et retour au néant. Vois qui t'élève. Vois qui<br />
Cette certitude d'impossibilité à te faire connaître n'est pas une<br />
malédiction. Elle est la résultante d'une indifférence totale. Tu es sans<br />
être.<br />
Ton crédit chez les hommes est vain. Tu es lu par les morts, par<br />
les immortels, par les dieux, et par toi-même. Cela n'est-il pas suffisant ?<br />
Quelle œuvre espères-tu ? Quelle place dans la hiérarchie<br />
poétique ? Je prends la place zéro, je suis inconnu de tous, mais je suis<br />
devant le un.<br />
Voilà donc ton esprit !<br />
1023
Mystique<br />
Tu m'avais soufflé par ta bouche me chassant de ton sanctuaire<br />
comme un étranger. J'étais devant toi, je n'étais plus un homme, j'étais<br />
une forme d'esprit. J'étais nu de bagages, n'emportant que la mémoire de<br />
mon existence.<br />
Je suis redescendu. Me voilà chez les hommes dans l'obligation<br />
d'accomplir l'œuvre.<br />
La malédiction s'est abattue sur ma chair, elle a pris possession<br />
de mon cerveau. Je suis le saint admiré et détesté, celui que l'on caresse,<br />
celui que l'on domine. Je suis glorifié dans la torture.<br />
Les chemins de ma souffrance mènent vers le Fils.<br />
Mon immense besoin est dans la quête du savoir, j'espère par<br />
les cieux me gonfler d'apprentissage. Il faut se préparer à bien mourir,<br />
c'est la seule certitude, et se plonger peut-être dans l'immense néant.<br />
Rempli d'espoir et d'anxiété, je courus vers l'instruction, mais la<br />
possibilité de sagesse est nulle. Je rêve de m'en retourner vers ton<br />
superbe accueil.<br />
1024
L’oint cherche le Père. J'ai pu contempler ta lumière.<br />
1025
Astres aux pensers lumineux<br />
Astres aux pensers lumineux, clairs soleils flamboyants,<br />
rutilants,<br />
Astres d'étoiles baignées d'or,<br />
Ceci est le fluide reliant l'éther à l'irréel, le poète d'homme<br />
chargé d'ondes dans un néant cosmique.<br />
Élévations inconnues<br />
Nous parfumons la rose noire<br />
Cueillie dans l'idéal de rêve<br />
Et sillonnons des champs de fleurs évanouies,<br />
Ailes voltigeant sur l'immense embrasement céleste.<br />
1026
L'effrayante question<br />
L'effrayante question sans cesse renouvelée : comment être sans<br />
être ? Comment se déterminer avec un moi dévalorisé, détruit, amoindri,<br />
ridiculisé par le mal ? Comment se prévaloir d'être avec si peu ?<br />
Et qui pourrait comprendre ce que je dis ?<br />
Si du moins l'Esprit supérieur me concédait quelques aides...<br />
Avec quelles substances divines pourrais-je concevoir ?<br />
1027
Aurons-nous à bénir<br />
Aurons-nous à bénir notre nouvel orgasme,<br />
Ce bel espoir de chair de vie recommencée ?<br />
Aurons-nous, parce que le désir exalté,<br />
Imprimé dans nos corps, l'impose constamment ?<br />
Cette force puissante nous porte vers la vie.<br />
Notre mécanique amoureuse nous soumet à jouir<br />
Aux banquets, aux bains. Nous transmettons l'espoir.<br />
Encore nous voulons. Nous refusons d'être des<br />
Solitaires, nous dépendons les uns des autres avec<br />
Des sentiments d'extase.<br />
1028
Cent chairs de femmes<br />
Cent chairs de femmes resplendissant ici<br />
Éblouissant de fleurs parfumées et de musc<br />
Se répandent sublimes dans l'âme ébahie<br />
Superbes et irréelles par profusion d'images<br />
Alanguies sur sofas et sur litières de roses<br />
En cascades de corps de blondeurs amoncelées<br />
Que je sais interdite d'extases, évanouies<br />
À la lune halée d'images et de phosphores<br />
Et moi de vertiges pris maîtrisant mes délires<br />
Étonnante folie de fantasmes interdits<br />
Pour l'adoration de peaux et de substances<br />
Dans l'esprit inventif du poète amoureux<br />
1029
Sur la transparence des lacs<br />
Sur la transparence des lacs<br />
Tu vois sortir le soleil<br />
Douce exaltation<br />
D'un cercle rougeoyant<br />
Tu te dresses vers la lune aérienne<br />
Pour échapper au monde qui t'entoure.<br />
Nulle beauté ne chevauche de nuage.<br />
Rien autour de toi. Le glissement du temps<br />
Fuit avec douceur.<br />
Quelle présence insipide<br />
S'éveillerait là, battement étrange à tes côtés ?<br />
Tu perfores ton rêve. Tu observes ce soleil<br />
De braises s'élever superbe.<br />
Mais toi tu voudrais pénétrer ces lacs,<br />
T'engouffrer au plus profond.<br />
Embrasse les mélodies diverses<br />
De cette claire matinée. Les monts<br />
Alentour te répondent sans échos.<br />
1030
Tu circules maintenant, écrasant<br />
Cette terre imprégnée de son rêve.<br />
Le lac calme et lipide mêle sa<br />
Salive à un courant marin.<br />
Nulle femme ne te poursuit. Personne<br />
Derrière ta première ombre. Ombre, ou<br />
Lait de feu écrasé ?<br />
Oui, tu es dans la forte solitude,<br />
Tu ne penses qu'à toi,<br />
Tu es redevenu ego.<br />
Nul futur en ta chair, point de fils<br />
Retourne à la terre, ignoré de tous<br />
Adieu, va et meurs.<br />
1031
Toi, encore une fois<br />
Toi, encore une fois, pourrais-je t'invoquer ?<br />
Dans l'idéal de chair, je quémande ton nom.<br />
Je te sais disparue, ô sublime compagne.<br />
Le soir est déchiré et je supplie ton corps.<br />
Danseuse en chevelure, tourbillonnant toujours<br />
Comme masse légère de jeune nudité<br />
A soudain voltigé dans mon âme en détresse<br />
Avec des touches roses d'habits à retirer.<br />
La nuit est toute proche. Envahie par les ombres<br />
Nue sur son beau printemps, éclose dans son sang<br />
Elle bondit hélas et se métamorphose,<br />
Surgit et disparaît sous la claire ténèbre<br />
Toute resplendissante de feux intermittents<br />
Puis s'enfuit à jamais pour un vrai désespoir.<br />
1032
Moi superbe et divin<br />
Moi superbe et divin, à la bouche chantante !<br />
Tourbillonnez essaim de Bacchantes aimées,<br />
Et j'élève le cri, je domine l'espace,<br />
Et j'offre le poème sublime et l'admire.<br />
De beauté confondue, oui, j'ai l'art de séduire !<br />
Venez toutes à moi, élancez-vous encore.<br />
Enivrées de folie, de rondes et d'espoir,<br />
Je saurai vous toucher par le bois de la lyre.<br />
Or prises de vengeance, la violence abonde.<br />
Effondré sous leur chair, j'agonise et supplie<br />
Et cherche à respirer, mais déjà je me meurs...<br />
Ô terribles femelles à la haine maudite,<br />
Acharnez-vous encore, voilà, je ne suis plus !<br />
La nature m'a trahi, j'étouffe sous la masse.<br />
1033
Dans le cri de l'espoir<br />
Dans le cri de l'espoir, derrière cette forêt d'yeux étincelants, tu<br />
m'appelles et me supplies de te libérer. Tu regardes vers la porte du ciel,<br />
la porte illuminée et splendide.<br />
Tu es toujours aussi belle dans ta robe bleu émeraude où<br />
scintillent des milliers d'éclats lumineux. Tu es debout sur le nuage<br />
mousseux qui te sert de couche. Tes mains semblent translucides,<br />
presque pures mais elles saignent abondamment.<br />
Que crains-tu ? Pourquoi pleures-tu ? Viens, viens. Élève.<br />
Rejoins-moi. Je te tire, je t'appelle. Oui, là-haut, je suis.<br />
Tu ne reconnais donc pas ma voix ? Monte, je suis le Fils.<br />
1034
Le mal<br />
Je suis venu ici pour te torturer, pour te faire abominablement<br />
souffrir dans cette chambre qui est tienne.<br />
Je suis le vice et la cruauté du monde, et Dieu m'a remis le<br />
pouvoir de détruire. J'ai la puissance de Satan. Mon père est le Diable et<br />
j'aime faire le mal.<br />
À toute heure, à tout instant, je pénètre dans la chair, j'enfonce<br />
des aiguilles dans le corps. Je suis de la pourriture, je suis une ordure, je<br />
suis du vomi de chien. Tel est le pouvoir que Dieu m'offre.<br />
1035
Oui, jeune fille encore<br />
Oui, jeune fille encore et de surgir d'un bond<br />
Pour ce plaisir de chair uni au chant du cygne<br />
En voiles du printemps, ainsi de resplendir<br />
Si pure, aérienne dans mon lit de sommeil,<br />
De se répandre en moi, toutes confusions.<br />
Est-ce masse de rêve que ce plaisir d'aimer ?<br />
Ce lointain impalpable caressé de blondeur<br />
Par mystère enveloppe et pénètre mon corps.<br />
Elle semble planer au-dessus de la vasque<br />
Par la forme du lit, et sa présence est sûre.<br />
Suis-je éveillé alors ? Car vois, je ne dors point.<br />
Mais serait-ce fantasme fourni par le désir ?<br />
Ton soupir me dévore et je sens ton effluve<br />
Voltiger près de moi... Oui, jeune fille encore.<br />
1036
La pensée intérieure<br />
La pensée intérieure s'ouvre et telle une corolle et un bouquet<br />
d'idées remplis de vertiges et d'images resplendit tout à coup sous ce<br />
vaste dôme :<br />
Pyramides bleues, cyclones d'espoir, fluides lumineux qui<br />
jaillissent comme des boules multicolores,<br />
Tournesol voltigeant, oeil d'extase enivré de folies très légères,<br />
Puissances de sonorités, chambres de notes, monologues aigus<br />
et incompris,<br />
Souffles, raisons exquises enrubannées de douceurs adorables,<br />
Tourbillons, vapeurs rousses qui s'élèvent dans la nuit de jade,<br />
Envolées de lumières, ailes claires tachetées de blanc,<br />
Je m'endormis, j'inventais mon sommeil, je contemplais la nuit<br />
se draper de signes lumineux :<br />
Femmes vivantes, bracelets de chair et de flammes, îles<br />
ardentes qui respirent les parfums aériens,<br />
Sources élégantes, chevelures floues et vaporeuses, bras de<br />
mouvances là-bas dans l'interdit, derrière la porte de sang.<br />
vint.<br />
Pourtant j'attendais stupidement qu'une présence féminine s'en<br />
1037
Rien que le silence énorme éclatant sous un soleil invisible<br />
d'ombre, de néant.<br />
Il y avait nul espoir de changement. Qui pouvait venir ?<br />
J'entendis une rumeur de pieds bruyants circuler dans les ruelles de<br />
l'esprit.<br />
Parle-moi, ô fille ! Est-ce toi ? Fille de l'agonie ? Tu n'as pas de<br />
voix ?<br />
Il y a du sang, il y a des pieds déchiquetés, souffrants sur les<br />
ronces, des habits déchirés,<br />
Il y a ta chevelure d'or.<br />
1038
Tu dors<br />
Tu dors dans une forêt de feu. La mer lèche ses lèvres humides,<br />
la mer de topaze scintille au firmament de la nuit. Lorsque tes yeux<br />
s'envolent, les nuages bondissent et construisent d'étonnantes figures.<br />
Contre ta hanche, la fille supplie. Il y a autour de ta personne<br />
des lances étincelantes, des bijoux de chairs blondes. Il y a de la fumée<br />
aussi qui regagne les nuages.<br />
Tu habites donc cette forêt de feu. Il y a des regards braqués qui<br />
pénètrent ton corps, et leurs aiguilles invisibles te font abominablement<br />
souffrir.<br />
Un seul chemin mène à ta chaumière. Il faut passer par le toit.<br />
Et toujours la même question lancinante frappe ta voûte étoilée :<br />
"Pourquoi ? Pourquoi ?"<br />
Il y a des couteaux. Qui est hache ? Tout prédispose à ton<br />
innocence. Et cette affreuse coupe que l'on te fait boire à petites gorgées,<br />
la refuseras-tu, ô Christ de l'inconnu ?<br />
Dans ton lieu interdit, tu décides du poème. Ta méthode est<br />
certaine. Elle permet d'accéder à la meilleure des places. Tu es en clarté.<br />
1039
Oui, produis jusqu'au dernier jour.<br />
1040
Blanche<br />
Tu étais claire !<br />
Belle est la pureté.<br />
Tu t'enfuis, t'élevant au-delà de ton âme<br />
Dans une parabole d'extase<br />
Pour bannir à jamais la sombre réalité<br />
Tu étais claire bien que nul ne comprit<br />
Ton élévation<br />
Dans la nuit même, tu étais le chemin de lumière<br />
Nudité, pureté sans défense<br />
Seins blancs, haleine douce<br />
En paix dans ton monde à présent<br />
Seul Dieu te souffla son amour<br />
Nul homme jamais ne te prit<br />
Sois l'hostie, tu es, sois<br />
Tu étais claire !<br />
1041
Se produit toujours<br />
Se produit toujours dans les premiers cris : feu écrasant le sang.<br />
Abomination de la vie. Se répétera encore : tortures et cruautés mêlées.<br />
Nous naissons dans l'horreur et disparaissons dans la monstruosité de la<br />
nuit.<br />
1042
Dans l'entonnoir du vertige<br />
Dans l'entonnoir du vertige, nous nous sentons absorbés par le<br />
Néant. Nous sommes éblouis par la beauté des formes sphériques, fruits<br />
explosés dans leur sublime maturité. Jaillissent des volumes, des<br />
rondeurs divines commandées par le génie de la nature.<br />
Nous engendrerons d'autres prétendants. Nous finirons<br />
pourriture de vers, n'ayant pu nous immortaliser.<br />
1043
L'ennemi, nous détruisant<br />
L'ennemi, nous détruisant, amoindrissait nos forces, nos<br />
aptitudes. Il inventait la douleur, lui donnait une couleur, et la servait de<br />
manière constante. Conséquences : pertes de produits, d'énergies<br />
intellectuelles, dont la décision venait de l'autre espace, là-bas.<br />
Rebelle à la poésie d'autrui, à la démarche relationnelle, quelle<br />
puissance de la providence serait venue me secourir ? Ô espoirs de<br />
jeunesse implorés jusque dans la vieillesse, et jamais satisfaits !<br />
1044
Verbe d'orages raisonneurs<br />
Verbe d'orages raisonneurs qui pense en noirceurs d'idées, qui<br />
gronde en soi-même, va-t-il éclater dans ma cervelle splendide, sera-t-il<br />
violence, ou en figures inconnues disparaîtra-t-il dans le ciel ouaté ?<br />
1045
Qui me comprendrait ?<br />
Qui me comprendrait ? À quelles raisons, chercherait-on à me<br />
comprendre ? Pourquoi ? Je suis seul chez les hommes, et je suis<br />
incompris des esprits. Quel espoir reste-t-il ? Et les Dieux disent : non,<br />
nous refusons cette méthode.<br />
Le sommeil est nécessaire pour laver la mémoire, comme l'on<br />
bat un jeu de cartes pour obtenir une nouvelle donne.<br />
Il a enfin compris que le produit poétique ne pouvait pas<br />
s'obtenir dans l'oisiveté et dans la nonchalance, mais qu'il fallait<br />
travailler à temps plein et extraire le suc que sa cervelle voulait bien lui<br />
accorder.<br />
Nous nous sommes alanguis longuement sur le chemin. Une<br />
femme claire et blême indiquait la voie qui ne menait nulle part. Il fallait<br />
puiser au fond de soi-même, dissiper les brumes épaisses, éloigner les<br />
brouillards aveuglants. La pensée entière se faisait sexuelle, et le poète<br />
aurait suivi des sorcières.<br />
Seule, la science peut instruire l'homme. La poésie le nourrit de<br />
chimères et de mensonges, de faiblesses certaines. Au déchirement final,<br />
qui de l'homme de science ou du poète détiendra la vérité ?<br />
1046
Lumière d'ombre, éclats stupides de vérités mensongères, hélas !<br />
Il n'y a pas de liberté. Le poète est l'esclave de l'ombre invisible<br />
qui frappe et fait hurler de douleurs. La souffrance génère de la<br />
production, elle est le thème majeur de l'œuvre à extraire.<br />
Pourquoi croire en l'éternelle justice ? Qui voudra indemniser ?<br />
Acceptera-t-Il de rendre ? Prendra-t-Il en considération la montagne de<br />
poèmes perdus ? On espère, on attend bêtement.<br />
Plus il sait, plus il comprend la médiocrité de la discipline<br />
poétique, son ridicule, son inutilité. Plus il sait, plus il comprend la<br />
science, sa beauté, son idéale de perfection, sa certitude !<br />
Le désir de travail parvient-il toutefois à relever le défi de la<br />
décadence ? Il se dédaigne, se méprise, mais a-t-il réellement tort ?<br />
1047
À peine sortie de l'aurore<br />
À peine sortie de l'aurore, nouvellement purifiée, nue, elle<br />
s'élève dans les airs cristallins. Sur ses seins, brillent des diamants de<br />
rêves, des parures serties d'opale. Sa texture de chair claire, douce<br />
comme la rosée est un délice à regarder, est un plaisir à lécher<br />
tendrement. Autour de sa beauté impossible, un albâtre offre ses larges<br />
ailes comme deux étendards protecteurs. Ses deux pieds baignent dans<br />
une eau plate, et lentement sont caressés par l'impossible mouvement.<br />
Elle vient de l'interdit, de l'impossible à concevoir. Elle se nourrit<br />
d'extase et d'encens. J'ignore sa silhouette, je la suppose tout au plus.<br />
Elle est toutefois mon idéale de compagne qui dort à mes côtés.<br />
1048
Je fuis<br />
Je fuis ce moi-même,<br />
Je m'envole loin de cette phrase décadente,<br />
Concept et proposition d'autrefois.<br />
Les mots s'assemblent mal,<br />
S'intègrent mal les uns dans les autres.<br />
Et le réservoir de sonorités, de syllabes<br />
Où je plonge mon esprit<br />
Est lavé de coups douteux,<br />
De solutions discutables.<br />
Je voudrais creuser<br />
Aller au plus profond de la terre, de ce moi<br />
Aux racines des synapses<br />
Dans l'inconnu du langage.<br />
Devant mon frontispice, il y a les volets<br />
De la conscience, toujours en éveil<br />
Constamment en attente,<br />
Possédant une patience de prisonnier.<br />
Il y a l'intérieur,<br />
1049
La pensée associée à la vitesse.<br />
Qu'espèrent-elles ? Que peuvent-elles ?<br />
Le langage désire,<br />
Le langage parie et refuse.<br />
Je rentre encore en moi-même,<br />
J'apparais là tout au fond.<br />
Je suis spectre, hallucinations,<br />
Gaze inconnue et<br />
Volonté délétère.<br />
Là encore est le vide<br />
Avec ces doutes, son écriture fantoche,<br />
Ses incertitudes,<br />
Ses images ridicules et détestables,<br />
Ses risques.<br />
Je nage dans les images<br />
Et l'œil retourné veut puiser dans la mémoire,<br />
Puis des cloches, des sons,<br />
Cela semble une rumeur et des crissements,<br />
Cela semble vouloir parler,<br />
Est-ce prodige ? Est-ce gain ?<br />
1050
Oui, je suis dedans, je vis à l'intérieur<br />
Est-ce l'œil de la conscience ?<br />
Puis le silence, le vrai silence<br />
Silen<br />
rien.<br />
1051
Le lac de mots<br />
Ma mémoire ? Une réserve,<br />
Un réservoir sans fond, ni dimension<br />
Aux contours indéterminés, vagues et abstraits.<br />
L'oeil est à l'intérieur, il observe,<br />
Tente de comprendre cette masse lourde et épaisse<br />
Où nagent parfois des résidus de mots.<br />
J'apprends à me débattre, je devrais faire Christ<br />
Et marcher sur moi-même.<br />
Donc je dois aller du point A au point B<br />
Sur ce lac stupide de mots<br />
Sans couler, sans me noyer.<br />
J'observe ces syllabes confuses qui grouillent<br />
Comme des vers sur une plaie sanglante.<br />
Ce lac est ébullitions épais et flasque.<br />
Des sons comme des bulles d'ombres ou ocres<br />
Sautent ici et bas, et se gonflent pour éclater.<br />
1052
Je vais puiser dans cet amas indescriptible<br />
Pour en extraire des signes.<br />
Je vais m'en gargariser.<br />
Non, l'eau de ce lac ne se boit pas.<br />
Alors qu'en faire de tous ces mots ?<br />
Les quérir avec une épuisette<br />
Et les assembler pour obtenir un poème ?<br />
1053
Ma chair nue<br />
Ma chair nue t'observe<br />
Te lit, te pense<br />
D'idées sublimes, de désirs<br />
La chambre d'orgasmes<br />
est offerte constamment<br />
Tes formes idéalisées,<br />
Recréées,<br />
Ton visage maquillé<br />
de mensonges, d'espoirs<br />
Tes habits noirs,<br />
Ton costume de fille,<br />
De femme<br />
Dans le tourbillon du lit<br />
La lumière qui cache,<br />
Qui montre, qui suggère<br />
La spirale des folies.<br />
Ma raison contre ton sexe<br />
1054
Éclate et oublie<br />
Étoilée sous ta chaleur,<br />
Sous des extases mouillées, enivrantes<br />
Ma raison se répand<br />
Dans ton corps, elle s'enlace,<br />
Se glisse en toi<br />
Le temps explose, file<br />
Et disparaît, miroirs des horloges affolés<br />
Festin de chairs, tu pénètres mes interdits<br />
J'aime ta fièvre,<br />
Je plonge dans ton obscur<br />
Je lèche ton ombre<br />
Parmi les caresses, bleu est ton corps<br />
Tu bondis désirant l'impossible<br />
Constellant ta pensée d'interrogations,<br />
D'audaces et de vices,<br />
De risques et de hontes.<br />
Ta lèvre se tord, supplie<br />
Tu couvres mon front de salive chaude<br />
1055
Ton corps prie mon ombre de chair<br />
En saccades, tu balances<br />
Tes contorsions de femmes me regardent,<br />
M'implorent d'aller au précipice des orgasmes,<br />
Ta silhouette est souveraine<br />
Tu exploses et deviens cendres<br />
Langue amoureuse qui lèche<br />
Ta chair insoucieuse<br />
Chevelure qui ondoie, qui se plie<br />
Tes seins blonds sont des écumes de rêves<br />
Ô grandes heures d'effluves,<br />
De chaleurs orageuses<br />
Vin tiède répandu sur la peau<br />
Ivresse de grappes belles<br />
Ô soleil qui bois à mes rayons vermeils.<br />
1056
La jeune fille<br />
La jeune fille sublime et inconnue traverse la raison, se perd<br />
dans mon esprit, et confuse, alerte ou libertine cherche un endroit pour<br />
se cacher.<br />
Pourquoi désire-t-elle couvrir sa nudité quand nul, à l'exception<br />
de mon oeil interne, ne peut l'observer. Subrepticement elle s'empare de<br />
mon silence, et tente de s'en vêtir comme d'un pagne.<br />
Je la vois, je ris de sa gène et je lui offre quelques légers<br />
brouillards confus de la raison dont elle s'habille rapidement. La voilà<br />
qui sourit, qui s'esclaffe et offre un premier chant à mes oreilles<br />
caressées.<br />
Elle évolue dans une attitude d'un pas de deux, sensible et<br />
légère. Mais il est des actions, des gestes et des comportements que je ne<br />
puis comprendre. L'ensemble parfois me semble incohérent, saugrenu et<br />
irresponsable. Je m'en amuse pourtant ...<br />
Elle circule à présent dans les méandres de l'interdit, se glisse,<br />
semble fuir et disparaître pour revenir nourrie de fantasmes nouveaux,<br />
de possibilités audacieuses ... Voilà donc sa culture ! Voilà ce qu'elle<br />
reçoit et ingurgite sur le chemin du risque ...<br />
1057
Mais oui ! Tout à coup, je comprends : elle quitte mon âme,<br />
jaillit par mes yeux, bondit sur le sol et se dimensionne, comme par un<br />
effet magique, en quelques instants, à l'échelle de la femme - là devant<br />
mon regard ! Sa nature humaine m'étonne, mais je m'engallardis, la<br />
saisis par la hanche et la fait tourbillonner sur elle-même afin que le<br />
personnage puisse renaître et se comporter comme ma raison l'avait<br />
imaginée.<br />
1058
Dans la pensée obscure<br />
Dans la pensée obscure de ma raison défaite, il m'oublie, il se<br />
cache comme un serpent de verre qui apparaît, qui disparaît.<br />
Enfoui en moi - je connais pourtant son nom - il est là timoré,<br />
fourbe, vicieux et parfois sexuel - il attend pour sortir que la nuit<br />
commence (il faut déterminer par quels moyens l'inspiration poétique, sa<br />
sœur, conception absurde etc. se manifeste.)<br />
Eh oui, enfoui en moi, soupirant, noir comme le charbon dans<br />
ma cervelle stupide, la tête toute fécondée d'espoirs nouveaux, j'attends,<br />
l'éveil du souffle de vie ...<br />
Qui est-il ? Où est-il ? Pourtant je sais qu'il se terre. J'entends<br />
même les premiers suintements de syllabes prononcées. (Quand tu es<br />
absent, je me crois libre. Le suis-je réellement ?)<br />
J'attends comme l'enfant. Je m'angoisse de cet instant. Je déteste<br />
ce moment construit sur l'éphémère et sur l'insignifiant.<br />
Puis sonnal, sonnerie en quelque lieu de délice, du cœur de ma<br />
cité (- vérité d'image comprise ou refusée par le lecteur ?) l'obsession<br />
Baudelairienne travaille les âmes poétiques... Tu vois, je ne dormais pas,<br />
1059
j'espérais, j'attendais seulement.<br />
Je prends donc ce support de poésie en forme de rose de<br />
Pasolini, pour tenter de produire, mais que puis-je ?<br />
Agacé, dans la pensée sombre, j'emprunte quelques mots,<br />
quelques idées. Je ne les couche pas en italique. Puis comme une muse<br />
qui s'épanouit : "Est-il satisfait de ce que tu obtiens ? Poursuis...<br />
Continue..."<br />
1060
Endormi en chair de femme<br />
Endormi en chair de femme<br />
Mordu par la bouche blanche<br />
Épanoui en soleil de blondeur<br />
Douce exaltation du plaisir<br />
Dans ton bel espoir de jouissance<br />
Je me languis et je me perds<br />
Nous éclatons en orgasme<br />
Nuée de corps voltigeant<br />
Ta folie n'a rien de sûr<br />
Ô pluies d'images et de sueur<br />
Qu'un lit pour nous cacher<br />
Qu'une barque qui tangue<br />
Comme des zones actives<br />
Dedans et au-dessus<br />
Baignés dans les brumes du vent<br />
En jaillissement d'incendies<br />
1061
C'était en chair heureuse<br />
Élevée en plainte délicieuse<br />
Je frottai et travaillai<br />
Contre les rondeurs des hanches<br />
Fleurs et parfums aimés.<br />
1062
Démonia<br />
I<br />
Elle plisse les yeux. Elle est claire, naïveté, nudité, supplice de<br />
désir, dans l'attente.<br />
Sa chair implore l'orgasme. Elle voudrait que toutes mes fibres<br />
lui offrent la folie d'exploser.<br />
Elle demande le fouet, la douleur rectale, dorsale, elle pince ses<br />
lèvres, se fait chienne, lèche les pieds, l'anus, le sexe. Elle crie, rampe,<br />
veut séduire, elle désire être frappée, humiliée, mais que puis-je ? Je la<br />
domine, je la prends, je cherche le point maximum, je l'écoute attentif. Je<br />
suis seul. On devrait être cinq à la foutre.<br />
Que peut l'orgasme ? Que peut le sexe ? Jusqu'où fait-il aller ?<br />
N'est-ce pas plutôt dans l'éclatement interne, de la cervelle éblouie ?<br />
1063
II<br />
Dans l'espace hurle la femme, de jouissance, de souffrance, de<br />
supplication, folie de chair que je ne puis dominer, bouche baveuse<br />
implorant et quémandant des sexes à engouffrer, zones rectales offertes<br />
au plug, à la prothèse, au manche de fouet.<br />
III<br />
Encore au pied, à la soumission, à la chair battue, humiliée,<br />
aimée, chauffée par les lanières, pour le plaisir.<br />
1064
Messages II<br />
Tu peux hurler<br />
Tu peux hurler, personne ne daigne t'entendre. Tu es un chien<br />
dans le caveau de l'indifférence.<br />
Puisses-tu te rassasier de ta propre substance, de ta<br />
connaissance éternelle et infinie qui gît là au fond de toi.<br />
Mettre charrue avant paire de bœufs, puis exciter l'animal avec<br />
l'aiguillon en l'accusant de ne point avancer.<br />
La condamnation tyrannique de l'au-delà. La foudre s'abat sur la<br />
maison et torture le sacrifié pour les délices de la cruauté.<br />
La pluie bénit.<br />
La rosée n'a aucune durée, elle disparaît aux premiers rayons.<br />
Nous sommes des résidus de chiens méprisables et inutiles.<br />
Nous ne provoquons pas même la pitié. On nous conseille de faire autre<br />
chose, de cesser de produire de telles aberrations. C'est le : "Jette-toi, t'es<br />
nul !"<br />
1065
Le soir apporte son flot d'inspiration. La nuit est chargée de<br />
pulsions invisibles, nourrissantes et sublimes. Il faut apprendre à capter.<br />
L'oiseau de sang chante mal. Il hurle, puis se meurt. Qui a<br />
cherché à l'entendre ? Vous seules, feuilles attentives, écoutez son délire.<br />
Un zonal avertit constamment le poète à obéissance : "Il faut<br />
produire, nourrir le livre de substances nouvelles, le fortifier, lui donner<br />
croissance."<br />
1066
Surgissent<br />
Surgissent<br />
Des spectres royaux<br />
Couleur d'ambre.<br />
C'est instant interdit<br />
Peut-il se saisir,<br />
A-t-il quelque durée ?<br />
Le silence de l'astre mort<br />
Est repu de mémoire.<br />
Il plonge sa lumière laiteuse<br />
Et lèche abondamment<br />
Les vestiges invisibles de mon âme.<br />
Lune de femme, pensée enfouie,<br />
Le sang rimé coule de ma bouche.<br />
Les blessures se répandent en cascades<br />
Dans ma cervelle effarouchée.<br />
La nuit ne dort pas,<br />
Elle conçoit le fruit par son imaginaire.<br />
1067
Beauté, je te propose le poème<br />
Beauté, je te propose le poème dans l'expectative du gain.<br />
Observe-moi, je ne suis que misère. Donne-moi l'espoir de te séduire<br />
vers la couleur acide du chant. Je te déçois ? Qu'importe ! Je poursuis.<br />
La qualité du texte m'horripile. Debout scrute et analyse la<br />
raison, maîtresse de l'élève poète.<br />
Le ciel est sang, le soleil est espoir. La lune est presque bleue,<br />
là-bas, lointaine. La fusion engendre le poème, la combinaison favorise<br />
le mélange des couleurs. Alchimiste de la nature, je dois composer.<br />
Notre désir retenait la chair jusqu'à lui faire implorer grâce.<br />
Un tourbillon d'oiseaux apporte la fraîcheur du poème, et<br />
voltige obéissant à ma voix.<br />
Tiens mon espoir tendu comme une offrande, porte-moi vers les<br />
échelons supérieurs, ô l'Inassouvie. Le désir de gagner, la folie<br />
d'engendrer me porte encore. Le livre blanc est à remplir. Travaillons.<br />
Trop consciente de sa petitesse, de son insuffisance, coeur<br />
bariolé, vitrail de poète, la pensée cherche à se détacher de sa certitude<br />
1068
de perte. C'est un noir soleil qui gît à mes côtés. Il illumine de son néant<br />
ma vérité. Ai-je quelque espoir, ailleurs, là-bas ? Aurai-je un avenir ?<br />
1069
Femmes décoiffées<br />
Femmes décoiffées<br />
Épanouissement de roses<br />
dans la clairière céleste<br />
Voltigez tourbillonnez<br />
danses nuptiales de papillons bleus<br />
Luxe de blondeurs, envolez-vous<br />
Vous êtes emportées par le vent.<br />
1070
Poète<br />
Il inventa un pur visage<br />
poudré d'ombre et de lueurs carmin.<br />
détruisant sa face réelle<br />
Il s'exila derrière l'impossible mémoire<br />
refusant le reflet vrai du miroir sacré.<br />
Il s'imprégna de mensonges,<br />
d'idéal transfiguré<br />
puis les rides sillonnèrent les traits de sa face<br />
il s'exécuta, on l'immortalisa.<br />
1071
Parler avec soi-même<br />
Par la fente on observe<br />
L'instantané passer<br />
Comme des particules en suspension<br />
Dans un rai de lumière.<br />
Il y a l'imperceptible presque,<br />
L'inaudible, l'improbable et le doute<br />
Qui s'entrecroisent, se juxtaposent<br />
Et tentent de cohabiter.<br />
Au-dedans, il y a des sortes de tentacules<br />
Légères, invisibles et silencieuses.<br />
Elles préfèrent délicatement les propositions offertes.<br />
À l'extrémité de leurs doigts sont des yeux<br />
D'une acuité visuelle extrême,<br />
Ils touchent, voient et palpent,<br />
Refusent ou prennent.<br />
À quelles raisons, décident-ils ces doigts ?<br />
Qui ponctionne, qui retire ou exploite ?<br />
1072
À l'extérieur, on peut supposer<br />
Qu'il y a un front, sorte de muraille,<br />
D'épaisse Carcassonne. Mais dedans ?<br />
Là des idées changent de formes<br />
Sont acheminées, transmises<br />
Par un dialogue intérieur,<br />
Par une activité électrique encore inconnue.<br />
D'autres d'espèce chimique<br />
S'évaporent, disparaissent pour s'associer ailleurs.<br />
C'est donc échos, lumière déversée,<br />
Brassages d'images, fluidité de désirs,<br />
Maîtrise temporelle, échappée de seconde<br />
Segments, fragments de bouts, de propositions,<br />
Associations contrôlées, libérées.<br />
L'esprit extrait des mots, des groupements.<br />
Qui fusionne, qui combine ?<br />
Les ressemblances épousent l'analogie<br />
Et le contraire se juxtapose rapidement.<br />
Le mensonge tire son origine de la vérité,<br />
1073
La vérité tend vers la sagesse poétique.<br />
Parler longtemps avec soi mène à quelque chose.<br />
1074
Par toi<br />
À Octavio Paz<br />
Bleu fuyant en rafales claires<br />
souffles d'air<br />
L'esprit tourbillonne<br />
s'élève irrésistiblement<br />
et embrasse l'air cristallin.<br />
Parmi les hauteurs de l'estime,<br />
ai-je quelque valeur ?<br />
Je suis dans l'ignorance du savoir<br />
possédant un pactole de syllabes.<br />
Ma pensée soulevée<br />
dévale les collines de l'évidence.<br />
J'habite une bulle de mots.<br />
1075
Je suis sans être<br />
Je suis sans être, épanouissement de mon néant,<br />
plénitude de mon vide.<br />
Puis je plonge dans ce lac de pensées<br />
Où grouillent confusément les perceptions du langage,<br />
Où les grondements entendus<br />
Par l'alchimique opération<br />
Se transforment en cristal de musique.<br />
Apparaissent les vagues successives d'analogie,<br />
Images dérisoires ou sublimes symboliques.<br />
Les concepts et leurs contraires participent<br />
À la construction du raisonnement.<br />
Les symétries, les parallèles<br />
S'entrecroisent et s'imposent.<br />
Jusqu'à l'effacement final<br />
Pour la mort du poème.<br />
1076
Aubes claires et bleues<br />
Aubes claires et bleues<br />
suspendues de rosée<br />
miroitant sur les éclairs de neige.<br />
Amours de cristal enflammées<br />
qui circulent lentement dans l'éther.<br />
de topaze, de flammes comme des fluides<br />
Vols d'oiseaux qui déchirent<br />
l'infini azuré<br />
battements de soieries<br />
légèretés caressées<br />
dans l'idéal du ciel<br />
tourbillonnez encore<br />
pour l'espoir du poète etc.<br />
1077
L'homme supplie<br />
L'homme supplie inexorablement,<br />
L'homme dont l'esprit grandi par l'imagination s'épuise à<br />
extraire, cherche à se délivrer par la pensée, source et jaillissement.<br />
L'homme qui s'élève dans sa croyance, qui accède à la<br />
construction interne, à l'architecture souveraine.<br />
À lui, la certitude dans la venue du Verbe.<br />
Accumuler encore dans la surabondance de la création, fouetter<br />
le sang des neurones pour tirer encore du suc, de la connaissance, de la<br />
lumière.<br />
de vérité.<br />
Je porte au doigt l'anneau de voyance et au poignet le bracelet<br />
Dame la conscience de ma médiocrité, l'œuvre est détestable, à<br />
bannir constamment.<br />
1078
Sanctification<br />
Une nuit, j'apportais ma Félicité, apparence parfumée d'oiseaux<br />
insaisissables ! Nul me dictait le mouvement ailé que ta main agitée<br />
caressait sur mes tempes humides. Dans les souffles du désir, les éclairs<br />
du ciel s'étaient soulevés, et la jouissance obtenue semblait alchimie<br />
d'orgasme.<br />
Je tourbillonnais sur moi-même et compris enfin le langage des<br />
sens. Mes folies d'agneau blanc s'élevaient vers l'innocence. L'haleine<br />
pure buvait le consentement idéal.<br />
On me remit l'anneau de clarté et de transparence. Je le porte à<br />
mon doigt tel un diadème éternel entre le feu intérieur et la constante<br />
élévation. Je me place nettement, je suis l’Époux nouveau. Je redescends<br />
lentement parmi mes frères.<br />
Salut à celui qui atteint ce principe spirituel, qui marche à ses<br />
côtés. Il passera par le creuset du feu.<br />
1079
La beauté d'Hélène<br />
Je voltigeais dans le souffle de l'air, refusant la station, ignorant<br />
le refuge où se concevait la femme. Des tourbillons épars portaient dans<br />
leur poussière la chevelure royale d'Hélène. Sa beauté s'imprégnait<br />
d'idéale de roses. Sa silhouette impossible allait boire aux fontaines.<br />
La brume neigeuse enveloppait son corps dans la transparence<br />
inouïe de lumière messianique. Je m'évanouis puis m'éloignais de cette<br />
persévérance sphérique, sublimation de son image charnelle.<br />
1080
Grands esprits<br />
I<br />
Et vous, grands esprits qui vous nourrissez dans de plus hauts<br />
savoirs, vous abaisserez-vous quelque jour dans les lueurs du Cercle, au<br />
milieu de la certitude humaine construite sur la chimère poétique ?<br />
Remplie de songe, notre pensée sur le versant du déclin :<br />
l'image belle et naïve comme une aube de fille sainte pour le mépris des<br />
hommes, l'image constamment renouvelée comme une recomposition de<br />
la ligne et du déplacement : libre dans son nouveau concept pour l'esprit<br />
et pour la chair de l'homme, l'image comme une nourriture de l'intellect<br />
...<br />
La mémoire funèbre du poète ne voltigera plus autour du<br />
sinistre monument ; l'éternité vivante encombrée de lourdes palmes<br />
glorifiera son âme inconnue ... Utopique ! Mes lèvres prononcent de<br />
fausses paroles.<br />
Est-ce sourire de raison qu'offre le visage ? ... "Cela ne se peut<br />
! Cela ne se peut !". La fille Muse est fête en mes songes comme fiancée<br />
gracieuse, fiancée blanche jamais lue et ignorée de tous.<br />
1081
Répands-toi, ô brise claire, mon avenir ! Que ma ferveur me<br />
porte ! Que ma ferveur me porte !<br />
II<br />
Et cette fille chez les esprits supérieurs :<br />
"Poésies ! Poésies ! Pensées errantes sur des images circulaires,<br />
surgies de l'inconnu, par le souffle hautement aérien, la phrase s'exile et<br />
s'offre belle de nourriture ...".<br />
certitudes.<br />
D'autres filles dans les escarpements de la raison invoquent des<br />
III<br />
Souffles offerts par la fille Muse :<br />
"Triste amertume ! Triste amertume ! Où se répand le parfum<br />
exhalé du ciboire ? Où puis-je respirer le chrême de l'esprit nouveau ?<br />
Enfouie à tout jamais, l'image ne saurait être renouvelée ! De la pensée<br />
obscure, jaillirait-il quelque essence purifiée ?<br />
Et vous, sœurs de l'absolu, sur quel homme se pencher ? Filles,<br />
1082
elles de chair, à qui proposer le plaisir ?"<br />
- Nous ignorons ! Nous ignorons ! Qui épanouit nos songes<br />
comme un soupir aérien ? Qui distribue le son parfait à l'oreille câline ?<br />
Cherchons.<br />
Nous nous sommes promenées sur le cercle en chair de femme,<br />
sensibles à l'appel. Vers les pensées fugaces de l'éveil, pour les premiers<br />
essais de la raison. Nous avons dansé et marché, faisant ronde riante.<br />
1083
La soumise<br />
Plaintes de femmes dans le mugissement du plaisir, râles de<br />
femmes dans l'orgasme de la nuit, qu'il est doux d'entendre femmes<br />
pleurer d'extase, de voir le bonheur versé sur les larmes de l'amante !<br />
Toi, le Dominateur qui prends et qui exiges, observe ton<br />
esclave suppliante et comblée.<br />
Soupirs de femmes mêlés de chevelure et de salive, amas de<br />
chair fraîche, quémandant une ivresse, douceur plaintive, ô mon délice,<br />
quel corps allongé fut plus aimé ?<br />
Mon maître, mon sublime supplice, vois, je t'implore encore,<br />
moi femme soumise et dominée !<br />
Femme suis prise et à prendre en tout endroit où me pousse ma<br />
convoitise, à la recherche de l'Amant. Qu'il piétine, qu'il meurtrisse sans<br />
offenser, sans blesser ! La chair est offerte, le corps s'ouvre, nulle gène,<br />
nulle honte. À toi, prends-moi avec décence, prends-moi !<br />
Oui, moi, soumise à ta puissance de cheval fougueux, implorant<br />
tes saillies et tes reprises en ma chair ! Oui, toi, mille foudres explosant<br />
d'orgasmes et de sel liquide !<br />
1084
Ô maître qui commandes et ordonnes, tu sais trop bien l'usage<br />
des larmes, des plaintes de jouissances ! Pourras-tu apaiser ces lieux à<br />
dilater, à soumettre et à prendre ? Vois, je t'implore. J'implore ta langue,<br />
ton souffle chaud, consacre-moi à ton supplice telle une offrande royale.<br />
Frapperas-tu, maître divin ? Espoir du délice, chair à prendre.<br />
Délivre mon impatience, je ne puis implorer plus longtemps.<br />
Tu frapperas, promets-le ! Avec puissance, ta réponse sera<br />
forte. Parle-moi, ô mon tyran ! Et avec plus de prise, m'assailles et<br />
m'enveloppes.<br />
Tu frapperas, ô mon despote ! Entends hurler l'esclave qui<br />
pousse un grand cri déchiré de femelle à sevrer. Le corps s'écroule et<br />
veut être comblé. Par-delà l'interdit, pénètre-moi encore ! Que j'explose<br />
radieuse, illuminée !<br />
Toi, mon Dieu, viole-moi par le délice du viol, arrache à ma<br />
raison le hurlement de la femme dilatée. Emporte-moi là-bas où la raison<br />
divague et nourris-moi encore d'images à transformer.<br />
1085
Paroles certifiées<br />
Paroles certifiées de la Muse expressive :<br />
Ô sublime amertume ! Que d'aigreurs tournées et retournées<br />
dans le fond de ma gorge ! La plus belle des femmes vit dans l'adversité<br />
! Elle n'est point reconnue, et sa chair splendide est méprisée de tous !<br />
Pourtant certains hommes, amateurs du beau, ont dit : "Nous<br />
l'avons vue, superbe et voilée. Nous savons qui elle est, longue et<br />
grande, à la hanche féconde. Sur son visage, coule le Chrême.<br />
Hélas, elle en est à se mépriser, à se dénigrer, ne sachant plaire,<br />
ne pouvant séduire la tribu des savants. Ce ne sont que des vieillards<br />
édentés et tordus qui se prévalent de déterminer le beau !<br />
Ô Mère des Muses, je t'implore dans un songe et te viens<br />
demander quelque justice !<br />
La honte pend à mes flancs comme un sceau d'injustice, la<br />
bouche perverse d'autrui est une plaie aux lèvres fausses ! Ha !<br />
Comprendre ! Me comprendre !<br />
1086
Les poétesses sont venues<br />
Les poétesses sont venues, porteuses de sublimes sacrements.<br />
Se sont offertes aux aspirants dans leur quête de nudité et d'idéale de<br />
saveur. Ont souri de leur bouche belle, offrant leur chair de filles rares.<br />
Et la pureté de leur déplacement, la légèreté de leur marche étaient fruits<br />
que l'on vénère, parades que l'on admire : "Nous sommes filles du ciel,<br />
et voici nos chairs, voici nos chevelures, voici nos cuisses. Nos<br />
ouvertures sont propices aux passions et aux drames. Voici, prenez !"<br />
Elles riaient de leurs dents superbes, elles évoluaient et<br />
tournoyaient, fabuleuses et immortelles. Elles éloignaient l'ombre noire<br />
et voulaient glorifier l'écrit.<br />
Elles jouaient encore, et certains hommes tentaient de mêler<br />
leurs voix aux sonorités cristallines : "Ah ! Nous avions mieux espéré du<br />
mâle assoiffé de perfection ! Offrons nos poitrines, accordons-leur nos<br />
croupes sinueuses. Sur nos fronts, que sauront-ils composer ? Ô mère<br />
superbe, qui donc faut-il aider, qui doit accéder à la perfection de nos<br />
larmes ? Nous faudra-t-il sur la scène théâtrale accéder au tragique de<br />
nos dires, exalter le divin de nos souffles pour honorer le héros,<br />
suppliant la mort sans espoir de conquête ?"<br />
1087
Les femmes aussi sont venues<br />
I<br />
Les femmes aussi sont venues aux bords des fenêtres, les bras<br />
remplis de livres blancs.<br />
"Ces livres purs, ces pensées encerclées, qu'en ont-ils faits ? Où<br />
sera leur avenir ? Vers quelle issue fatale ? Leur limite, quelle est-elle ?<br />
L'avons-nous embrassée de notre regard impérial ?<br />
Conception supérieure, vous mentez ! Poètes, vous êtes des<br />
traîtres ! Ô substance ! Faiblesse de médiocres, bouquets arrachés et<br />
brûlés ! Le vent réveille les Parques, la plume emportera l'essence de vos<br />
noms anodins !<br />
La fleur est sans arôme, la lecture illisible aux portes de la<br />
raison. Une immense tristesse envahit nos visages. Nous ne savons en<br />
qui espérer".<br />
La Mère était parmi nous. Nulle n'osait l'appeler. Et la foule de<br />
femmes s'éloignait des terrasses de marbre.<br />
1088
"Se peut-il, se peut-il que pas un avec l'astre divin à sa porte ne<br />
puisse nous prendre et nous exalter ?<br />
Tout l'aveu de notre chair dans l'intime de la transe quémandait<br />
en vain. Et cette exaltation accompagnait des cris de rage dans un corps<br />
jamais possédé !<br />
Un soir d'incertitude nous promenant à travers le parc de l'oubli,<br />
nous avons vu le Maître, bel homme campé sur ses pieds. Et nous voici<br />
soudain du côté de son miroir. Nous espérons le voir croître.<br />
Femmes très pures, passerons par la fenêtre, les bras remplis de<br />
livres ? Quelles seront nos issues ?"<br />
II<br />
"Hélas ! Hélas ! Notre cri est un cri de détresse ! Qui donc<br />
servirons-nous ? Quel sera notre Maître ? Nous visitons de chambre en<br />
chambre, avec la lampe vacillante le lieu parfait où resplendira le savoir,<br />
et nous cherchons encore.<br />
Pour quel maître de pensée, pour quel esprit à l'intelligence<br />
nouvelle possédant l'art de l'image ? Où est Celui ? ... nous ne pouvons<br />
attendre. Nous sommes suppliantes, murmurantes et désirons obéir.<br />
1089
Perception différente à la consonance libérée, qu'il nous saisisse<br />
et nous touche un peu partout, nous domine et nous aime ! Qu'il fusionne<br />
tout le savoir du siècle et veuille y ajouter !<br />
Ha ! Cette attente est vaine par le souffle de l'esprit, par le génie<br />
pensant au loin sur le calme des eaux !<br />
S'offre nul espoir pour les Livres de vie. Nous avons trop cru<br />
pouvoir le trouver, nous filles d'extase, servantes de l'intellect ! Nous<br />
implorerons encore les bras couronnés vers l'Azur.<br />
Nous chercherons grandeur d'homme, nous chercherons".<br />
1090
Ce langage<br />
Ce langage fut langage d'Inspirée : "Amertume et déceptions !<br />
Déceptions et amertume ! Dans quel esprit brille la pensée supérieure ?<br />
Pour quel poète accepterai-je de m'abaisser ? Qui m'invoque ? Qui<br />
m'appelle ? Je désespère et n'entends nul soupir. Il n'est nulle complainte<br />
autour de cette aura de belle spatiale, de blondeur idéale qui infuse les<br />
mots !<br />
Ô mère qui enfantas ma chair, je te prie dans mes songes<br />
comme une supplique éternelle, je t'implore dans ma prière sacrée !<br />
La honte est à mes flancs comme une certitude rouge. Il y a<br />
plaie de chair et sang qui bout ... J'attends pourtant campée sur mes deux<br />
jambes le poète d'avenir, l'idéal rêvé. Je veille, j'ausculte. Le feu est là<br />
sous la peau, je dois le transmettre. Qui sera riche ? Qui méritera de<br />
venir boire dans le corps de la femme ?<br />
Le vent de l'espoir s'étire et doucement me vient caresser. Me<br />
faut-il m'allonger sur ce lit, solitaire pour rechercher la passion<br />
domestique ? Quelle croyance en ce soir langoureux ? Il n'est nul espoir<br />
! J'attends l'homme des villes ou le rustre des champs.<br />
Oui, encore me voilà nue, offrant mes senteurs, retirant mes<br />
1091
linges, craignant quelque blâme de Mère pour exciter, conseiller sur ma<br />
chair le poème ... Est-ce soupçon d'extase porté en mon corps ?<br />
Mais vous, sœurs ou filles irrésistibles, voyez, il n'y a personne !<br />
Venez me caresser, venez Gardiennes de l'invisible m'embrasser quelque<br />
peu, et vous Coiffeuses, qu'attendez-vous ? Dans ma crinière épaisse,<br />
engouffrez vos doigts câlins et ravageurs. Oui, je veux être touchée de<br />
partout puisqu’aucun mâle ne mérite ma couche !<br />
Et dans ce grand miroir, est-il quelque spectre d'homme ? Non,<br />
il n'y avait personne pour accéder à la perfection de ce bonheur ...<br />
Mais vous, filles d'extase qui êtes là, hôtesses sublimes et<br />
gardiennes du Toit, tourbillonnez et offrez vos croupes belles ! Je veux<br />
le cri par le cri de la femme comme une immense muqueuse dans la nuit<br />
! Oui, faites germer le plaisir et couler le fluide irréel du bien-être infini.<br />
Cette chose est licite et offre le calme et le repos à l'Inspirée".<br />
1092
L'araignée blanche<br />
I<br />
Elle ouvre sa chair. S'envolent des papillons.<br />
Elle est fille-fleur, nudité de beauté<br />
Avec pétales de blondeur<br />
Avec parfums de brise claire.<br />
Elle est araignée possessive, violente<br />
Prête à piquer, à saisir, à compresser<br />
Le sexe, à le capturer.<br />
Elle s'agrippe, lutte,<br />
Elle viole le serpent<br />
L'enserre, puis elle s'élève ...<br />
II<br />
Dans les airs voltige l'araignée blanche<br />
Soufflée, gonflée comme une méduse<br />
Ballet léger de montgolfière<br />
Puis elle décline, redescend<br />
1093
Brodée de lys clairs.<br />
Elle atteint l'amant,<br />
Éternel dormeur d'une extase qui fuit.<br />
Ses membres appellent la capture encore.<br />
III<br />
Je suis prisonnier. Personne pour m'extraire<br />
De cette emprise de femelle.<br />
Agenouillé, j'implore. Qui ?<br />
Dans le souffle de la nuit,<br />
Gémit la chair. La chambre s'éloigne,<br />
Tout le décor aussi<br />
Envolé, envolé.<br />
1094
IV<br />
À nouveau, sur les pétales de l'araignée-fille,<br />
De la fleur-femme<br />
La chair rebondit, amas d'explosion,<br />
De décompositions. Y a-t-il eu jouissance ?<br />
Je suis dans son jardin.<br />
J'atteins l'ultime porte, j'ai la clé.<br />
Je prends, je pénètre,<br />
Je m'enfouis en elle.<br />
Retour à la nuit infinie,<br />
Et mort pour renaissance encore.<br />
1095
La cité intérieure<br />
Environné d'espoirs<br />
Souffle immense de rumeurs<br />
Grandes silhouettes impalpables<br />
Alors je pense, j'entends<br />
Je conçois<br />
les perceptions sont irréelles<br />
Inaudibles - tout se fait et se défait<br />
Autour de moi.<br />
Donc j'avance dans mon centre<br />
Dans ma pensée circulaire.<br />
Oui, j'avance<br />
Au milieu des graines illuminées<br />
de phosphore, de néant<br />
de certitude et d'imbécillité<br />
J'avance de manière sereine.<br />
J'entends un murmure plaintif<br />
Y a-t-il bourdonnements d'images ?<br />
À présent je produis quelque peu<br />
Je tire des signes<br />
1096
papier.<br />
Un espoir est planté dans la cervelle<br />
comme un drapeau noir sur blanc<br />
comme des signes sur une feuille de<br />
Le poème s'élabore.<br />
Voilà,<br />
Dans ma ville poétique,<br />
Je réveille les néons,<br />
Quelques lampes s'éclairent<br />
Je prends en moi, je vole à autrui<br />
Je déambule sur les traces de mes idées<br />
bric à bric d'étincelles<br />
Maintenant je marche<br />
à droite, à gauche, je décris ce que je vois.<br />
Façade belle de femme,<br />
serrure de sexes<br />
odeur de salpêtre<br />
Oui, comme une statue de marbre<br />
puis portique, comme intérieure<br />
Va-et-vient du passant<br />
balance, oscillations<br />
et toujours ces silhouettes<br />
1097
formes impalpables, inexplicables<br />
mais présentes<br />
Je cherche dans cette rue l'extase<br />
Mes yeux chavirent, brillent,<br />
miroirs captivants.<br />
L'avenir toujours est interne,<br />
occulte, sous un flot de transparences<br />
sous des folies de merveilles<br />
Il brille de femmes, de feu, d'orgasme<br />
Tout se mêle, se dissipe, se recrée<br />
dans la grandeur du Temple<br />
On entend des voix monter, supplier,<br />
Quémander,<br />
On entend des gémissements<br />
l'âme se plaint, interroge et veut jouir<br />
comme une fille en rut dans l'épanouissement.<br />
Les souffles lentement s'éloignent.<br />
Me voilà à nouveau titubant<br />
cherchant<br />
un principe absolu qui m'échappe<br />
qui m'égare.<br />
1098
Au milieu des réverbères,<br />
je tiens ma lanterne<br />
allumée de certitude<br />
certitude ?<br />
A rire<br />
Me voilà couvert de la cendre des étoiles !<br />
Je cherche un nouveau quartier<br />
un lieu où l'être comprendrait<br />
sa durée, son génie, son invention.<br />
Une porte pour l'être ?<br />
Non ! une voie sans issue<br />
je cherche encore<br />
donc j'écris.<br />
Chaque lettre s'associe, se confond, se mêle,<br />
va puiser dans la mémoire quelques possibilités<br />
la ténacité persiste<br />
elle ressasse et veut exploiter.<br />
Au centre de la place,<br />
il y a un jet d'eau,<br />
un arbre fluorescent,<br />
est-ce pensée suprême<br />
1099
est-ce cœur de la ville ?<br />
J'avance à grands pas<br />
dans la cité solitaire<br />
Les immeubles couvrent de leurs ombres<br />
le seul passant hagard que je suis.<br />
Je cours mais je me crois immobile<br />
je suis comme soufflé, aidé par mes pensées<br />
pourtant je n'ai pas même l'impression<br />
d'avoir marché.<br />
Je crois être resté moi-même,<br />
au même endroit...<br />
Le temps semble le même,<br />
et instable à la fois.<br />
Oui, j'écrivais donc<br />
à la lumière de ma cité<br />
dans le dédale de ma raison<br />
en absolu de croyance<br />
en certitude d'éternité<br />
et de prétention.<br />
1100
Ainsi j'achève l'acte,<br />
le mouvement de mon propos<br />
avec conscience de perte<br />
et de faiblesse<br />
avec l'espoir de chasser l'infamie.<br />
Je me parle encore, mais l'autre dort.<br />
Entends-tu ? Non je dors.<br />
J'avance dans le noir, seul.<br />
1101
La pensée<br />
La pensée<br />
surgit et s'impose<br />
sur les feuilles rectangulaires<br />
sur ses espaces blancs<br />
elle cherche à construire<br />
à édifier pour l'homme<br />
Son langage sort de l'invisible<br />
comme association de grains<br />
comme petites briques de mots.<br />
Le signe est unité de montage<br />
il participe à la syllabe.<br />
Syllabes : concepts d'échos<br />
répercutés sur le papier<br />
puis le texte apparaît lentement<br />
comme femme au sortir du bain...<br />
1102
Lieu de vie<br />
J'habite une chair de femme. La bouche aux lèvres sensuelles et<br />
rouges, la bouche implore encore à cinq heures, elle est vagin où<br />
scintille la salive, elle est appel pour le pénis. Quand toi tu entres, les<br />
muqueuses espèrent, désirent avec ferveur. Alors commence le va-etvient<br />
dans cette bouche qui veut, happe et implore.<br />
Je suis pénétration violente en toi. Voilà, j'aime te foutre, et me<br />
répandre. C'est un besoin.<br />
Tu supplies dans un lit. Tu es bête qui dévore. Tu as mille<br />
paires d'yeux pour ton plaisir. Vois, tu happes. Je finis dans ton domaine,<br />
vers le chemin qui pousse à la folie. Il n'y a pas d'innocence, il y a une<br />
indication horizontale, une entaille rose d'extase, des voluptés vicieuses,<br />
par des poils entremêlés, tissés. C'est ton alcôve. Tu supplies le sel de<br />
l'orgasme, je le retiens, tu le donnes. À la fin, tu imploses, les bras en<br />
croix. J'habite une chair de femme.<br />
1103
Sainte<br />
Tu étais claire<br />
Elle est bien loin cette pureté !<br />
Tu étais blanche,<br />
tes lèvres sur ses lèvres<br />
dans un mouvement constant<br />
Tu étais si près, si proche<br />
Tu ne t'inquiétais pas de la prochaine mort<br />
Tu étais une croix sur le chemin<br />
Épouse du Père sans méfiance,<br />
sans regard, indifférente même<br />
Sainte pour servir<br />
pour aimer constamment.<br />
Élevée dans le monde autre<br />
sois, reste claire<br />
sois éternellement.<br />
1104
Grande pensée<br />
Grande pensée, me voici ! Fraîcheur de la nuit sur la cime,<br />
souffle venu du large, front offert à toute spéculation de l'esprit.<br />
Un soir de feu et de forte fièvre où se conçoit la raison, j'ai<br />
supposé un ciel plus pur brillant sur des marais de sel, soir d'été et de<br />
certitudes épanouies, soir de chair, où l'amant engendre le Livre. Il fallait<br />
éviter les défaillances de l'inspiré, il fallait au-delà de la passion parvenir<br />
à la maîtrise de soi-même.<br />
Et c'était un immense conflit intérieur sur l'aire de la poésie où<br />
l'homme était son propre ennemi, où l'homme se promenait et se<br />
détestait.<br />
Il n'y avait point de nuée d'éclairs qui traverse la certitude, qui<br />
courbe sa vérité comme des gazes incandescentes. Non, ce n'était point<br />
songe, ivresse de muse, mais réelle bataille dans la conscience. Grande<br />
pensée, me voici !<br />
1105
Couloirs, couloirs<br />
Couloirs, couloirs désespérés de la raison<br />
Où l'on court pour fuir sa folie<br />
Portes ouvertes, portes à défoncer<br />
Obligations, interdictions.<br />
Il y a des chambres, des bibliothèques,<br />
Des lieux de plaisirs, de prières<br />
Chaque ouverture débouche sur une mémoire<br />
De soi, d'autrui, de social.<br />
Dans la chambre poétique<br />
On ne joue plus aux cartes<br />
Mais des bijoux de femmes se pavanent sur des sofas<br />
Il y a chairs de chevelures<br />
tumultueuses et ébouriffées<br />
d'araignées blondes.<br />
À la sortie du rêve<br />
après avoir franchi la limite du front<br />
l'oeil extérieur m'éclaire<br />
me propose d'autres images<br />
De lumière, de sang, d'orage.<br />
1106
Je prends, j'exploite,<br />
j'écris entouré d'ombres<br />
il n'y a nulle chair vivante<br />
je marche là autour du bureau<br />
j'écrase les idées, je les piétine<br />
comme un raisin moyenâgeux<br />
pour en extraire du vin.<br />
Il est transfiguré, il est sacré<br />
Sa chambre se situe au centre du monde<br />
La pensée s'y nourrit avec joie<br />
L'esprit s'éveille la nuit<br />
L'esprit l'embrasse<br />
La beauté lumineuse est<br />
transparente de vérité<br />
la certitude dit : oui.<br />
Les scorpions, les rats, les barbelés,<br />
Les épines dans la chair, les piquants<br />
Les feuilles d'exorcisme, les crucifix<br />
L'architecte, l'espoir du penseur<br />
Le fils inconnu de l'église<br />
L’oint civil<br />
1107
le voyant lave ses yeux<br />
Les murs transpirent d'invisibles<br />
de morts<br />
de vice et de honte<br />
Les souffles pourris des ombres<br />
circulent dans les airs.<br />
L'intelligence veut instruire l'homme<br />
le temps est ennemi<br />
Il entrevoit, désire obtenir<br />
la gloire de n'être pas<br />
Il hait cette stupide nécessité<br />
de vivre.<br />
Aimer est Dieu<br />
comme deux amants qui se supposent<br />
qui se savent, qui se sont vu<br />
Le désir élève vers l'au-delà<br />
la raison voltige<br />
tourbillonne et s'envole<br />
L'homme subit l'esclave du mal<br />
Il ne peut s'en défaire<br />
1108
La cruauté est l'immense dominateur.<br />
Le réel n'est pas tangible<br />
Qui croirait ?<br />
Qui accepterait de croire ?<br />
Rien, nul fantôme.<br />
Tout est mensonge<br />
et fausseté,<br />
évidemment !<br />
Il y a masse de violence blanche<br />
non, ceci est imagination.<br />
1109
La pureté<br />
La pureté, fleur d'extase<br />
sanctifiée<br />
s'élève sur les tiges de cristal,<br />
éclatant cercle de diamant<br />
pensée filtrée comme feu au creuset.<br />
Je me dépouille du péché<br />
Je mue, je retire ma peau noire<br />
certitude de fautes<br />
de culpabilité.<br />
Ô ma sublime transparence<br />
auréolée de blancheur<br />
Je contemple Dieu, ma beauté<br />
Je m'exalte dans sa grandeur.<br />
Suis-je nourri de lui-même<br />
comme plénitude d'onction<br />
comme vision nocturne<br />
et superbe,<br />
suis-je ?<br />
1110
Le marcheur solitaire<br />
Je n'étais cette nuit-là qu'un esprit qui pense<br />
Aussi, la concentration était sereine<br />
Au centre de la raison<br />
Je me mis à poursuivre l'image qui fuyait<br />
Fade coureur, je chutais sur moi-même<br />
Je m'étalais toujours plus en avant.<br />
Venues d'un toit invisible, des bulles de mots<br />
Poussées par le vent<br />
Plongent soudainement dans ma pure certitude<br />
Des roses noires porteuses de pensées<br />
Les accompagnent<br />
Elles désirent convaincre ma volonté. De quoi ?<br />
Me faut-il deviner ? Je dois savoir.<br />
La chute légère d'une bulle caresse l'eau,<br />
Enivre ma raison de questions insensées.<br />
Je m'éveille au milieu de sensations douteuses<br />
Et je poursuis mon investigation<br />
Cherchant vers l'avenir.<br />
Le sentier de l'audace est là, un peu plus loin<br />
1111
Vais-je l'emprunter ?<br />
Audace ! Comme je préférerais le survoler !<br />
Je réfléchis, j'hésite, que faire ?<br />
J'entendis s'éloigner une ombre peureuse,<br />
Était-ce l'image qui fuyait ?<br />
Je décidai de m'en retourner,<br />
Je regagnais le centre de la raison<br />
pour enfin dormir.<br />
1112
Grande pensée<br />
Grande pensée, nous voici. Fraîcheur de l'esprit en éveil sur des<br />
cimes, volonté du souffle pour accéder à tous les seuils, autour du front<br />
se construit un édifice du savoir.<br />
Tout soir est rouge, rempli d'animation, la fièvre y pousse des<br />
cris. Les premières possibilités s'expriment. Non, il n'y a que quelques<br />
accidents de langage...<br />
Et c'est un hurlement de souffrances où des sonorités aigres<br />
viennent se fracasser dans l'aire resplendissante de la raison. Ô<br />
puissances sanglantes qui implosent le songe en mille trouées d'ardeur !<br />
Une seule et puissante lumière, plus vive encore par le ciel<br />
intérieur courbe sa trajectoire portée sur des ailes de gaze. La douleur<br />
rouge implore.<br />
Si haute soit la pensée, une rumeur d'exil se lève et s'amplifie,<br />
masse vaporeuse ou certitude pesée ? À l'horizon de l'homme, une<br />
volonté de gains, de progrès.<br />
Redresse-toi, accède à la pureté, poète orné de roses, ton front<br />
1113
est souverain.<br />
Dans l'illumination du soir, il cherche et poursuit, et veut<br />
accéder à la transhumance royale, sorte d'idéal impossible vers une île de<br />
perfection.<br />
La fièvre est encore en toi, la braise chaude respire sous ta hotte<br />
de claire connaissance. Va chercher l'épouse vers la cime respirant l'or<br />
des saintes paroles.<br />
1114
Messages III<br />
Grand esprit, me voici !<br />
Grand esprit, me voici ! Chemin de certitude de braises chaudes !<br />
L’intelligence ardente et la conscience extrême, vers quelle délivrance<br />
courons-nous ? La vitesse et le temps useront-ils mon estime ? Nous avons<br />
espoir dans le sublime et le superbe. La volonté divine, permettra-t-elle d’y<br />
accéder ?<br />
Grand esprit, ai-je menti ? Me voici sur le chemin inconnu.<br />
Tourbillons de feuilles légères m’accompagnant. Recherche d’une<br />
possibilité sur la hauteur. Et ce beau souffle d’ici et d’ailleurs qui nourrit<br />
l’homme, viendra-t-il ? ... Il est venu.<br />
Je vous suivrai, emporté par le soir. Chavirement de l’œil exalté<br />
dans les opales de flammes ! L’homme est porté par son immense<br />
dessein, l’homme de rigueur et d’images - parviendra-t-il à marcher dans<br />
sa nuit ? Il faut donc accéder aux divins.<br />
Ô détestable mort comme une maîtresse noire et lugubre, tu<br />
m’accompagnes constamment. Il a quatre laquais.<br />
1115
Elle pense, elle espère<br />
Elle pense, elle espère, s’élève, se foudroie, se détruit et renaît.<br />
La voilà sur la pointe des pieds, fille sautillante, légère et vagabonde. Je<br />
l’appelle Idée, - belle dans sa nudité, recouverte d’un voile.<br />
Elle pénètre l’esprit, elle va vers l’intérieur, atteint cette espèce<br />
de masse noirâtre qui bouche l’horizon. Mais elle plonge pourtant dans<br />
cet amas visqueux et glaireux là où l’intelligence refuse de s’aventurer.<br />
Parfois des jets lumineux semblent bondir de cet étonnant réservoir où le<br />
retour de l’homme paraît impossible. L’obscurité y règne. Parfois encore<br />
des souffles mugissent comme pour venir y chercher une respiration,<br />
puis ils replongent pour disparaître dans les profondeurs.<br />
Pourtant cette fille s’éloigne et atteint les premiers rocs<br />
rougeoyants. L’oeil fasciné du poète la regarde aller toujours plus loin,<br />
vers l’intérieur.<br />
1116
Pour le poème<br />
sépare.<br />
Mots, serpentins de vérités, de mensonges que je coupe, que je<br />
Mots, solutions qui s’encastrent dans un nouvel ordre pour<br />
produire une parole.<br />
s’y intéressera.<br />
Ainsi j’obtiens une phrase, je suis seul à me lire, personne ne<br />
Ils ne sont pas tombés, mais ont été organisés, pensés par la<br />
cervelle. Y a-t-il intelligence ? Qu’est-ce ?<br />
Les sons brillent, brûlent et se meurent. Ainsi se conçoit la<br />
poésie. Par elle, je suis quelque fois. Je me sens peu.<br />
Dans la pure solitude, se propose le dialogue de l’exil. Je désire<br />
associer des mots.<br />
La pensée explose. Le souffle d’avenir. La beauté lumineuse.<br />
L’Hymne flamboyant dans l’espace irréel. Le soulèvement de l’esprit.<br />
L’acclamation du corps. Les jets éclatants dans la sphère étoilée.<br />
1117
Le poème cherche un ordre nouveau. Il prévoit d’étonnantes<br />
évolutions spatiales. Il fabrique des aigles qui tournoient fluorescents.<br />
Tout doit obéir. Ceci est gage d’avenir.<br />
Ton front cherche. Ta vérité lyrique se répand dans la chambre<br />
d’infortune. Il n’y a pas de place ici pour la pleurnicherie. Travaille.<br />
Ton texte s’épanouit toutefois.<br />
Espoir futur dans le souffle invisible. Sur le fil de la certitude,<br />
le poète chante face au soleil, enivré d’espoirs et de transparence. La<br />
vague claire m’emporte : tout doit sortir de ma bouche. Elle est cavité de<br />
savoir.<br />
Enfin je m’endors, je veux fuir dans mon rêve. Le poème se<br />
meurt pour renaître, plus tard.<br />
Enfouis-toi dans ton néant !<br />
1118
Je marche<br />
Je marche sur de la matière endormie, point de formes, à peine<br />
quelque masse supposée ici ou là. J’avance pied droit, pied gauche.<br />
Alors jaillit à quatre pas de moi, une sorte de geyser vert et jaune.<br />
Étonné, je recule. Dans ce jet, apparaît une femme d’abord lumineuse et<br />
fluorescente. Lentement la couleur change et devient bleue. Cette<br />
femme, qui bizarrement correspond à mon idéal de beauté, s’étonne,<br />
s’observe et commence à se déplacer, à tenter de vivre. Là voilà à<br />
présent tourbillonnant sur elle-même, et riant de ses belles dents tout<br />
nacrées. Elle danse ou se plaît à bouger. J’observe sa plastique<br />
puisqu’elle est mienne. Sa nudité l’amuse. De temps à autre, elle me<br />
regarde et semble dire : “Voilà, je t’aime. Je suis Elle, l’as-tu compris ?<br />
Me veux-tu ? Je te dis que c’est moi.” Elle se balance, cherche<br />
l’équilibre entre le désir et la retenue. Ce n’est point une représentation<br />
audacieuse que me joue la raison, car elle est femme et existe vraiment.<br />
Du moins je veux le supposer. La raison du poète est souvent<br />
mensongère.<br />
C’est la parfaite idée que je puis avoir de ma moitié, - oui,<br />
femme perpétuelle dans la mémoire d’un songe, qui naît de<br />
l’intelligence et se met au service de la sublimation poétique. Oui, belle<br />
et vivante, pensée de l’intérieur, flamme de feu et de sang.<br />
1119
Toute composition idéale est naissance encore renouvelée.<br />
1120
L’imagination<br />
Il m’était difficile de soupçonner mon imagination capable de<br />
n’offrir quelque chose d’utile ou d’efficace. J’étais à l’entrée de mon<br />
âme et prétendais l’aptitude créatrice creuse sans possibilité d’élévation.<br />
Cela paraissait faible, relativement ridicule là devant mes yeux, sans le<br />
moindre soupçon d’image ou d’idée. Je décidai de faire demi-tour.<br />
Alors apparue l’irascible femelle, souveraine de mes misères et<br />
de mes splendeurs, femme fatale au collier noir, cruelle et dominatrice,<br />
comme suppliante et implorant je ne sais quoi. Pourtant je refusais de lui<br />
demander de se justifier.<br />
Cette frénétique salope, ce bourreau sexuel était là à quémander<br />
selon le raffinement de sa sensualité supérieure. Elle se voulait<br />
domestiquée, soumise à mes superbes connaissances et désirait mon<br />
esprit de vouloir l’instruire.<br />
Dans la mémoire d’hier, vacillaient encore des fantasmes de<br />
bulles claires, de filles-serpents, de femmes-loups. Elles étaient ligotées<br />
à ma potence de chair érectée.<br />
Alors je me suis vu grandir, bondir hors de ma raison et<br />
regagner le pur lac de mon enfance où j’ai commencé à vivre.<br />
1121
La jeunesse fusillée<br />
Nous étions en avril. La nuit gémit souvent. De violentes<br />
querelles se mêlaient à des passions de chair. Le vent soufflait brûlant.<br />
De nouvelles filles inconnues se cachaient derrière des rosiers,<br />
agenouillées ou quémandantes. J’étais loup migrateur, solitaire. La<br />
mendicité resplendissait dans ma cité faite d’ombres et de douleurs ;<br />
l’œil des violeurs tirait sur mon corps sanguinolent. J’imaginais une<br />
capacité autrement exploitée dans la rigueur de l’intelligence.<br />
Le fond du cœur suppliait. L’espoir était vain.<br />
1122
Le mépris<br />
Nul soleil dans l’intelligence. La lumière déçoit, vacille,<br />
répandant mollement quelques rais ténébreux.<br />
La fille-lune à la hanche féconde quémande un orgasme,<br />
convoite une chair que je ne puis lui offrir. J’aime son sein, mais<br />
seulement deux ou trois heures.<br />
Elle me voit composer avec du bleu, avec du feu intérieur, et se<br />
rit de mes recherches.<br />
1123
Répétition<br />
Tu me redis, génie<br />
Ce que je sais déjà,<br />
Génie, exalté, immortel<br />
De pensers purs, d’élan, d’espoirs<br />
Tu es ma référence<br />
Et mon admiration.<br />
Constamment près de toi,<br />
Je suis à apprendre<br />
Tu es mon instructeur,<br />
Je suis ton apprenti<br />
Le livre que nous faisons<br />
Dans la nuit exaltée<br />
Se conçoit aisément<br />
Par ta sève enivrante<br />
Résidons en nous-mêmes,<br />
La boule d’énergie<br />
Saura nous éclairer<br />
1124
J’exploite tes ressources<br />
J’obéis à tes ordres<br />
Je suis le nourrissant<br />
Et tu es l’instructeur<br />
Cherchons-nous autrement<br />
Pour aller au meilleur ?<br />
La clarté nous dirige<br />
Par ta torche superbe<br />
Sous mes doigts animés<br />
1125
Le jour se pense<br />
Le jour se pense<br />
Dans le ciel constellé<br />
La lumière éclaire la voie<br />
Le jour se pense<br />
Ouvrir l’esprit, illuminer la raison<br />
Des graines de certitude<br />
s’éveillent ça et là<br />
Le jour espère<br />
Les brouillards s’élèvent lentement<br />
L’homme observe, tourne sur soi-même,<br />
regarde alentour<br />
Il cherche ses yeux, pour voir<br />
pour se voir<br />
pour comprendre<br />
Des idées tout à coup sonnent<br />
la porte de sa chaumière<br />
vague appel ou possibilité sereine ?<br />
Une gerbe d’espoirs contre la nébuleuse<br />
invisible, impalpable,<br />
1126
de sons, d’images, d’avenirs<br />
Alors tu deviens poète<br />
tu marches sur tes pieds,<br />
Tu avances péniblement<br />
ta chevelure s’envole<br />
soufflée de rêves étranges<br />
Il y a blancheur de folie, d’extase<br />
de tentations audacieuses<br />
Tu palpes des idées intérieures<br />
avec le désir de pouvoir comprendre<br />
Tu produis en tâtonnant<br />
en suivant la marche de ton langage<br />
La substance de vie glisse entre tes doigts<br />
Les mots s’entrelacent<br />
c’est encore le matin,<br />
te souviens-tu de ton espoir<br />
La lumière est laiteuse,<br />
elle vient caresser ta chair<br />
elle quémande un orgasme<br />
1127
Le jour se pense dans ta bouche<br />
Il commence à parler<br />
écoute-le.<br />
1128
Le vent rouge<br />
Le vent rouge s’élève<br />
d’un coup de flamme<br />
Avalanches, tourbillons des lianes invisibles<br />
il est emporté<br />
le stratège de la nuit<br />
flanqué de sa lumière intérieure<br />
Le vent rouge est fumant<br />
il s’est écrasé<br />
dans la suie du ridicule<br />
le poète aux bras arrachés<br />
incapable de voler.<br />
1129
Messages IV<br />
Quelle trouée d’azur<br />
Quelle trouée d’azur<br />
s’est déchirée pour atteindre la foudre<br />
quand ma chair hurlante<br />
implorait la mort<br />
de ses cris sanglants ?<br />
1130
Nourriture messianique<br />
s’impose en absolue vérité<br />
Autour de ma pensée<br />
la certitude tourne<br />
Ce souffle que je respire<br />
se compose de particules électrifiées, vraies<br />
comme une pluie de uns et de zéros<br />
Je me nourris, je m’enrichis<br />
j’avale le pain invisible<br />
composé de corpuscules<br />
lumineux et phosphorescents<br />
J’aspire au miracle divin<br />
dans la prison de verre où je vis<br />
Mon cri atteindra-t-il la voûte circulaire ?<br />
vivrai-je éloigné de la mort violente ?<br />
Je mesure ma faiblesse<br />
ma médiocrité<br />
le ridicule de mon travail<br />
1131
Je voudrais déchirer cette honte<br />
que je porte<br />
accéder à quelque chose élevé<br />
le puis-je ?<br />
s’impose en absolue vérité<br />
Autour de ma pensée<br />
la certitude tourne<br />
1132
Le sel<br />
Cercles constants<br />
où flotte ma pensée<br />
Anneaux en fuite vers l’infini<br />
ceintures de lumières dénouées<br />
la substance claire s’élève doucement<br />
Le pied se pose sur le rebord du cristal<br />
au coeur de la certitude obscure<br />
se découvre une jetée d’angoisse<br />
teintée d’arôme amer<br />
les lèvres amoureuses<br />
appellent le Sel de l’Esprit<br />
1133
Sel<br />
Sel<br />
face à la pureté du Père<br />
Il vient, admet et repart<br />
là-haut, remonte<br />
dans la perfection circulaire<br />
lumineuse<br />
J’aspire au baiser soufflant sur or purifié<br />
beauté de grandeur claire<br />
dans la certitude extrême<br />
tachant de comprendre l’inexprimable<br />
l’indéchiffré<br />
je cherche exalté par la vision<br />
1134
Le peintre<br />
Le soleil dort sur mon épaule<br />
là-bas, des feuilles agitent<br />
des sortes de doigts,<br />
spatules marron et clair<br />
Tout semble tournoyer<br />
pour un automne gracieux<br />
Des flux d’air en cascades<br />
accrochent la lumière,<br />
semblent bondir<br />
puis s’enlacent autour des troncs<br />
Le poids de l’air s’écrase sur les rais crayeux<br />
l’épais soleil finit sa course<br />
or rouge et fatigué<br />
Le temps désire retenir sa fuite<br />
Certaines filles dans le jardin public<br />
s’envolent, robes trouées<br />
avec des sexes roux<br />
1135
L’espace vide est une bulle qui fuit<br />
Le jardin semble gras de personnes<br />
J’écrase devant mes yeux<br />
des couleurs rouges et ocre<br />
parmi ces constances dérivées de verts<br />
1136
Interrogation<br />
Je m’allonge sur mon lit et tache de comprendre. Jusqu’où puisje<br />
aller ? Quelles sont mes limites ? Mes yeux scrutent l’intérieur et<br />
tentent de toucher quelque certitude au milieu d’objets morts ou de<br />
poèmes jaunis. Je ne possède aucune pesanteur et je sillonne les zones<br />
d’ombres, les fontaines lumineuses, les façades phosphorescentes. Je<br />
suis le poète immobile, et défilent des femmes, des spectres immortels,<br />
des Dieux sublimes. Pourquoi ?<br />
Je reste allongé. La nuit succède à la nuit. J’étais mort. À<br />
présent je suis vivant. Nulle question n’a été élucidée.<br />
1137
Commencement<br />
Je n'étais qu’un froid glacial, qu’une honte repliée sur soimême,<br />
conscient de sa médiocrité et de son inutilité - tels furent mes<br />
débuts.<br />
Aujourd’hui, je prends des Dieux, j’exploite le feu des poètes -<br />
je souffle sur des cendres, les yeux tournés vers les Parfaits.<br />
1138
Le doute<br />
Je saute d’une pensée à l’autre prétendant mal exploiter ma<br />
capacité intellectuelle, me jugeant apte à obtenir un résultat supérieur.<br />
J’insiste encore, avec conviction, avec certitude. Ma potentialité<br />
est bien vivante, palpable, sereine et violente, excitée et balancée -<br />
j’attends.<br />
Le mot en pleine gueule change de sens, il se vrille, s’entortille,<br />
se combine. Il est opération chimique, instant de transformation,<br />
d’adaptation. Que dit-il associé autrement ? Il est mélange de couleurs<br />
sur la palette du poète. Il perd de son intensité, s’adoucit, au contraire se<br />
fortifie parfois.<br />
L’énergie du cerveau impose à produire - il achète l’or du<br />
soleil, l’échange contre de la lumière - il se jette dans l’ombre et habille<br />
des fantômes - il couche la lune dans le silence de l’aurore.<br />
La tête capte l’image fascinante,<br />
veut l’offrir à la plume servile et obéissante,<br />
toujours déçue, cherchant encore<br />
Elle agit, écrit<br />
prétendant savoir s’y prendre<br />
1139
pour obtenir un meilleur produit<br />
La tête refuse cette feuille<br />
et se projette vers l’avenir<br />
vers le poème nouveau<br />
de la prochaine heure<br />
de la prochaine journée<br />
vers demain<br />
1140
Désirs<br />
Être sans être<br />
dans la parfaite plénitude du Moi<br />
avec stabilité de sagesse<br />
avec beauté intérieure de savoir<br />
avec maîtrise du langage<br />
entouré de Néant<br />
mais nourris de mots<br />
de structures vraies<br />
édifié dans sa demeure<br />
Habiter le sanctuaire d’un Dieu<br />
pour l’habiller d’images pures<br />
pour sanctifier son discours<br />
pour sa conscience et sa mémoire<br />
et produire de la symétrie lumineuse<br />
enfin se donner le pouvoir<br />
et agir sur soi, sur l’homme,<br />
le visible, l’invisible,<br />
la matière<br />
1141
Je sais mille espoirs<br />
Je sais mille espoirs et le mien seul c’est moi sur une table<br />
encombrée de livres<br />
main nerveuse écrivant pensée pénétrante imprégnée dans la feuille<br />
soudain explose en braises de mots chauds<br />
dictant à mon<br />
corps<br />
par le pouvoir de l’œil<br />
J’ai plongé dans mille encres d’écriture<br />
bu des<br />
hectolitres d’eau claire<br />
condamnant ma jeunesse au supplice poétique bourrés d’étamines<br />
observant mes vieilles fleurs séchées qui constellèrent ma tête<br />
Oui, il est un avenir<br />
la passion, la force, l’énergie y cohabitent<br />
dans un monde d’indifférence<br />
oui<br />
je l’ai bien su<br />
j’espère encore<br />
Être vivant en tout temps<br />
avec sa vérité,<br />
1142
Habillé, délaissant...<br />
Habillé délaissant allégé de juillet<br />
dans l’éclair mais les bruits sourds<br />
des filles exquises de rien de beauté<br />
J ’écoutais l’hymne bizarre écla<br />
té la douceur de la chair lubidu<br />
neux vent d’azur rare<br />
Le désir conduit à cet orgasme<br />
De miel sirupeux d’odeurs aigres<br />
Lit des ouvertures de feu et de gémissements<br />
Ton désir éclatait sous le dôme<br />
de l’orage jaillir<br />
1143
Petite vie<br />
Petite vie insignifiante<br />
petite médiocrité de poète<br />
inconnu petit bel espoir qui me flatte œuvre, œuvre, et<br />
recherches encore toujours<br />
Malheur sur malheur et résistance à la réussite, au crédit<br />
autrui, autrui mais il n’y a que moi que m’importe, s’il<br />
me reste Dieu ! Dieu, ma beauté ! mes Dieux, mes<br />
merveilles !<br />
fortune<br />
Sans ou avec du vin<br />
légèrement ivre, à la recherche de la<br />
regardant le passé de jeunesse, orienté vers l’avenir<br />
Le presque rien, l’inconnu incapable de produire du hasard<br />
de chance la perte, perte des mots de bouts de phrase de<br />
rien , vraiment petite vie<br />
1144
Éclats sonores !<br />
Éclats sonores ! Fragments col lages ,!<br />
Que du Cerveau cerclé d’esprit œil d’intérieur<br />
me viennent ces nouveautés d’écri tures<br />
Espérant le Sel clair le même<br />
Le beau la substance dans ma bouche<br />
Pour l’avenir de ma pensée oui, ma demeure<br />
Je respire la brise d’élé va t<br />
i on, en poussant les signes libé rés<br />
Vers l’avenir<br />
Tout est permis pourtant je hais ces é<br />
Ces risques bri<br />
sés de futur<br />
cl ats<br />
1145
Dialogue Poétique<br />
I<br />
La nuit est passée<br />
Par où ?<br />
Elle repassera<br />
Tu es resté dans l’ombre<br />
À espérer encore<br />
Les Immortels sont venus<br />
Et je sais le pourquoi<br />
Je supplie au-dedans<br />
Je suis seul à m’entendre<br />
La blancheur s’agrippe au visage<br />
L’ombre vieillit. Quel est mon avenir ?<br />
Qu’attendre du passé ?<br />
Je me nourris d’hier<br />
Qui est mensonge ? L’autre est un frère,<br />
1146
Le même, sosie, étrange<br />
Dans ce silence clair,<br />
La chair plonge dans le vide<br />
L’oeil cherche à comprendre<br />
Le son cristallin<br />
S’habille de lumière<br />
Et désire son soleil<br />
II<br />
Tout ce néant d’extase<br />
Par ce trou rectal<br />
Je reste encore dedans<br />
L’éblouissement intérieur<br />
Tu pénètres dans ta chair<br />
La fable et le poème<br />
Le stupide et l’impensable<br />
Se côtoient vivent<br />
Et se reproduisent<br />
1147
Tu composes dans ma tête<br />
Et me promets un futur,<br />
... De rien, certainement<br />
Mon ombre construit<br />
Avec du délétère<br />
La feuille purifiée,<br />
Salie par la vomissure<br />
De l’artiste<br />
Rêveuse, crasseuse<br />
Tu produis dans les épines,<br />
Est-ce Christ ?<br />
La critique est médiocre<br />
Je suis dans l’infortune<br />
Le Moi est splendide<br />
Incompris, inconnu<br />
La nourriture de l’intelligence<br />
La transformation<br />
Les déchets<br />
1148
III<br />
L’encre de l’égérie<br />
L’indifférence<br />
Les perceptions inconnues<br />
Le triomphe de l’au-delà<br />
1149
Verse-sang<br />
Verse-sang encore toi pur et saint<br />
Aspirant quelque air divin<br />
Toi rimailleur par Roubaud est-ce spacialisme ?<br />
non<br />
sur cette page la mort écoute<br />
couverte de blancs<br />
main plate collée à la feuille<br />
à salir<br />
front huileux, exalté d’espérances<br />
avec ces piqûres, ces aiguilles de maudit<br />
dans la chair<br />
Jamais nuit n’est sereine<br />
au réveil, il est toujours midi<br />
mais le matin n’existe pas<br />
Je secoue le coq à cinq heures<br />
je l’appelle Jérémie - il veille, il guette,<br />
il a l’intelligence<br />
Jardin, quiétude, voisins, rien, donc quiétude<br />
1150
Musique, écrans, piles de livres et piles<br />
femmes ? Peu : Quelques-unes une puis<br />
deux - une<br />
La petite a des cheveux jaunes<br />
Verse-sang es-tu pur, es-tu saint ?<br />
1151
Tu es mort<br />
Tu es mort dans la mort et mort encore<br />
Le mal moisit tes jours, le mal ronge ta vie,<br />
Se nourrit de ton énergie, prend, prend<br />
Comme la sangsue<br />
Ton triomphe n’est pas illusoire,<br />
Il est du dedans, pour l’intérieur<br />
Toi, tu vas à la fête de ta mémoire<br />
Certifiant ta réussite<br />
Tu renonces à crédibiliser ce langage<br />
Les Dieux pourtant l’ont reconnu<br />
Au fond est le bilan splendide, ignoré, tant pis !<br />
Est-ce ta raison de vivre ?<br />
Faut aller dans la fosse, s’endormir tout au fond,<br />
C’est là qu’on dure, n’est-ce pas ? Allez z’ou !<br />
1152
Fragment de ciel<br />
I<br />
nerveusement.<br />
Ce fragment de ciel,<br />
la poésie s’éteint<br />
Là-bas, il y a la source nourrie de lumière.<br />
Encore des vérités d’écriture, de formes inconnues, anonymes,<br />
de jeunesse, de vieillesse, - à oublier, qui s’en iront mourir - (C’était à<br />
prévoir)<br />
Vêtues de leur mieux, incomprises pourtant.<br />
Mauvaise étoile, sale lune, blafarde et inutile. Rien ne scintille,<br />
rien ne brille, tout semble mort.<br />
1153
II<br />
Sous ce fragment de ciel, est suspendue une fille<br />
accrochée par ces mamelles<br />
éclatantes de douleurs<br />
la marée baveuse, laiteuse remonte vers elle irrésistiblement.<br />
analytique]<br />
[Je sais<br />
ainsi je poursuis<br />
étrange composition sans symbolique<br />
C’était donc le monde, le mien<br />
refusé<br />
monde unitaire où je courais, marchais, dormais (etc.)<br />
construisant avec des accidents de langage,<br />
des débris éclatants sans génie, sans lumière,<br />
travail de rien - disaient-ils, disaient-ils<br />
et s’ils avaient raison ?<br />
Je me jette, j’insiste, j’espère<br />
de nouveaux espaces de liberté<br />
Je déverse ma rage accumulant, accumulant encore<br />
Pour qui ?<br />
1154
III<br />
grêlons spectrale<br />
Sur ce fragment de ciel, l’agression noire<br />
le poème râle, lutte pour survivre,<br />
pluie de<br />
« je ne veux point mourir - je dois survivre<br />
Bien sûr qu’ils existent - Vous ne les voyez pas ?<br />
Vous ne les voyez pas ? N’ai-je pas lutté pour produire, moi ? »<br />
IV<br />
Une nouvelle vague<br />
clous, de couteaux etc.<br />
auréolée de plumes constellée de<br />
Me voici tout à coup avec mes quatre laquais qui rôdent et<br />
agressent<br />
dans des vêtements invisibles<br />
rempli d’aigreurs et de haine<br />
ainsi ça recommence<br />
1155
et ce lieu parfait pour ma solitude<br />
quelle solitude ? entourée d’ombres, d’invisibles à occire je<br />
reprends le mouvement à produire<br />
redescendue<br />
Oui, ici, encore, avec toute l’innocence d’une créature<br />
La chair est bafouée ? La chair ? Mais je le sais !<br />
pour qui ?)<br />
Ce n’est que du sang blanc, qu’ignorance ne voit (confession,<br />
Je poursuis : encore seul, avec mes Dieux<br />
sur ma terre déchirante, ceint d’ombres<br />
pour finir rampant, vieux vers détesté<br />
je m’enfonce dans le rien<br />
1156
V<br />
Tu le sais, toi qui pénètres dans le vent dépouillé de toute<br />
espérance<br />
sans lecture d’un littéraire<br />
nulle compréhension<br />
bravant le suicide, - et pour cause !<br />
accoupler ?<br />
Est-ce récitatif que ces morceaux de formes à coller, à<br />
Encore, j’écris :<br />
hommes, saint et oint, mais qui le croirait ?<br />
je fus donc prophète, inconnu, irréel aux<br />
J’existe et ma solitude est sublime<br />
mon avenir est désespérant<br />
Il y a encore ce fragment de ciel<br />
1157
VI<br />
- a-t-elle raison ?<br />
L’âme est ignorée : elle triomphe dans sa défaite elle se glorifie<br />
*<br />
1158
Il déplace le présent<br />
Le voici parlant<br />
Dictant du futur<br />
Sa bouche est divine<br />
Il porte la ceinture<br />
L’œil est pénétrant<br />
Il s’adresse à l’invisible<br />
Il se figure de l’espace<br />
Cherchant la vérité<br />
Le cœur épuré<br />
La chair passée au creuset<br />
Ses habits de clarté<br />
Et l’histoire de son peuple<br />
Qu’il pousse vers l’avenir<br />
Lui indiquant la Loi<br />
1159
Insignifiant fut le triangle<br />
Constellé de sperme<br />
Auréolé de poils et de senteurs<br />
Une histoire lamentable<br />
Qui cherchait en ce lieu<br />
Un passage éblouissant<br />
Des hurlements fabriqués<br />
Pour déchirer l’azur<br />
Dans l’impensable chair<br />
Celles qui s’agenouillaient<br />
Quémandant l’orgasme<br />
Gémissaient sous le fouet<br />
Et là dans ma hauteur<br />
De dominant pervers<br />
J’inventais un théâtre<br />
1160
Chaque pensée<br />
Engendre une pensée<br />
Miroir et tombeau<br />
Tant de feux inutiles<br />
Dans l’avenir interrompu<br />
Nourris de leur passé<br />
Chaque image<br />
Engendre une image<br />
Création et chair<br />
Un poète concevant<br />
N’étant que cela<br />
Que mort future<br />
Construit en délétère<br />
Pour le secret du rien<br />
Éblouissant et inconnu<br />
1161
Je m’élance, j’accomplis une distance<br />
Je mesure le résultat obtenu<br />
L’énergie de vie est enfermée<br />
Dans une sphère qui détermine la limite<br />
Je puis aisément atteindre son centre<br />
Mes yeux se cognent aux parois invisibles<br />
L’au-delà est aveugle<br />
Et tâtonne en reculant<br />
Ma tête est constellée d’incertitude<br />
Où est l’outil pour arpenter ?<br />
1162
Entre le je suis<br />
Et le je serai<br />
Le poète pense<br />
C’est l’espoir<br />
La certitude<br />
C’est l’avenir<br />
J’ouvre ton œuvre<br />
Pour y voir<br />
Un futur<br />
Mais le temps s’effondre<br />
Il s’écroule sur toi<br />
La nuit tu espères<br />
Tu prétends être<br />
Pour t’en retourner<br />
Dans l’insignifiance du jour<br />
1163
Le passé est le déterminant<br />
L’origine, le point de départ<br />
Qui a été et n’est plus<br />
J’habite la bulle du présent<br />
Sombre et noirâtre<br />
Replié et caché<br />
J’y invente le clair, sa lumière<br />
Je prétends me projeter<br />
Vers un avenir<br />
Toi, tu diras : en ce temps<br />
Tu étais et ne savais<br />
Mais le passé a fui<br />
Nul souvenir fugace<br />
Ne comble les instants<br />
Que j’essaie de capter<br />
1164
Messages V<br />
Retourne d’où tu t’en viens.<br />
Jamais<br />
quand bien même<br />
des possibilités extrêmes<br />
infaillibles<br />
réelles dans le futur<br />
certifiées par un Dieu<br />
Jamais<br />
Moi, Moi, désespéré<br />
trahi, haï<br />
combinant, cherchant, certifiant<br />
Jamais nourri par des génies<br />
le leur<br />
produisant avec désespoir<br />
avec moult moyens<br />
J’avance poussé par le Mal<br />
redressant mon envol<br />
1165
ondissant, hors et jaillissant<br />
Moi, oui,<br />
très à l’intérieur de l’écume,<br />
soulèvement, enfoui dans la profondeur d’un cauchemar<br />
boiteux, à la Poe,<br />
Néant, béant d’une chambre maudite<br />
refusant l’adaptation à l’autre, aux autres<br />
à autrui,<br />
Perché et maître reconnaissant le Nombre<br />
le même,<br />
limité dans son extrême<br />
à un double six de syllabes<br />
ou de pieds<br />
en maniaque, métromaniaque<br />
J’hésite, je veux et ne peux pas<br />
poursuivre l’essai<br />
dans ces calculs nouveaux<br />
je combine encore<br />
1166
dans le triomphe de ma tempête<br />
J’espère être pour l’Esprit mien<br />
fabriquant le secret<br />
inconnu à l’homme<br />
emporte, emporte-moi nef<br />
bouillonnant d’une splendide tête<br />
pour des contrées nouvelles<br />
J’intègre la probabilité nulle<br />
de gains, de crédit, d’avenir terrestre<br />
Nourri de démons ridicules<br />
désireux de les chasser<br />
La mer ! La mer !<br />
rejetant la femme<br />
fantôme d’espoir, passé<br />
illusion d’orgasme<br />
hantée de blondeur née<br />
de chair bleu turquoise<br />
1167
Oui, solitaire et tel<br />
prince amer de l’exil<br />
dans l’éblouissement pléthorique<br />
frère du dérisoire<br />
J’avance<br />
possédé par l’oeil fatidique<br />
Poète expiatoire du ciel<br />
de la seigneuriale divinité<br />
bouc innocent et incompris,<br />
Lucide mais feignant<br />
gonflé de certitude et<br />
allant en soi-même,<br />
Moi<br />
Avec conscience, sans vertige<br />
par temps de souffrance<br />
sur mon rock<br />
cherchant la production immense<br />
Existera-t-il<br />
autrement que poète virtuel et céleste<br />
1168
commencera-t-il<br />
constamment nié<br />
Du moins Il s’illumine<br />
Maudit, maudit<br />
par cent aiguilles dans la chair<br />
portant la honte et le ridicule<br />
de la vaine profession<br />
Ce serait...<br />
mais Christ choit<br />
dans l’écume sinistre de l’insignifiant<br />
se souvenant pourtant<br />
de quelque rare baume émané<br />
par la Force<br />
Il travaille sans délire<br />
pour remplir son gouffre<br />
Je dis : Rien n’aura lieu<br />
mais élévation d’absence toutefois<br />
1169
fondée non sur l’espoir<br />
L’acte est plein de certitudes... est-ce ?<br />
Je réponds : oui<br />
sans perfection réelle,<br />
nourri d’absence<br />
excepté pour l’au-delà peut-être<br />
hors d’intérêt<br />
pour toute vérité humaine<br />
mais cherchant encore<br />
construisant avec moi-même<br />
Pour Orion, éloigné, si proche des Pléiades<br />
de feux, d’apprentissage, que sais-je<br />
donc<br />
Une constellation de livres<br />
née pour s’en retourner dans l’espace<br />
inconnu<br />
pour accéder à cette pierre de faîte<br />
rejetée de tous<br />
1170
La divine parole était un coup de dé<br />
1171
La mémoire aime l’oubli<br />
Le souvenir fuit<br />
Là-bas dans l’ombre<br />
La pensée est brisures de cercles<br />
De moins en moins parfaits<br />
Qui s’évadent vers l’infini perdu<br />
De dérive en dérive<br />
La nuit couvre le jour<br />
Carnassière et dévastatrice<br />
La tête est lourde de songes<br />
Le sommeil s’épanouit<br />
Éblouissant en longs soupirs<br />
1172
La femme insecte<br />
Je sortis de mon cauchemar, couvert de sueurs glacées,<br />
j’allumais rapidement la lampe de chevet et vis, face à moi, à quelques<br />
mètres du lit cette étonnante fille cruelle avec des ailes de papillon qui<br />
m’observait dans une fixité étrange. Les ailes commençaient à tournoyer<br />
dans une sorte de ballet bizarre, difficile à décrire. La lumière<br />
jaunissante de la pièce éclairait çà et là dans un jeu d’ombre la femmeinsecte<br />
venue pour me faire jouir ou souffrir. Je bondis hors du lit, nu, en<br />
érection et m’approchais d’elle. Ma respiration était saccadée, j’étais<br />
pantelant, frémissant et angoissé, mais attiré irrésistiblement par cette<br />
curieuse femelle. De son regard métal, elle m’obligea à m’agenouiller.<br />
J’obéis lentement et plongeais mon visage contre son buisson noir et<br />
brillant. Je buvais crispé l’odeur acide et molle de ses lubrifications<br />
vaginales. Je passais ma langue avec dextérité dans la fente humide de<br />
son sexe et me concentrais pleinement sur son petit bouton rose gonflé<br />
de sang.<br />
D’une voix légère et claire, elle me demande :<br />
- Où avez-vous appris à faire ça ?<br />
- Constamment je le fais. C’est une manière de rendre<br />
hommage au lieu qui m’a vu naître...<br />
Puis je me relevais. Avec délicatesse, je lui fis faire un demi-<br />
1173
tour sur elle-même, et je pus admirer l’étrange conception de sa chair<br />
féminine. Au-dessus du fessier, à la hauteur du creux des reins, l’on<br />
pouvait observer une touffe épaisse de poils. J’écartais délicatement<br />
cette zone unique, et vis un deuxième sexe comportant une autre fente,<br />
des lèvres plus larges et au milieu des lèvres, un sexe d’enfant de quatre<br />
à cinq centimètres de long, en position repos. Il s’agissait du second<br />
clitoris, volumineux cette fois et totalement adapté à la langue et aux<br />
muqueuses internes de l’homme. Je m’efforçais de lui faire une sorte de<br />
fellation délicate et subtile, lapant doucement cette zone sensible. Ses<br />
ailes se mirent à frémir et je l’entendis de sa voix cristalline gémir avec<br />
plaisir.<br />
- Oui, encore, bien lentement. Oui, oui, que j’aime ! ...<br />
Cette délicate caresse dura pendant un long moment, puis la<br />
sachant sur le point de jouir, je décidais de pénétrer cette touffe noire<br />
chargée de muqueuses et d’odeurs vaginales. Mon sexe toujours en<br />
érection se glissa aisément dans cette ouverture secrète. Le pénis y était<br />
emprisonné comme dans une cachette sûre et délicieuse. Je sentis<br />
monter en moi la sève de l’orgasme, je décidais de l’accompagner en<br />
saccadant de manière plus forte le coulissement intime, je poussais des<br />
petits soupirs qui se mêlaient à des grognements légers. Ne pouvant plus<br />
me retenir, je laissais exploser mon pénis dans sa chair en feu et donnais<br />
de violentes saccades de sperme dans le bas de ses reins.<br />
1174
L’éblouissement était total, et je perdis connaissance sous l’effet de la<br />
jouissance dévastatrice. Quand j’ouvris les yeux, la femme-insecte avait<br />
disparu. Je regagnai mon lit pour m’y réveiller quelques heures plus<br />
tard.<br />
1175
Monde fuyant<br />
Monde fuyant vers un autre monde<br />
pourquoi ?<br />
monde virtuel de mensonges<br />
d’applications d’imaginaires<br />
de définitions ludiques, instructives<br />
et mon calcul devient complexe<br />
Monde infini face à moi<br />
de demain<br />
de mon fils<br />
de ses fils<br />
se connectant, mon beau futur<br />
je dis : oui, et j’espère<br />
D’avenir, de demain<br />
fabriquant d’autres mondes etc.<br />
1176
Autre monde<br />
I<br />
qui va d’hier à demain<br />
Le temps accompagne la ligne vraie<br />
le temps s’incruste sur la ligne<br />
ou encore j’associe l’espace du temps<br />
mais je conserve mon principe bi-dimensionnel d’écrivain-<br />
je travaille avec mon instrument<br />
j’avance donc sur une droite que je noircis<br />
papier<br />
Chaque monde est inclus dans un monde où le temps varie, le<br />
monde est donc un ensemble d’espaces pénétrant les uns dans les autres<br />
Le monde passé n’est plus, ne se répétera jamais mais<br />
Demain est déjà connu par la Force-Dieu<br />
Hier pourrait-il revenir ? Hier ne sera plus. Ce qui a été est<br />
mort, et s’en retourne au Néant<br />
Néant d’espoir, d’ailleurs, de là-bas peut-être... certainement.<br />
1177
II<br />
Il y a la distance à franchir, le passage par la porte étroite puis<br />
la révélation<br />
et c’est l’incertitude, l’ignorance totale<br />
car nul homme n’a vu et n’est vivant<br />
Alors ? Quel but ? Quelle finalité ?<br />
Demain, je devrai m’admettre avec ce que je suis, de vol,<br />
d’injustice, d’ignominie,<br />
de cruauté, de bêtise, de lâcheté<br />
vérité suffisante de honte, de réalité,<br />
finie<br />
1178
Non pas un monde, mais des mondes<br />
Non pas un monde, mais des mondes<br />
inclus, s’ignorant dans des espaces<br />
où le temps varie<br />
où le temps décide de l’existence<br />
avec un catalyseur<br />
un instrument de passage<br />
de convertibilité<br />
pourtant incapables de communiquer les uns les autres,<br />
interdits d’accéder à du franchissable<br />
mourir<br />
Là-bas, j’étais mort<br />
Passer d’un monde à l’autre<br />
je suis redevenu vivant<br />
c’est<br />
Là-bas, c’est la connaissance du futur<br />
donc un autre monde<br />
Là-bas, je serai<br />
ici, je n’existe pas<br />
Être ici est impossible<br />
1179
mourir ce n’est pas être<br />
mais c’est s’en retourner à son néant<br />
Je sais ma survie<br />
Je ne recherchai ni consolation<br />
ni espoir d’avenir pourtant<br />
1180
Un autre monde<br />
Un autre monde, certainement<br />
où l’oeil est perçant<br />
avec des perceptions plus pures, plus vraies<br />
Un monde parfait d’avenir, de passé,<br />
de conscience exacte<br />
de certitude<br />
Un monde supérieur, éternel<br />
régénéré<br />
nourri de sa propre substance<br />
où le temps est aboli,<br />
ou intégré, du moins compris<br />
Voilà pour l’hypothèse<br />
est-ce possible ?<br />
Monde pensé par des Verbes<br />
d’éblouissements internes<br />
Je dis : est-ce possible ?<br />
1181
Rappel<br />
C’est donc une déformation de l’espace-temps<br />
Une déformation qui induit une déviation<br />
des rayons lumineux,<br />
qui modifie la position apparente<br />
des objets célestes<br />
Quand je crois voir l’étoile en E,<br />
en vérité elle est en E’.<br />
La déviation des rayons lumineux<br />
par la présence de ces masses<br />
est un outil remarquable<br />
pour détecter la présence de ces masses<br />
mêmes invisibles.<br />
Quatre-vingt-dix, quatre-vingt-dix-neuf pour cent<br />
De la matière de l’Univers est invisible<br />
Pourquoi ?<br />
Car la dynamique des étoiles, des galaxies,<br />
Donc sur la loi de la gravitation<br />
conduit à des valeurs de 10 à 100 fois supérieures<br />
A la quantité de matières visibles<br />
1182
(étoile, gaz, poussières ...).<br />
On y voit l’indice qu’une grande part<br />
De la matière est sombre<br />
(La matière « noire »)<br />
Puis-je y intégrer la vérité<br />
D’un autre espace inclus dans cet espace,<br />
Le nôtre,<br />
Où l’esprit y est maître,<br />
Où la pensée domine,<br />
Où l’avenir nous attend ?<br />
L’homme de science spéculera-t-il<br />
Sur la vie après la vie ?<br />
Sur la possibilité d’un Dieu créateur ?<br />
1183
Sous le crâne prétends-tu<br />
Et dans l’ovale de ma bouche<br />
Avec la main au calame<br />
L’oeil dicte sa pensée<br />
Il veut, veut, veut<br />
Pour construire<br />
La jetée dans l’esprit<br />
Le souffle combinatoire<br />
J’exploite un risque<br />
Des traces refusées par autrui<br />
Sur le papier<br />
C’est l’âne de l’instant<br />
Dans ton avenir déjà<br />
L’espoir d’obtenir<br />
Un produit meilleur<br />
1184
Un élan de vie<br />
L’origine s’écoule<br />
Avec du sperme<br />
De toi à moi<br />
Un seul lien<br />
Puis la séparation<br />
L’érection molle<br />
Annihile tout espoir<br />
D’un futur<br />
Je reste avec le Seul<br />
La circulation du sang<br />
M’irrigue en autarcie<br />
Je porte mon squelette<br />
Je vais de moi à lui<br />
Et l’esprit s’irradie<br />
1185
Le temps compte<br />
Maintenant et toujours<br />
Le temps amasse derrière soi<br />
Le présent n’existe pas<br />
L’élan pousse vers le futur<br />
En exploitant un passé<br />
L’onde de choc en cercles<br />
Concentriques, évasifs<br />
D’appels vers le futur<br />
D’oublis vers le passé<br />
En pointillés imperceptibles<br />
De lointain de là-bas<br />
L’onde de choc<br />
Le matin pour l’un<br />
Le soir pour l’autre<br />
La constance d’éternité pour Dieu<br />
1186
La pensée vieillit<br />
D’intelligence en intelligence<br />
D’esprit nouveau en certitude d’avenir<br />
De génération en génération<br />
Tu espérais obtenir plus,<br />
Mieux, autrement<br />
Tu espérais<br />
À présent, c’est la fin.<br />
As-tu compris que l’ennemi<br />
Était le temps ?<br />
L’appétit d’écrire<br />
Amuse les Dieux<br />
Aller de la vie à la mort<br />
De la mort à la mort<br />
Pour finir ce que jamais<br />
L’on aurait dû commencer<br />
Être rien, infiniment,<br />
Éternellement rien<br />
1187
Qu’est-ce que la vérité<br />
Quand tout est changeable,<br />
Quand rien n’est fixé ?<br />
1188
Il y a un non-vouloir, qui engendre de la stérilité. Le<br />
mouvement se meurt et l’élan disparaît. L’on va de peu à peu, et de peu<br />
à rien.<br />
Comme un sexe qui débande, une femme qui se courbe, des<br />
cheveux qui blanchissent, se détruit, s’éteint, l’inspiré qui n’intéresse<br />
personne.<br />
Le ciel, lui constamment se souvient, intégrant autrement le<br />
temps dans le trajet de l’existence éternelle ou du moins infinie. La<br />
mémoire des heures, elle, oublie.<br />
La trace des grands par l’utilité ou le scandale, par la naissance,<br />
chacun peut s’en souvenir.<br />
Puis l’oiseau lance sa trace directionnelle vers l’Azur, l’avenir,<br />
le futur. Nul ne s’en soucie prétendant que tout cela est image poétique.<br />
Pourtant l’oiseau indique le chemin de l’au-delà, indique la direction à<br />
suivre.<br />
Il s’agit donc d’attendre l’avenir, et de s’y préparer, de<br />
construire sa personnalité pour ce futur. Alors survient ce qui doit<br />
arriver.<br />
1189
Toute mort appelle une autre vie. A la croisée de l’existence<br />
l’un fuit, l’autre s’en vient. Dans l’espace, se joue donc un principe<br />
réciproque en sens inversé.<br />
Je plonge dans le Livre pour y chercher la vérité. Je m’épuise à<br />
comprendre et ne sais jamais rien. Je veux découvrir ce que personne n’a<br />
pu encore entrevoir.<br />
1190
Le temps s’interroge :<br />
Mon présent<br />
Est-il bien placé ?<br />
Si le présent<br />
A son écho,<br />
C’est qu’il possède<br />
L’image de son propre frère.<br />
Goutte sur goutte,<br />
Seconde sur seconde<br />
J’oublie pour intégrer<br />
Ou mémoriser autre chose<br />
Il faut oublier<br />
L’oubli est nécessaire<br />
J’efface, je trace<br />
J’efface des traces<br />
Serai-je<br />
puisque je me gomme ?<br />
1191
I<br />
Encore soumise par la droiture du cercle<br />
Éclairer l’oblique le vent qui dépèce<br />
Fluide et claire sous l’évidence du sang<br />
Le bel orgasme la foudre stérile<br />
Le notre oui par ta beauté sombre et lumière<br />
Asservie quémandante vers l’éblouissement<br />
Observer ton silence tes hurlements lascifs<br />
L’éveil sublime tout tendue<br />
Sous la main du fouet amour dis-tu<br />
Ta face me supplie contre ma chair et heureuse<br />
II<br />
Jamais l’orgasme le sexe n’a pas d’yeux<br />
Plongeant dans l’ouverture tendu, mou, voilé etc.<br />
Implore la jouissance en ces lieux d’ombre<br />
Folie d’ivresse pas petite mort pas<br />
Sou la gement sous la fille ou femme<br />
Encore la nuit, encore<br />
joyeuse nue de rires<br />
1192
D’aimer, étirant, étalant molle de chair, de peau<br />
S’écoule en amas rose avec tremblements frêles<br />
Bien d’être, bien or renaître len tement<br />
Pour toujours, oui, oui friande de plaisir<br />
III<br />
Brouillons d’écume par l’écrit<br />
Avec écueils de mots de syllabes naufragés<br />
D’éternelles attentes priant le Vent, le Grand<br />
Chassant la brume ô soleil de minuit<br />
Le mien, oui toujours en moi est-ce nuit légère ?<br />
Signe sur signe d’accumulations d’accords<br />
D’accords faux ? avec le temps, ma lumière<br />
Frottant la tête pour obtenir frottant pour<br />
Notes et poèmes infiniment lavés dans la mer<br />
1193
IV<br />
Analyse durant l’état de veille analyse<br />
Face à l’immensité capte quelques lumières<br />
Pense, pense encore induction, déduction<br />
Je rejette le style sans forme par le fond<br />
Je m’entortille sur le vers inu tile<br />
Étalé dans l’aube laiteuse j’espère encore<br />
1194
Enfouies les racines<br />
Messages VI<br />
Enfouies les racines<br />
À l’intérieur. Sur le bord des lèvres,<br />
Le murmuré, le poussé,<br />
Exil au plus profond :<br />
L’esprit cherche ce qu’il y a,<br />
ce qu’il croît.<br />
Plongée qui n’en finit pas.<br />
Oui, la mienne, encore,<br />
Dans l’errance maîtrisée<br />
Sur l’aile de l’Esprit.<br />
Il faut produire de la parole.<br />
L’inspi, l’inspi offre, espère,<br />
Une fuite par le haut.<br />
À tisser, à construire<br />
Perception fragile,<br />
C’est encore de la plainte inaudible,<br />
1195
Pour une ligne de sillage sur le papier.<br />
Obscurcir ? Quoi ?<br />
dans l’oubli du néant, on y songe<br />
on y songe<br />
Pensées brisées, basculées, tordues<br />
et bondissantes<br />
dans l’orgueil de l’espace intime<br />
Donc c’est l’appel du souffle<br />
il faut mémoriser,<br />
inscrire cette perception<br />
avec souffrance - il faut<br />
Gavés d’ombres lisent ce fini<br />
Mes yeux, orifices de l’écriture<br />
et le méprisent.<br />
1196
Compris<br />
Compris :<br />
ou encore<br />
masse inerte / certitude de faiblesse<br />
quantité stupide / avec volonté aléatoire<br />
de gain toutefois,<br />
sans la science.<br />
Ou encore<br />
conscience sans la femme, mais conscience<br />
on sait d’où - de la critique<br />
visage blanc, à l’intérieur, de pureté<br />
Alors : tentative pour vérifier<br />
il revient dans son espace<br />
S’imprègne de l’histoire des anciens,<br />
Veut-il s’orienter vers les poètes<br />
Il y a la faim pour des écritures riches<br />
Certes la famine - et l’espoir de récupérer<br />
Poésie est obscure, illisible, ennuyeuse<br />
1197
ce sont des fleurs, des Dieux, des paysages<br />
mais des documents, des œuvres peu ou point<br />
Cela est faible, que faire ?<br />
Le poète veut et ne peut pas<br />
il témoigne de son impuissance<br />
la crise est bien au-dedans<br />
éblouissante de vérités<br />
1198
Recherches de distances<br />
Recherches de distances,<br />
ce sont les mémoires d’une même<br />
oscillation<br />
d’un imperceptible à définir<br />
sans connaître exactement l’origine<br />
ce sont des tentatives<br />
des volontés de savoir<br />
des pénétrations très à l’intérieur<br />
Des miroirs de plus en plus petits<br />
pour une sorte de calcul infinitésimal<br />
de décomposition de substantifs<br />
de prélèvements de verbes<br />
pour y extraire, - quoi ?<br />
Il faut aboutir dans le profond du Moi<br />
1<br />
1199
D’éclats percuté, d’éclats éblouissants<br />
pour une vision obstruée de l’extérieur<br />
mais vivante en<br />
D’images bariolées, d’images voltigeantes<br />
compressées, agglomérées<br />
indiscernables, à décanter<br />
Les yeux plongent<br />
au plus profond du Moi<br />
2<br />
Il y a montée, jaillissement<br />
immense exaltation puis inquiétude<br />
volonté de maîtriser l’action,<br />
de contenir le verbe<br />
L’esprit peut-il ? Du moins, il s’y essaie.<br />
S’imposer d’ignobles coexistences<br />
de combinaisons audacieuses et grotesques,<br />
de solutions fantaisistes ou absurdes<br />
1200
Mais comment faire ? Comment ?<br />
3<br />
des mâchoires qui se déforment<br />
Ce sont encore des pulsions nocturnes<br />
pour laisser passer du son<br />
des approches qui tâtonnent<br />
des évidences, des prudences,<br />
Je ne sais jamais<br />
du moins personne ne lira<br />
Je dois m’en référer à ma propre certitude,<br />
Qui ira vérifier ?<br />
Il y a un lecteur unique - voilà !<br />
Cette logique n’existe pas<br />
1201
La nuit, je pénètre<br />
La nuit, je pénètre l’épaisse broussaille où s’endort mon<br />
sommeil. Du charbon plein les yeux, j’avance en tâtonnant pour<br />
atteindre une sorte de labyrinthe où s’irritent constamment les sources de<br />
la douleur et du Mal réunis. Je me calfeutre dans cet espèce de buissons<br />
d’épines pour essayer d’y prendre quelque repos. Des torches<br />
flamboyantes illuminent parfois cet univers marécageux où je vois<br />
d’autres poètes qui y croupissent avec leurs âmes. Certains implorent et<br />
me supplient de les délivrer de ce lieu impossible. Quelques fois, il<br />
semble que le jour veut poindre dans leurs yeux de misère.<br />
Ho ! Lieu sordide, nuit de l’extrême, s’engouffrer dans ton<br />
vertige pour y disparaître à tout jamais, pour fuir dans l’infini de l’oubli,<br />
et aller de peu à peu, et de peu à plus rien comme un mouvement qui<br />
s’arrête ! L’espérance est dans la mort qui annule la vérité de la<br />
naissance.<br />
1202
Le coq<br />
femme claire<br />
De la nuit s’endort, de la nuit - quoi ? Une chair frileuse de<br />
(Encore une lancée intérieure)<br />
cristallin<br />
et voltigent, s’épanouissent des brassées d’oiseaux dans l’air<br />
(Soudain pour l’âme, soudain)<br />
mien, si -<br />
un manteau d’épines malgré les flèches vertes de l’esprit - le<br />
Il se couronne pourtant,<br />
du moins essaie, se prétendant faible<br />
Le coq aux aguets<br />
d’intelligence de phosphore<br />
à l’écoute de l’Esprit.<br />
1203
Mes mains purifiées<br />
Mes mains purifiées par l’injustice, ne veux-tu pas les bénir ?<br />
Mes visions splendides d’halluciné, à qui les offrirai-je ?<br />
Que peut-on ajouter sur le Fils ?<br />
Ma terre connaît bien des souffrances et l’âme produit encore.<br />
certainement.<br />
Je me souviens de cette jeunesse qui pouvait mieux, plus<br />
Je crains de commettre des erreurs.<br />
Tu m’as soumis à des chiens, à des ordures, à des porcs, à des<br />
pourritures pour que ma pensée resplendisse d’ignominies, et telle est ta<br />
jouissance !<br />
Tu as mis tant de haine et de cruauté dans mon sang que mon<br />
épreuve m’éloigne du ciel<br />
Suis-je suffisamment éprouvé ? Me faut-il subir plus longtemps ?<br />
1204
J’accède au saint corps dans une magnifique enveloppe<br />
blanche, - le poète se sanctifie !<br />
1205
Le Temple<br />
Je décidais donc de me construire un Temple éphémère ou<br />
immortel, un espace dans lequel reposerait mon âme.<br />
Ô temple de moi-même, éternel édifice<br />
Rare construction plongeant au précipice<br />
D’un néant inconnu, enfoui dans le Moi<br />
J’y puise un mendiant, un apôtre et un roi.<br />
pensée volage.<br />
La pure lumière venait s’y écraser, amante insatisfaite de la<br />
Ici une sorte d’accouplement devait s’opérer dans une vérité de<br />
songe, dans un idéal chimérique.<br />
La parole du poète comme un écho s’apprêtait à retentir dans<br />
cette pièce immense.<br />
Tant de mémoire des auteurs disparus, tans de fantômes rôdant<br />
pour un idéal d’écriture,<br />
génies fortunés que j’invoquais et suppliais.<br />
Des variables de sonorités semblaient courir ou percuter le<br />
1206
vaste dôme serein et puissant.<br />
Je caressais des statues de femmes d’une beauté inouïe et<br />
j’accédais au vertige de la contemplation fabuleuse - c’était une sorte<br />
d’orgasme cérébral quand la perfection esthétique atteint son<br />
paroxysme.<br />
Puis là-bas, dans un halo concentrique composé de lumière<br />
éparse, elle, presque bleue au souffle clair constellé d’or, s’avance et<br />
s’assoie sur les dalles de mon Temple.<br />
Elle, au plus près de la conscience certifiant la fuite de la gloire.<br />
En face, l’homme de l’indifférence détestant la volupté, niant sa<br />
puissance virile, refusant de respirer la chaude toison de ses entrecuisses.<br />
Je préférais me servir de l’écritoire pour y transcrire les limites<br />
de l’Azur, pour accéder aux oiseaux au-delà de mon Temple, par degrés<br />
infinis.<br />
1207
Avec mon sang<br />
Avec mon sang<br />
Avec mon squelette, je marche<br />
Des vents rouges m’emportent<br />
Des décombres, des ruines me guident<br />
Accompagné de solitude,<br />
je marche<br />
Au-delà du temps<br />
Oui, exclu de tous et de toutes<br />
Enveloppé par le mal dans un sac d’épines<br />
Comme un maudit, je danse faussement<br />
J’exige la paix, éclate la haine<br />
dans ma demeure, sur mon chemin,<br />
ici, là-bas<br />
J’éjacule mes faiblesses<br />
Est-ce cela ma vengeance ?<br />
Je construis sur des espaces<br />
nouveaux et inconnus<br />
1208
Dans cette avalanche de livres<br />
Et m’écoute écrire<br />
En vain, je produis<br />
dans un secteur de pertes<br />
et de médiocrités<br />
Je creuse dans le sable<br />
pour y extraire nul grain<br />
Ce qui reste en moi-même<br />
Est perte, est peu<br />
Que puis-je faire ?<br />
1209
Je suis banni<br />
nulle étincelle, nulle soie<br />
nul frisson d’estime<br />
Je cache mon visage<br />
Je me préfère dans la ténèbre<br />
le dialogue improvisé<br />
boursouflements<br />
Saccages, décombres<br />
et honte avec<br />
d’écriture<br />
Ainsi exclu dans ma chair<br />
mon sang, mon combat<br />
Voici les poèmes de médiocrités<br />
Il y a l’amour de soi<br />
la haine de soi<br />
la volonté de mieux produire Hypnose<br />
Ma femme s’appelle personne lente<br />
descente<br />
Mes écrits refusent d’être lus pour y<br />
chercher l’idéale<br />
de perfection.<br />
1210
Quelle bêtise !<br />
La force, l’action constantes<br />
fabriquant du verbe<br />
La beauté est endormie<br />
dans l’ignorance de sa pureté<br />
Elle s’imagine, suppose<br />
mais à tort.<br />
de douleurs, de ridicule, d’insignifiant,<br />
d’humiliation<br />
Coulent des livres ensanglantés de haine<br />
lumière ?<br />
Bariolé d’étincelles<br />
phosphorescentes et incandescentes<br />
Comment s’épanouir dans le cercle de<br />
1211
doucement<br />
Mais le front est vide<br />
rien qu’une faible voix<br />
qu’un murmure qui<br />
gémit<br />
Nulle extase d’écriture<br />
Seulement des faiblesses<br />
frère ?<br />
Ne plus y croire<br />
Avoir la certitude de sa médiocrité<br />
Chercher jusqu’au délire Qui méprise son frère ?<br />
Accéder au vertige Du peu, d’estime ?<br />
Est-ce<br />
un<br />
Fuir les fausses têtes couronnées<br />
qui grandissent leurs ombres<br />
alanguis sur des lits d’extase<br />
Quelle est ma certitude ? ... pour y enfouir son ombre<br />
Un champ de déshonneur dans la honte<br />
où l’on creuse son trou de la poésie ?...<br />
pour se cacher<br />
1212
J’ai dit la vérité<br />
Qui m’a cru ?<br />
J’ai dit : comparer, vérifier<br />
Qui pèse quoi ? Avez-vous lu ?<br />
Voyez la science, la technique<br />
Le temps accentue ma certitude, ce que j’écris est vrai<br />
Ils se partagent<br />
la chair des suppliciés<br />
Horreur, massacre, et<br />
Bourreaux,<br />
qui le croirait ?<br />
Personne évidemment.<br />
1213
Allez, plus loin dans l’exil<br />
au profond de toi-même<br />
pensées, ville de langages<br />
de perception, d’insignifiants<br />
interroge les profondeurs<br />
Allez encore<br />
extrais les racines<br />
Scie ton crâne<br />
comme une boîte à idées<br />
Tu y trouveras peut-être d’étonnantes<br />
certitudes<br />
dedans se trouve la substance de livres<br />
Car c’est ta stupidité qui est à bannir<br />
à chasser<br />
Et nous, nous lisons ta production<br />
avec un oeil moqueur<br />
Tu as du sang, un assassin, de la souffrance, écris-tu ?<br />
tout cela prête à rire<br />
1214
Que vaux-tu ? Rien<br />
peu..<br />
Chaque lettre, chaque signe est une insignifiance, paroles de<br />
Chez toi, tout est faible<br />
c’est de la médiocrité<br />
et je connais ta place<br />
Ton encre court de faiblesse en inutilité<br />
et je sais ce que je dis<br />
Ta place est derrière<br />
ton encre s’oubliera<br />
1215
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME VII<br />
ANNÉES 97-98<br />
1216
Résonances I<br />
Qui seras-tu<br />
Qui seras-tu tu ne sauras pas qui j’étais<br />
Je t’ai connu très peu produis-moi !<br />
Par ces lignes, pareilles aux lignes de X<br />
Que la main s’active dans le jour, dans la nuit<br />
Par-delà l’impossible à atteindre, à transmettre<br />
Niant les mamelons, le pubis, les pieds des femmes<br />
Cherchant un sacre aléatoire, dérisoire, nombriliste<br />
Ton front large, vide, chargé de livres<br />
Et l’axe de ton sexe, limite tendue<br />
La femme est abstraite, irréelle, jambes longues,<br />
Ta bouche prophétique murmure quelques airs<br />
Virgiliens, davidiques, saloniques<br />
Vers moi, je descends, je plonge,<br />
Les Dieux toujours devant mes yeux,<br />
Je remonte pour y tirer de l’ancien<br />
Corde et puits, - plus tu lui prends, plus il est grand -<br />
Malgré moi, conscient du rien, j’insiste.<br />
Pour peu de sexe peut-être<br />
Mon jour s’enfonce dans ta nuit<br />
D’épiderme, de rides, mascaras, chevelure,<br />
1217
Nous échangeons nos souffles<br />
Je me transfuge en toi.<br />
1218
Yeats – translate<br />
I<br />
Non, ceci n’est pas une contrée pour hommes âgés, les jeunes,<br />
dans les bras l’un l’autre, les oiseaux dans les arbres - ces profusions<br />
d’effluves - et leur chant - les repères des saumons, les maquereaux en<br />
foule dans la mer, tout ce qui est poisson, ou plume célèbre tout au long<br />
de l’été ce qui va concevoir, naître et mourir.<br />
Emportée dans cette musique sensuelle, toute vie rejette les<br />
mouvements de la fluide intelligence<br />
II<br />
Un homme qui a vieilli est bien pauvre chose, des lambeaux de<br />
guenilles sur un maigre bâton à moins que son esprit ne s’enthousiasme<br />
et ne chante toujours plus fort à chaque nouvelle écharde de son manteau<br />
de mort.<br />
Pourtant, il n’est pour le chant qu’une école, celle qui consiste à<br />
étudier les moments où l’âme resplendit de sa propre magnificence.<br />
Voilà pourquoi, je suis allé au-delà des mers pour atteindre la<br />
1219
sainte Cité de Byzance.<br />
1220
Vide créateur<br />
L’âme plonge<br />
dans le vide créateur<br />
La pensée foudroyée<br />
est morte, est vivante<br />
du moins sa lumière<br />
est phosphorescente<br />
Au plus profond,<br />
Penser est un vice<br />
La fille s’étire<br />
avide qui se dévide<br />
est un infime<br />
tout élan<br />
commencement de l’intelligence<br />
dans le peu, dans le mièvre<br />
il y cherche des preuves<br />
Il construit dans le rien,<br />
1221
L’univers en soi<br />
Étire sa toute puissance<br />
1222
Le choix - Yeats – Traduction<br />
L’intelligence de l’homme est dans l’obligation de choisir<br />
Entre perfectionner l’existence ou l’œuvre,<br />
S’il désire la seconde, il doit renoncer<br />
Aux Demeures du ciel et pour quelle rage !<br />
Et dans quelles ténèbres !<br />
Quand toute son affaire est achevée,<br />
Quel bilan en vérité ?<br />
Chanceux ou pas, la peine aura laissé<br />
Ses cicatrices. L’éternel tourment de la bourse vide<br />
Ou l’instant de gloire, le remords de la nuit ?<br />
1223
Ton enveloppe astrale<br />
Ton enveloppe astrale est cachée en toi<br />
Ton squelette t’accompagne<br />
sur le chemin de ton existence<br />
Je vais de la vie à la mort<br />
de la mort à la vie, peut-être<br />
Ton cœur bat le décompte final<br />
Le vieillissement te rappelle<br />
Que ta tombe se creuse<br />
Que ton sépulcre sonne le creux<br />
Tu es fasciné par l’espoir<br />
d’une construction nouvelle<br />
dans l’invisible et l’impalpable<br />
où ton esprit épanouira son Spirituel<br />
mais il te faut attendre, - vivre, - passer, etc.<br />
1224
Jeu d’échecs<br />
Femmes habillées en cuir noir, soumises sur l’échiquier géant ;<br />
reine splendide et garce protégeant, dominant son roi ; Tour, donjon de<br />
supplice où le plaisir gémit d’aise ; cavalier d’homme, de fou pervers et<br />
lubrique accomplissant quelconque domination sur filles en tenue claire<br />
et blanche ; filles prises aimées, aimantes, implorant l’extase du sexe<br />
black.<br />
Ligne entrecoupée comme des barreaux de prisons. Voici votre<br />
avenir, de la jouissance, de l’extase, de la pénétration - jour et nuit, dans<br />
cet espace infiniment limité pour un jeu éternel de chaînes, de fouet, de<br />
jambes infiniment longues, - pour le rêve et l’agonie.<br />
Par l’imaginaire fantastique.<br />
1225
L’écrit/le risque/le cul<br />
L’écriture / la production/ La fille belle, invisible, ima<br />
L’espoir / la volonté<br />
ginée,<br />
d’impossible perfection /<br />
Intellectuelle / l’avenir Le sexe / le sexe / l’érection /<br />
Mon manque / ma certitude L’éjac / l’éjac cul / la tion<br />
De faiblesse, d’inutilité / Le fouet / les menottes / les pieds,<br />
La formation / Dieu comprendra<br />
La<br />
jouissance / dominant / dominé /<br />
Le Saint aidera / - je m’en Encu / Enculé au quotidien<br />
Sortirai / Ils ont des consciences / Par les<br />
banques le pouvoir /<br />
Ils peuvent juger / le temps implac le travail /<br />
le profit etc. :<br />
cable qui file, fuit, dis / Tranche de vie - quoi ! -<br />
Paraît.<br />
La crainte, constante / l’avertissement /<br />
La détermination / le risque /<br />
La bêtise, le ridicule / le vouloir<br />
Le progrès, le savant / Pourquoi<br />
Cette peur ? N’est-il pas là ? pas là ?<br />
1226
La coupe<br />
La coupe, qui la prend, voit à l’intérieur<br />
La peine ensanglantée sertie de glaires noires<br />
Et buvant le premier, je la rends détestable<br />
Aux hôtes du banquet conviés à ma table<br />
Car moi, ce flux de nectar, Pindare, n’est point fruit<br />
Pour l’esprit du vainqueur, ainsi je prophétise<br />
La lyre et le cristal dans l’apparat des flûtes<br />
Avec vrais crissements et douleurs du buveur<br />
Ô puissante lignée par les jours éternels<br />
De mémoire, de mémoire aux futurs couronnés<br />
Ils habitent l’azur, tous ces princes en exil<br />
Et je voudrais pour eux annoncer ces propos<br />
De la beauté certaine, toujours il faut s’instruire<br />
Aller vers l’avenir en cherchant le repos<br />
1227
Sera-ce ?<br />
Phrases Phrases d’énervements de recherches<br />
Demi-cercle pensées virevoltées<br />
Refus élisions envolées fuites éclairs<br />
Images analogies compas comparaisons<br />
Variables, variantes déplacements dérivées<br />
Hyperboles de ma mémoire audaces, risques<br />
Explosions figures projeter<br />
Contorsions violences expulsions<br />
Accords ensemble insistance<br />
Saute-mouton grands écarts triangle<br />
Certitude fugace je prends, je jette<br />
Sélec tion<br />
coupe<br />
Sera-ce suffisant pour obtenir le poème ?<br />
1228
Le geste<br />
Le geste fut de mépriser, de rejeter, d’ignorer<br />
la torche éclairait le bleu<br />
nulle opacité<br />
nulle<br />
Plus loin ailleurs peut-être là-haut ! disent-ils -<br />
pourquoi pas ?<br />
Au zénith de soi-même<br />
Être célébré<br />
Plonger dans le triste puits<br />
Inverse, raisonne<br />
dans l’espace obsédé de quelque avenir<br />
aléatoire, terrestre, donc de pertes, enfin d’imprécis<br />
On réclame, on veut couper, aiguiser les guillotines, frapper les<br />
sabres célestes, qu’ils explosent en gerbes multicolores rouge sang<br />
Au lever de son jour, l’horreur, la haine<br />
Mais il faut poursuivre n’est-ce pas ?<br />
1229
Alors poursuivons.<br />
1230
Absence de femme<br />
Absence de femme<br />
Je me libère de la soumission<br />
Je jette les pieds, les odeurs, le triangle<br />
Je fixe mon temps, je m’appartiens<br />
Et ce silence devient fertile d’écriture,<br />
De pulsions intellectuelles,<br />
D’infinis, de recherches,<br />
Absence de femme,<br />
J’exploite mon énergie<br />
Je pense ma matière<br />
Je défis la beauté,<br />
Je transforme, déplace, prétends.<br />
Ces petits outils que sont les signes,<br />
M’appartiennent, m’obéissent, exécutent<br />
Je conçois la chair autrement,<br />
Avec vice, avec pureté<br />
Cet instant de mort me semble peu<br />
1231
Je veux y ajouter - mais quoi ?<br />
Autre forme, autre matière<br />
1232
La ridicule histoire<br />
Ici commence la ridicule histoire. C’étaient<br />
Des petits bouts de fragments à accoler les un aux<br />
Autres. Je prenais mes habitudes, j’allais dans mon<br />
Jardin. J’y fabriquais une personne. Les boutons d’or<br />
De l’enfance se mourraient et les premières pensées bleues<br />
Semblaient éclore. J’y dessinais une femme splendide,<br />
Inouïe, impossible. Non, elles étaient plusieurs, car une<br />
Seule... Dans le vent soufflé, j’offrais un cœur baigné<br />
D’azur, d’écrits, de poèmes, de messages, j’offrais,<br />
J’y déposais des oiseaux, des rossignols, des lyres,<br />
Puis loin, elle irréelle, caressant des substances rares,<br />
Circulant dans le parc fabuleux. L’étang, l’énergie<br />
Mentale, les élans, j’observais encore, encore,<br />
Et l’histoire de l’écriture, des tentatives, des peut-être...<br />
... Pour finir sur un crépuscule de jardin embaumé, oublié.<br />
1233
Vie<br />
Résonances II<br />
Ils se regardent, se pensent, se pèsent<br />
Ils veulent se dominer<br />
Le noir sur la blanche, la blanche sur le noir<br />
Elle pense chaînes, soumission, esclavage<br />
Il pense sexe, prise, jouissance<br />
Ils ont des pions, des cavaliers, des fous,<br />
Ils biaisent, avancent, se mangent,<br />
Conçoivent avec stratégie, avec intelligence<br />
Ils s’amollissent, s’élèvent, s’abaissent<br />
Les couleurs se désirent, se rejettent, se haïssent<br />
Voilà le roi, voilà la reine<br />
Et les joueurs de chair<br />
S’attirent irrésistiblement<br />
Pour s’écraser et se détruire<br />
1234
Moi qui tremble<br />
Moi qui tremble devant la torture, devant l’horreur<br />
Qui tremble dans l’espace de cruauté<br />
Qui ne sais où finit la souffrance<br />
Qui implore implore Dieu, la cessation<br />
De l’ignominie, qui supplie Dieu la fin<br />
Du Mal, de son droit à la destruction<br />
Mais seul, à la prière vaine<br />
D’un écho inutile, de retour stérile<br />
Moi qui me sais affaibli, fragilisé,<br />
Par la violence invisible des tortionnaires,<br />
Je demande encore maintes fois, encore<br />
Sans faire varier le ciel<br />
Sans provoquer quelconque entendement des Dieux<br />
Au vouloir silencieux et vain<br />
Il faut donc les détruire sans pitié<br />
Les rendre esclaves de l’horreur, du vice<br />
Les exterminer et leur faire connaître<br />
L’atrocité de l’existence<br />
1235
De l’éternelle durée<br />
1236
La Dentellière<br />
C’est entre ces deux extrêmes<br />
De flux de sperme<br />
Et de flux de sang<br />
Que la dentellière<br />
Tisse le souffle de vie<br />
Entre ces deux puissances<br />
Contraires et complémentaires<br />
Le corps jouit et supplie,<br />
L’âme épouse les méandres<br />
Du corps - est-ce donc cela<br />
L’existence de l’homme<br />
Avant d’atteindre l’éternel<br />
Ou de plonger dans son Néant ?<br />
1237
Léda et le cygne<br />
Soudain, le heurt d’un vent : les grandes ailes encore<br />
Battent sur la fille chancelante dont les cuisses<br />
Sont caressées par les palmes noires, dont la nuque<br />
Est captive du bec, il maintient sa poitrine<br />
Prisonnière sous son cou.<br />
Comment ces faibles doigts<br />
Pourraient-ils vaguement repousser tant de gloire,<br />
Ses cuisses sont si faibles ? Sous cette ruée blanche,<br />
Comment un corps ne sentirait-il pas un cœur<br />
Frapper étrangement où il est allongé ?<br />
Un frisson dans les reins fait alors resurgir<br />
L’image des remparts et du toit enflammé<br />
Et les tours flamboyantes, Agamemnon, sa mort !<br />
La voilà emportée, écrasée par le sang<br />
Brutal de l’air. Pria-t-elle ses science et force<br />
Avant qu’indifférent le bec l’eut laissé choir ?<br />
1238
Les extrêmes<br />
Entre ces deux extrêmes<br />
La pensée de l’homme est oscillante<br />
Contradictions, contraires<br />
Se détruisent et s’appellent<br />
Dans le ballet de la vie.<br />
Le corps et l’esprit<br />
La nuit et le jour, mourir et<br />
Vivre, est-ce la raison<br />
De l’homme ? Et pour quel devenir ?<br />
1239
La nymphe<br />
Conçois cet instant où elle se fige<br />
elle s’assoie, se lève, revient, pense<br />
la fille aux jambes hautes<br />
les doigts sur tes doigts<br />
te permettant d’écrire<br />
Nous sommes sur l’axe de la pensée<br />
Prononce-t-elle quelques mots ?<br />
S’extirpe-t-il un rire<br />
des syllabes mouillées de salive ?<br />
Plonger dans sa bouche,<br />
y extraire des fruits d’extase<br />
Ses seins, ses pieds, cercles de femme<br />
cette nymphe commune envahit l’intelligence<br />
1240
La main paranoïaque<br />
Le détruit du soleil les vasques aériennes les experts<br />
décontenancés par la vulve scabreuse les tendances obsessionnelles<br />
les parades gestatives les libidos d’orgasmes, audacieuses, de vices,<br />
de rien<br />
Encore la guerre, j’exploite cet impossible<br />
les délires<br />
les cruautés<br />
Et tandis que sous la pluie, j’embrasse l’éclatement lunaire, ma<br />
main paranoïaque ose m’invectiver pendant quelques secondes<br />
L’élévation s’émeut le sens se perd l’idéal féminin comme<br />
une merveille d’ensemble, de millions de chairs complémentaires<br />
les explosions de diamants l’interdit à aimer la beauté à suspendre<br />
1241
Les songe-creux<br />
Accumulez autant de poèmes que vous pourrez<br />
Épanouissez-vous, considérez la hauteur<br />
De vos ambitions, libérez-vous, engendrez<br />
Du soleil sous la grisaille de vos écrits.<br />
Oui, travaillez et travaillez encore. La chair<br />
De la femme n’est que faiblesse. N’oubliez jamais<br />
Cette vérité. Les femmes aiment l’argent, elles<br />
Détestent l’insouciance du rêveur. Tous les<br />
Songes creux doivent mourir ou disparaître.<br />
L’effort de l’intellect doit s’accompagner d’abondance<br />
Financière, d’or entassé - L’effort : cette œuvre<br />
Produite par votre raison, qu’elle ne s’envole pas<br />
Dans les gaspillages de l’infortune ! Allez rieurs<br />
Dans la sinistre tombe pour ne rien regretter.<br />
1242
Résonances III<br />
L’aventure interne<br />
Surgit le cygne sublime et blanc<br />
Qui est symbole encore<br />
Comme l’âme a plongé au fond de soi-même<br />
Pour y chercher science et a-science<br />
Il y faut de la vitesse, des battements d’aile<br />
Impétueux, de l’extase, quelques vérités,<br />
Du vin et de l’ivresse<br />
Et ces pensées mal maîtrisées, triste sort<br />
De ma condition, ces pensées s’agitent encore<br />
Quand j’essaie de bondir, de m’extraire,<br />
De m’éloigner de ce vil environnement<br />
J’ai besoin d’extravagance pour mon esprit<br />
Ou de sucs subtils, cartésiens, pascaliens<br />
C’est encore une immense aventure interne.<br />
1243
Les limbes<br />
Les premiers souffles clairs s’exaltent, je m’extrais<br />
Doucement de l’évanouissement de mon rêve vers mon<br />
Rêve envolé. Je conçois quelque peu dans la<br />
Conscience du vrai. J’étais dans un autre temps.<br />
Voici que la valeur converge vers la lucidité.<br />
Je délaisse l’amoncellement d’images floues,<br />
J’accable l’avenir de ne pouvoir se mieux dessiner.<br />
Le cycle temporel de l’homme, présent, passé,<br />
Futur, imaginaire, espaces parallèles, tourbillonne<br />
Pour une certitude aléatoire. Vais, vais et reviens.<br />
Je m’offre un reste dans ma mémoire où le temps circule<br />
Avec l’espace. Je crois abolir l’oubli de ma folie<br />
Réelle, pensée, en fuite. C’est encore un matin<br />
D’éveil, et l’ivresse active ma raison sereine.<br />
1244
L’a-vérité<br />
J’obtiens une a-vérité qui est à côté,<br />
Qui se conçoit dans l’âme, que l’on prend, jette,<br />
Qu’il faut étudier. Elle peut servir, être<br />
Une sorte de catalyseur d’intelligence, elle peut<br />
... Si l’on veut s’en servir.<br />
Elle ne sert pas à détruire l’autre,<br />
Elle cherche à s’unir, à s’associer.<br />
Grande est sa difficulté à exister, elle évolue<br />
Dans le rêve. Elle est la reine des pensées.<br />
L’Aveugle s’en défend, s’en glose,<br />
Dénigre, méprise,<br />
Le Critique poétique l’exclut<br />
De son mécanisme cérébral,<br />
Le lecteur ? ... Il n’y a pas de Lecteur.<br />
1245
Pensé autrement<br />
C’est pensé autrement avec Syracuse<br />
Vous n’y êtes pas c’est la manière c’est Deguy<br />
C’est cause on prend la pente on glisse<br />
Ses Naïades, ses sirènes en feu, la flamme<br />
Transparente auréolée le temps de tourner<br />
Au coin de la rue c’est le bon sens - n’est-ce pas ?<br />
Je te congédie, cherche ailleurs cette espèce de souk<br />
Fidèle à la modernité boutiques de luxe, de sexe<br />
Encore pour les hommes à l’affût chair affamée<br />
C’est conçu avec pertes avec Éléonore<br />
Avec l’église le linge du Christ<br />
J’ai besoin d’un endroit les agences de location<br />
Pourtant, fidélité au passé, aux antiques<br />
Que veut dire ce sonnet est-ce un sonnet ?<br />
1246
Les frères vagabonds<br />
Je sais leurs chevaux vagabonder dans les airs cristallins,<br />
enveloppant de bruits sourds, leur éternelle renommée<br />
apparaissant dans l’ombre du crépuscule,<br />
surgissant dans l’éveil d’une aube sublimée<br />
Ils sont le vent qu’ils inspirent, qui les inspirent<br />
Ils transforment la nuit lourde en certitude de lumière<br />
Certains s’évanouissent en gémissant,<br />
d’autres soupirent et construisent d’étonnants nuages mouvants,<br />
constamment renouvelés<br />
Leurs élucubrations sont Vanité, Orgueil,<br />
Gloire de soi et Rêves d’un éternel désir<br />
Ô mon amour constamment cherchée, ma tête sur ta poitrine,<br />
laisse reposer ma chevelure lourde de poèmes imaginés.<br />
Je nourris l’heure solitaire d’exploits stupides<br />
et regagnerai plus tard<br />
l’antre absolu de mes frères vagabonds<br />
1247
Te lire dans la glace<br />
Contre la puissance la pensée récidivait, insistait la vision<br />
satellitaire emmurant un poète sylphe stupide s’essayant à des airs très<br />
anciens aux pieds de soi-même esclave et maître critiquant,<br />
supposant enfin ! production insignifiante l’échelle des valeurs<br />
changeait la certitude se désarticulait<br />
Dieu l’Esprit la Vérité l’intelligence la Pléiade<br />
l’imitation l’apprentissage le travail l’abondance la<br />
construction l’œuvre<br />
La femme le sexe la femme le sexe<br />
Vitesse hallucinante couche mésentente<br />
possibilités de luxe, de pauvreté, de rien<br />
As-tu une seule fois pensé à te lire dans la glace ?<br />
1248
Brusquement surgit<br />
Brusquement surgit dans le ciel constellé.<br />
Un flot de mots déverse sa substance.<br />
Mon toit ! Quelque chose de confus, - embarras<br />
Mélange qui provient du passé<br />
J’exulte, me tords, me courbe, reçois<br />
D’un au-delà imaginé une essence supérieure.<br />
Je perçois derrière cet impossible vrai<br />
Des solutions nouvelles qui se proposent,<br />
Dont je dispose, j’entrouvre la rose etc.<br />
... Qui donc se réjouira de ces poudreux pétales<br />
Amorphes, vivants, colorés, flottant dans<br />
L’air de cet espace, voltigeant, tourbillonnant<br />
Pour un idéal rêvé et utopique, pour<br />
La magie poétique à lire, à évoquer ?<br />
1249
Ta Phèdre<br />
Avec colère, avec violence, avec volonté<br />
D’aller outre, de gagner, de l’emporter,<br />
D’extraire des potentialités intellectuelles ou<br />
Artistiques - à chacun sa mamelle ! - toi,<br />
Tu meurs soulevant encore des apothéoses inconnues,<br />
Nues de gloire dans ce désert tragique d’oublis !<br />
Tu te perds dans des tourbillons d’amertumes, de sucs acides<br />
Ou gras de certitudes comme un bourgeois à la panse<br />
Écarlate ; tu comprends l’ultime décennie que<br />
Tu n’as pas su perpétuer le miracle d’autrefois,<br />
Tu agonises dans le néant de ta propre merde<br />
Satisfait et repu, conscient, tricheur - trichant<br />
La suppliant encore, ta Phèdre en porte-jarretelles<br />
Incapable de faire bander ton lecteur éventuel.<br />
1250
L.A.E.T.I.T.I.A.<br />
Le hasard, non la certitude, le choix,<br />
La loi précise des mots balancés, pesés<br />
Avec le je doute, je fais la moue, je prends,<br />
Je jette.<br />
Tu y parviens... fort mal. Tu<br />
Ca y est - c’est presque - difficile ? Paf !<br />
Facil - Lucile - Hé ! Ouais, l’alexandrin...<br />
Trash, Métal, Hard, tape sur le rock,<br />
Frock, Franck, violence avec lasers d’or<br />
Comme flammes étonnantes dans les zébrures de la<br />
Rébellion, de l’autrement, du nouveau peut-être ?<br />
On se coltine des roses, des parfums aériens, des<br />
Orgasmes d’une poétesse scabreuse, inassouvie<br />
A la jouissance étonnante - oui, moi dans l’essentiel<br />
De l’écriture.... cherchant encore et ainsi de suite.<br />
1251
D’après J.P. Sartre<br />
Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl :<br />
l’intentionnalité<br />
L’Esprit-Araignée attire les choses dans sa toile,<br />
Les mastique, les couvre de sa bave blanche,<br />
Lentement les déglutit et les réduit à sa propre<br />
Substance.<br />
Il y a l’aliment avalé, les choses perçues<br />
De loin, l’état de ma conscience, mon<br />
Aptitude de perceptions.<br />
Oui, nutrition, alimentation, assimilation,<br />
J’agis, - je vais des choses aux idées<br />
Des idées aux idées, - de l’idée à l’esprit.<br />
Les résistances sont rongées, ainsi tout est<br />
Assimilé, unifié, identifié, - la matière<br />
Est pensée. Tout ce qui n’est pas esprit<br />
Devient brouillard, ouate, filament.<br />
1252
En vérité, peut-on dissoudre toutes les choses<br />
Dans la conscience ? Cet arbre-là<br />
N’est pas de même nature que ma conscience,<br />
Il ne peut entrer dans ma conscience<br />
D’après Husserl.<br />
La conscience et le monde sont donnés d’un seul coup.<br />
Si je veux connaître, je m’éclate vers,<br />
Je m’arrache, je file, j’atteins l’arbre,<br />
Lui et moi, moi et lui, séparés toutefois.<br />
Maintenant j’imagine une suite d’éclatements,<br />
Je vais vers l’extérieur, dans la poussière<br />
Sèche du monde, sur la rude terre,<br />
Parmi les choses, monde indifférent, hostile,<br />
Rétif.<br />
« Toute conscience est conscience de quelque chose »,<br />
D’après Husserl.<br />
« Être, c’est être-dans-le-monde »<br />
D’après Heidegger.<br />
Exister comme conscience autre que soi, c’est<br />
1253
L’intentionnalité.<br />
À la représentation de l’objet, j’y ajoute<br />
Le sentiment.<br />
Irai-je au Traité des passions ?<br />
1254
Contre-ut<br />
Je ne sais que trembler,<br />
trembler parmi les fleurs, au centre de l’éphémère,<br />
de l’impalpable, du cristal,<br />
Par cette tension artistique qui électrise mes fibres émotives.<br />
Je ne fais que vibrer<br />
Au plus profond du Moi, dans mon labyrinthe<br />
intellectuel. Je suis devenu une vibration<br />
Impossible, irréelle, délétère.<br />
J’accède à une forme<br />
de conscience épurée, translucide, je rejette<br />
la confusion. Je reconstruis le monde avec<br />
des concepts autres, nouveaux, interdits.<br />
Cette passion dévorante anime, produit de l’activité.<br />
Je veux aller outre, au-delà de cette fragilisation<br />
De moi-même. Je ne crains pas l’idée de la mort,<br />
Je sais pertinemment que rien ne restera.<br />
1255
Résonances IV<br />
Cygne bleu<br />
Jamais, la solitude<br />
A deux évidemment,<br />
Cygne bleu et plumes d’or,<br />
D’une gloire inconnue<br />
Et s’admirant soi-même,<br />
Jamais, drapeau déchiré<br />
Linge doré consacrant<br />
Sa gloriole pour autrui<br />
Fugace inutilité de<br />
Poète stupide, il reste<br />
Toi, jubilation de chair<br />
D’orgasmes, - je plaide<br />
Le nom de génie, tu le crois<br />
N’est-ce pas, douce Irène ?<br />
1256
En ramier de couleurs<br />
Explose en ramier de couleurs<br />
L’élan inventif et tel<br />
Qui n’ayant su peindre les cœurs,<br />
Ne pu suffire au bas mortel<br />
Dans l’éphémère aptitude telle<br />
D’un blanc cendré et cygne pur<br />
Se mêle le battement pastel<br />
Lancé dans le piteux Azur<br />
Mais jamais renié en soi<br />
En gerbes de savoirs réelles<br />
Il méprise la simple aquarelle,<br />
Et sa gloire au faîte du Moi<br />
Unique, inconnue et vraie<br />
Va au tombeau et disparaît.<br />
1257
Dionysos<br />
Nulles convives pour<br />
Jouir ou élargir la joie<br />
Avec Dionysos, et sexe,<br />
Et vin, et femmes, et Moi<br />
D’orgies, de coupes hautes<br />
De lèvres couronnant le sage<br />
Et le poète de louanges,<br />
Pipeaux et tambourins<br />
Servantes bondissantes et nues,<br />
De chair offertes avec rires<br />
Et plaisirs, - oui couronné<br />
Partageant avec frères la gloire<br />
De la haute lyre poétique, ainsi<br />
Admiré dans leur sublime rang...<br />
1258
Cascade<br />
Cascade, ô blonds cheveux, bondissant à l’extrême<br />
Comme foule excessive de lanières dorées,<br />
Je dirais : pose-toi tel un casque célèbre<br />
Imite en sa chaleur ce généreux foyer.<br />
Car pour te figurer, il sortirait des flammes,<br />
Ors fustigés, soupirs, clair joyau par le feu.<br />
Cette sainte parure qui nimbe toute femme<br />
Enivre le poète quand il plonge ses yeux.<br />
Ta souple nudité semble soupirer d’aise,<br />
Alanguie et riante contemplant le foyer<br />
Et l’exploit de beauté que cette chair apaise<br />
S’étale bienheureuse, murmure contre mon corps<br />
Un désir lancinant qu’il faudrait satisfaire<br />
Pour l’extase divine d’un merveilleux effort.<br />
1259
Ivre de blondeur<br />
Qu’elle soit ivre de blondeur<br />
D’éclairs bleus, d’équilibre parfait<br />
Qu’elle tourbillonne nue<br />
Hors de son miroir, et voltige<br />
Ou s’enroule dans sa robe<br />
Pailletée d’or et de diamants ;<br />
Que s’exaltent les parfums clairs<br />
D’aromates chauds et lourds de<br />
Femme qui emporte dans la nuit<br />
L’âme chère du poète fantasque,<br />
Amant éternel à la recherche<br />
De l’idéal de perfection<br />
Pour s’endormir dans la jouissance<br />
Du spasme ou expirer content.<br />
1260
Le Tombeau de l’Immortel<br />
Malgré son noir silence, le poète endeuillé<br />
Sait extraire de ce marbre quelque éloge funèbre,<br />
Et veut glorifier le pur génie célèbre<br />
Que la masse d’humains avait trop oublié.<br />
Pourtant ne voit-il pas disons que le triomphe<br />
Amicalement a grandi dans sa croissance,<br />
Que la sublime estime tutrice de sa naissance<br />
Fortifie l’immortel, et en sa chair le gonfle ?<br />
N’éclate nul orgueil sous cette vraie démence<br />
De grandeurs et de fleurs et d’orchidées aussi.<br />
L’esprit dans l’au-delà se conçoit et se pense,<br />
Irradiant soi-même le sacre avec ses frères.<br />
Dans cette certitude enfin il réussit<br />
Et offre à tout venant la clé de son mystère.<br />
1261
Le délice d’un Saint<br />
Toi si pure et si chaste, toi délice d’un Saint<br />
Et je songe parfois à quelque hostie vivante<br />
Élevée et soumise telle une humble servante<br />
A l’orbe rayonnant dont l’Église te ceint.<br />
Te souviens-tu ? Pour moi, ce fut la certitude<br />
De pouvoir t’observer dans l’espace temporel<br />
Réservé à un Dieu, havre surnaturel,<br />
Langage murmuré de la béatitude.<br />
Ne peux-tu, s’il te plaît, prier en ma faveur<br />
Car voilà trop longtemps que ma raison soupire.<br />
Je délire et délire suppliant le Sauveur.<br />
Constamment possédé par l’âme maléfique<br />
N’en est-il pas assez de se savoir maudire,<br />
Subissant en sa chair d’abominables piques ?<br />
1262
Un axe<br />
Un axe plus loin désemparé<br />
ainsi sommes-nous de ne pas le reprendre<br />
déçu de la verticalité de son don<br />
avec fenêtres se croisant et fenêtres encore<br />
Aller au bal voisin chez Deguy<br />
Et fuites de ligne sur le sable aride<br />
Toi ton polyèdre amorphe, à lancer<br />
Et Florence avec sa musique claire spacieuse<br />
que l’on évoque sur une mémoire cristalline, elle<br />
Faudrait-il assister à la fête libre<br />
avec ombres et savoirs à oublier ?<br />
pour le rayonnement de l’intérieur<br />
1263
P.A.I.<br />
Penchée<br />
suçante<br />
ta Phèdre bandante cheveux liés<br />
brune - et les yeux suppliant Hippolyte<br />
Hippolyte, laisse-moi te sucer la b... ?<br />
Lui, cherchant à fuir<br />
condamnant l’artifice, le désir.<br />
Puis Andromaque femme perfide et rusée<br />
glissant quelque poison rendant stérile<br />
Hermione amante et femme de Pyrrhus<br />
assez vicieuse à en.... en fait<br />
et toi pureté d’Iphigénie<br />
pleurante, quémandante - sublime sacrifice<br />
sur l’autel tu t’offres silencieuse<br />
Toi, peut-être dans mon idéal impossible<br />
1264
Définition de la pensée<br />
Au-delà de la conscience personnelle du temps,<br />
j’ai besoin de recherches logiques,<br />
j’ai besoin de comprendre l’association pure<br />
de l’élément simplifié.<br />
Il ne s’agit pas ici de synthèse passive, car l’espace dans lequel<br />
l’élément s’impose - est un espace conscient où le travail de l’esprit<br />
s’assume.<br />
L’élément s’associe à l’élément. C’est un point-source, une<br />
énergie d’atome, une lumière d’étoile dans mon ciel constellé de vie. Je<br />
dois connecter. Je dois aussi comprendre son origine - ses parties - ses<br />
caractères.<br />
Il n’est pas apparition, il est emplacement, chargé de mémoire,<br />
apte à s’associer, objet scintillant, vérité en soi-même, -il contient du<br />
pur, du vécu. S’il s’associe - il se déplace - il va vers de l’expérience, et<br />
produit un nouveau caractère avec l’élément qu’il a conquis.<br />
C’est une sorte de fait mental - une charge dans une niche de<br />
neurones. Oui, je veux encore étudier son caractère.<br />
1265
De tout cela, de tous ces faits ponctuels, mentaux, qui s’associent,<br />
s’éloignent, se connectent et s’engendrent, je sais qu’il y a la pensée.<br />
De cette pensée, j’en tire ma certitude, ma conscience, ma réalité<br />
d’homme existant en vérité.<br />
1266
Recherche<br />
Réfléchissons : il doit bien y avoir<br />
une perception émotive plus fine, plus subtile<br />
comme un fragment d’onde sensibilisée<br />
possédant un spectre compressé de propriétés inconnues,<br />
mêlées, mélangées peut-être<br />
difficiles à dissocier<br />
mais réelles toutefois<br />
N’est-ce pas dans cet espace de vérités filantes<br />
que le poète doit composer, connecter, redéfinir,<br />
extraire, rejeter, prendre, associer, enfin agir<br />
Capter n’est pas suffisant - il faut fragmenter,<br />
symboliser, fusionner.<br />
1267
Les Points-réponses<br />
J’activais ces points-réponses,<br />
mes yeux au centre<br />
j’esquivais une réponse vraie, fausse,<br />
qu’importe !<br />
Je passais sur du délétère<br />
c’est ça : je captais<br />
croyant à ma force<br />
Elle ondoyait sur des feutres crissant<br />
Les paupières clignotaient, aptes à percevoir le message<br />
Je plongeais dans des vagues océanes,<br />
coulais, remontais quelques poissons d’argent,<br />
- c’étaient mes points-réponses.<br />
1268
Perceptions grossières<br />
Ces perceptions grossières,<br />
je veux les affiner - comprendre le point<br />
son origine, sa vérité, son association.<br />
Je me fuis pour me retrouver<br />
ce n’est plus la clé pour le silence,<br />
ce n’est pas un code à composer,<br />
c’est la puce à intégrer,<br />
le plus petit<br />
de l’œil à la loupe<br />
de la loupe au microscope<br />
pour définir le caractère de l’apparition.<br />
La conscience de l’image, sa pigmentation<br />
ses points composés pour fabriquer la trace<br />
l’origine de cette organisation<br />
non pas la fonction d’apparition<br />
mais la vérité sur le point<br />
1269
La bulle métaphysique<br />
Nul ne sait qui je suis.<br />
J’habite une bulle métaphysique<br />
J’accède à mon vide, je le nourris de phosphore,<br />
Je palpe du silence.<br />
Je broie de la Lumière, je l’accouple<br />
avec de l’Ombre. Le Mystère se conçoit,<br />
se développe, s’impose.<br />
Qui prétend accéder à mes limites ?<br />
Je dénonce les distances, je les déplace,<br />
je pousse les bornes.<br />
Suis-je seul, de Moi à Moi,<br />
Quelle avancée ? Jusqu’où ?<br />
Décalez-vous sur mes limites. Ajoutez,<br />
allez plus loin.<br />
1270
La semence<br />
La semence<br />
L’intérieur<br />
La durée avec de l’énergie mentale<br />
dans l’actif - le cerveau<br />
produire - penser - produire - essayer<br />
ce langage.<br />
Construire avec la confusion d’images<br />
dans l’ombre de soi<br />
réalités trompeuses, mensongères<br />
en vérité - matériel de poète.<br />
Vue et envoyée sur le papier<br />
entrecroisements de voyelles et de consonnes<br />
sensations magiques - esprit magnétique<br />
il s’autorise - il risque - il prend<br />
1271
I<br />
Vie poétique. Pensées arrachées au quotidien<br />
Inutile. Sentiments froissés. Subsiste encore<br />
Une possibilité d’extase, d’évasion, d’écrit<br />
Cela se conçoit dans le front, puis il balbutie<br />
De sinistres paroles. Il souffle de l’air chargé<br />
De syntaxes. Homme cherchant, poussant, éreinté<br />
Pour un idéal utopique et impossible. Feuilles noircies.<br />
Il déplace l’angle d’appréciation, l’analyse<br />
Le plus souvent, est détestable. Lui fragile, écumant,<br />
Prétendant encore, fixant d’autres certitudes.<br />
Sont-elles siennes ? Il voit autrement. Cette hypothé-<br />
Tique mémoire, illusoire, d’avenir. C’est bien cela :<br />
Un chimérique clown fabriquant ses images<br />
Stupides, et l’Histoire se rira bien de sa mémoire !<br />
1272
II<br />
Dans ces rues, des flux de pensées circulent.<br />
Méandres, superpositions des idées, de la sensibilité.<br />
Cerveau accomplissant, ayant accompli encore et se...<br />
Cherchant à entreprendre, à reproduire, ignorant<br />
L’ordre de l’événement. Transmettre ! Se cogner !<br />
Pénétrer ! L’élan de l’esprit se déplace<br />
Essayant de rendre cohérents des semblants<br />
Délétères d’entités.<br />
Écrit autrement : sur la page<br />
Tu frissonnes, la pression, entrecroisements, lignes et<br />
Figures. Tes flammèches d’idées. Plans<br />
D’espaces, dis-tu pour construire, virgules à l’infini.<br />
La plume se mêle à la nuit noire. La main<br />
Prétend conserver la matière. La boue coule<br />
Sur le papier. Que la lie soit féconde !<br />
1273
III<br />
L’air. Bulles de mots nourris d’oxygène. Avec<br />
Le souffle poussé chargé de sonorités et de langage.<br />
Accumulation, masse pesante d’axiomes. Pensées<br />
Qui se conçoivent en songes. La bouche dicte du vrai.<br />
Où est ta pureté ? Signes noirs sur feuilles blanches.<br />
Dans la grotte de l’alphabet avec coups, usures<br />
Et combinaisons connues et surconnues.<br />
Le promontoire de la grammaire rigide et vraie<br />
Où flottent nonchalants des oiseaux libres qui<br />
Refusent l’interdit et vont hagards s’accoupler.<br />
Encore associer les sonnantes, les éclatantes,<br />
Les graves - que les oiseaux dans ce paradis ou<br />
Cet enfer de corbeaux et de chauves-souris<br />
S’associent, s’accouplent, exultent en rimes de rumeur.<br />
1274
Résonances V<br />
C’est une série<br />
C’est une série d’arrangements, de combinaisons, de choix<br />
Car il faut abolir le hasard, - ou le bien tenir<br />
Serré, sérieux ; ce sont parfois ces traces insoupçonnées,<br />
Puériles, douteuses que l’esprit doit considérer pourtant.<br />
Projections dans l’âme ; déplacer le sens des mots ;<br />
L’orgasme de la poétesse en gémissant ; attributs<br />
Et grammaire, - suivre ; faux, sembler, imiter.<br />
L’étendue qui protège ; nulle part et absence ;<br />
Quant à la médiocrité, - elle est toujours présente.<br />
Mon double s’épongeant, tremblant, cachant<br />
Les vieux rictus de l’échec. La salive âcre<br />
Accumulée dans la bouche. Et pour quelle jouissance ?<br />
Le Temps compresse le passé. - Le résultat est vain.<br />
L’avenir du Moi ? - Une vulgaire inutilité, en fait.<br />
1275
Le parcours de la conscience<br />
De nulle part. De l’éphémère insoupçonné comme<br />
Intuition, peut-être - pas encore - substance,<br />
Lancée indistincte de l’esprit avec facteur G<br />
De Spearman sans doute. À la recherche de<br />
L’algorithme parfait, de la synthèse, du saut,<br />
De la fusion - du risque, de l’audace - outils<br />
D’autrefois. Mais la pensée s’efface, et je veux<br />
Accéder aux plus belles productions de la raison.<br />
Encore avec intelligence, et langage - y faisant<br />
Exploser le désir, pour obtenir la sublime émotion.<br />
A moins que je puisse espérer l’intuition pure -<br />
Il ne faut pas douter ! - plus tard encore la<br />
Conscience réflexive me nourrira de ses secrets. Et<br />
J’irai puiser quelque message au plus profond de l’inconscient.<br />
1276
Je fixe le phosphore<br />
Je fixe le phosphore - l’œil du coq veille.<br />
Parfois dans mon désert, des fantômes d’idées<br />
Apparaissent. C’est espoir à satisfaire. L’alphabet<br />
- Abêtissez la substance des mots, la lettre c...<br />
L’œil cligne pour le caché, l’intérieur. Le Poète<br />
Solitaire crache l’encre sur le papier. La cervelle<br />
Broie de la pensée brute, la malaxe, l’extirpe,<br />
La répand comme une substance dégueulasse<br />
De vomis, de sueurs, d’excréments, de pleurs,<br />
- La broie. Extases, jouissances, chiottes,<br />
- Va-t’en, tu pues. Alors je déclenche l’acte<br />
De purification, prête sacrificateur, à l’esprit élevé,<br />
Au savoir parfait - j’exulte des stances claires<br />
Et belles. Le silence envahit ma bouche - je cherche.<br />
1277
Subsiste encore une recherche possible<br />
Le murmure éternel dans les tempes. Le souffle<br />
Qui casse le silence - des bruits indistincts<br />
Travaillant, travaillant au plus lointain -<br />
Jamais satisfait. La souffrance, la fracture,<br />
Le peu, - les fibres émotives. - Subsiste encore<br />
Une recherche possible, impossible, déçue.<br />
Je réorganise le passé, y ajoutant les déchets<br />
D’avenir. Dans d’autres circonstances, - la sensa-<br />
Tion détestable. Comblez ce déficit, comblez.<br />
Inlassable, désireux. Ce qu’il faut pour écrire.<br />
Impétueux fantasme de puissance ubuesque !<br />
Illusion d’espoir, d’Allez, de poussées, d’élans<br />
Mentaux. Le voilà à nouveau porté, lancé<br />
Vers l’inrêvable à atteindre. Pourquoi pas l’impossible ?<br />
1278
Le chemin de l’âme<br />
L’insecte misérable - le vers - l’homme. La conscience<br />
D’un certain infini. Le plongeon - le vide - l’immensité<br />
Stellaire. L’intelligence de Dieu, de son Saint -<br />
La petitesse, le ridicule de l’homme sans faculté.<br />
La mesure de l’univers. Que puis-je ? Qui suis-je ?<br />
Quel est mon pouvoir ? Et pourtant ce cerveau, cet inconscient,<br />
Ce réseau de neurones, de synapses, ces centres du savoir !<br />
La modification proposée pour le Christ, le dessein,<br />
La lumière complète. L’autre substance - la métaphysique.<br />
Sur représentation est incomplète et insuffisante, pour... ?<br />
La civilisation exacte de l’au-delà. L’action, le rela-<br />
Tionnel. Les nouvelles formes de vérités, de savoir,<br />
De perceptions, les rapports, les constructions etc.<br />
Sa finitude, est-ce le plaisir, le bonheur, le bien-être ?<br />
1279
L’homme et son double<br />
L’homme et son double. Son Moi pensant, supérieur,<br />
Transcendé, qui condamné la chair, la repense - s’élève,<br />
Qui subit cette relation d’homme à l’être avec nécessités<br />
De satisfaire les besoins terrestres - Lui qui s’évanouirait<br />
Dans la transparence - qui est englobé, écrasé dans<br />
Cette chair ténébreuse et puante ! - Oui, d’autres limites,<br />
D’autres possibilités. Il est avec l’Autre, relation<br />
Étrange, détestable, de dominant-dominé, de<br />
Faible-fort-d’espoirs et de réalités. Cette bipolarité,<br />
Cette correspondance. L’homme tend vers la Terre, quand<br />
L’Esprit est attiré vers le Ciel. J’attends, je fais du sang,<br />
J’attends fébrilement la mort - la rupture, la coupure,<br />
La cessation, la fin - pour cette liberté spirituelle<br />
D’accession à l’Idéal parfait de la Divinité.<br />
1280
L’errance<br />
L’errance. Pour découvrir une autre vérité. Au-delà<br />
De l’époque. Ignorer toutes les histoires passées -<br />
Est-ce réellement possible ? Et je pense à Arthur -<br />
L’errance, est-ce une erreur ? Moi, je lui ai préféré :<br />
La synthèse à l’intérieur avec les produits d’autrui.<br />
Et j’ai fait œuvre de jeunesse - de valeur inférieure.<br />
Cela va s’en dire, mais j’ai cherché également.<br />
J’ai insisté, sans faire preuve d’aberrance - avec fréquence<br />
Toutefois. Étais-je égaré ? Non, tout ceci était borné,<br />
Banalisé, sûr, certain, fort et grand - il me fallait<br />
Fusionner le savoir de l’autre, des autres - il fallait.<br />
Destin avec Destins. Alors « la liberté-le sacrifice »<br />
Ou « le malheur-la réflexion ? » Pour quelle détresse ? Quel homme ?<br />
1281
La pauvreté<br />
La pauvreté - en constance de manque, d’interdit,<br />
De blocage - de privation, avec certitude<br />
De faiblesse. Relation de l’homme à soi. La<br />
Vertu est-elle une richesse ? Faut-il se dépouiller,<br />
Se purifier, rejeter l’animal-subsistance ? La métaphysique<br />
Exige la pauvreté. Dieu étant le fabricant,<br />
Est-il le donnant ? À quoi possède-t-on ?<br />
Où sera la suffisance de l’âme, de l’esprit,<br />
De l’homme, de l’athé ? Jusqu’où iront les hommes ?<br />
L’élévation. La finitude pour la perfection - l’espoir ;<br />
À quelle extrémité de dénuement ? Dans le désarroi<br />
De notre Néant, de notre sinistre profondeur ?<br />
La pauvreté - l’homme sans facultés, l’homme avec<br />
Dieu, mais toujours peu. Avec le Fils mais ignorant,<br />
Avec l’Esprit mais impur. Faut-il faire l’Ange ?<br />
1282
L’homo Lozachus<br />
Un homme qui pense sans fonctions biologiques, homme<br />
Sans appartenance à la nature - la délaissant, la niant,<br />
La refusant - Corps-prison - sexe bas - actions primaires<br />
Rejetant la vie dite essentielle - homme parlant-écrivant,<br />
Apte à percevoir le sensible-essence qui pense -<br />
Pourquoi ? Pour sortir, s’élever - rejeter la chair.<br />
Esprit aspirant à la liberté spirituelle, l’au-delà.<br />
Être en attente de mort, soucieux de vie cérébrale,<br />
Se préparant, se construisant - mystique-actif -<br />
Désireux d’accéder au supérieur, le supposant -<br />
Le pré-sachant - Existant sans les organes, toutefois.<br />
Non pas le pari, mais la certitude - les preuves visuelles -<br />
Se formant pour accéder au grand principe de compréhension<br />
Universelle. Mais est-ce raisonnable. Est-ce ?<br />
1283
La stratégie<br />
La stratégie - le but - l’objectif - le désir.<br />
Que veut cette pensée humaine ? Comprendre l’Essence.<br />
C’est-à-dire l’origine et la finalité. Est-ce<br />
Les deux, il y a l’homme, donc Alpha et Oméga.<br />
Le dessein de l’origine de Dieu, le dessein de la<br />
Finalité de Dieu. L’homme se situe entre les deux,<br />
A un temps défini. La pensée est dans l’homme. Cette<br />
Pensée-là n’est peut-être qu’accident assez insignifiant.<br />
Il faut se purifier. C’est donc un schéma mystique.<br />
Il faut apprendre à déposséder pour nous jeter<br />
Hors de nous-mêmes.<br />
La finitude est dans l’être toutefois.<br />
Il s’agit d’accéder au plaisir ou à la jouissance,<br />
Une sorte de bonheur de vivre que l’on nous promet.<br />
Ou l’éternelle douleur dans un profond Néant, peut-être.<br />
1284
Le dépouillement<br />
Le dépouillement - la destruction des valeurs,<br />
Le renoncement à la chair - l’abolition financière,<br />
La remise en cause de l’acquis. À poil ou<br />
Ne passe pas. Votre savoir. Votre ignorance. Moi,<br />
Dieu. Je détruis vos structures. J’abolis vos principes.<br />
J’offre un nouveau destin - changez ! l’essence de la<br />
Vérité. Achevez le schéma de la subsistance, de la<br />
Jouissance. Vous appliquerez mes nouvelles lois.<br />
Ce nouveau vrai dans un espace révélé, différent.<br />
Ta valeur ne compte plus ; condamné à effacer<br />
L’âme transcendée ; - le partage ; est-ce survivance<br />
Élaborée dans époque future ? Abandon immédiat<br />
De soi - autre logique - autre certitude, autre<br />
Objectivité ? Pour quelle richesse, en vérité ?<br />
1285
Le calcul<br />
Le calcul. Le pari de Pascal. La garantie future,<br />
La méthode de l’arriviste. La constance de<br />
Certitude. La vérité dans l’invisible. La perception.<br />
Rationalité et paranormal. Science et au-delà.<br />
Se refaire. Se reconstruire avec du délétère,<br />
De l’impalpable. Penser avec l’inconnu. Supposer.<br />
Est-ce audace, risque ?<br />
Une vérité unique,<br />
Intransmissible, pour soi-même, - expérience personnelle<br />
Volonté de rechercher avec l’objectivité.<br />
Le doute. - la fiabilité de ses sons. - les résultats.<br />
Est-ce nouvelle essence métaphysique en auto-prospection ?<br />
L’avenir. Le Dieu vrai. Le bonheur, le bien-être. L’utopie.<br />
Ou l’éternel néant. La finalité du rien. De la mort<br />
Totale, biologique, absolue. - Qu’en est-il de jouer ?<br />
1286
Le schéma intérieur<br />
L’obscurité dans la tête. La lumière tout autour.<br />
La recherche du progrès. L’évolution. La plate-forme.<br />
La volonté de voir au-delà. Apprendre, comprendre - appliquer -<br />
Le chuchotement domestique, le peut-mieux-faire.<br />
Avec art, quelle évolue ! Avance ! Le moteur,<br />
Les déchirures. Avide, le mystique - copiste. C’était hier !<br />
L’œil conçoit un espace, tourne, virevolte, pour qui ?<br />
La pensée triomphante, dit-il, d’une voix endormie.<br />
Allez ! couvre la table, plume et manuscrits. Hiero<br />
Glisse sur la feuille de papier. Et quelle valeur ?<br />
Absolument, le temps, le recul, l’analyse, la cer<br />
Titude, de soi ? Te voilà décrépi, vieillard.<br />
Sénile à la parole tremblante. Et ma patine pour vous ?<br />
Ressuscite, renais, deviens quelqu’un pour autrui.<br />
1287
Résonances VI<br />
Acte supérieur<br />
Acte supérieur, activité rejetée, bannie de la masse.<br />
Ce que possède la clé pour comprendre, pénétrer, - pour le-dedans ?<br />
Les poètes eux-mêmes se persiflent, ironisent et s’ignorent.<br />
A ne pas comprendre pas B qui refuse C dont l’École etc.<br />
Pourquoi faire l’effort pour fabriquer l’image quand l’image<br />
Apparaît splendide et belle, onirique, idéale sur l’écran ?<br />
Construisez des clips poétiques - ils seront regardés. L’on<br />
Vous dira ce que l’on en pense …<br />
Ô l’inconnue, pour quelle sérénité,<br />
Pour quelle essence de pureté, toi la méprisée, l’exclue,<br />
Subiras-tu longtemps encore l’humiliation et le rejet ?<br />
Iras-tu t’endormir espérant un autre règne ? Pourtant<br />
Tu fus riche en langage, désireuse de ressources nouvelles,<br />
Audacieuse dans tes volontiers d’aller outre !<br />
Ha ! L’ingratitude<br />
1288
Des hommes, le rejet éternel pour les causes perdues !<br />
1289
L’impossible ailleurs<br />
Être sans attachement pour apprendre à s’élever,<br />
À sortir hors de sa chair, silhouette impalpable<br />
D’esprit errant.<br />
L’ombre dans le futur exil pour<br />
L’autrement, le différent avec mémoire terrestre toutefois.<br />
Pour quel soleil ? Quelle extase ? Quelles ténèbres ?<br />
Un visage purifié qui m’entraîne, qui m’enveloppe<br />
Et m’aime, et je m’enfuis avec ma vie mentale<br />
À la vitesse du rêve.<br />
J’offre encore cette poésie<br />
Famélique, pleurnicheuse, sans complexité ni profondeur.<br />
Telle est ma punition cérébrale de médiocre né.<br />
Je cherche la blonde sainte, idéale d’extase,<br />
Égérie immortelle, etc.<br />
Qui sait le lieu, le lieu ?<br />
Sans pesanteur, de légèreté déviée. Au seul souci<br />
De s’éterniser pour un impossible ailleurs d’amour peut-être ?<br />
1290
Ce qu’il faut élaborer<br />
Le autrement avec soi-même, ce qu’il faut élaborer.<br />
Est-il nécessaire de comprendre ? N’y a-t-il pas une sorte<br />
D’abord incompatible, impossible à percevoir ? L’être<br />
Conçoit une possibilité risquée. Doit-il décider<br />
Pour rendre cohérent sa recherche d’une harmonie<br />
Compréhensible ?<br />
Aptitude à assembler, à dériver, à<br />
Organiser de la mémoire proche et lointaine sur un support<br />
Sensible - énergie mentale qui agit. Est-ce là<br />
L’un des fondements de la détermination de l’être ?<br />
Faut-il de la clarté ? Et quelles formes d’intuition ? Pourquoi<br />
Faut-il rendre manifeste ? Pourquoi montrer ? C’est la force<br />
De la pulsion ou du désir qui impose à montrer.<br />
Efforts pour conquérir, pour construire dans son Étant, savoir<br />
Ce que l’on peut faire, les variables temporelles<br />
Et l’environnement transformant constamment l’objet fabriqué.<br />
1291
Husserl, Heidegger<br />
Les impasses, les blocages, les culs-de-sac d’Husserl,<br />
Les volontés de passer outre avec des difficultés extrêmes<br />
D’analyse, de démonstrations vraies.<br />
Les gains en biochimie<br />
Du cerveau permettent de mieux comprendre les mécanismes<br />
D’invention, de création, de pseudo-transcendance ;<br />
Pour mieux savoir, mieux penser l’homme, faut-il la science<br />
Ou la philosophie ? Ou la psychologie ?<br />
Les remarquables<br />
Définitions de Heidegger : Ici tout se retourne, ou encore<br />
Temps : clairière du se retirer de la présence.<br />
Les transformations arbitraires de la pensée - les volontés d’approches.<br />
Le besoin de justifier un sens exact, est-ce encore possible ?<br />
Mutation de la détermination par rapport à l’ancienne,<br />
Nécessité d’une pluri-référence variable d’une situation.<br />
1292
Sublimations de l’étant<br />
L’étant se dirige vers l’Être par la pensée ;<br />
Si l’étant accède à la Pensée Totale, il est dans l’Être ;<br />
Il a changé d’essence. Il a atteint le Concept absolu.<br />
L’Être atteint l’idéal métaphysique. La nature de<br />
L’Être est transcendée et peut s’apparenter à la divinité<br />
Extatique ou pure dans son identité.<br />
C’est un principe<br />
Associatif de matériel fixé dans la mémoire qui permet<br />
De passer du non-pensé au pensé. Se fait et se défait<br />
Comme un nombre illimité de combinaisons avec des jeux de cartes.<br />
Degré de luminosité intérieure, possibilité du Sachant ?<br />
Ce qui apparaît de plus en plus clairement, est-ce du vrai ?<br />
Pourquoi pas, si la certitude se déploie par la Science.<br />
La vérité par la Science, par l’Art, par la Religion<br />
Non renouvelable peut permettre d’accéder à la transcendance<br />
Immédiate, et offre à l’étant le changement d’essence<br />
Pour accéder à son propre Être en contemplant l’Être parfait.<br />
(Cf. les visions des futurs saints).<br />
1293
L’Absolu<br />
L’homme face à l’Absolu. Peut-il y parvenir ?<br />
Peut-il se dépasser pour l’atteindre ? S’apparente-t-il<br />
À Dieu ?<br />
Il serait une sorte de porche final ouvrant<br />
Sur le néant éternel et infini. Cet Absolu est<br />
Relatif à nos capacités maximisées.<br />
L’Absolu de<br />
La fourmi sur une étendue d’eau. L’Absolu de l’homme<br />
Voyageant dans le cosmos. L’Absolu de Dieu. In-<br />
Déterminé - Indéterminable - Incomposé - Informe.<br />
L’Être - le Temps et l’Espace -<br />
S’apparente pas à un Dieu inaccessible.<br />
Dans mon esprit, ne<br />
1294
Rassembler en soi<br />
Rassembler en soi des possibilités choisies pour agir,<br />
Pour obtenir la meilleure attaque et résultante finale.<br />
Non pas mettre à sa disposition la totalité du<br />
Matériel, mais offrir la sélection optimisée pour<br />
L’action. Car il y aurait charge, usure et poids<br />
Inutiles de l’intelligence.<br />
Le péril de l’intelligence<br />
Est encore la dissimulation et l’incapacité de mettre<br />
À la disposition de la conscience les outils nécessaires<br />
À l’élaboration de l’action.<br />
L’étude doit définir<br />
Les limites réelles de chaque individu : le ne-peut-aller-<br />
Outre, est bloqué-cérébralement-à, sa-tâche-consiste-à :<br />
La maximisation d’un volume de chaîne HIFI ; la potentialité<br />
D’une calculatrice programmée ; - limites de l’homme seul ?<br />
Rassembler en soi, est-ce destin de l’être ? Qu’il<br />
Le veuille ou non, l’homme est une autonomie. L’heure<br />
De naissance, l’heure de mort prouvent l’autonomie.<br />
1295
Rassembler en soi ou se dépouiller - perdre -<br />
Désassocier, ou désactiver, rejeter, oublier. Contraires.<br />
1296
Husserl<br />
Husserl s’est-il réellement trompé ? Sa description<br />
Des actes de la conscience est-elle réellement fondée ?<br />
S’est-il égaré dans son analyse phénoménologique ?<br />
A-t-il considéré par une représentation de points-source<br />
Des images offertes à la conscience ? A-t-il été<br />
Au-delà de l’acte psychologique, dans le fondement<br />
Même de la perception, de la réception des faits mentaux ?<br />
Par-delà la logique, est-ce une étude philosophique<br />
Nouvelle qui est ainsi proposée ? Ou une étude biochimique<br />
De l’imagerie des messages ?<br />
C’est vouloir trouver l’origine,<br />
L’explication fondamentale, pure, transcendante, cela<br />
Nécessite une objectivité parfaite de l’analyste lui-même.<br />
Comme se définissent les actes vécus ? etc.<br />
1297
Cérébralement différent<br />
I<br />
Transformer le mécanisme de penser. Délaisser une<br />
Partie de l’identité passée et lui offrir ou lui imposer<br />
Un système d’extraction ou de production autre.<br />
Il ne s’agit pas de passer de l’homme à l’Être,<br />
Mais de reconsidérer l’appareil productif interne<br />
De l’homme. Prétendre différemment les possibilités<br />
De l’action humaine. Appréhender l’étant avec<br />
Plus d’efficacité, d’objectivité, de réalisme.<br />
Il ne faut pas nier l’éphémère, l’impalpable, le délétère,<br />
L’intuition sensible, ou artistique, mais il faut mieux<br />
Canaliser.<br />
L’évolution dans la Nature engendrera-t-elle<br />
Un homme historique nouveau ?<br />
II<br />
1298
Être ou la dérision de soi. L’un prétend au<br />
Discours quand l’autre ne propose qu’un bavardage oiseux.<br />
Méditons sur l’Être, sur ce sujet insignifiant …<br />
Emprunter la voie de la pensée, pourquoi pas ?<br />
Faut-il s’en offusquer ? Quel éclairage, quelles vérités<br />
Nouvelles les hommes réellement pourront-ils apporter ? Et pourtant !<br />
C’est nécessité absolue pour l’humanité que de penser !<br />
Apprendre, écouter, appliquer, tirer.<br />
Optimiser la potentialité propre à chacun.<br />
Ou mieux encore :<br />
1299
Le Grand Être<br />
Surmonter son Néant, sortir la tête hors du gouffre.<br />
La douleur de l’homme, c’est sa conscience infiniment faible ;<br />
Son espoir, c’est d’ajouter et de transmettre. Car son<br />
Faible est également un faible temporel.<br />
Son destin est<br />
Intimement lié aux autres, en raison de l’insignifiance de<br />
Sa nature, à l’image de fourmis ou d’abeilles - le Social.<br />
Comment la personnalité peut-elle se construire pour faire<br />
Un Grand Être ? Le développement, le déploiement intérieurs ?<br />
De Gaule.<br />
« Ceux qui ne sont pas d’un grand être (wesen)<br />
N’aboutissent à rien quoiqu’ils œuvrent », Maître Eckhart.<br />
1300
La constellation irréelle<br />
Est-ce toi, toi dans ta virtuelle réalité<br />
de mensonges, de doutes et d’audaces d’écriture ?<br />
Tu te conduis avec raison<br />
pour élaborer un édifice.<br />
au quotidien<br />
Ne sont-ce pas de vaines constructions délétères,<br />
infinies et inutiles ?<br />
Est-ce élan ? Aptitude cérébrale qui offre<br />
et organisme des produits de l’intelligence ?<br />
N’est-ce pas faire preuve de prétention que d’oser<br />
employer un tel terme : intelligence ?<br />
Tout est pour l’intérieur. Autrui te détruit, te persifle,<br />
te ponctionne, te méprise. Cela ne les intéresse pas.<br />
Ils ont autre chose à faire. L’autre, oui - vous, non,<br />
répètent constamment les éditeurs<br />
Tu n’es pas réel - tu es un souffle transparent<br />
qui disparaîtra avec sa mort. Tu es le manque, o mon absent,<br />
1301
mon silence, mon caché, cet encore un en-toi.<br />
S’il y a clameur, elle est interne - étouffée -<br />
sachant à jamais confondue.<br />
Pourtant tu le hurles sur cette feuille de papier.<br />
Quelle force t’impose à l’écriture,<br />
à le dire, à le proclamer ?<br />
Ton désir est bien de construire<br />
sous la constellation irréelle des étoiles poétiques<br />
qui passent et disparaissent.<br />
1302
La belle évaporée<br />
Assoupie, endormie, rêvant encore<br />
un peu de soie divine sur un sofa d’extase<br />
fluide, alanguie, s’étirant, là, oui inachevée,<br />
mais s’étirant encore<br />
sous une lumière lymphatique et pâle<br />
sublime énigme de confusion et de nonchalance<br />
qui semble régner impérialement<br />
Elle conçoit dans son rêve des images claires<br />
qu’elle traverse nue<br />
Elle embrasse des souffles d’orgasmes et va<br />
cueillir des caresses nonchalantes<br />
tremblantes et fuyantes<br />
Je secoue cette masse belle de femme qui tombe<br />
en poussière de songe devant mes yeux ahuris<br />
1303
Femme phosphorescente<br />
Avec l’utilité du Néant<br />
enjambant le cercle clair<br />
elle avance obstinée et sage<br />
pour construire dans le silence<br />
Femme phosphorescente pensante et sexuelle<br />
refusant la faiblesse<br />
suscitant tant d’espoirs<br />
dans la lumière naissante de l’écriture<br />
brillant, éclairant çà et là<br />
quelque ténébreuse recherche<br />
soufflant sur des mots mystérieux et irréels,<br />
dans l’arôme de sa bouche<br />
Je désire son visage transcendé<br />
et me colle à ses lèvres pour extraire le suc<br />
de son savoir et l’exprimer ici<br />
1304
Épilogue<br />
Chercher sans réellement découvrir<br />
dans la rumeur de soi<br />
avec tangage de langage, - chercher<br />
Quand la gestuelle pensante est monotone<br />
sait pertinemment que demain sera comme hier<br />
une vaste déception cérébrale<br />
d’élans cassés<br />
d’avancées perdues,<br />
de futurs inutiles<br />
Alors pourquoi cet étonnant labyrinthe en soi-même,<br />
cette vaste cité intérieure ?<br />
est-ce volonté de comprendre,<br />
de développer une capacité interne ?<br />
Est-ce aventure personnelle ?<br />
Fuite en soi ?<br />
Nulle réponse simple n’offrira de réelle vérité.<br />
Est-ce travail d’homme ? De pseudo-penseur ? De poète ?<br />
Que répondra le lecteur ?<br />
1305
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME VIII<br />
ANNÉES 99-00<br />
Suites/Relances<br />
1306
Suites/Relances I<br />
I<br />
Dans le silence qui inspire<br />
pour éprouver, pour épouser de nouvelles formes<br />
des fuites comme des éclairs,<br />
des fluides qui circulent<br />
Il suppose encore des possibilités,<br />
des aptitudes - il suppose<br />
Pour oublier le vieillissement, ou quémander<br />
une part d’immortalité :<br />
passer ou être demain ?<br />
Il aurait voulu être aimé dans la vérité<br />
chronologique - pour aujourd’hui et le futur aussi.<br />
II<br />
1307
La bouche se nourrit d’extase, de substances claires,<br />
un souffle encore dans les draps de l’amertume,<br />
le miel de ton poème, - c’est ça : imagine<br />
hors du tragique dans le possible<br />
avec audace toutefois<br />
appelle ça la passion,<br />
on rira bien !<br />
III<br />
Subtils effets autres empruntés, exploités, volés, permis ?<br />
mélanges, variantes, prendre, extraire, tirer<br />
Patrice Delbourg écrit : alchimie et plagiat entre le blanc et la<br />
blessure<br />
Moi, je dois dépasser ma limite,<br />
absence de repaires<br />
et l’écho constant en vérité éternelle<br />
d’ennui et d’inutilités.<br />
Quelle grandeur ? - Sentiment de petitesse<br />
et crainte d’être en retard.<br />
1308
IV<br />
Une ivresse éternelle avec l’espoir<br />
de captiver l’interdit ou l’insignifiant<br />
Une femme vacille dans le miroir flou de l’âme<br />
je l’imagine chair, beauté et sensuelle.<br />
Je capture le rêve pour lui interdire de m’échapper,<br />
de fuir dans l’infini de ma conscience.<br />
L’irréel et le factice des vérités rares,<br />
impossibles, avec une constance dans le<br />
déplacement de la norme.<br />
J’entasse mollement des décombres du hasard<br />
et je décompte les combinaisons-gains<br />
me détestant plus encore<br />
La réponse : RIEN<br />
V<br />
La position volante, imaginaire<br />
voluptueuse et spirituelle<br />
une sorte de lévitation<br />
1309
Le rêve qui remuait changeant les ombres,<br />
les déplaçait dans les cases de la pensée<br />
Il s’ennuyait, tentait de rendre sagace<br />
son cerveau<br />
La poésie c’est long et lent, surtout quand on a beaucoup produit,<br />
le savez-vous ?<br />
VI<br />
Pur désir impossible<br />
azur sexuel - de pureté à atteindre<br />
esclave de l’insomnie<br />
azur utopique<br />
constamment désenchanté<br />
Ô mon cher inconnu qui ne recherche nulle gloire<br />
sinon celle d’être soi et d’avoir accompli<br />
ce qui semblait probable.<br />
Oui, pénétrer encore son monde solitaire<br />
afin d’accéder à des délices cérébrales<br />
1310
dans l’espace vide de l’imaginaire<br />
Toi, oublié toujours dans tes parfums.<br />
1311
Soleils annonciateurs<br />
Soleils annonciateurs d’idées nouvelles<br />
Que l’on griffonne sur les vieux murs de sa raison<br />
Inspiration qui souhaite repartir fortifiée à nouveau<br />
Dans le long chemin intérieur<br />
Avec l’intelligence à ses côtés<br />
Grand matin d’espoir avec conscience éveillée<br />
Dans le silence, l’attente et le désir<br />
Avec les morts aimés, les grands révélateurs<br />
De la poésie d’hier - essayons de produire<br />
Étendues, reflétées sur le miroir littéraire<br />
Avec vagues, flous et audaces d’avancées<br />
Nouveaux espaces balayés par l’or des feux<br />
D’autrefois, avec beautés et ordres premiers<br />
L’élan créatif se veut agencements réguliers,<br />
Constructions claires sur le zéphyr inventif<br />
1312
Amours poétiques sur l’aube éclairée de senteurs<br />
Nocturnes, désireux de chercher un soleil de grâce<br />
Que puis-je, moi avec tous ces éléments, ces images<br />
Audacieuses produire d’utile et d’enchanteur ?<br />
Tout s’en retournera, peut-être, à jamais dans le<br />
Dérisoire et le stupide du sommeil éternel<br />
1313
Autres limbes<br />
J’avançais indistinctement dans ces limbes nocturnes,<br />
Où la confusion cotonneuse rend informe<br />
Tous les objets de la veille. Je glissais<br />
Dans ces espaces mystérieux où l’irréel côtoie<br />
Le possible, où l’interdit semble aboli, - sorte<br />
De transe imaginative offerte à la raison<br />
Toutefois.<br />
Des élans de pensées jaillissaient çà et là,<br />
Surgissant devant mes yeux, jaunes ou phosphorescents.<br />
C’était une lumière nerveuse pénétrant l’esprit<br />
Accompagnée d’images indistinctes qui suggèrent<br />
Par recomposition et mémoire activée des souvenirs<br />
D’autrefois.<br />
Puis j’entendis douloureusement la voix<br />
Suave du Christ qui m’invitait à le suivre<br />
Et à l’imiter dans son impossible perfection céleste.<br />
1314
L’architecture imaginaire<br />
Les houles encore là-bas<br />
roulis qui sans cesse ressassent<br />
Pour recommencer encore<br />
le mouvement éternel des flux<br />
Et cet écho perturbateur perdu<br />
dans le sel des choses<br />
Comme un prolongement de la pensée<br />
désire transmettre sa substance<br />
C’est encore une sorte de tracé sonore<br />
avec pureté de cristal et tempêtes<br />
au rythme de l’amertume et de l’oubli<br />
Dans le fracas incessant de la rime,<br />
l’espace se déploie en lignes d’écriture<br />
et semble construire une architecture imaginaire<br />
1315
Gainée de soie<br />
Gainée de soie sensuelle<br />
Elle pense que la chair<br />
Est un orgasme à satisfaire,<br />
Que l’homme est un pénis<br />
En érection<br />
Elle pense que le désir, le soupir<br />
Disparaissent dans des cris<br />
Et se nourrissent<br />
De nombreux espoirs<br />
Que l’aube régénère son corps<br />
Malgré l’effort et l’abandon<br />
Nourrie de fantasmes,<br />
Voilée de soie noire<br />
Dans ses folies illusoires<br />
Elle se fait prendre et reprendre<br />
Attacher et suspendre<br />
Dans l’agonie des soirs<br />
Gainée, vêtue, fouettée et foutue<br />
1316
Des lianes noires<br />
Traversent sa mémoire<br />
Douleurs - douceurs<br />
Spasmes et caviar<br />
Des flammes rouges lèchent sa croupe<br />
Incendiaire<br />
Font bondir son sang dans ses veines<br />
Bleues<br />
Elle se tord, soupire, supplie, implore<br />
Et reçoit par-devant, par-derrière.<br />
Le feu éternel de la passion<br />
Elle aime, pleure, quémande,<br />
Les yeux remplis de reconnaissance<br />
Pour une nouvelle naissance<br />
Immense cri<br />
Qui déchire le ciel<br />
Gainée de soie sensuelle<br />
1317
Des espaces, des lieux<br />
Des espaces, des lieux, des volumes ouverts ou clos,<br />
Inclus, connus, inconnus, à énigmes ; difficiles<br />
À délimiter, avec passerelles, tunnels d’approches<br />
Ce qui les sépare - ce qui les convertit.<br />
Espaces techniques, économiques, sexuels, virtuels.<br />
Sont-ce des espaces, d’ailleurs ? Ou plus exactement<br />
Des moments de l’activité humaine ?<br />
L’espace, à l’intérieur, toujours renouvelé. Lavant<br />
Et relevant les images floues, s’octroyant<br />
Un rôle de maître absolu cherchant et décidant.<br />
Le propriétaire de Soi.<br />
Le retrait de l’Être. La mise en hibernation,<br />
Le refus de l’Autre. La suffisance intellectuelle,<br />
Le vieillissement cérébral, la mort ou la mémoire ?<br />
1318
La révélation mystique<br />
La révélation mystique abolit-elle l’utilité<br />
De l’action philosophique ? L’illuminé, l’éclairé<br />
Est-il entré dans une phase terminale humaine ?<br />
Le mystique sait Dieu mais il n’en connaît pas son<br />
Fondement, ses origines ou sa finalité.<br />
Où Dieu met-il les limites et les suffisances de l’homme ?<br />
Dans quel schéma évolutif prétend-il à une quelconque<br />
Satisfaction ? Quel est le trajet de la pensée ?<br />
Méditations sur le mouvement de l’esprit dans<br />
La volonté du progrès, et recherches de puissance,<br />
De plus, d’ajouts pour comprendre mieux, pour<br />
Savoir autrement, pour tendre vers une forme délévation,<br />
- n’est pas une vérité commune<br />
À tous les êtres ?<br />
1319
L’homo desertus<br />
(L’homme du désert)<br />
Waldlichtung, la clairière en forêt ; je<br />
Lui préfère le désert en soi - le vide - l’espace<br />
Infini, sans. C’est libre, c’est ouvert, c’est visible.<br />
C’est le rien. Avancer ou construire ? Avec quel<br />
Matériel ? C’est en marchant que l’on rencontre d’autres<br />
Paysages. Il faut donc accomplir de l’action.<br />
Les horizons du temps et la taille de l’espace,<br />
Ces dimensions universelles y sont également représentées.<br />
L’intensité de la lumière est fonction de la lucidité<br />
De l’œil. Prétendre constituer ou reconstituer<br />
Du vrai en marchant. Degré de subjectivité<br />
De la conscience ?<br />
Pensée intuitive, pensée<br />
Spéculative - réside déjà la possibilité<br />
De choisir le mode d’actions - ébauche de liberté.<br />
1320
Nuancier de faux<br />
La certitude du faux ; la certitude de son savoir ;<br />
Avec ses faiblesses, ses preuves - ses à-exclure ; à<br />
Mettre au-retrait. Dans l’ombre, dans le fermé.<br />
Constamment vérifié son non-fondement ; sa présence,<br />
À rejeter.<br />
Peut-on offrir un degré dans les différents<br />
“ Faux ” ? Un faux puissant s’élimine, un faux léger<br />
Peut servir, et participe après nettoyage à une avancée<br />
Vers la vérité.<br />
Les différents calculs de, de plus<br />
En plus précis - tendre vers le vrai que l’on n’atteint<br />
Jamais, toutefois.<br />
Dans quelle mesure peut-on exclure<br />
Tout doute ? Déterminer la non-présence comme telle ?<br />
Mutations, évolutions de l’essence du Faux et de<br />
La Vérité par l’accès au Savoir.<br />
Les limites de l’étant<br />
1321
Déterminent les limites de la vérité.<br />
1322
Suites / Relances II<br />
Déclinations fixations et vertiges<br />
Fuites obscures dans un sexe sanglant<br />
Dans un triangle de soupirs<br />
nourri de gémissements<br />
et de plaintes heureuses<br />
haut lieu qui hante l'orgasme<br />
l'expulsion sacrée<br />
i veut y demeurer<br />
pour une ébauche d'éternité<br />
croyant sans doute que ses petits<br />
éclatements de micro-jouissance<br />
rendent la vie somptueuse<br />
Que la luxure dans une chair rousse<br />
idéalise le temporel pour le rendre invariant<br />
1323
Évanescence et périmètre<br />
De si loin<br />
pensées au plus profond<br />
transmissions concevables<br />
sans doute agitées par ma mémoire<br />
lancées, montées, explosées<br />
Là enfin<br />
poussés par le souffle<br />
Quelques mouvements dans nos rêves<br />
des mots offerts<br />
De moi-même, évanescence<br />
incandescence<br />
pour l'élaboration de l'œuvre<br />
J'observe fixement l'exaltante envolée<br />
des feuilles voltigeant<br />
pensées englouties irréelles<br />
surgissantes déplacées<br />
J'y perçois quelque lumière...<br />
1324
Paysage d'en face<br />
L'air arrache de vieilles feuilles à l'arbre malingre. Les yeux voient un<br />
squelette d'homme édenté et courbé.<br />
Que devient la matière revisitée par l'œil ? Le merle et la meule là-bas<br />
rappellent la quête éternelle de Monet. Quelques brebis comme des tâches<br />
blanches sur une herbe jaunie et brûlée par la violence d'un soleil.<br />
Le jour écrase la campagne, la soumet à des forces de chaleurs<br />
implacables. Le jour refuse de disparaître, il est plaqué et dure comme un<br />
lutteur immobilisé par un adversaire.<br />
Là-bas de l'autre côté, ce sont des vignes claires et chantantes nourries de<br />
soleil, lourdes de fruits à naître, par-dessous.<br />
Un pigeonnier du dix-septième fatigué, branlant, soutenu par des bâtisses<br />
de consolidation. Une chemise rouge gesticule, - c'est le fils du voisin.<br />
de formes.<br />
L'horizon éclaté offre mille saveurs de parfums, de brises, de lumière et<br />
C'est une sorte de beauté désespérante, une fixation du réel qui donne au<br />
1325
temps un goût d'éternité.<br />
1326
*<br />
La nuit noire, mauve et bleue, le regard<br />
Cherche en lui quelque quiétude aérienne.<br />
L'invasion des nuages déplace la pensée,<br />
La vitesse des traits et des images emporte<br />
Les mots hors du champ de conscience, la lancée<br />
Des possibilités poétiques chargées de musc,<br />
De parfums, d'aigreurs se déploie en gerbes<br />
Multicolores.<br />
Il faut apaiser l'ardeur, calmer<br />
L'élan fougueux du jeune homme qui inspire,<br />
Certifier l'espace de sa transcendance interne,<br />
Maîtriser cette ventilation en soi pour le hors soi.<br />
Car la vitesse jette, déplace, mange, oublie<br />
Parfois l'essentiel, parfois le pseudo-insignifiant<br />
Qui est le nouveau vecteur ou le schème de conduite.<br />
1327
L'image-mensonge et l'écran cinématographique<br />
Des flammèches de mots lancées dans l'espace<br />
Littéraire pour des oreilles et des muqueuses dévorantes ;<br />
Des fluides lumineux comme des filles aériennes ;<br />
Des vocables en projection explosant ou<br />
S'accouplant pour une portée incomprise ; le son<br />
Se charge de sens et embrasse le poème<br />
Réactif.<br />
L'espace se remplit et se vide d'un<br />
Suc nourricier ou d'une sérénade grossière.<br />
Le front est un monde et la porte est ouverte<br />
Mais nul ne veut y entrer prétendant le spec-<br />
Tacle inutile, éphémère, d'un dérisoire médiocre.<br />
Faut-il produire des images-mensonges quand l'écran<br />
Magique sublime le génie cinématographique ?<br />
Qu'exige aujourd'hui réellement le public ?<br />
1328
Sur l'écrit à paraître<br />
Déterminer le vide ; transcender l'inexistant ; au-delà<br />
Du mystère, mesurer l'indéterminable ; le souffle<br />
De l'esprit se prolonge dans la nuit. Un volume<br />
De sonorités se dégage, se déplace dans les airs.<br />
La façon de se plonger dans l'obscur - une substance<br />
Intellectuelle, une image quantifiable, des lancées<br />
De fluides, des magmas de sens - la syllabe qui se<br />
Crisse, se brise, s'encastre, s'accouple, s'unit,<br />
Se fortifie, offre la vibration - l'incident en<br />
Quelque sorte !<br />
La mémoire valve, la tête s'obstine<br />
À sortir des combinaisons dérisoires dans l'es-<br />
Pace aléatoire des voyelles pour une jouissance triste<br />
Et personnel. Encore un horizon inachevé,<br />
Un regard dédaigneux sur l'écrit à paraître.<br />
1329
Séquences<br />
Femmes, lesbiennes, léchées, léchantes, merci, merci<br />
Auguste buste, penchées et suppliantes. La dentelle<br />
Entre les doigts si fins - Formes, mouvements en<br />
Constance de changements - L'idéal statique !<br />
Sources de vie et muscles souples. Le plaisir temporel<br />
Des caresses devant et derrière en vous serait si tendre<br />
Partout ensemencées<br />
J'ai ta pluie d'or, doucement à<br />
L'oreille, en toi le puits, demeure accroché<br />
A tes mamelles le temps de l'extase est bref<br />
Je m'oublie dans tes prunelles vives<br />
Et cette cervelle<br />
Impossible qui ne ressemble à rien Je n'entre pas<br />
Je butte à l'extérieur pensées de femelle !<br />
La sérénade sensuelle d'appartenance de liberté<br />
Le mâle est-il conçu pour comprendre la femme ?<br />
Suites/ Relances III<br />
1330
Son but<br />
Se déplacer lentement dans l'étonnant labyrinthe<br />
De son âme était pour lui un jeu intellectuel,<br />
L'univers du poème un espace curieux à<br />
Concevoir. L'aventure d'un possible audacieux, par-<br />
Fois. Était-ce une passion, un vice, une dose<br />
D'exercices quotidiens ? Il voulait tenter de<br />
Déterminer sa propre limite, reconsidérer son<br />
Complexe, élargir les moyens de comprendre.<br />
Y parvenait-il ? Il prétendait avec hésitations<br />
Régler l'ordre, l'agitation et le tumulte,<br />
Il prétendait... Mais ce n'était que chimères,<br />
Qu'espoirs vainement soufflés par l'orgueil du Moi,<br />
Que folie permise par un idéal poétique rêvé :<br />
La probabilité réelle de sa réussite était nulle.<br />
1331
Les miroirs J. L Borges<br />
Je me demande encore, après maint jour et mainte<br />
Nuit perplexe sous la variété des cieux,<br />
Par quel hasard étrange ou quel vouloir des dieux<br />
Tout miroir me saisit de malaise et de crainte.<br />
Miroirs, cieux, surfaces, espaces<br />
Fragile et éphémère, poète tremblant dans le<br />
Miroir de l'imaginaire, espace bariolé de reflets<br />
Infinis avec l'impossible qui côtoie<br />
L'invraisemblable - un univers de risques, de faux,<br />
Et de pulsions émotives ;<br />
mais encore, - azur qui<br />
Parfois se déchire avec oiseaux migrateurs dans<br />
Un ciel irréel ; lac, surface lisse où<br />
La pureté d'un cygne vient troubler le<br />
Repos du dormeur<br />
Variétés, formes du hasard<br />
Pour l'intelligence complexe, c'est l'art de<br />
1332
Tisser les lis avec subtilité !<br />
Miroirs, cieux,<br />
Surfaces, espaces pensés et regardés comme un<br />
Hasard modulable, lieu du questionnement où<br />
L'audace poétique s'associe à la raison de l'écrivain.<br />
1333
La paupière pense<br />
La paupière pense. Activité retournée, intérieure,<br />
Vers le cerveau, - l'ami ! Les yeux fermés, il<br />
Ne dort pas - il conçoit ! Des mots à connecter.<br />
L'encre et le papier sont les supports seconds. Le<br />
Cerveau mêle, démêle, associe, combine. Il<br />
Prétend, et c'est peine perdue... la faiblesse<br />
L'accable. Depuis vingt-deux ans, il fixe le feu.<br />
Son feu. Envahi par du phosphore inconnu, inutile.<br />
" Pure imagination, disent-ils. Insignifiance,<br />
Non, rien. " De jour en jour, pour le dedans. Flot<br />
D'écriture qui se déverse au-dehors par la bouche,<br />
Par la main sans avenir pour le papier qui finira<br />
Dans la poubelle de l'oubli. Tout sera-t-il écrit ?<br />
Un sentiment d'empoisonnement envahit mon âme.<br />
1334
Des labyrinthes fangeux<br />
Des labyrinthes fangeux, des structures internes<br />
Complexes et déplorables, un néant à combler<br />
Par le travail, par la studieuse constance pour<br />
Obtenir le : oui. Alors il avance bêtement,<br />
Besogneusement. Retours dans l'illusion, dans<br />
L'impensable, l'impossible - c'est ça : il avance.<br />
Seul, toujours seul.<br />
Qu'importe d'être compris, d'être<br />
Lu, qu'importe ! Algèbre et ténèbre, solitude, oublis !<br />
N'est-ce point là le lot de l'infortune poétique ?<br />
Comment achever cette vie inutile faite de rejets,<br />
De déceptions et de pleurnicheries ? N'est-il pas<br />
Un séjour de paix où l'âme sera satisfaite ?<br />
Car de tombeau de gloire, il n'en est pas question ;<br />
Des labyrinthes fangeux, des structures internes.<br />
1335
*<br />
Piqué-avançant, - dans la chair -<br />
" Il t'est dur de regimber contre l'aiguillon ? "<br />
Obtenant du non-sens rêvé, à la table<br />
des fantômes.<br />
Combine comme il faut, - algèbre et analyse,<br />
chimie et doute - audace et risque,<br />
choisis dans du variable conçu par la mémoire.<br />
Crayon à bille qui roule, ligne noire éternelle,<br />
suis-moi puisque je produis. -<br />
Me liras-tu ? - Toi en toi, de pensées exquises<br />
ou détestables ?<br />
Le front éclate, l'or bouillonne et explose, résidus<br />
de scories.<br />
Avance, idée gueulante et bavée !<br />
Tête astrale, cherchant je-ne-sais-quoi<br />
d'instable et d'éphémère<br />
1336
Les lancées bleues pour le monde d'à-côté !<br />
empanachées dans une explosion gerboyante et<br />
retombante... de médiocrité,... qu'ils disent<br />
- Dans un feu de tempêtes ; mille folies d'étoiles<br />
bariolées !<br />
Déjà l'horloge du Temps m'ordonne de plier<br />
feuilles, de ranger livres, de me préparer au<br />
procès du Ciel avec accusateurs, sans défense...<br />
déjà !<br />
Pureté d'un autre monde avec lettres belles aux<br />
lèvres, peut-être !<br />
1337
Lola<br />
Toi, toi changeante (bouleversée, tu m'émeus)<br />
Toi, toujours plus changeante<br />
Que l'on cherche à sonder<br />
à exploiter autrement<br />
Tu vacilles de grillages en libertés<br />
de carcans en nudités<br />
Tu oscilles dans l'éclatement<br />
de l'étonnement<br />
Inutile de te prendre, de te capturer,<br />
La fausse mensongère qui invente, dissimule;<br />
veut sortir un instant, halète, supplie,<br />
gémit - cendres et flammes<br />
avec profusion de Néant<br />
J'étais toi, de toi à moi,<br />
habitudes qui coïncidaient avec l'orgasme cérébral<br />
pour des sortes d'effractions éphémères<br />
Fulgurants coïts ou piétinements littéraires<br />
1338
d'agencements ;<br />
- de nuit, phosphorescent et mielleux en neiges<br />
sanglantes<br />
S'allonger, s'étirer comme une muqueuse sensuelle<br />
et sexuelle; avec sécrétions - pour la très lourde<br />
inquiétude de n'obtenir RIEN<br />
Regarde où j'en suis – exclu ;<br />
Accouplons-nous en nuits chatoyantes et dorées<br />
Encore, en vain, en de si nombreuses lignes<br />
inutiles ou perverses<br />
Ô toi, tombée dans le mental pour ce peu<br />
Moi, je t'accompagne avec de méchantes douleurs<br />
les plus profondes - sombres<br />
Deuils, deuils et morts,<br />
en décalage, sans stabilité,<br />
les tiens, les miens, à personne<br />
toujours dans notre attente…<br />
1339
*<br />
Accroché à la fièvre plongeant dans l'ire<br />
Affûté de couteaux<br />
des petits monstres courent dans ma mémoire<br />
Flux, poussés, lancés,<br />
Ténèbres et phosphores,<br />
neurones et chimie<br />
Rimaille qui rime à quoi ?<br />
(Ils dansent encore, tes petits monstres !)<br />
La fièvre, l'ire, la volonté floue<br />
Considère l'acte qui t'impose à manier,<br />
Guide l'instinct, imite le repos du poète<br />
Puis, goulot et corps planté dans la terre du poème<br />
recherchant mes puissances,<br />
aux livres lié<br />
réactions d'écriture, crache<br />
Autre séquence :<br />
1340
N'ayant-jamais-voulu-être-lu,<br />
digne de l'oubli, spéculation en soi<br />
Donc toujours cette fièvre<br />
Consume-toi, imite-les<br />
Travaille.<br />
1341
Hymne au Divin<br />
Combien en cercles, toi pensé et repensé<br />
en éternité de vrai, combien<br />
Source d'amour intense, - sur la parabole<br />
en interfaces, en confidences, avec la similitude<br />
Par la profusion d'essence, par le souffle<br />
- cohésion réelle et force !<br />
Tu vois là-haut, - moi-même<br />
et donner le Sel et l'Évangile<br />
La plume à apprendre - pourquoi ?<br />
qui se dit à soi-même : poète raté<br />
sans rareté<br />
Toi, sommité de savoirs et merveille !<br />
1342
*<br />
Figure où le vide<br />
figure sans mémoire<br />
de lumière déplacée vers un autre centre<br />
jamais utile pour nul éclairage<br />
Figure où l'image se penche dans le vide<br />
et renvoie l'éclair fugace de grains d'éternité<br />
Lumière/ renvoie pour atteindre le lieu<br />
En poussées obstinées<br />
d'insistance puissante<br />
Formes sacrifiées à l'inutile<br />
de tiédeur de rien<br />
de souvenances dérivées mornes couleurs<br />
qui se désintègrent<br />
Je crois aux illusions<br />
1343
*<br />
Langeur. Douceur. (Ceci est un commencement)<br />
Petites tornades de plaisir. Efficience en plus.<br />
Comment ont-ils ? Comment ont-ils ?<br />
Se débusquer des albums très anciens.<br />
(Ceci est une manière de voir)<br />
Apeurés, effleurant le vent.<br />
La médaille, et mon optique.<br />
(Engrange le délire)<br />
Je te propose à foison.<br />
(Mais ne pas en rire serait meilleur)<br />
Puis le flot de particules - à extraire,<br />
Tout cela est tendu, à rire - tendu - ris<br />
Il dit à peu près : " Manquement dans l'Azur ".<br />
Passe par en dessous, joins-toi, joins-moi, et à nous deux ?...<br />
Partout l'humide. L'humide dans le sec.<br />
Empilés sur des rayons. Mais pourquoi ?<br />
1344
Je te fais cercueil. Tu triches.<br />
La potentialité-tornade dans l'aube des interdits.<br />
(Il vise à quoi avec ces impossibles à gérer,<br />
avec ces contradictions insensées ? - freiner la conscience)<br />
1345
*<br />
Entre dans toute joie :<br />
(Mise à la disposition du vers pilé)<br />
d'une clairière uniquement chancelante.<br />
Cé<strong>pages</strong>. Arbrisseaux. Écobuages.<br />
Donc le balancement des idées.<br />
Les sublimes soupirs à ébaucher - le tintamarre<br />
plus que parfait.<br />
En toute gratuité, pour nul connaisseur<br />
L'entrelacement des triangles :<br />
Pensées-applications-lecteurs,<br />
D'autres triangles.<br />
Je reviens à ton a-forêt, pipeaux sylvestres<br />
tes gradins d'écriture,<br />
base et élévation - monte<br />
Mais l'a-forêt ?<br />
Toi dans le lieu, nulle âme autre<br />
1346
La tienne seulement<br />
la goutte perle, se distille.<br />
Nulle célébration du lieu,<br />
mais la goutte -----) qui est signe.<br />
Cela s'accumule, n'est-ce pas ?<br />
Parc, sentiers, squares corrects -----) je<br />
te dis que l'œuvre avance, que le tout<br />
s'organise. Tu ne sais pas lire ?<br />
Tout est construit - qui voudrait s'y promener ?<br />
1347
Suites / Relances IV<br />
Parce que tu changes<br />
- encore toi - tu n'es pas la plus changeante<br />
mais tu balances de toi à moi<br />
tu oscilles de pensées en extases<br />
étonnement toi<br />
de soumissions en exaltations<br />
De t'accompagner<br />
à la poursuite de l'inutile peut-être<br />
pour saisir l'instant au dehors puis revenir<br />
Tu n'y étais pas, tu habitais l'éphémère<br />
nos coïncidences étaient fortuites<br />
De te tordre la taille<br />
pour la saisie aventureuse<br />
figurant coït ou danse de piétinements<br />
toute la nuit pour ta senteur embaumée<br />
de femme-miel neige de blondeurs etc.<br />
Élancements sensuels pour ta très mouvante<br />
1348
et délicieuse volte comme un orgasme enchanteur<br />
Oui, nous en de si nombreuses lignes versées<br />
et renversées pour l'accumulation du rien,<br />
pleurs de pluies de fille gémissante,<br />
je m'emporte avec toi<br />
Puis je tords, je fouette ta chair et<br />
pour des douleurs et des jouissances aussi<br />
Sexe-poésie, poésie-sexe d'écriture tendancieuse<br />
qui est pourtant mienne, fille que je conçois<br />
par l'impossible imaginaire<br />
Toi à personne, en vérité à moi.<br />
1349
Suites / Relances V<br />
Accompagnant tes cendres,<br />
écrit Paul Auster,<br />
Oui, moi, l'Absent avec Autrui m'effaçant<br />
Le banni, l'exclu, l'inutile<br />
Chaque syllabe devient entreprise ardue<br />
L'encre est lourde à déplacer<br />
1350
*<br />
Tout n'est qu'illusions, qu'imperceptibles<br />
froissements d'écumes clairs<br />
Dans le souffle aérien qui s'éloigne<br />
poétique<br />
Vapeurs ou substances comme des gouttelettes<br />
invisibles qui dansent et s'en viennent mourir sue la feuille<br />
Entre mémoire et espoirs, doutes et refus,<br />
poussières à ressouder avec le passage du temps<br />
Et des bribes incertaines circulent encore,<br />
échos annonciateurs des poèmes à écrire...<br />
*<br />
Fragments imperceptibles animés<br />
d'un écho aérien,<br />
Souffles fragmentés par un esprit sourd.<br />
1351
Dans la lumineuse nuit invisible,<br />
l'or fondu en sourdes paroles coule<br />
ses segments incertains.<br />
Tu conçois maigrement en suivant<br />
ce ruisseau.<br />
Passe et repasse dans ta mémoire<br />
une solution d'écriture décevante.<br />
Le message construit n'a nulle emprise<br />
sur ta conscience.<br />
Des bribes que l'on jette comme des semences<br />
douteuses à la volée du vent.<br />
*<br />
1352
Reviens dans l'esprit,<br />
rejets, expulsions et Muse !<br />
Délabrements, exil<br />
avec la nécessité de l'être qui fuit...<br />
[Le savoir-faire pour l'opinion<br />
et la raison pour soi]<br />
Autrui de rien, autrui l'inutile !<br />
Donne-leur ce matin où le poème flotte<br />
où l'idée est soufflée comme étamine claire<br />
Accroche cela au ciel mauvais<br />
de torrents, de tornades et d'éclairs aussi<br />
Accroche cela, oui, avec des flores, des oiseaux<br />
des papillons d'extases et des folles nuitées<br />
Tous ces chaos fuyant dans des violences<br />
de particules - ça prétendrait former<br />
un poème logique de possibilités<br />
à entrevoir !<br />
1353
Te voilà mystifié, grommelant,<br />
homme à la parole coupée avec des yeux<br />
mouillés pour retourner vers l'intérieur.<br />
Parle, parle, poursuis ce monologue<br />
1354
*<br />
De clair arrondi<br />
Sous des poussières taciturnes<br />
Au sortir de l'eau<br />
Avec l'air fluide<br />
Parcourant quelque peu les tempes<br />
Mes adieux :<br />
Voyelles et sonorités interdites<br />
Ceci serait le vrai :<br />
Penser sans la douleur<br />
Par le truchement des verbes animés<br />
Encore chez soi, dans le mot<br />
Et question de question<br />
Pour réponses médusées, détournées,<br />
Obliques<br />
Parlant dans le silence<br />
Yeux ahuris cherchant<br />
Quelque torve lumière<br />
1355
Le vent inutile vient se briser<br />
Sur le front<br />
Flamboiement incertain<br />
Sur les lèvres inventives<br />
*<br />
Traversé d'espaces irréels<br />
Mon deuil<br />
De poètes morts mais présents<br />
L'esprit filant<br />
Pour quelques perspectives de vécus<br />
À la dérive<br />
Aperçu, mon aperçu, entrevu, là<br />
Spirale tourbillonnante pour<br />
L'agencement d'un poème nouveau<br />
Signes et le dire<br />
Sur la variable transparente<br />
Des mots qui s'effacent<br />
L'oeil critique au visage dur<br />
1356
Condamne la trace<br />
Le goût de l'inachevé<br />
Lettre contre lettre<br />
Dans le cristal de l'espoir<br />
1357
*<br />
Oui, accrochée à toi<br />
Par l'invisible lien de la mauvaise réplique<br />
Suppose : dans l'oeil de la vipère<br />
accrochée aux neurones défectueux<br />
- Pour l'élixir, et la soupente mène au Néant.<br />
Poursuis l'explosion délicate et absurde, existe<br />
entre trois balbutiements verbeux.<br />
Il s'asseoit sur son trône, prince ridicule<br />
imbu de soi, mièvre et médiocre - il s'asseoit.<br />
Il prétend : ses victimes, cuisses ouvertes, sexes béants,<br />
trous d'extase - à la naissance de la folie...<br />
Les poignards s'enfoncent dans la chair à critiquer<br />
- Fantômes, ennemies, au-delà - et ce Dieu,<br />
dangereux et puissant - que dira-t-il ?<br />
*<br />
1358
Choses de soie fragiles<br />
Mots plongeant dans l'amertume de la vie<br />
Filiations souterraines d'œuvres en œuvres<br />
coulant dans la lumière invisible<br />
Je tremble couché contre la mémoire<br />
Le souffle multicolore gerboie sa flambée<br />
d'extase, pourpre, hallucinante<br />
Tu ruisselles dans les méandres boueux<br />
de l'interdit<br />
Le message éclaté en rimes de rumeur<br />
se déteste, s'exclut, se vide<br />
Ne reste qu'une trace fluide filant vers l'inconnu<br />
1359
MORCEAUX CHOISIS<br />
TOME IX<br />
ANNÉES 01-02<br />
Pensées sculptées 01<br />
Surgissements 01<br />
Résidences 01<br />
Endormies sur le feu 02<br />
Emergences 02<br />
Lignages 02<br />
1360
Pensées sculptées<br />
ECHOS D'ORGASMES<br />
Il y avait ce moment, goût âcre d'une fraîcheur non démise et<br />
pourtant sensuelle. Une fuite exquise dans la jouissance cérébrale, - il y avait.<br />
liqueurs sexuelles.<br />
Vaguement exquis dans ce dénuement de taffetas et de<br />
Le plaisir somptueux bariolé d'orgasmes enchanteurs, dérivé<br />
sur la haute partie - et soudain, le déchirement.<br />
Vaguement évasif, dans l'évanouissement de l'homme,<br />
d'humeur explosive pour le karma idéal.<br />
vulgaire, il pousse, mugit.<br />
À toute heure, sous la chair, contre la graisse besogneuse et<br />
Mon cher amour, pour quelques spasmes déclencheurs de folie<br />
maîtrisée - et ci - au plus profond - pour rien ? Pour ? Indécelable fonction<br />
génitrice.<br />
1361
Cependant l'autre fuite, vers l'extase saccadée, en rythmes<br />
fougueux - que sais-je ? en parades d'excréments et d'urine, et d'éjacs faciales<br />
pour ton bonheur, ma splendide soumise en porte-jarretelles !<br />
côtés.<br />
Encore moi t'attachant, chaînes pieds et mains, dors à mes<br />
Un vent insignifiant roulait ta chair délicieuse. Faiblement le<br />
bruit des parois dans le matin. La voix désenchantée suppliante, implorante<br />
l'orgasme libérateur.<br />
La quintessence d'une jouissance extrême, folie de feux<br />
explosant - gémissant dans des hurlements de supplices bienheureux.<br />
Toi, constamment et encore - Toi.<br />
de lumière filant et clair.<br />
Soudain, ce dernier rêveur illuminé et nu dans un rai d'élans,<br />
vide. Qui sait ?<br />
Déchirement de squelettes inquiets à la fontaine ombreuse et<br />
Le feu et les œillades tourbillonnant. Mais ton songe complexe<br />
1362
est couleur chaux.<br />
Céleste froissement dans l'arcade de l'élan vert. Et toi, que distu<br />
?<br />
L'imperceptible cillement de lumière, écrit Gracq parmi les<br />
intervalles et les palpitations molles. Est-ce ta carence veineuse ?<br />
L'affaiblissement sexuel, et là-bas hagards les pensers<br />
voltigeant paresseux. Un vent pousse l'orgueil à se taire - à se suffire de rien.<br />
- parfumée de cannelle.<br />
Tu roules ta poitrine égarée, mielleuse et repue d'haleine suave<br />
Une autre pulsion physique.<br />
Très claires, se ravivant dans l'espace, deux chairs dressées,<br />
combat de proue, et vagues infinies fuyant.<br />
supplier encore.<br />
Claire et lente émergence vers le visage taciturne qui semble<br />
Espace et chair, espace qui se remplit d'odeurs âcres et<br />
vagabondes dans l'aurore du plaisir.<br />
1363
de jouir encore.<br />
Nonchalante après le Zénith de l'orgasme suggérant la volonté<br />
L'imperceptible fuite et l'horizon hagard se déplaçant sur ses<br />
nuées d'extase - là-bas, plus loin, ailleurs...<br />
Les flux de lumière s'éteint dans l'air cristallin, la fraîcheur<br />
vive s'exalte dans la fluidité matinale. Quel maître laboureur pour former le<br />
tableau ? Quel ?<br />
Céleste froissant son pourpre dans l'opale interdit ?<br />
ciel chargé; et pourquoi ?<br />
Les boules cotonneuses et jaunes comme suspendues dans ce<br />
1364
*<br />
feu.<br />
Pour oublier, dans la variabilité de la nuit, déjà l'éclair et le<br />
encore.<br />
Avant que la folie ne t'émeuve, avant. L'esprit fluide s'égaie<br />
De l'espoir, au plus bas, - renversée, retournée quand elle<br />
s'essaie à quelque tentative désuète. Et toi, parfois. Avec des circonstances,<br />
des possibilités ocre ou ternes - toi, aigri, filant, justifiant de sombres délires.<br />
il s'interroge encore.<br />
Je m'appuie sur ton souffle. Mon ciel est chargé d'incertitudes,<br />
Poème après poème, contre l'épaule, - l'élévation, dans mon<br />
lointain, et nos orgasmes dévastateurs.<br />
fadeurs extrêmes.<br />
La grasse terre, aujourd'hui - toi et l'entourant, avec quelques<br />
Ce fut un arrêt, un retour, une mégarde - je l'ai franchi, je<br />
t'attendais - dans l'aurore crépusculaire de l'âme - de confusion : je me savais.<br />
1365
Refusé, encore, ici. Et le miroitement indécent du ciel. Je<br />
n'avais pas vu. Je me repose. Quelque chose s'éclaire. Fulgurant !<br />
...Éblouissements.<br />
retournes - voltes sur toi-même.<br />
Dehors ! Et tu demeures dans l'incertitude de ton tourment - tu<br />
*<br />
Dans l'extase - elles s'élèvent, ces filles bleues, avec ruissellements d'orgasmes<br />
- transpirant leur plaisir.<br />
Les touffes jaunes bondissent, des silhouettes élégantes<br />
circulent dans le feu du cristal, et là-bas accrochées à d'autres fluidités, - ce<br />
sont nos orgasmes orgueilleux et moqueurs.<br />
Mais le baiser fondu pour d'autres épreuves, en poussière<br />
d'orange salive quelque peu. Des supports de chair, de filles dangereuses nous<br />
harcèlent parfois.<br />
Éclairé par l'ange dans l'évidence du nuage.<br />
1366
*<br />
Jusqu'à l'ostension de ce résultat<br />
insignifiant - poésie de moi, de rien.<br />
Fustigeant mes figures, fustigeant retournées<br />
que peu les cherche, que peu.<br />
Encore l'éclatement bariolé rempli de saveurs.<br />
J'arrache, tu es devancé, liant les moindres mots -<br />
le mouvement est ajourné.<br />
Qui file sous les pas, - seulement, comme du regard -<br />
j'accueille le nouveau jour.<br />
La pensée, en poudre et lui-même, éclaté éclatements<br />
pour une suspension de l'image.<br />
À travers, dans la fuite, de ce qui donne,<br />
une foule d'humeurs.<br />
flanqué d'une fraîcheur<br />
Mais tu vois, je cours, je dors aspiré par le vent,<br />
1367
*<br />
Sur la fluidité de l'extase, pour l'orgueil des passions, pénétrant<br />
l'interdit, éclairée d'une danse, - et sans fin ! quoi ? D'Eléonore<br />
voyageant exaltée, tourbillonnant encore.<br />
1368
*<br />
À terre, ici, rien<br />
nul gerboiement<br />
nulle apothéose d'aurores<br />
de femmes ou d'élixirs<br />
Collés à l'oeil, - de peu, d'espoirs<br />
de finitudes - inutiles<br />
Pour l'orgasme personnel<br />
la moisson utopique<br />
Et tout ce qui demeure<br />
d'étrangetés<br />
mis en nous, hors de nous<br />
pour l'éclatement des astéroïdes<br />
infiniment peu là caché profondément<br />
Et ricochant encore dans la pensée diffuse,<br />
allègre ou mensongère<br />
réinventant l'écrit,<br />
déplaçant le vrai<br />
1369
Innovations ridicules de maigre littéraire !<br />
Cette non-profondeur et ce non-souffle<br />
Pas de.<br />
Sans. Le rythme sonore s'éclaire<br />
toutefois pour égayer la médiocre ligne<br />
Et toi, enveloppé de feu, d'extase et de phosphore<br />
éclaboussé de poussière invisible,<br />
tu espères pauvrement le miroitement du beau !<br />
Eclaboussé de sang, d'élixirs, de phosphore<br />
et nul souffle ne s'émeut<br />
Il gît là cruellement éteint<br />
Au plus haut de son estime,<br />
dans les bas-fonds du Moi<br />
1370
*<br />
Peut-être nue<br />
Tes vocalises d'orgasme répandues dans la fraîcheur<br />
Le souffle des roses<br />
La chair glisse au point ultime du non-moi<br />
Je fonds dans l'oubli y retrouvant tes aises<br />
Le coeur au fond du gisement espère y chercher<br />
l'émoi répandu<br />
La rumeur de nos haltes, les souffles accélérés,<br />
les murailles<br />
incomprises, et ce subtil parfum qui s'échappe<br />
nonchalamment de nos âmes<br />
Nudité d'orgasmes littéraires inondée<br />
de rumeurs sensuelles<br />
Sur les bords, à l'intérieur se rétractent les flux<br />
de pensers chauds<br />
Nous sommes solitaires au fond de leurs chairs,<br />
1371
prisonniers des muqueuses<br />
Le plaisir illusoire sur des corps élastiques<br />
et la fuite inventive pour des combats nouveaux<br />
Tu vois, j'agonise selon ta félicité<br />
1372
*<br />
En deçà, la lumière bleue parfois vacillante - la mienne,<br />
intermittente qui se love contre l'esprit<br />
Dans la forêt de l'intelligence se répand<br />
une femme douce et généreuse<br />
Pour restituer le chemin à suivre, la lente avancée<br />
avec le doute et ses extrêmes<br />
Bien sûr ! Jamais ne pars, je fonds dans sa trace<br />
pour l'écriture hachurée<br />
Elle s'obscurcit puis s'éclaire par la flèche évocatrice<br />
et s'effondre dans les buissons épineux<br />
Paroles, paroles appliquées comme une gerbe<br />
phosphorescente - c'est une fuite vers l'avenir<br />
Mais quel espoir pour être ?<br />
1373
*<br />
Le surcroît, plus fort dans la construction de l'homme<br />
savant, de l'homme sachant.<br />
Mots appelés, les plus tendres, pour une part,<br />
dans l'éveil.<br />
Aujourd'hui encore, apparition claire, tourbillon<br />
ou écharpe d'inconnue à saisir.<br />
Poussée, au-delà, élégante et aérienne, poudreuse,<br />
je te sais explosante, orgasmique, intermittente.<br />
Ce qui en revanche m'apparaît - dans le dédale<br />
des bas-fonds - à la recherche de l'origine.<br />
C'est certain : quelques lacunes - les miennes,<br />
les tiennes -<br />
en plénitude de mensonges, d'erreurs, de bêtises,<br />
de calomnies.<br />
Le rêve qui se poursuit, ensanglanté dans son apothéose<br />
- le rêve oublié, vomi, rejeté, retranché, exclus.<br />
1374
Chaque fois de se dire : haut mutisme<br />
interdit, soporifique,<br />
fuyant dans l'inutile et pourquoi ?<br />
*<br />
Suspendue, ailleurs, de toi à moi pour ta jouissance<br />
de fille perverse.<br />
L'indice de ton plaisir, fille araignée pulpeuse et<br />
démoniaque quémandant quelque folie sexuelle pour<br />
un orgasme éclatant.<br />
Loin dans cette hauteur de spasmes, j'observe ton vice<br />
ton plaisir, le droit de ton corps, ta chair hélas !<br />
Hurlant dans les soupirs, les mains entravées, les lèvres<br />
balbutiantes, rouge et salive, - tords-toi, gémis, crie, aime et<br />
supplie encore.<br />
De vertiges, d'éblouissements internes, de fuites<br />
permanentes, oui toi dans la quête de la chair inassouvie.<br />
1375
Au peintre Mathieu<br />
Éclairer l'ombre même, le noir inoffensif<br />
Des rais foncés et rouges : l'orgueil des impuissants<br />
Suffis-toi de ces lignes elles circulent, elles éclatent<br />
Lance tes blancs tes crèmes invente des spirales<br />
Poudroie un sacrement qu'il explose à leurs yeux<br />
Condense l'énergie, va dans les fuites claires<br />
C'est encore un spectacle que tu veux inventer<br />
Cette création saura bien les surprendre<br />
Tous ces gestes magiques éclairent nos esprits<br />
Fuites, vitesses, vitesses vitesses encore dans ce<br />
Gerboiement de pensées éclatantes, avec ces flux<br />
Multicolores qui interpellent et nous imposent<br />
À considérer l'activité mentale, cérébrale<br />
Ou d'autres fuites ~ suites imaginatives<br />
1376
*<br />
Demeurée qui éclate figurines explosées expirantes<br />
Danse sur le soleil au proche des catacombes<br />
Pour la lune éblouie et là-bas l'extase<br />
Dans l'or de la voyance pour l'orgasme sexuel<br />
Finitude de plaisir corrompre mes destinées<br />
C'est étrange, cet infiniment et fuir à tout jamais<br />
Regarde, croise le sommet interdit l'élégance<br />
Ce ne sont que des Empires encore la corruption<br />
On te dit d'éclairer l'ombre des sémaphores<br />
Un éveil de phosphores la fille désenchantée<br />
Croître pour ta portée indigne et méconnaître<br />
Avec ce savant mélange qui ruisselle dans la nuit<br />
La folie médusée la haine entrouverte la peur<br />
Qui te dit au lointain que tu conçois encore ?<br />
1377
*<br />
Qui te dit d'expulser cette semence même<br />
Dans la fuite du vent l'élégance s'impose<br />
Eléonore s'élève et la fuite est certaine<br />
Légère en transhumance la belle s'élabore<br />
Contre la sphère pure, elle invente des courbes<br />
Des spirales, des lignes elle invente toujours<br />
Plus loin ce sont des anges dans l'évidence même<br />
Qui s'octroient des baisers de bouches purifiées<br />
Ce sont des robes claires dansant sur des nuages<br />
Sur des songes d'extase quémandant l'idéal<br />
La blanche haleine vole vers les doux précipices<br />
Les sombres arabesques cachées dans les pénombres<br />
Sillonnent nuitamment espérant un exil<br />
Plus loin dans le lointain à l'orée des mensonges<br />
1378
Surgissements<br />
Au-delà du sens, à la recherche d'un autrement,<br />
cassant la matière,<br />
restructurant la syntaxe, déplaçant le vrai,<br />
Et pour quels surgissements ?<br />
Au-delà du sens, ce que peut le non-signifiant<br />
ce qu'il prétend trouver<br />
autrement<br />
Encroûté, insistant, piétinant encore<br />
Contre le sens, le faisant exploser<br />
ou disparaître<br />
Et d'avancer pour aller plus loin<br />
là-bas j'y suis<br />
Prolonger, rajouter, soi sur soi,<br />
sans cohérence, sans organisation réelle<br />
1379
*<br />
De toi à moi<br />
que faire<br />
Ici en deux<br />
que je place<br />
et déplace<br />
À repenser<br />
Encore sur ta hauteur<br />
moi-même à élever<br />
Suspendu dans l'esprit de la réplique<br />
reprenant ton souffle<br />
avec la grâce de l'application<br />
unissant les choses libres et différentes<br />
Ma nuit et ton jour par frottements<br />
pour fluidifier nos différences<br />
et nos contrastes<br />
Ou plonger encore pour la très grande estime,<br />
descendu là dans le profond<br />
1380
Cela sera-t-il proche ?<br />
... Mais la substance qui coule en moi ?<br />
Essaie encore dans les extases<br />
pour les lointains<br />
1381
Résidences<br />
Entremêlées encore<br />
Entremêlées encore, s’accordant des formes vides,<br />
Des espoirs insipides, entremêlées encore pour un<br />
Joug d’écriture nouvelle, les filles s’élancent belles ;<br />
Une et mille, tissées et repensées dans l’éveil<br />
Du matin pâle, bouleversées en songe, oui<br />
Tissées ;<br />
progressivement en germe de romance qui<br />
Jamais ne s’atténue, en germe flottant à<br />
L’abandon et se voulant mourir d’extase.<br />
Le vent défleurit, défeuille là les nuées blanches,<br />
Les filles en volutes d’apparence semblent<br />
Disparaître, les filles supplient quelques gémissements<br />
Plaintifs.<br />
Dans quel arôme de sueurs, dans quels<br />
Tourbillons fluides les ingénues en battements<br />
D’ailes parviendront-elles à m’inspirer un peu ?<br />
1382
La fille bleue<br />
Repensé, calfeutré dans des délires optiques, -<br />
Inadmissibles. Ce souffle lancinant illuminant<br />
Mille grâces. Toujours en soi, cherchant pour<br />
Un ailleurs. L’esprit de fantaisie s’y décèle<br />
Toutefois.<br />
Avançons dans l’obscur avec traces<br />
Bigarrées - champ de tenseurs hautement im-<br />
Probables.<br />
S’en vient la fille bleue agrémentée<br />
D’espoirs, véhiculée sur ces tenseurs ou ces ali-<br />
Gnements incertains. Elle y déploie ses corolles,<br />
Ses zébrures audacieuses - elle y déploie…Et,<br />
Moi supposant, déplaçant, soufflant, rechignant,<br />
Hurlant encore. Accorde, je te prie, quelque zèle<br />
Libérateur à cette lourde main qui trame<br />
L’impossible et toujours se déçoit en sa lutte.<br />
1383
*<br />
De prophétie et prédit en passant à toi,<br />
De<br />
Dit vers le haut<br />
Paul Celan<br />
Reste charitable - dans la tourmente des excréments et dans les<br />
rancœurs de l’impossible - reste charitable !<br />
Bouillonnant dans ta haine, réconcilie-toi un peu, apaise ces folies<br />
excessives - apaise !<br />
Il est vrai que cela dérive à l’infini, que le tout semble capturé audehors.<br />
Lèvre pendante agrémentée de fiels et de folie - il te plaît de baver<br />
quelque chose, et dans ton âme parfois tu souris.<br />
Là ainsi - pour l’autre monde également.<br />
1384
L’une d’entre elles suspendue<br />
Filles saccadées dans l’exorcisme du Mal,<br />
Perçues dans l’œil - filles sifflantes et suppliantes,<br />
L’orgasme est à construire !<br />
Arpentez l’âme,<br />
Traces de vers, enroulée maintenant dans<br />
Votre folie vibrante. À plus jamais, oui<br />
Portées dans l’obscur pour cet immense tissage<br />
Irréel !<br />
L’une d’entre elles suspendue aux neurones<br />
De la conscience. Nous habitons dedans. Respire<br />
Pour qu’elle se détache, conseille Paul Celan.<br />
Voix pénétrantes à l’intérieur, voix pour construire<br />
Et pour se libérer de l’emprise mauvaise, il est doux<br />
D’avoir filles claires élaborées dans son Temps.<br />
Quand une giclée vicieuse venue de l’Inconnu<br />
Déchire le bel ensemble aboli à jamais.<br />
1385
Le feu<br />
Silence comme femmes en fusion, silence<br />
Dans des mains transpirant des cendres chaudes<br />
Elles, bénies sous des flammes de soupirs, gémissantes<br />
De scories, hurlantes dans le feu passionnel<br />
Brûlées et encerclées de flammèches, de che-<br />
Velure volante, habillées et nues, habillées<br />
Par la danse des flammes - toujours en soupirs<br />
Et implorant l’extase de l’orage, mais le feu.<br />
Encore le feu pour les faire jouir - ces lueurs<br />
Rouges et écarlates dans la mouvance du vent<br />
Toi, forgeron sous un flot de vin, effrayante<br />
Fumée d’extase et de délire, te voilà<br />
Calciné dans tes poussières de fantasme, ramassant<br />
Pelletées de femmes irréelles et pourtant vivantes.<br />
1386
Encore qui germe<br />
Encore qui germe ~ formes d’avenir alanguies ;<br />
Des voix, et je parviens vers Toi. Toujours en ma de-<br />
Meure. Mêlées et démêlées, filantes. Il est là,<br />
Il émerge. Cette survivance. Un et mille - je<br />
Vous offre le Tout.<br />
Saisis pour figurer l’oubli,<br />
Esprit, écris - Pensée, éjecte. Pour ces grands<br />
Aveugles - des lignages incessants. Dans l’œil<br />
Du poète, cette lumière assourdissante, bondissante<br />
D’ennuis et d’espoirs.<br />
Les yeux éclaboussés.<br />
La pensée en dedans. L’audace qui voltige.<br />
Sur le bord de l’abîme. La réalité chancelante.<br />
Filles, flores, éternelles, revenez nourrir l’âme<br />
Désinvolte - redressez cette lourde masse de<br />
Chair spirituelle qui ploie fatiguée par les ans.<br />
1387
Le vieil Éros<br />
Lignages<br />
Ô Éros fatigué comme un sexe lointain, nourri<br />
D'odeurs délétères oubliées,<br />
De toutes ces manières sublimes et sensuelles<br />
De pures obscénités sillonnent mon âme.<br />
Une à une, polygamies plantées dans un gouffre<br />
Abyssal, fermetures blondes ou noires.<br />
Déjà la fièvre va se dissipant,<br />
Il semble bon de cultiver sa mémoire :<br />
De grandes beautés inouïes tapissent<br />
Un horizon lumineux, et des jouissances rauques<br />
De sauvages défonçages, de concupiscence<br />
Activent un désir passionné.<br />
Qui vont errant se touchant ces mains miennes<br />
Et tremblantes encore !<br />
Vérités douces d'humus et de lèvres chaudes,<br />
1388
De duvets et de rondeurs intimement aimés<br />
Ou d'agressions heureuses !<br />
Belles en sursauts sporadiques puis de chairs<br />
En décombres, alanguis sur les lits après les<br />
Humeurs défaites !<br />
Ô mes amours, vous supposant, amours de vertiges<br />
Dans mon vaste amphithéâtre périmé !<br />
1389
Les soupes tisanières<br />
Encore, de toi à moi, - qui suis-je ? Excellent<br />
Nœud enchevêtré de circonstances désobligeantes<br />
Et obséquieuses. Gloires modiques et indices de<br />
Suffisance. Échos de redites en déplacés, échos<br />
Perturbateurs et mensongers. Les prémices de la révérence,<br />
C'est l'art de l'esquive dans les soupes tisanières, sorte<br />
De repas de circonstance. " Insistez, venez voir",<br />
Imposent-ils ! Pour réduire, décomposer et limiter<br />
À l'extrême.<br />
Ô forces sublimes, pour laisser un renom !<br />
Se réduire à soi-même sous une ombre ignorée, quel-<br />
Ques rais de culture disséminés ici et là, une<br />
Fugace vie qui s'achève déjà - n'est-ce point la<br />
Raison que l'on doit implorer, bien éloigné de tout<br />
Ce brouhaha confus, inutile et fastidieux ?<br />
1390
Reconstituer la Vérité<br />
Je reste constamment enfermé en moi-même comme si cet espace<br />
insignifiant allait me permettre de reconstituer la Vérité.<br />
Toujours plongé, à la recherche de la lumière où le soleil fond<br />
comme une éclipse. Des labyrinthes épais ouverts sur des portes en<br />
trompe-l’œil. Je cherche pourtant. Je veux fixer l'immobilité du Réel<br />
sachant toutefois que cela est mensonge.<br />
J'avance dans mon silence espérant y entendre le Cri. Encore,<br />
encore je suis immobile. J'impose à mon esprit de mieux penser.<br />
Halluciner est un moyen. Les Temples s'ouvrent devant mes yeux.<br />
Ces espaces, ces espaces pour comprendre. Tu t'es enfoui dans<br />
l'intimité du Moi. La nuit est claire. Elle te nourrit de subtils savoirs.<br />
J'abandonne mes pas poussé par une errance, titubant, titubant,<br />
avançant toutefois, quand une jetée de cendres me recouvre entièrement<br />
pour me plonger dans mon Néant.<br />
1391
Elle ajoute<br />
En purifiant, elle ajoute ~ abstractions,<br />
Symbolisations, simplifications, ~ elle ajoute.<br />
Les procédés ~ se pourfendre dans le vide ~<br />
S'éclairer, s'éblouir dans son Néant. Elle<br />
Précède la lumière, elle anticipe la source.<br />
Isolée, elle organise son désordre, s'invente<br />
Un impossible à atteindre, construit sur l'a-raison<br />
En liberté propre ~ sa liberté !<br />
Alliée<br />
Et solitaire, qui voudrait la caresser ? Qui s'en<br />
Soucierait ?<br />
Comprendre, penser et aller outre en<br />
Sensibilisant autrement le langage, voilà les<br />
Effets à tenir.<br />
Mouvements des ondes créatives<br />
Incomprises et fuyantes, - espaces, espaces<br />
De l'invention où l'énergie doit se déployer.<br />
1392
Promptitude, attention souhaitées<br />
Promptitude, attention souhaitées<br />
Accumulation de points, de signes - ils ont été numérisés<br />
pour passer de paroles ennuyeuses à des applications abstraites<br />
Convertibilité d'images au moyen de rapports<br />
Recherches encore pour la symbiose ou la symbolique déplacée<br />
Créant une structure vide et inutile pour un seul exploitant<br />
Moi toi, tu es là : ta pensée s'ouvre, toi suspendue dans l'espace<br />
que tu conçois déplaçant les stations successives du temps et de la<br />
création<br />
Les distances et les limites forment des cobordismes douteux<br />
1393
Hors lieu en moi<br />
Hors lieu en moi qui déjà s'incline comme une fleur-pensée offerte<br />
doucement - et cette pluie gracile où s'évaporent de tendres baisers -<br />
dans cette pure clairière l'air sylvestre est un enchantement.<br />
Ô sucs, sucs de mon aube déjà mourante, le miroir tremble à<br />
l'approche de l'été. Fugues, fugues lointaines infiniment dormez,<br />
éternités d'espoirs, d'espoirs à oublier.<br />
Là-bas une femme impossible semble apparaître, nue, vêtue d'une<br />
voilure bleue à la chevelure de feu - elle glisse sur le lac invisible.<br />
Tout à coup un flot de sang renverse l'éternel paysage et l'image<br />
enchanteresse disparaît dans mon Néant de poète ignoré.<br />
1394
Sveltes et d'autres<br />
Sveltes et d'autres se sont baissées en demi-tour -<br />
Apparat de leur corps - filles, femmes - seins<br />
Habillés, et de fréquents parfums odorants - laquées<br />
À toutes sortes de sèves salvatrices et génératrices.<br />
Des désirs d'intrusions subis - remerciements - remercie-<br />
Ments - cette chair alourdie par l'éternel<br />
Balancement nonchalant, idéal de rêve.<br />
Encore l'apothéose de deux sculptures endiablées<br />
Par le sang, la salive et les membres.<br />
Et je dois<br />
T'enjamber sur ces coussins bleus et blonds de rêves, de<br />
Dispositions et d'enveloppes de corps - finitudes que<br />
Nous pensons en élixirs d'orgasmes, en butées interdites<br />
Pour retenir cette folie cruelle du temps ou fuir<br />
Ce vieillissement outrageant, insulte à ta beauté.<br />
1395
Finira-t-elle<br />
Finira-t-elle en lèches infinies, en<br />
Si seulement en ~ degré de vassalité de<br />
Toi à moi. À se prendre mutuellement.<br />
Jusqu'à cette toilette nocturne imbibée de<br />
Sécrétions et d'alcools légers.<br />
Seras-tu en<br />
Vieilles friches, en muqueuses éclatant quelque<br />
Sang perdu, en maladroite et noueuse, seras-tu ?<br />
Vers ces crevasses insipides parfois auréolées de poils<br />
Pubiens, vers ~ et comment te nommer ? ~ Pour te<br />
Peindre avec la disjonction de nos appels ~ de ces<br />
Rondeurs interdites qui m'obsèdent. Sur ces<br />
Dérivations normales, il est doux de transgresser pour<br />
Atteindre cette distinction d'orgasmes. Allongée, suant<br />
Et sucée poursuivant les immondices charnels vicieux.<br />
1396
MORCEAUX CHOISIS X<br />
Endormies sur le feu 03<br />
Les roses ensevelies 04<br />
Substances et Distances 05<br />
VARIANCES 06<br />
1397
Endormies sur le feu<br />
Grande pensante<br />
Ô silence, ô silence, dans l'or de l'exploit<br />
Fustigé ! Grande pensante ! Grande pensante !<br />
Qu'en est-il ?<br />
Déjà, là-bas une silhouette fine et désinvolte<br />
Un moi-même ami qui me permet d'écrire,<br />
Un moi-même ami...<br />
Silhouette claire et belle comme une réplique<br />
Mentale, une réplique de l'esprit<br />
Et toi, bariolé d'images inutiles,<br />
Essayant, produisant encore<br />
Pour d'infimes stupidités... stupidités...<br />
J'ai tendance à te suivre,<br />
Je vais dans l'inconnu, ton inconnu<br />
Déglacé, souriant, feignant à l'exalté,<br />
1398
Je persévère ma douce Eléonore<br />
Toujours décidée à me suivre ? Toujours ?<br />
1399
Qui m'amène en ce lieu<br />
Qui m'amène en ce lieu abject et insolent ? Qui<br />
Produit outre quelque substance novatrice, salvatrice,<br />
Qui produit ? Il y a cette grande ambiguïté - elle<br />
Dérange, interroge, - on rejette - on fuit.<br />
C'est la manière - comprenez-moi bien. C'est cette<br />
Manière aberrante, audacieuse, au-delà du pos-<br />
Sible - il ne s'agirait ici de parler de poésie...<br />
Elle crie vers moi : prends-moi. Je suis suppliante,<br />
À genoux, prise, reprise et soumise. Elle quémande<br />
Encore quelque saveur aigre ou vicieuse. Quémande.<br />
Je ne suis pas malade. Que disent-ils? Non. Je suis<br />
À toi (La voilà qui pense dans son délire optique<br />
De femelle prise) -<br />
N'aie crainte. Nous poursuivons -<br />
Te dis-je - Eléonore transpire dans l'air incolore.<br />
1400
De grandes fluidités<br />
De grandes fluidités mauves envahissent l'horizon poétique puis<br />
vont se dispersant sous la tiédeur endormie.<br />
Qui erre ici et là dans l'oubli fatal de l'infortune ? Pour l'amour<br />
infini interdit, es-tu ma délivrance ? Une vive éclaircie dans le lointain espère<br />
quelques flamboiements extrêmes. Sont-ce des illusions du tout au tout, du<br />
supposé possible à la rumeur absurde ?<br />
sporadiques ?<br />
Ou de chastes soupirs ~ de purs alanguissements ~ des sursauts<br />
Vous, dans cette diaspora universelle, ô comètes de l'esprit - je<br />
veux vous rassembler dans la synthèse subtile pour un bégaiement aléatoire.<br />
Qui invoqua ces pseudo répliques mentales, ces intercesseurs de<br />
l'écriture, ces génies de la syntaxe ?<br />
Au plus profond du Moi, quelqu'un y songe à mes dépens.<br />
1401
Pénétrant, et cette fièvre<br />
l'élan<br />
Pénétrant, et cette fièvre pénétrant dans le flou, dans la haine, dans<br />
mais pénétrant encore<br />
de soi à soi<br />
Là, là encore dans les flux et les élans, dans les poussées incolores<br />
Oui, mais en dedans<br />
Mémoire pensée et repensée pour cette fluide ténèbre j'avance<br />
songeant à déplacer, à reconsidérer ce décor de décrépitude<br />
Par mille profondeurs, en d'autres lieux internes te guidant - et tu<br />
réponds par le regard en avançant<br />
D'impossibles, de riens à reculer là ici déplaçant le repos<br />
l'ombre de mon corps<br />
Oui cette forêt de liens indéfaisables puis ramilles légères - dans<br />
fuyantes et ronces<br />
Mélange de lianes, de fougères, d'élans de branches entortillées et<br />
1402
Moi ayant toujours cherché et visitant<br />
Dans le néant de mon extase, je m'illumine encore<br />
1403
La belle obscure<br />
De toi à moi, l'obscur - dans le foisonnement<br />
Intérieur - l'obscur. Que viennent tant d'ombres<br />
Sombres et d'obscurs ! Pour que surgisse la<br />
Lumière claire enchevêtrée d'amoncellements<br />
De synapses dans l'immense luxuriance du don !<br />
Et paix sans l'accomplissement du Moi, paix tandis<br />
Que croît, s'élance et se fortifie la ramifi-<br />
Cation de feuillage obscur ! La belle en glissades<br />
De courbes, en fuites éperdues, en élans in-<br />
Cessants, en délires de dires et pour l'écrire - l'obscur !<br />
Ne te précipite pas, ralentis cette course folle et<br />
Figurative, ou plonge encore dans l'immanence<br />
Insouciante de la raison, dans la vasque remplie<br />
De saveurs et de haine, d'amour et d'infini.<br />
1404
Suspendue dans le feu<br />
Suspendue dans le feu, cette fièvre rougeoyante<br />
Avec flux de pensées, toi ta danse scabreuse<br />
J'avance en songeant, je guide ton génie<br />
Du moins je le prétends. Ta beauté corporelle<br />
De femme lascive soumise et quémandante...<br />
Je te reprends encore<br />
Ta chair, le puits profond,<br />
Corps défait, lié, ma fuite dans ton amertume<br />
Gémis, craintive, gémis avec gène adécoïte<br />
Mon regard désireux espère quelques suppliques<br />
Je m'évanouis en toi, j'arpente tes méandres<br />
Au profond, dans tes labyrinthes, tes issues<br />
Interdites, impossibles, parcourant, parcourant encore<br />
Ainsi je cherche en toi d'impensables secrets,<br />
D'inimaginables délires - l'absolu du poète !<br />
1405
Entremêlées encore<br />
Entremêlées encore, s’accordant des formes vides,<br />
Des espoirs insipides, entremêlées encore pour un<br />
Joug d’écriture nouvelle, les filles s’élancent belles ;<br />
Une et mille, tissées et repensées dans l’éveil<br />
Du matin pâle, bouleversées en songe, oui<br />
Tissées ;<br />
progressivement en germe de romance qui<br />
Jamais ne s’atténue, en germe flottant à<br />
L’abandon et se voulant mourir d’extase.<br />
Le vent défleurit, défeuille là les nuées blanches,<br />
Les filles en volutes d’apparence semblent<br />
Disparaître, les filles supplient quelques gémissements<br />
Plaintifs.<br />
Dans quel arôme de sueurs, dans quels<br />
Tourbillons fluides les ingénues en battements<br />
D’ailes parviendront-elles à m’inspirer un peu ?<br />
1406
À la recherche de l’élixir de grâce<br />
Non à la trace mélodieuse constellée d’esprits<br />
Noirs ~ écriture pensée et non dictée par<br />
Quelque saveur externe,<br />
Douteuse ~ et lisible à quel niveau ?<br />
déplacée dans la supposition<br />
La main s’octroie de fades aberrations et<br />
Prétend y démêler un invisible ~ parmi les<br />
Excès et les audaces.<br />
Consternant ce mur à<br />
Faire exploser en myriades de confettis pour<br />
Reconstruire des guirlandes obscures !<br />
Fait de<br />
Réparations et d’invraisemblances, de déjections<br />
Douteuses et de miasmes ridicules !<br />
Quand donc<br />
Nourrie de sèves salvatrices, régénéré dans<br />
L’autre solaire, parviendrai-je à constituer<br />
1407
Un élixir de grâce pour me faire pardonner mon ignorance<br />
1408
L’une d’entre elles suspendue<br />
Filles saccadées dans l’exorcisme du Mal,<br />
Perçues dans l’œil - filles sifflantes et suppliantes,<br />
L’orgasme est à construire !<br />
Arpentez l’âme,<br />
Traces de vers, enroulée maintenant dans<br />
Votre folie vibrante. A plus jamais, oui<br />
Portées dans l’obscur pour cet immense tissage<br />
Irréel !<br />
L’une d’entre elles suspendue aux neurones<br />
De la conscience. Nous habitons dedans. Respire<br />
Pour qu’elle se détache, conseille Paul Celan.<br />
Voix pénétrantes à l’intérieur, voix pour construire<br />
Et pour se libérer de l’emprise mauvaise, il est doux<br />
D’avoir filles claires élaborées dans son Temps.<br />
Quand une giclée vicieuse venue de l’Inconnu<br />
Déchire le bel ensemble aboli à jamais.<br />
1409
Le feu<br />
Silence comme femmes en fusion, silence<br />
Dans des mains transpirant des cendres chaudes<br />
Elles, bénies sous des flammes de soupirs, gémissantes<br />
De scories, hurlantes dans le feu passionnel<br />
Brûlées et encerclées de flammèches, de che-<br />
Velure volante, habillées et nues, habillées<br />
Par la danse des flammes - toujours en soupirs<br />
Et implorant l’extase de l’orage, mais le feu.<br />
Encore le feu pour les faire jouir - ces lueurs<br />
Rouges et écarlates dans la mouvance du vent<br />
Toi, forgeron sous un flot de vin, effrayante<br />
Fumée d’extase et de délire, te voilà<br />
Calciné dans tes poussières de fantasme, ramassant<br />
Pelletées de femmes irréelles et pourtant vivantes.<br />
1410
Entre l’or et l’ennui<br />
Entre l’or et l’ennui, le feu et la folie ~<br />
La nuit pour oublier, pour écrire ~ une poignée<br />
De syllabes ~ mes semences ~ je songe à la<br />
Volée d’extases inondant des filaments épais.<br />
A toi tes grâces et tes paroles dans le silence<br />
Profond et sinistre ~ dans le sang de l’absence<br />
Nourri de ton venin ~ suspendu à ton espoir<br />
Je suppose la pratiquant grandement. Poursuis.<br />
Encore la pénétrant, l’éclairant de mille audaces.<br />
Et toujours ces besoins de semailles dans l’âme<br />
Claire d’un matin en transis. Poindra-t-elle,<br />
Cette aube nouvelle, se soulèveront-ils ces soleils<br />
Qui émergent dans des océans sans fond ? Entre l’or<br />
Et l’ennui, le feu et la folie surgit l’Esprit !<br />
1411
Encore qui germe<br />
Encore qui germe ~ formes d’avenir alanguies ;<br />
Des voix, et je parviens vers Toi. Toujours en ma de-<br />
Meure. Mêlées et démêlées, filantes. Il est là,<br />
Il émerge. Cette survivance. Un et mille - je<br />
Vous offre le Tout.<br />
Saisis pour figurer l’oubli,<br />
Esprit, écris - Pensée, éjecte. Pour ces grands<br />
Aveugles - des lignages incessants. Dans l’œil<br />
Du poète, cette lumière assourdissante, bondissante<br />
D’ennuis et d’espoirs.<br />
Les yeux éclaboussés.<br />
La pensée en dedans. L’audace qui voltige.<br />
Sur le bord de l’abîme. La réalité chancelante.<br />
Filles, flores, éternelles, revenez nourrir l’âme<br />
Désinvolte - redressez cette lourde masse de<br />
Chair spirituelle qui ploie fatiguée par les ans.<br />
1412
Hors lieu en moi<br />
Hors lieu en moi qui déjà s'incline comme un fleur-pensée offerte<br />
doucement - et cette pluie gracile où s'évaporent de tendres baisers -<br />
dans cette pure clairière l'air sylvestre est un enchantement.<br />
Ô sucs, sucs de mon aube déjà mourante, le miroir tremble à<br />
l'approche de l'été. Fugues, fugues lointaines infiniment dormez,<br />
éternités d'espoirs, d'espoirs à oublier.<br />
Là-bas une femme impossible semble apparaître, nue, vêtue d'une<br />
voilure bleue à la chevelure de feu - elle glisse sur le lac invisible.<br />
Tout à coup un flot de sang renverse l'éternel paysage et l'image<br />
enchanteresse disparaît dans mon Néant de poète ignoré.<br />
1413
Finira-t-elle<br />
Finira-t-elle en lèches infinies, en<br />
Si seulement en ~ degré de vassalité de<br />
Toi à moi. À se prendre mutuellement.<br />
Jusqu'à cette toilette nocturne imbibée de<br />
Sécrétions et d'alcools légers.<br />
Seras-tu en<br />
Vieilles friches, en muqueuses éclatant quelque<br />
Sang perdu, en maladroite et noueuse, seras-tu ?<br />
Vers ces crevasses insipides parfois auréolées de poils<br />
Pubiens, vers ~ et comment te nommer ? ~ Pour te<br />
Peindre avec la disjonction de nos appels ~ de ces<br />
Rondeurs interdites qui m'obsèdent. Sur ces<br />
Dérivations normales, il est doux de transgresser pour<br />
Atteindre cette distinction d'orgasmes. Allongée, suant<br />
Et sucée poursuivant l'immondice charnel vicieux.<br />
1414
Les roses ensevelies<br />
La belle abandonnée<br />
Elle, et encore, elle pour de si clairs<br />
Parfums suaves ~ endormie dans<br />
La pâleur des fleurs<br />
pour cette flottaison blême<br />
Accoudée à la lumière crue qui berce<br />
Ou balance des cordes à l'infini<br />
Dans cette douce solitude exquise, elle de<br />
Lait dévêtue à la peau beige ;<br />
ses formes<br />
Lourdes qui s'étalent dédaigneusement sur le<br />
Sofa fatigué, des formes épanouies chargées<br />
De mémoire, repues d'extase, abandonnées ~ là.<br />
Généreuse, à la chevelure abondante, chatoyante<br />
Respire-t-elle, songe-t-elle aux flots d'orgasmes<br />
Satisfaits, aux nourritures charnelles d'autrefois ?<br />
1415
L'imperceptible frisson d'aile l'éveille tout à coup.<br />
L'ange<br />
Tu flottes mais ne penses guère ; tes envolées<br />
Nocturnes ne sont que des effets trompeurs.<br />
Tu fluidifies ton vrai : l'extase s'enfuit<br />
Dans les méandres de l'inconnu ~ là-bas.<br />
Je touche l'ombre aérienne, et la folie<br />
Tournoie dans l'interdit à pénétrer.<br />
Les formes immortelles poudroient un impossible<br />
Froissement d'ailes - des flots de roses<br />
Envahissent ton âme - tu les respires confusément.<br />
1416
La belle absence<br />
La belle absence de négatifs de il n'est pas il n'est pas venu on ne<br />
l'a pas vu qu'aurait-il montré de quoi aurait-on parlé l'aurait-on<br />
reconnu l'aurait-on méprisé ignoré par dépit rejeté-fatigué je<br />
n'aurais pas lu j'étais ailleurs dans mes plaquettes dans mes revues<br />
La belle absence non, cela était peu tu as vu le blanc bec ce<br />
n'était pas de cette façon moi, j'avais quelque chose lui, n'était rien il<br />
devait aller plus loin<br />
Faut-il constamment se cogner la cervelle contre le repoussoir, aller<br />
au-devant du rejet pour rechercher l'humiliation et le dégoût ?<br />
La poésie est interne, pour soi, en îlotier. Elle n'est ni lue ni achetée.<br />
1417
L'objectif<br />
I<br />
L'objectif, la finalité à atteindre, et les vaines images gazées de<br />
silhouettes claires ~ là-bas<br />
Dans les halos avec musiques aléatoires, ivoires élégants ou encore<br />
des compositions de feuilles rouillées belles toutefois<br />
Donc applications, certitudes, intentions à obtenir, il a pensé ~ c'est<br />
l'évanouissement dans la neige avec fragilité pure ou marbres fabuleux -<br />
le souffle persuasif de nos râles en détresse - il a pensé<br />
Reculez impossibilités poétiques, folies de l'interdit - sang frais<br />
coulant de la bouche d'autrui.<br />
sais-tu ?<br />
Ma force qui rythmes l'audace, quelles sont tes déficiences ? Le<br />
Possibles violences et chocs prohibés - j'y reviendrai plus tard.<br />
1418
II<br />
Oui, mon fils, en toi, en toi ~ cherche à, pense en, investis encore, là<br />
encore, investis<br />
Il faut élucider, faire transparaître au-delà de toute relation poétique<br />
ou littéraire<br />
Le monde indigeste, le monde inutile ~ oui, imagine en.<br />
III<br />
Nous avançons sur des ondes légères<br />
Le vent et la lumière s'échappent tout à coup<br />
La ville à l'infini s'étale incendiaire<br />
Vous voilà convaincues<br />
Concubines gémissantes et aimées ?<br />
1419
Sur-inventer<br />
optique<br />
Non, certes pas, mais sur-inventer ~ sur-inventer dans le délire<br />
Les lignes pensées qui se déploient en pointillés, en préexistences<br />
phénoménologiques, en fluides étirés, en sèves bouillonnantes, en<br />
Sperme-écoulements de ton vrai<br />
Azur co-substantiel azur contre azur vous que j'ai déchirés d'un<br />
bruissement d'aile pour confluer vers mon Néant<br />
En carrefour à plat, en bornes interdites, en recto de verso pour<br />
aplanir la plume qui glisse<br />
Très savant et sensible : signes émouvants, fluidifiez mes envies<br />
appliquées dans l'aléa de l'écriture pour venir féconder de sublimes<br />
connaissances !<br />
Et faillir dans des figures aberrantes, obséquieuses avec cette fille<br />
sale et répugnante, vicieuse et splendide ~ avec ma chienne soumise et<br />
aboyante ~ tu vois, nous cherchons encore.<br />
1420
Radieuses et limpides<br />
Longtemps combattre en soi en déviances et appartenances,<br />
Toujours questionné l’être cher tapi au fond de soi<br />
Avec ses souffles inconnus en plaintives insistances<br />
Quand l'ombre se déploie sur l'esprit éclairé<br />
O filles, filles émerveillées de mes claires plénitudes<br />
Dans le faux crépuscule de ma chair embaumée<br />
Endormies, vous radieuses et limpides espérant<br />
Je ne sais quelque conquête d'or de toison tissée<br />
Encore fraîches et légères sur la sphère azurée<br />
Mon errance se meurt vers l'espoir le plus pur<br />
Pourtant je crains ces noires divagations obscures<br />
Et je baigne ma tête couverte de surdités !<br />
Belles étreintes de phosphores inconnus, présentes en<br />
Saurez-vous à jamais me vouloir éclairer ?<br />
1421
Et tu te plais<br />
Et tu te plais dans ton silence refusant le persiflage et la<br />
surabondance verbale ! Tu demeures, tu es Demeures littéraire insistant<br />
pour construire en toi - pour t'effondrer peut-être !<br />
À la recherche de l’idée pure entouré de spectres agressifs - invasion<br />
du Mal - comment dans ces conditions obtenir l'Idéal parfait ?<br />
Tu subis le vandalisme invisible implorant la saint-Toi - Tu es<br />
résistance acharnée - bruissement poétique, myriades d'extases envolées<br />
etc.<br />
Vas-tu t'effondrer, toitures affaissées, balcons lézardés ou sera-ce le<br />
nouveau Temple où s'épancheront le nard et l'ambroisie, où viendra se<br />
reposer la Beauté sublime, fille de ton plaisir éternel ?<br />
1422
En chairs si douces<br />
Des tenues claires en Ève d'apparat avec de<br />
L'or entre les jambes. A l'infini, puisant et<br />
Remontant. Bel amant présomptueux en subtiles<br />
Tentatives rectales imaginant l'interdit. Pous-<br />
Sières d'orgasmes en jaillissements multicolores.<br />
Bienheureuses après ruts tendres et désirs recom-<br />
Mencés.<br />
Derrières elles, ou sur le flanc, rampant,<br />
Léchant - succulentes goulées nocturnes - ou<br />
Giclées en gelées exquises. À vous de prendre, à<br />
Vous. Quémandez, suppliez et implorez<br />
Encore !<br />
Rendant heureuse l'intime prestation noc-<br />
Turne de vos délires corporels, ensevelissant<br />
L'intelligence ou la réduisant à un état de vas-<br />
Salité féminine, il est bon de mourir en chairs si douces !<br />
1423
À l’unisson du solitaire<br />
Celle-là, celle-là mienne si je puis te contempler<br />
En petits indices de jouissances - en extrapolation<br />
À l'unisson du solitaire. Comment te le dirai-je ?<br />
Je reste avec l'image, avec la spéculation intérieure<br />
De : était-ce possible ? Un réel ailleurs ?<br />
Mini-monologue dans l'univers courtois de la fausse<br />
Indifférence. Allons danser : Ho ! Ces beaux seins,<br />
Ces friandises fessières, ces jambes allongées, ces...<br />
Agrippe, a-grappes en virtuelles de pensées auda-<br />
Cieuses dans le faux : je me perds. Menteur !<br />
Et une et deux, et bouge à côté, et raie et bouton<br />
De : leur plairai-je ? L'autre blonde également.<br />
Dans le vent de la sortie pour le retour du cé-<br />
Libataire animé de fantasmes et d'échecs cuisants.<br />
1424
Suicides en<br />
Suicides en. Et pour quelles formes de saveurs ? Quelles<br />
saturations ? Quelles élévations bannies ou interdites ? A la<br />
limite de se dire : l'acquis. Pour moi, essentiellement.<br />
Ainsi pour le futur. Guère pour l'à-côté.<br />
Les fluides au plus près. Avec l'écoulement des Dieux. La<br />
substance claire, bénie et douce. De ses yeux, perçus mais<br />
rarement compris.<br />
Poursuivre encore avec l'espoir d'un au-delà sauveur.<br />
Tu flottes mais n'espères guère. Tu vas d'avalanches<br />
en délires,<br />
de folies perverses en génuflexions douteuses. Tu vas<br />
et penses mieux produire. Pour quelle allégorie souveraine ?<br />
Quel au-delà conquis ?<br />
Avance, crache et meugle. Prédis la race des vainqueurs.<br />
Reconnais ton principe - il y avait quelque saveur ! Que<br />
prétends-tu obtenir aujourd'hui ?<br />
L'aide est là, au plus profond - engluée<br />
1425
dans sa propre chair.<br />
Elle respire médiocrement, elle s'anime parfois,<br />
se dresse d'un bon et prétend à l'apothéose des douleurs.<br />
- Comment te transmettre ? Comment t'expliquer ? Seras-tu<br />
m'intégrer, m'admettre - admettre que je puisse te dominer,<br />
être en toi mais puissamment supérieur ?<br />
- Inconscient ! lui répliquai-je, comment oses-tu te prévaloir<br />
de telles sornettes ?<br />
Pourquoi te compromettre ? Quelle expertise future ?<br />
Quelles cruelles attentions de critique avertie ? Tu fuis dans<br />
ton mensonge espérant y découvrir l'essence de la Vérité - de<br />
ta Vérité.<br />
L'innocence horriblement malmenée, la jeunesse crucifiée<br />
dans l'ignominie du mal - qu'en sauront-ils ? Ils prétendront au<br />
canular quand d'autres justifieront l'emploi de la violence et<br />
de la cruauté.<br />
1426
Que de<br />
Que de, que de pulsations interdites, de déplacements<br />
obscènes, de folies à satisfaire !<br />
Tant de strass et de spasmes ! D'ondulations<br />
incertaines, de je-les-ai, donnez-les moi toutes !<br />
Mouvements de traverse dans la chair en surabondance de<br />
désirs, de soupirs qui nous porte !<br />
Liberté serrée : elle va, je viens. La chair est peu, n'est-ce<br />
pas ?<br />
De toujours supposer, de ne rien caresser - voilà tout : de<br />
comprendre sans montrer. Point d'éros. Point.<br />
En cultures a-sexuelles de blocages, de honte,<br />
de brimades - je me défends d'éja. Culer.<br />
Voici mon plein, voici ton vide ! Je procréé<br />
dans ce grand éblouissement final n'ayant guère obtenu.<br />
Ou seulement quelques audaces insignifiantes.<br />
1427
Ego cherche<br />
Et par quels procédés, quelles fixations, quelles convergences<br />
~ d'intellectualisation pure ~ pour quelles essences de soi à soi, en<br />
donnant à Autrui ? Quelles fluidités claires ou orageuses à expliquer ?<br />
Mais encore ? Avec du vent stellaire, le tout-possible des aïeux ~ où ?<br />
Quelles dimensions extensives, en quelles rafales de souffles inédits<br />
Ordonnées, désordonnées, d'Alpha jusqu'à Oméga pour exploser en synthèses<br />
inconnues ?<br />
Sublimes véhémences en plénitudes d'acquis avec des poudroiements différenciés dans<br />
des extases lyriques, ~ là encore, encore pour un déluge inconnu à inventer.<br />
Ego cherche, ego vainement en attente insensée pour une aberrante potentialité<br />
universelle que jamais il ne parviendra à espérer.<br />
1428
Ils inspiraient<br />
Ils inspiraient, un à un, jamais ensemble - à la suite - non pas les rues, non pas<br />
les rencontres - les catalogues - ils inspiraient !<br />
Pour mon évolution, et j'espérais - dévot admiratif, je travaillais. Sur toute<br />
chose, dans les applications ! - Leurs génies : mon royaume.<br />
Quand d'autres erraient - à chacun sa méthode, à chacun son système. Ma<br />
pauvre personne tentait d'obtenir des résultats !<br />
Dégueule, et les langues ? Dégrade-toi, cherche et trouve. Avec défaillances ici.<br />
Contre tes hoquets, des feux de joie. À jouir dans l'invisibilité. Échanges<br />
pondérables de soi à soi. Encore dans l'ivresse de l'inconnu.<br />
Et pour te figurer il pleuvait des roses. Avec d'étranges coups de poing.<br />
Échangés en. Je fustigeais mes poses et j'allais dans l'Inconscient.<br />
Fallait-il laisser courir dans la folie les potentialités pensées ? A force de<br />
Narcisses décomposés en moi-même, les propositions s'élaboraient -<br />
médiocrement, maladroitement - je l'accorde, mais elles s'élaboraient.<br />
1429
Eve, Eva<br />
Eve, Eva, fournies, fournies ! On va de<br />
Belles en belles formes. Et toujours alanguies<br />
Sur des sofas dorés - blondes d'abandon en<br />
Parures sexuelles et alléchantes ! A mille vignes<br />
De sevrage titillé ! Entrez au bois et passez<br />
Par le centre !<br />
Concernant le charme : des flèches<br />
Sublimes avec tir à vue en boutonnières, en<br />
Bas pour le superbe !<br />
Vos braises hurlantes en multi<br />
Couleurs de désirs. Adam futur, qu'en dis-tu ?<br />
Multiplie-les par le désir - chairs allongées !<br />
La mourre de beaucoup, retourne-les-en cheve-<br />
Lures rouges ou platines ou noir métal, toisons<br />
Succulentes et poitrines dressées, parais-tu apaisé<br />
Nourri de tes fantasmes en chevauchées rêvées ?<br />
1430
La miséricorde<br />
L'ombre des lointaines - ces silhouettes oubliées<br />
Qui vainement courent en mémoire - empreintes<br />
Grises, vous sillonnez encore dans une âme déserte !<br />
Figurines floues qui appelez là-bas,<br />
Éternelles de temps vous apparaissez parfois !<br />
Dans ces chemins tortueux, écrasés sous des<br />
Brouillards épais, je sais l'appel vers vos<br />
Ténèbres sombres.<br />
Verdissez, verdissez encore<br />
Tiges légères de l'avenir ! Pliez-vous dans<br />
La brise du vent, indiquez-moi la voie<br />
Du lendemain.<br />
L'âme libre, je m'en irai heureux,<br />
Espérant un nouvel exil, espérant et suppliant<br />
Un Dieu de me comprendre avec miséricorde,<br />
Avec mansuétude et pardon - je demanderai.<br />
1431
Le bannissement de l'Élue<br />
S'est effacé insidieusement dans le domaine de<br />
L'Élue - en perspectives tiennes - ce pas aérien<br />
S'épaississait sur d'autres fleurs - les lignes droites<br />
Et les lacis de jambes - balcon et hyperboles,<br />
Mélanges de cheveux, visions bouillonnantes - la<br />
Chair des filles jaunes avec tilleuls et abricots.<br />
J'avoue les vingt ans dans un état d'excitations miennes -<br />
Le colloque de l'aveugle - en vexations d'interdits. Toutes<br />
Ces femmes positionnées en a-saintes de génuflexions<br />
Sexuelles - goulûment salives et sécrétions au plus profond -<br />
Je me défais d'Elle - je soutiens d'autres lourdeurs -<br />
Des vertus triplement visitables. S'est enfui tristement<br />
Dans l'usure de l'impossible, vaines désillusions d'autrefois.<br />
L'espoir est mort seulement encombré d'images inutiles.<br />
1432
Pensée tu verses<br />
Pensée tu verses, et tu t'amoncelles<br />
Vaine et perpétuelle pour fondre dans ta nuit<br />
Sous moi, s'accumulent mille ans<br />
De lâches frilosités et de tentatives aussi<br />
Tu extirpes de stupides banalités - tes essais,<br />
Complices et favorites, voués à l'égarement<br />
De tes sens<br />
Continue et confonds - prête serment<br />
À l'eau, à l'écart en vaine préparation<br />
De rituel, de baptème-tien - mixture<br />
Hétéroclite où l'impur participe à la symbiose,<br />
À la synthèse - je plonge dans ton cru<br />
Pour l'évasement de mon ciel - Pensée, tu verses !<br />
1433
À la Klimt<br />
Pareillement de vous donner l'idée. Je te repeins<br />
En bleu. Ni abjection ni amour. Pareillement.<br />
Dans l'ébahissement de ta vulve luxuriante.<br />
Cette splendide femme à l'Italienne. Son Nu.<br />
De ce triple désir au plus profond d'elle-même.<br />
Encore ses vastes yeux pétillants de malice.<br />
Sa forte chevelure noire sertie de diamants.<br />
Ses seins éblouissants et chastes. Point de coït,<br />
Point de coulissements - enchanté, je me vide.<br />
Et tous ces tissus étalés, entrelacés d'or et<br />
De rouge cru - ces spirales de triangles entremêlés<br />
A la Klimt comme des couvertures d'arrière-plans.<br />
Je me suffis avec cet air de conscience, j'éclipse<br />
Mes désirs et je jouis de cette peinture entrevue.<br />
1434
Œuvre-femme<br />
Ouvre-femme, toi en rebondie, d'hier et<br />
D'autrefois - le souffle de la mémoire<br />
Caresse l'âme fertile...<br />
Toi, oui, en croupe<br />
Arrogante, en génuflexions suppliantes, en<br />
Avalanches de chair - lavée et or, te<br />
Souviens-tu ?<br />
J'arrachais à la divinité<br />
Tous ses sucs intimes et filtrais l'eau claire<br />
De ses entrailles.<br />
Élaborant quelques figures<br />
D'amour, enchaînée, enlacée, la beauté<br />
S'envolait dans la délivrance, offrant ses pieds<br />
Parfaits et sa part de souffrance à ma douceur<br />
Perverse et subtile.<br />
Et ses grands yeux noirs<br />
Où la brune et l'ivresse se confondent gémissaient<br />
D'extase aimant à répéter : " Je comprends mon compagnon."<br />
1435
Les deux sources du désir<br />
Hors de ces tourbillons d'orgasmes et de jouissances,<br />
De ces micro-suicides de chair - éloigné de ces<br />
Appâts aux formes parfaites - à cent<br />
Mille lieues de corps désirables aux beautés a-<br />
Languies.<br />
Vais-je percevoir l'idéal spirituel<br />
Ou converger vers la sanctification du bon<br />
Croyant ? Les deux sources du désir ne s'opposent-elles<br />
Pas ?<br />
L'époux dit : tes seins sont deux faons<br />
Rebondis et succulents. Le sang et le miel, le<br />
Miel du bon lait et le lait se compare au vin.<br />
O boissons, aliments, ambroisie et nectar,<br />
Désirs avides et abondances miraculeuses !<br />
L'amour<br />
Est une affection de chair et d'esprit, Christ et Vénus<br />
Un bas-d'élévation, des soupirs d'intelligence.<br />
1436
La femme effacée<br />
Et ses pas alanguis dans l'esprit qui s'aère<br />
Filant sur des orgasmes de fluidité exquise<br />
Quelque chose de pur dans le mystère mien<br />
Charmant, disparaissant vers l'exil à franchir<br />
J'efface sa douleur sur des vents en délire<br />
J'arrondis son visage et je berce ses traits<br />
Belle mais belle encore, ajournée en demeure<br />
Ou douce détournant sa chevelure claire<br />
Puis des flammes d'azur tombent sur l'horizon<br />
Encombrant de leurs voiles l'infini à décrire<br />
Des poussées d'or s'esclaffent en tintamarre épais<br />
Et là dans mon sommeil sa frêle invitation<br />
M'offre des mots obscurs dans l'espoir à renaître<br />
Je m'allonge hébété ne sachant que penser<br />
1437
Fusionner l'irréel<br />
Absent et incompris - reconnu, méconnu<br />
Et de ressusciter en soi - je suis dans mon espace<br />
Suspendu un instant - le temps me fait défaut.<br />
Encore, et de-là même envisageant ma propre<br />
Eclaircie - je sais me surprendre - le trait,<br />
Le blanc, l'obscurité, - dégageant la profon-<br />
Deur. Du volume pour happer l'air. Altitude.<br />
L'évanoui, l'insaisissable - qui peut se prononcer<br />
Pour moi ? Plus loin, redoublant, se dissipe,<br />
Une fraction de temps, - la pensée incorporée en moi.<br />
Un intervalle pour transformer le sens - toujours<br />
En suspens - recoupant, qui m'emporte. Mais<br />
J'avise, j'hésite, je me renverse, mon appui<br />
Dans mes yeux, sur la main pour fusionner l'irréel.<br />
1438
Encore suspendue<br />
Encore suspendue - elle a dû d'éclipser<br />
Dans son provisoire - je le discerne dans l'ex-<br />
Sangue. A l'extrémité de l'une à l'autre,<br />
Je prétends dessiner un visage. De l'obscurité,<br />
La lumière surgit. Par-dessus, à plonger,<br />
Avec des substances fluides, loin de l'empâ-<br />
Tement qu'inflige le cerveau. Dans la clarté<br />
Avec les yeux du vivant, comment puis-je la<br />
Soutenir ? Dans quelle transparence, avec quelle<br />
Opacité ? Les traits de nouveau se séparent,<br />
J'espère la jonction. Enfuis qui recommence<br />
Et se termine en moi.<br />
Me traversera-t-elle<br />
Pour me vois ? Ayant disparu, s'est-elle éteinte ?<br />
Elle m'enjambe et recompose son inspiration.<br />
1439
Surgies<br />
Flamboiement - rougeoiement - possibilités en<br />
Tout à coup, et surgies dans l'éveil du jour -<br />
Il explose en vérités hallucinantes sans<br />
Ordre logique - accidents dans la<br />
Nuit survenue - accidents de synthèse gerboyant<br />
Pour le dehors.<br />
Où cela apparaît-il ? Devant<br />
L'œil du poète. Sa feuille est une toile. J'aboutis<br />
À l'obscurcissement de la clarté - je découvre des<br />
Fils-miens à tisser et à repenser. Encore des écla-<br />
Boussures de lumière montante. Et ces taches<br />
Soudain dans mon vaste ciel !<br />
Dévoilant, en soi, clair,<br />
Puis une durée tournante qui s'interrompt. Le<br />
Mouvement doit être explicité, en gerbes tombantes<br />
Car l'opaque à l'esprit appelle une éclaircie.<br />
1440
Suinte une source pourtant<br />
Hauteur en soi, de substances répandues, de<br />
Pensées jamais atteintes, laissant la vérité<br />
Pénétrée le mensonge, de là quelque chose<br />
Comme un être nouvellement conçu.<br />
L'échappée<br />
À mesure que la rencontre se suppose là encore.<br />
Ainsi plus claire, de se dire : passe et obtiens<br />
Ce mélange dégagé de toute intrusion ( mais<br />
Est-ce possible ? )<br />
Chose qui avance à la mesure de<br />
Soi, noyant le vertige ou de sillonner vertica-<br />
Lement - la nouvelle présence apparaît, matière<br />
Porteuse de concepts autres médiocrement élaborés.<br />
Sans avenir, la foudre-acier déchire l'espace-mien<br />
Portant l'accompli dans les rencards du Néant.<br />
Dans le noir de l'asphalte suinte une source pourtant... (a)<br />
(a)<br />
(b)<br />
Dernier vers de André du Bouchet<br />
1441
La saisie de substance<br />
Tel ou tel en soi, de se rejoindre en un<br />
Avec une parole déployée qui toujours en<br />
Lui-même se replie pour déborder avec<br />
L'un et l'autre - avec personne, avec autrui.<br />
Et de recommencer dans ses plus purs excès<br />
Afin de découvrir des accidents de langage,<br />
Pour concevoir de nouveaux sens élaborés dans<br />
Une éclaircie.<br />
Se découvre en se pénétrant.<br />
Tu t'interromps et dévoiles la pensée opaque<br />
Qui a l'esprit jaillit ~ source sur d'autres<br />
Mots. Parlant de rien. C’est une saisie de<br />
Substance se déplaçant dans l'orée du Moi.<br />
Pour ta fraîcheur de ciel, la pensée bigarrée<br />
Ondule, bifurque et déplace l'illogisme du vrai.<br />
1442
De je<br />
De je. L'inadmissible en soi. Selon l'apparence<br />
D'être autrement. A la mesure de l'ajourné. De<br />
Toute façon. Similitude - je te dis : distinct<br />
Et semblable.<br />
L'action sublimable de se soustraire<br />
Pour ajouter, alors à deux, en se séparant de toi.<br />
Être peu, de rien, de mieux, avec mais plus loin.<br />
Rejoint et dissocié, dedans pour le dehors.<br />
Somme toute avec faiblesse. Reste ouvert pour<br />
Vous fermer. La lumière t'appellera pour me<br />
Répondre. Encore le rougeoiement. Le tout<br />
Flamboie.<br />
1443
Appellation - poème<br />
Plénitude avec pensée qui l'emporte, porté<br />
Sur sa limite y délaissant quelque sève<br />
Au moment de tracer ~ saisissant le peu<br />
D'une [main] déjà ivre, ~ le crois-tu, il se<br />
Retrouve en toi un objet qui s'éteint.<br />
La paume se remplie de vérités à l'instant de<br />
Mourir. Incertitudes miennes qui déploient leurs<br />
Corolles claires, vagabondes ou nuancées.<br />
A-t-il atteint le presque d'une prise subtile<br />
Abandonnée là comme parole de langage rompu ?<br />
L'espace entrecoupé de chocs se clarifie d'ondes<br />
Légères - le mot après le mot tarde dans son<br />
Tracé et s'écrase sur la feuille de papier.<br />
L'appellation offerte s'apparente au mot poème.<br />
1444
Elle s'ouvrira<br />
Dans ses prolongements à l'infini, suspendu<br />
Mais en leurre, elle se contient, explose, se<br />
Retranche ~ elle va s'édifiant. Ce qui<br />
Éblouit en gain de conscience sur l'instant<br />
Apparaît, ce qui m'emporte et qui s'enfuit hors<br />
De ma portée...<br />
Conçois ce vide avec du vent,<br />
Engendre cet espace, élabore en glissant.<br />
De là-haut, ouvre à plat.<br />
Ceci est une amertume<br />
D'écriture, une matière proposée. Tu dois trembler<br />
En offrant une vaste éclaircie.<br />
C'est le temps<br />
De descente qui régit l'improbable. Par ton souffle,<br />
Exalte tes saveurs, ressoude là où elle<br />
S'est interrompue, précipite-toi dans cette<br />
Descente.<br />
Devant toi, enfin elle s'ouvrira.<br />
1445
Insistances<br />
Ici encore de dire pour plonger en profondeur<br />
D'esprit qui poudroie sa substance, poussière<br />
Également Ici demeure sur la fraction du<br />
Temps d'une parole à l'infini avec fragments<br />
Scintillements avec<br />
Ici fractionné cherchant une<br />
Clarté, suspendu en soi momentané de vol,<br />
Parole fuyante, parole placée au plus juste<br />
De sa pensée, en tous points perceptible, et<br />
Froissée, recomposée<br />
Ici phrase tournée avec relief<br />
Plus haut, pénétrant son centre, indice de saveur,<br />
Murmure de souffle pour accéder au paroxysme<br />
Et d'insister toujours<br />
Ici, certes avec médiocrité<br />
D'applications, avec déceptions, avec espoirs<br />
D'aller outre pour ajouter toutefois<br />
1446
L'éclat de sa beauté<br />
Elle, et l'éclat de sa beauté, déjà basse<br />
Et encore entrouverte, à l'instant de jouir<br />
Avec soleil, champ visuel amoureux que nulle<br />
Pudeur défend...<br />
Le plaisir demeure dans une plénitude<br />
Que je dénude. Je recompose ma pensée sous<br />
Cette architecture de femme, façade et<br />
Corps de bâtiment avec le même souffle qu'autrefois.<br />
Son étendue endormie - le fond du jour l'embrasse,<br />
Parvenu à ses pieds l'air frais la caresse, et moi<br />
J'interprète ces courbes et ces formes, je spécule<br />
Sur la mémoire sensuelle laissée après les débats,<br />
Je réorganise l'appel de sa chair, je conçois<br />
La raison de cette chevelure floue, j'attends le miracle<br />
Du génie sexuel féminin qui s'illumine tout à coup.<br />
1447
En avant de soi<br />
Déviances<br />
Jusqu'à ce fluide libérateur solidifiant les éclats<br />
Déplaçant les vertiges en avant de soi<br />
Là où il s'interrompt, je me rejoins<br />
Plus haut, en arrêt sur le souffle<br />
Voltige et se heurtant au vent<br />
Les spasmes en saccades se fracassent<br />
Suivant la trace, vers l’inertie<br />
D'autres flammes s'immobilisent, encerclent<br />
La poussière, élaborent de nouvelles sculptures<br />
La pensée s'éblouit, je fais corps avec elle<br />
Ce qui me sépare le pied poudreux<br />
Le feu envahissant ma chair, de retour il m'emporte<br />
Hors de nous, enveloppés, il nous effleure<br />
Quand nous cherchons désespérément à rafraîchir<br />
1448
Demeurée au plus haut<br />
Demeurée au plus haut par l'esprit qui inspire<br />
Paroles se justifiant dans l'âme supérieure<br />
Élevée, endormie, conçue par le génie<br />
Sous le silence la fraîcheur de l'exil<br />
...Pour un nouveau poème<br />
Ensorcelée, traversée,<br />
Elle est à naître ~ blancheur qui se défend<br />
D'accéder à sa source ~ poussières d'or dansant<br />
Sur le feu du désir<br />
Le vise est à retenir, il se<br />
Prétend à l'intérieur. Que reste-t-il à<br />
Trouver qui scintille toutefois ? Une paroi<br />
Poudreuse suintant quelques transpirations<br />
Incomprises<br />
Respire dans l'entrevue, imite le<br />
Vertige, nourris-toi de candeurs dans l'absolu du ciel.<br />
La ligne inanimée invente un avenir à poursuivre<br />
1449
Jets and sprits<br />
Jets et sprits dans l'espace-mien. Toujours<br />
En soi. Si cela est penser, je fluidifie mes<br />
Mouvances, j'éclaircis mon Temple. Mais pourquoi ?<br />
Est-ce matrice cérébrale à produire ? Lancées<br />
De l'intelligence ? Il faut dans l'épaisseur, par<br />
Le travers disparaître et aller. Le profond avec<br />
Insistance, dans le temps, calculable, réfléchi.<br />
Encore la nuit. Ce qui importe. Les souffles précédant<br />
L'étendue à survoler. Le Moi veut disparaître<br />
Pour un autre moi : là-quel-monde-à-remplir ? Pour<br />
Encore se rejoindre. Une nouvelle errance et la raison<br />
Perdue. La relation avec la conscience. Ta cendre et<br />
Ta poussière. L'inutile à découvrir peut-être. Les<br />
Froids tirant sur le rien qui d'un trait se refusent.<br />
1450
Les enchaînés<br />
Toi, trace élégante, toi, silhouette dans<br />
Mes voyages nocturnes, nous marchions mot-à-<br />
Mot - j'enjambais tes écarts. Lourd était<br />
Mon corps mais tu m'accompagnais. Dans les<br />
Profondeurs amères des gouffres, je te plongeais,<br />
Je te ressuscitais au-delà de mes eaux. Ta<br />
Danse, tes charmes, par-dessus les chemins, tou-<br />
Jours claire, tu m'invitais à te poursuivre, à<br />
Déplacer ta chair pour combler mes nuits et mes<br />
Néants. Moi, le dépravé dans l'extravagance,<br />
Égarant ta beauté coiffée de lanières bleues,<br />
Nourri ou expulsant ses paroles fangeuses, je<br />
Poursuivais ce parcours de l'invraisemblance, croyant<br />
À notre liberté, avec la fuite impossible des enchaînés.<br />
1451
Élabore toutefois<br />
Élabore près de tes syllabes noires ; dans<br />
L'ombre du poème, se conçoit ce pur échafaudage<br />
De pensées invisibles ; des fluides d'écriture<br />
Circulent dans ton âme désuète. Du phosphore<br />
Pour capturer l'instant. Tu pleures dru sous tes<br />
Hallages impossibles. Une avec ses seins t'envoie<br />
Des messages sexuels. A coups de reins répétés,<br />
La semence se répand. Si dense, profondément<br />
Expulsé - rencontre et capture. Toi, l'écoeuré<br />
Bavant encore tes jets nocturnes, qu'inventes-tu ?<br />
Que prétends-tu ? Rien que de la mélasse insi-<br />
Gnifiante. Agrandis ton gouffre, plonge dans<br />
Ton Néant aberrant.<br />
- Le tien, le monde, a surgi<br />
De rien. Grandis pour des horizons purs et aériens.<br />
1452
a<br />
Nuanciers de filaments, raretés en balance, qui déploient leurs subtils<br />
scintillements dans l'opacité du jour - attends, attends : la folie veut être là pour<br />
propager son doute et dormir sous ses éclats.<br />
Vaporeuse est ta nuit. Tu l'espères sensuelle pour parfaire tes desseins. Embrigadetoi<br />
et va de doux aboiements en crissements impossibles.<br />
b<br />
Petites rafales venimeuses entrecroisées avec éboulements et sources liquéfiées.<br />
Aléas incertains agrémentés de fiels et d'applications obscures. Et toutes ces<br />
paroles entendues, sous-entendues, pour qui ? Tu prêches à merveille dans l'oraison<br />
volatile pour qu'apparaisse enfin l'Idea pure, éblouissement dans ton silence<br />
solennel.<br />
c<br />
Vampe tes chimères, dévale tes audaces. Pour l'énergie appelée, certifie ton vrai.<br />
Oui, prouve-le.<br />
Les substitutions : des machines mentales accordées à ton principe.<br />
1453
A<br />
Fais-moi rêver de quelque idiome rare, exploité dans l'absurde, pour nul vent<br />
mensonger, de fluidité exquise émanée du hasard pour nourrir ton écrit. Car là tu es<br />
à espérer ballottant la folie dans ta mer intérieure. De tirets en tirets, tu pousses des<br />
mots, amorçant quelque espoir vaguement impossible.<br />
B<br />
Déplacer l'engouement pour des secteurs intérieurs. Apparences qui enflent à l'abri<br />
des acquis. Oui, ces bribes infinies produiront un ouvrage nouveau. Instabilitésmiennes<br />
frémissant sur mes lèvres, quel poème se laissera concevoir ? Toujours<br />
l'obscur, mais quels scintillements ?<br />
C<br />
Avançant d'impossibles hypothèses, subissant tout cercle lumineux - gouttes,<br />
scintillements - c'est obscur - à inventer, pour plaire, à qui ? Changeant l'être,<br />
quelle cible visée ?<br />
D<br />
Tes chimies, tes facéties - toutes ces audaces verbales, et ta chair palpitant des<br />
oraisons grasses ? Pour qui ? Toi l'instable exploitant de stupides candeurs,<br />
1454
implose, implose - défenestre-toi, projette-toi dans le vide - tu trouveras.<br />
1455
L'éclat de sa beauté<br />
Elle, l'éclat de sa beauté, la tête impériale<br />
sertie de diadèmes<br />
Cette pensée qui s'ouvre, intelligence caressée<br />
par la brise<br />
La route fuyante, déjà basse s'approfondit<br />
toutefois là-bas<br />
Le mur inventé explose en lambris - ce qui<br />
me sépare de l'autre mur<br />
Le soleil de poussière et ses soupirs piétinés<br />
et froids - moi-même dans l'anéantissement<br />
de la nuit qui roule<br />
La lumière respirée en un souffle jusqu'à la<br />
somnolence de nos âmes<br />
J'ai couru, tu avais disparu - et l'avancée encore<br />
qui m'assaillit jusqu'en mon désespoir<br />
1456
Sans m'atteindre, sur le sol haineux, une foulée<br />
douce encore à l'imprévu<br />
Les chemins de silex habités par la solitude qui se tarit<br />
1457
Nuits obscures<br />
Des haines pourrissent, fascinées et tremblantes<br />
S'aiguisent en idioties de folies meurtrières<br />
Passées fleuries pourries en violences et douceurs<br />
Toutes ces roses qui vous fouettent la gueule<br />
Méchamment<br />
De chacun, en soi-même pour produire dans ses<br />
Nuits obscures<br />
Je me traîne vers l'impossible soucieux d'y découvrir<br />
Quelque trace intéressante<br />
La feuille se dérobe constamment<br />
Écriture vraie-illisible<br />
Esprit-syllabes en devenir peut-être<br />
Qu'as-tu à libérer de chagrin lumineux<br />
L'âme seule se déchire en soi-même<br />
1458
Sphère sublime et bleue<br />
Génie avec très tendre vocalité, pensé là<br />
En cristal endormi, émergeant peut-être<br />
Sous éclats de rayons - du moins gaze léger<br />
Oiseau-plume de senteurs évaporées, brodé<br />
D'attentions délicieuses en souffles aériens,<br />
En traces fines et claires.<br />
Sonne, sonne, sonne<br />
Le cristal qui te met en demeure d'exister. Ou<br />
Sors évanoui en lambeaux poétiques de rien.<br />
Les flux de lumière sont posés à tes pieds, les<br />
Degrés de la pureté t'appellent à la lente<br />
Remontée.<br />
La fixité de la neige, les blondeurs<br />
Irréelles qui dansent sur des images - encore<br />
Évanouies mais espérant un envol inconnu,<br />
Seras-tu sphère sublime, bleue et transparente à la fois ?<br />
1459
I<br />
Adonis pleure.<br />
Alors vint le vent. Les petites folies paresseuses que la blancheur défend. Au large<br />
de la mer qui les assemble.<br />
Quelques barrières à chaque fleur.<br />
Au-delà des labours quand une lumière descend.<br />
Se reposa quarante jours allant venant allant vers les méandres.<br />
Elle encore ouvrit la flamme, ouvrit.<br />
Penche-toi sur l'autel de la compassion, toi mandarin buvant ton écume. Aie de la<br />
puissance pour maîtriser ton ouvrage.<br />
II<br />
Que ma mort garde toute sa lucidité ! Ce petit bruit provient du noir. Plus loin, làbas<br />
c'est l'enfer. La nuit développe ses ombres exubérantes. Remplis-toi de savoir.<br />
Tu ne ressembles à nul humain. Ouvre-toi cette route. C'est le chemin de la<br />
connaissance.<br />
Les bêtes, elles sont abruties par tant de cycles de servitude. Les lampes sont<br />
comme des étincelles pour éclairer ton foyer nocturne.<br />
1460
As-tu mesuré la taille de cette porte ? La flamme rouge décide de l'immensité du<br />
Néant.<br />
III<br />
L'enfer repense rouge près d'Adonis. D'autres feux sillonnent de sinistres galères.<br />
Givres, blancheurs d'écume, petites lueurs : le contraste est saisissant !<br />
La femme là-bas semblant sourire est la dernière croyance - une Muse à pénétrer<br />
en tout endroit.<br />
IV<br />
Pour ta mesure, cette main te porte<br />
Toi blanche Muse ployant sous le joug de cent oliviers<br />
Telle est l'oeuvre du temps, tombant<br />
Aux claires branches en ramille éternelles<br />
Ai-je souci de quelque présence ?<br />
Léger le pas qui n'entame nul doute<br />
Et de planter au plus profond pour en extraire des sucs nourriciers<br />
Fixé, là<br />
1461
V<br />
La lumière dans le fond<br />
La lumière<br />
Puis splendeurs des splendeurs<br />
Que l'ensemble s'efforce de croître dans l'immense dédale intérieur !<br />
1462
À Paul Celan<br />
Pensées de prières, tu étais vert-de-gris<br />
Les tiennes - t'y rejoignant toujours<br />
À l'ami, à la mort : recrache toutes tes semences<br />
L'univers dévoré est petit entre nous<br />
Ton ombre se tient sous ton visage<br />
Inquiète et songeuse attendant le miracle<br />
Moi également,<br />
J'ai préféré la pierre aux mille couleurs<br />
Du bleu topaze à l'acacia étrange<br />
T'es-tu couché près de la fille à la lèvre perverse<br />
Les mers de lait encombraient ta noble tête<br />
L'écorché vif sait te parler de l'autre route aussi<br />
Je suis des décombres, des cadavres de haine<br />
Espérant dans l'au-delà te rejoindre peut-être<br />
1463
Gouffre d'or<br />
Gouffre d'or poussé en toi, au plus<br />
Profond est le silence ! Couronné dans la nuit,<br />
Tes seuls battements entre blasphèmes et prières<br />
Ce sont tes gémissements !<br />
Viens-t’en chez les filles et les putains<br />
Ranimer ton ardeur vulgaire : fondu en elles<br />
La force phallique est encore présage humain !<br />
Avec tes doigts englués de semence,<br />
Où sont les grands calices de ton ère messianique ?<br />
Les chemins sont bordés de tant de morts,<br />
La haine te poursuit constamment !<br />
Pense à Pétrarque, pense aux géants !<br />
Anime quelque peu ton potentiel intime,<br />
Finiront-ils peut-être par comprendre !<br />
1464
Étendu à présent<br />
La cervelle écartelée de part en part<br />
Gelée explosée sphère royale<br />
vint un homme<br />
D'autres formules obscurci dans ta nuit<br />
Comète locale déplacée dans le temps j'avance<br />
Salut au beffroi de la raison, salut !<br />
Sa mémoire l'éternise l'Univers en soi<br />
Le songe perdu dans le fil de la raison<br />
Profondeurs gâtées folies des métaphores<br />
La vérité est entrée cette nuit<br />
La lumière a tremblé clairvoyant, que dis-tu ?<br />
Oeil de loupe assez d'invisibles pour voir !<br />
Tu flottes dans tes airs nuit et sources pensées<br />
Te voilà enseveli endormi presque mort là<br />
Derniers restes : vapeurs, étincelles étendu à présent<br />
1465
A la Pollock<br />
Vers des contre-forces disgracieuses, et sois<br />
décalé en avalanches claires et sombres<br />
Dresse la trouée avec des nuages-foudres<br />
creusées sous des flèches rougeoyantes<br />
Répands la noire semence en égouttage puissant<br />
Ce sont des fluides entortillés qui se répandent<br />
sous des flammèches claires<br />
La plaque de lumière est jaune-or - tableau<br />
à la Pollock avec cicatrices enchevêtrées<br />
1466
Blessé-aiguillonné<br />
Blessé-aiguillonné, écoute la ta sinistre complainte<br />
Rêve de la lune, comme il faut, dans le ventre brûlant où tu te prélasses<br />
Les lances glissent en désordre jaune soufre dans la chair purifiée<br />
Le tout va à l'horloge - accélère le temps - sois le doyen du devenir<br />
Le front explose en mille saccades proposées - la rumeur est aiguë - dedans se<br />
creusent des flux d'or profondément brûlants<br />
Les flammes bondissent bleues, poussent crues et violent la mémoire<br />
Flottant de toi à moi, ivres d'ivresse et buvant abreuvés dans des délices, là étendus,<br />
passe de l'autre bord<br />
Les phrases assoiffées de crimes déploient des sens exaltés de rien, de non-vrai, de<br />
victimes invisibles - mais qui croire ?<br />
Poulie de sang, c'est encore après toi que je m'en retourne. Ca chante, n'est-ce pas ?<br />
- C'est la haine qui resplendit !<br />
1467
Je m'enfonce avec les fidèles - je crois en mon changement. Blessé-aiguillonné,<br />
qu'ai-je donc à espérer ?<br />
1468
D'après Dreaph de Pollock<br />
Ici là en profondeur bleue sombre pénétrant quelque invisible trou de béatitude ou<br />
de nouvelle connaissance, cherchant zone rectale de femme peut-être, du moins<br />
désireux de rentrer.<br />
Devant encore : ouate et blancheur, certitude de douceur, - quelconque assurance<br />
protectrice du vrai, du blanc - plume de soie agrémentée de légères touches jaunes<br />
ici comme se fondant sur de la neige<br />
Et quel futur là-bas, derrière - est-ce autre Néant ? Ces filaments blancs, est-ce<br />
invitation à l'expulsion de semence ? Qu'est-ce ?<br />
1469
Substances et Distances<br />
En lignes pensées<br />
Certes, oui - le vrai - écoulements de certitude en lignes pensées de<br />
petits soldats bien appliqués<br />
En subtils pointillés de peut-être, l'écriture se posera-t-elle là sur le<br />
rectangle vierge ?<br />
Ces minuscules tentatives abandonnées dans le Néant<br />
phosphorescent du Moi, phosphènes transubtantiels pour rien en vérité<br />
Occasions remises, poussées recto verso sur de très savants lignages<br />
qui glissent attachées par la main qui refuse ou accepte<br />
Pour toi, c'étaient des coups ratés que toutes ces propositions<br />
médiocres - il fallait refuser, raturer ou jeter -<br />
Poème-écriture de : pour qui ?<br />
J'ai délaissé, usé et fatigué sans espoir de progrès. Dernières jetées<br />
de sagesse tremblotante dans son désert intime !<br />
Haleines, souffles et frissons obsédants de peu pour féconder des<br />
1470
savoirs supérieurs : pourquoi pas !<br />
L'esprit plein de déception s'en retourne dans sa triste solitude<br />
intérieure sans même l'espoir d'un peut-être<br />
1471
La douceur azurée<br />
d'un été<br />
Où la douceur azurée d'être plus haut dans la brise claire et fuyante<br />
Douces douceurs d'extases suspendues en finitudes d'orgasmes<br />
D'un éternel jamais glorifie-toi, tu es ! Contemple tes dérives,<br />
décline en lassitude<br />
Vers l'évasement d'un ciel poudreux appelant le soir de quelque<br />
subtil murmure, voile tes pénombres - là, endors-toi<br />
Les sources jaillissent sonores, virginités belles et paresseuses<br />
Les limbes d'une beauté limpide s'essoufflent nuitamment. Elles<br />
s'essaient à transluire vers la pâle clarté<br />
D'évanouissement en évanouissement, des filles-ombres, des<br />
femmes-mousseline se nourrissent de vapeurs poreuses tout près, contre<br />
moi<br />
Ombre délivrée de la chair fangeuse, pieuse et suppliante, éveille-toi<br />
enfin et fais s'enfuir l'impossible paysage.<br />
1472
Oui, là éveille-toi<br />
1473
1<br />
Essences et apparences, et quelles<br />
Fuyant la vague morne profondément en soi<br />
L’être, balançant en non-être et déviances sans questionner son infini<br />
Vain centre crépusculaire en lassitudes inassouvies dans la mesure du<br />
déroulement tout en glissant<br />
Quel fameux bruissement d’ailes là-haut emporté par ce vent qui<br />
vivifie tandis qu’une plainte maladive semble encore supplier<br />
Les souffles frôlés s’élèvent insensiblement<br />
Ce qu’il croyait toujours évanoui dans l’ombre de son ombre, en<br />
poussières de lumière, en déchets entassés<br />
l’éther<br />
Et les présences émerveillées qui trament et retrament dans le sein de<br />
Combien encore de marches inutiles, de conquêtes limpides dans le<br />
foyer boréal du Moi !<br />
1474
Endormi sous le charme mensonger de quelque vaine idole et<br />
contemplant les astres parfaitement posés<br />
Je, et quelle fraîcheur claire éparpille mes pas, je léger d’hypnoses<br />
neigeuses, m’élevant encore, là et là-bas dans l’errance où je diverge<br />
immensément ~ elles, sont des féeries dansantes<br />
2<br />
vois : je me désespère<br />
L’impensable dans la sphère pure<br />
mille éclats éclairés de lune affaiblie<br />
s'émerveillant sur le diamant<br />
activant son souffle<br />
en abondance de rêves<br />
là s'y essayant encore<br />
pour le comble du désir<br />
1475
3<br />
qu s'étire vers de vaines directions entremêlées de spasmes<br />
suffocants, fuyant de pâles divagations inconnues<br />
et encore : pour quelles perspectives ?<br />
Finalement aveuglées là dans le tréfonds de l'âme<br />
sublimes oublis espérant malgré tout...<br />
1476
La vieille crécelle<br />
Faible, ensemencée de syntaxe radicale, fausse<br />
Où l'ignorance excelle - produit-bulle d'images<br />
Faciles à tire-larigot - en redondances encore<br />
Recommencées !<br />
Qui vient à percer ? - Mais non - rien !<br />
Tandis que bistre ou bigarrée, elle s'essaie à ses<br />
Poses. Là voilà ivre ou vieille crécelle<br />
Contemplant dans la glace son visage d'autrefois.<br />
Puis d'autres battements syncopés d'ici ou d'ailleurs<br />
Venus, à intégrer ou comprendre - car là est<br />
Le réel avenir - timbre, tintement ou<br />
Tintinnabulement nouveaux avec grasse grammaire<br />
Pour surseoir dans un au-delà littéraire inconnu<br />
Ou plonger dans l'entonnoir du vide et du néant.<br />
Chant du cygne ou renouveau à espérer ?<br />
1477
Herbes-Madames<br />
Aubes, herbes-Madames en petits tas<br />
d'échancrures oubliées<br />
vulgaires<br />
Dans le doute affligé, je discerne un espoir de couleurs âcres et<br />
- des couleurs pourtant<br />
sinueuses<br />
Apprends-moi, apprends-moi à recourir au guet-apens dans les<br />
plaies des immondices<br />
Je te propose un amoncellement de coquillages clinquants très<br />
vite assombris avec ces sur-enchevêtrements<br />
Là oui encore des trahisons, des meurtres répétés, des crues<br />
démoniaques - (il fallait s'y attendre) mais l'idée restante est celle de la<br />
foi<br />
A présent développe-toi, croîs en rapaces, croîs en dents acérées -<br />
alors l'aube pure, idéale de transparence naîtra de ta quête impossible,<br />
audacieuse - impossible vraie toutefois<br />
1478
Autre lune<br />
Cette lumiè blanchâtre encore<br />
À l'aube de lune au-dessus des volcans<br />
Qui claire et mousse s’affaisse lentement<br />
Et s'esquive apaisée et là se consume<br />
Belle de marbre, alanguie pour aller gémir<br />
En poses se déplace et doucement s'incline<br />
Ceux qui prétendent que l'ambigu flou<br />
Est préférable s'y irisent et concluent<br />
Encore à l'effet acceptable - ceux qui.<br />
Mais toi tu m'enseignas l'Éther, en guide.<br />
Élève, j'ai glorifié le Maître, et j'ai<br />
- Suprématie admirable - arraché les cris<br />
À la destinée humaine, appelant le Divin<br />
À m'aimer pour me mieux faire paraître.<br />
1479
Conseils<br />
Mais lui traquait dans des scories horribles<br />
Au printemps, en été attaquait, attaquait<br />
Très efficaces - ces puanteurs fielleuses regorgeant de sang<br />
Vérités-mensonges dans des échos perdus<br />
Plus jamais en soi dépouillés avec amour maléfique - jouis,<br />
initie-toi aux audaces putrides<br />
Même si ce salopard de rossignol merdeux jète ses vocalises à la<br />
gueule hideuse des humains<br />
Rencontre qui tu veux - d'ailleurs il est là - ne défonce pas -<br />
contre la crémaillère, il semble hideux<br />
Additionne ses charades - découvre-toi un titre - sois sobre enfin.<br />
l'excès<br />
Descendez ! Descendez ! Menez la corde jusqu'au sol<br />
Et déjà s'implantent les paroles capiteuses dans les holas de<br />
Please, plize ! (Si tu veux, Andrea)<br />
Et ma pensée polychevauchant les idéales suédoises ou les<br />
brunes abricot ? Est-ce à rire ?<br />
Barbouillis de sexes éclaboussés qui ne savent comment entrer.<br />
1480
Jouis, initie-toi à l'élite crémeuse - deviens un toi-même crucifié<br />
et sucé à demi - merci<br />
Toute brûlée par les transferts de guano, évasive dans les<br />
interdits - là voilà qui aboie invoquant le nombre d'or et les attributs des<br />
chats décadents<br />
Remonteras-tu des profondeurs de l'inconscient ? Produiras-tu<br />
des phrases sensuelles ou sexuelles dépourvues de vice et d'odeur ? Tu<br />
vois, je te quémande des impossibles. Je glose dans ces infâmes à<br />
oublier. En vérité, j'espère.<br />
1481
Les fluidités exquises<br />
Il s'agit de fluidités exquises spontanément inviolables, auréolées de<br />
gloire, fortuites pourtant - les personnages sont nus sous des tréteaux et<br />
la foule rit à intervalles réguliers -<br />
J'observe les longues sérénades et je ris bêtement, - je ris encore -<br />
j'imite la foule.<br />
Qu'est-ce à dire que tous ces abandons de chairs - que toutes ces<br />
promenades en long et en large ?<br />
L'ensemble est guindé toutefois, et la lumière crue vacille sur les<br />
corps - elle semble les lécher nuitamment.<br />
Dans les situations folles, je fais trébucher des marches - j'invite<br />
d'autres créatures - je suis peut-être cet inconnu passant sa langue sur des<br />
rebords étroits. Ma lassitude m'en veut déjà.<br />
Ô beautés ! Ô créatures magiques ! Les divers ébats sont de<br />
lumineuses plaies - mes intentions sont des jouissances !<br />
En tourbillons exquis de lavandes claires, la pensée s'exile sur le sol<br />
infertile et la vérité précoce retrousse ses lèvres pour recueillir les soies<br />
et les poussières à jamais inconnues.<br />
1482
Cette beauté resplendissante d'automne, est-elle matinée pure ? - Je<br />
vous salue, vrai corps - et harpe davidique je mêle mes chants à vos<br />
sublimes sensualités.<br />
Celle-ci vit renfermée - aurai-je le temps de la jouissance et de la<br />
gloire - aurai-je ?<br />
Tant pénétrées dans leurs immenses amandes rousses ou jaunes.<br />
Oui, elles se tournent vers moi.<br />
1483
Éros<br />
De on plaisir qui est de gémir en permanence<br />
Beautés soumises ou diablesses<br />
Ce qu'il faut de philtres et d'orgasme, de fantasmes et de fouets, de<br />
soumissions et de jouissances pour assouvir le Moi parfait<br />
Je me détruis à genoux sur vos cuisses, épuisé dans vos chairs,<br />
léchant les arrières, léchant<br />
Au plus sombre, oui là dans les infinis, baisant les plaies de la<br />
femme en présence de bien-être lascif<br />
Tempête de corps et d'abîme, plongeant dans les sens pour des<br />
clameurs érotiques et de suppliques en soi<br />
Étouffements, ravissements divins sous la conscience avec la butée,<br />
en murmures plaintifs, elle de se donner, elle avec l'ivresse pour le coma<br />
sexuel ~ en<br />
Dans la volupté inconsciente de se dire : ne suis-je que poulain<br />
sevré, elle noueuse et sensuelle et de bras qui s'étendent sur des voiles<br />
1484
nocturnes de soupirs ?<br />
Finira-t-elle au plus profond dans la douceur secrète par mourir<br />
autrement ?<br />
Ta chair m’obsède immensément en toi<br />
C'est du Mozart dit-il dans le chaos de l’hallucination dernière -<br />
délivre-moi au baiser de tes lèvres avec courroies et sangles - mais<br />
qu'est-ce ? Désirs inconnus ? - Qu'est-ce ?<br />
Oui, le parfum de tes seins - en temple de splendeur - seul de<br />
connaître la douceur et la beauté de tes mains claires - je viens vers toi<br />
En mille abordages de transport avec finitude amoureuse déplacée<br />
Vers les cuisses et l'hymen de cette catin endiablée ou en pucelle<br />
d'écolière - en retenue explosive de vice et d'excréments - ô toi ma<br />
lubrique chimérique, m'aimes-tu toutefois ?<br />
1485
Les vertiges<br />
À l'intérieur sont les vertiges<br />
Et cette fille, plus qu'un corps interne<br />
En jouissances de dilatations -<br />
Des ouvertures avec parois épaisses,<br />
Humides et de beaux mamelons souples<br />
La consistance, et cette couleur qu'intimement<br />
Je pénètre - plaqué contre des lointains de phosphore,<br />
J'y pense quelque peu.<br />
Nuit royale et bleue où l'infini est mal inspiré, j'y cueille des<br />
impressions de femelles<br />
en positions pyramidales, proposées à l'envers - belles heures dans<br />
le luxe de mon consentement.<br />
La blonde nymphe invitée au partage de jouissance se tourne<br />
et se retourne - c'est vrai<br />
là appuyée sur les côtés, jouant son protocole pour les labeurs<br />
domestiques.<br />
Pourquoi doit-elle se frotter assidûment en trente-six statues<br />
1486
déifiées ? - Pourquoi ? Avec<br />
la nudité dans les feuillus vers cet impossible savoureux.<br />
Fouette ces déesses avec moult accessoires pour le plaisir de<br />
voir irriguer entre tes mains<br />
des vulves de fournaise qui couleront leur sang bleu comme des<br />
chaleurs d'extase.<br />
Qui s'allonge, s'allonge contre l'ennui des choses avec cette<br />
progression d'enchaînements<br />
Sensuels et sexuels jusqu'au Fini de la mort vers l'éblouissement du<br />
néant.<br />
Elle, de s'élargir en sa somptueuse chevelure,<br />
Elle, léchant les gouttes précieuses,<br />
dans mon désert ~ avec concupiscence, si gourmande et moi<br />
dormant à l'échéance du repu.<br />
De douceur, comment l'aider sans bousculade ; si bien<br />
pensant sur des flotteurs -<br />
avec nuance de mots adorables ?<br />
Elle, de gémir d'aise.<br />
1487
Si bleue et telle<br />
ses rêves illusoires.<br />
Si bleue et telle, la bouche ouverte et suppliante, elle berce<br />
Chairs qui suintent et ruissellent des sécrétions amoureuses<br />
- chairs - inlassablement<br />
accouplées avec silhouettes humides qui nous observent là dans<br />
l'ombre.<br />
Avidité pour la turgescence de mon sexe avec consistance<br />
et odeurs lourdes et chaudes.<br />
Groupes d'hommes et de femmes en position, au couchant<br />
et les plus belles pour des nuits de consentement.<br />
fouetter la gueule.<br />
La sublime nymphe prise et reprise - tu as bien fait de lui<br />
Elle oui, en figurine de jouissance, en nudité, liée, soumise<br />
à des domestiques - je te retrouverai,<br />
tu es admirable, perverse pour le réalisme sexuel.<br />
Sois infiniment délicate et slag avec le stick ces putains de<br />
1488
statues vicieuses qui nous observent<br />
en se branlant frénétiquement.<br />
Avec influence subtile et masochiste, encombrée de ces<br />
grands accessoires - fentes et chaleurs -<br />
tu deviens, c'est chevelure, qui s'étreignent à deux ou à quatre.<br />
Que les corps sont beaux en vaines possibilités interdites !<br />
À ton extrémité, le vit - et toi enclose en toi-même, j'ai pu<br />
te deviner, asservie en plaisirs<br />
audacieux - voici ton luxe !<br />
Et telle autre, grande, fouettée au galop - de me suivre<br />
dans des orgasmes déviés - je la dirige -<br />
temps légers - secousses - j'explose !<br />
1489
Premier livre des rois<br />
Vieillesse de David<br />
1 1 Le roi David était vieux, avancé en âge.<br />
On le couvrait d’habits sans qu’il se réchauffait.<br />
2 Ses serviteurs lui dirent : “ Qu’on cherche pour<br />
mon seigneur<br />
Le roi, une jeune fille vierge, qu’elle se tienne en<br />
présence<br />
Du roi et qu’elle devienne sa gouvernante ! Alors<br />
Elle couchera sur ton sein, mon seigneur le roi<br />
Sera réchauffé. ”<br />
3 Et dans tout le territoire<br />
D’Israël, on chercha donc une belle jeune vierge<br />
Ainsi l’on trouva Abisag, la Suramite,<br />
Qu’on amena au roi. 4 La jeune fille était<br />
Extrêmement belle, elle devint la gouvernante<br />
Du roi, elle fut à son service, le roi ne la<br />
Connut pas.<br />
Le vieux David<br />
1490
Jeune fille, tu mêles à ma saveur une goutte de sperme d'Adam.<br />
Vieux, je suis, vieux je suis exténué subissant jour après jour,<br />
subissant les offrandes de ma bouche.<br />
Mon visage se défait mois après mois. Les cris. Les affres. Les<br />
jouissances pour ces attouchements<br />
~ puis la nausée car j'inventais - et je t'ai prise à rebours déchaussant<br />
mes pieds fébriles vers tes tétons érectés.<br />
Le coq du désir carillonnait encore - moi nu et dénué, demeurant en<br />
plomb, je m'exhibais encore<br />
- j'ai fait grincer ta grande tête blonde...<br />
Je te parle de sommeil et te supplie de venir gémir avec moi.<br />
M'entends-tu - dis-moi ? Et toi, jeune fille,<br />
La dernière fraîcheur, la dernière beauté - car après, que sera-ce ? - Un<br />
imaginaire de fortune, un retour au passé ?<br />
Va vers tant d'hommes - je m'épuise et meurs à présent - et meurs à<br />
présent... Oui, grande tête de beauté claire.<br />
1491
Autre obscur<br />
Pour que gémisse dans ton obscur, pour que soit sublime ton obscur<br />
avec viens dans la plus sombre, avec belles luxuriances, avec langues et<br />
de s'élancer-en,<br />
Avec glissades d'herbes douces, avec bouton, de se mouiller, avec<br />
doigts et mains jamais lasses<br />
- oui, très doux excès de se mouiller vers le séant, de s'enchaîner au<br />
plus profond avec plaisir de faveur prolongé en raffinement de parfums<br />
~<br />
Langue tu te délectes, langue tu te rassasies et bois encore<br />
goulûment à la chair intime, et gland, et gland de "L'aime-trop", "<br />
L'aime-encore", " Allongé " - à se désorienter dans les cavités, fornique<br />
et plais<br />
Là de s'exalter en humide, en exhumations de plaisirs pour<br />
l'évanouissement accompli,<br />
sois belle et tendrement obscure, sombre de délires dans la chair<br />
sublimée.<br />
1492
Valdingué, titubant<br />
Toujours plus pensées et blessantes, qui se veut sur le couchant avec<br />
l'intensité du délire, violées dans l'ombre, oui, avec des interdits. Et ces<br />
éblouissements impossibles - ces soifs et ces rages ? - Pour qui ?<br />
Elle - de se sublimer - introvertie mais jouissant sur le marbre avec<br />
clitoris et anus -avec jambes écartées pour l'apothéose et l'extase - pour...<br />
Encore dans l'Etre avec myriades éclaboussées de soumissions très<br />
fougueuses. Les rouges et les violets en floraisons multiples, en couleurs<br />
violentes - en ténèbres de honte et de scandale.<br />
Jusqu'où seras-tu gémir ?<br />
Je reviendrai dans ces villes gémissant d'en bas - espérant des<br />
transfuges irréels avec perceptions de nuages -déjà-gloire-de-parti-où-jefus.<br />
Telle est ma tentation. Moi, oui, répugnant, rejetant ma maîtresse<br />
par ma haine inassouvi.<br />
En concupiscence, avec vertes moissons, plongeant dans les ports -<br />
je comprenais par intuition. Mais ces cieux disloqués étaient mauvais<br />
présages.<br />
1493
Gloire, entends-tu avec ces singularités ridicules qui se prévalent d'être ?<br />
Irréfléchi - m'en croire exclus de ce drame ! Hors saison la pensée<br />
flambloie encore.<br />
1494
Araignées-reines<br />
Vous m'avez sublimé - de se donner dans l'aube - pour la fuite<br />
incessante de vos orgasmes nus. Ors, sécheresses et nocturnes infidélités<br />
d'araignées-reines succombant dans vos bras.<br />
Ô feu ! Ô fraichissime équilibre de lumière crue dans les<br />
contreverses de la jouissance et de l'interdit !<br />
Mais le tout est à balayer - je vois : cercles profonds ou légers<br />
s'évertuer à naître.<br />
Apprends-moi ! Apprends-moi toutes ces feintises en luxures<br />
cérébrales pour des potentialités hors-limites.<br />
Ou encore avec scintillements, en circonférence, infusés en moi, -<br />
j'ai grincements narcissiques.<br />
Mais vous - est-ce lumineux avec intuitions intellectuelles ? - Tout<br />
en demeurant vide, votre aura conçoit !...<br />
Sous l'ombre ! Sous l'ombre dans le-comprendre - dans laconnaissance<br />
sans l'aveuglé - oui, moi l'excès, moi l'a-peu-près<br />
invoquant l'impossible,<br />
1495
Je plonge dans mon Néant - lumière et infini - j'apprends puis<br />
prétends au plus fécond. Mais qu'est-ce ? Quel tourbillon d'extase en<br />
dénué offert ? Pour quelle splendeur ?<br />
- Répondez-moi.<br />
1496
Autre douleur<br />
La douleur te submerge. Qu'est-elle pour toi ? - Elle est<br />
profondément suave.<br />
Restes, traces, violence, aiguillons profondément enfoncés dans la<br />
chair avec souffrance - hurlements, hurlements sans répits et silence des<br />
autorités divines - silences éternels. Le rouage mécanique qui dit : oui.<br />
Flaques de sang, et là le vide. L'irréparable.<br />
Quelques-uns crucifiés, fouettés, hurlant - très belle figure de<br />
l'horreur s'esclaffe le Mal. Quasi-nus avec mémoire de cette prison.<br />
Victimes et bourreaux - le gardien reconnaît-il le prisonnier ? Je te dédie<br />
encore toutes les atrocités décrites. Et ces innocents qui subsistent et<br />
quémandent la fin de l'immense injustice. Libère. Libère-les enfin. Ceci<br />
est de trop. Ceci ne sert à rien.<br />
Les aberrantes confessions extorquées - mais la torture, est-elle un<br />
problème ? - Il me faut des aveux - les interrogatoires systématiques -<br />
les -La violente pression glorifiée par la sauvagerie physique avec le<br />
vice maniaque apporté au corps. Tout ceci est délire et excès, n'est-ce<br />
pas ? Que folie exubérante de l'imagination ?<br />
Qui sera condamné ? Qui ? Pour aucune torture, n'est-ce pas ? - car<br />
1497
il faut céder. Oui s'acharner et extorquer pour obtenir. Les bourreaux<br />
seront-ils<br />
à la barre ? Seront-ils jugés ?- Qui les animait ? Qui était coupable ?<br />
Qui était l'exécuteur ?<br />
Regarde les prisonniers. Quel est ton sentiment ?<br />
1498
Mystique<br />
Hors lieu en moi suppose ; espère et décline - car rien de vrai ne me<br />
paraît possible.<br />
à l'âme.<br />
Les bégaiements les plus subtils ne sont que de purs efforts inutiles<br />
Je ne possède que le printemps de mon orgasme et meurs<br />
doucement dans la bruyère de ma vérité.<br />
Toi, toi, es-tu délabré ? Je suis si faible - j'ai beau vociférer - ma<br />
plainte est incomprise.<br />
Et cette pluie fine de filles graciles qui plongent dans mon esprit, -<br />
vais-je pouvoir les satisfaire ?<br />
Dans cet amas de silence, les hosties vacillent nuitamment. Ô<br />
grandiose impuissance, quand vais-je pouvoir faire mugir les firmaments<br />
d'été ?<br />
Tout est souillé, renversé, ignoré - ici, le saint quémande et supplie<br />
une extase heureuse. Toi, malheur, tu élèves des porcs et les supplies de<br />
t'instruire.<br />
1499
L'on va d'ossuaires en ossuaires et de bravoure en peur ~ ce sont des<br />
morts qui gesticulent dans l'interdit.<br />
Accepte la clairière qui lentement s'offre et gémit d'extase - là est<br />
l'infini de ta condition.<br />
1500
Les somptuosités claires<br />
Puis étouffa en somptuosités claires - il fit naître. Sans trêve, - lui<br />
pour l'infini. Sinon interdite, pour le feu de l'innocence – du moins, elle<br />
vit. Oui, elle se protège en fresques imaginatives avec amants<br />
présomptueux. Parviendra-t-elle à tenir la distance ? Déroutante,<br />
dégoulinante, - de la poussière de soie sur son visage ! - Il faut préserver<br />
le secret.<br />
Etait. Je t'accompagne en vrai/faux. Avec tous les ors proposés en<br />
sécheresse de corps. Mais oui-va en possibilités fines d'audaces<br />
inadmissibles. Quel suspens ! Poussières, rouilles fuyant les obscénités.<br />
Tu vois, je meurs. Dans ta démesure, là égarée, élaguant les rêves - de<br />
jamais-avais-été et que-deviendras-tu. Mais tout cela est morbide.<br />
Avec silences éclaboussés d'orgasmes sanguinaires et ces nouvelles<br />
enchevêtrées faussement. Oui, moins pensées, enchevêtrées dans le<br />
plaisir, au-delà de la rime, dans les temps séculaires, tu convoites ce qui<br />
n'est plus. Tu vaques à tes fantaisies absurdes en sursauts qui plus jamais<br />
ne se font. Toute pensée pulvérisée échoit en vérité post mentale. À<br />
chacun de se le dire.<br />
Débraillé, insoupçonné en bonheur de chance - est-ce le fameux<br />
Vendredi saint de grâce et de miroirs - pour les fuir ? - Les mois<br />
1501
changent. Mais étais-je au monde ? Je me fragmentais en analyse<br />
superposable. La fureur m'invitait aux folies. Peut-être n'obtiendrais-je<br />
que du vice infecte ?<br />
1502
Le délétère s'évapore<br />
Au plus profond du Moi surgit ma transparence, idéal et désir de<br />
pureté - un Christ et une Vierge sont aspirés vers l'Au-Delà.<br />
J'attends dans l’ombre du miroir.<br />
Libérez-moi de tous mes sangs et excréments de ma dégénérescence<br />
sauvage !<br />
La main délaisse les limites de cette feuille car l'esprit s'échappe.<br />
Derrière les ombres dévore l'alignement obscur des signes.<br />
Faut-il se conformer à ces actes ou penser autrement que ces signes à<br />
produire ? Le geste est-il étroit ? - La pensée peut-elle aller outre ?<br />
Plonger là dans le vide au plus profond - je dois renverser la chute<br />
vers le léger.<br />
Dénué de toute forme, le délétère s’évapore et s'élève vers le baiser de<br />
l’être avant de retomber.<br />
Alors pour retourner la chute, que faut-il inventer ? Ce sont des<br />
espaces de pureté inouïe inclus les uns dans les autres. Même forme<br />
1503
pour l’ouvert à intégrer.<br />
Enveloppée en moi devient une substance. Au versant je dégage<br />
l'opprobre, je fuis les excréments. Que puis-je encore ?<br />
1504
Plonger jusqu'à l'extrême<br />
I<br />
Par une nuit avec l'inexistant, je fus perdu dans le vide<br />
Je plongeais infiniment et poursuivais ma chute sans tomber<br />
L'ultime but de toucher l'effondrement et sa hauteur ~ un moimême<br />
dans sa catastrophe de deuil qui tombe dans son espace de nuit ~<br />
au plus profond, ô sinistre pensée ! - Mais qu'importe ! C'est<br />
l'écoulement et sa fin - c'est ! Soudain glisse ! Et j'atteins le néant ~ je<br />
touche le zéro.<br />
Infiltre-toi dans la substance la plus subtile de l'être - conçois<br />
sur la lumière et fais jaillir la vérité.<br />
II<br />
Plonger dans sa forme sexuelle, la belle, la nouvelle pour<br />
satisfaire sa propre soif - et du négatif-rien comme un introverti faire<br />
exploser l'immensité de son intimité intense. Aller jusqu'au chaos de son<br />
orgasme et gémir dans cette source de plaisir.<br />
Qui doit condamner et pourquoi ?<br />
1505
Plonger là devant soi pour un exil intime, au plus profond<br />
d'une hauteur qui vacille.<br />
1506
Penser autrement<br />
Penser autrement. Le bleu lave de l'ennui. Avant le jour de la grande<br />
possibilité. De vous noyer sur les hanches qui tremblent. Je vous dis la<br />
vérité. Vous croyez-vous ?<br />
De nouveaux fragments viennent déverser leurs flots d'aberration. Je<br />
n'ose mais nous dormons ensemble. Quand tu sillonnes la nuit - la nuit -<br />
j'improvise - j'irrise - j'espère. Mais quel mélange ! Que puis-je espérer ?<br />
Je dévale dans l'oubli. As-tu cent façons pour tout retourner ? Les<br />
sanglots, et je crois mourir. Je ne t'ai pas notée. Je renvoie<br />
l'indisposition. Tu dénouais d'étranges manières dans des mouchoirs<br />
impossibles. Le même et le ciel se déploient. Je vais découper des<br />
tranches de bleu clair. Mes sommeils sont des orgasmes. La nuit est un<br />
idéal à atteindre.<br />
De plus, en tout temps. Je dévale et ai l'audace de te chevaucher. Je<br />
certifie le rouge vif. Ne plus. Ne plus. Avec un autrement. Et je te sais<br />
dans des cendres blanchâtres.<br />
Ne plus défaire l'impossible stupide. Allez outre dans les bagages -<br />
avec scintillements et noirs élancements. Oui, le bel échafaud. Et je crois<br />
déjà mourir. Et toujours ce ciel mat qui semble me contempler.<br />
1507
1508
Les espaces-miens audacieux<br />
Apprivoise l'interdit et renais de ton rire. Fuis - fuis la chute finie.<br />
J'invente une dictature mais c'est pour ton bien-être. Par petits fagots<br />
avec l'air édifiant...<br />
Oui, le contenu avec talon à l'équerre dans la chaleur de la serre...<br />
(Et cette danseuse perverse qui tout à coup offre sa croupe<br />
incendiaire?)<br />
Ma part dans l'Absolu s'affaisse désespérément. Il faut récuser<br />
l'improvisation pour égrener son Moi par l'imagination. Tout converge<br />
vers le Néant - l'idée est une utopie infinie - Incapable de sensibiliser des<br />
pouvoirs - sans ambition - je divague tout pêle-mêle.<br />
Cette mascarade de mioches est inadmissible...Moi qui transpirais<br />
quitte à fuir l'enfance. Et là dans mes vieux viscères jouant encore de<br />
l'harmonica, je me rappelle - je pense et jouis médiocrement.<br />
Tant de caresses pour ton corps affamé ! Quelle transparence ! Quelle<br />
nudité ! Femme, qu'importe ! Je t'entends gémir de l'intérieur.<br />
Je me précipite sur mon souffle. Pas de rumeur - qu'une évasion, à<br />
1509
l'horizon - et pour quelles ombres de poésie-mienne ? Me voilà en<br />
charpie, dénonçant tout étrange mélange. L'épuisement me reprend - je<br />
supplie et gémis<br />
Il y a le à-quoi-bon-tu-penses qui est une façon d'éloigner l'orgueil de<br />
la création pure. Tu vois, je divague et divague encore sur des espacesmiens<br />
audacieux. Mon désespoir semble s'éterniser infiniment.<br />
1510
Or et sanguine<br />
Convoite son galbe une pointe de sein de douceur de myrtille<br />
et l'autre plus belle encore qui l'embrasse, et veut se donner à ta chair<br />
érectée<br />
Oui, lèche lèche langues de velours de pourquoi pas à trois<br />
le plaisir y est meilleur pointes Béchamelle de titillements exquis<br />
Pénétrez-moi à fond je saurais gémir ou pleurer Fouettez !<br />
Pénétrez !<br />
Piétinez encore ! Or et sanguine Que vienne le feu de l'orgasme<br />
et de l'humiliation ! Se confondent l'asservissement de l'homme et les<br />
suppliques de la jouissance affligeante!<br />
Dans le fondu de nos chairs, gémissons encore.<br />
En charpie de blonde claire contre des étoiles incertaines<br />
dans l'incessante mastication du désir interdit Pourtant des fatigues<br />
immenses m'imposent à agoniser - à délaisser l'objet-culte, rare -<br />
implorant toutefois les chairs belles.<br />
Qui inflige contre des haleines infestées, des béatitudes intérieures ? -<br />
1511
Une aube grise déjà s'éveille et je commence à comprendre.<br />
1512
Stupide hypocrisie<br />
Je pense à vous, stupide hypocrisie de Moi à Moi<br />
Je balance sur un vieux Virgile tachant de croire encore en ma pureté<br />
J'exploite de nouvelles distances - je me fusille dans la haine, isolé -<br />
ceci est mon supplice.<br />
Encore eux se taisaient ! Dans l'assourdissante volonté perverse de<br />
l'esprit - je poursuivais mon écriture.<br />
Elle, déjà bavée, crachant encore ses sucs nouveaux - ensemençant<br />
une syntaxe évolutive pour des produits de baisers-bulles, elle chuinte<br />
encore.<br />
Et pour rêver la chimérique sur les fabuleux transports de sexes et de<br />
fièvres - elle gémit, gémit toujours.<br />
Filles, filles attroupées, venez bénéficier de l'exil sublime - venez<br />
m’amouracher pour des délires en fête. (Elles accusent mon audace,<br />
mais s'en viennent toutefois)<br />
Oui, dans l'art du sorcier avec gouttes féroces pour la procréation. Je<br />
t'enferme - tu m'envenimes avec tes mygales sanglantes.<br />
1513
Purge ton cul dans des tonsures de laide-reine, avec salopes<br />
débraillées en dépit de tout ange ~ voilà je l'orgre qui implore toutefois.<br />
Je réécris ton déficit - mon corps est un schéma déréglé - je minore ta<br />
vulgarité de fille-lesbienne mais je t'aime encore.<br />
Voilà tes viscères et nos idées ~ moi, le plus fameux à la ronde,<br />
exploitant des gestuelles d'audaces poétiques !<br />
Zping ! Et commencent les pollens de pureté sur des toiles blanches<br />
pour produire de belles écritures sereines !<br />
1514
Les possibilités mutantes<br />
Disparaît cette transparence en forme désuète<br />
De silence - sans ruptures ni chutes,<br />
Face au cristal qui s'est fait ombre, prétend<br />
Roberto Juarroz. L'asphyxie est moins<br />
Suprenante. La beauté claire se mêle au<br />
Ténèbres.<br />
L'éveil bouleverse toute ombre,<br />
Il se peut que nul ne fende l'Inconnu à percevoir.<br />
Des courants sont comme des fluides qui se répandent<br />
Nuitamment.<br />
L'Être toujours en contraire d'idées<br />
Subit des signes arrogants dans sa vision pensante.<br />
C'est le poids d'une rose qui mugit au fond<br />
De lui.<br />
Il n'y a plus de vérité, - tout plonge<br />
Dans le vide. Là, les filigranes flottant<br />
Qui se mélangent aux choses sont des possibilités mutantes.<br />
1515
Ô habiter<br />
Ô habiter dans le profond du dense en prévision de pensées à<br />
entrevoir, et c'est abandon de présence ! - Abandon pur qui se défait en<br />
murmurer...<br />
- Et là c'est une froide escorte qui crie vers l'Azur. (Personne -<br />
personne n'y croit - nul ne gémit)<br />
Oui, elles dépouillées, assombries, suppliantes toutefois - en douces<br />
cruautés de jouir et d'aimer.<br />
Lèche-moi - lèche-moi encore en saveurs reniflées dans les trous à<br />
aimer - ceci est une belle perversion !<br />
Prends le verbe<br />
1516
Prends le verbe ô avec entéléchies de noires ténèbres - et prétends<br />
t'éveiller avec le sang - de médium à flots de lamelles- sur le torsk - le<br />
verbe est rare.<br />
Soupèse. Erecte. Ce sont des frissons nerveux.<br />
Dans l'ordre des couleurs, tu es à plaindre - de hâte en hâte, souffle<br />
encore. Oui, dénonce.<br />
Tu veux la fusion de deux êtres. On est sur le bord sombre avec<br />
sursauts sporadiques. Ou délires sexuels inconnus - à voir - (Enfin! Libre<br />
le vice!)<br />
Oui, le sentiment des choses et de pleurer jusqu'à ma stupide<br />
demeure. C'est une légitimité plaignante.<br />
Mais qui me comprendra ? Qui m'aimera ?<br />
Je vais finir squelette fouetté contre le feu suppliant auprès de ces<br />
garces de filles un orgasme de souffrance pour mieux gémir encore.<br />
1517
La lumière et le vent<br />
Nous préférons ne pas avoir été dans la lumière - nous préférons<br />
être dans le vent.<br />
Les contrastes se rapprochent - nous allumons des ombres - ceci est<br />
le chemin principal.<br />
Mais nul orage ne s'y oppose - l'ombre est à saisir et peut se<br />
prévaloir d'exister.<br />
Vivre - mourir - jouir - souffrir - ceci est de trop. Moi, je conçois<br />
dans un cauchemar, et mes folies sont des manoeuvres de plaisir. Ainsi<br />
j'admets ma vie.<br />
Mais dans les labyrinthes de l'interdit, parviendrons-nous à trouver<br />
quelque message de la marque du temps ? - Les signes sont vides et se<br />
déploient dans l'espace.<br />
Nulle sortie, hélas. Il se peut que chacun ait sa réponse. A moins de<br />
plonger dans le noir abîme - de l'interface à l'Univers - j'y suis Ceci est<br />
folie et fantasme ! Qu'ai-je dans mon Néant ?<br />
Ombres ? - Avec variabilités incomprises - avec chaos cérébral de<br />
l'infini compris-de-rien ,ou mouvements de l'intelligence qui se<br />
1518
déploient et sèment des pensers nouveaux ?<br />
J'invoque l'ombre et supplie la lumière. Mais caché dans l'infini sans<br />
fin, que vais-je espérer ?<br />
1519
L'immense muet de l'Inconscient<br />
La transparence disparaît et laisse place au silence - belle chute de<br />
cristal clair pour de nouveaux yeux bleus.<br />
Tu seras peut-être plus prêt des choses comprenant les signes et la<br />
transposition, les courants et les subtilités croisés intelligemment.<br />
L'Etre est toujours le contraire de ses idées - la configuration<br />
nouvelle le détruit. Futurs fragments, fleurs qui flétrissent, pure façon de<br />
raisonner.<br />
Il y a cette plongée dans le noir céleste - la pensée s'y répand<br />
effrayamment - absolus, grands absolus, choses mêlées avec filaments<br />
dérivés et flottants, abandons dépouillés - qui peut savoir ? L'âme est<br />
poussée vers le désespoir, vers l'ombre inconnue. Le vide est à aimer.<br />
Poursuivre. Poursuivre. Continuer. Les paroles s'épuisent. Oui,<br />
poursuivre et se taire. La porte du néant est fermée.<br />
Mais à l'intérieur, il y a autre chose à vivre. Dans les élans<br />
successifs, vivre est une nouvelle alternative. C'est encore la beauté et la<br />
transparence qui explosent ici !<br />
1520
Enfin tout se pense dans l'immense muet de l'Inconscient...<br />
1521
Dans l'infini-en<br />
Je plonge là devant moi dans le non-sens - ou je me retourne,<br />
cervelle renversée - à l'agonie et finissant, plongeant toutefois.<br />
Commence par te craindre. Apprends à te méconnaître. Absence de toi<br />
comme si tu étais l'Autre. Visite-toi dans la nuit pour de nouvelles<br />
perceptions !<br />
Ce que je cherche : le vent ou l'idée - à poursuivre - délibérément -<br />
ou tomber dans l'illusion nouvelle pour trouver quelque chose. D'autres<br />
formes apparaissent dans ta nuit claire. Je me nourris de ton absence.<br />
J'élude le vrai où s'achèvent tes pas. As-tu vu entre tes mains s'éveiller le<br />
regard ?<br />
La pensée se déplace et accède aux espaces célestes - ces fous<br />
démantèlent la raison. Il faut émettre de nouveaux sons dans l'univers<br />
fantomatique de l'aberrant. C'est un autre miroir où le temps et la logique<br />
se déploient différemment.<br />
Le bel éphémère accompagné de l'abyssale impossibilité ~ toute<br />
nouvelle vérité doit être supposée auparavant. Poursuis cette idée en exil<br />
de vent comme une pensée incertaine dans l'illusion ou l'expectative. Le<br />
non-vrai se déploie désespérément pour donner raison à une bouture de<br />
vérité. Laisse - laisse croître encore l'idée de l'être, l'exil de la<br />
1522
connaissance s'apaise là - en toute ignorance de réalité future.<br />
1523
Variances<br />
Allégories et catacombes<br />
Allégories et catacombes - je te sais renaître dans ce fer tyrannique pour la<br />
beauté des coups. Je te sais gémir pour l'interdit et l'impuissance - pour le vice<br />
et la cruauté. Pour l'idéal de la perversion. Je te sais : tu gémis - gémis et<br />
soupires de plaisirs.<br />
Voilà ! Coups sur coups. Gémissements sur gémissements, ô mon amour qui te<br />
tords et te retords, tu le sais - je veux te suspendre dans les airs pour des<br />
jouissances inconnues.<br />
Et te voilà interdite, bénéficiant de spasmes aériens - te voilà heureuse, prise et<br />
reprise dans des sangles de cuir - comme suspendue et léchant, suçant l'objet<br />
rare, en érection - en désir de vice et de vomissures... Car tu as envie de vomir,<br />
ma reine.<br />
- Vois, je t'accompagne dans des hoquets de dégueulis légers. Vomis, crache,<br />
pleure et lèche à nouveau. Comme tu es belle ! Comme !<br />
À nouveau, fais-toi prendre et reprendre par derrière. Pour l'éjaculation sublime<br />
dans tes spasmes de vomis avec ta bouche pour lécher encore. Oui, lèche,<br />
1524
lèche, lèche encore.<br />
1525
Ruptures et chutes<br />
La fatigue disparaîtra dans la transparence. A sa place, ce seront ruptures et<br />
chutes, axes transmis sur le seuil des yeux ouverts. S'élèvera inlassablement le<br />
silence accompagné de choses asphyxiantes. Du moins un cristal acéré fendra<br />
de nouvelles ténèbres.<br />
Oui, mais se formera lentement comme dans des contradictions consenties le<br />
génie furtif, prolongeant dans ses mains des formes étroites. Qui faudra-t-il<br />
invoquer ? Les invisibles actifs - les retraits de ses mains ? L'intelligence qui<br />
bouleverse l'ensemble saura répondre à la question.<br />
1526
Disparaît la transparence<br />
Disparaît la transparence pour que s'épanouisse à sa place le silence. Chutes,<br />
ruptures, - tout se fait ou luit face au cristal.<br />
Reste-là. Reste-là avec tes yeux ouverts ou invente un langage propre.<br />
Tu affaiblis ma pensée - tu veux transposer ma réalité. L'inévitable contraire est<br />
validé tout à coup.<br />
Je conçois le possible dans mon esprit. Je suis là où la déflagration se détruit à<br />
tes pieds.<br />
Tu me maudis et m'aimes pour que j'invente et anime un espace nouveau. Mais<br />
je suis caduque, vieil informe qui ne sait ce qui est.<br />
Voilà je t'implore un sublime idéal - tu m'expliqueras la configuration nette, la<br />
perfection à atteindre. Mais l'ombre déjà détruit...<br />
Obscurément sont-ce des briques ou des courants nuitamment liés dans l'ordre<br />
de la construction ?<br />
J'ai besoin d'écrire, de produire, de penser autrement. Crois-tu que tu me<br />
permettras d'extraire des pensées claires aptes à s'intégrer dans le schéma de<br />
l'écriture-mienne ? Je t'aime et veux savoir.<br />
1527
Ce sont des vannes obstruées. - l'Etre ne saurait s'y développer. L'énergie fond,<br />
le Néant s'extasie. Personne ne connaît le poids de la rose. La beauté se déploie<br />
et déploie son contraire.<br />
1528
Le lieu autre<br />
Plonger là oui devant soi pour exploiter un nouvel espace, pour fondre dans un<br />
clair absolu et remplir un autre vide.<br />
Il faut construire ce lieu dépouillé, y exercer une réelle liberté jamais connue.<br />
Ce n'est pas un abîme, c'est un territoire vierge à construire.<br />
Poursuivre et s'enfoncer où cela n'a plus de sens. Aller encore toutefois.<br />
L'être disparaît mais que peut-il trouver ? Il y a descente dans le vide, sorte de<br />
saut retenu par les pensées qui ralentissent la chute.<br />
Il finit par aimer le vide car cette attraction est certitude de lieu autre - lieu<br />
nouveau où l'intelligence pourra se déployer.<br />
Le vol pour plonger dans la transparence, en témoigne cette lumière évidente<br />
obtenue par la vitesse et la fuite. L'on parvient à illuminer l'abîme.<br />
Abîme ! Bel abîme ! Quels seront tes secrets ?<br />
Je persévère dans l'extrémité la plus lente sans parvenir à achever ma chute.<br />
1529
J'ai parfois rêver de me dresser à la verticale pour accéder aux extases célestes.<br />
Mais cela était luxe impossible, que salut inventif, que folle expectative...<br />
1530
Déterminations de profondeur<br />
Déterminations de profondeur et de pénétration pour parvenir à trouver un<br />
nouvel espace.<br />
Supposons que nous possédions cet espace - où se situe-t-il ? Que contient-il ?<br />
N'est-ce pas un autre actif - je veux dire un langage différent avec du matériel<br />
de mots associé dans un ordre déplacé ? Et quel langage ? Car il s'agit de choix,<br />
de prélèvements, de distinctions.<br />
Mais il se peut que l'espace détermine un autre fondement verbal de mots - que<br />
l'ensemble offre un inconnu totalement vierge de toute spéculation cérébrale -<br />
et c'est acte de créativité à l'état pur !<br />
Ou encore une rare vérité d'images - d'extrapolations mentales ou de<br />
symbolisations autres<br />
- que sais-je !<br />
Alors ! Comment déterminer ce nouveau vrai ? - Il faut qu'il soit suffisamment<br />
crédible pour se personnaliser dans l'espace poétique connu. Il faut que la<br />
critique - et quelle critique, - prétende que cet autrement est vrai pour l'intégrer<br />
à sa vérité poétique.<br />
1531
Certes - je suis naïf - mais je crois en la jeunesse - car elle saute les étapes,<br />
passe outre, ignore le passé, compresse, condense dans son présent. Oui, elle<br />
ignore l'expérience mais on peut lui donner la possibilité d'affiner ou de<br />
purifier son application offerte.<br />
1532
Le gouffre-néant<br />
Ce gouffre-néant planté là devant soi gémissant dans le silence espérant<br />
quelques vérités de vie...<br />
Obscur ! Obscur au bord du rien qui pourtant implore l'ultime d'une éclaircie,<br />
je te sais supplier d'extase.<br />
Dans l'entrevoir, je sens les mots se déplacer pour combler ce vide, pour le<br />
nourrir d'ombres légères, de douces fluidités, de sens étranges et d'audaces<br />
inouïes.<br />
Les fumées m'échappent - les larmes antiques de : "N'entre pas car ceci ferait<br />
violence à ta poétique", m'imposent à me comporter autrement.<br />
Déjà je vocifère dans ce rien - j'espère et exploite une cendre nouvelle -<br />
déjà...Pourquoi ? Pour : demeurer en sans découverte aucune, sans espoir de<br />
substance supérieure.<br />
O luxe de rien - me laisseras-tu gémir éternellement pour ce faible feu, pour ce<br />
Néant insignifiant ?<br />
Des larmes chaudes se répandent sur le marbre noir car La Conscience sait<br />
pertinemment qu'elle ne peut obtenir quelconque objet inédit.<br />
1533
L'idéal des irréelles<br />
À l'instant de son impossible, l'idéal des irréelles - des sensuelles outres - des<br />
blondes volubiles - et moi, rêveur à la peau claire, je divague nuitamment.<br />
Elle, dans ses yeux verts, et son éclat est un rêve immortel - je l'espère dans sa<br />
paix - je l'invoque - volcan, braise ou aurore boréale - enfin tout au facile pour<br />
des fiançailles équivoques.<br />
Me mènera-t-elle dans les méandres de cette eau torve où poids et soleil se<br />
concrétisent en ces lieux ?<br />
J'ai le penchant pour un visage parfait qui aime dans ses ravissements et<br />
implore dans sa transe des ivresses folles.<br />
Quant à savoir où j'implore, où je supplie, la censure se déploie encore.<br />
Ce qui était dans son silence abrupt, priant cette beauté insignifiante, ignorant<br />
l'importance, - ignorant.<br />
Laisse brûler le silence - les larmes t'appartiennent.<br />
Beauté, tu es ma grandeur - tu es ma hauteur - immensité, intensité autre - et je<br />
gémis dans l'éternité du néant quémandant les choses pures.<br />
1534
Plus profondément sous le soupir, la paix éternelle, extrémité de brise ardente<br />
implorant d'extase - je t'atteins dans le souffle du désir - toujours je t'appelle et<br />
te supplie dans des extases belles.<br />
Pour entrer dans la joie du prélude prohibé - la beauté s'offre au loin - la baie<br />
bleue de lumière tiède dans l'orifice souple propose une pénombre à pénétrer<br />
très doucement.<br />
1535
Tentatives<br />
1<br />
Pour le principe, il s'exécute - à présent fraîchi, défraîchi, cherche une voix. Y<br />
reviendrai-je avec des accents mêlés d'heures creuses sous une chair ? Est-ce le<br />
monde, est-ce le monde dans sa béatitude de découvertes ou est-ce moi ?<br />
Tu vois, je renâcle et je beugle - je beugle à tour de voix - me voilà dépecé,<br />
désaxé dans l'infini de l'entre-moi.<br />
Je cherche, je cherche - y songez-vous sans rechigner - l'espace est là.<br />
À présent creuse pour ce décomposé, supprime, exalte, exalte-toi. Tout<br />
m'indiffère au fond de ma chair, je reste quoi.<br />
Un espace emporté - pour le bel inconnu, composant un modèle, - j'en active le<br />
jeu.<br />
Le système me conduira dans l'inventé, évinçant les impostures avec une<br />
pensée qui respire en franchissant les paliers.<br />
J'avance exploitant la masse - je suppose : lancer contre un mur - un mur<br />
d'improbables - je pourrais dire : danser dans l'irréel du fantasme.<br />
1536
Je focalise avec des anneaux et mes détentes manquées - j'avance avec cible et<br />
certitude circulaire. Je deviens une figure dévissée implorant l'impossible<br />
principe à atteindre.<br />
2<br />
Avec des rayons, se reformait - c'étaient présences d'ombres hors du commun -<br />
outre et déjouées - avant que par la pensée, tout fut retracé - en avalanches de<br />
couleurs - et soudain, ce fut MOI, MOI dans ma candeur et mon ultime - un<br />
peu en arrière - proposé sous l'épaule. J'étais contre l'échelle - avec des pensées<br />
rouges, l'histoire commençait. Ce fut soudain et maintenant.<br />
Des heures hurlantes pour des possibilités improbables – était-ce allure ?<br />
Obtiendrai-je une surface ?<br />
Après vieille lanterne, l'émoi s'égare et s'oublie dans mon âme.<br />
Et que puis-je affirmer ? Voilà, l'autre, ailleurs tout tremblant et défroqué.<br />
Je me noircis en pièces - à Toi.<br />
1537
Le modèle<br />
a<br />
Je m'applique au modèle assidûment<br />
La feuille pourrait l'enfourcher<br />
Je me jalouse et lèche pour l'inclinée.<br />
Ceci est Syracuse.<br />
Le tout est prononcé dans des délires de fruits,<br />
dans des pensées gustatives ou des élaborations incertaines.<br />
J'aspire toutefois à une bouffée - à une extravagance<br />
de l'esprit qui me permettrait de déplacer de nouvelles cordes.<br />
Ceci est très contemporain et très efficace.<br />
b<br />
Parfois calme en quelques diableries de délires -<br />
de présuppose. Je te parle en enfant débraillé - allant jusqu'à la course -<br />
déplorant des simulacres - espérant des apogées bariolées<br />
Je rejette les carcans étroits, les transes impossibles.<br />
Toutes les invraisemblances sont des aberrations à mes yeux.<br />
- Paupières, cils, prunelles - je n'ai rien vu.<br />
1538
c<br />
La bouche d'argent est un orgasme bleu. Je m'épanouis<br />
dans une apothéose interdite. Je rencontre l'orgasme flamboyant dans des<br />
délires nuptiaux.<br />
Les lèvres frémissent avec les sourcils. Je gémis lentement. La ressemblance<br />
est trompeuse<br />
- je prétends, prétends encore mais autrement. Ce sont de doux yeux pour un<br />
petit exil.<br />
En vérité, je n'ai jamais su. Sur tes ailes, coule mon désir.<br />
Ma belle, ma belle élaborée ressens au plus profond du Moi les extases<br />
inassouvies.<br />
d<br />
C'est face à l'habitacle - c'est dans une maison dorée. L'office s'y répand en<br />
exil<br />
d'appartement. Il faut voir les portes et les pentes inclinées. Tout ceci requiert<br />
un placement poussif ! C'est à vous de décider !<br />
Elles se tiennent lovées - elles murmurent en aphone pour une apothéose<br />
cérébrale<br />
ou sexuelle, que sais-je<br />
e<br />
1539
Je me retiens seule et je murmure en sofa oublié. Suis-je sourde, tête<br />
lourde ? - Non, je sais déployer mes talents, mes lucres et mes aubaines de<br />
fille-vierge,de femme-sensuelle, de salope ??? sexuelle ???. À vous de décider.<br />
Mais juré ! Je me retiendrai...<br />
f<br />
Contre-pensée, contre-plongée - tous ces biens conjecturés ne sont que des<br />
maléfices, qu'une chorale impalpable défiant l'ordre à respecter.<br />
Il y a remise, remise contre le poitrail, mais personne ne semble habilité.<br />
Ce sont des fluides chauds - mais je rêve - je dors en dessinant un idéal<br />
hongrois au-delà de mes vices. C'est tout comme - ceci est un bol d'humeur.<br />
1540
L'avènement de l'Écriture<br />
a<br />
Pour soupirer ce sera long<br />
en finissant par la surprise<br />
Restent en nous ces jours de décadence<br />
déchirant nos ciels à l'extrême<br />
En certitude de sentiments avec<br />
ces débats éventuels pour la clarté<br />
Il est vain de chanter l'interdit<br />
b<br />
Cela signifierait : " En harmonie<br />
avec contraste l'esprit d'un monde<br />
qui est en vous il vous suffit de redescendre<br />
j'entrechoque vos idées "<br />
c<br />
1541
Tout embraser comme pour composer<br />
toute pensée aléatoire ceci doit être dit<br />
en finitudes de lassitudes<br />
Ou là encore dans l'infini des déplacements<br />
dérisoires je sais, tu en ris exploite les procédés<br />
Il déployait, se déployait, dérivant et s'usant<br />
à quelle vitesse, prétends-tu naître ?<br />
d<br />
Je me déploie et j'oublie - je me déploie<br />
à l'inverse par cercles le temps est un aller,<br />
en termes concentriques mais les pensées y sont restées<br />
e<br />
Je conçois pourtant une autre trajectoire fuselée,<br />
libre et sereine - la marche me semble ridicule,<br />
poudreuse, enfouie par moment<br />
1542
f<br />
Vertiges, fragments, plongées - où l'esprit<br />
se déploie, la pensée disparaît avec ces fuites<br />
infinies dans l'interdit, dans l'idéal-Moi<br />
À grands foyers pour te peu, pour te pas,<br />
pour te purifier<br />
J'appelle cela simplement : l'avènement de l'Écriture<br />
Faut-il l'extraire de sa gangue poreuse ?<br />
À toi de les démêler dans le prisme de son nuancier<br />
1543
L’infatigable recherche<br />
a<br />
Durant des heures, élaborant, concevant une écriture nouvelle -<br />
du moins le prétendant<br />
Transformant, déplaçant l'ordre des mots, y injectant des idées<br />
audacieuses<br />
Oui, il a cru - a cru pour une vaine médiocrité infâme accéder<br />
à une forme différente, utile, favorisant l'œil acerbe du critique.<br />
Tout cela était en vain. Dans sa médiocrité, il avançait<br />
stupidement.<br />
"Tremble toute ta peine, homme fadasse et insignifiant !"<br />
b<br />
1544
Le vide à repenser jusqu'à l'extrême de son Néant.<br />
Insistant dans son secret - la pensée mise à plat.<br />
c<br />
Sauf à glaner, sauf modèle en soi<br />
à chanter reste là sur l'autre talus<br />
impensable qui se prétendait au-delà<br />
en toi pourtant instituant quelque sourire nouveau<br />
1545
Imaginaires clairs<br />
Imaginaires clairs à repenser dans le Néant du suc épais<br />
avec avidité et avalanches<br />
Espère désapprenant toutes ces cordes enfouies<br />
dans le délire de ton âme<br />
Sonores - elles sont sonores - et j'exploite nuitamment<br />
la beauté de leurs ressources<br />
J'envisage même quelques séquences fluides en lignes<br />
équivoques et interdites - ce sont des possibilités extrasensorielles<br />
La pensée se fond dans l'horizon où se conçoivent les tentatives<br />
et les esquisses<br />
à l'infini, et s'accordant, se regroupant<br />
au-dessus du blanc, le remplissant, le dévorant,<br />
jusqu'à un certain ordre, un certain aménagement, une<br />
densité<br />
dans le temps, une étape d'une construction<br />
qui se mesure à une lassitude - la mesurer -, à la<br />
1546
saturation du jeu, à son obturation, avec vertige d'un<br />
décompte impossible parmi d'autres, tous ces systèmes<br />
complexes *<br />
L'exploration au fond de l'âme - la pensée<br />
saisie, extraite puis reconnue<br />
* David Lespiau - L'épreuve du Prussien<br />
1547
Nuit<br />
I<br />
Nuit, enfin. Nuit pour ouvrir ? Si long en si peu. Toi, avance.<br />
Se dresse l'abîme au plus profond des ruines, enfouie<br />
dans la mémoire du temps.<br />
Quel avenir pour l'âme ? La certitude s'efface. Dans l'invisible,<br />
il ne reste rien.<br />
Tu prétends au murmuré - d'élan soufflé en volatile insignifiant.<br />
Tu respires une forme qui se meurt sans substance ni matière,<br />
pour une intelligence immobile fuyant la clarté des choses.<br />
Tu vois, je suis indivisible certain que la durée disparaît<br />
dans ce mensonge de création qui n'est pas.<br />
Scintille ici et là dans tes sinistres clairières. Dévore en mon<br />
sein tes futures offenses. Moi, je m'octroie la sublime lumière<br />
qui avive en ma chair la limpide fluivialité - loin des eaux<br />
dégoulinantes de sang et d'excréments.<br />
1548
Tel est l'orgueil du purifié !<br />
II<br />
Le matin clair. Été fondu dans cette idéale de transparence - je sais,<br />
jamais n'explosa en lancées, en éclairs immortels, éternels - oui,<br />
avec poursuites de ne pas, ne pas.<br />
Quel parfait négatif ! Entre en toute joie de rien,<br />
de peu, d'autrement.<br />
Mais qui comprendra ?<br />
III<br />
Cependant épurées, en ivresse d'insomnies avec raretés invisibles<br />
développées dans mon champ - je sais, j'espère et je m'égare.<br />
Mes folies sont diverses. Je suis en attente perpétuelle.<br />
Et toi. Et toi, de dire, quoi ? Dans tes perversités<br />
d'insomniaques, en travail<br />
1549
de prières, que prétendais-tu partager ?<br />
Ce sont des rires loufoques agrémentés d'audaces aberrantes.<br />
Alors vole en éclats l'éphémère insoumis en elle !<br />
I<br />
Quelle limpidité exquise quand elle s'éloigne<br />
de ses brumes offensantes !<br />
Que d'extases elle traverse après ses suppliantes !<br />
Dans ses faux degrés d'ascension,<br />
elle domine cette obscurité étrange où nulle intelligence<br />
ne peut savourer le délice supérieur.<br />
II<br />
Je te sais en perfidie de quintessence, en idolâtrie venimeuse,<br />
en pandelauques antiques, en rien de néant car tu n'exite pas.<br />
Tes gestes de bravoure sont insignifiants, et ta lumière se noie<br />
dans les ténèbres.<br />
Implore quelques aumônes divines ressuscitant<br />
des espoirs poétiques hagards !<br />
1550
III<br />
Elle s'offre à nouveau profane ou indomptable<br />
entre l'éveil et l'inconscient<br />
- très profondément - c'est grande peine de pouvoir la saisir<br />
là où se dressent<br />
les contraires. Qui la retient dans son non-vouloir,<br />
longeant l'absence dans ? Qui ?<br />
1551
Les ombres fragiles<br />
I<br />
Tu frissonnes sous les ombres fragiles - quel ravissement inconnu<br />
éloigné du spasme !<br />
La lumière crue défaille en ton silence, tes orgasmes<br />
absolus semblent meilleurs.<br />
Là-bas vacille la longue stimulation impossible parcourant<br />
toute entière la traverse gémissante.<br />
Quelle splendeur pour le plaisir débutant !Dans le cheminement<br />
de l'impossible, la folie se déploie avec certitude.<br />
II<br />
Sous la clarté, c'est un obstacle qui s'obtient - elle se répand<br />
en flancs volumineux.<br />
Est-elle ombre ? - Qui décide ? Je l'envahis sous mes humeurs.<br />
1552
Le monde s'étale - le monde est une vasque mouvante.<br />
Je la supplie sous ses miroirs.<br />
Apeurée, soumise, quémandante, elle espère encore.<br />
III<br />
Elle est là qui s'élève dans l'idéal inconscient.<br />
Je suis dans des brumes légères, et j'espère là.<br />
Quel cristal de limpidité tout à coup va déployer<br />
de nouvelles extases ?<br />
Que puis-je obtenir de plaisirs interdits ! Ma cervelle substitue<br />
d'incroyables délires à mes dépens !<br />
Quelle pénétration obstinée dans un désir immuable !<br />
Je descends et descends<br />
en degrés espérant de nouveaux spasmes<br />
dans mes ténèbres profondes !<br />
Je réclame une aumône céleste et n'obtiens qu'un désert - désespoir<br />
1553
de gémissements chimériques !<br />
1554
Le jamais clair<br />
Le jamais clair<br />
Le remonté du fond des entrailles<br />
Narguant son accomplissement, et se créant<br />
Pourfendant ses acides, dans son aléatoire vain<br />
Valves et souffleries entourées de magma<br />
La voici, elle ! remontant encore<br />
Elle dévale, l'intrépide et se perd !<br />
Elle embrume sa face étoilée cherchant<br />
dans son Néant l'élixir inconnu<br />
Se targue-t-elle d'objets insolites, de dérisoires<br />
délétères, d'origines infuses ?<br />
Ô puissance du Moi dans sa vaine descendance,<br />
indéfinissable savoir en quête de surnaturel, prétendant<br />
la distance faible entre l'acquis et l'inédit,<br />
Oui, étrange tumulte offrant l'idéal modèle obtenu<br />
et incompris - je te sais parfois naître et renaître dans les folies<br />
1555
de la passion.<br />
Déjà la forme exulte sous le soleil de sa propre lumière<br />
et conçoit l'objet même imperceptible, inconnu, décevant,<br />
unique objet toutefois.<br />
Elle se meurt perpétuellement pour renaître d'une double<br />
abondance - elle rivalise de désirs et de génie entre l'offense<br />
et l'épousée -<br />
Intelligente, elle transmet.<br />
Qui plonge dans son pur Néant ou fuit désespéré, méprisé<br />
de tous ?<br />
Qui renvoie à la fièvre<br />
1556
Dans quelle gravité ?<br />
Génie ? - Dans quelle gravité ?<br />
céleste et incessante dans l'autre monde, ici pensé !<br />
Du vrai interrompu avec méandres et discernements.<br />
À la rencontre du nu, - contre les pensées.<br />
De ce souffle vivifiant en soi-même ~ qui te soulève<br />
au-delà de ta propre hauteur<br />
Mais là plus bas, et tu plonges en surabondances de grâce<br />
et d'humeur claire<br />
Les pensées éternelles toujours vacantes en toi<br />
~ voilà que tu vacilles<br />
Elle s'exténue dans son mensonge à la recherche<br />
de quelque aléatoire impossible<br />
Et pour quel degré suprême de l'intelligence ? - Dans le vrai pur,<br />
aveuglément en soi !<br />
Englouti, englouti au plus loin avec mouvements et immobilités,<br />
1557
- quelles vaines traces d'existence lézardée !<br />
1558
Espace monochrome<br />
Dévalant l'intuition, les formes bien découpées,<br />
se concentrant dans le silence<br />
- espace monochrome à la Klein, pigment et or intense<br />
pour soutenir le bien-vouloir d'un souvenir<br />
Ainsi tu flottes au-dessus, contemplant le silence –<br />
vois : ceci est un subtil déplacement,<br />
tambourinant dans l'espace du rêve - chimère et horreur<br />
Pourtant serein sous cette paix, considérant l'attente,<br />
face à l'équation, j'invoque une forme élaborée, j'espère, j'aspire...<br />
1559
Au plus profond<br />
Qui se déploie au plus profond<br />
dans cette trouée d'étonnements<br />
En vous est le soyeux sans mouvements circulaires<br />
Fit naître le soupir l'opacité du rien en dispositions de désirs<br />
en métamorphoses de formes avec déflagrations de jets<br />
Pratiques accueil souffles<br />
Revendiquez votre plaisir en mille tourbillons d'excès<br />
le rythme est en suspens revient un autre, plus épais, plus large<br />
La durée la descente le resserrement<br />
Je m'octroie des effondrements sirupeux<br />
Le corps est un vaste désastre à chaque sursaut augmente le désir<br />
Pour quelle intensité ? - Je refuse de souffrir, je veux guérir,<br />
se plaint-elle<br />
1560
Écrasée dans l'impossible, au-delà des douleurs,<br />
je cherche le chemin, l'éclair<br />
Vous êtes un philosophe et implorez le soulagement<br />
Moi, je pense éclat, corps dressé, épuisement total<br />
Je m'expose dans des délires fangeux - ceci est<br />
mon expérience - au grand procès de la dépravation, j'exulte encore<br />
Couchez-moi couchez-moi retournez-moi<br />
en plaisirs bigarrés c'est une joie sauvage<br />
L'exposition du rien pour jouir - j'y pense sciemment<br />
Au plus profond de la butée, elles sont fréquentes<br />
Dans chaque trou, si j'ose - en ce lieu est l'ouverture<br />
Pénètre - le visant et la poussée j'aime l'effet que cela procure<br />
Souillée dans mes orifices mais je dors – mort<br />
1561
Gouttes perlées<br />
Gouttes perlées, touffeurs rouges avec sécrétions vaginales<br />
pendant au bout des poils ;<br />
tu dis : belle rouille de fille couinant avec abcès et clitoris ;<br />
à demi-soumise, pleurant dans la poussière ~ oui, ensevelie<br />
là pour la plongée, en gémissant.<br />
Tu fus souillée - au plus profond - avec alliance<br />
de codes pervers soumis au sang,<br />
c'était précieux - ivresse et déversoir de tous côtés.<br />
Qui étreint ? Qui parjure ? - Ces règlements au plus profond.<br />
Revient vicieusement en lui-même - flux et reflux<br />
- dans son abjecte accoutumance.<br />
Immense joie obscure, elle trésaille, elle s'aiguise,<br />
vacille et gémit sous ses tortures et soumissions<br />
Quelque chose lui impose de se redresser<br />
1562
pour ces actes sacrés, quelque chose la transporte.<br />
Toute accumulation de cris et de plaisirs - tout silence<br />
suppliant gémit et implore à renaître.<br />
1563
Les heures feues<br />
Dans cette bleuité ~ à peine se défend-elle<br />
au plus profond avec sa transparence<br />
D'ombre et de soleil inondée par son espace<br />
Sera-t-elle accessible aux heures feues ?<br />
Lointaine, et se mouvant là-bas vers son précipice<br />
je la sais qui m'échappe...<br />
Je capture un songe de femme irréelle<br />
en elle est un sublime nectar<br />
L'or de ses cheveux la nimbe<br />
Suis-je seul à la goûter ?<br />
Autre que moi-même ? Nul être peut-être !...<br />
1564
Je me déploie<br />
Comme de se dire : à quoi, à peine ouvert ?<br />
- La mémoire en suspens<br />
exulte ses saveurs.<br />
Des fois - des fois, contre l'effort - lumière sous les claies.<br />
Mûres et battues - fouettées en pleine saisie - d'insister :<br />
pensée d'angle<br />
et plus y va.<br />
Se proposant contre la coudée - à tire de feuille -<br />
écarte en ton coin, oublié.<br />
Mille ardeurs, encore parlant - pour cette démarche, compromise<br />
Le son, le son est frappé - écoute ignoré. Tu vois,<br />
c'est plié selon. Poussées, presque offertes.<br />
Soudain, en filles épanouies avec délires et règles<br />
de n'être pas, appuyé contre l'eau - de oui meurtrie,<br />
de oui aime-moi encore.<br />
1565
Je jette le champ. Je pense Eléonore. La pierre argentée.<br />
Eaux mortes, eau vidées pour toujours. À jamais je me déploie.<br />
1566
éLéMENTS BIOGRAPHIQUES<br />
<strong>Version</strong> <strong>2018</strong><br />
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