Elements biographiques Version 2018 1589 pages

Un panorama biographique accompagné d'un ensemble de textes choisis par l’auteur lui-même. Un panorama biographique accompagné d'un ensemble de textes choisis par l’auteur lui-même.

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Franck Lozac’h éléments biographiques Version 2018 1

Franck Lozac’h<br />

éléments <strong>biographiques</strong><br />

<strong>Version</strong> <strong>2018</strong><br />

1


Cette photo m’a semblé<br />

amusante. On y voit un petit<br />

bonhomme qui marche à peine,<br />

mais qui semble costaud et<br />

solide. La balle dans la main<br />

gauche semble déterminer en<br />

prescience ce qui sera l’intérêt<br />

que je porterai plus tard pour<br />

Football, discipline que j’ai<br />

pratiqué durant de nombreuses<br />

années sur ma jeunesse et mon<br />

adolescence.<br />

2


J’ai décidé de sélectionner<br />

ces images pour la qualité<br />

esthétique du figurant qui n’est<br />

autre que mon père. … On<br />

apprécie la belle plastique de ce<br />

culturiste qui a fini, je crois,<br />

quatrième du championnat de<br />

France 55 ou 54 ou 56, je ne me<br />

souviens plus.<br />

Le Président de la<br />

Fédération lui avait demandé, dans<br />

une correspondance d’accepter de<br />

se présenter l’année suivante pour<br />

« réparer » en quelque sorte<br />

« l’oubli de la première » place le<br />

concernant. Les aléas de la vie<br />

l’ont empêché d’accomplir cette<br />

démarche.<br />

A cette époque, tout se<br />

construisait par le muscle sans<br />

apport énergétique ou alimentaire.<br />

L’on observe là un homme qui a<br />

souffert cruellement des privations<br />

de l’adolescence liées à la Seconde<br />

Guerre Mondiale. L’on peut<br />

apprécier la potentialité musculaire<br />

qu’il possèderait aujourd’hui.<br />

3


J’apprécie ces deux clichés<br />

qui doivent dater de 59. On y<br />

découvre un couple uni, en parfaite<br />

harmonie et heureux … de sa<br />

progéniture.<br />

4


Ma mère a accompli une<br />

activité lyrique au théâtre de<br />

Rennes durant une quinzaine<br />

d’années - de 54 – 55 jusqu’en 70.<br />

Elle y est rentrée avec sa<br />

compétence de pianiste, mais a dû<br />

bifurquer et devenir artiste pour<br />

opéras et opérettes. Cette activité<br />

lui convenait totalement, et elle<br />

prétend que ces plus belles années<br />

datent de cette période. La photo<br />

doit dater de 66.<br />

5


Photo prise par ma mère –<br />

j’étais âgé de quatre ou cinq ans.<br />

La pose a dû lui sembler<br />

suffisamment curieuse pour<br />

justifier une tentative de photo.<br />

L’image a été réalisée dans le<br />

jardin de la maison du Pré-Bénaïs<br />

à Montauban.<br />

6


Photo datant de 67, je<br />

suppose ; réalisée à l’établissement<br />

scolaire de Maurepas Nord-Est à<br />

Rennes. J’étais alors en classe de<br />

9 e , si mon souvenir est exact.<br />

7


Cette photo date de février<br />

70. Je devais être en 6 e , je crois. Je<br />

patientais dans la gare de<br />

Montauban, attendant le train qui<br />

devait nous ramener ma mère et<br />

moi en Bretagne. Ceci explique le<br />

pardessus et le gros pull-over.<br />

8


Jeune, je pratiquais le football. J’ai joué essentiellement dans deux clubs, l’un Aux Cadets de Bretagne et<br />

l’autre et au FC Lorient. J’occupais le poste du numéro 9. J’étais buteur mais je savais passer également.<br />

9


Ma mère était artiste lyrique à L’Opéra de Rennes quand mon père était cadre chez BSN (Actuellement<br />

Dan<br />

one) Elle faisait beaucoup de mannequinat. Il s’agit ici d’une série de photos d’intérieur.<br />

10


Voici deux photos de mes grand-mères, qui ont été d’une importance capitale pour me permettre<br />

d’être ce que je suis. Je crois qu’à tout jamais, je leur<br />

devrais des remerciements. Avec l’affection que l’on peut<br />

porter aux membres de sa famille.<br />

11


Cette photo date de mars<br />

89. Elle a été effectuée par un<br />

photographe professionnel. Il a su<br />

saisir un instant, et surtout placer<br />

la bonne lumière dans les cheveux.<br />

12


Photo classique - qui a<br />

servi de support pour illustrer mes<br />

cédéroms premières générations.<br />

Elle me semble assez équilibrée,<br />

elle date de 93.<br />

13


A la Fondation Miro, à<br />

Barcelone. A l’arrière-plan une de<br />

ses œuvres … géniale. Novembre<br />

93<br />

14


Photo prise à la Grande<br />

Motte. Le ciel était bleu électrique.<br />

Ces constructions pyramidales<br />

m’ont inspiré. En fait, je suis très<br />

rock … avec mes lunettes de<br />

soleil. OK, prends l’image !<br />

15


Photo prise à Nice, avant<br />

notre départ pour Monte-Carlo. Le<br />

studio loué était minuscule. Je ne<br />

me souviens plus où elle a bien pu<br />

poser … Cette robe lui allait<br />

parfaitement, du moins.<br />

16


Voilà l’une de mes photos<br />

préférées. Elle a été prise à Monte-<br />

Carlo sur les marches du jardin.<br />

Derrière au loin, dans une sorte de<br />

flou artistique, le casino avec ses<br />

lumières. Gladys est délicieuse et<br />

le couple s’équilibre. Nous avions<br />

demandé à un Italien de faire le<br />

clic. Ensuite nous sommes allés<br />

danser dans deux, trois boîtes<br />

différentes, pour finir au Jimmy’s<br />

peut-être.<br />

17


J’ai réalisé cette prise dans le délicieux village de Saint Paul de Vence où règne un nombre<br />

incalculable de marchands de tableaux. Pour l’anecdote, il faut savoir que l’endroit très touristique est<br />

noir de monde, mais que l’ensemble des passants s’était arrêté de circuler pour me permettre de prendre<br />

l’image.<br />

18


Gladys 91 - 94. Cette photo a été prise en Espagne, à Barcelone, dans son<br />

appartement. J’étais surtout satisfait de l’idée du placement de jambes, mais le modèle se<br />

prêtait fort bien à cet exercice.<br />

19


Michèle. La photo semble<br />

complète. La lampe, le tableau, les<br />

petits personnages en cuivre, le<br />

reflet dans la glace et le visage fort<br />

bien éclairé, dans mon bureau, au<br />

pavillon de la rue du Pré-Bénaïs.<br />

1995 .<br />

20


Cette prise date de<br />

novembre 96, nous venions<br />

d’aménager dans cette nouvelle<br />

habitation du Terrain d’aviation.<br />

L’atmosphère qui se dégage de<br />

cette photo semble douce et<br />

sereine. Ceci est lié aux couleurs<br />

pastels du tableau et à la lampe<br />

derrière diffuse une lumière jaune.<br />

21


Photo datant de décembre<br />

96. Je me positionne devant<br />

l’armoire pleine de livres élaborés<br />

par ma personne … Triomphe<br />

décontracté. Pourquoi pas !<br />

22


Avril 97 – Notre voisin a mis quatre<br />

chevaux dans le pré d’en face, qui se<br />

sont pris d’amitié pour nos personnes.<br />

Avec des pommes, des carottes ou<br />

des morceaux de pain sec, ils<br />

approchent aisément pour se faire<br />

caresser ...<br />

23


Michèle 94 – 97<br />

24


Photo datant du pavillon,<br />

prise par Michèle en 96, je<br />

suppose. Le décors, en arrièreplan,<br />

fait songer à une sorte<br />

d’abondance, relative et<br />

mensongère.<br />

25


Au coin de la cheminée<br />

– prise en août 98 – la lumière<br />

qui provient de la gauche,<br />

quasiment claire, rajeunit d’une<br />

façon curieuse le visage qui<br />

semble illuminé.<br />

26


Cette photo est récente,<br />

puisqu’elle date d’octobre 98.<br />

Elle a été prise dans le jardin de<br />

la nouvelle maison du Terrain<br />

d’aviation. Quelques plantes<br />

vertes ici et là semblent<br />

commencer à pousser. Elle me<br />

semblait équilibrée, même dans<br />

une position accroupie, c’est<br />

pourquoi j’ai décidé de l’insérer<br />

dans le mouvement des<br />

documents.<br />

27


Christine 98. Repas à la<br />

maison. Elle semblait fort satisfaite<br />

du dîner offert.<br />

28


Maïté. Marie-Thérèse Ausset, ma<br />

tante et remarquable dactylographe<br />

qui m’accompagne depuis tant<br />

d’années pour un résultat<br />

hypothétique et douteux, qui tape et<br />

tape, nettoie, corrige, transforme,<br />

construit des fichiers qui sont<br />

quasiment des pseudo-éditions.<br />

Qu’aurais-je pu obtenir réellement<br />

sans elle ? Ho ! Certes, des ouvrages<br />

eurent été transformés, mais jamais<br />

cette quantité-là n’aurait pu exister.<br />

Je la remercie encore, mais elle sait déjà cela depuis fort longtemps.<br />

29


En 2001 à mon bureau. L’écran plat n’existait pas encore. On travaillait sur des 15 pouce …<br />

30


Ces photos ont été prises à Conques, village classé par UNESCO et à Auvillars en 2001-2002. J’ai<br />

beaucoup apprécié me déplacer en Midi-Pyrénées et dans le Périgord.<br />

31


32


Avec Marie, un tour dans Le Périgord, année 2003<br />

33


J’aime les vieilles pierres ...<br />

La photo a été prise en 2004 au Musée d’Auch<br />

34


Une mise au tombeau avec Marie de Magdala, Jean, La Vierge également.<br />

35


Repas chez Marie, compagne depuis 2002 …<br />

36


Notre Dame d’Espis proche de Moissac. Apparitions de La Vierge Marie. Les Autorités religieuses ont<br />

étouffé un peu l’affaire craignant que ce site ne fasse de l’ombre au pèlerinage de Lourdes.<br />

Lieu exact où La Sainte Vierge serait apparue …<br />

37


Le musée d’Art contemporain de Toulouse est un lieu incontournable de la culture locale.<br />

Ci-dessus une toile du célèbre peintre Mathieu …<br />

38


En 2009. Je révisais mes notes avant d’entreprendre l’enregistrement d’une vidéo. Ce qui semble<br />

paradoxal c’est que les vidéos sont fort peu prisées sur Internet. Le public lui préfère grandement les<br />

échantillons de livres voire les livres eux-mêmes.<br />

39


Me voilà à mon bureau et nous sommes en 2013.<br />

40


Nous sommes en été 2013 et avons décidé de visiter la Maison Payrol à Bruniquel dans Le Tarn-et-<br />

Garonne. Il y avait une excellente petite exposition de peintures et de sculptures d’artistes régionaux.<br />

41


Quelques poèmes accompagnés de leur page manuscrite<br />

42


43


À ma dormeuse<br />

Je ne veux pas ce soir, licencieuse ennemie,<br />

Respirer en ton corps le doux parfum des songes<br />

Ni déplacer mon cœur sur tes seins endurcis<br />

Ni la jouissance facile où parfois tu me plonges.<br />

J'espère sur cette bouche inventer un amour<br />

Puissant et immortel que tu composeras.<br />

Redorer cette nuit jusqu'aux lueurs du jour<br />

Dans la chambre lugubre offerte à nos ébats !<br />

Qu'importe les espoirs de nos mains en détresse,<br />

Le souffle accéléré que réchauffaient nos yeux !<br />

Je demande plus fort que houle et que tendresse,<br />

Un bonheur sans silence pour l'esprit ingénieux.<br />

Car de son pur cristal où le génie descend<br />

Rêvent de vrais soupirs qu'avait soufflé l'enfant.<br />

44


45


Au soleil, je m'avance<br />

Au soleil, je m'avance par ce brûlant servage,<br />

Et l'ombre accoutumée à ma face soumise<br />

M'emporte là, tout près de toi, jusqu'au rivage.<br />

Mais ta substance aimée est déjà compromise !...<br />

Que n'entends-je se plaindre ton rayon si brutal ?<br />

Est-ce la masse étonnante de son puissant métal ?<br />

À mes yeux tant cernés, l'étonnement est doux...<br />

Prolonge en ma fraîcheur de longues accalmies !<br />

De l'embellie si vive, le regard flambant neuf<br />

Consume les pensées obscures de ma nuit !...<br />

J'accours sur ta mémoire rappeler en ton heure<br />

Ces somnolences rêvées et ces voix enivrantes,<br />

L'heureuse cérémonie sertie de ses candeurs<br />

Qui forte du miroir, fait ma lèvre tremblante !...<br />

46


47


Là-bas tu vois les feux<br />

Là-bas tu vois les feux, les torches et les mourants<br />

Et le champ de bataille - c'est la bataille des Dieux.<br />

Fantassins écrasés : - secousse et agonie.<br />

Un convoi mortuaire poussé par un grand vent,<br />

Des habits délaissés dans le duvet des plaines,<br />

Et des râles continus jusqu'à l'heure du matin !<br />

Si un monde s'efface,<br />

Un autre disparaît.<br />

Les troupes de la gloire, l'ordre crié aux places.<br />

De superbes chevaux à la robe vibrante.<br />

La promptitude, la stratégie avec l'échec.<br />

De la grandeur de l'homme ! Petite insouciance !<br />

Pour le monde, pour la race,<br />

Si un autre naissait ?<br />

48


Deux photos réalisées dans des librairies toulousaine et parisienne<br />

49


Le catalogue Poésie de Gallimard a été une source considérable où j’allais puiser mes lectures<br />

indispensables à l’écriture de mes poèmes. Quant à la Collection de La Bibliothèque de la<br />

Pléiade, je continue à penser que c’est l’une des toute premières collections de France. La qualité<br />

des contenus offerts est l’un des plus élaborés que je puisse connaître.<br />

Aujourd’hui Poésie Flammarion, Le Bleu du Ciel et Impeccables me permettent de faire avancer<br />

mes contenus post-contemporains.<br />

50


Paul Valéry, Charles Baudelaire et Arthur Rimbaud ont été<br />

ma première troïka. J’ai pu ainsi démarrer mon œuvre poétique. Puis Stéphane Mallarmé et Jean<br />

Racine m’ont considérablement appris à être qui je suis si j’ose employer cette formule sans<br />

prétention aucune.<br />

Charles Baudelaire<br />

Arthur Rimbaud<br />

51


Stéphane Mallarmé<br />

52


Jean Racine et Pierre Corneille m’ont permis sur la période 81-87 de découvrir les lois invisibles<br />

et les codes dont parfois peuvent s’orner certaines tragédies ou certains poèmes.<br />

53


De 1987 à 1992, je me suis engagé dans une incroyable aventure qui a consisté à traduire en<br />

alexandrins blancs CAD non rimés ces deux ouvrages colossaux de la culture mondiale. La Bible<br />

représente 100 000 vers et Le Coran 19 000 … Je ne regrette pas ces superbes années où j’ai pu<br />

entrer dans un monde extraordinaire de richesses et de cultures.<br />

54


Virgile - Sénèque - Eschyle - Euripide -<br />

J’ai eu le privilège de traduire en alexandrins blancs 10 des 12 chants de L’Enéide.<br />

J’ai pu également adapter la Phèdre de Sénèque, L’Orestie d’Eschyle et deux pièces travaillées<br />

par Racine Andromaque et Iphigénie d’Euripide de 1993 à 1995.<br />

55


Paul Celan, Michel Deguy et Andrea Zanzotto forment ce que l’on pourrait appeler ma seconde<br />

troïka. Leur apport fut considérable. Je ne saurai oublier Robert Juarroz et André Du Bouchet,<br />

grands poètes que l’on sait.<br />

56


A partir des années 1995, la présence de la littérature étrangère a<br />

été très importante , et de grands auteurs tels<br />

Ezra Pound, Octovio Paz ou Roberto Juarroz ont<br />

jalonné mon œuvre ou ont encore grandement participé<br />

à l’écriture de mes poèmes.<br />

Octovio Paz, Nobel de Littérature<br />

La fameuse Poésie verticale de Roberto Juarroz …<br />

57


Anne-Marie Albiach<br />

André du Bouchet<br />

58


Henri Bergson a été un auteur incontournable d’une très grande<br />

intelligence. Quasiment tous ses ouvrages ont été lus avec avidité et beaucoup d’intérêt. C’est<br />

toutefois L’évolution créatrice qui restera pour ma personne l’ouvrage clé dans son œuvre<br />

remarquable.<br />

Lire Alain c’est apprendre à aimer La Philosophie. Alain vulgarise cette discipline le plus<br />

souvent amère, difficile et aride.<br />

Ces deux auteurs ont été d’un apport considérable pour l’élaboration de mes différents essais, et<br />

je pense à L’acte poétique ou encore à Eléments de réflexion<br />

59


Anne-Catherine Emmrich et Sainte Faustina ont vu ou ont reçu des messages divins qui enrichissent de<br />

manière considérable les contenus établis dans les Evangiles. A bien des raisons, elles prolongent les<br />

enseignements et les révélations donnés dans le Nouveau Testament.<br />

60


Ces deux femmes mystiques que ce sont Marie d’Agreda et Maria Voltorta ont vu des passages entiers de<br />

la vie de Jésus-Christ.<br />

Ces événements ont été consignés avec minutie dans des sortes de journaux ou cahiers écrits vingt ans<br />

après les faits ou encore régulièrement au quotidien.<br />

Il va s’en dire que ces personnes fort respectables ont été canonisées ou sont en cours de béatification.<br />

61


Il est vrai que la religion est de faible attrait aujourd’hui mais en Midi-Pyrénées nous avons<br />

l’extraordinaire pèlerinage de Lourdes. Un site incontournable.<br />

Plus discrète il est vrai, la basilique de Germaine Cousin à Pibrac près de<br />

Toulouse. Je ne saurais oublier Marie Lataste qui a reçu des révélations divines de Jésus-Christ.<br />

62


Repas de Noël 2013 … chez Marie<br />

63


Dans le salon de la maiion - 2015<br />

Même pose photo, une année plus tard …<br />

64


Eléments <strong>biographiques</strong><br />

Franck Lozac'h est un écrivain français né le 27 mai 1958 à Rennes. Auteur fécond,<br />

il a abordé grand nombre de genres à l'exception de ceux de la nouvelle et du roman.<br />

Ecrivain indépendant ses ouvrages sont accessibles essentiellement en version<br />

numérique.<br />

Parcours littéraire<br />

Tout d'abord imprégné du XIXe siècle (Mallarmé, Baudelaire et Rimbaud) dès son<br />

œuvre de jeunesse, il va petit à petit s'intéresser aux tragédiens Jean Racine et Pierre<br />

Corneille pour remonter jusqu'à l'Antiquité avec des traductions en alexandrin blanc<br />

de Sénèque, Eschyle et Euripide.<br />

Sa démarche actuelle le pousse à explorer le domaine étranger - Roberto Juarroz,<br />

Luis Borges, Andréa Zanzotto.<br />

Mais sa vrai quête littéraire est d'atteindre L'Extrême contemporain français avec des<br />

Collections telles Bleu du Ciel, Flammarion Poésie, et Impeccables.<br />

65


Principaux ouvrages<br />

1978 L'Huile fraîche - Le Germe et la Semence -Parfums d'apaisement - Le Sac et la Cendre<br />

- Le Buis et le Houx<br />

1979 Le Moût et le Froment - Le Manuscrit inachevé - Le Croît et la Portée -<br />

La racine et la source<br />

1980 Collages - Louanges du feu - Losanges - Isabelle (roman) - Les Interdits - Les Oubliés<br />

1981 Poïétique - Exil - Phrases - Prières - Ombres bleues - Sachet d’herbes<br />

1982 Douleurs extrêmes - Sueurs sacrées - La reine Astride (Théâtre érotique)<br />

1983 Le Livre blanc<br />

1984 La Mort du Prince (Théâtre) - Alexandre (Tragédie) - Les Sonnets 84<br />

1985 Camille et Lucille (Théâtre)<br />

1986 La Pute (Théâtre)<br />

1987-1992 Traduction de la Bible en alexandrins<br />

1991-1992 Traduction du Coran en alexandrins<br />

1993 Traduction de l'Enéide en alexandrins<br />

1993 Traduction des Ecrits Intertestamentaires en alexandrins<br />

(Tomes IV de la Bible, collection Pléiade) -<br />

1993 Souffles nouveaux I<br />

66


1994 Traduction d'Andromaque d'Euripide - Traduction de Phèdre, de Sénèque<br />

1995 Traduction d'Iphigénie d'Euripide - Traduction de l'Orestie d'Eschyle<br />

Souffles nouveaux II - Grappillages<br />

1995 Messages I - II - III - L’Acte poétique<br />

1996 Messages IV - V - VI - Eléments de réflexion<br />

1997 Résonances I - II - III<br />

1998 Résonances IV - V - VI<br />

1999 Suites et Relances I - II - III<br />

2000 Suites et Relances IV - V<br />

2001 Pensées sculptées<br />

2002 Endormies sur le feu<br />

2003 Les Roses ensevelies<br />

2004 Substances et Distances<br />

2005 Variances<br />

2006 Apparences<br />

2007 Approches mutantes<br />

67


2008 New Sessions - Errances<br />

2009 Dissipations<br />

2010 Ads And More - Diaphanes<br />

2011 Cotangentes<br />

2012 Enigmes(matiques)<br />

1978 – 2017 Journal<br />

1990-2012 Psaumes (Religion) - Sourates (Religion) - Pseudo-Isaïe (Religion) - Pseudo-<br />

Jérémie - Verstes coraniques – Mosaïques (Religion) - Proverbes-Fragments (Religion)<br />

Anthologies<br />

1993 Florilège<br />

1996 Le Livre des sonnets - Morceaux choisis I - II - III<br />

1997 Morceaux choisis IV - V<br />

1978 - 97 Textes érotiques<br />

1999 Pièces courtes<br />

2000 Femmes de papier<br />

2001 Le Rosaire<br />

2002 Mille Poèmes en prose I<br />

2003 Mille Poèmes en prose II<br />

2006 Quatrains, quatre lignes<br />

2010 Le Nard et l'Ambroisie<br />

2012 La Sagesse personnifiée<br />

2013 Le parcours poétique<br />

68


Liens externes<br />

http://www.flozach.fr/librairie/<br />

http://flozach.free.fr/poesie/<br />

http://issuu.com/home/publications#/<br />

http://fr.scribd.com/my-uploads<br />

http://fr.calameo.com/search#search-franck%20lozac%27h/books<br />

http://www.youscribe.com/Search?quick_search=franck+lozac%27h<br />

https://www.facebook.com/lozach.franck<br />

http://www.yumpu.com/fr/flozach.free.fr<br />

https://plus.google.com/115651285775523964651/posts<br />

https://fr.pinterest.com/lozachf/<br />

https://www.wattpad.com/user/lozach<br />

https://www.youtube.com/results?q=franck+lozac%27h<br />

https://www.tumblr.com/blog/francklozach<br />

https://play.google.com/books/uploads<br />

69


LISTE<br />

au Ier janvier <strong>2018</strong><br />

LISTE DES OUVRAGES<br />

REALISES<br />

PAR ORDRE ALPHABETIQUE<br />

1. Abnégations.<br />

2. Actes des Apôtres<br />

3. Ads And More<br />

4. Agamemnon<br />

5. Alain Bashung<br />

6. Alexandre<br />

7. Alexandre Acte I Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />

8. Alexandre Acte II Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />

9. Alexandre Acte III Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />

10. Alexandre Acte IV Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />

11. Alexandre Acte V Brouillons de quatrains ordonnés Le dactylogramme<br />

12. Anatoles<br />

13. Andromaque<br />

14. Andromaque 85<br />

15. Anne-Catherine Emmerich Livre cinquième<br />

16. Anne-Catherine Emmerich Livre quatrième<br />

17. Apocalypse<br />

18. Apparences<br />

19. Approches mutantes<br />

20. Approches mutantes Relevé de variantes<br />

21. Arpèges sur Paul Valéry<br />

22. Art et Esthétique<br />

23. Azurs<br />

24. Bat-mitsva<br />

25. Bécaud 2012<br />

70


26. Bécaud 2013<br />

27. Black Beauty<br />

28. Bleuités<br />

29. Blondeurs<br />

30. Camille et Lucille<br />

31. Camille et Lucille Rectifications manuscrites<br />

32. Certitudes<br />

33. Chansons de jeunesse<br />

34. Collages<br />

35. Collages <strong>Version</strong> 1980<br />

36. Commentaires religieux<br />

37. Corpus johannique<br />

38. Corpus prophétique I<br />

39. Corpus prophétique II<br />

40. Cotangentes<br />

41. Couplages I<br />

42. Couplages II<br />

43. Critique poétique<br />

44. Daniel<br />

45. Daniel Première version<br />

46. Déliquescences<br />

47. Deuxième livre des Rois<br />

48. Deuxième livre de Samuel<br />

49. Deuxième livre des Chroniques<br />

50. Deuxième livre des Maccabées<br />

51. Diaphanes<br />

52. Différents états du génie<br />

53. Dissipations<br />

54. Différents états de la Conscience<br />

55. Dominique Ingres<br />

56. Douleurs extrêmes<br />

57. Douleurs extrêmes Relevé de variantes<br />

71


58. Écrits qumrâniens 4 Règlement de la guerre<br />

59. Écrits qumrâniens 6 Psaumes Pseudo-Davidiques<br />

60. Écrits qumrâniens 7 Commentaires bibliques<br />

61. Écrits qumrâniens 2 Rouleau du Temple<br />

62. Écrits qumrâniens 1 Règle de la Communauté<br />

63. Écrits qumrâniens 3 Écrits de Damas<br />

64. Écrits qumrâniens 5 Hymnes<br />

65. Élans cassés<br />

66. Eléments <strong>biographiques</strong> <strong>Version</strong> <strong>2018</strong><br />

67. Éléments de philosophie I<br />

68. Eléments de philosophie II<br />

69. Éléments de réflexions<br />

70. Endormies sur le feu Émergences<br />

71. Endormies sur le feu Relevé de variantes<br />

72. Enigmes(matiques)<br />

73. Ensemble 84<br />

74. Ensemble 84 Inédits non dactylographiés<br />

75. Ensemble 86<br />

76. Entretiens imaginaires<br />

77. Ephémérides – Berndette Soubirous<br />

78. Ephémérides - De Dieu I<br />

79. Ephémérides - De Dieu II<br />

80. Ephémérides - De Dieu III<br />

81. Ephémérides - De Dieu IV<br />

82. Ephémérides - De Dieu V<br />

83. Ephémérides - De Dieu VI<br />

84. Ephémérides - De Dieu VII<br />

85. Ephémérides - De Dieu VIII<br />

86. Ephémérides – De Dieu IX<br />

87. Ephémérides - Le Christ nouveau<br />

88. Ephémérides - Marie Curie<br />

89. Ephémérides - Marie de Magdala<br />

72


90. Ephémérides - Marilyn Monroe I<br />

91. Ephémérides - Marilyn Monroe II<br />

92. Ephémérides – Marilyn Monroe III<br />

93. Ephémérides - Martine Carol<br />

94. Ephémérides - Personnages apparus<br />

95. Ephémérides - Sainte Véronique<br />

96. Épîtres de Paul<br />

97. Éros<br />

98. Errances<br />

99. Escapades rimbaldiennes<br />

100. Esdras Néhémie<br />

101. Espaces intérieurs<br />

103. Esences et Parfums<br />

104. Évanescences<br />

105. Évangile selon Jean<br />

106. Évangile selon Luc<br />

107. Évangile selon Marc<br />

108. Évangile selon Mathieu<br />

109. Exercices 81-87<br />

110. Exercices 82<br />

111. Exercices 82 1 82 2 82 3 82 4<br />

112. Exercices 82 9<br />

113. Exercices 82 14 82 13 82 12<br />

114. Exercices 82 15 82 16 82 18<br />

115. Exercices 82 19 82 20<br />

116. Exercices 84<br />

117. Exercices 84-88<br />

118. Exercices 86 suivi de T42 Inédits non dactylographiés<br />

119. Exercices 87 1 - 87 2 Inédits non dactylographiés<br />

120. Ezéchiel<br />

121. Faits de guerre<br />

122. Fantômes d'idées<br />

73


123. Femmes de la Bible<br />

124. Femmes de papier<br />

125. Feuillets d'Eros<br />

126. Fioles mallarméennes<br />

127. Florilège<br />

128. Fluides d'intelligence<br />

129. Fragments d'intelligence<br />

130. Fragments poétiques<br />

131. Fragments religieux 2000 suivi d'Extraits du Nouveau Testament<br />

132. Fragments religieux 2012-2013<br />

133. Grappillages<br />

134. Hard Blues Rock Bertignac<br />

135. Helmuth Newton I Shot You<br />

136. Hénoch<br />

137. Histoire de Jacob<br />

138. Intertextes<br />

139. Interventions religieuses 2009-2010<br />

140. Invisibles 81<br />

141. Invisibles 81 17 Mars<br />

142. Invisibles 81 22 Avril<br />

143. Invisibles 81 23 Mai<br />

144. Invisibles 81 24 Juin<br />

145. Invisibles 81 25 Octobre<br />

146. Iphigénie<br />

147. Isabelle<br />

148. Isaïe<br />

149. Ivresses...<br />

150. Jérémie<br />

151. Jésus au milieu des docteurs<br />

152. Jésus marche sur les eaux<br />

153. Job<br />

154. Joseph<br />

74


155. Joseph et Aséneth Anne-Catherine Emmerich<br />

156. Josué<br />

157. Journal 78-79<br />

158. Journal 80<br />

159. Journal 81<br />

160. Journal 82-83<br />

161. Journal 87<br />

162. Journal 88-89<br />

163. Journal 90-91-92<br />

164. Journal 93<br />

165. Journal 94<br />

166. Journal 95<br />

167. Journal 96<br />

168. Journal 97<br />

169. Journal 98<br />

170. Journal 99<br />

171. Journal 2000<br />

172. Journal 2001<br />

173. Journal 2002<br />

174. Journal 2003<br />

175. Journal 2004<br />

176. Journal 2005<br />

177. Journal 2006<br />

178. Journal 2007<br />

179. Journal 2008<br />

180. Journal 2009<br />

181. Journal 2010 Janvier- Juin<br />

182. Journal 2012<br />

183. Journal 2013<br />

184. Journal 2014<br />

185. Journal 2015<br />

186. Journal 2016<br />

75


187. Journal 2017<br />

188. Journal de Jeunesse 78-83<br />

189. Journal Juillet 2010 Décembre 2011<br />

190. Journal mathématique<br />

191. Judith<br />

192. La Cène pascale<br />

193. La Cité intérieure<br />

194. La Crucifixion<br />

195. La Genèse<br />

196. La Manne et La Rosée<br />

197. La Mort du Prince<br />

198. La Multiplications des pains<br />

199. La Pentecôte<br />

200. La Pute<br />

201. La Racine et la Source<br />

202. La reine Astride<br />

203. La Résurrection<br />

204. La Sagesse de Salomon Première version<br />

205. La Sagesse personnifiée<br />

206. La Thora d’Ezéchiel<br />

207. La Transfiguration<br />

208. L'Acte poétique<br />

209. L’Annonciation- La Visitation<br />

210. Le Buis et le Houx<br />

211. Le Cantique des Cantiques Première version<br />

212. Le Coran Sourates de I à VII<br />

213. Le Coran Sourates de VIII à XXIII<br />

214. Le Coran Sourates de XXIV à CXIV<br />

215. Le Croît et la Portée<br />

216. Le Deutéronome<br />

217. Le Germe et la Semence<br />

218. Le Grain et le Regain<br />

76


219. Le Grand Livre des Sonnets<br />

220. Le Lévitique<br />

221. Le Lin et la Laine<br />

222. Le livre blanc<br />

223. Le livre de Baruch<br />

224. Le Livre de la Consolation d’Israël<br />

225. Le livre de la Sagesse<br />

226. Le Livre de l’Emmanuel<br />

227. Le Manuscrit inachevé<br />

228. Le Moût et le Froment<br />

229. Le Nard et L’Ambroisie<br />

230. Le nouvel éros<br />

231. Le parcours poétique<br />

232. Le poème et son double<br />

233. Le poète interne<br />

234. Le Politique - l'Économique<br />

235. Le Psautier<br />

236. Le roi David<br />

237. Le Rosaire<br />

238. Le Sac et La Cendre<br />

239. L'Ecclésiastique<br />

240. L'Énéide - Livres de I à X<br />

241. L'Épouse insoupçonnée<br />

242. Les affres de l’âme<br />

243. Les belles ébahies<br />

244. Les Bucoliques - Fragments<br />

245. Les chevelures claires<br />

246. Les Choéphores<br />

247. Les cinq rouleaux<br />

248. Les douze petits prophètes<br />

249. Les douze petits prophètes Première version<br />

250. Les Euménides<br />

77


251. Les Interdits<br />

252. Les Jubilés<br />

253. Les Juges<br />

254. Les méandres de l'esprit<br />

255. Les Noces de Cana<br />

256. Les Nombres<br />

257. Les notes d'Alexandre<br />

258. Les notes de la Mort du Prince<br />

259. Les Onctions de Jésus<br />

260. Les Oubliés<br />

261. Les Procès de Jésus<br />

262. Les Proverbes<br />

263. Les Proverbes Première version<br />

264. Les Psaumes<br />

265. Les Rejetés<br />

266. Les Roses ensevelies<br />

267. Les soupirs de la chair I<br />

268. Les soupirs de la chair II<br />

269. Les soupirs de la chair III<br />

270. Les Soupirs de l'esprit<br />

271. Les Testaments des douze Patriarches<br />

272. Les Turbulences du génie<br />

273. L'Exode<br />

274. L'Huile fraîche<br />

275. L'Infini-en<br />

276. Losanges<br />

277. Louanges du feu<br />

278. Maria Valtorta<br />

279. Marie de Magdala selon Franck Lozac’h<br />

280. Marie de Magdala selon Maria Valtorta I<br />

281. Marie de Magdala selon Maria Valtorta II<br />

282. Marie-Madeleine selon Anne-Catherine Emmerich<br />

78


283. Marie-Madeleine selon Marie d’Agreda<br />

284. Marilyn For Ever<br />

285. Marilyn Monroe Made In France<br />

285. Marilyn Monroe Sexy Sexy<br />

286. Maxime<br />

287. Melchisédech Anne-Catherine Emmerich<br />

288. Messages I<br />

289. Messages II<br />

290. Messages III<br />

291. Messages IV<br />

292. Messages V<br />

293. Messages VI<br />

294. Messages Relevé de variantes<br />

295. Mille poèmes en prose I<br />

296. Mille poèmes en prose II<br />

297. Miscellanées<br />

298. Morceaux choisis I<br />

299. Morceaux choisis II<br />

300. Morceaux choisis III<br />

301. Morceaux choisis IV<br />

302. Morceaux choisis V<br />

303. Morceaux choisis VI<br />

304. Morceaux choisis VII<br />

305. Morceaux choisis VIII<br />

306. Morceaux choisis IX<br />

307. Morceaux choisis X<br />

308. Morceaux choisis XI<br />

309. Morceaux choisis XII<br />

310. Morceaux choisis de I à XII<br />

311. Morceaux choisis Œuvre de jeunesse<br />

312. Mosaïques<br />

313. New Sessions<br />

79


314. Notes 87 1<br />

315. Notes 87 2 87 4<br />

316. Notre Père<br />

317. Nouveaux prétextes<br />

318. Obstruées<br />

319. Ombres bleues<br />

320. Paraboles inédites de Jéusu-ChristMaria Valtorta<br />

321. Paraboles<br />

322. Parfums baudelairiens<br />

323. Parfums d'apaisement<br />

324. Paroles Figures Fragments<br />

325. Party !<br />

326. Pascal, Heidegger et quelques-uns...<br />

327. Pensées sculptées Surgissements<br />

328. Pensées sculptées Relevé de variantes<br />

329. Petite science conjecturale<br />

330. Phèdre<br />

331. Phosphores<br />

332. Pièces courtes<br />

333. Pièces courtes de jeunesse<br />

334. Poèmes de l'Ancien Testament<br />

335. Poèmes de l'A-Science<br />

336. Poèmes d’influnece baudelérienne<br />

337. Poème d’influence mallarméenne<br />

338. Poème d’influence rimbaldienne<br />

339. Poème d’influence valérienne<br />

340. Poèmes du Nouveau Testament<br />

341. Poèmes en prose 78-83<br />

342. Poèmes influencés par l’oeuvrede jeunesse<br />

343. Poïétique<br />

344. Pré-Evangile de Jésus-Christ<br />

345. Préfaces<br />

80


346. Premier livre de Samuel<br />

347. Premier livre des Chroniques<br />

348. Premier livre des Maccabées<br />

349. Premier livre des rois<br />

350. Première année de la vie publique de Jésus-Christ<br />

351. Prières Phrases Exil<br />

352. Primitif Le Manuscrit inachevé<br />

353. Primitif Le Croît et la Portée<br />

354. Primitif Le Germe et la Semence<br />

355. Primitif Le Moût et le Froment<br />

356. Primitif L'Huile fraîche<br />

357. Primitif Parfums d'apaisement<br />

358. Prismes de Sonnets<br />

359. Prolongements<br />

360. Prophéties 92-93<br />

361. Prophéties 94<br />

362. Prophéties 97-98<br />

363. Prophéties 99<br />

364. Prophéties 2011-2012<br />

365. Prophéties 2013- 2015<br />

366. Protévangile de Jésus-Christ<br />

367. Proverbes Fragments<br />

368. Psaumes<br />

369. Psaumes de Salomon<br />

370. Pseudo Isaïe<br />

371. Pseudo Jérémie<br />

372. Puretés raciniennes<br />

373. Quatrains, quatre lignes<br />

374. Questions de religion I<br />

375. Questions de religion II<br />

376. Radio Caylus<br />

377. Ramassis<br />

81


378. Rectifications d'Alexandre<br />

379. Récupération d’ensemble<br />

380. Religion 95-96<br />

381. Religion 2002<br />

382. Religion 2003-2006<br />

383. Religion 2008-2009<br />

384. Religion 2014-2015<br />

385. Religion 2016<br />

386. Résonances I<br />

387. Résonances II<br />

388. Résonances III<br />

389. Résonances IV<br />

390. Résonances V<br />

391. Résonances VI<br />

392. Rewritings<br />

393. Sachet d'herbes<br />

394. Saint Joseph<br />

395. Salomon le magnifique<br />

396. Seconde année de la vie publique de Jésus-Christ I<br />

397. Seconde année de la vie publique de Jésus-Christ II<br />

398. Seleccion de poemas<br />

399. Selected poems<br />

400. Serge Gainsbourg<br />

401. Six Freedom Highway<br />

402. SM Poésies<br />

403. Sonnets 84<br />

404. Sonnets de Jeunesse<br />

405. Souffles nouveaux I<br />

406. Souffles nouveaux II<br />

407. Souffles nouveaux Relevé de variantes<br />

408. Sourates<br />

409. Substances et Distances<br />

82


410. Substances et Distances Relevé de variantes<br />

411. Sueurs sacrées<br />

412. Sueurs sacrées Relevé de variantes<br />

413. Suites Relances I<br />

414. Suites Relances II<br />

415. Suites Relances III<br />

416. Suites Relances IV<br />

417. Suites Relances V<br />

418. T 29<br />

419. T 30<br />

420. T 41<br />

421. T 42<br />

422. T 43<br />

423. T2 T3 T5 T4<br />

424. T 24<br />

425. T 25<br />

426. T 28<br />

427. T 33<br />

428. T 40<br />

429. T 41<br />

430 T 42<br />

431. T 43<br />

432. Ténèbres et Néant<br />

433. Testament de Moïse<br />

434. Textes érotiques I<br />

435. Textes érotiques II<br />

436. Textes érotiques III<br />

437. Textes érotiques IV<br />

438. Textes érotiques V<br />

439. Textes érotiques VI<br />

440. Textes érotiques VII<br />

441. Textes érotiques de jeunesse<br />

83


442. Textes et Prétextes<br />

443. The Naked <strong>Version</strong><br />

444. Tobie Première version<br />

445. Tobit<br />

446. Tractacus philosophico-poeticus<br />

447. Trois esquisses...Hugo, Cocteau et Gide<br />

448. Troisième année de la vie publique de Jésus-Christ I<br />

449. Troisième année de la vie publique de Jésus-Christ II<br />

450. Troisième année de la vie publique de Jésus-Christ III<br />

451. Variances<br />

452. Variantes bibliques 88-92 Inédits non dactylographiés<br />

453. Variantes d'Alexandre<br />

454. Variantes de Collages<br />

455. Variantes de Losanges<br />

456. Variantes de Louanges du Feu<br />

457. Variantes de Poïétique<br />

458. Variations freudiennes<br />

459. Versets coraniques<br />

460. Vrac<br />

84


MORCEAUX CHOISIS<br />

85


86


TOME I<br />

ANNÉES 78 - 79<br />

L’huiLe Fraîche<br />

Le germe et la semence<br />

Le manuscrit inachevé<br />

87


L’Huile fraîche<br />

Rien ne détruira<br />

Rien ne détruira les frayeurs promises à son front si clair. Ni<br />

souffle ni violence n'épancheront de fièvres froides les douleurs de ses<br />

plaintes.<br />

Il vit solitaire et immortel, caché dans sa retraite au fond des<br />

bois. Il dort d'un sommeil paisible ou contemple la nuit les grands<br />

champs alentours.<br />

Recensez la sagesse de son cœur ! Embrassez son calme<br />

mortuaire ! Ce sont ces bouches qui vous parlent, écoutez-le !<br />

On se joue de lui pour un écrin de perles ? Qu'importe !<br />

Personne n'admirera le diadème qui l'habite. Son secret divinement<br />

gardé sera seulement dévoilé au maître des lieux.<br />

88


Il faut savoir<br />

Il faut savoir que les perceptions n'étaient que des<br />

chuchotements indistincts, - efforts, appels, supplications - rien ! De<br />

vagues lueurs s'évadaient parfois sur les tempes comme de lentes<br />

lumières attirées par un miroir éclairaient une face promise au réel.<br />

Des mois d'attente, des incendies soufflés par une brise légère,<br />

et des orchestres mal dirigés comme dans les squares d'un Thabor<br />

ancien. Ô feux sauvages, ô complaintes de toujours, je me souviendrai...<br />

89


Que le délassement assombrisse<br />

Que le délassement assombrisse les pensées élevées ! Que l'or<br />

battu parmi les treilles inonde les <strong>pages</strong> de transparence ! Que l'orgueil<br />

envoûté par un maléfice inhumain use de troublantes paroles en ces<br />

décennies de perdition ! Oh ! Qu’une transfusion de sang neuf comme<br />

une gerbe d'allégresse emplisse mes veines !<br />

Le passage étroit pour deux âmes accède aux caves de la<br />

déportation. Il nous faut être bien nés dans la solitude, - là est la dernière<br />

image de l'amour ! Vies de l'âme, ingratitudes des râles, la volupté est<br />

bénie encore. La volupté contemple le monde. Elle va, elle vient et<br />

s'étonne dans les profondeurs du moi.<br />

Stupide à noircir la feuille, dit l'ancien. Heureux présage de<br />

l'enfant, dit l'adulte. Déferlement animal, dit le sage.<br />

90


Tu exposes le diagramme<br />

Tu exposes le diagramme à la génération décriée. Tu prolonges,<br />

expédiant les lettres des novices, un caveau promu au délaissement des<br />

sens. Et dans les vignes florissantes, tu tires le vin à la bouteille d'argent.<br />

Déplorables tromperies recouvertes d'amertume ! Agissements prompts<br />

pour la mansuétude du peuple !<br />

Mais voilà le sanctuaire des hémistiches, voilà le sacrement<br />

autrement déplacé !<br />

L'exercice est insipide, insignifiant aux yeux des<br />

contemporains. Qu'il évolue ou dorme, quelle importance ! Oeil fixé sur<br />

les écrits, tendance aux souillures internes, dépistage d'une carence<br />

idiomatique, - là est le surfin de l'observateur. L'ignorance vécue, le<br />

délabrement d'un site, - qu'est-ce à dire ? Un point insignifiant pour les<br />

nuées alentour, un rejeton de défauts semblables aux découvertes<br />

antérieures !<br />

91


Un midi étrangement profond<br />

Un midi étrangement profond où se consume l'air pur de nos<br />

actes. D'anciennes survivances d'un passé moyenâgeux, des allégories<br />

puis des spectacles, enfin des particules infimes déployées contre les<br />

murs de la cité.<br />

Marcher, marcher encore et soumettre ses idées dans un hall<br />

visqueux, - car tout mélange est de règle, et obtenir une place à l'ombre<br />

des infortunés. Voilà la contribution latente pour nos incertitudes.<br />

Trébucher et parvenir ! Oui, parvenir ! Le vain mot. Ultime valeur, tu<br />

changeras les visions ! Oublie les règles, et convoite un autre lieu !<br />

Fuir, fuir ! Mais où ? Quelle destination sublime ? Quel mal<br />

nous dépècera encore ? Je suis parti ! Une mélodie d'évasion. Un instant<br />

de solitude espéré depuis tant de mois. Et puis... Et puis la chute ! Tu te<br />

romps, et les coups portés ne sont que leurres ! Tu projettes une image,<br />

tu obtiens le maléfice ! ...<br />

Que reste-t-il à inventer ? Une morale pesante, prescrite il y a<br />

92


deux mille ans. En trois mots, un monde transformé suivant les<br />

transcendances d'un peuple. J'ordonne le supplice, c'était le supplice.<br />

J'ordonne la paix, éclate la guerre !<br />

93


Les rayons suprêmes<br />

Les rayons suprêmes se détachaient sur des trames de couleurs.<br />

La raison tremblait dans l'âme du pauvre. Bientôt les valeurs délicates<br />

furent trempées dans de la cire avec un sceau royal pour effigie.<br />

Point de mesure. Le décor condamnait l'hôte à toute délectation.<br />

Une montagne à venir ? Non, le contour ! Non, l'attente ! Non, le repos !<br />

Il fallait marcher plus vaillant que la mort, plus fort que la paix.<br />

Mais pourquoi transformer l'acte fécond en images saillantes ?<br />

Pourquoi, grandir dans les louanges, sombrer dans le théâtre de<br />

l'imagination ?<br />

94


C'étaient des lèvres creuses<br />

C'étaient des lèvres creuses sur des diamants renversés. La<br />

nature, qui par sa forme, accomplit tout un rêve voyait s'abattre leurs<br />

mains lourdes et pesantes : infortune de deux êtres, et merveille du<br />

monde en détresse !<br />

Telles des voix éclatantes, un rire perça le pur silence : saveur<br />

de l'accouplement et lugubres tentations !<br />

Que l'on ne berce pas de lueurs divines des mots tendres et<br />

choisis ! Que l'on ne dicte pas des lois sublimes ! Car le feu envahit de<br />

ses flammes agressives les éclairs éparpillés qui se lamentent.<br />

95


Opaque cité<br />

Opaque cité, pour l'élévation ! Que le temps pardonne<br />

l'existence de tes sens ! Va, toi impassible et fière mourir dans les débris<br />

de l'âme inculte. Va à l'extermination assurée ! Ton devoir te l'impose,<br />

oui, va !<br />

On détruisit l'idée de l'holocauste par ce pays superbe. D'un<br />

saint, les paroles s'évadaient tristement parmi les comparses délaissés.<br />

L'onction, la croyance, le mythe, qu'en firent-ils donc ?<br />

Ô fruit qu'un spasme émancipe, que la gratitude jaillisse sur tes<br />

chevaux sauvages ! Car tu ignores la mélodie sans fin dans le mélange<br />

de nos plaintes merveilleuses !<br />

Ils entament calmement<br />

96


Ils entament calmement le déferlement de nos actes. Ils<br />

sécrètent d'une sève douteuse toutes les substances promises et<br />

humaines. Ils se jouent de l'arbitraire et inventent l'acte sublime.<br />

Quelle est leur destinée ? Oh ! Une toile insipide coloriée de<br />

fades couleurs. C'est l'espérance pesante et vieille sur les bras courts de<br />

l'artiste. Je parle d'infectes bavures qui polluent les mains. Un rachitique<br />

pinceau trempé dans les frayeurs d'une huile blanchâtre, et des traits<br />

obscurcis par les déceptions du temps. Vérité légitime, bouffonneries<br />

hideuses et Temple bienveillant ! Quel mélange crasseux ! Et ils<br />

crachotent des bouffées d'alcool et des vibrations et des noirceurs sur des<br />

papiers roses !<br />

Quoi ? Vivre de la scène lugubre quand l'homme exploite les<br />

rondeurs profilées, quand l'espoir recouvre un incestueux rectangle de<br />

marbre ? Non, car la pureté s'étire et ramifie les mondes. L'élévation est<br />

mère de nos travaux.<br />

Il est temps de vendre le supplice. L'accoutumance au malheur<br />

est scène de pauvre, point de l'homme. Pour des catafalques de gloire,<br />

l'enjeu - l'immense enjeu couvre nos destinées.<br />

97


Qui eut dit<br />

Qui eut dit qu'un transfuge pastoral eût pu dans sa verve<br />

élastique usurper la nonchalance de son amour-propre ? Personne. La<br />

rareté de son bien dansait sur les ondes légères, et l'espérance rêvée<br />

sertie de musique céleste - harpes, pianos à cordes, ballerines etc.,<br />

s'élançait dans des accords nouveaux.<br />

La conquête des humeurs facilitée par la commodité des stances<br />

jonglait sur la bouche des esclaves. L'ange se dut d'intervenir : la fête<br />

était sujette à la délivrance, au jeu enfantin, mais on interdisait la<br />

débauche culturelle.<br />

Les éléments fâcheux se firent reconduire aux portes du palais<br />

sous forte escorte. Des spectres à la faux aiguisée montraient le chemin à<br />

suivre.<br />

Quand sonnèrent les douze coups, les esprits échauffés par l'air<br />

malsain refusèrent de penser. On dut les tirer de leur torpeur. Quelquesuns<br />

uns trop lourds pour se déplacer restèrent cloués sur place.<br />

98


Des oriflammes, des marbres<br />

Des oriflammes, des marbres surplombés de tréteaux nouveaux.<br />

Un vin rougi par le sang des victimes coule à profusion dans les panses<br />

des vainqueurs. Des esclaves vierges portent les cruches à leurs bouches.<br />

Ils rient, rotent et se congratulent pour la victoire. On berce les sourires,<br />

on écume les flots de sueurs, on range les épées et les sabres. Minuit,<br />

minuit de gémissements plaintifs voile la lune de halos. Le lendemain,<br />

repus d'hymens et d'ivresse divine, ils se réveillent prêts pour un autre<br />

combat. La ville de Douches sera visée.<br />

On égorge les derniers mourants. On récupère l'équipement.<br />

Des oriflammes, des marbres surplombés de tréteaux nouveaux.<br />

Un vin rougi par le sang des victimes coule à profusion dans les panses<br />

des vainqueurs. Des esclaves vierges portent les cruches à leurs bouches.<br />

Ils rient, rotent et se congratulent pour la victoire. On berce les sourires,<br />

on écume les flots de sueurs, on range les épées et les sabres. Minuit,<br />

minuit de gémissements plaintifs voile la lune de halos. Le lendemain,<br />

repus d'hymens et d'ivresse divine, ils se réveillent prêts pour un autre<br />

combat. La ville de Cycomore sera visée.<br />

99


Je revois un sanctuaire<br />

Je revois un sanctuaire de déserteurs où toute malice se déploie<br />

en corolle jusqu'aux solstices des Rois. Le monde à part, c'est la<br />

vieillerie soudaine, les tentacules confondus et l'œuvre des notables !<br />

Des cascades enchantées se meurent d'accoutumance. Le grignou<br />

s'étonne à la rencontre d'un monde nouveau et descend un fleuve<br />

impérieux.<br />

Ils se sont décapités ! Oh ! Les pertes, les sphères et les autres<br />

Prométhées ! Ils ont usurpé le goût des baies fulgurantes, ils ont traversé<br />

les bois d'osier, et rieurs de la loi, ont dansé sur des chevaux de cristal !<br />

Le bénéfice fut vain car jamais l'accord ne s'éloigna des disciples.<br />

100


Spectacle<br />

Spectacle. De chaque côté, les rives soumises à l'infatigable<br />

mouvement du courant pliaient leurs tendres roseaux avec grâce et<br />

soumission. Le bouillonnement, les écumes, le bruit incessant semblant<br />

venir du lit même transformaient ce paysage en théâtre tragique.<br />

L'acteur, la nature, les lumières, le soleil pâle. Les rayons<br />

réchauffaient la terre. Le sujet était l'éternel recommencement de la vie,<br />

la fonte des neiges. Et le dénouement était de se jeter dans le delta de la<br />

mer, et d'y mourir ! L'homme ne peut rêver plus belle représentation. La<br />

tragédie divine ! Ce que le Grec crut inventer, n'était que piteuse copie.<br />

Dieu le précédait de cinq milliards d'années.<br />

101


C'est elle la petite morte<br />

C'est elle la petite morte cachée derrière les vallons, elle,<br />

couchée sous les feuilles jaunissantes de l'automne, avec une chaîne en<br />

or autour du bras. On se souviendra de son visage longtemps !<br />

Mais pourquoi est-elle morte ? Étrange créature qui à cinq ans<br />

n'avait pas supporté cette impossibilité de vivre. Que d'inquiétudes, de<br />

peines et de maux dans cette adorable tête chagrinée !<br />

Les anges recouvriront tes cheveux de lauriers fraîchement<br />

cueillis, un tapis de pétales roses t'indiquera le chemin à suivre, des<br />

images sur un mur blanchi te divertiront.<br />

Ô pâle enfant que la lumière jamais n'éblouira ! Belle enfant,<br />

dors d'un sommeil de rêves !<br />

102


L'impossibilité<br />

L'impossibilité de régir tout acte contrôlé, l'insouciance d'une<br />

exploitation misérable, l'acharnement parfois stupide dans la<br />

continuation de la tâche, - une faiblesse reconnue en quelque sorte, voilà<br />

en trois points l'existence bénigne d'Hortense. Pourtant point dépourvue<br />

de savoir ou de bon sens, elle divaguait dans un engrenage visqueux,<br />

comme si une force dirigeante agissait en son nom, je devrais dire en son<br />

âme. Quoique d'une nature exemplaire, j'entends guère trompeuse, elle<br />

dérivait comme un voilier sans voiles offert aux vents et aux courants.<br />

Être à bord, savoir que l'on dérive, et être impuissante à<br />

contrôler le bateau, - vie d'Hortense !<br />

103


Honfleur !<br />

Honfleur ! Dernier souvenir bruni par des tapis de feuilles<br />

mortes. La vision suspecte d'un paysage transporté dans une autre<br />

époque. À présent, transformation féconde d'une culture archaïque.<br />

Honfleur de jadis, Honfleur de jamais ! L'inquiétude frappant ma<br />

personne a déclenché le mécanisme divin.<br />

104


Des granites bleus<br />

Des granites bleus où l'exil couche ses floraisons chantées. Une<br />

ombre matinale revêtant ses rosées les plus pures, l'écarlate divin exalté<br />

de vapeurs louant au ciel une étoile argentée. Et des ordres stricts, ivres<br />

de feux bouleversants, en extase devant les lueurs et l'éveil, - luxes<br />

appauvris !<br />

Dans les chantiers, des portes furieuses se fracassent. Les<br />

ouvriers tels que des funambules de cirque réclament encore quelques<br />

pièces.<br />

L'erreur est folle. L'idiome de couleurs refuse le contraste. Le<br />

monde délassé par les chanteurs harmonieux, le monde s'endort<br />

paisiblement. Les astres bleutés resplendissent dans leurs nullités à<br />

travers les outrages et les sabbats.<br />

Mes mains lèchent une rose noire, les tâches humiliantes<br />

combleraient mon front immaculé de rouge.<br />

Mes os se rejoignent. Le cadavre s'étire aussitôt.<br />

Ha ! Charniers ! Atroces pécules, quand oserai-je vous dominer ?<br />

105


Chanson<br />

Ô futile douceur<br />

Qui a tout amoindri,<br />

Souviens-toi des langueurs,<br />

Des langueurs qui ont fui.<br />

Oui, les vœux de patience<br />

Nous auront prévenus<br />

De l'âcre impertinence<br />

Et des chansons perdues...<br />

Alors lui, fou de rage,<br />

Agressif dans les rues,<br />

Lui, cet odieux carnage<br />

Demain se serait tu.<br />

Mais pour ta délivrance,<br />

Que les fureurs s'éprennent !<br />

Acclames-tu ma danse<br />

Autant qu'il m'en revienne ?<br />

Mais passé ou présent,<br />

106


Envole-toi bien loin,<br />

Bien avant que ton sang<br />

Ne blêmisse le mien.<br />

Ô futile douceur<br />

Qui a tout amoindri,<br />

Souviens-toi des langueurs<br />

Des langueurs qui ont fui.<br />

107


Éternité<br />

Le disciple exalté<br />

En ces rêves anciens<br />

Se foudroie éveillé<br />

Sur un vieux parchemin.<br />

Tremblant d'une main moite<br />

Par l'ivresse embaumée<br />

L'affreux aux tempes froides<br />

S'incline désabusé.<br />

La saveur est perdue !<br />

Au loin dilapidée<br />

Vers l'espoir inconnu<br />

Qui n'a jamais percé !<br />

Mais cloué à sa tâche,<br />

Comme l'insecte fourmi<br />

Jamais ne se relâche<br />

De minuit à midi.<br />

Le disciple exalté<br />

108


En ces rêves anciens<br />

Se foudroie éveillé<br />

Sur un vieux parchemin.<br />

109


Partir vers l'infini<br />

Partir vers l'infini pour des étés abrupts ?<br />

Hélas ! L'entendement qui encense mes nuits,<br />

Comme un rayon oblique sur des feuilles caduques,<br />

N'est que soupir, ô songe, éteint et agonies !<br />

Pourtant steamer grée, vois à la poupe, j'obtiens<br />

Tel un vieux rêve difforme, l'image délicieuse...<br />

Que dire ? L'aventure est vaste ! Des vagues de rien !<br />

Mais ces charmes à éclore sous la lumière affreuse,<br />

Sont substances créées que trempent mes sueurs<br />

D'amertume, mon âme toi qui chantes et qui pleures !<br />

110


Le rêveur<br />

L'œil voilé par l'azur qu'une lente descente<br />

Éblouirait encore d'une clarté funèbre,<br />

Prolonge une lugubre vision diurne entre<br />

Les larges ifs plantés dans le lieu des ténèbres<br />

Et succombe lentement, ô parabole magique,<br />

À ce fade désespoir du paysage blêmi.<br />

Comme buvant, perdu cette froideur de site<br />

Que le maître du temps éloigne et abolit,<br />

Il luit, rêveur ailé ! D'une pupille morne<br />

Voit les tristes lueurs qui au lointain s'endorment.<br />

La paupière que le ciel imperceptible bat<br />

Couvre la pâle image, et le rêveur s'en va.<br />

111


Au tout premier réveil<br />

Au tout premier réveil<br />

Hors des sables mouvants<br />

Sans lumière sans soleil<br />

L'exil s'effile tremblant.<br />

Amoureux des douceurs,<br />

L'esprit rassemble encore<br />

Les dernières saveurs<br />

Soufflées quand il s'endort.<br />

Dans un vol embaumé<br />

Son corps déjà s'avance<br />

Vers l'espace condamné<br />

En sublimes espérances.<br />

Des sanglots tout à coup<br />

Dans ce calme limpide !<br />

Elle, nue à pas de loup,<br />

Pleure dans son œil humide !<br />

112


Pour mon indifférence,<br />

Ô fille délaissée !<br />

Bercée de nonchalance,<br />

Elle se voulait aimée !<br />

Senteurs de l'altitude,<br />

Loin des lâches misères,<br />

Comme à son habitude,<br />

Fuyant l'horrible terre !<br />

113


Rien<br />

Rien du terme pur de sa course<br />

Régnant défunt et infini<br />

N'exaltera l'ancienne source.<br />

Vois le temps qui s'enfuit.<br />

D'horribles survivances<br />

Fécondées d'irréels cris,<br />

C'étaient vœux de patience,<br />

Et bonheurs accomplis.<br />

De la suite chaque nuit<br />

Tel un suicide de rage,<br />

Il ne reste que l'agonie<br />

De l'inhumain carnage.<br />

Ô douloureux enfantements<br />

Putrides et malingres fœtus<br />

Asphyxiés lentement<br />

Dans le sein qui les a conçus !<br />

114


Rien du terme pur de sa course<br />

Régnant défunt et infini<br />

N'exaltera l'ancienne source.<br />

Vois le temps qui s'enfuit.<br />

115


Je t'écris<br />

Je t'écris sur un lit tumultueux<br />

Où ta hanche féconde la mienne.<br />

Au firmament jusques aux cieux<br />

Que ta taille m'entraîne ! ...<br />

Par les couleurs vives de l'automne,<br />

Que le givre recouvre les toits !<br />

Je voudrais tant que tu chantonnes,<br />

L'espérance folle d'autrefois !<br />

Mon vieil amour défunt encore<br />

Comme respirant une ombrelle<br />

Sur les chemins déflore<br />

La bouche frêle que j'aime ! ...<br />

Délicate quand comblée de soupirs,<br />

Ton corps enfin se déchaîne.<br />

C'est l'éternité ou le plaisir,<br />

Oh ! Qu’il s'en souvienne ! ... etc.<br />

116


Langueur a dû<br />

Langueur a dû<br />

Par temps de pénitence<br />

Aux offres défendues<br />

Trembler de jouissances,<br />

Car résident en ce lieu<br />

Sous quelques alcools divers<br />

Une terre feue<br />

Brille par mon hiver.<br />

En cela malheureux<br />

D'allégresses perdues,<br />

Quitte vite, grand pieux<br />

Les sombres détresses,<br />

Et bois aux coupes d'or<br />

Le breuvage divin<br />

Pour endiabler ce corps<br />

De plaisirs malsains, etc.<br />

117


Comme un bruissement d'aile<br />

Comme un bruissement d'aile posée sur l'endormie<br />

Qui joue dans la pénombre à miroiter son vol,<br />

Espiègle et bombinant, virevoltant ici<br />

Embrasse la charmante, la caresse et la frôle ;<br />

Comme des satins clairs qui jailliraient d'aimer<br />

Sur le sein délicat ou la gorge sensible ;<br />

Des rires confus offrant à des bouches rosées<br />

L'apparat éclatant des demoiselles dignes ;<br />

Comme une attente encore que celui-ci refuse<br />

Car des calices d'or donnés au coeur d'argent<br />

Échappent toutefois aux sanguinaires muses<br />

Pour les blondes moissons de son stérile enfant.<br />

118


Au soleil, je m'avance<br />

Au soleil, je m'avance par ce brûlant servage,<br />

Et l'ombre accoutumée à ma face soumise<br />

M'emporte là, tout près de toi, jusqu'au rivage.<br />

Mais ta substance aimée est déjà compromise ! ...<br />

Que n'entends-je se plaindre ton rayon si brutal ?<br />

Est-ce masse étonnante de son puissant métal ?<br />

À mes yeux tant cernés, l'étonnement est doux...<br />

Prolonge en ma fraîcheur de longues accalmies !<br />

De l'embellie si vive, le regard flambant neuf<br />

Consume les pensées obscures de ma nuit ! ...<br />

J'accours sur ta mémoire rappeler en ton heure<br />

Ces somnolences rêvées et ces voix enivrantes,<br />

L'heureuse cérémonie sertie de ses candeurs<br />

Qui forte en ce miroir, fait ma lèvre tremblante ! ...<br />

119


Obsession<br />

Même, délicate Cybèle, même le sourire aux dents,<br />

Au grand vent de l'absence, dans les souffrances mêmes,<br />

Quand ton épaule nue à mon côté, chantant<br />

Des airs anciens, des sérénades et des rengaines ;<br />

Même alanguis, nous anges, baignés de broderies,<br />

Des souffles inondant par des flots bienheureux<br />

Un carême, même offerts aux charmes des grands ifs<br />

Que j'admire le soir convulsé ou fiévreux ;<br />

Même nous ivres et légers, bercés de compassions,<br />

Respirant un air clair, vol des aigles royaux,<br />

Et même bordés de grâce, de rires, de libations,<br />

Je n'oublierai jamais ces lutteuses infinies<br />

Échappées ou béantes aux portes de mes maux<br />

Qui conspirent, ensanglantent mon sort dans leurs tueries !<br />

120


Pastiche<br />

Sur les ondes immortelles, va la blanche Ophélie.<br />

La douceur de ses seins ferait frémir mes ailes.<br />

Voici bientôt mille ans que descendent en la nuit<br />

Deux bruissements lointains qui murmurent vers elle.<br />

Baignée de lys et d'eaux plates, paisible elle dort<br />

Au milieu des joncs et des hallalis étranges.<br />

On entendrait chanter vers les roseaux dès lors<br />

Des muses éternelles embaumées de grands langes...<br />

Dans sa romance, le vent caresse le nénuphar.<br />

Belle Ophélie, pâle Ophélie, ton cavalier<br />

A-t-il perdu son coeur de pierre dans ton regard ?<br />

Hélas ! Emportée comme un souffle par la nature,<br />

Belle Ophélie se fond en la neige de fées !<br />

Oh ! La belle Ophélie étire sa chevelure !<br />

121


Ophélie<br />

Merveilleuse accouplée descendant sur les rives,<br />

Toi dont les nuits d'extase semblent oublier les jours,<br />

Connais-tu les rousseurs, les déboires de l'amour<br />

Toi qui sembles insensée, désabusée ou ivre ?<br />

Car l'herbe folle, où poussent les haillons s'étale,<br />

Vaste écrin de beauté, sur tes cheveux dansant.<br />

Tu resplendis dans l'onde tourmentée de penchant<br />

Jusques aux cieux rêvant de douceurs, en aval.<br />

La pâle beauté, libre de doutes anciens<br />

S'éloigne lentement dans ses frissons, sans bruit,<br />

Regagnant les surfaces de l'horizon lointain.<br />

Elle confond ses lumières dans un ciel obscur,<br />

Et part abandonnée sous la frayeur qui luit.<br />

Ô douloureuse et nue qu'aucun mal ne murmure !<br />

122


À Sandrine<br />

Repose sur ce sein que la paresse offense,<br />

Et brûle en ma raison tes prochaines fumées.<br />

De mon ravissement, embrasse les carences<br />

Qui s'imposent sur ma joue frappée et profanée.<br />

Alors pour ta liqueur, bois le fruit des délices<br />

Et organise un songe où tu reposeras.<br />

Qu'importe, vraie beauté, les mouvements factices,<br />

Car l'appel de ta chair me redemandera.<br />

Ah ! Courir sur les flots antiques de lumière !<br />

Qu'une étincelle éclaire et chante tes fureurs !<br />

À l'ombre du platane, je te vois, tu es fière ! ...<br />

Parée de tes bijoux, de parfums délicats,<br />

Tu lances des étoiles pour orner mes lueurs,<br />

Adorable beauté que j'aime, et qu'il brusqua !<br />

123


Qui donc du cerveau<br />

Qui donc du cerveau infécond que l'esprit aime<br />

Fait jaillir des monstruosités et des charmes ?<br />

Quel humain, quelle bête à l'étincelle suprême<br />

Proposerait le diamant comme la flamme ?<br />

Ce rarissime exploit en qui vit la nature<br />

Et croît à chaque instant, diadème nouveau,<br />

Rassemble les méfaits en sublime mixture,<br />

Et grave son empreinte sur le cœur de mon sceau.<br />

Qu'un Dieu, un jour superbe, couronne ma faible tête<br />

De cascades de lauriers pour ces œuvres stériles !<br />

Pour descendre mon âme au niveau de vos bêtes<br />

Aurait-il vu en moi un serviteur débile ?<br />

La nuit, la nuit obscure foudroie contre mes tempes<br />

Des feux bouleversants détruisant mon salut.<br />

Ces douleurs incisives, ces souffrances latentes<br />

Me condamnent à la mort, moi qui ne parle plus.<br />

124


Offert aux rêveries<br />

Offert aux rêveries d'un suicide, regardant<br />

L'astre décliner lentement dans les cieux,<br />

Ton ombre veut maudire ce paysage odieux.<br />

L'éveil d'un chant difforme, excessif pour ton corps<br />

Qu'on oublie TOUJOURS, solitaire des nuits, des jours<br />

N'est qu'un refrain perdu quand ton crachat s'endort...<br />

Et lourde d'amertume, l'âme chancelle au vent,<br />

Suit indolente et faible les noirs frissons d'hiver,<br />

Suit la flamme douceâtre qui brille dans les temps !<br />

Ô l'oeil fécond tourné vers les vives ténèbres,<br />

L'amour endeuillé, ivre sur tes lèvres détruites<br />

Pousse un convoi royal, majestueux, funèbre !<br />

125


Il retiendra son souffle<br />

Il retiendra son souffle, car lui ailé même dans les retombées de<br />

ses pluies, s'élève inlassablement. Il sonde les déluges, les tempêtes et<br />

les vents, et sous les vertes mers s'étalent les bruissements de ses eaux<br />

nouvelles.<br />

Il confondra les cieux d'ocre, les horizons de l'amour, les<br />

vagues et les cataclysmes. Même dans la topaze de ses yeux, renaîtra<br />

l'éveil de l'enfance heureuse.<br />

Au chant du golfe blanc, le visage de la vierge embrassera<br />

l'énergique appel du carillon des matins. Pour l'assaut de la nuit,<br />

circuleront les nuptiales rumeurs des astres étoilés. Et dans les<br />

miroitements des nébuleuses dorées, l'automne resplendira pour sa<br />

fatigue et sa langueur promises.<br />

L'évasive multitude parmi les vapeurs brunes, bouche ouverte,<br />

lèche déjà les montagnes du printemps qui peintes aux couleurs de la<br />

lave mauve, trempent leur duvet de soie dans les lacs glacés.<br />

L'empreinte diluée de son pas neigeux, et sa robe incrustée de<br />

126


minuscules diamants enveloppent le rivage de bronze et les couches de<br />

l'aurore.<br />

Il détiendra la clé et du rêve et de l'instant de l'homme car lui<br />

seul est ange et poète ressuscités.<br />

127


Il brillait dans les yeux<br />

Il brillait dans les yeux de ce rêveur ailé de lentes courses<br />

comme les fraîches vapeurs matinales se levaient dans les rayons à la<br />

teinture pastel.<br />

Dans les sous-bois où la fleur suave abandonne un parfum<br />

printanier, ses souliers faisaient craquer les petites branches mortes. Et<br />

quand il eut franchi le vallon - le vallon de mousse - ses pas<br />

accompagnèrent l'écho lointain.<br />

L'exil s'essayait à de folles transhumances, les fureurs<br />

s'enivraient de futiles préciosités et le jour descendait plus calme encore<br />

sur l'horizon limpide.<br />

Il baignait et entourait son coeur de mélancolies. Son joug<br />

condamna d'admirables complaintes. Ses regards enflammés par un<br />

esprit malin changèrent en haine toute chose vécue.<br />

Il but de ces liqueurs aigres et frelatées, et transperça avec des<br />

aiguilles remplies de venin la face humainement désespérante.<br />

128


Il aurait voulu<br />

Il aurait voulu des courses folles - démesurément folles - à<br />

travers la campagne, jouir des dernières chaleurs d'un automne avancé,<br />

et marcher à la recherche d'espoirs perdus.<br />

Il prévoyait dans toute sa candeur de fulgurantes et intensives<br />

excitations de l'âme, des sortes d'images transformées pourtant réelles<br />

suivant les lois internes de son esprit, suivant des pensées brutes tirées<br />

de son imaginaire.<br />

Étaient-ce des rêves éveillés où le réel côtoie l'indécis, où<br />

l'excès est maître de ses interdits ? Une liberté d'action parfaite dans le<br />

miroir de sa jeunesse !<br />

Une pierre jetée ricoche dans l'eau morne d'un bras de rivière, et<br />

la lumière questionne le présent et son temporel.<br />

Ce sont des vols d'étourneaux battant de l'aile, craintifs de la<br />

froidure. Ce sont des montagnes lointaines qui dansent là-bas. Puis la<br />

femme, belle et sensuelle qu'un espoir de conquête embrasse.<br />

La magie est à répéter.<br />

129


Il est un minuit<br />

Il est un minuit qui se perd et que tu enjambes malgré toi.<br />

Certaines concordances dissidentes naissent du coffre des ombres. Des<br />

feuillées d'abeilles tourbillonnent par-delà les minuits dans les grands<br />

regrets du mécanisme. Les tapis d'or placés sur les dômes d'azur ne sont<br />

que des succursales initiatrices de notre inconnu.<br />

Léger comme l'envol, virevoltant sur des incendies fraîchis,<br />

l'ange plonge dans les gaz et les étoffes et les mousselines argentées.<br />

L'horloge tinte les douze doigts de la présente année, et<br />

semblable aux modulations des cloches à venir, s'évadent des sonorités<br />

tels l'Angélus ou la Métaphore du Soir.<br />

130


À la cloche d'ivoire<br />

À la cloche d'ivoire, comme drapé de mélancolies diverses, il<br />

hume les survivances alentour éteintes. Par le jeu des syllabes, le grand<br />

précipice offre des chaleurs à ses dépravations intimes. Son masque<br />

d'argent se désagrège petit à petit.<br />

De l'éternelle et souffreteuse anecdote, on assure l'infini des<br />

jouissances. On promet un réel sublime que le sauvage doit faire naître<br />

en sa demeure. On détruit la rareté d'une force distincte...<br />

Immuable soir qui s'égare sous des nuées honteuses. Un coeur<br />

voué à la solitude sensuelle use des tentations et fait de l'être impur un<br />

mémorable délice en ce jardin de terre.<br />

131


Un froissement d'étoffes<br />

Un froissement d'étoffes court dans les environs putrides. Une<br />

décharge superbe, et le printemps resplendit aux fenêtres insoucieuses ;<br />

une démarcation légère, un regard pour ses yeux, et de luxuriantes<br />

larmes coulent sur son jeune front.<br />

Malgré l'intolérable monotonie des silencieuses commodités, le<br />

vent froid et sec parmi les gloires anciennes, malgré la fraîcheur exquise<br />

d'une rêverie embaumée, entend.<br />

Derrière l'amas des déchirures, plus loin que le contour qui se<br />

dresse, des pas approchent irrésistibles dans leur avancée. Lourds,<br />

encombrés d'alcool sain, je les sais qui s'en viennent TOUJOURS. Je les<br />

sais arriver. Il est temps de nous cacher, de revêtir ces voiles, ces châles<br />

qui traînent là dans la pièce. Viens, il est temps de mourir.<br />

Des répliques, des sinistres cachots, - quel amalgame ! Des<br />

diversités de saisons pluvieuses naissent et se reproduisent avec une<br />

rapidité affolante. Les forçats s'acclimatent à cette végétation, d'autres<br />

crachent les renvois de la déchéance, d'autres encore suintent, et se<br />

languissent de désespoir. Des masques pour les condamnées, des cordes<br />

pour les ignorants, des infusions pour les délaissés.<br />

Souviens-toi des rouges, des cambrures à l'extrême, de<br />

132


l'insipide râle, des fourberies nuisibles et des pitiés promulguées.<br />

Souviens-toi du cheval, des veules inquiétudes, des murs tombés en<br />

décrépitude.<br />

consoler.<br />

Vois comme j'avais raison ! Il est trop tard à présent pour se<br />

Sur des rêves où la tentation était déjà vouée à l'échec, je<br />

crachais comme d'autres expulsent l'air de leurs poumons. Je sombrais.<br />

J'ai bu de vos poisons, ô l'écrin, ô la monstrueuse déchirure !<br />

133


Minuits - points<br />

Minuits - points. Affirmations, épaves vaines inclinées sous des<br />

soleils souterrains ; et l'odieuse symphonie accorde un chant multiple, et<br />

les mots vibrent et se prolongent dans des espaces silencieux.<br />

Rêves : - froissements de jupes vertes, honorables fantasmes<br />

teints en des secondes inertes, protocoles inconscients pour des eaux à<br />

venir. Antique romaine ou hellénique soeur. Du sadisme douteux sous<br />

des cordes glacées.<br />

Pour quelle naissance, pour quelles vies nobles et justes ?<br />

134


Un tambour en rut<br />

Un tambour en rut comme des palpitations répétées, immuables<br />

saccades jouisseuses de mon sommeil et des sonorités sourdes<br />

dispensées dans une chambre capitonnée.<br />

Mouvement éternel qu'aucune brise n'effleure, mouvement de<br />

terreur et de folie tortionnaires.<br />

Un troupeau de ronflements monocordes simulant une envolée<br />

de galops profonds et venant d'un lointain inconnu, de l'infinité de mon<br />

être stérile qui gonfle mes tempes et boursoufle mes veines.<br />

Des gouttes de sang noircies par la haine jaillissent de tous les<br />

pores. Des masses visqueuses vivent, se reproduisent à une vitesse<br />

inexprimable.<br />

Soudain des cris. La tempête éclate et déchire et détruit toute<br />

sueur interne. Des ravages terribles, - d'anciennes garnisons englouties<br />

en un souffle, - un souffle mortel, œuvre satanique.<br />

Sont-ce des lueurs illuminant la face terne du moribond, un<br />

vulgaire traité de paix jamais respecté, un stratagème démoniaque ? Un<br />

compromis ? On avance un sourire aux lèvres. On avance toujours. Tous<br />

135


les membres sont crispés. Que fait-il ? Pourquoi ?<br />

136


Ô solitude morne et plate<br />

Ô solitude morne et plate qui envahis l'être d'admirables<br />

torpeurs ! Jadis tu m'étais inconnue... Pas un souffle de faiblesse pour<br />

respirer le calme mortuaire, la langueur et le déroulement infini du<br />

temps.<br />

Comme je soupèse le bonheur de l'homme seul, sa survivance<br />

profonde dans l'âme insondable ! ... J'interviens posément et goûte le<br />

luxe de la répartie. Je laisse confusément comme un monotone fleuve<br />

dans le cours de ses eaux, la folie sereine s'emporter vers des paysages<br />

perdus.<br />

En amont, une source pure et claire que des montagnes<br />

chérissent avec tendresse. En aval, la beauté majestueuse,<br />

l'épanouissement de la pensée.<br />

Eaux calmes, quand le silence règne en moi, comme je voudrais<br />

pour toujours m'endormir...<br />

137


C'était d'une humeur claire<br />

C'était d'une humeur claire, presque prompte à démêler les<br />

pensées nouées de l'âme que je me réveillai, ce matin-là. J'aurais pu<br />

selon la bonne remarque populaire, battre flots et tempête.<br />

Il est de rares saveurs que l'on ne goûte à l'extrême. Le temps,<br />

notre ennemi redoutable nous appelle à d'autres tâches. Mais ces instants<br />

de réflexions avaient une telle intensité qu'ils eussent pu être confondus<br />

avec des instants de bonheur...<br />

J'avançais comme un miraculé qui retrouverait le<br />

fonctionnement de ses jambes, émerveillé par la légèreté de son corps.<br />

Mais un bruit ultime, l'imperceptible bruissement de deux ailes,<br />

et le charme disparaît. Dès lors, l'engourdissement de mes jambes<br />

m'interdit de peiner davantage, dès lors l'intervention stérile du refus<br />

m'interdit quelconque action.<br />

Pourtant je te savais, et tu n'es déjà plus ! Tu disparais quand tu<br />

supplies. Tu fonds mes pensées quand l'œuvre m'attend. Insaisissable<br />

amie, comme je te demande ! ...<br />

Auras-tu l'audace d'éterniser mes lueurs ? Voleras-tu aigle royal<br />

138


dans les ténèbres de mes nuits ? Tu m'atteins aux premières requêtes. Tu<br />

t'éloignes lasse de rêve aux moindres tourments.<br />

Tu es ma maîtresse, et tu te joues de moi ! Essayer de parer ta<br />

puissance, c'est me compromettre et te voir disparaître à tout jamais.<br />

Délicate langueur, viens bercer encore mes rêves ! Sur cette<br />

bouche, invente l'acte suprême de nos mélancolies ! Tu es en moi et<br />

pourtant impalpable. Tu vis dans mon coeur, et tu te nourris de mon<br />

sang comme d'un sublime poison ! J'ordonne ta faiblesse, mais tu es mon<br />

amante et j'attends.<br />

Vivre en toi, par toi et pour toi. Oublier l'ignominieuse carence<br />

de ces faiblesses. Crier à tous la subtile saveur de la solitude ! Hélas, j'ai<br />

beau hurler, qui entendrait l'essence pure de la vérité ? Quel être<br />

acclamerait l'ignorance de ses actes ?<br />

139


Un éternel recommencement<br />

Un éternel recommencement comme puisé aux sources mêmes<br />

de la vie, des chutes étonnantes semblant mourir dans l'abîme infini de<br />

l'âme, des vibrations soumises à une excitation durable :<br />

Les méandres de la pensée conservent presque religieusement<br />

toute la saveur extrême de leurs nombreux secrets.<br />

Parfois tumultes incontrôlés, souvent miroir irréfléchi de ce moi<br />

étrange, je ne me déplais pas de posséder les admirables accidents qui<br />

contiennent ma personne et se jouent de moi, pauvre conscience.<br />

140


Miroirs de l'âme<br />

Miroirs de l'âme, encriers de nos cœurs, quand pouvons-nous<br />

respirer calmes et paisibles les odorantes fleurs ?<br />

Le rêve se pâme d'atrocités et pousse nos désirs jusqu'à des<br />

désespoirs toujours plus humiliants.<br />

La traîtrise activée par un feu intérieur, resplendit davantage, et<br />

le soir est mourant.<br />

Esclaves d'hier, comme je condamne vos paroles !<br />

Esclaves de demain, entendez ma miséricorde !<br />

Martyrs défigurés par les liqueurs fourbes, aigles royaux ou<br />

loups des cavernes, pourquoi accepter cette torture ? Pourquoi la haine<br />

de tout un peuple ? Pourquoi les floraisons de toute une forêt et pourquoi<br />

la barbarie gravée sur le sceau de l'homme ?<br />

141


Les ondes turbulentes<br />

Les ondes turbulentes, les nacres bouillonnantes, les incendies,<br />

les glaives, les suprêmes disques de l'azur, les chocs sinistres et deux<br />

contradictions dans l'ouragan frénétique !<br />

Blessés, hommes terrassés, femmes défigurées, vieillards<br />

impotents et cheval fougueux jetant sa crinière blanche dans les<br />

cavalcades du temps.<br />

Carnassiers de l'amour, spectre figuratif : qu'on restitue l'image<br />

sacrée, qu'on étouffe les sanglots de nos chœurs, qu'on brave la nécessité<br />

révoltante ! Quelle heure, quel instant pour approfondir les causes de la<br />

cité ?<br />

Dans ce souterrain visqueux<br />

142


Dans ce souterrain visqueux, j'observe la foule macabre qui<br />

avance insouciante dans les dédales de la mort. Sans crainte, d'un pas<br />

égal, la longue file composée de vieillards, d'enfants et de femmes<br />

enceintes s'étire et déambule.<br />

On dirait le pèlerinage des temps sacrés quand de lentes<br />

cohortes de croyants traversaient les déserts arides.<br />

Ils continuent et s'engouffrent dans les graves ténèbres. Les plus<br />

vieux se refusent de mourir en bordure de la voie. Ils trébuchent éreintés<br />

par l'épuisante marche, mais ils avancent encore.<br />

Aucun signe de révolte ne se lit dans leurs yeux. Des visages<br />

livides, des masques peints, des regards attirés par une force invisible.<br />

J'ai voulu m'approcher pour les interroger, mais quelles<br />

réponses attendre de spectres ? Au matin, las d'observer leur atroce<br />

procession, je cherchai à me reposer quelques instants dans ce<br />

souterrain. Mais dans mon rêve, ils avançaient encore et défonçaient<br />

mon crâne de leurs horribles pas.<br />

143


Sur les scènes des partages<br />

Sur les scènes des partages, les médisances sublimes et les<br />

cascades et les sanglots : - l'or pur est convoité et arraché à la manne<br />

céleste.<br />

Les masques plombés tombent enfin, loin du réel malfaisant. Le<br />

plancher est tremblant sous le bruit terrible des carcasses.<br />

Une sorte de foudre voudrait que ce fût lui, vendu au sacrement<br />

de l'église, rejeté pour d'odieuses complaintes.<br />

Le temps pour sa maigre peau a ceint l'étoffe noirâtre. Son<br />

testament est éblouissant.<br />

Entends les sarcasmes et les rires et les joies. Nous bénirons la<br />

Sainte Éphémère, et donnerons l'eau neuve pour cette effigie consumée.<br />

Par-delà les éthers glacés, frissonneront les insondables cérémonies, les<br />

prières et les gloires.<br />

Sublimes mascarades des esprits. Nécessités des familles. Ô<br />

découvertes des âmes !<br />

144


Par la femme mystique<br />

Par la femme mystique, l'œuvre nous rassemble. Les gerbes de<br />

fleurs montent, se propagent sous les toits des antiques demeures.<br />

catacombes.<br />

Les cieux vulgaires constituent le morbide recrutement des<br />

C'est le délice dans les champs de neige ; aussitôt que<br />

l'éloquence gronde parmi les hêtres et les violettes, le Fils, ornement<br />

qu'elles méprisent ou non, devient symbole et mythe admirés.<br />

Bouffies, impies et jonglant entre deux lignes équivoques, elles<br />

encensent leur passivité et leurs douces attitudes.<br />

Peuvent-elles comprendre le sens de la pâmoison et se<br />

reconsidérer dans la tournure de l'acte ?<br />

145


Par la grâce et la discorde<br />

Par la grâce et la discorde, contre le fatalisme stupide, contre<br />

l'investiture d'une nonchalance, c'est toujours la logique immuable qui<br />

règne sur les appâts.<br />

Aux chaleurs extrêmes, l'évidence quoique pernicieuse restitue<br />

la morale jusqu'à l'extravagance de son soupir. Tu condamnes les<br />

blessures, tu hurles à la liberté.<br />

comprendre ?<br />

Je parle de simagrées et d'intolérances, mais pourras-tu<br />

146


Un simple cri sur ta bouche<br />

Un simple cri sur ta bouche et le délire naît de ma domination.<br />

De l'esthétique inouï aux contemplations vaines, le goût âcre de<br />

l'amertume s'éloigne dans le bruit sinistre de la nuit claire.<br />

Pour ton harmonie, mille couleurs ternissent d'une encre pâle un<br />

manuscrit maintes fois oublié. Les tiroirs du secrétaire condamné pour<br />

toujours garderont dans leur ventre de bois des substances peut-être<br />

exquises. Renfermeraient-ils une gerbe de délices ?<br />

Du théâtre à l'actrice première, des chants d'espoir aux<br />

catacombes pourries, oh ! un monde fourmille, une saveur parfume la<br />

chambre promise à des sourires amers ! ...<br />

147


Un ivoire brillant<br />

Un ivoire brillant où resplendit une rangée de dents équilibrées,<br />

une bouche fine et menue, hymne au baiser et à la tentation du coeur,<br />

une peau brunie par des rayons vermeils, je la vois qui s'étire, désinvolte,<br />

insouciante de sa nudité. Elle me regarde avec ce sourire enfantin qui dit<br />

: as-tu bien dormi ? Je lui souris et vais délicatement me plonger contre<br />

ce corps chaud encore d'une nuit passée à s'aimer et brûlant des plaisirs à<br />

venir.<br />

De languissantes étreintes aux rythmes accélérés elle se tord,<br />

enroule, souple serpent, ses longues jambes sous les draps soyeux, etc...<br />

148


Je croyais voir<br />

Je croyais voir en l'or de tes cheveux un nuage tendrement<br />

endormi sur des aquarelles mortuaires. J'y discernais un convoi de<br />

broderies éparses, et j'embrassais dans cet amas confusément respiré la<br />

rêverie lointaine. Je m'égarais dans les parfums, dans les sueurs de nos<br />

amours anciennes.<br />

Mais toi d'un geste dédaigneux, presque machinal tu passas ta<br />

main blanche et bien faite dans ce désordre de mèches blondes, et la<br />

noble rêverie s'est plu à se défaire, n'est-ce pas, Isabelle ?<br />

149


C'est un spleen<br />

C'est un spleen qui renferme toute la nostalgie d'une lueur<br />

sublime, une douloureuse faiblesse de coeur recueillie dans la solitude,<br />

morne solitude près du feu pétillant de la cheminée, où le seul ami est<br />

peut-être encore cette bouteille de vin rare et ce verre de cristal.<br />

Glacial amour, amour tendrement chéri, amour rêvé, amour<br />

volatilisé que la fantaisie de la femme reproduit inlassablement comme<br />

pour retenir son idéal, comme pour retenir le temps !<br />

Et la dernière lueur du brasier s'est plu à mourir. Ce n'est plus<br />

qu'une lumière douceâtre qui baigne la chambre décorée de bibelots<br />

rares et de meubles fort anciens.<br />

Ce n'est plus qu'un désir impossible qui resplendit encore dans<br />

l'âme d'Agathe. Ce n'est plus qu'une douleur inconsolable qui vit dans le<br />

coeur d'Agathe.<br />

Enivrée par le nectar, elle s'endort entourée de somptueuses<br />

étoffes posées nonchalamment sur le divan superbe.<br />

Parée de somptueux bijoux, l'oeil hagard et livide, soulevant<br />

d'une main nonchalante quantité de soierie déposée sur le divan, elle<br />

150


êve aux délicieuses soirées passées chez les De Busy.<br />

Et des images tenaces, toujours martelant son âme voyageuse<br />

s'amoncellent les unes contre les autres comme une pellicule de film<br />

inlassablement répétée.<br />

Et dans ses souvenirs voués déjà à l'ennui, elle multiplie les<br />

scènes, grossit les visages, et espère embrasser dans cet amoncellement<br />

de détails, l'instant unique et sublime que son esprit s'était juré de ne<br />

jamais oublier : le regard saisissant du jeune homme aux yeux foncés,<br />

tirant vers un marron extrême, - ce regard de feu exprimant toute la force<br />

et l'intrépidité de la jeunesse conquérante. Oui, malheureuse, presque<br />

envoûtée par ce sourire d'ange, par cette bouche suave, elle éternise son<br />

évasive rêverie sur le caporal blond.<br />

151


Un idéal songeur<br />

Un idéal songeur où la seule fortune de l'esprit consisterait à<br />

grandir des images pieuses comme issues d'un Livre d’Écritures, où la<br />

seule tentation de l'âme serait d'usurper et de drainer dans sa propre<br />

logique les pensées éparses qui s'incrustaient dans les parois de son<br />

esprit. Une expérience en soi unique, vécue en autarcie suivant des lois<br />

internes et presque rationnelles, tel était le souhait, ô combien désiré<br />

depuis sa tendre enfance par Magisture.<br />

Élevé dans une famille peu soucieuse d'instruire et d'imposer<br />

une éducation stricte et conventionnelle, il grandissait dans une liberté<br />

complète, pouvant à chaque moment décider de ses agissements.<br />

Jeunesse heureuse et sans contrainte, Magisture chérissait ses parents<br />

avec tout l'amour qu'il était permis de posséder à cet âge-là.<br />

Mais son rare ennemi, si ennemi était, inquiet de la faible<br />

rigueur parentale était un oncle qui visitait deux ou trois fois dans<br />

l'année, pendant les fêtes importantes, la maison des Ursus.<br />

De quelques années l'aîné de Madame Ursus, il ne pouvait<br />

s'empêcher de déplorer l'éducation trop peu conformiste dont un enfant<br />

en si bas âge jouissait.<br />

152


Des remarques subtiles et des cris d'alarmes moralisateurs,<br />

telles étaient les seules conversations qui jonchaient les interminables<br />

repas. Ces derniers se poursuivaient fort tard dans la nuit jusqu'à des<br />

heures avancées qui faisaient bailler de rage la pauvre Madame Ursus.<br />

153


C'était un vieux boudoir<br />

C'était un vieux boudoir où tremblaient des spectres d'ombres,<br />

où un mal invisible rôdait lugubre parmi les meubles de la pièce. Point<br />

de mots, points de regards - une attente éternelle épiait le moindre bruit,<br />

l'infime craquement des planchers. Les boiseries comme travaillées<br />

nuitamment gémissaient de douleurs et de plaintes répétées.<br />

À travers les carreaux de la fenêtre obscure, une lune pâle,<br />

ronde comme une hostie propageait ses rayons blanchâtres - un instant<br />

sublime que la peur éternisait, un instant d'inquiétude et de bonheur en<br />

soi.<br />

Il y avait les masses inertes de nos chairs blotties dans de<br />

profonds fauteuils. Les yeux du chat luisants étaient prêts à s'enfuir. Et<br />

nos mains transpiraient de faiblesse et d'effroi.<br />

Un coup de tonnerre puissant et le silence disparaît. Un cri<br />

perçant de sa gorge étroite, s'expulse et se propage en dissonance dans la<br />

pièce. Un cri inhumain et la femme indécente se transforme en vampire !<br />

154


Que reste-t-il des vils tourments<br />

Que reste-t-il des vils tourments, des promenades sous les<br />

orages soufreux ? Et toi, pauvre esprit disparu au fond de l'enfer, quand<br />

reviendras-tu ? Mais pour ces désespoirs, emblème facile de la dernière<br />

intonation écrite, qu'adviendra-t-il ?<br />

Idolâtre monstre d'une rosée tournée sur des feuilles tombantes,<br />

semblable amertume de mes yeux embués d'une marque dantesque, ô<br />

maussade gestation dégénérée sur un corps inconnu, que pour cette<br />

réponse resplendisse le tombeau de nos anciennes demeures ! Oui, que<br />

du maître légitime, une place minuscule me soit déjà promise, car<br />

j'ignore la décrépitude de la tache, mais je transpire le prix de<br />

l'insupportable souffrance.<br />

Un quatrain, deux quatrains, cent mille quatrains disposés sur<br />

des tranches de bois, un sonnet centenaire donné à des générations<br />

insouciantes, des déchirements noircis et copiés à la hâte pour oublier le<br />

désœuvrement. Ô l'espérance d'une reconstitution d'un univers douteux,<br />

comment saisir le nectar d'un éloge ? Sous quel roi ? De quel droit ?<br />

Épargneras-tu les martèlements incessants d'une jeunesse<br />

laborieuse ? Attends-tu déplorable créature l'impossibilité de ma<br />

155


croyance ?<br />

Mais de son silence naît un profond silence, plus terrible encore<br />

car plus noir dans toute sa solitude !<br />

156


J'ai volé<br />

J'ai volé à l'arbre frêle une mince couche de miséricorde, j'ai<br />

enflammé un coeur déjà perdu à la cause première, j'ai délaissé des<br />

promesses impossibles, des vœux d'amour, j'ai joué avec la connaissance<br />

usurpant çà et là des fruits de stupides saveurs.<br />

Sur une couche, j'ai réinventé l'acte suprême fort d'une<br />

imagination débordante. J'ai transformé des images pieuses en symboles<br />

multicolores me réservant le droit divin de retoucher comme un peintre<br />

l'empreinte de son tableau, les vicissitudes de mes rêves transparents.<br />

Plus loin encore, alchimiste de génie, prêt à découvrir le secret<br />

ancestral, j'ai brûlé dans des flammes vives la page blanche d'un poème<br />

jamais ébauché.<br />

Vaste mutation proche de la réalisation, hésitantes exactitudes<br />

vouées à un échec constant, quelles merveilleuses farandoles qu'une<br />

rêverie obscure dispensait dans les ténèbres de mes nuits !<br />

Magicien doué d'une sagesse constante, séraphin démoniaque<br />

ou démon divin ? Qu'importe ! Tous ces noms gravés comme des dalles<br />

de marbres dans mon crâne fatigué, qu'importe !<br />

157


Dans des cavernes fantastiques, je me suis promis les couleurs<br />

du printemps, - des pastels, des mauves, et des argents rouges comme le<br />

vin et blancs comme l'écume. Ô l'arc-en-ciel transporté dans les basfonds<br />

de la terre !<br />

Moi, homme de nuit respirant les fleurs disposées en corolles,<br />

humant les senteurs de mon propre univers, Moi enfant qui trébuche et<br />

succombe dans les dédales, Moi et la pluie, et le soleil et les étoiles, et<br />

Moi encore !<br />

Quel vain et âcre mélange dont les fruits bouleversent les<br />

sueurs extrêmes des envolées ! Quels affreux cauchemars qui conspirent<br />

complaisamment pour jouir de mes souffrances sanglantes ! Oh ! Le jeu<br />

de la mort ! Aucun vivant ne peut se défendre ! La mort tentaculaire qui<br />

possède corps et âme, se vautre dans des rires immondes retentissant<br />

encore dans les globes de me oreilles ! Oh ! La faux brillante persécute<br />

l'oeil torve imbibé d'alcool ! Oh ! Les scènes de pillage ! Oh ! ...<br />

158


Mourir dans les bras<br />

Mourir dans les bras de cette gueuse et rêver de soupirs<br />

merveilleux, d’extases inassouvies dans un lit de satin blanc.<br />

Ainsi toujours vers cette demeure prénuptiale, mon coeur,<br />

entends l'aventure grandie, écoute les complaintes perceptibles dans l'air<br />

safrané.<br />

Miséricorde, valeurs fictives, décadence de ses yeux, Seigneur,<br />

souffrez que j'aperçoive une autre vision enrichissante, car douloureuse<br />

cette horrible passion me mine tristement.<br />

J'entrevois les portes fatidiques d'une mort certaine etc.<br />

159


Un cloître très ancien<br />

Un cloître très ancien soutenu par quatre piliers en briques<br />

roses, une fontaine au centre où une eau stagnante semble mourir de<br />

solitude. Un dallage épais comme délimité par des touffes d'herbe<br />

éparse, un toit d'ardoises grises que les derniers rayons d'un soleil<br />

automnal caresse presque complaisamment.<br />

De ce morne bâtiment resplendit toute la prospérité<br />

moyenâgeuse d'une capitale catalane.<br />

160


Pour l'archaïsme en fuite<br />

en plein Sinaï.<br />

Pour l'archaïsme en fuite, des larmes, des torrents, des cascades<br />

flamboyants.<br />

Pour l'élection douteuse, le vol des aigles royaux sur des duvets<br />

des tourments.<br />

Pour la malédiction de l'enfance, un cri de détresse au centre<br />

Quant à l'outrance répétée, insultée par des huées sérieuses, tout<br />

finira par se comprendre.<br />

161


En tête<br />

En tête pour le sacrifice qu'une chute abolit dans ses<br />

gouttelettes grossissantes, et pour ce vain partage de l'exploit ranimé<br />

sous nos yeux. Je détruirai l'immortalité hors de sa pénitence, je<br />

frapperai le fruit sacré que l'homme malveillant exploite. J'inonderai de<br />

purs services la connaissance du prodigieux dessein.<br />

162


L'incompatibilité I<br />

Dédaignant une forme première,<br />

Le doute lentement s'endort.<br />

Qu'il vole l'écrin dans ce désert<br />

Semé de pierreries et d'or !<br />

L'amas de ces faiblesses ultimes<br />

Respirées sur des velours<br />

Est parfois légitime<br />

Et parfois maître de ma tour.<br />

Que je ne sache de l'inconnu offert<br />

La tentation maintes fois retrouvée.<br />

Ce feu cuisant qui me dévore<br />

Sait trop bien me torturer...<br />

Vois, honte suprême de mes délices,<br />

L'éternelle folie pareille aux aimés,<br />

Remplir et faiblir par des supplices<br />

Le cœur âcre et disgracié.<br />

Au tombeau, rempart extrême du bonheur<br />

Une lente agonie prépare en ton honneur<br />

163


La noirceur vile des Bacchantes<br />

Et promet, lugubre survivante,<br />

Des fiels suaves et de superbes jougs.<br />

Mais à l'extrême langueur de mon être,<br />

Je ne puis accepter du tout<br />

L'odieuse cérémonie de disparaître...<br />

164


L'incompatibilité II<br />

Dédaignant une forme première<br />

Où un doute lentement s'endort,<br />

Je vole au stérile hiver<br />

L'écrin parsemé de pierreries et d'ors.<br />

L'amas de faiblesses intimes<br />

Respiré sur ce coussin de velours<br />

Me semble parfois légitime<br />

Et parfois maître de ma tour.<br />

Que je ne sache de l'inconnu effort<br />

La tentation maintes fois retrouvée !<br />

Ce feu cuisant et fourbe qui me dévore<br />

Aura tout fait de me torturer ! ...<br />

Vois, honte suprême de mes délices,<br />

L'éternelle folie pareille aux aimés<br />

Remplir de lugubres supplices<br />

Le cœur âcre et disgracié.<br />

Au tombeau, rempart extrême du bonheur,<br />

Une lente agonie prépare en ton honneur<br />

La mort livide et luxuriante<br />

Et promet - maudite survivante -<br />

165


Fiels suaves et superbes jougs !<br />

166


Lie qui incube<br />

Lie qui incube, ô satané,<br />

Le réveil des nymphes posant<br />

Dans cette orgie ailée,<br />

Ébène, ivoire luxuriants.<br />

Mordre haine sanguine<br />

Et possession de la mort<br />

Pour une vile libertine,<br />

Terrible, sublime sort.<br />

Enroulées du ptyx macabre<br />

Chantant des Te Deum à pleine voix<br />

Entre poignards et sabres,<br />

Presque dévêtues du linge blanc,<br />

Qu'il retire violent dans sa foi<br />

Le Démon rit de son rire sanglant !<br />

167


Sache...<br />

Sache...<br />

Les chairs des lignes promenées<br />

En cercles vibrants, et l'oracle<br />

Caressant le sol nu de ton espace.<br />

Tu modules la granitique fonction<br />

De l'Ange ou du Météore.<br />

Cristaux de gaze enveloppés d'atomes,<br />

Ô substances épurées et soleils de neige !<br />

Mais ta bouche trousse l'innocence<br />

Comme tu contribues au sens crayeux !<br />

Impossible chimère inviolée en ce terme,<br />

Scabreuses fioritures et pensées interdites,<br />

C'est de ton nom que naîtra l'évidence.<br />

168


Dominateur<br />

Dominateur de l'épée disparue,<br />

Et sexe tenancier dans ces beautés sublimes :<br />

Florence, possédée sous l'antre bestial,<br />

Braillant son torse poussif et distendu.<br />

Nanou, dispendieuse de l'âcre besogne<br />

Volant au fil de l'âge sa jupe écorchée.<br />

Et Lore criant aux champs tapissés.<br />

Détroussées dans l'habit vert<br />

Des pâles naïades<br />

Et crachotant une foi débraillée,<br />

C'est l'extrême frayeur de l'incertitude :<br />

La rose puante est déflorée.<br />

169


La danse de l'idiot<br />

Les poings liés sous les convulsions d'une danse<br />

Macabre, agité de soubresauts, grimaçant,<br />

Le visage boursouflé par l'alcool, et immense,<br />

Un homme aux mains osseuses dans un rêve, chantant ;<br />

Ses pas répétés excitant la furieuse salle<br />

Qui applaudit encore envoûtée d'une fièvre,<br />

Qui vocifère et rit quand le manchot s'étale,<br />

Une foule balbutiant des paroles sur des lèvres ;<br />

Et la bouche ouverte à une dentition putride<br />

Où le venin coule à profusion, et l'écume<br />

Blanchâtre qui mousse toute semblable aux liquides.<br />

Des biles à expulser ; pour unique fortune,<br />

Quatre pièces jetées dans une casquette sale.<br />

L'idiot danse, danse encore ! Ô destinée fatale !<br />

170


Silence<br />

Par cette heure solennelle, en cet endroit superbe,<br />

Je ranime l'espoir, cause de mon remords,<br />

Je te salue, Seigneur. Agenouillé sur l'herbe,<br />

Je prie confusément pour le repos des morts.<br />

Là, nu devant mon Dieu dans l'ultime détresse,<br />

Pour l'œuvre de souffrances de son fils détrôné,<br />

Je supplie mains offertes le germe des faiblesses<br />

Qui grandit quelque fois dans les cœurs fortunés.<br />

Mais dans ta bouche, aucun murmure qui ne s'exhale !<br />

Aux puissances extrêmes invoquant le pardon,<br />

Qui donc parmi les ombres, au plus pur de son âme<br />

Entendrait une plainte pour implorer ton nom ?<br />

171


Enchaîné<br />

Enchaîné sous des monstres d'or et d'écume<br />

Quand des trompettes argentées sonnent le tocsin<br />

Et fuyant l'infortune chère, reflétée<br />

Par des prismes, aquarelles, et devins ;<br />

Langueur de son être proposée en ce siècle<br />

Où se fondent les mornes reflets bleus de l'été,<br />

Qu'il compte les sentiments de ses frayeurs<br />

D'horizons lugubres jamais dépeints !<br />

Qu'il vante le prompt éloge des ressemblances<br />

Accrochées tristement à de vaines survivances,<br />

Le poète, que la brise jamais ne retient<br />

Sur le cœur horrifié qui fut toujours sien !<br />

172


Nul n'arrêtera<br />

Nul n'arrêtera les frayeurs promises à son front si clair ! Pas la<br />

moindre tempête, par le plus sordide cataclysme n'épancheront de<br />

fièvres froides la douceur de ses plaintes.<br />

Il vit profond et immortel dans sa retraite, caché au plus loin<br />

dans les bois. Il dort d'un sommeil paisible et contemple la nuit les<br />

grands champs alentours.<br />

Encensez la sagesse de son coeur, embrassez son calme<br />

mortuaire. Ce sont ses bouches qui vous parlent ! Écoutez-le !<br />

On se joue de lui pour un écrin de perles ? - Bath ! Personne ne<br />

verra le diadème de feu qui l'habite.<br />

Son secret divinement gardé sera donné au maître des lieux.<br />

Mais quel secret ?<br />

173


Fuir, fuir !<br />

Fuir, fuir ! Mais où ? Quelle destination sublime ou quel mal<br />

nous dépècera encore ?<br />

Je suis parti ! Une mélodie étrange d'évasion, un instant de<br />

solitude espéré depuis tant de mois... Et puis... Et puis la chute !<br />

délivreras-tu ?<br />

Oh ! L’incertitude, soeur de mon enchaînement, quand me<br />

Pourtant dans l'Azur, le matin je vois parfois les premières<br />

pierres d'un Temple, et je souris quand les rayons frappent d'un éclat<br />

vermeil les plus hautes fenêtres de ma demeure.<br />

174


Ainsi toujours<br />

Ainsi toujours de sombres tyrannies en moi ! Que je dévoile<br />

une à une les pensées équivoques, les trombes redoutables, les<br />

souffrances subies ! Que j'aille durcissant mes forces dans le combat<br />

immoral, le combat sans défaite et sans vainqueur !<br />

Tu te romps silencieux, et les coups portés ne sont que des<br />

leurres ! Tu projettes ton image, tu obtiens le maléfice.<br />

Que reste-t-il à inventer ? Une morale prescrite depuis deux<br />

mille ans. En un mot, un monde transformé suivant les transcendances<br />

de notre peuple.<br />

175


Tandis que l'ancienne famille<br />

Tandis que l'ancienne famille pullule dans des portées<br />

grandissantes, le roulis sur nos dos nacrés résonne véritable tambour.<br />

C'est la fête dans les tapisseries et sur les chandails violets. Le<br />

rythme aigu du clairon va à la charge.<br />

L'effondrement des sens et le mouvement perdu dans les ondes<br />

fortuites, les verras-tu ?<br />

L'orgasme vendu, exploité, toléré prolonge l'intimité. C'est le<br />

repos banal ! La suite s'invente sur des rêves d'or.<br />

Le millénaire réunit une dernière fois nos âmes ténébreuses. Il<br />

les jettera dans la fosse des douleurs.<br />

176


Par sa magique essence<br />

Par sa magique essence, un Saint corrompt les destinées et<br />

puise aux fruits de l'insolence le vêtement dont il doit te couvrir.<br />

Il est profondément éprouvé. Des moribonds et des cadavres<br />

s'entassent sur les restes de son royaume.<br />

Aux pieds de la dalle marbrée, d'imposants candélabres<br />

croulent sous les venins des honorables dépositaires.<br />

Cependant que l'heure disparaît en un temps indéterminé, que la<br />

lumière rapide comme la ligne bleue circule parmi les nuages, la grande<br />

fable émerveille encore les multitudes composées de savants.<br />

Que diras-tu à la bouche ensevelie dans le Temple de rubis ?<br />

Que composeras-tu pour l'exploit du piteux contemporain ? Dans ta<br />

danse superbe, je te sais prêt à jaillir et à persécuter l'honneur de la<br />

raison.<br />

Féerique étoile au goût âcre de la vie, il entendra par-delà le<br />

miroir épais, le songe fabuleux de la vison primaire.<br />

177


L'architecture de la femme<br />

L'architecture de la femme ouvre ses yeux et dépose ses rayons<br />

rougis par le soleil. Pieds nus, tête penchée contre le regard pensif de<br />

l'éclusier, l'eau monte le long de la façade de bois - la cour est haletante.<br />

Elle vocifère l'inexpérience et sa paresseuse blancheur.<br />

Quant aux tapisseries, elles noircissent lentement sous les<br />

fouets du saule pleureur.<br />

Tout s'éloigne<br />

178


Tout s'éloigne dans le tombeau des phrases : - un hôtel ancien<br />

supporté par quatre murs grinceux, une bouche d'incendie dont la<br />

peinture rouge s'écaille faute d'utilisation, une rue passante illuminée par<br />

des lampadaires phosphorescents, et un froid incandescent prêt à bondir<br />

au premier de mes pas.<br />

179


Le ruissellement grimpe<br />

Le ruissellement grimpe et circule autour de la renommée des<br />

cascades. Il prolonge son effort dans les bruits modulés des sources<br />

primaires.<br />

C'est le nouvel exploit détruisant toute logique démoniaque,<br />

l'affranchissement de l'impossible, la transformation désirée depuis tant<br />

de siècles !<br />

L'objection ? ... Quelle objection ? Le mécontentement risque...<br />

Il n'y aura plus de mécontents !<br />

Que des pluies de diamants baignent leurs chants de lumières<br />

interdites ! Que le soleil bleu au couchant brille, divin, sur les coteaux,<br />

les plaines et les contrées !<br />

Que le vide cautionne la matière ! Que du néant naisse<br />

l'invisible, du doute la vérité ! Que etc.<br />

180


Elles tournoient<br />

Elles tournoient et se jettent dans l'obscurité ou l'insipidité de<br />

l'espoir. Un orgasme s'en souvient. Lui les invente et se meurt.<br />

Des pâmoisons, des meurtres indécis, des coups de feu. Du<br />

théâtre imaginaire où l'action métamorphose la vaillance du cœur, quel<br />

ténor put mieux chanter ?<br />

181


La providence exerce<br />

La providence exerce un magnétique attrait sur le cerveau<br />

embué de tournures exactes. Il se chevauche médisance, calomnie,<br />

despotisme qui font frémir de crainte la sagesse mystérieuse.<br />

Jamais éphémère tentation n'a rendu l'homme si stupide !<br />

Parfois un philtre virginal, candide, confondu avec de grotesques nudités<br />

se décharge sur la prospère marée des blasphèmes.<br />

Le jugement sauvé par certains, s'échoue sur ces récifs aigus !<br />

Mères, femmes, jeunesse féconde, je crie une rare vérité,<br />

j'appelle le mot heureux qui fera de demain la justesse de ma voix,<br />

j'invoque...<br />

182


Des délégations fourvoyeuses<br />

Des délégations fourvoyeuses de lyres et de cloches teintées au<br />

carême de la paix. Je dirais frémir des pétales mauves et or sous les<br />

couleurs tamisées de la grande place.<br />

Ce sont des chants patriciens gardés à l'étoile qui se meurt<br />

doucement dans le soleil âcre.<br />

Toute tentative fléchit naissante. Qu'on vieillisse le sacrement,<br />

qu'on interdise la tromperie, et plus jamais mélodieuse bouffée ne<br />

s'envolera derrière la masse écarlate et grelottante.<br />

Contre des sépias, un dressage. De troublantes farandoles<br />

tapissent de haine les moindres lumières voilées. Le faisceau veut briller.<br />

Le retard espéré transformera en désert stérile la bouffonnerie<br />

de leur musique odieuse.<br />

183


J'expérimente le salut<br />

J'expérimente le salut. L'incandescence - abstraction faite de<br />

miroitements - conspire et soulève mon âme comme un péché obscur<br />

dont on se joue cyniquement.<br />

Et partant de l'idée que l'incrédule est maître du royaume, je me<br />

plais à découcher l'insanité profonde qui resurgit du fond de mon esprit.<br />

Hélas cette projection spécifique n'est que le gouffre inné,<br />

toujours vierge de mon inconnu.<br />

Du néant se métamorphose le Néant. Je confesse l'impuissance<br />

dérivée de sa charge primaire. Mais est-il nécessaire qu'il puisse<br />

surpasser le doute et vaincre la supercherie ainsi déclamée ?<br />

Ignorance, - tel est le mot, ignorance !<br />

184


Sur les collines en pente douce<br />

Sur les collines en pente douce, l'eau neuve de nos cités, et tu<br />

criais pour boire goulûment à la source claire qui murmure.<br />

L'effet ponctuel constituant l'effort à l'état pur te ressemble<br />

quelque peu. Pourtant tout n'est que passion, drames, incertitudes.<br />

Sous la terre inculte, le songe dressé et disparate fertilise<br />

quelque fois. Tu travaillerais ce sol et sèmerais les graines de ton labeur,<br />

pourtant aucun feu, aucune loi, aucun soleil.<br />

Entre le ciel et l'eau, la danse sacrée et le son impuissant des<br />

tambourins. Tu aurais aimé vivre et voltiger parmi les feuilles et les<br />

arbres et les vignes, pourtant point d'opéra ni d'orchestre ni de<br />

musiciens.<br />

185


Des pétales mauves<br />

Des pétales mauves et roses accrochées aux arbres des<br />

pelouses, d'énormes camélias posés çà et là sur des terres labourées. Le<br />

jeudi, après le délassement matinal, nous gambadions déchiquetant de<br />

nos pieds menus la première herbe verte d'un printemps.<br />

186


Le froid crépusculaire<br />

Le froid crépusculaire chasse les dernières rougeurs d'un soleil.<br />

La plaine luxuriante s'abandonne aux glaciales tempêtes. Novembre<br />

terrible à l'est d'une saison surchargée d'humidité, de feuilles mourantes,<br />

Novembre quand se tord la rivière pâlissante, Novembre plus rien ne<br />

resplendit.<br />

À la rivière morne s'enfonce mélancoliquement, ultime fois ! -<br />

l'astre pur, las d'un terrible automne, qui d'un rayon oblique lèche une<br />

surface plane sans ronds propagés hier par la chute de minuscules<br />

cailloux.<br />

Éloignée, ô rite éternel, vacille nature cependant que l'espoir<br />

frappe contre les bordures de la vieille fenêtre. Endors-toi à l'aube de la<br />

complainte et de l'inconnu. Dors.<br />

Ce sont des grêles vêtues de robe cristalline reflétant çà et là les<br />

infinités d'un ciel éclairé de lourdes faiblesses, gonflant les bras de ces<br />

eaux, - ce sont des nuages bleutés transportant l'aquarelle du printemps.<br />

La femme renaissait sous les pétales de la rose et brunissait les<br />

chaleurs de l'automne. Une baignée dans les verdoyantes pâtures, et un<br />

signe de ta bouche, pâle déesse des râles, l'alliance s'éternisait<br />

187


De l'heure toujours mortelle<br />

De l'heure toujours mortelle où en ces lieux superbes,<br />

Je ranime l'espoir, cause extrême du remords,<br />

Temple, je te salue et m'agenouille sur l'herbe<br />

Qui confusément pousse sous le regard des morts.<br />

Un démon se souvient<br />

Un démon se souvient, et exauce ses vœux,<br />

Vomit cyniquement la tentation divine,<br />

Et arrache despote son cauchemar heureux !<br />

Dans les sombres ténèbres, luxes de désespoir,<br />

Elle, lubrique et lugubre sous les transes sanguines,<br />

L'âme horrifiée se meurt un peu plus chaque soir !<br />

188


Pour l'ombre de toi-même<br />

Pour l'ombre de toi-même, tu voltiges et tu plonges<br />

Dans le pur infini de ton morne délice.<br />

Et battrais-tu de l'aile ? Toi tourmentée tu sondes<br />

Les aurores oubliées par ton Génie propice ! ...<br />

Lourd amas de vertus tournoyant dans l'orage,<br />

Ton esprit s'égarait dans son Azur épais !<br />

Sous le déchirement de l'éternel carnage<br />

Un mage déployé venait et fécondait !<br />

Que tu soulèves les roches, exilée dans ton âme,<br />

Un Océan s'agite jusques à l'embouchure.<br />

Et dans les sombres traits de l'odieuse voilure,<br />

Tel l'étrange vaisseau qui longe ses parures,<br />

Du pur consentement toi tu vas et regagnes,<br />

Les mâtures inventées, les vagues et les drames !<br />

189


Que tu proposes nue<br />

Que tu proposes nue<br />

À ma souffrance ancienne<br />

Fruits, délices conçus<br />

Avec liqueurs suprêmes,<br />

Lentement de l'éclat<br />

Reposé sur un cœur<br />

Un souffle poussera<br />

Cris sublimes et candeurs...<br />

Perdue une seconde,<br />

Dans ce combat royal,<br />

Ma faiblesse profonde,<br />

Ô destinée fatale !<br />

S'émancipe quelque peu...<br />

Semble vivre et se meurt<br />

Dans la lueur du soir,<br />

Et chasse mon désespoir !<br />

Ô candides insouciances<br />

190


Ô candides insouciances<br />

De l'automne perdu<br />

Aux nombreuses naissances<br />

Les bels espoirs déçus !<br />

Mais qu'invoquer l'oubli<br />

À jamais impossible,<br />

Pour d'inhumaines pluies<br />

Dans un cœur si sensible ? ...<br />

Alors le moribond<br />

Sur des larmes versées<br />

Pour un feu infécond<br />

Pleure de lâcheté.<br />

Ô candides insouciances<br />

Des automnes perdus<br />

Serez-vous espérances<br />

De ce monde entrevu ?<br />

Car c'est la destinée<br />

Pour mes erreurs promises<br />

Qui enchante l'année,<br />

Cette année indécise !<br />

191


192


À ma dormeuse<br />

Je ne veux pas ce soir, licencieuse ennemie,<br />

Respirer en ton corps le doux parfum des songes,<br />

Ni déplacer mon cœur sur tes seins endurcis,<br />

Ni la jouissance facile où parfois tu me plonges.<br />

J'espère sur cette bouche inventer un amour<br />

Puissant et immortel que tu composeras,<br />

Redorer cette nuit jusqu'aux lueurs du jour<br />

Dans la chambre lugubre offerte à nos ébats !<br />

Qu'importe, les espoirs de nos mains en détresse,<br />

Le souffle accéléré que réchauffaient nos yeux !<br />

Je demande plus fort que houle et que tendresse,<br />

Un bonheur sans silence pour l'esprit ingénieux.<br />

Car de son pur cristal où le génie descend<br />

Rêvent de vrais soupirs qu'avait soufflé l'enfant.<br />

193


Que le délassement assombrisse<br />

Que le délassement assombrisse les pensées élevées ! Que l'or<br />

battu parmi les treilles inonde les <strong>pages</strong> de transparence ! Que l'orgueil<br />

envoûté par un maléfice inhumain use de troublantes paroles en ces<br />

décennies de perdition ! Oui, qu'une transfusion de sang neuf comme<br />

une gerbe d'allégresse emplisse mes veines !<br />

Le passage étroit pour deux âmes accède aux caves de la<br />

déportation. Il nous faut être bien nés dans la solitude, - là est la dernière<br />

image de l'amour ! Vies de l'âme, ingratitude des râles, la volupté est<br />

bénie encore. La volupté contemple le monde. Elle va, elle vient et<br />

s'étonne dans les profondeurs du moi.<br />

Stupide à noircir la feuille, dit l'ancien. Heureux présage de<br />

l'enfant, dit l'adulte. Déferlement animal, dit le sage.<br />

L'importance de l'enjeu n'est qu'une égratignure - une morale<br />

deux fois millénaire. Le tout s'étale dans la stérilité. Voilà où vous en<br />

êtes, - à détrousser, sauvages ! Quel mépris bestial ! Je parle de<br />

catastrophes, mais personne n'entend.<br />

Ho ! Non ! Point de chorale céleste ni d'entendements rugueux !<br />

L'observation se soucie de l'amitié de l'homme. C'est reconnaître la<br />

194


légitimité déplorable de vos actes que de pleurer. Et je pleure, je<br />

pleurerai encore !<br />

195


Quand l'ombre grandit<br />

Quand l'ombre grandit en ces jours monstrueux, une fée vêtue<br />

de pourpre et de rarissimes habits usa de sa baguette favorite pour<br />

orienter les ballades contemporaines : "Qu'un monde nouveau naisse en<br />

ces lieux ! Je veux par la grâce et la force universelles, la substance<br />

humaine".<br />

196


Tu exposes le diagramme<br />

Tu exposes le diagramme à la génération déguisée. Tu<br />

prolonges, tu expédies les lettres des novices, dans un caveau promu au<br />

délassement des sens. Et dans les vignes florissantes, tu tires le vin à la<br />

bouteille d'argent. Déplorables tromperies recouvertes d'amertume.<br />

Agissements prompts pour la mansuétude du peuple !<br />

Mais voilà le sanctuaire des hémistiches, voilà le sacrement<br />

autrement déplacé !<br />

Pauvre coeur rempli de doutes ! Remarquables stupidités à<br />

suivre ! Ceci est mon corps, ceci est mon sang etc. La soif est érotique, la<br />

faim est matérielle. Nul ne peut engendrer de si puériles constatations !<br />

Des noirceurs dans un regard tumultueux. Ho ! L’ingénue<br />

gaspille le bras droit du peuple ! ...<br />

L'exercice est insipide, insignifiant aux yeux des<br />

contemporains. Qu'il évolue ou dorme, quelle importance ! Oeil fixé sur<br />

les écrits, tendance aux souillures internes, dépistage d'une carence<br />

idiomatique, - là est le surfin de l'observateur. L'ignorance vécue, le<br />

délabrement d'un... qu'est-ce à dire ? Un point insignifiant pour les<br />

musées alentour, un rejeton de défauts semblables aux découvertes<br />

197


antérieures !<br />

Un trait ? De rien, de tout, de demain et d'hier. Un funambule<br />

sur une place publique ! Va-t'y tomber ? Va-t'y pas ? Que sais-je ? Il<br />

conserve les secrets qu'il ne veut dévoiler, et là est son génie !<br />

198


Ce n'est qu'un point<br />

Ce n'est qu'un point dans l'âme impure où l'être se tord de<br />

douleurs. De l'incendie à l'inhumaine souffrance, d'un cataclysme aux<br />

feux injectant leur incarnat de rêves, j'expulse les secousses rythmiques,<br />

et par ce vent de glaives, j'invoque la destruction des Dieux. Quoi ? Les<br />

fluctuations, les tempêtes, les raisons amputées ne sauraient révéler un<br />

travail de haine ?<br />

Des cantiques éclairaient les ondes purificatrices dans cette<br />

harmonie de douleurs, les amitiés malfaisantes rôdaient. L'orgasme était<br />

persécuté, la malice débutait en ses heures sous le regard des treilles,<br />

avec l'espoir des marches à venir.<br />

Opaque cité, pour l'élévation ! Que le temps pardonne<br />

l'existence de tes sens ! Va, toi impassible et fière mourir dans les débris<br />

de l'âme inculte. Va à l'extermination assurée ! Ton devoir te l'impose<br />

oui, va !<br />

199


On détruisit l'idée<br />

On détruisit l'idée de l'holocauste par ce pays superbe. D'un<br />

saint, les paroles s'évadaient tristement parmi les comparses délaissés.<br />

L'onction, la croyance, le mythe, qu'en firent-ils donc ?<br />

Folie sommaire ! Acte de bravoure ! Qu'en ce jardin<br />

tumultueux, le convive ne vole les parfums funestes, ne viole la Muse du<br />

veule arbuste.<br />

Ô fruit qu'un spasme émancipe, que la gratitude jaillisse sur tes<br />

chevaux sauvages ! Car tu ignores la mélodie sans fin et le mélange de<br />

nos plaintes merveilleuses !<br />

Regarde ! Qu'est-ce que la mort quand le Vésuve souffle à<br />

grands feux dans ta nymphe égarée ?<br />

Dans ses mains lustrées, se distingue la haine voulue des<br />

énormités antiques. Les ondulations respirent encore à la fenêtre des<br />

Ménales. L’Étude Chantant propose des cithares bariolées. On<br />

s'interroge. Que faire quand les cris, les cabales, les rustres procèdent au<br />

branle-bas dans la grotte infectée de marcs rebutants ?<br />

L'instance populaire est enfin proclamée. De toutes parts, le<br />

200


pays projette d'accomplir des reconstructions. Ce n'est point sans<br />

difficulté que le sbire parvient à un arrêté accordant à chaque contrée la<br />

parcelle réglementaire.<br />

201


Malgré cette commotion<br />

Malgré cette commotion, regorgeant de satin et de luxes avares,<br />

on prône des calèches ou des candélabres subtils, je les vois passer<br />

pleutres, honteux, les poches vides. Je sais les grimoires tumultueux. Je<br />

sais la voie se passer de leur regard. Mais que faire ? Ha ! Mourir, peutêtre,<br />

mourir lentement contre un sein vorace, contre une échappée de<br />

faveurs ! Mourir !<br />

202


Une attache suspendue<br />

L'attache suspendue à la treille de son ombre ; des<br />

durcissements émanait une fourbe complainte. Je vis tel un maléfice<br />

offert aux cuirasses des Sixtine, un palais d'or et d'argent constellé de<br />

briques roses. Plaqués contre les colonnades, des grabats centenaires<br />

fuyaient les lumières vives de l'été, se cachaient dans les taches et les<br />

horreurs - un sacrilège dans l'église des rois !<br />

L'aubois, - instrument stupide, s'entend dans les cirques bariolés<br />

de fresques bizarres, revêtant les habits les plus insolites. Au sortir de<br />

cette composition, monstruosités et effets, style Barnum. On attaque le<br />

prince ! Que de vexations ! Que de vieilles traversées et de tristes<br />

paysages !<br />

Ils ne furent qu'associés pourtant je les respectais. De leur<br />

démarche lascive, j'inventais un miracle. On tua le miracle. La gerbe fut<br />

déplacée au plus profond des gorges comme des antilopes étaient<br />

soumises à un feu oriental, des feuilles froissées, des encres desséchées,<br />

les taches prospérèrent ! On rit chez les pauvres, et même dans les<br />

maisons.<br />

203


Jadis je resplendissais<br />

Jadis je resplendissais lumière sublime dans des cavernes<br />

ténébreuses. La mémoire, la pensée, les actes par lesquels, je vis et me<br />

consume, célébraient chaque jour les insondables paroles venues de<br />

l'imaginaire.<br />

D'une plume vacillante, une écriture serrée semblait la<br />

conséquence d'un état fiévreux, noircissait de signes étranges une page<br />

encore vierge. J'écris car la main se mouvait avec zèle sur le rectangle<br />

inculte ! Oh ! Point de prétention ! Non ! Mais cette magique aptitude<br />

était preuve de force et de puissance en moi.<br />

Un dédoublement de l'esprit inexplicable et effrayant ! Un<br />

effort considérable, puis une chute terrible, - une agonie ! Vidée de sa<br />

substance vivante, morte, épuisée dans un combat où le seul vainqueur<br />

était l'incertitude, l'âme s'engourdissait vieillard impotent, s'éteignait<br />

dans un sommeil de mort.<br />

Parfois, aux premières heures du lever, surgissant de ses<br />

cendres, c'était une nouvelle bataille, un dernier souffle avant la fin<br />

suprême. Et des cadavres s'amassaient horribles et déjà putréfiés,<br />

exprimant toute la douleur et toute la sauvagerie de la Compagne. Des<br />

corps déchiquetés, des enfants massacrés, d'autres enfants naissant dans<br />

204


un ventre ravagé, et d'autres petits fœtus avortés, et soigneusement<br />

conservés dans des bocaux d'alcool ! Ho ! Somptueuse image !<br />

205


Rayons de pourpre<br />

Rayons de pourpre ; des corps d'ébène sur des ivresses !<br />

Des terrasses de marbre ; des ombres licencieuses ;<br />

Plus lourde que la houle, l'onde écarlate tremble ;<br />

Dressées les cathédrales, un mur de pierres poreuses ;<br />

Le murmure et l'azur de Novembre, dessous ;<br />

C'est la femme de grâce aux alizés si clairs ;<br />

La résonance des ventres, si sublime ; deux êtres ;<br />

Je lave ces douceurs qui coulent sur ma bouche !<br />

Le ravin déchiré s'accuse de violence.<br />

En effet, l'eau limpide, capiteuse pour nos corps.<br />

Furie de l'âme impure - déroulement. Exact !<br />

Transfuge d'un suicide où je rêvais, moi, terne ?<br />

Qu'importe ! Le plus haï disperse mon âme.<br />

Onde vaporeuse ou insouciance bénigne, que faire ?<br />

206


Baiser d'orgueil<br />

Cependant que le joug infernal et divin<br />

Acclame dans ses nuits des relents mortuaires,<br />

Que tes ailes immortelles vont frissonner au loin,<br />

Que l'aride destin succombe à son désert,<br />

Parfois frémissent les subtiles sueurs d'infinis<br />

Commérages ! ... Un baiser chaste aux syllabes du Moi,<br />

Encense de longs désirs, et croit, puissant, et luit...<br />

Je le sais impalpable, il provoque ma Loi.<br />

Du noble Empire soumis aux battements des cieux,<br />

Qu'il se redresse ou plonge dans le coeur des ténèbres<br />

Son bruit est sec et mat, et s'enfuit mélodieux...<br />

Emporter les tourments qui rattachent son deuil,<br />

Jouir au fond du lit de ses odeurs funèbres ?<br />

Qu'importe, sa voix grave ! - L'espoir est son orgueil !<br />

207


Des candeurs endiablées<br />

Des candeurs endiablées sur des sourires immondes<br />

Qu'on respire presque nu, boursouflé de chaleurs,<br />

Quand un Dieu inhumain par sa verve féconde<br />

Supplie jusqu'à la mort dans l'effroi des douleurs.<br />

Et des pistils de haine, des sermons crucifiés<br />

Que je bafoue la nuit dans le sel de mes pleurs !<br />

Et d'infectes bavures, des taches répétées<br />

Putréfient tout travail et toute odeur meilleure !<br />

Ce sont des voix affreuses qui conspirent en ma tête,<br />

Une saison chargée de splendides oraisons.<br />

Elles arrachent et dégorgent la misérable bête,<br />

Et avancent terribles aux creux de ma raison !<br />

208


Oui, tu voles et descends<br />

Oui, tu voles et descends sous l'œil méditatif<br />

Vers le feu incessant offert à ses lueurs !<br />

Mais le doute où la nuit achève son humeur<br />

Rit, tonne ses foudres, charitable plaintif !<br />

Au sommeil des dormeuses disposées en cascades,<br />

L'éloignement distinct a prolongé ses cris...<br />

Au plus loin, l'être frêle se pâme et a souri.<br />

Il trébuche au silence doux. Quelle mascarade !<br />

Le fruit délicieux soupirant de désirs,<br />

A quitté ébahi ses somnolences sourdes.<br />

Sur cette lèvre offerte, est une haleine molle...<br />

L'heure pénible, ennemie, appellera dès lors<br />

Le triomphe vacant des chevelures lourdes.<br />

L'esprit subtil et fort s'incline bas et dort !<br />

209


Ô si pure et si loin<br />

Ô si pure et si loin qu'une lueur m'émeut !<br />

Hélas ! Belle sous le doux bercement de la fleur,<br />

Je vis la merveilleuse dans les antiques feux,<br />

Une pâle beauté saignante de douleurs.<br />

Telle défaite de l'éternel complice encore !<br />

Lourde de somnolence, ô baisers de saveurs,<br />

Maint drame répété en mon cœur à éclore !<br />

Et l'oeil pour les substances divines et les douceurs.<br />

Se pose sur l'inconnue, le blond désir rêvé !<br />

C'est le terrible aveu, terme clair de l'espoir.<br />

Enivré de nature, je croyais voir couler<br />

Sur votre bouche rouge la blancheur d'un cristal.<br />

210


Baiser d'orgueil<br />

Parfois frémissent les subtiles sueurs d'infinis<br />

Commérages ! ... Un baiser chaste aux syllabes du Moi,<br />

Encense de longs soupirs, et croît, puissant, et luit...<br />

Je le sais impalpable, il provoque ma Loi.<br />

211


Le Germe et la Semence<br />

Infinies mes ardeurs<br />

Infinies mes ardeurs transpirent dans vos tempes,<br />

On dirait chanceler de noires loupes à vos yeux !<br />

De sombres amertumes et d'exaltants parfums,<br />

Vous riez et pleurez, vaste peuple de rêves !<br />

Des mots difformes s'évadent. De nébuleuses complaintes<br />

Participent passives à la jouissance de l'homme.<br />

C'est la nuit bleue plongeant aux raretés extrêmes,<br />

L'écrin des maléfices, le plus pur de vos lèvres !<br />

Dans l'ivresse, l'insouciance de mon âme est docile,<br />

Le jeu terni s'éclaire nonchalant de lueurs.<br />

Le superbe diadème, le satin des pensées ?<br />

Parfois regard stérile sur la feuille de papier ! ...<br />

Avide ou curieuse, lassée des vieilleries,<br />

Quand avec la puissance s'éveillent les hurlements,<br />

C'est un feu de révolte qui encombre mes bras !<br />

Consume le chant aimé par les frissons du doute.<br />

212


Avec cette chaleur où la tendresse dort,<br />

Des murmures et des cris hurleront tout à coup !<br />

Mais respire ou décline par cette floraison,<br />

Qu'importe ! Tes ennemies toujours spirituelles<br />

S'éloigneront bien vite du cadavre du sort !<br />

Alors lis pour l'orgueil, ou la force de l'âme<br />

Le dernier des vivants que tu encenseras !<br />

213


De royales prophéties<br />

De royales prophéties que l'on distingue à peine,<br />

Qui s'entassent lugubres dans de noires floraisons,<br />

Des serpentins d'extase sur des lits étouffés,<br />

Quand le doute remplit les profondeurs de l'âme.<br />

C'est un nuage superbe décrivant un combat<br />

Qui regagne les airs avec son Moi auguste,<br />

Trop d'étonnantes syllabes mâchées et décriées<br />

Que l'oracle ne peut contenir en un souffle !<br />

Gracieux ou démis, vibrant de souvenirs<br />

Taché de fourberies, envieux des grandeurs,<br />

Tout ce joug est puissant avec ces maléfices !<br />

Sont-ce des guerres ? Jamais. Des traces où l'orphelin<br />

Fait des jeux incompris, des soleils de la terre,<br />

D'immenses farandoles, des hymnes de jouissances !<br />

Ah ! Vaincu, amoindri par des forces pesantes,<br />

Ivre de lassitudes, et respirant ses nuits,<br />

Jonglant sur les sentences de ce Dieu malveillant,<br />

C'est l'espoir qui décline sur des villes connues,<br />

214


Sur des cités sans vie, pourtant monumentales !<br />

Subirai-je des frissons, de blanches apothéoses,<br />

Une espérance vaine pour ce feu déloyal ?<br />

L'adulte se détourne en pleurant sur son rêve,<br />

Et le voilà soumis à son cristal de gloire,<br />

L'adulte se détourne pleurant sa survivance.<br />

De royales prophéties que l'on distingue à peine,<br />

Qui s'entassent lugubres dans de noires floraisons,<br />

Des serpentins d'extase sur des lits étouffés,<br />

Quand le doute rempli les profondeurs de l'âme.<br />

215


Cet espace disgracieux<br />

Cet espace disgracieux voltigeant dans les airs,<br />

Amas de cendres et d'ombres, ce pleutre mercenaire<br />

Qui corrompt les méandres des hommes, et détruit<br />

La foi dans l'infini, c'est pourtant toi qui fuis<br />

D'une lueur torve dès que naissent les ténèbres,<br />

Impitoyables jougs des études funèbres.<br />

Voudras-tu dévoiler cette raison suprême<br />

Qui impose sa loi, et brille, vrai diadème ?<br />

Parleras-tu enfin de ce roi dans les cieux<br />

Que tu as recouvert de ton drap merveilleux ?<br />

Semblable et différent, à moi-même, être pur<br />

Possédé et pourtant le frère de ma torture,<br />

Nous choyons l'inconnu, ou le désir stérile,<br />

Naviguant solitaires soucieux de nos périls !<br />

Ô vous monstres sacrés dans les bras l'un de l'autre !<br />

Ô puissants mouvements qui toujours vous déchirent !<br />

Une amitié vaincue par des guerres éternelles<br />

Fera frémir la mort et les furies du ciel !<br />

Vos lugubres combats toujours redéployés<br />

216


Jetteront leurs horreurs aux humains éclairés !<br />

217


Venise<br />

Et dans ce lieu fétide où dorment des gondoles,<br />

L'eau morne et transparente fut raison de soupirs,<br />

Ô sanglots répétés et si mouvantes violes,<br />

Contre un ciel de grisailles qui voulait s'obscurcir.<br />

Des barques s'étiraient sur l'étendue. Nos rêves<br />

Profonds comme l'amour s'inclinaient lentement,<br />

Et penchaient plus encore par le vent qui soulève,<br />

Tremblaient, espoirs perdus, bercés au gré du temps.<br />

Et toi ma calme soeur, tu chantais ma faiblesse<br />

Lorsqu'un vol de corbeaux foudroya le vrai ciel.<br />

Pour noircir les souffrances d'une odieuse paresse,<br />

Je vis dans tes yeux clairs les rayons d'un soleil,<br />

D'un soleil pâlissant, or, rouge et fatigué<br />

Qui semblait se mourir à l'orée de tes yeux.<br />

J'y trouvais un déluge de larmes délaissées<br />

Croyant à l'avenir de nos étés heureux.<br />

218


Encensée dans l'alcool<br />

Encensée dans l'alcool qu'accusent nos chimères<br />

Et vomissant son feu aux blafardes lueurs,<br />

Son âme possédée supplie qu'une prière,<br />

Éclaire la mortelle et tremblante demeure.<br />

Si veule et infectée de macabres lumières<br />

Quand elle est appauvrie de pertes répétées,<br />

Ne supplierait-elle pas la funèbre misère,<br />

Repos lugubre et sceau de l'immortalité !<br />

Un démon se souvient et exhausse ses vœux,<br />

Vomit cyniquement la tentation divine,<br />

Et arrache despote son cauchemar heureux.<br />

Dans les blêmes ténèbres, au plus noir désespoir<br />

Dans la prison humide, crispée de transes sanguines<br />

L'âme violée se meurt un peu plus chaque soir !<br />

219


De vaines méditations<br />

De vaines méditations vouées à la parure,<br />

Pour ce nuisible ouvrage, de virulentes paroles,<br />

Disposées entre deux <strong>pages</strong> grises presque impures,<br />

Et des semblants d'images lues comme des paraboles ;<br />

Ô piteux de moi-même, tentatives perdues !<br />

Que je hais les espoirs luxuriants de tes nuits !<br />

À peine terminées et déjà délaissées,<br />

Ces horribles fadeurs que ma chair a vomies !<br />

Peut-être que demain, jour de lumière vécu,<br />

Par ce fouillis de lettres, moi l'esclave enchaîné,<br />

J'écrirai cette page maintes fois aperçue ?<br />

Ignoble sur qui l'esprit vain se consume,<br />

Qui fait de l'être indigne l'homme désespéré,<br />

Feras-tu se mouvoir ardemment cette plume ?<br />

220


Ta main alanguie<br />

Ta main alanguie, profusion de saveurs,<br />

Qui contemple la nuit, désinvolte froidure,<br />

Ta main a délaissé sur le drap amoureux<br />

Les stigmates profonds de ses sombres morsures !<br />

Et cette nonchalance abattue, aigre ou vile,<br />

Décline lentement dans ses douleurs dorées.<br />

Ses souffrances sont grâces et ses pensées occultes !<br />

La survivance s'éteint, antique et froissée<br />

Pareille au vieil orage sur nos murs tapissés.<br />

Je te goûte, fruit mûr, palme je te caresse.<br />

J'ondule, ô mon silence, parmi tant de furies,<br />

Luxure de mes nuits qui te désintéressent !<br />

221


Si, flamboyant dans un tombeau<br />

Si, flamboyant dans un tombeau, il survivra !<br />

Car sa chair proclamée en l'or de ses cheveux<br />

Telle la boueuse cascade qui jamais ne coula<br />

Fit naître des soupirs que vénèrent les Dieux !<br />

Dans l'immortelle flamme où nul sang n'eût brûlé,<br />

Lui serpent replié au sein des braises chaudes,<br />

C'est son démon qui ivre de désirs exaltés<br />

Entame l'immonde peine quand lentement il rôde.<br />

Point de plaisirs ! Espoirs honteux et transformés<br />

En des principes frêles pour l'incroyable vie !<br />

C'est le repos latent transparent ou changé !<br />

Que tant d'autres s'indignent de la puissance du mal !<br />

Mais cerclées d'apparat, elles superbes ou jaunies,<br />

Elles conspirent vainement, ces tentations banales !<br />

222


Soupir ancien<br />

D'un soupir ancien naît l'indifférente gloire<br />

Qui éclaire de l'ennui le plus pur diadème<br />

D'hier. (On prétendrait mourir en ma mémoire<br />

Un or épais et ocre dispendieux à l'extrême...)<br />

Fustigé à l'écart, éloigné des disciples,<br />

Je l'entends battre inexorablement en moi ! ...<br />

Vaste écrin d'amertume aux facettes multiples,<br />

Il fuit, meurt avorté sans l'ombre d'un émoi ! ...<br />

Mais que demain traînant son horrible fardeau,<br />

Pour l'éveil purifié resplendisse son nom !<br />

Peut-être testament au bas autel des maux...<br />

Ô le soleil de chair contemplant un vain drame,<br />

Idole de toi-même marqué à l'unisson,<br />

Seras-tu des substances faire couler une larme ?<br />

223


Cérémonial<br />

Grâce ! oici venus les ans<br />

Où teignant ta chevelure,<br />

Je fis tomber suivant<br />

L'éclat doré de ta parure,<br />

Le cor fin, l'onde d'argent.<br />

Et vaincu des découvertes<br />

Alignées contre l'effort vacant<br />

Fussent gloires très offertes ?<br />

Nenni ! Par le plomb infusé,<br />

Couleurs royales de l'ennui,<br />

Pour le coeur, aux pieds jeté,<br />

Rempart dans cette froidure,<br />

C'était ! Été engourdi<br />

Casque sacré et impur !<br />

224


Miroir<br />

Accroché à des vasques d'or<br />

Un divin dont j'ignore le prix,<br />

S'émoustille dans de jeunes flores<br />

À l'ombre d'un mets obscurci.<br />

Et il obtient la floraison<br />

Des pousses claires bercées au vent !<br />

Rutile, ô belle pâmoison,<br />

Car ton disciple déjà t'attend !<br />

En l'heure aimée pourtant tu dors<br />

Là dans mes bras, à l'infini ! ...<br />

Et la subtile pensée d'éclore<br />

Va, se dissipe sans bruissement ! ...<br />

Élève donc son pur ami,<br />

Au jeune jour encore tremblant !<br />

225


Du démoniaque héros<br />

Du démoniaque héros<br />

Naquit qu'enfin je pleure<br />

Dégustant l'outrance d'un tombeau<br />

En signe d'éternelle demeure,<br />

Que je sais séraphin parfois résigné<br />

Est ombre de pâles roses et ombre encore.<br />

Au minuit du pétale déployé<br />

Tel aspergeant le langoureux soupir,<br />

Viole d'une flore ou violon ahuri !,<br />

Dégage le parfum désirable et détruit :<br />

Au vase résigné tombent fleurs et jasmins<br />

Que son sanglot transportait un matin !<br />

226


Dédiant à la plus haute voix<br />

Dédiant à la plus haute voix<br />

Rêve béni du cristal fort ancien,<br />

Je promis quand du macabre émoi,<br />

S'estompa l'or saigné qui fut tien.<br />

Quiconque s'il doit briller d'une faux<br />

Où le givre blanchit comme l'espoir<br />

Vrai taira le fustigeant tombeau<br />

Plutôt que de bercer l'affreux nonchaloir.<br />

J'obscurcis. Pourtant l'âme transformée<br />

Pleure nuitamment l'âcre souvenir !<br />

Si ce n'est le satin pour son plaisir,<br />

Corrompu au vieux grimoire posé,<br />

De cela vivifiant de soupirs,<br />

Ce vent excédé se sent souffrir.<br />

227


Hanté et songeur<br />

Hanté et songeur d'une tenture nue<br />

Dont l'orgueil s'extasie encore<br />

Se vit crouler ou qu'il s'exténue<br />

Par maints rêves, un légitime remords :<br />

Apparue et défaite telle en chevelure<br />

Qui en ses âges parfois m'envahit<br />

Acclamée de soi-même en voilures,<br />

Ô miroir jadis dans son minuit,<br />

Vagabonde à la mémoire de l'œil<br />

Comme de mousseline sertie au passage<br />

Pareil du drame parfumé de deuil<br />

S'éloigna à jamais du mince paysage.<br />

228


Les contorsions du mal<br />

Gravement la voix s'est éteinte<br />

Comme après la tourmente,<br />

Le souffle court, ravageur.<br />

On eût dit quelque fois l'amour vil, honteux<br />

Quand la femme lubrique de ses doigts argentés<br />

Ausculte les profondeurs intimes de l'homme !<br />

On eût dit les torpeurs sanglantes, assoiffées de râles,<br />

Des incendies terribles détruisant toute vie humaine ;<br />

Pareil à des sanglots buvant la cupidité bestiale<br />

Un rouge ténébreux enorgueillit mes lèvres.<br />

Et juxtaposant la démarche au soleil inondé<br />

La bête sauvage, forte comme Satan<br />

Brûlant les univers,<br />

Gaspilla l'existence brumeuse de mes dires<br />

En carcans étriqués : - une profonde mort - !<br />

Grasses cascades d'exploits lugubres,<br />

La divinité s'éprend de vases pierreux,<br />

Et au calme de la soirée saccadée,<br />

Elle sonde le ventre, la chevelure,<br />

Et crache de putrides excréments<br />

229


Au cœur recouvert de glaives nouveaux.<br />

Battant mon âme impure, mon coeur bouillonne<br />

Et se fortifie d'esprits fourbes,<br />

Et soudoie toute tristesse<br />

Comme au temps où l'amertume sommeillait<br />

En déboires gesticulant la carence de la vie !<br />

Débarrassé de lacunes fortuites, l'esprit se meurt<br />

Dans les plissements de l'ingénue placide<br />

Et vampe les puissantes pensées<br />

De l'exposé sadique aux vertus en détresse.<br />

Croître dans la nuit sous un putride soleil ?<br />

Les candeurs ou l'agilité s'unissent enfin au désir<br />

Pour acclamer l'artifice de son sapement !<br />

Scander l'allégresse, caresse si facile,<br />

Dans l'engrenage de ses pauvres yeux ?<br />

Je ne sais plus, cadavres intermittents,<br />

Qui gesticulez dans la foi primaire de mes apôtres !<br />

Pouvoir, inquiétante Cybèle, forcer d'un sein déplacé<br />

La tournure exacte de nos songes angéliques ?<br />

230


Pourvoir la quintessence d'un savoir clément ?<br />

Qu'importe, race tonitruante, je ne sais plus !<br />

Fiels dispensés dans l'exactitude du labeur,<br />

Je m'accorde la filiation suprême du saint,<br />

Et j'exauce par ce sacrement divin,<br />

La peur dévoilée par ses génies anciens !<br />

Amoindri dans ses mensonges, le mal s'éteint<br />

Pour cette chaste protubérance de ma gloire.<br />

J'accorde pourtant à l'Ancienne Cité<br />

Le pardon aujourd'hui démodé.<br />

Ô le crâne vétuste de mon humble devoir !<br />

Je postule avec des mains enchanteresses<br />

L'exercice d'un style perdu et délabré,<br />

Et j'invente, quoi que tendre, ma tendresse,<br />

Folle prouesse des hommes arriérés !<br />

Je joue avec un vent grandi et radieux,<br />

J'exprime la souffrance au drame étonné,<br />

Et froid comme l'automne et ses feuilles perdues<br />

Je jette aux yeux glacés, ma face éclairée.<br />

231


Ravalée d'insectes fastidieux, mon âme éclose<br />

Postule la valeur des autres tenanciers.<br />

Elle crève les boutons regorgeant de puanteur,<br />

Bêtises de rires scabreux,<br />

Et voiles de la miséricorde et des péchés.<br />

Anglicanes, mes églises ont joint aux durs labeurs<br />

L'expression des sens aujourd'hui oubliés.<br />

Connaissant la lumière de mes rêves passés,<br />

Elles ont fourni à l'Enfer la marque d'un demi-dieu.<br />

Finement la main a tenu cerclé de chaînes molles<br />

Spectacle gratuit, spectacle grinçant.<br />

Elle possédait dans des scènes lugubres,<br />

Elle proposait la facile crucifixion<br />

De mes déboires offerts à la sagesse !<br />

Anges bleus, véhicules de mon cœur ensablé,<br />

Est-ce fin en ce monde galvanisant ?<br />

Non. Peut-être l'âme détruite<br />

Soulève-t-elle de sordides cataclysmes<br />

Ou des vagues rarissimes ?<br />

232


Peut-être des vagins défoncés, humiliés<br />

Dans un grabat sans contenance<br />

Arpentent-ils l'abandon de nos actes ?<br />

Moi vrai, cher Amour des autres années,<br />

J'entends le glas, père d'un sang nouveau<br />

Qui raisonnant sur ses dernières prouesses<br />

Balayera la joie alerte avec son sceau.<br />

Vrai, j'attends des nobles contrés<br />

L'extase d'un dire, d'un roi inhumain,<br />

Qui, cheval fougueux traînant sa guerre,<br />

Éloignera toutes les hontes de la terre entière !<br />

233


Peines<br />

Incandescence de l'astre,<br />

Les rousseurs de la mer,<br />

Quand la plaine dévaste<br />

Les relents de l'éther !<br />

Les soupirs de l'enfance<br />

De la mémoire perdue<br />

Offerts, puis décadences,<br />

Ô les étés diffus !<br />

Le moulage de la grâce,<br />

Les amours sanglotantes,<br />

Combien de fois vivaces,<br />

Les peines accablantes !<br />

L'ordre s'est rétabli<br />

Là, sur des marches stupides<br />

Puis vers des lieux arides.<br />

Oh ! L’enfance s'est enfuie !<br />

234


Ô sevrages, ô licences<br />

Envolés dans les flots<br />

Et les dernières outrances<br />

Que berceront les eaux.<br />

Non, jamais attendues<br />

Et jamais désirées<br />

Ô les fleurs de l'été<br />

Qui toujours se sont tues !<br />

235


Candides insouciances<br />

Candides insouciances<br />

Pour cet automne perdu,<br />

Ô monstrueuses naissances<br />

En ces mondes déçus !<br />

Mais qu'invoquer l'oubli<br />

À jamais impossible !<br />

Oh ! Les affreuses pluies<br />

Dans un coeur insensible !<br />

Ainsi le moribond<br />

Sur des larmes versées<br />

Pour ce feu infécond<br />

Pleure ces lâchetés.<br />

Des peines obscurcies<br />

Toujours redéployées<br />

Car l'enfance a vomi<br />

Ses pâles raretés.<br />

Candides insouciances<br />

Pour cet automne perdu,<br />

236


Serez-vous espérances<br />

Par ce monde entrevu ?<br />

C'est bien la destinée !<br />

Oh ! Les erreurs promises<br />

Qui chanteront l'année,<br />

Cette année indécise ! ...<br />

237


Réminiscences et destinée<br />

Ô vil et toi-même voleur,<br />

Je saisis de ton mensonge<br />

Les traces sublimes de tes saveurs,<br />

Astre si pur, et combles et songes !<br />

L'instant superbe est de quitter<br />

L'alcôve chère de cette chambre.<br />

C'est pour grandir ou embrasser<br />

Des horizons encore plus tendres.<br />

C'est pour bannir la terre inculte<br />

Que l'on a travaillé pourtant.<br />

Suprême envolée ? Est-ce chute ?<br />

Veux-tu venir, car on t'attend !<br />

J'aspirerai demain l'odeur<br />

De cette antique et noble ville<br />

Qui sera fruit et puis douleur<br />

De ce prochain et mûr exil...<br />

Mais de ta voix encore si claire<br />

238


Ô mon amie, par toi songée<br />

Je n'oublierai ce pur enfer<br />

Où dans ta nuit tu m'as plongée.<br />

Empire à ta sève sertie,<br />

Joie de l'enfance, précieuse,<br />

Allons avec ces pas promis<br />

Dans l'existence délicieuse.<br />

239


Sa grâce accoutumée<br />

A.P.V.<br />

Sa grâce accoutumée<br />

S'enivre de soleil.<br />

Ô la nymphe égarée<br />

Dans ses rayons vermeils,<br />

D'un brin de pureté,<br />

Sur son onde, s'éveille,<br />

Si sensible beauté.<br />

Et le vent dégarni<br />

Plisse dans les roseaux<br />

Les substances réunies<br />

Par le calme des eaux.<br />

Elle, baignée à demi,<br />

Évasive sans trop<br />

Elle dit, mélancolie.<br />

Les bruissements subtils<br />

De son regard si fin<br />

Ont découvert fragile<br />

L'oeil clair qui est le mien.<br />

J'emporterai l'exil<br />

240


Car te sachant au bain<br />

Je ne pourrais, sensible,<br />

T'imposer le tien.<br />

241


Les catacombes<br />

A.C.B.<br />

Dans les catacombes<br />

Froides et grinceuses<br />

Où des femmes affreuses<br />

Émergent de chaque tombe,<br />

Des lueurs blanchâtres<br />

Faiblement éclairent<br />

Les murs d'albâtre :<br />

Un spectre mortuaire<br />

Déambule et vacille<br />

En ce lugubre monde.<br />

Alors mes pas fébriles<br />

Devant ces torches fugaces<br />

Voient l'empreinte profonde<br />

De mémorables traces ! .<br />

242


Que tu proposes nue<br />

À Sandrine<br />

Que tu proposes nue<br />

À ma souffrance ancienne<br />

Fruits et délices conçus<br />

Avec liqueurs suprêmes,<br />

Lentement de l'éclat<br />

Reposé sur un cœur<br />

Un pur souffle unira<br />

Cris sublimes et candeurs !<br />

Éloignée une seconde<br />

De ce combat royal<br />

Ma faiblesse profonde<br />

De sa pensée fatale<br />

S'émancipe peu à peu...<br />

Semble revivre et meurt<br />

Dans les lueurs du soir,<br />

Et chasse mon désespoir !<br />

243


La transparence endormie<br />

Comme d'une transparence endormie<br />

Offerte au goût exquis des fleurs<br />

Une mémorable accalmie<br />

S'élève par les premières lueurs.<br />

Après une nuit de déluges<br />

La gerbe sacrée, multicolore<br />

S'apaise dans l'ombre d'un refuge<br />

Et lentement, heureuse, dort ! ...<br />

Ô lasse et promise au repos<br />

Des Dieux qui contemplent ton âme<br />

Dors dans l'espoir des jours nouveaux,<br />

Car la cruauté princière<br />

Dont ouvertement ils se réclament<br />

Ce soir, t'emportera encore aux enfers.<br />

Éloignement<br />

244


Folle aimée qui d'une jouissance<br />

Offre des fruits langoureux,<br />

Oserai-je te parler<br />

Quand résonne ce cœur pluvieux ?<br />

L'enchanteresse s'éloigne<br />

Au plus profond du corps<br />

Elle désire, elle décline<br />

Dans ses cheveux soyeux<br />

Sa délivrance la tord,<br />

Le sommeil est cherché.<br />

La jambe longue, la jambe fine<br />

Posée sur le bord du lit<br />

S'étale dans un rêve<br />

Tout imprégné de fleurs.<br />

La pâle, l'amoureuse encore,<br />

Sur le drap bleu s'est endormie.<br />

245


Air petit<br />

Qu'est-ce donc le génie<br />

Quand, par l'inconnu,<br />

Je vois chaque nuit<br />

Les mots qui se tuent ?<br />

Pour l'absurde grandeur<br />

De l’Être tant aimé<br />

Un usurpateur<br />

Me dit de chanter !<br />

Et à peine assouvis<br />

Les mots s'entrelacent<br />

Comme à l'infini ! ...<br />

J'invoque une douceur<br />

Légère et fugace<br />

Pour changer ma face,<br />

Mais ne veut répondre<br />

En ce lieu maudit,<br />

Ne veut correspondre<br />

Pour l'admirable écrit !<br />

246


Qu'est-ce donc le génie<br />

Quand, par l'inconnu,<br />

Je vois chaque nuit<br />

Les mots qui se tuent ?<br />

247


Vapeur d'une audace<br />

Vaste enveloppement :<br />

De là s'endort l'animosité.<br />

Ô le golfe léger pour une étoile diffuse !<br />

Les flammes claires des opales de feu,<br />

L'opulence des magnanimes exploits.<br />

Dans la veillée, l'oracle murmuré<br />

Telle une mort délicieuse et vague.<br />

La volée neigeuse dans les vents d'Espagne,<br />

Les esclaves du soleil dans les cohortes des nuits.<br />

Sous les baies claires l'instrument insipide<br />

Qu'une discorde entame et vole parfois.<br />

C'est le seuil où l'ondée s'amuse.<br />

Un char va éclatant sur l'orée des Santals.<br />

L'eau neuve circule<br />

Par les dépaysements sauvages.<br />

Lenteur des pôles que l'attraction<br />

248


Distribue à soi-même.<br />

Pour la courbe cosmique,<br />

Le terrain glorieux<br />

Et des fractions d'évidence<br />

Sous un ciel bellâtre.<br />

Tu distribues et condamnes<br />

L'ordre de la seconde<br />

Comme aux temps soucieux du mirage.<br />

Pâles brumes de l'aurore, horloges de sang,<br />

Mais la raison est de redescendre.<br />

249


Nord<br />

Le suc de l'aube au talisman du soir ;<br />

L'union des métaphores sous le péché véniel :<br />

Le duel soumis dans les carcans résignés,<br />

Et par l'évidence, l'insigne d'une croix.<br />

Le déroulement des âmes que transportent<br />

Les salives de l'homme encore révolté.<br />

Sur les contreforts de l'espace, le mot d'ordre émis<br />

Même contre la charpente des poussières d'orgueil :<br />

Pillages, contractions logiques et courses équivoques<br />

- Là, les soubassements déduisent encore.<br />

La répulsion se réduit dans l'hélice,<br />

Des pertes d'acier en pente douce, et l'éloignement.<br />

250


Trophée des ors<br />

Trophée des ors dispersés par les vierges sensuelles,<br />

Éclats violents de l'âme pour des corps en délire,<br />

Des vomis écœurant dans les gorges impures !<br />

L'étoffe d'une multitude,<br />

Les rejets saccadés par le sang et la bave<br />

Coagulés sur des lèvres trompeuses !<br />

Dans lames affûtées pour les gueules du peuple<br />

Incapable de jouissances et de meurtres subtils !<br />

Et l'alliage sirupeux sous les veines débiles<br />

Qui fit jaillir le pus des fontaines oubliées !<br />

L'abrégé des douleurs à l'assaut de ses chutes,<br />

L'orgie se débattait, s'étalait dans ses eaux,<br />

Les marais étaient disposés en cercles étroits.<br />

Tout disparut à l'aube béante des mortels :<br />

Les marques enfoncées dans les plaies jaunissantes<br />

Et l'effroyable vacarme hurlé entre deux fiels !<br />

Trophée des ors dispensés par les vierges sensuelles,<br />

251


Éclats violents de l'âme pour des corps en délire,<br />

Des vomis écœurant dans des gorges impures !<br />

252


Ivresse citadine<br />

Le songe saupoudré d'étoiles et de nacre<br />

Se dodelinait en la triste demeure<br />

Et des bruits cahoteux - d'anciens bruits de fiacre<br />

Ronflait sur le pavé de la cité du cœur.<br />

Mélange de bitume et de réverbères luxueux<br />

Semblait confusément à la pâle lumière<br />

Fantômes gazés et marée houleuse.<br />

Oui, l'indécis joignait l'irréel<br />

Et transportait dans une vision superbe<br />

Les méandres de l'insignifiante ruelle.<br />

Oui, le doute assemblé à l'enivrement du ciel<br />

Transformait l'instant en sublime frayeur.<br />

Brandissant de vulgaires épées<br />

Comme de longues aiguilles aiguisées<br />

Et roulant leurs flots de pavés<br />

Tel le déluge d'un pénible rêve,<br />

La route et le pylône renversés<br />

Criaient A Mort au spectateur blasé !<br />

253


Eau boueuse<br />

Que tu coules déchirante<br />

Sous les rayons crayeux !<br />

Au gré de la tourmente,<br />

Ton penchant va douteux.<br />

Car bercé sur les rives,<br />

Ce doux chuchotement<br />

Est sombre, mais dérive<br />

Quoique d'un air chantant.<br />

Parmi les clairs roseaux,<br />

Pour des douleurs extrêmes,<br />

Serais-tu fortes eaux ?<br />

Semblant encore frémir<br />

Dans tes souffrances blêmes<br />

Ne veux-tu point mourir ?<br />

254


Je veux te dédier<br />

Je veux te dédier, chatoyante parure, sur des coussins bercés par<br />

le luxe et l'encens, cet hymne solennel bordé de sa froidure, et promis<br />

aux secousses vengeresses du Néant.<br />

Alors je te convie entre ces quatre murs, au sublime festin de<br />

l'inconnu malheur, et je prépare, cynique, une noble mixture qui brûlera<br />

ta peau et percera ton coeur.<br />

Et quand, momie étrange et desséchée, sur un plateau superbe, je<br />

te poserai nue, tu vibreras encore de spasmes saccadés, admirable beauté<br />

que j'aime et que je tue !<br />

255


Le beau langui<br />

Le beau langui sur des espaces de miel. Qui frappe en cette heure<br />

lugubre ? Mais vrai, l'oraison des beautés dans un geste d'éclore pétille<br />

d'union pure.<br />

On cesse là l'ébat. La lutte est condamnée jusqu'au soir, et des<br />

toux hideuses rappellent le génie.<br />

Oh ! Race ! Que m'importe le pacifisme de l'acte ? Oserai-je<br />

espérer des tourbillons d'esclavages ?<br />

Accoupler c'est détruire. Les firmaments déjà. J'entends les pas<br />

saccadés dans sa nuit. On se meurt dans les tourments. Le défunt, l'hôte<br />

pâle ! Le défunt s'enfuit.<br />

256


Par des attaches, soudés<br />

Par des attaches, soudés à la honte proscrite ; le deuil contracté<br />

aux basses terres nuptiales et la haine apparente sur des doigts crispés.<br />

Des visages macabres, des vengeances progressives,<br />

l'indescriptible fièvre des mouvements hagards, le meurtre qui<br />

sommeille dans chaque âme.<br />

Le mouvement perpétuel de deux pieds qui se touchent, glacés<br />

sous le drap noirci des longues nuits. Le geste cadencé, immuable des<br />

bouches, la perle suprême de l'entente cordiale !<br />

Démon de l'intimité, déplorables bêtes, assermentées par l'alliance<br />

jaunie ! Ô chairs contemplatrices des mornes soirées ! Années terribles<br />

dans les bas-fonds d'un lit !<br />

257


L'ondulation déterminée<br />

L'ondulation déterminée dans les souffles du vieil orage ; les<br />

miroirs brisés par l'opulence des fats ; le maigre cynisme conduit la ville<br />

crasseuse ; les chants nocturnes sont pailletés de grandeurs ; l'oraison<br />

flotte et les pleureuses ennemies grattent encore les terres déchirées.<br />

Automne des devantures martelées en ce siècle que la soif de<br />

vaincre éparpille prestement, dispose de la masse, imberbe et ranime le<br />

flambeau !<br />

Cependant que des moulages ternissent le ciel, une délivrance<br />

mugit, carapace de mille labeurs. Une hyène féconde se multiplie. Elle<br />

procure l'assurance au peuple, et pour ses nourrissons allaités, elle jouit<br />

du malheur des hommes.<br />

Ô périssable femelle, consume le désespoir de demain ! Il en sera<br />

toujours temps !<br />

258


Le chant médusé<br />

Le chant médusé, ivre de marques d'estime s'écoute pareil aux<br />

insuffisances de notre vie. Chaque fleur tombe dans les cris de gloires et<br />

de renommées. Fébrile destin qui secoue les amours de nos chœurs<br />

déployés !<br />

Nos réussites, extases des souffles, applaudiront les parcelles<br />

négligeables, et nos souffrances telles des lions enragés grandiront dans<br />

des parchemins et des maux de détresse.<br />

Ô tentations de l'inconnu aux reflets marbrés ! Jets des<br />

oriflammes offerts par les puissances divines !<br />

J'ai gravé sur la pierre des Morts deux noms réunis pour l'éternité.<br />

L'ordre, dans sa course immuable, bannit déjà la vérité du long supplice.<br />

L'oracle se meurt. Les maigres affirmations condamnent davantage<br />

encore les prisonniers du Néant.<br />

Je devrais maudire le jeu des damnés de l'ambition. Tu aurais dû<br />

exister, non pas te perdre dans les coulisses de l'exploit. J'évoque<br />

l'enfant, le pur diamant, l'union de deux corps. Tes lèvres parlent encore<br />

et ton cœur s'est tu !<br />

259


Les cyclones se meurent<br />

Les cyclones se meurent par-delà les collines. Les grands ifs se<br />

tordent quand l'orage éclate en été. Les hommes transposent l'image et<br />

oublient le présent.<br />

Les rayons de l'automne sont faiblesse et les départs accentuent<br />

les désertions ; en éventail, la femme se nourrit de plaisirs, et devient<br />

indisponible à sa tâche.<br />

L'origine de ton Mal, c'est la bêtise qui se croit mûre ; des rouages<br />

ou des structures hiérarchiques, chacun se voulant maître des autres. Toi<br />

aussi, tu dois m'apprendre le génie ! Tu jettes ta connaissance pour<br />

annoncer le mouvement cyclique, tu craches la page du Livre Saint - la<br />

grande oeuvre de l'inconnu ! Tu débites l'incohérence, machine enrayée.<br />

Ton message est un conseil, et ta voix un ordre. Je te maudis,<br />

piédestal, illustres cendres de mon destin !<br />

260


Dans mon rêve épuré<br />

Dans mon rêve épuré, je discerne ton nom<br />

Dans les lieux à venir, j'entends battre tes yeux<br />

Je sais ton chant, je sais ta voix et ta beauté<br />

Et le regard d'amour qui encombre tes bras.<br />

J'écoute frémir mon heure puissante et ténébreuse<br />

Que l'instant et l'histoire encenseront encore<br />

J'embrasse l'enfant violence des voluptés<br />

Et je dors lentement à l'ombre de mon ombre.<br />

Je me plais à vêtir le monologue qui dure<br />

Patience, dévouement, sagesse, supplices<br />

Tasses d'or et d'argent jetées contre nos cieux<br />

Et délires et délices et salive et amour<br />

Et les ans passeront comme un souffle inhumain.<br />

J'observe la douceur et l'orgueil de ces transes<br />

La chaude montée au coeur qui est rose et bleue<br />

Et j'approuve en moi-même le désir de survivre<br />

Pour rester longtemps presque mort en nous deux.<br />

261


Offert aux rêveries<br />

Offert aux rêveries d'un suicide ; regardant<br />

L'astre pur décliner lentement dans les cieux ;<br />

L'ombre maudit ce paysage mélodieux !<br />

L'éveil d'un chant difforme, excessif à ton corps<br />

Qu'on oublie toujours, solitaire des nuits, des jours,<br />

Est refrain modulé quand ton crachat s'endort.<br />

Mais lourde d'amertume, l'âme chancelle au vent,<br />

Suit indolente et perdue les noirs froids d'hiver,<br />

Suit la flamme douceâtre qui brille dans le temps.<br />

Alors mon oeil tourné vers les vives ténèbres<br />

Et l'amour craquelé sur tes lèvres détruites<br />

Poussent un convoi royal, majestueux, funèbre.<br />

262


Le stérile hiver<br />

Le stérile hiver glace d'un geste royal<br />

La source limpide et claire que ma lèvre embrasse,<br />

Alors le fort déluge d'un roulis infernal<br />

Sur le front enivré de songes se fracasse.<br />

Vils de douleurs, et de violentes pensées,<br />

Des rapaces s'en viennent s'abattre sur mon toit.<br />

Leurs serres ensanglantées dans ma chair déchirée<br />

Arrachent à mon esprit d'impénétrables lois.<br />

Là-bas le Néant absolu, dévastateur<br />

Voudrait bien m'engloutir dans sa ténèbre immonde.<br />

À son service, tous ses démons provocateurs<br />

Jetteraient ma raison dans des caves profondes etc.<br />

263


J'ai dû aimer<br />

J'ai dû aimer sous d'autres cieux,<br />

Mais je ne sais plus quel matin,<br />

Agile et noble comme le feu<br />

La beauté au regard divin.<br />

C'était désir stérile mêlé de grâces<br />

Que l'ivresse emplissait sans grandeur ;<br />

Quand l'âme libre enfin s'efface,<br />

L'amour de Dieu devient pêcheur.<br />

Quiconque use de ses ongles sur sa peau<br />

Et comprime son souffle dans l'abus,<br />

Vrai, bannira l'horrible fardeau<br />

De l'acte facile sur le corps nu.<br />

Mais la beauté en fruit lubrique<br />

Métamorphose son idéal<br />

Sous les saccades rythmiques<br />

De son galeux caporal !<br />

264


La protubérance excessive<br />

La protubérance excessive<br />

Qui me servait de sommeil<br />

S'éclipse dans les premières senteurs<br />

De mon vaste ciel.<br />

Que d'inconnus rivages<br />

Et que de sources à explorer !<br />

L'infini commérage<br />

À déjà bouillonné.<br />

Chastes idées reçues,<br />

Catacombes enfantines,<br />

Quand l'espoir est perçu<br />

La chaleur me fascine !<br />

D'autres vents se sont engouffrés<br />

Sous ma porte vagissante.<br />

Mon tendre esprit, il est arrivé<br />

Le seuil étroit de ma pente !<br />

Clairons, sonnez l'expansive<br />

Et heureuse cérémonie<br />

265


Puisque des femmes agressives<br />

Sur les couches se sont endormies.<br />

Ô la câline, la débaucheuse,<br />

Le tempérament étrange !<br />

Elle gît Sandrine la pleureuse<br />

Comme le sourire de mon Ange !<br />

266


Hanté et songeur<br />

Hanté et songeur d'une tenture nue<br />

Que l'orgueil extasie encore<br />

Se vit crouler ou qu'il s'exténue<br />

Par maint rêve, un légitime remords :<br />

Apparue et défaite telle en chevelure<br />

Qui d'ans en ans parfois l'envahit,<br />

Acclamée soi-même de voilures<br />

D'un miroir existant jadis en minuit.<br />

267


Ne veux-tu pas, mon âme<br />

Ne veux-tu pas, mon âme, sur la couche béante<br />

Comme un désir sans fin activer mon ardeur,<br />

Respirer contre moi la sensation latente<br />

Dont disposent la nuit les raretés du cœur ?<br />

Dehors, tout est sinistre. Tout arbre semble mort.<br />

Si ce n'était la brise tourmentée par ce vide,<br />

Tout le peuple agonise et la foule s'endort.<br />

Je n'aime point courir sur les murs de la ville,<br />

Aspect trop délabré des cités reconstruites.<br />

Le ventre s'y resserre à chaque instant fébrile !<br />

Reste là dans mes bras. Oublions les douleurs<br />

Qui couvrant nos orgasmes maintes fois avortés<br />

Rappellent au masque noir la marque des splendeurs.<br />

268


Alors tu te réveilles<br />

Alors tu te réveilles, ô beau corps de déesse !<br />

Tu cherches mes désirs comblés par les tourments.<br />

La pointe de ton sein sevré de sang se dresse,<br />

Mon admirable amie et mon sublime amant !<br />

Si mon ventre s'éteint, j'appelle tes lueurs.<br />

Je jouis de l'incomparable volupté<br />

De rester en moi-même et d'être un autre ailleurs,<br />

De créer un génie aux plaisirs insensés !<br />

Je verrouille ta chair, la place du bonheur.<br />

Je dors paisiblement dans le cœur des Aimées.<br />

J'invoque ta richesse, ta sublime saveur,<br />

Ta substance promise, et ton nectar sacré !<br />

269


Je revois de mornes jets d'eau<br />

Je revois de mornes jets d'eau accroupis dans l'ombre d'un<br />

bassin de marbre. J'entends la chute des corps minuscules et leur<br />

bruissement s'accoutume à ma présence. Derrière une montagne d'herbe<br />

folle, une ancienne raconte : "Des cygnes étranges se pâment dans les<br />

reflets de la mare, des poissons bouche bée à la surface cherchent l'air<br />

périssable, une petite cascade chante un refrain - rien - le calme, l'azur,<br />

l'immortalité du temps". Il fallait bien du courage pour s'éloigner de<br />

cette quiétude savante. J'y ai laissé mon enfance toute grise de rêves<br />

interdits, morose d'espoirs qui se jouent.<br />

Deux heures de repos. De sauvages promenades à travers des<br />

ronces qui griffent les mollets. Des canicules où la bouche embrassait le<br />

seul robinet d'eau potable. Des roses dispersées finement taillées par la<br />

main experte du jardinier, etc.<br />

270


Qui use de son intelligence<br />

Qui use de son intelligence, qui déploie toute vigueur et dispose<br />

de l'inconnu ? Qui ?<br />

Quel monstre, fort de la loi de nature, engendre des monstres<br />

forts de la loi ? Quel monstre ?<br />

Quelle puissance désireuse de s'épanouir est soumise aux<br />

ressources impures de l'homme ? Quelle puissance ?<br />

Mais, d'un lieu temporel, d'une destinée avancée, toutes les<br />

recherches explosent. Il nous faut diriger la pensée, seul espoir de<br />

survivre.<br />

271


Au comble de sa bouche<br />

Au comble de sa bouche, je discernai quelques fleurs pour la<br />

très tendre, la très exquise durée de nos deux songes. Envolés sous l'air<br />

pur, nous partîmes en orgasmes.<br />

Je ferai crever ses boutons<br />

Je ferai crever ses boutons empestés de jeunesse et<br />

d'abrutissements enfantins. Je hais la faiblesse, - elle est en moi. Je<br />

détruirai dans un déluge de perversions, toute pureté puritaine, tout acte<br />

moralisateur. La force du langage n'est compatible qu'avec la force du<br />

Moi ! Je me dois de déchirer les enveloppes successives. La puissance<br />

m'attend. L'œuvre brilla d'une grandeur infinie.<br />

272


Décors<br />

Une hélice ancienne, source de bruits obscurs qui tournoie dans<br />

les airs jusqu'à la tombée de la nuit. Un paravent cache un tiers de<br />

l'hélice. De droite à gauche, une lumière lancinante, mais en mouvement<br />

perpétuel. On utilisera des ampoules rouges ou bleues. Puis costumes ou<br />

habits hétéroclites. Maquillage surfait voire choquant. Huit personnages<br />

dont quatre femmes.<br />

Un long mur tapissé de figurines étranges, symboles d'une<br />

mythologie grecque ou phénicienne. À trois hauteurs de plinthe, une<br />

ligne couleur argent. Sur cette ligne, un ensemble d'objets rituels utilisés<br />

pour l'accomplissement de l'acte sexuel. Le plafond, - minutieusement<br />

décoré. Masques d'acier, machines de guerre du quinzième siècle (voir<br />

les plans de Léonard de Vinci) - un lem au centre. La partie gauche du<br />

plafond réservée à un croquis succinct mais fondamental : la position de<br />

la terre, des planètes, des satellites dans le système solaire. Enfin à<br />

droite, une œuvre picturale de Picasso.<br />

273


Ô distinct et pourtant<br />

Ô distinct et pourtant plus sombre que moi-même<br />

Qui fait de ces lueurs étrangères et que j'aime<br />

Un feu brûlant de laves rouges et incandescentes,<br />

Quand, ivre de sueurs en ces tombes exaltantes,<br />

Dormiras-tu enfin à l'aube des finis ?<br />

Quand repu de délices que parent tes furies,<br />

La couche lourde de rêves étonnement anciens<br />

Bercera enivrée d'un somptueux divin<br />

Les suavités rares de tes lugubres nuits ?<br />

Ta faiblesse fatale...<br />

274


Jadis oignant le bel<br />

I<br />

Jadis oignant le bel avec sépulcre bas<br />

D'un songe que le vent par un goût animal<br />

Achève en maintes nuits comme il poursuit ses pas ;<br />

Si ce n'était le doute qu'insouciance avale,<br />

Quoi ? Des formes pourtant, émulsions des rêves<br />

Dont l'âme détourne les bruissements, achèvent<br />

La vaine réalité entre ses murs noirs<br />

Et contre ces fertiles, graves frayeurs, le feu<br />

Que nul n'enfantera, le charme tant aimé<br />

Déclameront le prix en sondant ses bévues.<br />

II<br />

L'entendement soucieux où calice fol à l'air<br />

De qui bat l'éternelle, vaste profusion,<br />

Sous les lueurs blafardes, c'est un masque de guerre<br />

Par le brillant de l'astre qui crie à l'unisson.<br />

275


Battre sous la patine et les danses du soir<br />

Des masques qui selon font l'entente odieuse,<br />

Qui conspirent en leurs têtes vers l'Ancien Devoir,<br />

Rien, si dans cette soirée, tu ne deviens pleureuse...<br />

Extrait<br />

Quoi, de formes pourtant, émulsion des rêves<br />

Dont l'âme détourne le bruissement, achèvent<br />

La vaine réalité entre ses murs noirs !<br />

III<br />

Ô Beau des solennelles cérémonies d'été !<br />

Sur cette bouche où brillent les humeurs délicates...<br />

Est-ce contre le doute que cette voix conspire ?<br />

Non ! Puisque l'âme toute vole toujours et meurt.<br />

276


Pour les douleurs extrêmes<br />

Pour les douleurs extrêmes<br />

Déployées sous ce joug<br />

S'étale le diadème ! ...<br />

Que de larmes, cette nuit !<br />

Ô purs scintillements !<br />

En surprises alanguies,<br />

Je serai mécontent ! ...<br />

Odorante saveur,<br />

Je ne puis par ces vers<br />

Jouir d'une faveur<br />

Ou de subtils éclairs !<br />

L'or brut de la beauté<br />

M'éloigne tout à coup<br />

De ma vaine pensée ! ...<br />

277


Le Manuscrit inachevé<br />

Quel équilibre ?<br />

Quel équilibre ? Ces lignes dénotent ta nature. Tu as voulu un<br />

monde à ta mesure. Tu n'étais qu'un enfant.<br />

Les conversations pendant les longues promenades n'existaient que<br />

dans ta tête. Ta vie, ta jeune carrière sont-elles à résumer ? Dois-tu ajouter<br />

quelque chose ? Tu as vendu tes fantasmes. Que reste-t-il à écrire ?<br />

ris pas.<br />

Ce style précieux, étonnant, te donne-t-il le droit au bonheur ? Ne<br />

Y eut-il des tentatives intimes qui purent me satisfaire quelque<br />

journée ? Ce métier, était-il accessible à l'adolescence ?<br />

Devons-nous grandir parmi les hommes de lettres, parrainés des<br />

plus hauts génies, et chaque soir nous endormir désespérés ? Nous faut-il<br />

vivre avec l'horreur de les toucher ?<br />

Mais pourquoi rester enfermé seul des nuits entières dans cette<br />

278


chambre putride ? Ta solitude, je commençais à m'y habituer, moi qui<br />

travaille fort tard la nuit.<br />

279


Je m’évangélise cyniquement<br />

Je m’évangélise cyniquement. Tous mes préceptes m'ont suivi.<br />

Voilà que je retombe dans mon mal. Arrête-toi là, s'il te plaît ! C'est la<br />

conscience qui parle, etc. Tu écris mal.<br />

Las de se battre avec soi-même. La parfaite comédie de la vie,<br />

les petits événements, les distractions. Chacun se croit subtil. En vérité<br />

des niais !<br />

Écouter des chansons distrayantes, des idioties ! Je me suis<br />

peigné, brossé les dents. La mort dans l'âme, je sais ce que je représente.<br />

- Atroce nuit - nuit qui éclaire !<br />

Il faut se faire comprendre. La puissance est à l'audace. Je n'ai<br />

jamais su exploser. J'ai toujours eu à subir la passion des autres.<br />

280


Tortures de la tête<br />

Tortures de la tête. Ronflements incessants contre les supports<br />

stupides de la mémoire.<br />

J'aurais préféré peindre la lumière des poèmes à boire. Je suis à<br />

l'agonie. Les sécheresses à des lieues du talent des écrivains !<br />

Extraire des sucs, ma chimie ! J'étais heureux, sans plaire. Mon<br />

public, ces murs bleus...<br />

Pâle faiblesse. J'ai changé les batailles. J'ai porté l'habit rouge.<br />

Je me restaure aux Dix commandements. J'ai ordonné à un vol<br />

d'étourneaux des tourbillons d'étoiles sans opérer de fantastiques<br />

agressions. Et pourquoi ?<br />

281


J'ai dénoué les cheveux d'or<br />

les amours !<br />

J'ai dénoué les cheveux d'or. Que valsent les éclairs, les amants,<br />

Sinon, qu'insignifiante sa désinvolture paraisse !<br />

Qu'il s'y plaise avec ses sermons, à l'origine de son feu !<br />

Les images fusent, tombent, réapparaissent et se cognent,<br />

fractions de culture.<br />

Pour quelle intensité, lui sergent de mes songes pendant que je<br />

travaille à nous verser davantage de femmes, invariables de chimie dans<br />

nos bras ?<br />

282


J'annonce<br />

J'annonce la scientifique année, et je plonge sous l'obstacle. Je<br />

devrais courir, voler, me battre.<br />

Résignée, la plume est anéantie sous des milliers de lecture.<br />

J'obtiendrai, moi l'infatigable, l'effet qu'ils doivent retenir. Croire en soi,<br />

en Dieu. Je ne prie pas. Je fortifierais mon âme.<br />

283


Je me couche néanmoins<br />

Je me couche néanmoins sur des neiges brûlantes en grande<br />

personne du premier âge.<br />

J'ai la page à laver selon le vide, car le poème se meurt.<br />

Une ligne préférée, c'est un pas vers toi. Pourtant la vie est<br />

commune. C'est l'air du débarras. La génération jure qu'on m'attend.<br />

La petite folie me tient au cœur, et la belle bête s'est vautrée au<br />

voisinage de la raison.<br />

Peu d'âmes pour converser ! Je sens mon dialogue s'éteindre,<br />

mourir et renaître, - dialogue de mon choix.<br />

Je me suis consolé, libre et serein. Essais difficiles.<br />

L’intelligence rampait dans la fange. J'ai nié ma culture.<br />

284


Mes trophées<br />

Mes trophées, mes jérémiades, ô la mystification pour des<br />

richesses convoitées !<br />

Crapule, tu crèves dans l'orgueil. Tu as subi des crises puantes,<br />

des cris menteurs. Tes nullités nagent. Ce sont tes soucis.<br />

Voici que les difficultés tombent dans tes chemises ! Pour<br />

raisonner, lis les journaux ! La vie est d'une transparence sans esprit.<br />

As-tu fait dire de toi : quel esprit complexé ! Arrivait le pâle<br />

essai, et j'interrogeais mon rôle : qui est-il ? Silencieuse nuit, nuit lourde<br />

de travail où je ne dominais rien.<br />

285


Mystérieux écrivain<br />

Mystérieux écrivain sorti d'un corps d'élite. Eux autour de<br />

l'apprenti. Groupés, écoutant les mots gonflés. Et je pense à Stéphane, et<br />

je pense à Paul. Comblé, le fade prosateur qui composait à la limite de<br />

son possible. Dans la maison du Pendu, je croyais entendre des<br />

suffocations.<br />

286


Des beautés ?<br />

Des beautés ? Rien au passable ! De l'envie de se surpasser. À<br />

quoi bon continuer ? Point de sueurs, des attentes seulement. L'art<br />

s'efface au profit du succès. Quelle est ma différence ? Tu y gagneras à<br />

être un inconnu. Tu n'intéresseras jamais personne.<br />

Ignorer le passé, il m'indispose toujours.<br />

Plaindre son jeune âge.<br />

Apprendre à se contrôler.<br />

Cracher sur les idioties enfantines.<br />

Les mots, les carences de l'âme, à oublier. Les subtilités<br />

incomprises, les musiques savantes, les beaux accidents, à rêver. Mes<br />

désirs, mes mensonges, mes mystifications, que sais-je ? Je veux du<br />

neuf.<br />

287


La bouche collée<br />

La bouche collée à la source d'inspiration. Seul, tout de même,<br />

les yeux plaqués sur ces livres, sur ces feuilles blanches qu'il faut noircir.<br />

Prêt à céder quelques lopins de terre, à souffrir dans la<br />

contrainte. Les concessions, les gentillesses, les sourires. Le sauvage<br />

sortira de son trou. Lorsque le loup a faim etc.<br />

J'ai menti de bonne foi, allègre mais besogneux.<br />

Je me suis dégoûté avec ces phrases douteuses ! À la recherche<br />

de nouvelles aptitudes. Lire les grands classiques, c'est se haïr, se<br />

reprocher ses <strong>pages</strong> incertaines, Fils de chien, tu resteras chien etc.<br />

Et le mot insensé se charge de vibration.<br />

La tension : je tremble de plaisir.<br />

Une ombre tenace d'Entités pour un poème menaçant.<br />

J'entends les âmes blanches penser : il écrit trop vite.<br />

vais. Patience.<br />

J'illumine les impuretés. Je nage dans le détail. Ne sais où je<br />

Nègre, cette prose est détestable. Cherche des idées à défendre.<br />

288


Je t'inviterai à prolonger la fête, la nuit. Ce que tu diras pourra te nuire.<br />

Lis bien. Engage-toi dans de nouveaux poèmes. Agis pour scandaliser.<br />

Aucune articulation dans ces textes. Rien n'est accouplé. Tu te<br />

gaspilles. Sans rigueur, que comptes-tu faire ? Il faut te forger une<br />

discipline.<br />

289


Les contrôles<br />

Les contrôles constituent les premiers pas vers une certaine<br />

maîtrise. Apprendre consciemment. Dure école ! La grande œuvre du<br />

génie est désespérante. Rare la satisfaction. Toujours recommencer, et<br />

penser très haut.<br />

Je n'en suis qu'à la rhétorique. Des fragments à inventer.<br />

Ajouter d'autres lignes et savoir chiffrer ! Tout chiffrer ! ... Écrivain. Se<br />

compromettre, mentir. Inspiration !<br />

Se dégoûter, changer de méthode. Se faire sauvage. Quels<br />

avantages à en tirer ? Ne plus savoir comment finir son paragraphe,<br />

voilà le travail de ma vie !<br />

Des <strong>pages</strong> bâclées. Il faudra les polir. Je suis pourtant<br />

courageux, mais comment écrire de bons livres ? Je n'ai pas de méthode,<br />

je n'ai aucune technique.<br />

Qui voudrait m'apprendre ? Je travaille seul. Je n'obtiens que de<br />

maigres résultats. Quelqu'un pour me guider, qu'il puisse me diriger !<br />

Quelle cuisine insolite, pas même originale !<br />

290


Et puis assez de ramasser les miettes, d'écrire des pauvretés et<br />

des bouts de phrases sans style et sans idées !<br />

Mes brouillons resurgissent. J'atteins un point de sensibilité<br />

rare, une tension intérieure effroyable. Je suis pauvre ! Toujours à<br />

m'inquiéter, à m'importuner avec des engagements grotesques qui<br />

servent de nourritures à mes morceaux pourris.<br />

291


Je m'use<br />

Je m'use en différentes études, - mes linges sales. Mon style<br />

mauvais, mes expressions vulgaires - à la porte. Ce sont tes heures de<br />

bonté, misérable !<br />

Maître, apprécie, je te lis. Je rêve de te claquer. Quant à y<br />

croire, mieux vaut reconnaître... J'ai changé. Comment t'y es-tu pris ? Le<br />

métier d'écrivain que tu possèdes demande des efforts... Nous devons<br />

exploiter la critique comme si des règles régissaient les mécanismes de<br />

l'art.<br />

pour me roder.<br />

Je suis écœuré par ta technique. Joli moulin à paroles, je te lis<br />

Tacite, j'écrivais. Quand ? La nuit.<br />

J'ai pressuré les phrases, craignant de ne savoir les écrire.<br />

Croquer le verbe me semble souvent facile. Je préfère toutefois utiliser<br />

le présent.<br />

292


Grandirai-je ?<br />

Grandirai-je ? Ô souffle magique, tout disparaît. Revivre l'acte<br />

créateur... Je me soulève. L'enfant se fait homme. Je suis prêt à mentir<br />

pour un nouveau coup du destin, pour un monde qui ne m'échapperait<br />

pas, cette fois-ci.<br />

Apprendre à composer ! Mais ce travail est avant tout<br />

mécanique ! Oh ! Le choix des éléments pour construire ma phrase !<br />

Suis-je du sang ? Je puis couvrir de lignes stupides les <strong>pages</strong><br />

examinées...<br />

et ridicule !<br />

Mais ils se moquent de tes déguisements. Quel esprit précieux<br />

L'albatros s'éloigne dans les profondeurs de son amour-propre !<br />

Il se vide de sa sensibilité créatrice. En lui, naîtront les rêves insoumis.<br />

Et les tensions unies dans le Grand Livre revêtiront toutes les espérances<br />

! Blessé dans ses recherches, il attend. Dramatiques les fureurs brillent<br />

de le voir se lever. Lui, seul est perdu. Libre de voyager en son âme, il<br />

attend. Entouré de ses poèmes, dans quel monde s'enfuira-t-il ?<br />

293


Cette feuille à noircir<br />

Cette feuille à noircir, c'est pour qui ? Espoirs et progrès.<br />

Quelle affreuse méthode de travail ! J'ai tout à regretter. Les <strong>pages</strong> à<br />

graisser. Mais ne faut-il pas me former ? Recolmater tous ces poèmes<br />

pour se faire refuser. Ma raison et ma rage sont en enfer. Je suis à la<br />

merci de ma courte mémoire, je n'obéis qu'à ces tristes mensonges.<br />

Qui compose les masses de cet essai ? Reprendre avec lenteur<br />

les suicides et les poèmes écrasés par les guerres et le temps ! Moralité :<br />

encore deux heures perdues !<br />

294


Incohérence<br />

Des bruits crissants répercutés sur le sol s'imposaient. Je<br />

prétends que l'effet ressenti - échouage et marée - était ma paix. Pénuries<br />

d'ombre qui au gré du jour déplaisaient à ma foi canonique.<br />

Même les esprits droits sont des musiciens. Leur crainte de<br />

rengaine les libère. Ils modifient leurs excentricités. Bénévole action qui<br />

m'éclaire !<br />

La grande fille blonde baignée dans sa jupe longue, et dans sa<br />

course elle sourit d'aise.<br />

Si j'attends de pousser le libérateur Hourra, la folie deviendra-telle<br />

mon sentiment ?<br />

295


Les danses scandinaves<br />

Les danses scandinaves m'ont poussé à agir sous le couvercle<br />

de la folie, et j'ai rêvé aux millions d'équinoxes.<br />

J'échappais aux potences, au soldat, au lacet etc. Je voulais<br />

vivre contre ma volonté, pour mon harmonie. Je me comprenais.<br />

qui s'en prendre ?<br />

Des essais, de la diversité. Si le charbon n'est pas un diamant, à<br />

J'ai dénoué la corde. S'échappaient les idées. Jeu de patience.<br />

Celle qui était détendue. Simagrées du martyrisé. Moi, à genoux.<br />

296


Je dois encore m'abrutir<br />

Je dois encore m'abrutir avec des imbécillités. Pourtant j'y<br />

trouve mon plaisir. Les malfaçons, les contresens ne sont que les reflets<br />

de ta personnalité. Bêtise et nihilisme ressentis par l'état de vivre. Je<br />

féconde sans penser. Réflexe majeur uni à ma puberté éternelle. Le<br />

monde me suit. Mes estimations sont raisonnées.<br />

Si la pierre se fait marbre, le marbre, cathédrale, - je n'aurais<br />

pas à en rougir. J'avais l'idée. Elle s'est enfuie. Je renonce à sourire.<br />

Le départ racontait le poème, les offres, les transactions. Je bats<br />

de l'air. Fluide qui glisse de mes mains ; les chemins de demain,<br />

expériences pour lesquelles j'amasse les notes.<br />

Coups de poings, de tonnerre. Hurlez mes douleurs ! Plafond de<br />

ma vengeance. Rien au terrible. Point d'excès.<br />

297


Incapable d'assumer ma tâche<br />

Incapable d'assumer ma tâche, je sens que vieillir est mon<br />

unique but. Si l'espoir a fauté, me conduira-t-il à l'âge d'homme ?<br />

Vainqueur, équilibré ? Aurai-je réussi à sortir de la nuit sans excès, sans<br />

témoins ?<br />

La musique n'épouse plus les ondulations de la phrase. Maux de<br />

tête à l'idée de travailler les anciens manuscrits. J'augmenterai petit à<br />

petit les doses de souffrance. Je n'écris que le nécessaire. Des phrases<br />

simples et correctes.<br />

Comptes-tu rattraper ces lignes perdues ?<br />

Enfant conseillé par des experts, était-ce ? ...<br />

298


La montre plate<br />

La montre plate à cadran, d'aiguilles avance de quarante années.<br />

Jamais ne ralentit sa trotteuse. Mais ce qu'elle ignore, c'est qu'elle<br />

indique l'heure voulue par l'ensemble de la communauté.<br />

J'ai fixé le calendrier de la Grande Horloge, et telle sonnera<br />

mon heure. J'ai vécu un siècle, une heure, une seconde. J'ai renfermé le<br />

temps en mon coeur.<br />

Je nage dans l'innocence comme l'hémistiche est vomi à la<br />

minute, (- en cent secondes ?), comme je suis incapable de contrôler<br />

mon âme.<br />

Mais penser n'est pas écrire. Se dominer n'est pas réussir.<br />

299


Vision divine<br />

En guise de croyance, une force à adorer.<br />

L'être de Lumière qui ordonne.<br />

Le flux de l'amour et le tourbillon lumineux<br />

Immuables dans toute leur sérénité.<br />

Vif et semble renaître à chaque instant,<br />

L’Être s'éclaire de ses pensées.<br />

Les ondes soufflées de vie à ma face.<br />

Vent de joie inépuisable qui s'accélère.<br />

Parfaite éternité, souveraineté divine.<br />

Le raisonnement vif comme l'éclair :<br />

Les images de mon enfance filent, sont lues.<br />

Étapes de mon enfance. Procès libérateur.<br />

Dieu : "Retourne d'où tu t'en viens."<br />

Le passage dans le tunnel étroit. Retour.<br />

L'immense faiblesse à réintégrer son corps.<br />

300


Mes habitudes<br />

Mes habitudes ont sacré mon absence :<br />

Je vis seul près du Saint Livre.<br />

Tant que sortir sera mon audace,<br />

Jamais je ne serai audacieux.<br />

Je grandis dans la souffrance<br />

De nombreux esprits.<br />

Ils veulent guider mes pas,<br />

Offense !<br />

Mais leur raison jamais ne s'exprime.<br />

Pas de bonheur en plus !<br />

Aux fêtes de l'amour,<br />

Je règle mon exploit.<br />

Non à la fureur.<br />

Mon grand penchant est digne :<br />

Éloge de la décadence !<br />

Jouir n'est pas aimer.<br />

Un règne de luxure à entretenir.<br />

Les confessions hâtives<br />

Sur les oreillers crémeux.<br />

301


Que je rejette la chair<br />

En ces temps d'hier !<br />

302


Assez<br />

Assez de la culture chrétienne ! Je me défends néanmoins de<br />

désobéir à Dieu. Je serai le sauvage, l'homme primitif contemplant son<br />

âme.<br />

Quels confrères ? Je me détacherai petit à petit de mes<br />

plantureux poèmes.<br />

Ô l'harmonie ténébreuse souffle en moi !<br />

Mes origines me rappellent au combat. Je me battrai pour moimême.<br />

Je m'élirai à tout coup. Assez chanté, trop peu vendu !<br />

J'ai ce broussailleux jardin à travailler. Qui t'oblige à travailler ?<br />

303


J'ai voulu toucher son corps<br />

J'ai voulu toucher son corps, et elle a disparu. Elle n'existait pas.<br />

Elle se meurt avant d'exister, ma poésie, car elle n'a aucun sens.<br />

Toutes les querelles sont fraîchement débattues. La solidité des<br />

liens pour une logique écrasante, je l'ai quittée car tout était réellement<br />

absurde.<br />

Les banalités interceptées par cette fange du cerveau inhalaient<br />

les fantasmes dépeints dans l'intimité etc.<br />

boomerang.<br />

C'est encore de la fraude, un élan mystique, ou l'effet<br />

Je crois encore à l'accord nouveau, à la musique différente. Les<br />

grandes vérités resteront cachées. Les explorations et les conclusions<br />

hâtives, des niaiseries que le bon sens éloigne !<br />

Ceci ne demande aucune explication. Pourtant on ne peut rien y<br />

débrouiller. Quelques partisans acharnés y dégoteront d'archaïques<br />

teneurs. Et cela m'amuse déjà beaucoup.<br />

304


Je suis la Félicité (I)<br />

Je suis la Félicité, et je t'annonce de grands changements pour<br />

demain. Tu as d'abord défait toutes les acrobaties, les tangages de la<br />

cervelle, et vrai ils ont existé.<br />

Les recherches étaient donc à l'intérieur de l'homme. C'est<br />

l'idée, la seule trajectoire pour une aventure réalisable. Le reste est<br />

mesquin.. C'est un toi-même à développer et à chérir. L'enfant de<br />

l'impossible et les écrits et les découvertes ne formeront qu'un moule.<br />

Le banal et les autres et l'amour : assez ! Moi ! Moi seul contre<br />

cent mille fronts dans les déserts, les métropoles. (Je serai un inconnu.<br />

Contre tous, glacé et fécond, - les puanteurs de nos distances !<br />

Assez de salutations et des blêmes sourires pour les voisinages.<br />

(Je serai un solitaire), et mon grand plaisir sera pour l'émotion. On<br />

dégustera les heures glorieuses sans hommes, sans raison. Je serai libre<br />

de croire en Dieu, et je lui parlerai.<br />

305


J'ai récupéré<br />

J'ai récupéré les perversions scolastiques des ancêtres. En<br />

posant le doigt sur les masses de lectures, je recrée ma logique<br />

mercenaire liée à ma frustration bucolique.<br />

Des plongeons énormes dans les ventres de la chimie, des<br />

préceptes souvent incompris de philosophie très ancienne.<br />

La mathématique primaire est résolue, j'embrasse les thèmes<br />

divers des assemblées fermées. Docteur, je dicte mes résolutions<br />

passives.<br />

Là, ce sont d'énormes phallus magnifiques et autoritaires,<br />

dernière phase d'une sexualité latente.<br />

et la satisfaction.<br />

Plus loin, l'Annonciation de Léonard me jette dans l'étonnement<br />

En effet, je tremble et je trépigne d'admiration. Rien<br />

d'explicable. - Vertige puis explosions. Un non-sens, n'est-ce pas ?<br />

La fausse connaissance divine et universelle en moi, le détail<br />

déplorable, ce faux-semblant de culture, plusieurs s'y laisseraient<br />

306


prendre ?<br />

crépusculaire.<br />

Quant à la politique sombre et taciturne, elle gît à l'état de larve<br />

Mes ressemblances, ma pluralité indiquent une âme de<br />

vainqueur. Le druide des raisons est prêt à tout recommencer.<br />

L'imitation est besoin du pauvre. Ma fortune est déjà faite.<br />

Aucun doute, jamais je ne serai écartelé. Cette vie, ma dernière,<br />

sera riche et illuminée.<br />

Je retournerai dans les légèretés du monde neuf ! La civilisation<br />

est répugnante et le trajet littéraire éternel : les imbéciles sont à<br />

endiabler.<br />

Mais il faut rire de sa fixation. Et tout est à recommencer.<br />

307


Et j'imite<br />

Et j'imite...<br />

Ô Seigneur, j'ai trouvé ma fixation. Elle me hantait jusqu'en<br />

Enfer. Vrai, Seigneur, débuts très difficiles, retard extrême : j'ai volé. Je<br />

me suis puni. C'est le principe de l'imbécillité. J'en suis l'inventeur. J'ai<br />

couru, que dis-je, j'ai brûlé dans les flammes maudites, le feu et sa<br />

justice. Ô Seigneur, la punition reprend son souffle.<br />

308


Tous ces détritus<br />

Tous ces détritus, on ne sait quoi en faire. Souvent, je les ai<br />

expédiés. Ils me furent rendus comme du papier etc. Qui avait raison ?<br />

Qui avait tort ? Je ne pourrais le dire. J'aurai un peu grossi. Sachez que<br />

jamais je ne pleure, mais toutes les peines en plein front, les peines,...<br />

Le bonheur eût été le voyage à l'intérieur de l'homme. La voie<br />

cherchée est peu sûre. Il y a cent mille façons d'y arriver. Moi, je me suis<br />

trompé. Il reste un métier, mais c'est sans importance.<br />

Me suis-je compris une fois, une seule ? Je parle du destin, de la<br />

fatalité. J'ai oublié la réponse.<br />

Tu seras le gardien du troupeau, criait-elle. Je me suis donc fait<br />

porcher ! Quelle nourriture ! Des porcs, que pouvaient-ils comprendre ? Il<br />

fallait quitter cette existence.<br />

J'ai aimé les obligations, j'aurais aimé les vendre. L'argent est<br />

un bien utile. On ne regarde pas la vérité avec des lunettes noires. La<br />

poésie est le vœu du solitaire. Seul, puis-je me comprendre ? C'est du<br />

vice. Non, c'est ta vie.<br />

309


Il disait<br />

Il disait : "Jamais tu n'auras la patience. Ton monde trop petit à<br />

exploiter est ennuyeux. Les lignes accumulées noircissent des <strong>pages</strong>.<br />

Pourquoi ne te relis-tu pas ? Sans complexe, tu avales les mots en leur<br />

donnant des significations étranges. Et toi seul peux en interpréter le<br />

sens. C'est un trop plein de ta cervelle que tu jettes sur la feuille blanche.<br />

Les idées s'accumulent.<br />

L'Art n'est jamais rentré en toi. De vagues notions, et encore de<br />

la poésie primaire ! Tout ce qui est inconscient, vicieux et bête est<br />

exprimé. La réflexion est nécessaire.<br />

Toi, tu as toujours écrit avec deux mamelles pendantes. Aucun<br />

surpassement, rien à l'original. Que voulais-tu donc prouver ? Qu'est-ce<br />

que cela voulait dire ?"<br />

Que pouvais-je reprocher à cette méthode ? Le désespoir et la<br />

conquête de l'irration-<br />

nel ? Je ne suis sur de rien. Ai-je trouvé une autre formule ?<br />

310


Je t'apporte le cri<br />

Je t'apporte le cri de ma nuit consumée<br />

Qui fuyait à travers des masses d'amertume ;<br />

Si ce n'était l'ennui terrible et angoissé<br />

Trébuchant et geignant dans des frissons de brume,<br />

Qui donc désespéré, tremblant de tous ses membres<br />

Sous les premières aurores par un soleil caché<br />

Désirait s'arrêter mais poussait vers novembre<br />

Poussait l'attente obscure pour ne plus l'oublier ?<br />

311


Si j'ai un jour<br />

Si j'ai un jour quelque mémoire pour accéder aux marches les<br />

plus hautes, je voudrais qu'elle gardât sa grâce et sa beauté.<br />

Tant que dans ses yeux ne jaillira pas le sang des révoltes<br />

anciennes, et que ses plaintes n'atteindront pas nos prières, l'espoir<br />

résistera aux insuffisances de la vie.<br />

Grand est son amour dépourvu de raison, et sa fidèle tendresse<br />

me bercera encore.<br />

J'ai rêvé d'elle l'année écoulée, retenant mon malheur avec des<br />

images profondes. Puis conquérant, je l'ai bannie et oubliée.<br />

Femme qui danses et chantes, applaudie de tous, je n'ai que les<br />

murs gris de ma chambrée. J'attends le pitoyable commerce quand mère<br />

et comparse, tu me donneras à voir l'enfant.<br />

Des traces indélébiles tacheront le reste d'une vie ! L'avenir, le<br />

présent s'accoupleront pour ne former qu'un seul temps.<br />

Je vis dans la séparation vaine des corps avec la ferme<br />

prétention de nous réconcilier. Ce mariage déchiré puis retrouvé, qui de<br />

312


nous d'eux en portera la faute ?<br />

Connaître les détails des naissances sous des visions, c'est en<br />

parfait médium que je sais vivre en moi les ondes de la destinée.<br />

313


Ce n'est pas un nom que j'essaie d'éclairer<br />

Ce n'est pas un nom que j'essaie d'éclairer. Non ! C'est l'ombre<br />

qu'il faut effacer. L'ombre noire cachée derrière les ténèbres ! Dans les<br />

profonds néants, elle existe ! Je la sais qui me regarde, qui m'arrache<br />

avec ses griffes des lambeaux de vie. C'est elle le démon à la fourche<br />

cornue, le feu, le sang et le venin aussi !<br />

Car écrire est un acte délicat. Il suppose de perpétuer une race<br />

presque surhumaine. Quelles puissances attendre de soi-même quand<br />

Romantiques et Parnassiens ont chanté tout ce qui devait être chanté, - le<br />

vent, la fleur, la rose et le printemps, le fleuve immense qui roule ses<br />

graciés - le fleuve qui charrie ses noyés, ses cadavres et ses pendus ?<br />

Effets subtils que je recherche ! Je me déplace dans l'analogie,<br />

ou je calque ceux qui m'ont précédé. Qu'ai-je à en tirer moi des danses<br />

lyriques qui m'invitent à aimer ? Rien. Le peu de bonheur que je reçois<br />

contribue à me rendre idiot. La folie s'empare de l'âme comme l'enfant<br />

agrippe ses jouets. Mais vrai, je m'amuse énormément de ces bêtises !<br />

314


C'est avec netteté que je voyais<br />

C'est avec netteté que je voyais, et tous les troubles de ma<br />

pensée n'étaient que d'insignifiants prétextes à des expériences<br />

captivantes. En effet, la plus infime observation par une vicieuse<br />

opération de l'esprit devenait objet de fixation.<br />

La nuit favorisait l'accomplissement de ces expériences. Les<br />

sommeils difficiles à provoquer fixent l'esprit court et l'affolent des<br />

événements passés de la journée.<br />

De quoi étaient composés ces manigances ou ces<br />

indéchiffrables flashes qui à peine compris ou interprétés s'effaçaient de<br />

la mémoire remplacés rapidement par d'autres flashes tout aussi<br />

éphémères ?<br />

C'étaient des phrases ou des bribes de phrases qui venaient se<br />

fracasser à l'endroit de mon front accompagnées de sonorités diverses.<br />

Les voix se juxtaposaient et quoique inharmonieuses pouvaient<br />

se comparer à un ensemble d'instruments de musique, chaque musicien<br />

jouant son propre morceau sans que personne ne vînt l'accompagner.<br />

La souffrance qui s'obstinait m'incitait à des croyances<br />

315


profondes, à des prières que jamais je n'aurai osé imaginer. J'étais<br />

devenu mystique.<br />

316


À ses pieds<br />

À ses pieds ! Et des idées neuves ! Tu lui dois une bonne<br />

reconnaissance ! Que serais-tu s'il n'avait existé ? Quelle fraîcheur<br />

aurais-tu cueilli ? Le grand sentiment pour le père et le génie. L'espoir,<br />

l'aide pour les espaces neufs.<br />

Je veux la grâce pour les insinuations, les échos et les sonorités<br />

débiles. Il faut me pardonner. J'ai l'esprit de la bêtise. Quelle importance<br />

puisque ce n'est pas imposant.<br />

J'ai gâché mes jeunes années avec des compagnons imbéciles,<br />

des sourires niais, des gamineries studieuses.<br />

J'ai relevé le défi. Le retard était immense. J'ai flambé les étapes !<br />

J'ai vidé le sens de l'alexandrin et cassé la musique !<br />

À ses pieds. Ses rythmes, ses formes, ses génies et tous les<br />

hommes bavent là-dessus. Pas besoin d'être consolé puisque c'est une<br />

autre vie. Il est si beau, unique, lui.<br />

La conscience : poursuis ton travail.<br />

D'ailleurs, qui sait si l'amour n'est pas le plus important. Le<br />

317


travail ne mène peut-être à rien.<br />

Tu voudrais changer la rime du discours. Tu ne sauras jamais<br />

chanter. Tu es le plus mauvais. La faute, l'erreur incombent à la<br />

jeunesse. Enfin, c'est mon sentiment.<br />

Je me connais très bien. Il y a en moi un grand mystique. Je<br />

regagne d'autres formes, mais je n'ai plus le droit de renaître. Près de<br />

Dieu, je fus le coeur purifié.<br />

Lui seul est le maître de l'homme nouveau. L'Ange aux yeux<br />

bleus. L'enfant né, le poète prêt à toutes les expériences, ce Satan<br />

désargenté croyant à l'élixir de vie. Le phénomène à imaginer. La<br />

foudre. Ai-je une seule fois su flatter quelqu'un ?<br />

318


Se pourra-t-il<br />

Se pourra-t-il que tu nous entraînes vers des profondeurs<br />

inconnues ? Que tu laisses sans te retourner ce patrimoine d'or, la<br />

richesse de l'adolescence ? Pour qui ?<br />

Il disait<br />

Il disait : "Jamais tu n'auras la patience. Ton monde trop petit à<br />

exploiter est ennuyeux. Les lignes accumulées noircissent des <strong>pages</strong>.<br />

Pourquoi ne te relis-tu pas ? Sans complexe, tu avales les mots en leur<br />

donnant des significations étranges que toi seul comprends. C'est un trop<br />

plein de ta cervelle. Tu accumules les idées. L'Art n'est jamais entré chez<br />

toi. Rien que de vagues notions, et encore de poésie primaire !<br />

Tout ce qui t'est inconscient, vicieux ou bête est exprimé. La<br />

réflexion est nécessaire avant que de commencer. Toi qui as toujours<br />

écrit à intervalles réguliers. Aucun surpassement, aucune originalité.<br />

Que voulais-tu donc prouver ? Qu'est-ce que cela devait dire ?"<br />

"- Que pourrais-je reprocher à cette méthode ? De m'être lancé<br />

désespérément à la conquête de l'irrationnel ? Je ne suis sûr de rien. Aije<br />

trouvé une autre formule ?"<br />

319


Conjuguer le verbe<br />

Conjuguer le verbe me semble souvent difficile. Je préfère<br />

utiliser le présent. Je crains d'écrire avec d'énormes bourdes dans le<br />

manuscrit. Là, du moins je sais où je m'engage... Tu ne feras pas succès.<br />

Je produis ainsi : aucune syntaxe, le style n'est pas assuré, des<br />

formes douteuses.<br />

On se modifie. Je déshabille les phrases. On se demande<br />

comment certains s'y sont pris.<br />

Les heures d'insomnies, à quoi servent-elles ? Cette nuit, je me<br />

sens libre. Pourtant, je suis enfermé dans ma chambre. Mon réveil est<br />

retardé. Ma chimie est incompréhensible et inviolable maintenant.<br />

Purifier la langue<br />

320


Purifier la langue ? Que fais-tu donc ? Le surplus est<br />

inutilisable. Pas de fioritures, pas de tournures de phrases.<br />

Des milliers de retouches ! Se plonger dans ces papiers<br />

grossiers ! Demain, cela s'élèvera... Déjà, on y trouve un sens. Quelle<br />

comparaison avec Radiguet !<br />

Reconnais l'insignifiance de ces <strong>pages</strong>. Pour quel public ?<br />

Lignes superficielles, invention stérile, le minable sans effet de<br />

parade. Comment composer ? Impossible, ma soif est apaisée !<br />

321


Comment vivre ?<br />

Comment vivre ? Travailler toutes les nuits. Recolmater tous<br />

ces poèmes pour ne pas être publié. Ma raison est en enfer. Je<br />

commence à m'en détacher. Je débloque. Je suis à la merci de ma courte<br />

mémoire. Je n'obéis qu'à ces tristes mensonges ; Je n'ai pas le caractère<br />

pour vivre l'invitation au bonheur. Cromwell et De Fontenoye n'ont<br />

guère réalisé que je portais la lanterne chauffée avec des morceaux de<br />

bois. Retourne dans ton sac ces bouts d'essai, hélas !<br />

Sans force<br />

Sans force, un style bâclé à tout venant, bannissant toute<br />

réflexion, - une écriture lâche ! Fluide de pisse ! Des mots sortis d'une<br />

imagination fatiguée par des milliers d'heures de travail, courant à la<br />

recherche d'un esprit neuf. Ces phrases qui chancellent comme déportées<br />

par un grand souffle, qui voudrait s'en occuper ?<br />

Ceci est fort détestable. Il faut prostituer les ordures de la<br />

maison. Que la faim me prenne au ventre ! Je ne veux plus discourir des<br />

vices de mon âme.<br />

322


Les mots sont en grève<br />

Les mots sont en grève. La source est oubliée dans la mémoire.<br />

Ils attendent que je les rappelle.<br />

Ce qui était substantiel est devenu dérisoire. Hier, c'étaient de la<br />

musique, des chœurs, des chanteurs même ! J'obtenais des accords<br />

étonnants, des situations fausses qui étaient rarement des essais<br />

fructueux.<br />

J'ai décidé de me tourner vers la "modernité". Mot magique qui<br />

cache tant de mystères, qui ne veut plus dire grand-chose. Je compte<br />

faire quoi ?<br />

De mes voyages et de mes entreprises<br />

De mes voyages et de mes entreprises, il ne me reste rien. À<br />

présent, je vis caché et enfermé. Je sais que la lumière est à l'intérieur.<br />

Regarde-toi toi-même ! Et je vis !<br />

323


Autour de moi<br />

Autour de moi.<br />

Je me conduis en jeune homme très ordinaire bourré de<br />

contradictions, cherchant un système...<br />

Je suis un rescapé issu d'une légendaire pluie de fantômes. Tout<br />

m'est chu avant la lettre.<br />

J'ai eu de fâcheuses entrevues. On m'a pardonné mes<br />

gamineries, les tâches des débutants... On m'a autorisé de stupides<br />

âneries.<br />

Ma faute fut d'avoir vu sortir de si pesants poètes. J'ai évité des<br />

drames, j'ai consolidé les parties fraîches de ma cervelle. J'ai longtemps<br />

cru y gagner en maturité.<br />

324


Nous maudissons à quatre<br />

Nous maudissons à quatre tout ce qui nous vient des autres. Les<br />

silences sont nos puretés. Il nous faut longtemps puiser en nous-mêmes<br />

pour rejeter les cas d'imbécillités présentées.<br />

Étrange métier que celui d'écrivain. Il se peut que gagner ne soit<br />

pas vaincre. Nous agissons avec illogisme, en trop peu de temps. Ce sont<br />

des œuvres ridicules, sans intérêt.<br />

Bouleversement dans la littérature. Détection des jeunes génies.<br />

Travail intense. Aides, maîtres. Rentabiliser les cerveaux. À quel prix ?<br />

Écoles spécialisées. Évolution, largesse intellectuelle des enseignants.<br />

Multiplication des œuvres d'art à un degré élevé. Avantage pour la<br />

communauté. École de poétique ?<br />

325


Effets cyniques<br />

Effets cyniques que je recherche ! Je me déplace dans<br />

l'analogie, ou je calque ceux qui me précèdent. Qu'ai-je à en tirer moi<br />

des danses lyriques qui m'invitent à aimer ? Rien. Le peu de bonheur que<br />

je reçois contribue à me rendre idiot. La folie s'empare de l'âme comme<br />

l'enfant agrippe ses jouets. Mais vrai je m'amuse énormément de ces<br />

bêtises.<br />

326


Toujours à détruire<br />

Toujours à détruire ces forces, vers, lignes et poèmes.<br />

Inquisition. La loi est d'inventer. Je leur vends mes beautés. Ils habitent<br />

ma maison. Qu'ont-ils à me reprocher ? Mon acharnement au travail ?<br />

Ces maigres contributions ? Savent-ils ce que j'ai enduré poussant les<br />

mots sans même l'espoir de chiffrer ?<br />

Qu'il libère<br />

Qu'il libère les sens et les pensées déformées quand les sons<br />

puissants retentissent dans ses oreilles de marbre !<br />

Que la voix imposante continue à s'entendre par-delà les<br />

frontières de l'exil !<br />

Les bruits lassent les recherches mêmes vaines quoiqu'il s'essaie<br />

encore à trouver de nombreuses substances.<br />

327


Les oraisons incantatoires<br />

Les oraisons incantatoires échappent à la fumée productrice qui<br />

évolue en cercles symétriques au-dessus des habitations ombragées.<br />

Elles s'appellent, se répondent avec des échos aux sens inaudibles, se<br />

contraignent à écouter les paroles irrespectueuses. Le temps obscurcit les<br />

roulis glorifiés qu'elles harponnaient de flèches triviales.<br />

328


Abolie la peine<br />

regarder.<br />

Abolie la peine pour des morts certaines, et je me décide à les<br />

Des contemplations hâtives. Elles n'existent pas. Puis des étapes<br />

sur des chairs de rêves pour aimer.<br />

Un mot par sa bouche, et la pyramide des syllabes s'écroule sur<br />

les feuillets, et renaît encore.<br />

Elle s'enfuit par la montagne. Je la suis épouvanté. C'est elle qui<br />

me condamne. Je ne bougerai pas.<br />

La règle des infinités. Comme des escalades et de nouveaux<br />

principes, des phrases fusent et viennent ici mourir.<br />

329


L'inquiétante femme<br />

L'inquiétante femme se donnait, se glissait lentement dans mon<br />

lit, me prodiguait des caresses luxuriantes, et obtenait de moi plusieurs<br />

orgasmes par nuit.<br />

Je la revois dévêtue, offrant sa vulve étroite, son pubis blond,<br />

touchant et touchant ses seins pour faire dresser leurs pointes, puis<br />

venant vers moi me faire encore l'amour.<br />

Je l'ai tuée. Vouloir la prendre, c'était la faire disparaître. En<br />

fait, quelle bêtise ! Il fallait la détruire pour retrouver sa vie sexuelle.<br />

Même dans les campagnes où je faisais une tournée spirituelle,<br />

elle me poursuivait. La chance simplement ! Et dire que je n'ai jamais eu<br />

l'idée de la prier.<br />

Il doit être ajouté que j'ai failli mourir. La folle s'enivrait de mes<br />

fantasmes, de mes luxures et de tous mes péchés. Ce qui me semblait<br />

heureux pour une vie efficace, n'était que l'élément même de ma<br />

déchéance. Je l'ai petit à petit évincée. Elle a perdu ses forces ne se<br />

nourrissant que de mes fantasmes.<br />

Elle a disparu telle une entité.<br />

330


331


Moi, j'irai la sertir longtemps<br />

Moi, j'irai la sertir longtemps, dans ses souvenirs vides et<br />

passés, mélangeant toutes les vies et tous les vices. Je retrouverai l'esprit<br />

clair des nuits ombreuses.<br />

Plein de fougue et d'entrain pour des femmes alanguies qui<br />

scandalisent avec leur nudité. Celles avec qui l'on couche pour leur<br />

ressembler, les autres que l'on aime pour leur beauté. Savoir le génie de<br />

la femme, et pleurer dans ses bras. Ou bien, vivre des danses sexuelles et<br />

s'épuiser dans les draps défaits.<br />

332


Le message<br />

Le message dans les grands draps des chimères pour les lits<br />

d'amertume nous a récompensés. En obtenant le partage, de nouvelles<br />

mesures se sont esquissées. Deux lustres pour l'expression de la<br />

souffrance qui battait à peine. Puis l'erreur s'est implantée.<br />

À présent, je redonne la priorité à la Grande Dame, et je<br />

réinvente les pâleurs virgiliennes pour la mieux supplier.<br />

Est-ce cela l'Amour ? Ce cadavre qui s'écroule avec des plaintes<br />

et des cris accentués. Elle m'attendra encore. Moi derrière les murs de<br />

ma prison, écervelé, je l'oublierai.<br />

Les salles, je les veux pleines, craquant sous le poids des<br />

ordures et de la bêtise humaine. Quand nos courses seront retombées, un<br />

autre profil répondra à nos angoisses. "Je n'ai jamais eu réellement froid,<br />

me disait-elle, ta folie m'a apprivoisé. Pourquoi ne pas avoir crié ? Je<br />

t'aurais aidé et compris." Etc.<br />

333


Ces humains ont-ils des âmes ?<br />

Ces humains ont-ils des âmes ? L'esprit est lourd de bêtise et de<br />

confusion, l'âme stérile est stupide. Rêvent-ils ou bétail, mâchent-ils<br />

leurs imbécillités ? Minables et satisfaits de l'être !<br />

Lâche la haine, puisque la haine est en toi. Grand besoin de<br />

renaître ces coupables. Il faut qu'ils revivent du moins pour se purifier !<br />

Que d'ingratitude dans de si maigres cerveaux ! Le pardon est<br />

indiscutable.<br />

Mon départ vers les hommes est un échec. J'ai réalisé leur<br />

néant. Je me suis plongé dans des sources taries. Ma bonté m'a perdu.<br />

Des règles pour ce peuple malséant. Des lois.<br />

C'est de tenir ou de mourir qu'il est question. Ils m'en font baver.<br />

Aucun retour. De la lie, de l'insouciance. Seigneur, qu'on les éclaire ! - On<br />

les éclairera.<br />

Un régiment, des terrains vagues, des matricules pour ces<br />

damnés. Ils ignorent qu'ils vivent ! Un dirigeant pour ces fous d'ivresse<br />

et d'insouciance. Leur tête est à prix. Non je ne les tuerai pas. Pourquoi<br />

baigner mes mains dans le sang ?<br />

334


Ô messager<br />

Ô messager, passe-moi le secret !<br />

Silence.<br />

Le secret des magiciens.<br />

Je prévois un grand poème sans prétention, sorti du néant - Ils<br />

m'écoutent béats, ils vont m'interrompre - une fatidique résolution à tout<br />

emporter !<br />

Me trompais-je quand j'imaginais un avenir meilleur ?<br />

Toujours est-il qu'il me faudra attendre moi inconnu des heures de toute<br />

beauté tandis que ma capitale jeunesse s'achève. Je rougis d'avoir autant<br />

travaillé. Dire que j'écris si mal !<br />

Je lis mal ! J'écris vite ! Assez d'âneries. Pourquoi se plaindre ?<br />

Ta vie est ce qu'elle est. Je la rêvais différente.<br />

public te l'a dit ?<br />

Je masquerai ma haine puisque je suis sans importance. Quel<br />

"Salut, lis et à travailler", qu'ils auraient pu dire.<br />

Moi, je n'ai pas quitté ma chambre.<br />

335


Un coquelicot doré adossé à la fenêtre sent venir le courant sous<br />

ses longs cheveux.<br />

Comme tout cela est vraiment bête !<br />

Flamboyant, prétentieux, idiot, quelles raisons invoquer pour<br />

cela ? D'ailleurs je ne veux pas de réponse. Le mystère. Je m'abandonne<br />

à de simples spéculations.<br />

Un commando tombé du lit sans voix, à l'improviste me trempe<br />

dans le poème ? Moi, j'évinçais leurs conseils. Que le moi fut plein !<br />

Qu'ai-je à regretter ? Rien. La moisson du mystère ? Je<br />

l'abandonne. Après tout, ce ne sont peut-être que des mensonges...<br />

De mémorables lesbiennes que je devais déflorer, et faire jouir.<br />

Je devais m'en occuper assidûment et déplacer les frontières de leur<br />

sexualité.<br />

Quand bien même, on me reconnaîtrait du talent, je dois<br />

attendre, m'armer, me fortifier etc. Vieillir !<br />

Tristesse, hécatombe, meurtres, incendies, grande tristesse ce<br />

soir : je n'ai pas eu souci de plaire.<br />

336


Adossé à mon lit et malade, de qui aurais-je pu avoir peur ?<br />

Vont-ils enfin se taire ou parler ? Ils préfèrent se taire.<br />

Satané monde prêt à mentir d'un rire infâme, tandis que je<br />

m'obscurcis complaisamment.<br />

Un monde éphémère, changeant, compliqué et lunatique. Un<br />

monde ou un public ?<br />

Je croyais aux grandes vertus. Je prouve que l'effort même<br />

unique ne mène à rien.<br />

Efficacité nulle, leur venue. Des silences. Il faut calquer parfois<br />

des poèmes. Très drôles, ces écrits. À quoi servent-ils ? Pitoyables<br />

poèmes. Et personne n'a ri.<br />

C'étaient tes chances, ces pacotilles que tu n'as pu saisir. C'était<br />

l'ordre de ton succès !<br />

Hécatombes, silences. J'avais à filtrer leurs venues. Mon<br />

occultisme naïf a tout évanoui.<br />

337


Encore faudrait-il<br />

Encore faudrait-il que tous vos fantasmes se fissent en plein<br />

jour, que vos grandeurs d'âme rassemblassent nos espoirs ou nos<br />

évidences !<br />

Tout nous classe, nous dirige à progresser, à aller de l'avant. Des<br />

fainéants regardant le troupeau brouter. Les théâtres nous interrogent. Nous<br />

voulons la chair, nous délirons par le cœur. Appelle-t-on cela le vice ?<br />

Tant d'enseignements, tant d'esprits féconds que nous<br />

n'utilisons que bêtement ! Les fortes intelligences guident nos pas. Qui<br />

les embrasserait ?<br />

Nous jugeons et détruisons nos ancêtres, et baignés dans un<br />

siècle bouleversé, nous espérons tout transformer. Piteuse jeunesse qui<br />

se pâme de déchets radioactifs, de mois de mai et de camps<br />

concentrationnaires. Ils hurlent ceux qui n'ont plus de quoi faire des<br />

livres sur les guerres de l'Orient !<br />

Des gueulards, des incapables, des sans sujets ! Quelle<br />

connaissance détiennent-ils du passé ? Ils se pavanent parce qu'ils ont lu<br />

quelques grands poètes. Ils jureraient de donner des conférences ! Des<br />

338


je-parle-de-tout et des je-ne-sais-rien.<br />

339


Noble écrivaillon<br />

Noble écrivaillon banni par l'ensemble, tes nuits grossissent, tes<br />

ennuis fracassent ta tête.<br />

Graduellement des secousses comme celles éprouvées par le<br />

Malade font souffrir à chaque instant.<br />

Hôpital des dimanches quand j'entends ronfler la tondeuse à<br />

gazon du voisinage, quand son bruit languissant assourdit mes deux<br />

oreilles.<br />

T'essaies-tu aux rigueurs<br />

T'essaies-tu aux rigueurs, aux larges rigueurs de ta forte nuit ?<br />

Pensais-tu renverser l'ordre nouveau ?<br />

Tu avançais avec ta perte, ignorant les vicieuses plaies. Quel<br />

saccage ! Quel travail ! Des inaptitudes reconnues !<br />

Ô cuirasses de plaisir, j'entends battre à l'assaut mille forces.<br />

J'entends gémir l'ordre absolu !<br />

340


Il goûte à ces plaisirs grotesques<br />

Il goûte à ces plaisirs grotesques. Il se noie dans la chair<br />

vicieuse, et lèche ces nécessités excrémentielles. Il aime à se vanter de<br />

ses lamentables conquêtes.<br />

Sous des abords très convenables, multipliant les avances,<br />

poussant les vices à l'extrême, on le voit se disculper : Il vit ! En fait, il<br />

croit vivre. Car ses raisons l'entraînent vers des buts insensés.<br />

Son nom frappe avec intensité les portes des caveaux où des<br />

femmes attifées de souvenirs vulgaires, le vampent d'une œillade<br />

généreuse.<br />

Mais tous ces succès se rencontrent aisément - des luxes faciles<br />

-, des phrases grossies sous des lumières multicolores. - Lumières<br />

stupides !<br />

Il se prête pourtant au jeu, inventant des puérilités, niant ses<br />

faces cachées. Sa tolérance se reflète sur les crânes abrutis ou vidés. Il se<br />

déçoit mais feint à son ignorance.<br />

Quel que soit son chemin, quelles seraient ses traverses ? Son<br />

341


destin le rejette vers d'autres infortunes.<br />

Un drôle insensible à ce genre de vie, un inconscient prêt à des<br />

basses concessions pour vivre ses amours. Ho ! Le crétin incapable de<br />

briser les chaînes d'or qui le font suer dans cette chambre !<br />

Quelle tirade facile ! Quel jeu enfantin ! Pourquoi ternir ces<br />

<strong>pages</strong> de rouge ? Cette couleur ne se rencontre jamais.<br />

La vague confession dans l'âme déchirée. Je suspends mes<br />

carnages ; je cesse de me plaindre.<br />

Mais un esprit malin veillait à ses délices. Ses cruautés amères<br />

avec de vils péchés se perdaient dans le creux de l'instant.<br />

C'étaient des bruits sauvages, des écoutes passives. Se mêlaient<br />

des rires furibonds avec des chocs passifs.<br />

Tous semblaient le surveiller ou lui venir en aide. Il l'a cru !<br />

Non, il ne sait plus. Ses nuits s'encombrent de silence. Il tire de grands<br />

avantages à exprimer ses confessions.<br />

On se dit écrivains ou docteurs. On s'invente des professions.<br />

Rien au sérieux. C'est la parfaite ignorance, celle qui fait se poursuivre<br />

les questions.<br />

342


En une période plus faste, moins terne - une période<br />

d'indulgence - on eût pu concevoir des tourments sauvages, indignes de<br />

sa belle vie. Il eût été humain d'achever ces actes de barbarie pousser à<br />

leur extrême, et d'expliquer les primitifs mystères.<br />

343


Un grand trou méchamment blotti<br />

Un grand trou méchamment blotti entre quatre haies d'acacias,<br />

et les sèves exaltantes coulent en saccades jusqu'au parquet d'en face.<br />

Point de fraîcheur à espérer dans ce jardin-là : les branches vieillies<br />

blanchissent de tous côtés.<br />

Un monde bestial dès l'automne surgit, réapparaît sous les<br />

fenêtres ternes des surfaces aérées. La cupidité humaine ressuscite et se<br />

polarise sur des effets négligeables pour que les gens s'interrogent.<br />

différemment.<br />

Longtemps fuir les modèles que l'artiste interprète<br />

344


La nuit en juillet<br />

La nuit en juillet couvert et silencieux. Dans ce jardin monotone<br />

et stérile hanté de cent personnes où tout est mort, on ne raconte rien.<br />

Mauvaise allée avec ses gravillons. Lignes travaillées qui vengeront ce<br />

néant vert, lignes pour le progrès ! Que la ligne soit belle !<br />

Sous le climat laid qui tombe, je suis à plaindre. C'est la prison<br />

médiocre ! La chambre bleue ne tranchera pas sur mes souvenirs.<br />

Templiers de la mort, chanterez-vous mes querelles ?<br />

Frapperez-vous les ordres qui semblent survenir ? Que vous êtes<br />

méprisables !<br />

Je vomis les artifices et je vise de savantes sueurs. Ma tête<br />

remplie de songes illustres multiplie ses défauts.<br />

Elle navigue à la découverte de vastes terres. Quelle se<br />

convertisse, elle qui flambe les étapes !<br />

345


Les transmutations alchimiques<br />

Les transmutations alchimiques tenaient en émoi le pauvre<br />

Eléonard dans sa prison depuis six années. De vieux livres achetés à un<br />

prix d'or renfermaient le secret de la longévité.<br />

Il s'était procuré les grimoires par une secte très spéciale qui<br />

pratiquait la magie noire et qui de temps en temps se réunissait pour<br />

fêter le sabbat. Le Grand Maître lui avait proposé le Livre des Anciens à<br />

des conditions excessives moyennant quoi, Léonard curieux de<br />

beaucoup de choses accepta. Il s'était fait rouler. Le bouquin était une<br />

sorte de Grand et petit Albert où les recettes de cuisine sont plus<br />

nombreuses que les moyens de faire fortune.<br />

On y apprend que les ecclésiastiques portent à leur doigt une<br />

bague en améthyste qui les préserve de l'ivresse, que la bave du limaçon<br />

a des vertus curatives et guérit des maux de ventre, mais l'art de faire<br />

fondre de l'or, on n'y trouve point la recette.<br />

346


Assez de l'analogie<br />

Assez de l'analogie et de son génie. Les heurts de mots<br />

absolument incompatibles feront de moi un être reconnu. Assez du<br />

compte et de l'accentuation, j'écrirai sans cela. Ma terre, mon inspiration<br />

suffiront. Que m'importe le texte écrit ! Pourquoi se soumettre à des<br />

règles vieilles de trois siècles ? Ne peut-on plaire sans cela ?<br />

Laissez-moi l'accord des mots, je serai qu'en faire. Ne dites pas<br />

de moi que je suis un faible parce que je ne suis pas un chasseur<br />

foudroyant, parce que ma jeunesse m'interdit tout travail sérieux sur la<br />

page blanche !<br />

Laissez-moi faire, je vous dis que cela vous plaira. Je ne<br />

prônerai pas l'anarchie. Je donne à la mémoire toute liberté. Je crois en<br />

elle.<br />

Lisez tous ces piètres inconnus qui s'efforcent d'associer<br />

quelques techniques à leur faible savoir. Regardez-vous aussi, vous qui<br />

ne vendez rien, qui n'intéressez aucun public.<br />

347


Nous maudissons à quatre<br />

Nous maudissons à quatre tout ce qui nous vient des autres. Les<br />

silences nous sont si chers qu'il nous faudra longtemps puiser en nousmêmes<br />

pour rejeter les cas d'imbécillités présentées.<br />

Il est un verbe<br />

Il est un verbe, il est un mot qui doit venir, qui nous appartient,<br />

qui nous échappe pourtant. Il est ma sève, mon droit et mon orgueil.<br />

C'est un esclave qui nous domine, - stupide état !<br />

Je vomirai toutes les haines qui sont en moi. Je cracherai sur les<br />

sépulcres qui s'encombrent de poèmes. Et je ferai pleuvoir des<br />

montagnes de sperme et d'excréments.<br />

Le peuple tout entier tremblera, effrayé par les forces du destin.<br />

Ceci sera ma vengeance. L'acte qui épuisera le monde.<br />

La foudre s'abattra sur les femmes, les enfants, les vieillards, les<br />

malades. Des tremblements de terre dévastateurs et d'énergiques tueries<br />

sur la population !<br />

348


Je veux égorger le Mal qui rôde, qui s'installe en tout lieu. Ô les<br />

membres décharnés, et le sang que je tords !<br />

La réalité<br />

La réalité est-elle à ce point écœurante que je doive m'éclipser<br />

d'une vie momentanément perverse et ridicule ? Quelle réponse attendre ?<br />

La femme m'ignore, me rejette vicieusement.<br />

À chaque instant, un fragment mortel me condamne à rejeter les<br />

habitudes que je ne m'étais promis de suspendre.<br />

Tout m'éclaire avec horreur, tout me jette les feux de la<br />

décadence. Elle est là, butée et servile. J'invente mes fantasmes.<br />

Mais ces têtes nécessairement affreuses me provoquent, me<br />

contraignent à me battre. Une compensation douteuse, une danse stupide<br />

! Que réaliser dans ce royaume ?<br />

349


Longtemps après les cavales<br />

Longtemps après les cavales dans les bois, je m'endormis à la<br />

première étoile de l'été.<br />

Les mains sur les hanches, je fis un tour complet sur moimême,<br />

et je regardais le paysage près du ciel. Un grand poète face à moi<br />

dans les pénombres des arbres élevés.<br />

les feuillages.<br />

Je tournai la page, et un autre homme me rit à la figure à travers<br />

Au milieu des bosquets, un rappel de symphonies humaines : de<br />

larges voix vagabondaient dans mon âme.<br />

Ma tentative fut de m'exprimer. Rien ne sortit de ma bouche.<br />

Dans les moissons, je trébuchais sur ma jambe d'appui. Ils se<br />

moquèrent de moi. Arrivé près de la dernière demeure, je trouvai la clé<br />

des folies éternelles. Je ne pus les chasser. Elles revinrent en force.<br />

Mon esprit grandissait. Je me croyais chanceux. J'étais à<br />

350


plaindre. Le réconfort est lié à l'espace. Mon temps est trop cher,<br />

j'attendrai.<br />

Je repris une course belle à travers les sous-bois. Parmi les<br />

ombres menteuses, je m'effrayai. On me montra du doigt. Je pleurai<br />

souvent.<br />

Entre les châtaignes, je reçus des épis d'or. Malmené, j'aperçus<br />

la Vénus verte pour deux nus cachés. Ma jeunesse grossissait en raison<br />

du vin bu. Ma modération cachait mon tour de tête. En raison du parti<br />

pris, je cognais une nouvelle fois mon sang dans ma cervelle. Je ne lisais<br />

pas.<br />

Qui sait si je ne respirerai pas l'air du printemps et ses herbes et<br />

ses odeurs et ses mirages ? Mais non, car l'aventure a rendu amer mon<br />

exil.<br />

351


Un jardin naturel<br />

Un jardin naturel où foisonnent de laides orties ; s'agrippent à la<br />

croisée des rosiers qui agglutinés monteraient aux murs du pavillon.<br />

J'aperçois les arbres verts, les sapins tordus, les volets bleus de la<br />

mansarde. A gauche, un pré jauni par les flèches cruelles du soleil. De<br />

l'autre côté, la route passante. Y circulent cyclistes, piétons, automobiles.<br />

Rien à l'exploit. Chacun à sa vitesse. Les infirmes sont exceptionnels.<br />

Des gosses avec des ballons, des planches à roulettes, - innocence et<br />

rires enfantins.<br />

La maison c'est une vaste chapelle faite de lieux saints. Les<br />

morts y parlent. De l'eau bénite dans tous les coins. On croit au mystère.<br />

Des crucifix et des images de vierges entourent d'une vapeur indicible<br />

les rares invités. Tout pour la charité. On se donne bonne conscience. On<br />

prépare les décès. Et pas de place ici pour les assassins d'oiseaux à<br />

moitié crevés ! Que d'hirondelles déficientes ! Du pain malaxé dans du<br />

lait : elles vivront. On ne leur tordra pas le cou. Elles seront fortifiées et<br />

prêtes pour le départ, le départ automnal.<br />

352


Un coup du sort<br />

Un coup du sort nous jettera-t-il dans la course aux souvenirs ?<br />

Enfin est-il possible qu'un lancé de dé insignifiant libéré à une vitesse<br />

extrême au calcul de six, perturbe irréversiblement l'existence du lanceur ?<br />

En ce cas, il serait possible qu'un jet de dé lâché dans des<br />

conditions illusoires ou grotesques opère une action sur l'ordre du joueur<br />

afin de bouleverser ses caractères ?<br />

Je compte pourtant sur cette tentative démentielle et libératrice.<br />

353


Ces humains ont-ils une âme ?<br />

Ces humains ont-ils une âme ? L'esprit est lourd de bêtise et de<br />

confusion, l'âme stérile est stupide. Rêvent-ils, ou bétail mâchent-ils leur<br />

imbécillité ? Minables et satisfaits de l'être !<br />

Lâche ta haine puisque la haine est en toi ! Grand besoin de<br />

renaître ces cancres ! Il faut qu'ils revivent du moins pour se purifier !<br />

Que d'ingratitude dans de si maigres cerveaux ! Le pardon est discutable.<br />

Mon départ vers les hommes est un échec. J'ai réalisé leur<br />

Néant. Je me suis engagé vers des sources taries. Ma bonté m'a perdu.<br />

Des règles pour ce peuple malséant. Des lois.<br />

C'est de tenir ou de mourir qu'il est question ? Aucun retour. De<br />

la lie, de l'insouciance. Seigneur, qu'on les éclaire ! Ils seront éclairés !<br />

Un régiment. Des terrains vagues. Des matricules pour ces<br />

damnés. Ils ignorent qu'ils vivent. Un dirigeant pour ces fous remplis<br />

d'ivresse et d'inconscience. Non, je ne les tuerai pas. Je me salirai les<br />

mains.<br />

Et dans la nuit noire<br />

354


Et dans la nuit noire, je pensais. Une nuit lugubre où je me<br />

morfondais sur quelques intérieurs de mes bonheurs passés. Ces soirs<br />

qui s'acheminent toujours vers des inquiétudes mêlées à des angoisses.<br />

Ces soirs quand la mémoire s'étire, et toute remplie de confusion<br />

s'enivre.<br />

En ces soirées douteuses, je songeais. Mais rien ne vivait<br />

réellement en moi. Des images sacrées, des images anciennes se<br />

bousculaient comme au sortir d'un tombeau. Des scènes étranges<br />

captivaient mon âme. On aurait dit un sacrement bizarre. Les scènes se<br />

succédaient avec mépris et horreur. Et je vis tout à coup le Mal, le<br />

Néant, le désir s'emparer de moi.<br />

Était-ce la peur, était-ce l'angoisse ? Un malaise intraitable me<br />

prit au collet comme un lapin étranglé par ce lacet. Les heures<br />

imperturbables se poussaient l'une à l'autre. Le temps se jouait de moi.<br />

355


Les horreurs de mes yeux<br />

Les horreurs de mes yeux, et les lentes putréfactions vues<br />

comme je réfugiais mon regard vers des allées maussades.<br />

Une femme croupissante, recouverte de plaies de la tête<br />

jusqu'au bassin nue, rejetait ses matières fécales nauséabondes et urinait<br />

cela même.<br />

Clocharde dans l'allée, ivre sans doute, vieille et toute ridée,<br />

laide et sale elle faisait. Le visage crispé, accroupie, elle accomplissait<br />

son acte sous le réverbère.<br />

À la dérobée, je la vis prendre quelques feuilles d'un arbre<br />

malingre. Je dirais cela et rien de plus.<br />

Oeil furtif à droite et à gauche, et remit tous les habits entassés<br />

sur la bordure de la pelouse, se rajustant rapidement. Cela je vis, et<br />

c'était la nuit.<br />

Je fus pris de terreur et d'angoisse. J'étais comme stupéfait,<br />

bouche ouverte doutant de mes sens.<br />

Mais plus encore quand titubant après que l'infortunée eût<br />

356


disparue, j'allais vérifier si le rêve ne m'avait pas trompé.<br />

357


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME II<br />

ANNÉES 78 - 79<br />

Le Moût et le Froment 79<br />

Le Croît et la Portée 78/79<br />

ParFum d’aPaisement 78/79<br />

358


Le Moût et le Froment<br />

Le monde est vicieux<br />

Le monde est vicieux, je te l'ai déjà dit. Que m'importent tes<br />

paroles et tes actes insensés pour me tirer de mes lourds sommeils ? Que<br />

me veux-tu avec tes longues tirades et tes discours absurdes ? Tu me<br />

vends toutes les séquelles de la pensée uniforme, réflexions de<br />

l'enthousiasme, des plaisirs et du jeu. Tu me proposes l'avenir partagé<br />

entre mille tourments. Tu voiles tes fantasmes et tes licences sous des<br />

questions nocturnes. Mais tu mens ! Tu désires la luxure et l'élévation<br />

quantifiées de douleurs. Tu voles encore les attaches d'une vie saine<br />

passée dans le silence et la solitude.<br />

La punition sonne : une pluie d'applaudissements et un tonnerre<br />

de symphonie. La folie m'invite aux rejets de ces concessions. Mais tes<br />

marques, figures et souffles organisent ma soif de péchés. L'être imberbe<br />

s'étire malgré lui, et tombe sur les portes de l'enfer. C'est ton nom qui<br />

s'étonne. L'alternative est trompeuse. Moi, gonflé d'insouciance j'entends<br />

dès lors les bruits sourds de la renommée - de ta renommée.<br />

Tu dois vivre, réponse inlassable dépourvue de sens. Toutes tes<br />

359


haines pour des catastrophes circulent dans mon âme. Mon désespoir te<br />

fait rêver. Ma chute est ton envie.<br />

Tu dispenses à l'infini les sermons que je bafoue. Tu récuses<br />

mon affirmation. Tu accuses mes pensées. Tes chants, ta voix jettent des<br />

vibrations désespérantes. C'est le déchirement de l'enfant vers l'adulte, la<br />

dernière phase des délices de la puberté. C'est l'abrupte vérité du futur<br />

grandi. L'angoisse bat son plein.<br />

J'essuie les interprétations diverses, les lacunes et les<br />

déchiffrages. Comme un grand spectre endormi je me retourne, et d'un<br />

bond m'éveille trempé de sueurs. Ta haine me brûle, et mes entrailles se<br />

gonflent.<br />

La marche vers les invincibles forces, le retour au sacrement<br />

des demi-dieux ! La jeunesse et les crasses et les feux de la raison<br />

illuminent les nombreux détours.<br />

À tuer les richesses, les travaux et les horreurs du soir !<br />

Indignes les transes et les déversements des larmes desséchées !<br />

360


Par-delà toutes ces marques<br />

Par-delà toutes ces marques imprégnées qui usent ta vigueur<br />

divine ; par-delà le harcèlement éternel qu'il te faut subir sous ces lueurs<br />

torves et déchirantes, c'est l'esprit de la soumission que tu es prêt à<br />

tolérer. Tu jouis de ces mensonges comme une femme complaisante<br />

nageant dans de monstrueuses orgies. Tes revendications ne sont que des<br />

pleurs, facilités vis-à-vis des autres et de toi-même. Car tu aimes à<br />

toucher d'un doigt mesquin tes saveurs déployées, tes suavités<br />

fulgurantes. Tu aimes à entendre ces agaceries bizarres qui frappent ton<br />

âme révoltée mais distendue.<br />

Ces horizons s'illuminent tout à coup avec des torches vivantes,<br />

enflammant l'intérieur possédé et visqueux. Quand bien même, tu<br />

rejetterais cette image, tu la détiens. Tu la portes malgré toi, contre toi.<br />

Tu vis dans l'horreur de la déformation, avec la vengeance, avec la<br />

bestialité sublime que tu sais battre en toi. Ô puissance infinie et<br />

pourtant invincible !<br />

Tu acceptes la soif de vengeance dont la seule nécessité est de<br />

te nuire. Après la contemplation languissante, joie des règnes putrides,<br />

tu te perds dans des luttes excessives, indignes de ton affreuse foi. Tu as<br />

longtemps goûté les délectations fatidiques, les hymnes triomphants<br />

entendus à chaque heure du jour et de la nuit. Les voyages bienheureux<br />

361


s'offraient plus loin. C'étaient des sentiments blafards, des couleurs<br />

torréfiées, des fluides d'espoir et d'insouciance. Plus loin des ors perdus<br />

pour des mémoires délassées.<br />

Brillaient et se répondaient les scintillements sous des flammes<br />

magiques, flambeaux exaltés. Ils prolongeaient l'excessive satisfaction<br />

d'un regard braqué vers l'avenir, et donnaient la vision déroutante d'un<br />

mélange de symboles et d'interprétations impossibles. Ils permettaient<br />

d'exister dans un futur que les chaos de formes dispensaient de rigueur.<br />

Amalgames de rêves pour des privilèges et des libertés promises !<br />

J'ai aimé ces arrêts brutaux et ces départs impossibles qui<br />

flambaient dans l'insignifiance du temps et de la raison. Je confondais<br />

avec les joies de l'adolescence l'inertie totale et l'abandon d'un corps<br />

pour la folie sauvage de l'esprit.<br />

362


Fraîcheurs spirituelles<br />

Fraîcheurs spirituelles qui vagabondent à l'orée des moissons,<br />

envolées légères qui s'élèvent vers les cieux cristallins ! Jeune homme<br />

aux épaules solides, va et porte tes fruits sur les terres purifiées. Laisse<br />

l'insouciance et la rancune sur le seuil de ta porte. Là-bas les routes<br />

courbées et cahotantes déambulent. Mais l'effroi et la crainte unis et<br />

passionnés te font languir.<br />

Je te préviens, ton orgueil doit me suivre. Moi, j'obscurcis tes<br />

secrets, je conjugue l'inertie, la force de tes vingt ans ! C'est le devoir<br />

aujourd'hui maudit, le bonheur de demain ! Toutes les voix de la<br />

délivrance mystifient le Temple court des repentirs. Toutes les traces des<br />

confrères sont à oublier. Il ne reste qu'une femme sensible qui indique la<br />

route à suivre...<br />

... Sueurs qui transpirent déjà par mes veines ! Et meurtres de<br />

l'enfance que j'ai abandonnés ! Éterniser son malheur est raison du<br />

pauvre ! La magnifique satisfaction de l'enjeu ! Ho ! L'immense succès<br />

que le temps saura apprécier !<br />

Les lourdes terres s'impatientent. Il faut aller.<br />

Mais je vois trembler les chairs, et les ordres se vautrer dans la<br />

363


couardise. L'esprit fort se meut avec l'effroi de la bête traquée, cette bête<br />

qui geint sous les coups de la mort, et ces douleurs lascives se lamentent<br />

sous sa peau ! Puis ce sont les cicatrices éternelles de l'animal qui a trop<br />

vécu, trop souffert aussi !<br />

Tu proposes l'horreur, tu fais briller les feux de la jouissance<br />

comme un mal utile. La venimeuse vérité enfouie sous les ors et les<br />

semailles, n'éveillera que des feuilles épineuses, qu'un cancer de haine<br />

dans des déchirements horribles.<br />

La misère frappe mes voûtes nocturnes. Elle me prévient,<br />

bienveillante, des dramatiques peines à venir. De ses dents aiguisées, le<br />

sang coule sur ses plaies purulentes. Tu arraches l'abandon d'une vie de<br />

reconnaissance formulant l'amour de soi-même.<br />

C'est encore la brûlure d'un esprit purifié ! Le combat éternel<br />

contre soi, contre les autres aussi !<br />

... "Le fruit qui savamment a mûri, n'est point cueilli ? Doit-il<br />

pourrir dans la terre déjà grasse, dans la terre si féconde ? C'était un jus<br />

fraîchi pour les haleines assoiffées»...<br />

Ta vorace solitude grossit dans les bras d'un égoïste. L'aigreur<br />

se transforme en haine et maudit toutes les facilités acquises par l'ordre<br />

364


des destinées, - des forces présentes en ton esprit !<br />

Que ton souffle enterré s'émeuve de chocs funèbres ! Ô justice<br />

de demain ! Et cette inexpérience, ce départ trop rapide seraient-ils les<br />

raisons des lugubres échecs ? Les précipitations d'une jeunesse<br />

impétueuse seraient-elles les principes de ces constantes erreurs ?<br />

La faiblesse te condamne, et tu revêts l'habit du mensonge pour<br />

douter. L'agacement servile et les plaintes sont les douleurs acides<br />

exprimant ton insatisfaction. Désordres d'une cervelle qui succombe à la<br />

tentation de l'estime ! Tes plaintes seront-elles entendues ?<br />

Les libertés dans les saines consciences, les mères pour ces<br />

veillées douloureuses - pour l'élévation ! Ô ces lignes fulgurantes,<br />

envolées comme des cris de jeunesse !<br />

Ont-ils tué l'or d'une alchimie verbale ? Les puissants instincts<br />

ne parlent plus. Ils tombent dans les feux de l'absence. Il reste un vide<br />

immense où même les interrogations ne résonnent plus.<br />

La faute est en moi-même. La voix était ailleurs. Les silences<br />

prouvent que je me suis trompé. En dilapidant la source de l'espoir, tu as<br />

voulu vivre une aventure impossible. Ta faiblesse véritable, c'était la<br />

vanité dans un travail bâclé. La passive insouciance est ta plainte fatale.<br />

365


Mais ce renoncement pour ces erreurs pénibles, doit-il faire oublier<br />

les instants de bonheur et les grandeurs d'une rébellion enfantine ?<br />

Le mélange de ton âme qui succombe à l'estime, toutes tes<br />

pensées étranges, tu te dois de les contenir. L'agacement participe aux<br />

douleurs, irritations de l'esprit mécontent.<br />

Dans ces veillées pourtant, l'élévation de l'âme assurait la<br />

jouissance à la libre conscience. Ces pensées fulgurantes planaient sur<br />

des plaies luxuriantes.<br />

Et ces combats, c'étaient des victoires contre soi-même, contre<br />

le néant aussi. La joie portait les couleurs vertes d'un devenir heureux.<br />

Les formes et les éclairs s'accouplaient pour les délices du lendemain.<br />

L'invention était stérile sans rejet, sans le "beau". Le pur effet<br />

de l'inconscient ! Torche sans flamme, folie sans délire ! Un regard glacé<br />

sur la vive adolescence qui riait de son propre étonnement. Que ma<br />

disgrâce demeure comme je n'ai pas observé ni la rigueur ni la science<br />

pour une cause à présent perdue ! Une voie nouvelle est déjà indiquée.<br />

Une station pour l'avenir des symphonies tourmentées, la prostitution<br />

sous mille chaleurs, une expérience...<br />

366


Le Prince<br />

À la croisée de ses ordres, un grand prince nu de coeur et<br />

d'esprit. Les obstinations insignifiantes se considèrent modérées, presque<br />

désuètes. Elles rassemblent parfois toutes les espérances des joies<br />

nouvelles. Enfin, il l'a cru longtemps. Les aigreurs étaient acheminées<br />

alors que des êtres dansaient, énervaient, excédaient ses parodies. La<br />

conséquence fut une gerbe de doutes et de nonchalance vis-à-vis de soimême<br />

et des autres aussi. Les cérémonies ajournées, un appel fut lancé<br />

mais personne ne l'entendit. La voix portait peu. Pour des silences, il<br />

aurait donné son âme.<br />

Les drames engendrèrent d'autres malformations, mais son<br />

agilité se jouait encore de ses prochains malheurs. Les sourires<br />

élastiques cachaient l'adversité et le goût du combat. De miteuses<br />

convalescences après des journées terribles passées dans la privation de<br />

l'amour, puis la haine réapparaissait plus digne encore comme une<br />

femme victorieuse. On cassa ses membres pour l'empêcher d'agir. Vite,<br />

ils furent remplacés par des béquilles circulaires. L'homme avançait<br />

malade. Il était la risée de ses contemporains. Après ses médiocres<br />

sorties, le Prince décida de s'enfuir dans son palais unique. Il prévoyait<br />

des fêtes, et voulut que sa suite pensât autrement. Il insista, mais quoi ?<br />

Il se vit châtier par son opposition. Les journées s'égrenaient, et<br />

367


l'animosité réapparaissait. C'était un grand vide comme après une orgie.<br />

La solitude s'amplifiait, et l'espoir s'oubliait.<br />

Chassé par ses amis, il ne voyait qu'une issue. La mort me<br />

sauvera, pensait-il. La mort seule peut soulager un grand malade à<br />

survivre. Il s'essaya au suicide mais trop pleutre peut-être, se résolut à<br />

haïr. Les nouveautés, les incursions dans un idéal auraient dû<br />

transformer ses fugitives clameurs. Mes ministres sont coupables. Il les<br />

tua. Il en appela d'autres.<br />

Après quelques journées de règne heureux, il les accusa de<br />

mentir et de jouir de ses facultés. Par droit princier, ils furent pendus. De<br />

crainte de voir sa vie en danger, plus personne n'osa le conseiller. Il vit à<br />

présent maître de son royaume, de lui-même et règne enfermé dans son<br />

pays.<br />

368


L'éruption ainsi métamorphosée<br />

L'éruption ainsi métamorphosée libère ses fruits. Les feux<br />

règnent sous les clartés blanchâtres, et de larges fumées roulent sur des<br />

cieux neigeux. Plus loin, les chocs des tonnerres, l'éclair et sa foudre<br />

tombent sur des laves encore incandescentes. Les traînées sanglantes,<br />

troupeau incessant, mordent la terre lavée, et brûlent l'herbe tannée.<br />

Elle gonfle les volcans de braises, épuise les soufres qu'elle<br />

respire. Elle remplit les tranchées et les gorges luxuriantes. Elle monte<br />

sur des sommets avec des chaînes d'esclaves et des bruits immortels :<br />

vengeances de Dieu, drames humains et pleurs dévastateurs dans nos<br />

pensées divines !<br />

Les torrents de chaleur frôlent les bouches. L'impénétrable<br />

venin circule dans les ombres finies. Lorsque les mensonges éclatent, les<br />

airs soulevés et les bourrasques de mots répercutent toutes ces frayeurs.<br />

Ils sont tortures inspirées par les folies bestiales. Ils sont détours<br />

de la tendresse bavée. Dans les sourires immondes, les craintes<br />

déracinent les semblants d'amour proposés. Les corps explosent malgré<br />

eux sous les durcissements autres. Les tempêtes, les sermons meurent<br />

tout à coup !<br />

369


Seras-tu encore possédé de tentations vulgaires ? Donneras-tu<br />

l'espoir aux mains interdites ? Et ton coeur, dans sa nuit, tremblera-t-il<br />

pour le joug de l'insouciance prononcée ?<br />

370


Toutes les étapes<br />

Toutes les étapes d'une sinueuse vie passée à jouir de l'inconnu,<br />

du mystère, à faire trembler le doute sous les vibrations de ma loi, d'un<br />

souffle magique ou démoniaque s'éloignent à jamais.<br />

Des tromperies jetées sur les flammes du sublime quand une<br />

braise ardente réchauffait l'âne apeuré. Comme des rires enfantins,<br />

comme des bonheurs faciles, de languissants plaisirs qui retenaient les<br />

horreurs d'une vie. Puis la secousse, la catastrophe unies dans un combat<br />

déloyal pour l'absolu et la vérité. Un futur transformé, détestable,<br />

reconstitué à partir de brides étincelantes venues du Néant. Des voix<br />

taciturnes qui labouraient l'oreille de mots riches et pauvres, des syllabes<br />

tordues par des relents dévastateurs. Enfin tout un peuple démoniaque,<br />

vil, insoucieux de sa force compromet une heureuse destinée !<br />

Sera-ce la logique inépuisable de grandeur et de gloire ? Serontce<br />

ces accords parfaits dans le luxe et les ténèbres ? Ces ardeurs<br />

promises pour étancher la soif excitent une mémoire perdue. Ces<br />

délicates fortunes s'élevaient déjà autrefois sur des sourires aimés et<br />

fugaces.<br />

371


Vendre l'aquarelle<br />

Vendre l'aquarelle ou léguer le testament ? Vrai, tout s'use, tu le<br />

sais très bien. Bêtement transformé en animal de cirque, le spectacle<br />

s'est menti à soi-même. Mais que fallait-il espérer ?<br />

L'amour dans le bas-fond de la capitale, t'en souviens-tu ? Tout<br />

ceci était véritablement mesquin, vil, ignoble et indécent. La petite croix<br />

lâche l'unique décision. Mais ce sont peut-être les gâchis du temps...<br />

Autrefois les signes s'interprétaient dans la débauche et la<br />

luxure. La folie à la montée des regards pour... personne ! Moi, je ris<br />

comme un perdu. Toi-même, tu voulais pleurer. Tu aurais répondu<br />

quelques mots.<br />

C'était tout de même un fabuleux personnage Je l'ai aimé deux<br />

années, puis il a disparu, volatilisé. Ô propre de moi-même, ô magicien !<br />

372


Ainsi ai-je vu<br />

Ainsi ai-je vu de lourds chevaux traîner de superbes cohortes de<br />

sel. C'était au sortir du rêve. Oisive, entretenue par la fatigue du matin,<br />

l'imagination jouit, reine du lieu de la chambre. Elle conduit le repos<br />

jusqu'aux portes de l'inconnu. Encore du drôle peuplé de romantisme,<br />

des croissants de bonheurs comme des étapes successives. Elle égrène sa<br />

course puisque le sommeil gagne et condamne les premières heures du<br />

lever ! Quand je distribue les rôles de chacun, par de mesquines<br />

allusions, je les sais composer l'image sacrée et transformer à leur goût<br />

les règles de mon propre jeu.<br />

Silence, distorsions comme des cambrures sur de planes<br />

figures, puis des mouvements cycliques dans des bourrasques d'eaux<br />

pleines : elle se plaît avec l'impossible, rit de ses nombreuses<br />

découvertes. Amie de l'absolu, du négatif, femme ou démoniaque Circé,<br />

qui est-elle ?<br />

373


C'est l'éclatement<br />

C'est l'éclatement des astéroïdes splendides ! Un duvet se<br />

repose entre les sillons de sa propre éclosion, une pluie de lumière prête<br />

à illuminer le sol sablonneux ! Cependant que les bruits incertains<br />

couvrent le vent du grand large, une explosion infinie comparée à la<br />

durée de son temps d'existence, multiplie les risques d'échouages, et<br />

confère à l'univers en transe des complications étonnantes. En effet si<br />

l'éloignement de son négatif peut rassurer les populations littorales, une<br />

mince déchirure déclencherait la catastrophe inévitable. Drames du<br />

peuple, inquiétudes car pollutions divines - recherche du mot magique :<br />

sécurité.<br />

374


Tout t'est radieux<br />

Tout t'est radieux même l'influence néfaste qui se perd dans les<br />

bruits et les goûts étranges. On prêche ici un regard sur la terre<br />

équivoque. Là-bas, d'autres mensonges ou déboires. Les singeries et les<br />

attaques évoluent autour d'une orange pressée. La confession sort du<br />

chaos : le signal des michelines, les Guerres de Troie magnifiquement<br />

ratées et les danses soulèvent les roches dans les airs. En fait, les rouages<br />

et les Cerbères médiocres s'engloutissent à l'abri des soleils et des urnes.<br />

Dégage ta voix, et les assauts et les enfantillages engendreront<br />

la parfaite harmonie.<br />

Quand le moulage du sein illumine les musées des villes, ton<br />

admiration grandit et quand nous transformons les patries, tu notes le<br />

faux. Ton innocence disparaîtra sous les traits durcis de larges envolées,<br />

et l'exil s'enivrera de saveurs.<br />

Que tu regrettes ton compte, que tu entames les veillées, ton<br />

bonheur régnera toujours sur ton néant.<br />

375


Ils justifient vos miracles<br />

Ils justifient vos miracles. Leur hargne terrible, c'est<br />

l'indifférence pour une église délabrée. Comme ils proposaient des<br />

révélations grandioses, - surtout des jardins inconnus, les mystifiés se<br />

sont levés, ont rejeté les compassions et les drames sirupeux. Constituant<br />

ainsi une grande famille, leurs primitives opinions ont banni leur foi<br />

indiscutable.<br />

Tout ceci prête à rire. L'envolée stérile des machiavéliques<br />

femmes prolongea le péché dans la croulante particule.<br />

Le midi rassemble les hommes de la détestable corruption, -<br />

encore des écrits souillés à la graisse du Néant. Mais ils participent à la<br />

reconnaissance de leur bêtise et de son acte heureux. Plus profonds que<br />

les invisibles, leurs sens jouissent de sons angéliques comme si pour<br />

franchir les grilles et oublier les faiblesses possédées, il fallait labourer<br />

les terres fraîchies.<br />

Écoutez : l'ignorance méprise les investigations, condamne les<br />

vols alors pourquoi ces défis ? Pour faire des mécontents ? Je redresse<br />

les beautés du passé et les masses de l'automne. Je respecte le désespoir.<br />

Moi, je rejette ce qui est insignifiant. Inquiétez-vous des autres.<br />

376


Des granites ont mêlé<br />

Des granites ont mêlé leurs cheveux d'or aux neurones et<br />

dendrites du ciel. Un grand vol mourait tombant vaste oriflamme, et les<br />

menus traitements glissèrent sous les couronnes des minuits.<br />

Je garnissais les fontaines d'eau troublées. Enfin l'armée<br />

vieillissait ses colombes, les plaintes, ses chants nocturnes. Il regardait<br />

les grands pôles s'éteindre sous les heures de l'amour. Comme par<br />

regrets, c'étaient des pleurs sur la grande place de l'été.<br />

Tu savais les découvertes contre les sables car un jour tu as ri<br />

pour cela. Des ondes libératrices peut-être. Surtout des cavales, des<br />

soupirs et de profonds sommeils.<br />

Je m'élance ou m'éloigne. Même les magnificences de la vie<br />

retournent à la sombre tendresse. Encore que parcourir ces autres<br />

champs perdus m'agace quelque peu. On perd l'âme tranquille. Il ne reste<br />

que la fortune. Le grand malaise est soulevé par ses béquilles, l'égorgeur<br />

des troupeaux dépecé pour son sang ! Tu respires tes maladresses, mais<br />

c'était ta vie.<br />

Tu devrais pleurer davantage et sombrer dans tes cauchemars.<br />

377


Des présences<br />

Des présences, des sorcelleries, des spasmes, des meurtres, des<br />

incubations pour l'âme. Des troupeaux sataniques qui roulent sur mes<br />

pleurs. Ô les glaires de l'inceste grimpant sur les parcelles du temps !<br />

C'est la recherche d'un absolu. De longues dérives pour les trames d'un<br />

enfer ! Moi, je pense sur des eaux.<br />

Contre les soifs de l'hiver, de larges coulées de sang bues à la<br />

sève de l'excrément, d'éternelles complaintes subies dans les affres du<br />

pardon.<br />

Rien ne chasse l'image pieuse par-delà les montagnes de<br />

jouissance. C'est un rêve de pierres pour les drames chantés !<br />

Si des cadavres se justifient, l'âme s'élève et s'abandonne ; si le<br />

damné jouit d'une éclosion intime, un feu s'amoncelle sur les cendres du<br />

Néant. Choisissons.<br />

378


L'oracle flamboie<br />

L'oracle flamboie cependant que l'espace prononce sa destinée.<br />

L'heure abolie dans son antre divin disparaît dans les confins du réel.<br />

L'explosion démoniaque se modifie par-delà l'effigie blême du peuple<br />

grave.<br />

Jamais, rien, toujours et encore ! Néant, chaos, force, inertie !<br />

Parle ami, une minute. - Impossible ! Le temps n'existe plus.<br />

Changements de sens, de l'œuvre inouïe, paysages provocateurs<br />

d'une ère suprême et assurance du renouveau pour ta pensée conductrice !<br />

379


Tu cherches à envahir I<br />

Tu cherches à envahir d'une folie perverse l'âme pieuse mais<br />

révoltée dans ses silences, la bonté cachée derrière l'obstacle de l'espoir.<br />

L'orgueil t'achève ! Les refus sont humiliants ! Le peuple inconscient qui<br />

te vénérait, te dénigre à présent. Homme seul, tes plaintes resplendissent<br />

à la lumière comme l'aurore après la ténébreuse nuit.<br />

L'angoisse, la grande, explose dans les bouches d'une<br />

incompréhensible erreur. L'erreur ! Car ta foi prouve que tu auras<br />

toujours raison. Les éclosions de bonheur enterrent les fautes et les<br />

fatales tromperies ! Un assassinat et une stérilité parcourent les dernières<br />

lignes d'une âme digne de trouvailles. Ce sont des crachats sur une<br />

putréfaction déjà vaine !<br />

Tu ouvres tes portes secourables pour l'impossible pardon. Les<br />

repentirs, les torts des odieux disciples jamais ne seront exprimés.<br />

Toujours des plaintes caverneuses sans échos ni semblants.<br />

Le fruit qui a mûri savamment, pourquoi n'est-il point cueilli ?<br />

Doit-il pourrir dans la terre grasse et déjà féconde ?<br />

C'étaient le jus rafraîchi pour des haleines assoiffées... La<br />

380


compassion mesquine des hontes aimées...<br />

381


La vorace solitude<br />

La vorace solitude grossit dans les bras d'un égoïste<br />

malchanceux. L'aigreur se transforme en haine et maudit toutes les<br />

facilités acquises par l'ordre des destinées, - toutes les forces présentes<br />

en ton esprit.<br />

Ce terrible souffle avec des chocs funèbres, sera-ce la puissante<br />

justice de demain ? Peut-être sont-ce l'inexpérience, le départ trop rapide<br />

qui deviennent les causes des multiples échecs ? Peut-être les<br />

précipitations d'une jeunesse tumultueuse ?<br />

C'est la faiblesse qui te condamne, et tu revêts l'habit du<br />

mensonge pour douter.<br />

L'agacement servile, les plaintes et les douleurs acides, le<br />

désordre d'une cervelle étroite qui succombe à la tentation de l'estime, la<br />

conscience, les libertés dans les raisons saines, les mues pour ces<br />

veillées, pour l'élévation, les fulgurantes lignes envolées comme cris de<br />

la jeunesse etc.<br />

382


C'était l'invention stérile<br />

C'était l'invention stérile. Le pur jet de l'inconscient, torche sans<br />

flamme, folie sans délire. Un regard glacial sur la vive adolescence qui<br />

riait de son propre étonnement.<br />

Que la disgrâce me ceigne ! Je n'ai pas observé la rigueur ni la<br />

science pour une cause à présent perdue !<br />

Une voie nouvelle est déjà tracée. Une station pour l'avenir, des<br />

symphonies à tourmenter, la prostitution sous mille feux de chaleur, une<br />

expérience, etc.<br />

383


Tu cherches à envahir II<br />

Tu cherches à envahir d'une folie perverse l'âme pieuse mais<br />

révoltée dans ses silences. L'orgueil t'achève, les refus sont humiliants.<br />

Le peuple inconscient que tu vénérais, te dénigre à présent.<br />

Homme seul, tes plaintes resplendissent à la lumière comme<br />

l'aurore après la ténébreuse nuit. L'Angoisse, la grande, explose dans des<br />

bouches qui expriment leurs erreurs. L'Erreur ! Car ta foi prouve encore<br />

que tu as atteint les catastrophes.<br />

La fatale tromperie enterre les éclosions de joie. Un assassinat<br />

et une stérilité parcourent des lignes dernières d'une âme digne de<br />

trouvailles : des crachats sur une puanteur déjà vaine !<br />

Tu ouvres des portes secourables pour un pardon impossible.<br />

Les repentirs, les torts de tes odieuses disciplines jamais ne seront<br />

entendus. Que de plaintes caverneuses sans échos ni semblants !<br />

384


Il a perdu les esplanades<br />

Il a perdu les esplanades enlacées sous les sourires de guerres et<br />

les charmes frileux. Les baisers brûlants comme des soupirs florentins<br />

liquéfient les pâles signatures d'un demain. Il avait aimé les fibres<br />

mauves ouvertes aux pétales des insouciances, et bleus les esprits<br />

respiraient lentement. Sur des bouches, l'haleine chaude avec des satins<br />

de bonheur frôlaient les tendres silences et les neiges aussi. Comme<br />

abaissées, des pentes multiformes ivres et libres, et c'étaient des duvets<br />

pour des brises raréfiées. Les pas tremblaient sur les couleurs, mais les<br />

spacieuses plaies contaient les délices de l'air. Plus loin, transposée dans<br />

des courbes, une pluie fine de battements montait vers des éclairs<br />

heureux.<br />

Un jour la fluidité éloigna petit à petit l'étincelle verdoyante des<br />

fusions lourdes. Parfaite dans sa rondeur, elle dansait sur les fils bleutés<br />

de la vie et plongeait dans les intimités avares des silences. Contre les<br />

ailes d'or, les feuillages fondaient leurs écumes et leurs chaudes toisons.<br />

Les boutons de soie sous des sommeils de plaisirs soufflaient les hymnes<br />

de froidures. Maintenant invitée pour les complaintes et les cris de<br />

l'enfance, elle laisse un à un les étés fuir dans les chaleurs boréales.<br />

Les filigranes et les miroirs réapparaissent trempés d'images<br />

385


troublées, et les frissons vieillissent les ombres de la nuit. Les jardins<br />

puis les miracles tombent et meurent sous les délectables souffles. Les<br />

fileuses consument les grâces sublimes des instants. Dans sa blancheur,<br />

elle épuise les plaies pensantes.<br />

Le songe s'épuise et l'espoir s'ennuie. Bouleversée, roulant<br />

parmi les meurtres de ses ombres, épousera-t-elle l'effet des voix<br />

entendues ou s'écroulera-t-elle sous le poids de ses faiblesses ? Des<br />

nombres soulèvent déjà les passives déclarations et les chants règnent<br />

sur l'or défini.<br />

386


Il s'élevait<br />

Il s'élevait dans les douceurs immondes se rappelant à chaque<br />

instant les noirceurs d'une vie passée à vendre l'imaginable. De sa chute,<br />

puis de sa gloire s'effondrèrent les rumeurs des foules, les obéissances,<br />

les victimes et l'angoisse. C'est en gravissant l'abrupte pente du malheur<br />

que passa en son âme, comme une bouffée de braises brûlantes,<br />

l'indicible mutation de l'exploit. Jouissance du mystificateur et oracle<br />

bienveillant, personne n'eut raison de sa foi.<br />

387


Dans le dégoût<br />

Dans le dégoût, la femme s'envole et s'enivre des fraîcheurs<br />

matinales. Les veines sont gonflées par les saveurs extrêmes et le sang<br />

bat sous la peau lisse et fatiguée. Allongée, le corps nu sous le drap de<br />

satin, la respiration est courte, saccadée par moments. Puis une longue<br />

bouffée d'air pur gonfle sa poitrine. Le sein droit découvert dévoile une<br />

pointe violacée, tendre et ferme. La main caresse un autre corps qui<br />

repose à ses côtés. Un visage lourd de rides et d'espérances oubliées. Les<br />

yeux transparents d'amertume collent un plafond grisâtre. Et la lèvre<br />

pendante encore semble boire avec avidité ses vingt ans.<br />

388


L'idée cosmique<br />

L'idée cosmique partagée entre le ciel et l'air ronfle sur les<br />

ordres suprêmes des nébuleuses. Qu'un chaos disperse les ordres, et<br />

l'électricité crispe ses lumières, ses infinis. Un dieu écoute et jouit de nos<br />

discours. Pourtant, pas un battement pas un souffle, pas un éclair. Le<br />

néant et l'homme se combattent, propriétaires des mondes et des univers.<br />

Le néant prolonge l'inquiétude. L'homme ailé d'un vent gracieux<br />

construit.<br />

Frères de l'impossible, jouons-nous de l'inconnu et par le<br />

langage réinventons-nous le monde à notre dimension ? Je vous sais<br />

ivres de mensonges, de profondeurs nocturnes. Je sais le désespoir et la<br />

quête du négligeable. Mais pour l'amour de la beauté, pour la pure<br />

perfection d'un art oublié, combattons encore !<br />

389


Le mort séquestré<br />

Le mort séquestré dans son caveau morbide crie l'espoir d'un<br />

maigre devenir, et frappe les parois du solide pour se révolter contre son<br />

Dieu. Peur de son néant, de l'inconnu macabre aussi. Et peur du spectre<br />

blanchi pour les siècles à venir, qui surveille son honneur comme<br />

d'autres des prisons. La femme sommeille encore possédée par Satan qui<br />

veut l'épouser, et l'enfant hurle sa crainte de se voir périr.<br />

L'homme espère encore un pardon.<br />

390


Opulence<br />

Opulence du gendre fier ! Tu profites des misogynies perverses,<br />

et ta voix s'expulse en saccades.<br />

Un ténébreux parcours dans les rues de la cité confond<br />

l'égarement, et les nymphes veulent chanter.<br />

L'enchaîné déserte le lit corrompu d'odeurs folles, et le lever<br />

distant rassemble l'époux gras.<br />

Des libations générales se sont vendues sous des draps infectés,<br />

mais ton calvaire franchira la porte de l'interdit, découchera puis vomira<br />

l'oreiller du songe.<br />

Le respect mercantile ? - Oublié ! Quand du jeu tonneront les<br />

heures indues, des fonctions rares participeront à l'écart.<br />

391


Ton estime<br />

Ton estime : pluies de déroutes et maux de terre. Parvenu, le<br />

chant produit jusqu'à se rompre dans les entrailles, - le chant s'éloigne<br />

dans les crépitements de l'arrière-saison.<br />

J'ai toléré l'artifice véhément. Sur un pommier volé, j'ai arraché<br />

le fruit sec et mauvais. Sans protocole ! Pitoyable vertu pour quelques<br />

graines à la sève vivifiante !<br />

On se lamentait sur ton ancienneté : - climat d'incertitude et de<br />

violence. L'espoir peut-être forcera le château des pays radieux.<br />

392


L'heure<br />

L'heure ne retiendra pas les déceptions ni les termes prononcés<br />

dans les batailles magiques et charmeuses. Pourtant tes seins se<br />

gonfleront du sang pulpeux : l'enfant naîtra. Dans tes veines, la force<br />

vaincra nos absences, et ton sexe sera plaisir et joie. Par tes yeux bleus et<br />

marron, j'avais nourri l'espoir d'une vie harmonieuse.<br />

Des effets moteurs pour courir à ta recherche, de grandes<br />

évasions ! Quelle déduction universelle ? Un départ vers un autre corps !<br />

Les forces spirituelles aimantaient nos deux âmes. J'allais mourir, c'était<br />

folie et jouissance réunies.<br />

393


Équinoxes<br />

Équinoxes des abrutis,<br />

Saison charnelle,<br />

Il te pousse deux ailes<br />

Pour voler dans la nuit.<br />

Surtout dès l'aurore<br />

Tu soulèves encore...<br />

Mais ne fais pas de bruit,<br />

À la source des minuits !<br />

Et c'est toujours moi<br />

Qui bouscule les lois !<br />

Mais tu recules,<br />

Un, deux, trois...<br />

Hourra pour les gueules !<br />

Car à peine seul,<br />

Mon exil est fini.<br />

394


Vrai, je dirais croître<br />

La lumière de l'œil,<br />

Mais je suis en deuil.<br />

Équinoxe des génies :<br />

Saison spirituelle,<br />

Il te pousse deux ailes<br />

Pour voler dans ta nuit.<br />

395


Id ! (idées) :<br />

Toutes les peines reçues en plein front, toutes !<br />

Et les cordes pour resserrer le cœur, les cordes !<br />

Des vérités mêlées à de superbes mensonges :<br />

Les voix grincent dans mon crâne.<br />

La solitude tourmente les pauvres âmes.<br />

- Enfin, j'ai cru entendre distinctement.<br />

L'envoûtement est spectaculaire,<br />

Sache le désarroi, sale nègre !<br />

La pensée se met en éveil,<br />

Ils bondissent nus et s'agrippent aux hanches.<br />

Des frissons éternels puis leurs rires sournois !<br />

Ils avancent dans les rêves qu'ils revêtent !<br />

Lavage de la cervelle et maléfices affreux.<br />

396


Nul ne portera<br />

Nul ne portera à tes lèvres la coupe,<br />

Assoiffé ! Mais ton sang bu dans les<br />

Artères du mal glorifiera tes<br />

Carences exploitées.<br />

Les laits vidés de ton absolu périssent<br />

Sur les étoffes usées des mémoires.<br />

Même ce chant clôt l'abdication<br />

Ancienne.<br />

Soulèvements dans un cri, c'était hier !<br />

Tout se crache : les compréhensions<br />

Méthodiques restituent des voix d'or,<br />

Surtout des offres ! En fait, des perles.<br />

Un goût de survivance pourtant<br />

Aux lâches besognes ; besognes<br />

D'esclaves. Déjà les fuites,<br />

Les départs sont impossibles.<br />

397


Suc protecteur que personne<br />

Ne voit luire ; moi, victime de<br />

L'habit invisible ; il suinte<br />

De tes pores les transpirations acides<br />

De la clairvoyance.<br />

Éclats de l'entretien dont les<br />

Lumières éblouissent comme des phosphores<br />

Neigeux ; moi-même : "Mares de sang<br />

Autour des crimes de l'infortune ;<br />

Violences à l'âme qui convoitaient<br />

D'autres plaisirs".<br />

Matrices rigoureuses, mathématiques de l'art ;<br />

Ignorant qui achève le droit du hasard ;<br />

Seul et unique possibilité<br />

De la destinée inhumaine.<br />

Le sort roule dans des veines de chaleurs,<br />

Imbéciles révélations<br />

D'une épopée unique,<br />

Et des transferts déjà<br />

Palpables dans l'obscur soi-même ;<br />

Le règne de la philanthropie<br />

398


Hurle son dû.<br />

Silence.<br />

Celui qui se lève marche sans se retourner<br />

Mais ne peut rire de son insipide essai.<br />

"Choisis."<br />

Un nivellement qui échange des idées,<br />

Des luxes, des obstacles et<br />

De misérables gémissements puis d'éphémères<br />

Bontés. Les lois divines sont bafouées.<br />

Mais toi seul, tu conduis.<br />

399


Les lignes d'or respirées<br />

Les lignes d'or respirées<br />

Lentement dans les vallons de l'aurore ;<br />

Les philtres qui s'accordent<br />

Flambent les noirs coteaux de l'hiver.<br />

Ce sont des races et des bons étranges.<br />

Si j'ai grand souci de l'estime ?<br />

Libre, je déploie les passives douceurs<br />

Aux sons ailés des villages voisins.<br />

L'accord des pâtres pour des chansons,<br />

Les mauves poursuivent l'air humé,<br />

Et les courses se plantent entre deux eaux.<br />

Ai-je le goût de l'atroce silence ?<br />

Veulent-ils l'aurore des points cardinaux ?<br />

Pour les vents du déchet, l'empreinte<br />

Et le danger sur des pierres coupantes.<br />

Ai-je grand souci de l'estime<br />

Quand le soir les rentrées nonchalantes<br />

Poussent l'ennui dans les mares et les boues ?<br />

400


Nature, guette les travaux des champs.<br />

Il te faut atteindre l'espace lointain.<br />

Bonheur dans l'évident silence,<br />

Ton esprit est encore tué ! Rencontres et reflets<br />

Des taches dorées sur les mousses exigeantes !<br />

Je rendrai l'intelligence pourprée.<br />

Et dans les semailles d'un autre hier,<br />

Je tremperai ses lichens aimés.<br />

L'herbe violette sentira bon<br />

Par-dessus le val tout glacé de plaisir.<br />

Quoi ! L’ensemble est réparti dans les terres ?<br />

Il baise l'air frais, et plus loin la rosée.<br />

Canton, aurai-je encore mainte estime ?<br />

Feu des prés, voleur des disgrâces,<br />

La folie est consternée dans l'envol prochain.<br />

Mais puis-je maudire ainsi déchus<br />

Ces philtres, ces lignes, ces accords,<br />

La permission d'un renouveau ?<br />

Les oisifs pleins de tourments écoutent,<br />

Gardent le mot qui se devine.<br />

Même l'hôte peint la saison chargée.<br />

401


L'air pur se voudrait être digne dans l'orgueil ;<br />

Les brumes fléchissent peu à peu ;<br />

Des bonheurs sous les couches perdues ?<br />

Des soleils d'automne qui se tannent la peau ?<br />

Quand tu pleures tes mensonges,<br />

Quels instincts pour la possession des Natures ?<br />

D'une voix qui épuise les chœurs étrangers,<br />

Les vertes couleurs muent inlassablement,<br />

Mais les superbes brises souffrent-elles ?<br />

Ha ! Comprendre cette infortune ! ...<br />

Pourquoi ces crachats rentables ?<br />

Serait-ce l'ordre bleu des pensées d'argent ?<br />

La soif sèche les fenaisons détestées.<br />

Lignes cent fois maudites, philtres et accords !<br />

Mais sur des fragments resplendira le soleil !<br />

Tu joues le miracle de l'espérance humée.<br />

Des fous se pâment bien pour quelque or.<br />

Tu te lies avec la précocité urbaine.<br />

Et dans les spasmes de l'effroi, de l'angoisse,<br />

Des monstres attaquent, tu es seul !<br />

402


La ville détruit la noble fonction,<br />

Et conspire contre l'audacieuse foi.<br />

Ligue ancestrale et fatidique !<br />

Ce cri achève les paroles rêvées<br />

Puis crache sa démence dans les bruits de l'action.<br />

Gigantesques souterrains, et arbres de fer,<br />

Combat des formes dans l'artère jaunâtre !<br />

Val mousseux sous les buissons du silence ?<br />

Teintes sublimes transférées par l'invention ?<br />

La chair du poète arrachée par des loups.<br />

Ho ! Du tombeau de la gloire s'enfuit le rubis !<br />

Poisse et crasse et vieilleries, et dégoût encore !<br />

403


Mais c'est toi et toujours<br />

Mais c'est toi et toujours et encore face au peuple,<br />

Sombrant sous les sanglots humides du destin !<br />

Si un rire incertain plisse ses lèvres rouges,<br />

Un scandale se lève arrachant les drapeaux !<br />

Ce mur, ces toits forgent les traces anciennes,<br />

Tandis que sur les glaces sont des bouffées d'air pur.<br />

De noires inquiétudes recouvrent les longs cris<br />

Comparables aux déboires qui frappent l'esprit libre.<br />

La voix hante la demeure hautaine des demains.<br />

Ce sont des joies divines qui s'esclaffent en ton heure.<br />

Ta voix a traversé de sombres marécages,<br />

Ô l'ardeur militaire, ô les pas saccadés !<br />

La femme s'est donnée sous la force des armes,<br />

Et le sein arraché est hurlant de douleurs !<br />

Les enfants ont pleuré et supplié du pain.<br />

Le vieillard est gisant sous le poids de son ombre.<br />

404


C'est vivre l'espoir des continuelles peurs<br />

Transpercées de rappels éteints et ranimés !<br />

Car des hommes s'acharnent, infligent violence,<br />

Comportements sauvages des humains arriérés !<br />

Mais les leurres ont craché la paix intempestive.<br />

Du dehors, aucun mal, nulle douleur ne crie.<br />

Déjà ma voie s'efface dans l'oubli des raisons :<br />

Ô les plaisirs débiles pour toute délivrance !<br />

Et les sermons brûlés - c'était irrésistible !<br />

Et les pleurs de ces Dieux écoutés dans mes nuits !<br />

Ainsi l'écho se perd dans les pures résonances<br />

Pour se figer squelette dans les masques crispés !<br />

L'amertume et le goût silencieux du vide :<br />

Mouvement de jeunesse qui perturba ma vie.<br />

Si cet appel figé prétend fléchir toujours,<br />

Pourquoi continuer ce délit condamnable ?<br />

405


Mouvements sur les clartés<br />

Mouvements sur les clartés et les paraboles d'argent,<br />

L'hymne des fées et des vierges s'ébat<br />

Et tournoie dans les vapeurs de l'été.<br />

Fluides jaunes qui bondissent dans les chaleurs inertes.<br />

Les ondes blanchies montent sur les faisceaux d'or.<br />

Contre les rares sèves, les monts et les calices,<br />

Un segment de droite est dirigé vers les champs,<br />

Et l'astre gonfle le feu des lumières vivifiantes.<br />

L'équilibre s'étend sur les folies boréales.<br />

Le magnétique attrait subit les couleurs<br />

Et s'élance sec et brûlant vers les pluies inouïes.<br />

L'élasticité des secondes conduite par des photons<br />

Perturbe la pesanteur des rayons irradiés.<br />

Tout danse dans l'arc-en-ciel bruni<br />

De force et de phosphore. Les lumineuses plaies<br />

S'éloignent avec peine sous les pastels, par principe.<br />

406


Des sépias teignent un phare de proue,<br />

Vers l'extérieur soulevé de la terre,<br />

Et les flux propagent les chocs<br />

Sur l'écran métallique.<br />

Variétés de l'origine transposées jusqu'aux<br />

Migratoires pensées. Enfin cataclysmes teigneux<br />

Qui rebondissent dans les soleils de l'aurore,<br />

Repères et flèches pour la géométrie du Néant.<br />

Les siècles bariolés longent leur espace,<br />

Et les nébuleuses ocres tourbillonnent à l'est.<br />

C'est un point engouffré sous les ombres et les noirs :<br />

Le dépassement de l'origine retourne au réel.<br />

407


Encore moi éternellement !<br />

Encore moi éternellement !<br />

Puisqu'il te faut partir<br />

Dans les chaleurs du printemps,<br />

Plutôt que de mourir<br />

Vivons en suppliant.<br />

Encore moi éternellement !<br />

On me dit : use<br />

Les traces de l'été.<br />

La folie amuse<br />

Les hommes détraqués.<br />

Réponds : demeure<br />

LUI éternellement<br />

Depuis trois cents ans.<br />

Au fil des heures<br />

Sale mauvais temps etc.<br />

Il continue :<br />

408


LUI éternellement.<br />

Avançons ta mue,<br />

Il n'est pas très grand.<br />

Encore Moi de temps en temps.<br />

409


Est-ce bien qui étonne<br />

Est-ce bien qui étonne,<br />

Ou joie et plus flore ?<br />

Dans les sémaphores,<br />

Le vent déraisonne.<br />

Brasses sur de l'écume<br />

Dans le canal suivi.<br />

Par des lacs de fortune,<br />

Une cavale sortait.<br />

Vapeurs sur aquarelles<br />

Oui, des brouillards stagnants<br />

J'aperçois deux ailes :<br />

C'est moi tout tremblant.<br />

Puis l'orage se creuse<br />

Contre ses peupliers :<br />

Une course furieuse<br />

Sur le bord des marais.<br />

Et pour ses souffrances,<br />

410


Cet espoir est sanglant.<br />

Là dans ses apparences,<br />

Le pur est navrant !<br />

Ha ! Syllabes de survie,<br />

Crasse de mes yeux.<br />

Mais l'air s'est appauvri,<br />

Et s'étend à moitié.<br />

Est-ce bien qui étonne<br />

Ou joie et puis flore ?<br />

Dans les sémaphores,<br />

La chanson s'envole !<br />

411


Chute<br />

Ton violet canonique<br />

Sur l'écharpe des eaux<br />

En rotations rythmiques<br />

Lèche ses grands sanglots !<br />

C'est ta voix qui s'épuise !<br />

Maudis l'enchantement<br />

Lui qui hante à sa guise<br />

Miroirs, éclatements.<br />

Mais les soleils se mirent,<br />

Tu sembles l'oublier !<br />

En cascades, respire<br />

Ton azur détesté !<br />

Horreurs de la saison,<br />

Le vice est dans tes nus !<br />

Afin que ta raison<br />

Au cœur ne parle plus !<br />

412


Nuitamment<br />

Tu peux à présent te reposer,<br />

Toi qui t'imprègnes d'or et d'encens<br />

Et sur la tête courbée<br />

Rêver de rêves tout-puissants.<br />

Tu peux si ton humeur câline<br />

Te verse des fruits savoureux,<br />

Bercer ton corps qui s'achemine<br />

Vers les hauteurs des Dieux.<br />

Allusion aux soleils de la terre,<br />

Respire la caresse des nobles odeurs,<br />

Et bois la suave liqueur<br />

Qui remplit les espaces clairs.<br />

Enfin dépourvue de toute haine<br />

Dans tes songeries, dormeuse,<br />

Oublie le mal qui se déchaîne<br />

Vers ton âme amoureuse.<br />

413


L'étincelle de l'heureuse tentation<br />

Gâchera malgré toi ta candeur :<br />

Un masque stérile d'inspiration<br />

Réveillera tes sueurs.<br />

Accords sur la page tremblante<br />

Au comble de la forte nuit,<br />

Ce seront lueurs sanglantes<br />

De ton travail maudit.<br />

414


À l'heure où tombe<br />

À l'heure où tombe le crépuscule,<br />

Je vois selon le faisceau diurne<br />

L'horizon conquis par maints sots.<br />

Si ta couche couverte de vertiges<br />

Se veut par tel songe vespéral<br />

Au feu cuisant qui t'oblige<br />

À vendre l'endroit de ton mal,<br />

Va, princesse à l'haleine chaude<br />

Te goinfrer de grasses pâmoisons !<br />

Et bois dans l'œil livide qui rôde<br />

Le vif éclat des floraisons.<br />

Car l'odeur de ses boutons<br />

Te jette le florissant puceau,<br />

Nue du nombril jusqu'aux tétons !<br />

415


Écoute le cœur maudit<br />

Écoute le cœur maudit et renfermé du poète inconnu qui<br />

s'appelle Franck Lozac'h, celui qui n'a pas la rigueur pour progresser et<br />

pour vendre des phrases, l'impatient, le résigné, celui qui écrit trop vite,<br />

celui qui est incapable de se maîtriser, celui qui se gaspille à son bureau<br />

en regardant ton image, celui qui espère et attend des jours meilleurs.<br />

Il a écrit des livres qui ne font guère succès qu'auprès des<br />

morts. Lui qui s'est lavé dans la poésie, il est refusé par tous. Va-t-il<br />

attendre encore des semaines, ces heures d'insuffisance noyé dans la<br />

fumée ? Ses défauts sont innombrables. Il ne sait pas même construire<br />

un texte. Des suites illogiques, et des fautes ! Des fautes ! ...<br />

Il aimerait tant la rigueur des bons poètes. Plein de fougue et de<br />

sentiments, mais si faible écrivain. Sans accent, point de rythme, sans<br />

choix de verbes, point de phrases. Il jette un coup d'oeil sur le morceau<br />

d'hier. La même tristesse, le même dégoût. Comment aller vendre ces<br />

feuilles rachitiques à Paris ? Voilà qu'il n'est plus ni sincère ni objectif<br />

avec soi-même.<br />

Que compte-t-il prouver au juste ? Un traîne-misère, cet<br />

invendu, passif, à l'écriture féminine. La maigre obole ! Un vrai poète,<br />

pauvre comme les autres, seul contre les autres. Il n'a jamais eu de<br />

416


succès ni de très grandes joies. Qui voudrait l'éditer ?<br />

Je n'ai rien à gagner. J'ai passé quelques instants avec toi à te<br />

parler de mes ennuis. Pardonne-moi toutes mes faiblesses. Je n'ai plus<br />

l'esprit à inventer quoi que ce soit.<br />

J'attends peut-être que le petit jour termine ma page. Le temps<br />

me condamnera-t-il à m'assassiner ?<br />

Ces heures tendues ont fait exploser le poème proche de la<br />

source d'espoir. Je rattrape les actes nerveux. C'est angoissant ce profond<br />

silence quand on est seul. Je transpire de bonnes <strong>pages</strong> parfois. Un<br />

sentiment indigne m'envahit. Quel luxe lorsque l'on vous écoute par une<br />

grande nuit !<br />

417


Théâtre d'enfance<br />

À l'endroit du décor, on aperçoit les séculaires peintures<br />

tombées dans l'oubli. Derrière les machinistes, se dressent les<br />

instruments utilisés au théâtre. Côté cour, des acteurs entrent en scène.<br />

Des échelles, des cloches, objets hétéroclites de toute époque, - des<br />

bureaux Louis XV, des consoles, des commodes et des lustres. Quelques<br />

gens s'activent, s'énerve la Pavlova, la Grande Étoile.<br />

La scène étroite, recouverte de planches de bois et le rideau<br />

vert, motifs - sirènes languissantes énormes, fleurs rouges, lacs dans le<br />

fond couleur pastel etc.<br />

La fosse invisible sauf des loges latérales ornées de fauteuils<br />

rouges, de moquettes rouges aussi. Tout est correct. Au plafond des<br />

lustres somptueux accrochent le regard parfois.<br />

Celles qui placent : de grandes corbeilles en osier, ceintures<br />

autour des reins. Femmes vêtues de noir, faméliques, sorte de gagnepetit,<br />

une torche à la main.<br />

À l'entracte, des parfums et des robes somptueuses. Des<br />

femmes grandes, élégantes, dédaigneuses presque.<br />

418


Les loges - si je me souviens bien - sur trois étages. Des glaces<br />

placées tout autour de la loge. Des sièges médiocres, - de simples<br />

chaises. Des ampoules autour des glaces.<br />

Des costumes - partout des costumes. Elles se déshabillent, ces<br />

actrices de troisième ordre. La troupe rit. L'une d'elle, Bernadette fait le<br />

pitre. Moi, enfant je regarde un peu gêné les femmes se déshabiller.<br />

Poudre de riz, rouge à lèvres, éclats de rire, théâtre.<br />

419


Par-delà<br />

Par-delà toutes ces forces qui usent ta vigueur divine, par-delà<br />

le harcèlement continuel qu'il te faut subir, c'est l'esprit de la soumission<br />

que tu es prêt à accepter.<br />

Tu jouis de ces mensonges comme une femme complaisante<br />

baignée dans de monstrueuses orgies. Tes revendications ne sont que de<br />

pleutres facilités. Car tu touches d'un doigt mesquin les saveurs<br />

déployées, les suavités fulgurantes. Tu aimes à entendre ces agaceries<br />

bizarres qui frappent ton âme révoltée.<br />

Ces horizons s'illuminent tout à coup avec des torches vivantes<br />

enflammant l'intérieur de ton esprit possédé et visqueux. Tu vis dans<br />

l'horreur de la déformation. Tu acceptes cette soif de vengeance dont la<br />

seule utilité est de te nuire. Après la contemplation unique des règnes<br />

putrides, tu te plais à jouir des luttes excessives indignes de ton affreuse<br />

loi.<br />

420


À la limite<br />

À la limite, les faux remplissent aisément les <strong>pages</strong> de poésie.<br />

Le travail est un jeu que je ne maîtrise pas, un pur état de conscience ou<br />

de simple écriture... Croyons au talent. Le comique est que chacun se<br />

croit doté d'une dose importante de cette essence.<br />

Mais quelles en sont ses véritables manifestations ? Est-il<br />

possible qu'un écrivain de vingt ans en soit fourni et qu'il reste inconnu<br />

de ses contemporains ? Se peut-il qu'un chef-d'œuvre se cache dans le<br />

mystère ? En vérité toutes les pièces sont lues par des lecteurs avertis.<br />

Un chef-d'œuvre serait-il refusé par un comité de lecture ?<br />

421


Fragment<br />

Je ne puis que constater les avantages des poètes et des<br />

écrivains de vingt ans : j'écris mal. Vite !<br />

Sentiment d'inutilité qui m'habite sitôt l'acte achevé. Penser tout<br />

le long du discours, est-ce la consigne à respecter ? Je me plains, direzvous,<br />

d'une constante et misérable jeunesse à vivre dans l'ignorance et<br />

dans la solitude ?<br />

Le temps consacré à l'étude est néant, comme la méthode de<br />

travail est perte. Je tâtonne cherchant des réponses dans des bouquins<br />

signés d'anciens incapables, livres de rien. Les maîtres, eux, ont caché le<br />

savoir dans des poèmes et des textes divers.<br />

422


Je n'en finirai pas<br />

Je n'en finirai pas de sitôt les devoirs à accomplir, non que je<br />

puisse les faire sans quelque chance, mais mon enthousiasme m'a<br />

vaincu, a ébranlé mes derniers espoirs.<br />

Depuis longtemps, je me jurais d'achever le peu qui avait été<br />

écrit jusqu'alors. Mais déçu par mes découvertes, j'ai décidé de m'en<br />

tenir à quelques <strong>pages</strong>, - les moins décevantes. Il ne me reste de la<br />

production de l'année qu'une poignée de feuilles jugées convenables.<br />

Le contrôle que je me promettais d'observer n'a été qu'ébauché.<br />

Primesautier, j'en suis encore à me désespérer de ma faible écriture.<br />

Depuis dix mois, j'ai gâché mon inspiration ignorant les règles<br />

élémentaires de la poésie. Dès lors je tache par l'étude à les découvrir.<br />

Mais la poésie est un art difficile, et dénouer des fils invisibles<br />

est chose délicate. Je m'y suis essayé tant bien que mal.<br />

Je veux me délivrer de cette jeunesse insouciante, sans<br />

connaissances littéraires qui se repose ou se complaît de légères<br />

satisfactions.<br />

423


Et pour te démontrer<br />

Et pour te démontrer que le Néant existe, ne change pas. S'il te<br />

faut croire qu'il résistera, couvre d'un air d'orgueil ce que tu<br />

comprendras, remets sur table ta naissance, de la main, afin d'y déposer<br />

l'or écouté. Car véritable dépotoir, c'est ton choix qui en dit seul<br />

l'exploit. Mais laisse-moi y voir le profil du navire ou l'accord d'y vivre.<br />

Effet de conjuguer, je m'accompagne dans un excès de doute au rythme<br />

lent. Tempête ! Les vagues d'analogies avancent, compas détraqué,<br />

plutôt que de pousser vers la Grande Île.<br />

L'année est proche qu'il ne travaille au poème, et du doute glacé<br />

qu'il ne remplace à peine le pur-sang, des feuilles tachées. Pondération à<br />

ce qui est dit, il mérite un deuil et nécessite de valeureux soleils dont<br />

l'origine explose pour le sentiment de rêve. A l'encontre de cette vie et<br />

ne rougissant pas, sont-ce les chimies et les décors de la prison ? Les<br />

fumées, les acides ont usé les angoisses. Ni roi ni avocat n'ont gagné la<br />

place qu'ils méritaient, si ce ne sont l'été encore et la voix même !<br />

Vagabond qui recule, pourquoi nier l'oubli que s'arrachait l'or<br />

de la tempête ? Quoique derrière tes soucis noirs, l'expertise contredise<br />

la profonde chute, tu fais éclater les nullités alors que rien ne se vend !<br />

Tu t'emprisonnes, et rarement tu confies la lecture de la page à autrui<br />

424


comme le doute t'envahit.<br />

Si bravement hébété, un héritage renversait le corps, purs<br />

l'entreprise seraient et le cœur aussi. Sans patience, la ténacité, nulle part<br />

ne nous conduit. Le plaisir dont tu t'es gavé te vante, et tu découvres que<br />

perdre connaissance est peine longue.<br />

Mais déguerpis ! Ton sac ! Car tu cours après l'envie de te<br />

contrôler, Narcisse ! Et du vin pour l'épouser avant la nuit.<br />

425


Ce n'est plus une idée simple<br />

Ce n'est plus une idée simple et compréhensive en peu de temps<br />

qui est ainsi exprimée, mais les caractères même de la pensée qui sont<br />

explorés avec toute l'attention nécessaire. A moins qu'il faille envisager<br />

l'analyse avec plus de discernement, avec une rigueur incisive et efficace<br />

telle que personne encore n'avait osé s'y astreindre.<br />

Pourquoi s'essayer à trouver des arguments, des preuves alors<br />

que le bon sens que chacun possède suffit à démontrer le contraire ?<br />

Certains savent que nos vues ont fui ce mélange trouble.<br />

Pourtant plusieurs chemins s'offraient à nous. Deux pouvaient être<br />

empruntés. Ils semblaient aisément praticables. L'un indique<br />

l'impuissance et le retour prononcé sur soi-même avec une jouissance<br />

ressentie dans la vie du malade. L'autre est plus dangereux, il est le<br />

sceau de la vie fatidique. On ne peut y échapper. C'est une issue dernière<br />

comparable à une porte ouverte sur le néant. Chaque étape étant<br />

identique, il est impossible de la dissocier de la précédente. Une sorte de<br />

mort qui serait le point idéal de stabilité comme un neutre, équilibre<br />

parfait.<br />

C'est la chance révélatrice des destinées qui fit échouer<br />

426


l'expérience de l'emprisonnement. Une force magnétique, elle<br />

conditionne les pensées, les change et les fait resurgir déformées comme<br />

par envoûtement. Tout l'esprit se voudrait autre, car il est conscient de sa<br />

perte : c'est un venin qui se diffuse en nous, une araignée qui enveloppe<br />

sa proie.<br />

La conscience éclaire le possédé pour lui donner la raison de<br />

résister, mais comment lutter contre son destin ? On aimerait à comparer<br />

le destin à une machine infernale lancée que le conducteur serait<br />

incapable d'arrêter, à une espèce d'énorme bête besogneuse qui<br />

avancerait gueule écrasée, les pas alourdis par l'empreinte du temps.<br />

La foi est l'unique guide puisque le Saint Livre détient la clé de<br />

la Vérité. Seul, l'apport divin peut lever les voiles, lui seul a prouvé<br />

l'Annonciation. Lui seul te sauvera des misères et des embûches de ta<br />

détestable vie.<br />

Mais le rire divin éclate à mes oreilles, et fait trembler mon<br />

être, comme pour se moquer avec ironie de mon piteux effort.<br />

427


Il te faudra cette semaine<br />

Il te faudra cette semaine vieillir les fruits exaltants et<br />

longtemps descendre les montagnes de rêves. Ils symbolisent déchets et<br />

crasses, putréfactions horribles, odeurs insoutenables que toi seul hélas !<br />

tu oseras humer. Dans le désespoir de la solitude, les sens malgré un<br />

dégoût répugnant cherchent un bonheur vain, une délivrance et un air<br />

pur regretté. Ces roulis de peines dès que la ligne de l'esprit sera irradiée<br />

blesseront, déchireront un corps déjà noir de pus.<br />

Images captivantes que la misère développe à une cadence<br />

effrénée avec l'horreur que cela inspire. L'une d'entre elles assassine les<br />

<strong>pages</strong> blondes qui vivent dans l'attente d'un lendemain. Elle détruit<br />

l'espoir, cette unique contemplation que tu t'essaies à conserver en toi. Je<br />

la sais brûler les taches d'or épousées dans les ténèbres de son néant. Je<br />

la sais flamber les feuillets superbes dont l'existence est déjà<br />

compromise.<br />

L'autre comme attelé par quatre chevaux dévale les sommets et<br />

les pentes de l'infortune avec l'agilité divine. Elle, parée de somptueux<br />

bijoux avance majestueuse tenant dans sa main droite les rênes de la<br />

postérité. Les coursiers bavent de l'écume par les naseaux, se cambrent<br />

et crachent des flammes qui vont se perdre dans l'infini. Elle seule sait<br />

428


les maîtriser.<br />

Elle est ce corps svelte aux proportions harmonieuses, ce<br />

sourire éclatant qui lui donne la dignité de la femme forte de son avenir.<br />

Ce sont du moins ces parties qui se chevauchent, qui se<br />

succèdent avec une vitesse, avec une rapidité incroyables. Elles glacent<br />

les intestins qui éclatent sous l'action du froid, qui explosent sous les<br />

regards vainqueurs de la femme.<br />

Mais libéré ou prisonnier, sous le joug de l'incorruptible<br />

confusion, les sinuosités m'envahissent. Les éléments même de la<br />

déperdition s'acharnent sur les sueurs de l'insomnie. Des tremblements<br />

puis des bontés, des drames puis des voluptés et des raffinements luttent<br />

dans un tumulte de vice et de luxure.<br />

Engagement de deux colosses gigantesques qui s'écrasent et se<br />

relèvent, qui sont tonnerre et foudre, immortels et invincibles. Des<br />

sentences pour ces démons, de phénoménales vengeances pour retrouver<br />

la quiétude et la paix désirées.<br />

Impitoyables ennemis et pourtant en harmonie avec moi-même.<br />

Mon âme crée les combats, les charniers et les artifices. Elle engendre<br />

des nuées de cauchemars, elle enveloppe d'étoffes gonflantes les<br />

429


cataclysmes subis, les catastrophes vénérées.<br />

J'aime à comparer cette fresque étrange avec l'épique marasme<br />

qui détruit tout sur son passage, qui multiplie les dangers d'une vie<br />

vouée à l'étrange et au mystère.<br />

Quand s'éteignent lentement les lumières vacillantes des<br />

chandeliers d'argent, les chambres consument encore les dernières lueurs<br />

qui s'enfuient : or, palme et plaisirs ! Tout s'entrelace dans des coffrets<br />

immondes, tout respire les parfums discrets que juxtaposent dans de<br />

phosphorescentes fêtes des fantômes exhibés. Depuis que la porte laisse<br />

échapper les envolées divines par des trous béants, ils mystifient la<br />

raison pure et contribuent à haïr les actes sauvages.<br />

Par manque de logique déterminante, hagards et bornés, leurs<br />

mouvements irréfléchis restreignent les essais. Ils avortent les fruits dans<br />

des solutions troubles et inexpliquées. Le poids des fatigues retarde un<br />

exode désiré puisqu'ils font courber les protestations avec des fouets<br />

excrémentiels. Je m'explique : hier, les pensées, les réactions se<br />

rejoignaient par essence inconnue mais révélée. Des complexités<br />

poreuses montaient irréelles sur des magmas de terres travaillées. On<br />

voyait s'élever les pulsions, il en résultait cette appréciation mouvante et<br />

incertaine.<br />

430


À présent les conditions diffèrent. Je malaxe des rejets, et les<br />

substances inondent de caractères blanchâtres des œuvres<br />

indéfinissables...<br />

Un non-sens toujours, car s'accouplent des mots incapables<br />

d'exprimer une opération logique. Ils sont des groupements subtils de<br />

malfaçon, incohérents et pourtant harmonieux. Ils déterminent le doute<br />

absolu que chacun doit posséder en soi. C'est l'incertitude pour le monde<br />

incompréhensible. C'est convaincre l'homme de son impuissance à se<br />

diriger soi-même.<br />

Rien que des planifications et des regards braqués sur l'histoire<br />

! Des illusions avec des instruments d'aucune efficacité. Vous brandissez<br />

des rapports, des analyses structurées, des conclusions et des bilans sur<br />

le devenir humain. Vos complexes machines sont vos cervelles grises<br />

qui restituent des amalgames approximatifs. Des millions de données<br />

pour d'insignifiants résultats ! Vous en êtes encore à la sorcellerie<br />

scientifique, vous plaisant à programmer des banalités, des débilités de<br />

rêves enfantins.<br />

De là, vos ressources se désagrègent, vos profondes expériences<br />

n'accaparent que des vents incertains. Quand bien même de minuscules<br />

vérités s'offriraient aux interprétations diverses, jamais vous n'obtiendrez<br />

la juste appréciation recherchée.<br />

431


Je suis la pensée qui exprime les intolérables mensonges que<br />

personne n'avait osé dépister, la splendide tricherie que vous<br />

n'observerez que chez les autres, qui se cache en vous-même malgré<br />

votre bonne volonté et vos apparences trompeuses.<br />

Vous vous propagez croyant manier avec habileté un appareil<br />

sans âme, un bourreau sans sentiments, une sorte de divine force que<br />

vous contemplez comme l'irréfutable Messie.<br />

Hommes de science, vous n'idolâtrez qu'une mémoire, que des<br />

fonctions irréfléchies. Vous vous plongez dans l'univers du chiffre sans<br />

espoir de conquêtes sur le mouvement des destinées et de ses<br />

révolutions.<br />

432


À part l'explication cosmique<br />

À part l'explication cosmique, son poète reste un incompris. Sa<br />

plume enchante les symphonies. L'effort de minuit entreprend de faire le<br />

point sur le Beau. Il repart sans musique en vrai poète. Il se replie dans<br />

son corps vers d'autres noctambules.<br />

Vibrant de ses cordes vocales mais écouté dans ses solitudes.<br />

Bras tendu aux portes des caves. À toucher de la main les sources de la<br />

jeunesse.<br />

Sonde-t-il les dégagements des eaux baignées dans la tourmente ?<br />

Le vol des airs suspendus à l'aile noire ? Terre plate recouverte de laves<br />

refroidies. Des flammes semblaient descendre... Volcan !<br />

Ce temps n'a de durée que pour le jeune homme. Fini son<br />

amalgame de chances, il rentre dans son Néant. Fleurs odorantes, pétales<br />

chagrinés où vont les feuilles qui volent ? Dans l'espace soulevé et tendu<br />

de son génie. Mais à choisir qu'il m'aurait plu de boire la mare sous les<br />

vents endiablés ! Couché sur les terres, de manger de cette boue comme<br />

un soleil, d'y lire les vols pour tout un mois, puis de chanter les rêves,<br />

sueurs des lits, baignés aux cris des fois anciennes.<br />

Des espoirs vagabonds ruisselaient dans des libertés. Un vin de<br />

433


couleur remplaçait les jeux. Animalier, ce tour de force me prit aux<br />

poignets. Grâce aux vieux on prêche pour se bagarrer à la surprise des<br />

sales découvertes.<br />

Et le cœur lutte contre les yeux, contre les sons qui roulent<br />

pupilles et corps dans leur immensité chaotique. Il faut équilibrer les<br />

battements du bonheur. Si un vent soufflant vient à mourir entre deux<br />

focs, comment son bonheur sera-t-il certain ?<br />

Un dernier regard vers les astres aimés. Quelle réponse me<br />

témoignera plaisirs ou danses ? Hélas, mon nom est piqué sur la page<br />

blanche.<br />

434


Il y avait un lieu<br />

Il y avait un lieu où le monde se pensait. Chacun, seul était un<br />

fragment de tous. La tête inclinée, le visage enfoui dans ses deux mains,<br />

il pensait. Il n'attendait pas de réponses des autres. Sa mémoire après<br />

maintes opérations savantes se transformait. Il devenait, je devrais dire,<br />

il grandissait. L'esprit ainsi neuf, l'esprit multipliait les raisonnements. Je<br />

suis devenu longtemps après les anciens une force saine.<br />

Silence approfondi sans la parole humaine. Se sont fondus, se<br />

sont confondus les préceptes, idées et syntaxes. A l'origine des pensées<br />

sereines nageaient dans un tourment un feu. C'était une autre idée pleine<br />

de confusion marquée d'abandons douteux.<br />

Il y avait ce lieu où je me lisais. Fort de ma jeunesse, je buvais<br />

chaque parole. Il y avait la femme que j'inventais. La femme droite unie<br />

à sa danse, elle était perdue. Ni lieu ni secte ne la concevaient. Elle se<br />

mourait. On remplaça la femme par des poupées. Elles nous firent<br />

l'amour.<br />

Dans les copies, je voulus du neuf. Je remarquais mes non-sens,<br />

et j'insistais. En fait mes raisons me déplurent. Je m'accaparais... Je me<br />

plus à jouer avec le vent. Je devins libre et solitaire. Les forces<br />

m'accompagnent encore. Mais je jouis de mon esprit volontaire.<br />

435


Il y eut un lieu où les hommes se haïssaient. Je partis serein et<br />

transformé, libéré mais sans copies. On remercia le travail.<br />

Sans paradis, quel ange nous porterait ? Sans prison quel<br />

homme de peine nous garderait ?<br />

Il y avait une voix, mais je ne la chercherai plus.<br />

436


Toutes brutales<br />

Toutes brutales. À marquer d'une croix blanche les fantasmes,<br />

mais sans gloire où vont-elles ? La figure se défait dans les armatures, et<br />

ma transe si jamais possession est désuète me prolonge sous les<br />

tractations d'hier. Encore que le sobre nécessaire admette les<br />

déchirements. Quoi ! Reconnais que mes émissions me font participer...<br />

Faibles voix ! Des chutes précoces m'éloignent de ma large entreprise.<br />

Erreurs baignées de haines trompeuses et de suffocations. Leur<br />

laideur crache des pulsions comme des spectres à demi dévorés par la<br />

faim.<br />

Mais toute la gloire éclate, renvoie les déchets sous des<br />

coupoles de cuivre. Moi, je dors enfermé dans ma demeure. Ha ! Toutes<br />

mes souches commencent à encombrer les tableaux que l'on a répertoriés<br />

là-bas.<br />

Non, je ne leur en voudrais pas pour leur infecte soumission,<br />

mais leur facile case, prodigieuse construction hâtive, me foudroie la<br />

cervelle.<br />

Dominer tous les membres, les gloussements et les frontispices.<br />

Incroyable ! Ils viennent.<br />

437


Mélodie vicieuse et superbe qui s'envolait à la minute furieuse.<br />

Boire une tombe et un office d'ancienne guerre. Les forts en gueule ont<br />

chuté impassibles derrière les verres de la beuverie. Mais calmant leur<br />

souffrance, un sang neuf visite petit à petit les gloires passées.<br />

Divagations ! Mais la vie encourage les hommes à devenir<br />

d'autres hommes. Moi gentil et possédant la carcasse de ma nuit, je<br />

m'épuise déjà. Un mauvais toucher gâche l'étude lourde de préceptes<br />

fabuleux.<br />

Se riant de la bavure passée, mortes ou sanglantes que revivent<br />

les traces admises des sots ! C'est la liberté qui vole, et qui repoussée<br />

entre les quarts sort ivre. L'amour croule sous l'armature du soldat. Je<br />

fais glisser les remerciements des casernes diurnes. Le coup droit passe<br />

et mutile les présomptions auxquelles j'étais soumis.<br />

Un regard chu de tempêtes psalmodie les divergences qui ont<br />

bu les arêtes de la cité. Action typique de la déchéance certaine amarrée<br />

près des nouvelles voilures.<br />

Passe l'ordre fin. Des transactions se meurent jusqu'à la<br />

dernière. Ralentissements des fortes chaleurs et les duvets des<br />

purpurines viennent se coucher au premier contact des joies passées.<br />

438


Tout vol réside dans l'acte anodin.<br />

439


Lèvres sonores<br />

Lèvres sonores indistinctes en leur lit, car plaisant je divague<br />

sans m'élire parmi la faune ivre des humains. Tentations ! et mordre l'air<br />

fluide des sauvages esclaves. Encore qui mince je touche du doigt les<br />

millions, et je m'escrime dans un balancement facile ! Ô j'aime ces<br />

mystères...<br />

Vois si je domine les traces dernières, et non je suis jeune !<br />

Recopie l'acte passable. Mon heure s'éloigne de mes déchets... Lignes<br />

abondantes qu'un tel éclair les fonde loin de la chasteté. Je me nuis,<br />

impuissant de mes vils secours... Non, je me veux sous le grand jour,<br />

fruit sec niant mes découvertes exquises.<br />

Quel poème gît pauvre ou las, ou danse presque beau ? Avoir de<br />

mes chances ! Graisse pâle de mon insomnie, et les dieux fiers de ma<br />

traîtrise écoutent encore ... Vite, ta place se perd et des élans me<br />

consument en ma diversité. Erreur ! Car le moindre exploit embrasse mes<br />

douleurs d'enfance. Ô calme traîtrise toute fécondée d'orgueil ! Miroite<br />

esprit désuni dans les profondeurs impies des anciennes horreurs !<br />

C'est mon chant, ô ma puanteur de femme qui plonge aux<br />

derniers frissons. Et qui croira en l'influence stérile puisque je change les<br />

fumées de mes paroles en élixirs grandis ? Je vole à l'espoir incertain sa<br />

440


quantité de merveilleux. Qui dans la transe entendra les secondes<br />

désarmées se morfondre sous mes soupirs exaltants ? L’Être poursuivi<br />

pleure.<br />

441


Œuvre raisonnable<br />

Œuvre raisonnable aux penchants mystiques qui brille d'une<br />

lueur spéciale, j'écrirai artificielle. L'homme a voulu conquérir son âme.<br />

Recherches, méandres, labyrinthes : l'œuvre est incompréhensible,<br />

inaccessible au critique pauvre que je suis. L'auteur espérait qu'on lui<br />

dirait ce qu'il avait voulu dire. Comme son œuvre est insensée,<br />

indéfinissable, personne n'y a rien entendu. Il est des hommes qui<br />

s'enorgueillissent de posséder le génie, celui-ci n'est qu'un vulgaire<br />

mystificateur.<br />

Je déconseillerai au lecteur d'acheter ce livre. Il regretterait la<br />

centaine de francs du volume. Certains livres sont à oublier. Ils ne<br />

méritent même pas la publicité accordée.<br />

À notre époque, il n'est rien de plus facile que d'être publié.<br />

Hélas, c'est encore le public qui achète les pourritures cachées dans les<br />

fruits. L'ignorant ne se fie qu'à l'emballage.<br />

442


Monsieur Breste<br />

Les mutilations de l'esprit, les effets cyniques tolérés dans les<br />

bouches d'autrui, les agacements continuels, les emportements d'une<br />

foule excessive, tout le déchaînement de l'extérieur, tous les conflits<br />

intérieurs de l'âme multipliaient les opérations et invitaient l'esprit plus<br />

qu'à se contredire, à se nier. Sa mémoire s'emplissait de son vide. Il<br />

touchait le Néant. Je devrais dire son Néant.<br />

Les savantes expériences dont il se croyait le Maître l'intriguait<br />

au plus haut point. Par une somme d'intuitions, il s'essayait à dégager<br />

l'utile de l'inutile, à refuser le hasard, à saisir ou à comprendre toutes les<br />

sensations dont vibrait son corps.<br />

Son étrange et constante recherche de soi-même faisait de lui<br />

un splendide narcisse. Détruire tout ce qui l'entourait : ville,<br />

architectures, culture, genre humain, voilà à quoi il passait sa vie !<br />

Il vivait dans une complète solitude voulue et désirée. Le seul<br />

ami avec lequel il tolérait échanger des paroles ou des réflexions était<br />

son âme. Un étrange rite en suivait. Il se plaçait devant un miroir et<br />

attendait de son interlocuteur des réponses.<br />

C'est à la lumière de ce genre d'anecdotes de la vie de Monsieur<br />

443


Breste qu'un jugement sobre rend compte de son comportement.<br />

444


J'avoue les heures<br />

J'avoue les heures ont perturbé mon âme. Des séquelles ont<br />

endolori mes bras. Dans mes chemises, des souffles divins sont passés.<br />

Et des sources de bontés coulèrent largement pour l'histoire et le<br />

renouveau.<br />

Dans les silences jamais éteints, de Grandes Âmes neuves ont<br />

lavé mes espoirs. Rien que des Âmes figuratives, insignifiantes.<br />

Un jour plus riche, j'ai joint des libérations vaines à des<br />

possibilités rarissimes. Mes douleurs vives retracèrent les chemins de la<br />

débauche.<br />

445


Les extravagances de l'esprit<br />

Les extravagances de l'esprit, les grands maux de l'âme<br />

Tourmentent la vie de l'écrivain<br />

: il se nie. Il n'existe pas. La profusion des douleurs, l'éternel, le<br />

bruit constant : Il n'existe pas. Les jours brûlent, il inscrit leurs dates.<br />

Hier est déjà oublié, car aujourd'hui est plus présent encore. J'obtiens le<br />

Néant sous le soleil de l'avenir. Les morts ont tué ma jeunesse. Les mois<br />

disparaissent : il n'existe pas. Les conditions de vie sont inhumaines. Un<br />

refus constant à la culture, à l'écriture, à la lecture. Une gêne perpétuelle<br />

- des coups certains. Je n'ai pas de défense. C'est la soumission. Je subis<br />

les forces. Je suis contraint à subir leur présence. L'espoir, c'est leur<br />

départ. Ou, non - c'est la cohabitation féconde et intelligente. La fin d'un<br />

bagne ou d'une prison. Les oreilles libérées, cette putain de vie<br />

redeviendrait humaine.<br />

446


J'arriverai à exprimer les déficiences<br />

J'arriverai à exprimer les déficiences, les mutilations<br />

grotesques, les insouciances de l'esprit... Ceci sera la preuve de ma foi.<br />

Malveillantes, cupides... Les explications ne manquent pas. J'inventerai<br />

des axiomes, je dégagerai l'essence pure et sans le savoir je redécouvrirai<br />

les pastels cachés.<br />

Dans la mesure où l'heure me garde, je me tais. Les cycles<br />

d'espoir sont à peine achevés, et c'est la grande course vers les paradis<br />

divers, ce sont des lances, des déboires, et au-delà de l'ordre instauré, des<br />

mesures et des grâces atténuées.<br />

Il suffit de s'habiller à la parfaite étoile, de revêtir les draps<br />

soyeux et de gagner la respectabilité. Ma suite tient dans les<br />

découvertes. Ce sont des taches vulgaires, mais je me défends de les<br />

anticiper.<br />

447


J'ai rêvé d’intelligences<br />

J'ai rêvé d’intelligences dignes de mes douleurs et de mes<br />

capacités. Point d'intelligence. Rien que des hommes gris, maîtres de<br />

l'absolu, indisponibles à toute cause suprême. J'ai élevé des autels aux<br />

mémorables survivants. Ma poésie est faite de morts.<br />

Dans une grande ville où je passais pour oublier mes haines et<br />

mes révoltes, j'ai rencontré des tourbillons d'aigreurs, et je me suis jeté à<br />

leurs pieds. J'ai banni mes puissances. Je me suis faisandé dans la<br />

persécution. Les novices m'ont joué un bon tour. Je retournerai dans<br />

cette ville par souci de préserver mes silences.<br />

448


Repose-toi<br />

Repose-toi de tes efforts ! Mais je n'ai pas travaillé ! Le<br />

raisonnement en plus, et la lenteur dans le jeu. Quand apprendrai-je les<br />

règles ? Quelle souffrance acide ! Les silences de l'âme. Trop près de la<br />

nuit. À la recherche de nouvelles femmes. La littérature inconnue, les<br />

indisciplines.<br />

Vers les orgasmes déchirants. Je me souviens des<br />

vagabondages, des folies, des déserts et des nuits froides. Cajolantes vies<br />

d'artistes ! Coups-de-poing sur les lieux de l'inspiration ! Ô travail si<br />

fécond, et stérile !<br />

449


Peut-être sentirai-je ton âme<br />

Peut-être sentirai-je ton âme voltiger autour de moi, Grand<br />

Maître ? Mais pour toute réponse, je n'ai que des silences et un regard<br />

amusé sur la feuille de papier. Une ombre parcourait la chambre. Le seul<br />

encouragement était sa présence.<br />

Peut-être que le jeune poète trébuchant sur les mots t'amusera<br />

encore ? Ho ! Combien de maladresses et d'ignorance dans ce fol esprit !<br />

Quoi de plus sévère et de plus inquiétant que l'ombre discrète d'un grand<br />

homme dans sa chambre ! Aucun espoir d'une aide quelconque, on<br />

regardera, on jugera, cela et rien de plus.<br />

450


On dit que les forces supérieures<br />

On dit que les forces supérieures gravitent autour de nous, mais<br />

qu'elles sont invisibles. Je les ai vues et les ai étonnées avec mon savoir.<br />

Je les ai reçues dans un délire de suffrages, et mes tornades ont fait rire<br />

les meilleurs.<br />

J'aurais voulu m'engager - pauvre fou ! Mes symphonies<br />

déplaisaient à certains. Je n'insistais pas, conscient des erreurs d'autrui.<br />

Un arrivage, une procession sans clown, - dans cette chambre<br />

appauvrie. Une sorte de Versailles empaillée. Des nuits impossibles<br />

mêlées à de piètres tourments. Une faiblesse certaine.<br />

Tout cela existait gravement. J'ai jeté les pierres et le feu aux<br />

yeux des survivants. Je me suis débattu sans lumière, - la lumière était<br />

en moi. On s'est payé d'atroces laideurs, et des méchancetés stupides. On<br />

pensera à de la prose, à un jeu d'écriture. Ma morale est sauvée.<br />

451


Cependant que l'oublié<br />

Cependant que l'oubli hante sous les rayons, et qu'une pluie<br />

passive s'agrippe aux carreaux glacés ; alors que tout, - infortune de mes<br />

jours - pâlit stérile dans ma demeure, je déchire avec l'implacable<br />

douleur les méandres ternes de l'âme tourmentée.<br />

Et la vieille horloge gravite à quatre heures. Le carillon s'épuise<br />

en langueur monotone, et mon registre est vain.<br />

Le bout de mèche de bougie s'efforce de survivre, et lèche<br />

l'ivoire et les dentelles des rideaux. Le front rougi de pâleurs<br />

incandescentes, j'entoure les plis du visage de ronds de fumée immobiles<br />

et lents.<br />

452


Un phallus de cristal<br />

Un phallus de cristal incrusté de pierreries, d'émeraudes et de<br />

saphirs, avachi et mou sur un coussin de velours avec des garnitures d'or.<br />

Je m'imagine et m'appartiens. Au point le plus haut de<br />

m'appartenir une vision terrestre de beauté transparente m'apparaît, une<br />

femme vêtue d'un voile léger, bercée par un vent flotte devant mes yeux<br />

et sa chevelure noire baigne et tournoie autour de son corps. Ses pieds<br />

recouverts d'une robe limpide sont soulevés au-dessus du sol. Elle tend<br />

ses deux mains vers moi, s'approche lentement et son corps glisse. Son<br />

regard me fixe, elle m'invite à me lever et à la rejoindre.<br />

Sur le point de la rejoindre alors si près que je m'enivrais de son<br />

parfum, si près que ses doigts tendus touchaient les miens, elle disparut<br />

comme une bonne fée inaccessible aux simples mortels que nous<br />

sommes.<br />

Un phallus de cristal incrusté de pierreries et d'émeraudes et de<br />

saphirs, raide et tendu sur un coussin de velours avec des garnitures d'or.<br />

453


L'or<br />

L'or sur des paupières repose près des yeux amoureux. Il<br />

dormirait des anges berçant ta chevelure noire. Sur le lit défait, le corps<br />

langoureux sourit, amas de chair lassée, confusion de membres affaiblis.<br />

Des lits de roses<br />

Des lits de roses ; que des pétales nacrés meurent indolemment<br />

d'une ivresse de larmes et de baisers aussi ! Les lunes vertes regardent<br />

attristées les têtes des bouquets larmoyer leurs pâles sueurs. Par la<br />

fenêtre battante, un combat de séraphins vaincus des douleurs passées.<br />

Avec un bruissement d'aile<br />

454


Avec un bruissement d'aile qui voltige dans le clair matin des<br />

dieux, les manteaux des roses à peine éveillées sommeillent dans les<br />

brumes et les brouillards encore. Dentelles frêles piquetées de<br />

mousserons et de gouttes de pluie dans le pré qui dort. Les anges étalent<br />

leurs robes de soie, recouvrent d'un mouchoir neigeux les tiges vertes ;<br />

et le corps de la vallée s'embaume, la bouche de la vallée respire les airs<br />

purifiés.<br />

Naissance d'un monde derrière le lac.<br />

455


Voici l'hiver venu<br />

Voici l'hiver venu. Un dieu se lève et embrasse les charmes<br />

immortels de la séduction.<br />

C'étaient des vendanges et des labours, ce seront des saisons où<br />

seul je porterai les brumes et les fleurs, où seul j'irai danser par les sousbois.<br />

Je réchaufferai la terre et la lisière. Et ma poitrine se gonflera de<br />

souffles rares, d'airs purifiés, de campagnes fumantes.<br />

456


Il y a les grandes villes<br />

Il y a les grandes villes, les fortifications blanches, ensembles<br />

tolérés par les préfectures. Sur les pelouses humides, les libations riches<br />

du printemps. Près des forums, les garnements scandent des jurons dans<br />

les cœurs de la cité.<br />

L'adversité a des pesants d'horloge. On cueillerait sur les terres<br />

dénudées des slogans et des graffitis jetés dans la souffrance.<br />

J'habite le Nord. Hameau de passions, de jeunes couples tendus<br />

vers l'avenir. L'unique droit - c'est un devoir - est de maintenir l'ordre<br />

entre deux haies de glaïeuls. Gardiens d'immeubles en bleu de travail<br />

récoltent les amendes et rattrapent les enfants chahutant.<br />

Je me lave dans les nuées et les départs vers de nouvelles<br />

classes. Participer aux actions de la masse. Déjà l'horreur des groupes,<br />

des colleurs d'affiches, des revendeurs de prospectus.<br />

Je foudroie les dernières taches de pluie. Ma survivance est<br />

prochaine. Je contourne les jardins adroitement découpés.<br />

J'avance très vite dans le cœur administratif. Ici, on a implanté<br />

un centre. C'était un terrain vague. Il y a des clôtures et des barbelés.<br />

457


Je respire les fumées dégagées des cheminées et des<br />

échappements des voitures. Les conducteurs sont au nombre de trois.<br />

J'ouvre la porte à un passager plaqué à l'arrière de son véhicule. Plus<br />

loin, je tire les volets d'une fenêtre, et j'observe la cloison d'en face. Tout<br />

à l'ordinaire : les niches se superposent sur des niches.<br />

L'estimation des murs est facile. On a planté trois clous dans le<br />

plancher. Le reste est affaire de justice. On laissera la carte accrochée<br />

aux murs de la chambre d'enfant.<br />

Les ordures contaminent toutes les odeurs du quartier. Les<br />

boîtes aux lettres se détériorent. Les vagabonds les arrachent dans leur<br />

course.<br />

On embrasse le jeu avec des ballons amassés dans des cours ; on<br />

nettoiera les cages et les vélos plus tard. On s'accompagne dans les<br />

champs car le sérieux est bien loin. À notre portée, des mottes de terre<br />

déchargées pour de prochains ensembles. Les filles, si je me souviens<br />

bien, sont au nombre de quatre. Toutes nues et embrassées dans les<br />

recoins. On leur plaît. On a frappé dans des garages et tordu tous les stores<br />

des particuliers. L'instant est au mélodrame. On demande vengeance, et<br />

l'on devra payer.<br />

458


Des cirques sur le terrain vague. Peu d'affaires à espérer. Les<br />

jetons sont distribués aux porteurs d'eau. Il faut se lever de bonne heure.<br />

L'opportunité aide. Encore des heurts et des chocs, des carambolages<br />

dans des voitures contrôlées cette fois.<br />

Le monde se démêle dans l'eau. Voilà que l'on a regagné le<br />

centre de la ville. Des baignades forcées sous le contrôle d'un maître<br />

nageur. Dix leçons. À tuer, l'homme idiot. Une connaissance de ma<br />

famille. Une erreur de plus.<br />

Les sorties sont pauvres. Quelques mers en été. De monotones<br />

discussions dont j'ignore le sens. Déjà je regrette le bruit et les tons<br />

élevés du père.<br />

C'est la musique ardente pour les poltrons que nous sommes.<br />

J'ai perdu toutes mes forces dans des travaux stupides et imposés. Je suis<br />

devenu clown dans un cirque en tournée. J'ai joué la grande parade, et je<br />

suis tombé dans l'adolescence sans marcher convenablement.<br />

459


Au lieu-dit de l'espoir<br />

Au lieu-dit de l'espoir, une femme se présenta nue à mes yeux.<br />

Avec des coups de poing terribles, je la chassai. Elle résista sous des<br />

abords disgracieux à mes avances. Elle s'émut de mon intelligence et de<br />

mes capacités étrangères à ses possibilités. Je la violai sans la retourner.<br />

Je m'enfuis dans les déserts de l'indifférence. Peu après, je la haïssais<br />

sans méchanceté. Premier ménage.<br />

J'ai fauté avec la belle<br />

J'ai fauté avec la belle, avec l'éternelle beauté. Le printemps<br />

s'est engouffré sous la farouche sœur, et a gonflé sa robe rose comme<br />

l'air filait dessous. Nous nous sommes allongés près d'un vieux chêne.<br />

Sa poitrine respirait, se déplaçait sous la robe légère.<br />

460


Voici mes tragédies<br />

Voici mes tragédies et puis voici mon rire<br />

Ne laissez pas tomber en si piteuses mains<br />

Le savoir d'un géant perdu dans son empire<br />

Ne laissez pas la mort s'emparer du malin.<br />

Que la plus belle voix, sœur et mère des apôtres<br />

Acclame tristement l'hymne et le chant du maître<br />

Et chante d'un air vainqueur les bienfaits du grand prêtre<br />

Chante à l'enterrement suivi par tous les autres.<br />

Car je veux qu'en ce jour l'immortel apprenti<br />

Regagne ses grands cieux escorté de ses anges<br />

Triomphe de son génie acclamé de louanges<br />

Et encore s'en retourne où certains sont partis.<br />

461


Il y a le Néant<br />

Il y a le Néant et l'Espoir et la Vie,<br />

La Mort qui me poursuit, déchirures et démons,<br />

Le Passé qui n'est plus, le Futur qui se vit,<br />

Il y a le coup du sort, dansons et pleurons.<br />

Le Génie du destin a frappé mes soleils,<br />

L'amour a traversé mes rayons impudiques,<br />

Des ébats ténébreux ont glacé mes sommeils,<br />

J'étais ivre de chair et d'actes fatidiques.<br />

Le fruit n'était pas vert, le suc était limpide.<br />

Concessions et jouissances insipides,<br />

Que le corps fut amer ! Je recherchais l'amour.<br />

Abruti et servile, je ne me connais pas.<br />

La femme est un besoin enlacée de contours.<br />

Sans âme et sans pensée, je n'y reviendrai pas.<br />

462


La goutte a coulé belle<br />

La goutte a coulé belle sur la hanche bombée<br />

Le sang s'est répandu entre les lèvres ouvertes<br />

Le sperme est sur les dents de la femme courbée<br />

Le liquide jaunâtre sur la langue est séché.<br />

La fille s'est tordue entre les draps salés<br />

L'amour a pleuré pur au bord de son délire<br />

Le lit fait de soupirs a murmuré encore<br />

Et la nuit vagabonde s'est enfuie au grand jour.<br />

S'est inclinée la tête sur le rêve endormi.<br />

463


Tout près, si près<br />

Tout près, si près, si proche aux délices d'entendre,<br />

Comme une ombre lassée des plaisirs de la chair,<br />

Femme endormie, tu m'appartiens ce soir, très tendre<br />

Ou tu remues la tête baignée dans la lumière.<br />

464


La chute<br />

La chute. Vers la source d'eau vierge. L'élan à travers les<br />

branches. La neige fond goulûment dans les ruisseaux. Le support des<br />

rives. Vers les hameaux, les odeurs et les fumées. Paysage triste. Les<br />

bras mobiles du moulin. L'écume grouille et lèche le dessus de la plaine<br />

jusqu'à la rivière plus loin.<br />

Il y a un souterrain dans les bruyères. Les enfants jouent à la<br />

bataille déguisés en apaches et en soldats d'Amérique du Nord. Cris<br />

stridents dans la nature paisible. Il y a des morts sur le champ de guerre.<br />

Je me relève d'un bond. Les mains sont liées dans le dos avec une corde<br />

pesante.<br />

Le bruit avachissant me rend immortel. Le couteau à la gorge.<br />

Déjà quatorze mois. J'avais vingt ans. Écarts et silence encore. Le poème<br />

est-il correct ? Mais c'est la même débilité, la même enfance. L'eau ne<br />

lavera par les cellules pures. Je serai prisonnier encore.<br />

465


Des terre-pleins<br />

Des terre-pleins partagés entre des bâtiments occasionnels que<br />

l'on distingue à peine derrière des fumées d'usines médiocres. Les<br />

teigneux et les innocents se croisent pêle-mêle entre les allées<br />

sablonneuses et les chemins de gravillons.<br />

Un tel est mort cet après-midi. Il était gros et bouffi. Les<br />

croque-morts l'ont transporté sur une chaise jusqu'à l'ascenseur.<br />

Là-bas c'est l'accident bête. Les gosses se cognent la tête sur les<br />

barres fixées aux poteaux électriques.<br />

Des troupes de pauvres défilent dans le quartier, les mains nues<br />

sans slogan hostile dans la bouche.<br />

C'est le vice, la luxure et les grands patronages qui<br />

reconstruisent le nouvel emblème. Il route des flots de sang de tes<br />

langueurs.<br />

ville.<br />

Quant à la prostitution, elle est inexistante sur les pavés de la<br />

Mais tous ces déchets sont des symboles et des retours et des<br />

466


appels d'une mémoire perdue ou d'une âme arrogante. Rien à la<br />

découverte. Tout m'a appartenu. Aucune clé. Un passé lointain qui<br />

resurgit des profondeurs de l'inconnu, voilà tout.<br />

Sais-tu, il y a des vagabonds et des déracinés. Un oeil torve<br />

observe, c'est le judas dans le milieu de la porte.<br />

Ô les débordements indescriptibles, les écarts fangeux, les<br />

faveurs gracieuses exorbitantes mais c'est le théâtre virevolté et<br />

ténébreux. Sur une piste, il y a des jongleurs qui brossent des poupées<br />

d'argent. Dans un stade, des artistes fabriquent des rôles. Il y a aussi des<br />

transferts d'indifférence et des amertumes contrôlées.<br />

À la dernière invention, je me suis envolé et j'ai crié dans ma<br />

poitrine éclatante les mots à cacher. Il est vrai que je n'aurais pas pu les<br />

vendre, et qu'ils auraient été conservés dans une bibliothèque ou une<br />

grande surface.<br />

Après les malédictions souveraines, des pleutres sont venus<br />

regarder l'oiseau distancé, et ils ont ri lugubrement de mes faiblesses.<br />

Aujourd'hui ni l'oiseau mort ni les consternations existent. C'est peutêtre<br />

mieux d'ailleurs.<br />

Il aurait été idiot de flamber un bois roussi, d'assassiner une<br />

467


idole ou d'arracher les pattes à un insecte.<br />

Le vice aidant, il m'est venu l'envie de construire un chapiteau<br />

gigantesque. Des pitres vicieux et perfides ont collé sur des carreaux et<br />

des vitraux des prospectus sordides. Ont-ils compris qu'ils étaient les<br />

grands perdants de cette fresque extrême ?<br />

Faut-il m'interdire de travailler<br />

Faut-il m'interdire de travailler ? De compter, d'accentuer ?<br />

Faut-il détruire une âme saine, une force vive de vingt et un ans ? Ma<br />

paresse et ma chair sont-elles d'or ? Que sont-ce que ces systèmes, que<br />

ces complexes ? À quoi peut bien servir de nasiller des phrases<br />

indistinctes ?<br />

Ho ! Les yeux me brûlent. Il faut se taire. L’erreur est bien<br />

quelque part. J'ai dû me tromper.<br />

468


La mort<br />

La mort aimant à me martyriser, je m'abandonnais encore aux<br />

lâches réflexions avec des bourdonnements teigneux dans mon âme. Je<br />

resplendissais de défauts. Je ne me sentais guère le cœur frêle et blanc<br />

battant la mesure éternelle de la souffrance.<br />

Le bruit, quel vieil ennemi de ma jeunesse atteinte ! Ô le pleutre<br />

et l'enfermé, banni de tous et de la femme, caché dans la masure, face au<br />

soleil ! Ô la mort qui observe dans le clair de l'oeil le savoir qui s'éteint<br />

en elle !<br />

Mais eux, tous illuminés et chancelants sous l'ignorance ! La<br />

force énorme et stupide contre l'enfant purifié ! Quels déchets<br />

tourbillonnent autour de l'âme glorieuse !<br />

Je puis brûler tes tympans. Tu es en mon pouvoir, esclave<br />

maudit. Je me suis abattu sur toi tel l'aigle noir. Tu croyais voir le sceau<br />

royal annoncé par la lumière divine. Tu es ma médiocre perversion, moi<br />

qui t'ai possédé pendant de longs printemps.<br />

469


Nuits grasses de sperme<br />

Nuits grasses de sperme qui roulait sur des poitrines, et tombait<br />

en cascades dans des gorges assoiffées ! Ô jets immondes qui<br />

fécondaient une vulve étroite !<br />

Sexe s'engouffrant dans ses rondeurs lourdes et interdites !<br />

Place innée pour les couples de chair !<br />

Laideur qu'on appelle amour ! Je me rends à vos pieds, femmes<br />

humaines ! Hélas j'aime encore !<br />

Et toutes les vomissures bues, les urines goulûment avalées, les<br />

crachats léchés sur vos ventres tombés. Les langues qui s'introduisent<br />

dans les parties intimes de vos corps de possédées.<br />

Ô femmes, et ces matières fécales arrachées avec l'index<br />

honteux et ces doigts sucés avec délectation ?<br />

Qu'ai-je donc appris ? Que l'amour était une horreur ? Que le<br />

plaisir était une douleur stupide ? Un sexe gratté jusqu'au sang par des<br />

ongles très longs, des glands brûlés et sucés jusqu'aux entrailles, un<br />

pénis tordu et mordu par des dents tout blanches avec un rire ou un<br />

rictus sur vos bouches entrouvertes ? Ô femmes, je ne sais plus.<br />

470


Fallait-il sodomiser et rire de la laideur, et de son acte ? Cela<br />

était-il le bonheur ? Ô femmes ou démons, le rouge n'a jamais envahi<br />

vos visages de salopes !<br />

Que l'homme fait de conscience s'en repente ! Jamais plus, et<br />

plus jamais, et maudits soient les plaisirs éphémères !<br />

471


Nue. Elle était nue.<br />

Nue. Elle était nue. Et la jambe longue et la fesse lourde étaient<br />

un appel à l'amour, à la caresse, à la jouissance et à l'ivresse.<br />

Le sein superbe et droit, viril comme une tigresse, dressé au ciel<br />

appelait la morsure sublime de l'homme.<br />

Ma langue léchait encore cette aisselle que des gouttes de pluie<br />

trempaient de saveur. Mes yeux remplis d'éclairs et de désirs appelaient<br />

ses yeux bleus. L'ivresse et les soupirs berçaient de leur langueur<br />

mélancolique l'âme satisfaite et rassasiée de plaisir.<br />

Et la femme, bouche ouverte, la chevelure bleue renversée en<br />

arrière soupirait d'aise.<br />

472


Des caresses nonchalantes<br />

Des caresses nonchalantes sur des coussins de pourpre d'or,<br />

baignées dans une lumière molle. Les corps fatigués comme une ombre<br />

chinoise, se donnent sur les murs de la chambre.<br />

La flamme bienveillante regarde les monstres énormes surgir et<br />

souffler inexorablement. Les langues s'unissent et se mêlent dans un<br />

palais merveilleux, les odeurs et les chaleurs éveillent les sensations des<br />

désirs enfouis.<br />

Ô râles, cris sauvages des bêtes griffées ! Les corps se fondent,<br />

lutteurs inassouvis de chair et de jouissance ! Les corps s'usent dans un<br />

combat de plaisir monotone.<br />

La bête crache, hurle et s'éteint. Les survivants se délassent et<br />

meurent dans les draps parfumés d'excréments et de senteurs anales. Ô<br />

les maudits dont les sexes sont gonflés du suc épais ! Les saletés<br />

respirées, léchées et avalées ! Les contacts vicieux et lâches. Les coins<br />

de chair ensanglantés et brûlés !<br />

Toutes les erreurs et tous les naufrages sillonnent dans ma tête.<br />

Mais le plaisir se meurt, hélas le plaisir est oublié !<br />

Un bric-à-brac curieux<br />

473


Un bric-à-brac curieux où se mêlent des objets de la première<br />

guerre mondiale. (La Der des Ders, comme le pensait chaque petit<br />

français) des masques à gaz, des armes et des baïonnettes, des maquettes<br />

de tranchées allemandes et les fameux casques et l'accoutrement du<br />

parfait soldat tombé pour la France.<br />

Évidemment, on se croirait dans un musée. Il ne manque que la<br />

plaque commémorative au-dessus de la porte d'entrée : gloire aux<br />

immortels inconnus de quatorze qui défendaient jusqu'à la mort le sol de<br />

notre patrie.<br />

Mais il n'y a pas de plaque commémorative, comme il n'y a pas<br />

de musée. Il n'y a pas non plus de conservateur ou d'employé qui<br />

délivrerait des tickets à un franc cinquante, ou des bons gratuits pour les<br />

enfants ou les scolaires.<br />

Non, toute cette histoire se déroule dans mon âme, et il n'y a<br />

pas de sol à défendre et je suis en paix avec moi-même.<br />

Non, ce paragraphe certes médiocre m'est sorti de la tête<br />

comme je pensais à Jean Cocteau et à Guillaume Apollinaire. Ce sont<br />

Thomas l'imposteur et la femme assise qui évoquent en moi la guerre de<br />

quatorze dix-huit.<br />

474


Et cette merveilleuse insouciance du peuple parisien, tandis que<br />

des affrontements sans précédents ont tué plus d'un million et demi<br />

d'hommes.<br />

475


Ô les reflets changeants<br />

Ô les reflets changeants et le spécial effet<br />

stupéfiant l'ordre et le désordre des traces naturelles !<br />

l'étang d'à-côté !<br />

Les lumières violettes et ocre et rouges, et la couleur qui baigne<br />

Ô les superbes et les belles renflouées dans les sources, près des<br />

citernes de cristal, autour des terres !<br />

En contrebas, un grand royaume qui file vers les vallées<br />

boueuses. Les rieuses tempêtes et les barrages calfeutrent les forces des<br />

eaux. Les digues ont vibré, élégantes dans leur conception. Rien à sec.<br />

Des terrains, des maisons se chevauchent, jonglent avec les espaces des<br />

particuliers.<br />

Tous à la toilette. Les vieillards agrippent des bâtons, les<br />

gamines multiplient les entrechats, et les femmes s'acharnent à marcher,<br />

mais elles dansent.<br />

Une seconde encore, et la panoplie des visages disparaît<br />

derrière les arbres. Avec des cris enfantins, tous courent se laver.<br />

476


Les neiges et les chaînes des monts ! Du sommet coule la<br />

source et règne sa majesté !<br />

477


Une beauté au comportement bizarre<br />

Une beauté au comportement bizarre a taché ma jeunesse, et j'ai<br />

heurté les rocs de la consternation. Plus loin dans des mouvements<br />

incertains, la belle s'est métamorphosée en reine, non ! en ange.<br />

Angélique apparut pour la première fois au bal. Son<br />

magnétisme était foudroyant. Dans les chambres, elle a tourné son<br />

regard vers moi et sa silhouette féminine glissait sur les tapis. Je<br />

transpirais une sueur aigre et m'essuyai du revers de la manche.<br />

Elle flottait, plutôt qu'elle ne marchait. Et j'ai suivi sa démarche<br />

au-delà des murs où elle a disparu. Au balcon, je vis son spectre<br />

traverser l'allée faite de roses rouges et d'œillets multicolores. Elle<br />

m'échappait, je m'avançais.<br />

Plus tard dans le parc, je reconnus sa démarche, et je courus à<br />

sa rencontre. Je l'ai prise par la taille, et je tombais à ses genoux.<br />

Elle s'assit sur mes hanches sous les chênes roux. J'embrassais<br />

sa poitrine et je glissais tous mes bras dans ses cheveux.<br />

Peut-être roulerai-je avec elle vers les sous-bois, et dans l'herbe<br />

foncée. Au premier choc, je me suis enivré de tendresse, et hagard<br />

478


d'amour je me suis laissé emporté pour les tourbillons d'illusions.<br />

Vers la première heure, je m'endormis.<br />

479


Étonné par mes tribulations<br />

Étonné par mes tribulations, je sens les scintillements des<br />

étoiles et des nébuleuses jouer contre ma face radieuse ! Le désert s'est<br />

évanoui aux premières heures, et j'ai souffert de tout mon corps pour une<br />

terre promise. Combien de bréviaires et combien de pus ! Deux sont<br />

venus se fondre entre mes doigts !<br />

Non, je ne te parlerai pas, Marie. J'exploserai en souffrances,<br />

voilà tout. Je laisserai mes douleurs se perdre en gémissements plaintifs,<br />

et ma voix sera un râle capté par toutes les terres en Occident. Je me<br />

sauverai, Marie, je me sauverai.<br />

Voici les blés et les récoltes, et voici les fruits mûrs. Vois<br />

comme ils s'amoncellent dans le grenier. L'humidité, je la chasserai. Les<br />

rats, je les tuerai. Ne désespère pas, Marie, je suis l'éternel chasseur, le<br />

chasseur foudroyant.<br />

Les racines du mal s'agrippent à ma bouche. Mon organe n'est<br />

plus qu'une corde vocale souffrant dans l'immense immortalité. Je<br />

détruirai les méchants et je relèverai les bons et je croyais en toi, ô mon<br />

seigneur !<br />

Je te défends de m'insulter, Marie. J'aurais pu cueillir les fruits<br />

480


de la création. Je te défends de me battre. Je pourrais construire le<br />

royaume de l'entente.<br />

L'entente, c'est la paix et le pain à satiété pour tous. Mais tu<br />

sembles étrangère à mes paroles. Pourquoi ne m'écoutes-tu pas ? Tu es<br />

seule, éloignée du troupeau. Je t'aime, Marie. Hélas, mes paroles sont<br />

vaines !<br />

481


J'ai besoin de ta poitrine<br />

J'ai besoin de ta poitrine où je cueillerai le fruit de nos<br />

entrailles. J'ai besoin de ton odeur douce de pucelle où j'engouffrerai<br />

mes cheveux. Que m'importe l'inceste, marie. Il n'y a pas d'inceste entre<br />

toi et moi. Ton corps m'appartient et je suis ton corps. Ne souris pas,<br />

Marie, de ton sourire d'ange. Ne te moque pas de moi. Je suis purifié et<br />

je suis le fruit de ta chair.<br />

Un ange ou un Dieu a posé son aile blanche sur la tête des<br />

morts. La femme s'est ouverte et le feu de l'amour a réchauffé ses jambes<br />

et ses seins. Et son sexe a brûlé d'une chaleur vive.<br />

J'ai jeté un baiser sur tes lèvres, moi avec ma bouche infectée<br />

de mensonges et de crimes, moi avec ce coeur qui bat au rythme de<br />

l'envie et du vice de la chair. C'est avec une humeur étrange que je me<br />

suis allongé près de toi. Et j'ai senti ton haleine chaude, et l'orgasme si<br />

proche qu'il semblait te contenir.<br />

J'ai caressé tes jambes lentement, et je me suis couché sur ton<br />

épaule. J'ai bu dans ton oeil pur le plaisir qui libère. J'ai bu le sang du<br />

pauvre, la jouissance infinie.<br />

Ne m'accable pas de péchés. Mes sens inassouvis ont demandé<br />

482


le droit au bonheur. Je lèche ton sein, et je me repose dans tes odeurs.<br />

Ô femme, que n'es-tu femme et déesse et vierge et bontés !<br />

Pourquoi tant de haine dans ce coeur, toi qui as joui de mon parfum de<br />

rêve ? Marie, baigne-moi dans tes caresses, baigne l'enfant sacré dans tes<br />

faiblesses de mère !<br />

483


Loin des derniers péchés<br />

Loin des derniers péchés, les races vont, viennent et dansent<br />

dans les sillons du hasard.<br />

Près d'un lac, j'ai vu des figurines tournées leurs yeux maudits<br />

en direction des plaines déjà perdues. Les guerres maltraitaient les<br />

possédés agrippés au choc de la charrue. Les vols et les mues<br />

transforment les comportements tandis que je me propose de partir à la<br />

recherche du renouveau.<br />

Ma tignasse promet des survivances. Dans des encyclopédies,<br />

j'ai trouvé des chiffres. J'ai pris garde de les dévoiler. On aurait pu<br />

découvrir les démons sacrés, les vraies pistes. Dans mes pensées<br />

subtiles, se cachait un vandale en proie à des dépressions macabres.<br />

Plus loin, j'ai suivi les traces des poursuivants. Ils m'ont lâché<br />

dans la nature près des fontaines étroites. Vers les caves sanglantes, les<br />

hommes sont revenus, et je les ai chassés à coups d'écoeurement. Les<br />

pénombres légèrement teintées transformèrent en pluies transparentes<br />

les derniers exploits ainsi conquis.<br />

Dans un royaume d'argent, elles m'obligèrent à m'asseoir tout<br />

484


nu, droit sur une chaise, face au confessionnal. Je m'agaçais maudissant<br />

les heures d'infortunes passées dans des conditions inconfortables.<br />

Toutes les chaleurs du globe vinrent à ma rencontre dans un brouhaha<br />

formidable. Je m'élançais jusqu'à la demeure du revenant. La tête<br />

harcelée du matin jusqu'au soir, je chantais des cantiques pour me<br />

relaxer comme je le pouvais. Je désirais une forme saine et un état<br />

physique compétitif.<br />

485


Longue la courroucée<br />

Longue la courroucée qui jurait avoir vu sept flammes se perdre<br />

sans écho dans les tourments des destinées. Revêtue de la robe des<br />

prêtresses, l'élégante s'enferma sans plus rien y voir - "Obscure, obscure<br />

vie, tu nous prends !" Cria-t-elle.<br />

Nourrie de fantasmes, l'âme révoltée et soumise s'égarait dans<br />

des évaluations incertaines.<br />

"En cette heure importante, l'homme joue et se perd dans la<br />

réalité. Il embrasse les forces qui rougissent, qui régissent sa flambante<br />

destinée. Le monde est mort !" Hurlait-elle !<br />

486


J'habite<br />

J'habite dans un très vieil appartement où s'entassent des<br />

souvenirs confus par milliers. Là, une console qui a connu son heure de<br />

gloire à l'époque de ma grand-mère. Là, un tas de grimoires croulant<br />

sous la poussière, et des estampes représentant des scènes d'amour<br />

d'avant-guerre, - celle de quatorze - le désordre y règne.<br />

Les tapisseries usées ? - Des scènes campagnardes allégoriques.<br />

On y voit un jeune homme sous le soleil radieux tenant dans ses deux<br />

mains largement ouvertes des grappes de cerises. Au loin, des jeunes<br />

filles près des arbres debout sur des échelles remplissent des paniers de<br />

fruits juteux et rouges. C'est l'été.<br />

Les autres saisons sont aussi représentées avec des détails<br />

touchants. Les moissonneurs, puis l'hiver, la neige, le froid, les<br />

vendanges, le raisin : tout y est bête et puéril, mais charmant. J'y jette un<br />

oeil blasé, parfois la monotonie plaît à ma rêverie et à ma nonchalance.<br />

Avez-vous contemplé ce tableau admirable de Renoir "Pêches<br />

et amandes" ? Il y règne une paresse qui semble échapper au temps.<br />

Mon intérieur est semblable aux œuvres de ces maîtres. La vie<br />

487


s'est arrêtée, l'heure n'existe plus. Le seul bruit qui se perçoit est le<br />

silence dans cette demeure passée.<br />

488


Éloigné des douleurs<br />

Éloigné des douleurs que le repos apaise,<br />

Plusieurs fois dans la nuit, je me dois de vieillir<br />

Avec de vagues tâches qui jamais ne me plaisent,<br />

Tant l'Art est difficile, que pourrais-je cueillir ?<br />

Je m'y astreins pourtant moi, artisan en chambre.<br />

Si le travail m'est cher, je tombe dans le doute.<br />

Personne non jamais ne sait ce qu'il en coûte<br />

À l'esprit fatigué des vers qui se démembrent !<br />

Je me flatte pourtant d'y risquer ma jeunesse.<br />

Perdu et sans rigueur que reste-t-il à faire ?<br />

Attendre patiemment que le génie se dresse,<br />

Ou pleurer sur son sort que le Néant éclaire ?<br />

489


Le Croît et la Portée<br />

L'aigle<br />

Loin, le dévastateur dans le ciel obscurci<br />

Sillonnant de son aile inconnue, le remords,<br />

Tombe sur maints poètes misérables et maudits<br />

Et couvre de son ombre les charniers et les morts.<br />

Les yeux remplis de fiel et du sang des esclaves,<br />

Il boit l'œuvre sacrée, jouit cyniquement<br />

Des martyrs dépecés traînant de noires épaves<br />

Dans des champs merveilleux ou des déserts brûlants.<br />

Sur sa terre, l'homme seul croit reposer en paix.<br />

Nu, le regard braqué sur sa tâche il sommeille,<br />

Quand un aigle puissant, majestueux l'éveille :<br />

Et l'on entend le sordide appel du néant<br />

Arraché à son cœur un dernier souffle au ciel :<br />

Le poète au combat tombe épuisé, hurlant !<br />

490


Dans les noires profondeurs<br />

Dans les noires profondeurs de ma tragique vie,<br />

Un spectre immense rôde la nuit autour de moi,<br />

Un fantôme sans âme, sans chair et sans esprit<br />

Qui lentement regarde, majestueux et droit.<br />

Il regarde les heures s’égrener peu à peu,<br />

Cadavre bicéphale implanté dans mon âme<br />

Qui hante les écrits, les jette dans les larmes,<br />

Et mon piteux savoir est toujours miséreux.<br />

Vers d'autres gouffres encore, le blond génie espère.<br />

Loin des cachots humides, triomphe sa mémoire :<br />

Elle cherche son espace limpide, vaste et clair.<br />

Elle se nourrit d'extase, de nard et d'illusoire<br />

Et prétend posséder la beauté immortelle<br />

Qui doucement l'élève vers la sphère irréelle.<br />

491


Le désespoir<br />

Alors que toute fin recouvre les ténèbres,<br />

Que des odeurs légères flottent dans le lointain<br />

Et voguent en s'inclinant au firmament serein,<br />

Des cloches se fracassent dans mon ciel étoilé.<br />

Mon âme fatiguée, frappée par mil combats<br />

Épuisée dans ses heures, atterrée et couchée,<br />

Mon âme glisse encore et se meurt lentement<br />

Sous les mornes langueurs de l'écrasante nuit.<br />

Tout luit ou resplendit dans ce néant sinistre :<br />

L'aiguille des minutes me rappelle l'instant,<br />

Et morose et fini, je vais dormir encore.<br />

Alors ils sont sept rêves pernicieux et ingrats<br />

Qui viennent me gagner dans ma sombre Cité.<br />

Et mon âme et mon cœur déchus et convoités<br />

Comme la lourde mer aux entrailles profondes<br />

Lentement rapatrient ma souffrance de chair,<br />

Je m'abats sur moi-même et je supplie encore.<br />

492


Ange de ma souffrance<br />

Ange de ma souffrance, voyez-vous ma détresse<br />

Venir mourir au fond de mon humble tombeau<br />

Où le temps incessant qui jamais ne paresse<br />

Me réveille à chaque heure et frappe le caveau ?<br />

Ange de ma souffrance, voyez-vous ma détresse ?<br />

Quand tout semble achevé et qu'il ne reste rien,<br />

Quand le vil désespoir a recouvert mon âme<br />

De luxures et de meurtres et de rêves anciens,<br />

Quand les femmes atroces lentement se pavanent,<br />

Oui, tout semble achevé et il ne reste rien.<br />

Une voile tendue pourtant au loin s'apprête<br />

À transformer les cœurs, et l'on croirait y voir<br />

Des mâts et des îlots survolés de mouettes,<br />

Le temps est incertain, il fait déjà très noir.<br />

Une voile tendue pourtant au loin s'apprête.<br />

Partir vers d'autres rives, partir à l'infini !<br />

Mais tout ce qui vit doit réellement mourir<br />

À l'exception du temps que j'entends venir<br />

Se charger des angoisses et de tous mes ennuis.<br />

493


Partir vers d'autres rives, partir à l'infini !<br />

494


Oradour-sur-Glane<br />

Lorsque l'aube envahit et tomba maladroitement sur le petit<br />

village endormi,<br />

Lorsque le soleil bleuté dans ses vapeurs automnales s'éleva<br />

lentement au-dessus des cheminées fumantes,<br />

Un cri terrifiant fit trembler la campagne et tous les oiseaux<br />

s'envolèrent d'un seul coup.<br />

L'homme inquiet sortit de sa cabane de bois et jeta un regard<br />

circulaire sur le paysage effrayant.<br />

Des damnés s'agglutinaient avec leurs charpies aux rochers et<br />

des femmes ensanglantées dans leurs haillons tendaient une main<br />

tremblante vers le refuge.<br />

L'homme frotta ses yeux croyant rêver encore. Il se vit dans son<br />

lit, il chercha la bougie et l'âtre fumant où rougeoyaient les cendres de la<br />

veille.<br />

Des images hideuses traversaient son esprit : des corps nus, des<br />

enfants martyrisés geignant et suppliant appelaient la délivrance, les<br />

yeux remplis de sang, sans flammes et sans lueurs d'espoir.<br />

495


La Déesse<br />

Tu te pâmes, Déesse sur des lits insoucieux,<br />

Et dans la gloire, ivre de soupirs, tu t'endors.<br />

Un long rêve de miel s'échappe, désireux...<br />

Pourquoi tant de caresses après l'ignoble effort ?<br />

Oh ! L'ombre des complaintes, des plaisirs inouïs !<br />

Ces jambes découvertes aux substances divines<br />

Succombent sous le feu lugubre de ta nuit !<br />

Une pointe dressée accède à la poitrine...<br />

Ô lueurs matinales, ô cœur qui bat en moi,<br />

Que la source où mon mal s'endormait un instant<br />

Émancipe en l'orgueil la douceur de l'émoi !<br />

La volupté de marbre qui sied à mes côtés<br />

Peut avec son regard de belle à tout moment<br />

Entre deux nonchalances ou trêves s'envoler !<br />

496


Ô paix profonde<br />

Ô paix profonde quand ton silence supplie en moi,<br />

Se meurt sous de superbes lumières l'astre pur<br />

De sagesse douloureuse. J'entends battre l'effroi...<br />

Tu te dodelines, l'oeil vif, pensant au futur.<br />

L'oriflamme de tes songes, tu le veux revêtir ;<br />

Aux ténèbres lourdes où ruisselle l'accalmie,<br />

Tu discernes les plaintes et les lieux à venir.<br />

Dans ta bouche béante se baignent les furies.<br />

De blondes somnolences contemplent les rivages.<br />

L'être infini recherche la croyance des Dieux,<br />

Et les voix accouplées dans le Néant dégagent,<br />

Un sonnet fort ancien que je croyais odieux.<br />

Regardant les ombres déplacées ou libres, fier<br />

De la jetée, je m'éloigne de la misère.<br />

497


Et toi de la plus chaste<br />

Et toi de la plus chaste que tes seules mains demeurent<br />

Aux sources limpides et d'or où sommeillent parfois<br />

Les tristes complaisances de tes soupirs de coeur !<br />

Ivre de terres lointaines, je te vois, tu chancelles...<br />

Là-bas j'ai vu sombrer tes naufrages, exploser<br />

Les faiblesses étroites que tu aimes à durcir,<br />

Et dans ta couche froide, c'est une tombe aisée :<br />

Des maîtres sibyllins, carnassiers de plaisir.<br />

Que de tentations ! La chair ne peut résister,<br />

Elle se tord confuse dans ses désirs étranges !<br />

Et le mal épineux, hypocrite est jeté.<br />

Ô la folle jeunesse au pur sourire de l'ange.<br />

Je sais la pâle élue resplendir, mais malheur :<br />

Qui embrasse son corps éloigne sa fraîcheur !<br />

498


Tombeau de l'Obscurci<br />

Puisque l'arôme incarne une lumière noire,<br />

Où mille baisers épris ont caressé l'instant,<br />

Dans son luxe alourdi à peine descend l'oir...<br />

Que la veine obstruée arrange l'Obscurci<br />

Car l'amas de son doute succombe tel sanglant<br />

Jusqu'en la nonchalance qu'un alcool a démis.<br />

Une paix généreuse modulant les mérites<br />

Prescrit comme le rêve puise sa destinée<br />

Des Naïades étranges ou de claires Orites<br />

Sur le doigt élégant d'une sublime fée.<br />

Et nue et éperdue, telle vestale en démence<br />

L'inspiration priant l'herbe sur son écho<br />

Va sur sa tombe belle moduler en cadence<br />

La réalité vaine d'un horrible sanglot.<br />

499


Même tombeau<br />

Puisque l'aurore incarne une lumière noire<br />

Où mille baisers épris s'accomplissent en l'instant<br />

De son luxe alourdi à peine descend l'oir...<br />

Que la veine obstruée encombre l'obscurci !<br />

Sur cet amas de doute il succombe et il meurt<br />

Jusqu'en la nonchalance qu'un alcool a demis.<br />

Une paix modulée qui vente les mérites<br />

Prescrit, comme le rêve pense sa destinée,<br />

Des Naïades étranges et de claires favorites<br />

Sur le doigt élégant qui distingue la fée.<br />

Alors nue et perdue, vespérale démence !<br />

L'inspiration qui prise son bel écho<br />

Va sur sa sombre tombe moduler en cadence<br />

La réalité vaine d'un horrible sanglot.<br />

500


Marie la bonne<br />

Ces braillards écumant dans leurs assiettes creuses<br />

Fortifient en des sacrements des rôts vulgaires.<br />

Poussifs de crasse, et l'articulation osseuse<br />

Ils crachent des fumées dans des relents de bière.<br />

La bonne, ronde de cuisses, aux fesses bien pesées<br />

En rose de jeunesse circule en riant.<br />

Les mains larges et rugueuses de façons empressées<br />

Se posent rapides et lestes en gestes caressants...<br />

Marie la bonne heureuse convoite les délices<br />

D'un jeune militaire assis devant son vin.<br />

Marie, Marie pensante rêve d'amours factices ! ...<br />

Car le teint délicat et la barbe naissante<br />

Sont l'hommage rendu à l'heureux sacripant.<br />

Marie, séduite tombe à ses pieds, fleurissante...<br />

501


Les ivrognes<br />

Plaqués contre les murs, les ivrognes hagards<br />

Pissent de leur mieux chantant contre les poubelles.<br />

Vils, contents d'eux, puant leur horrible pinard,<br />

Ils se frayent un chemin sur les boîtes qu'ils martèlent.<br />

Et la barbe de vin et l'haleine putride<br />

Cognent leur pauvre tête sur les murs égarés.<br />

Un instant de bonheur, la main comme une bride<br />

Baise de son mieux la pouffiasse délaissée.<br />

Eux, dans leur misérable sort riant de joie<br />

De leurs dents jaunies par l'alcool de fumée<br />

Crachent encore ou vomissent en s'aidant de leur doigt.<br />

Semblable aux fantômes de la mort, mon malheur<br />

Pourrit son fruit lugubre en des noires fumées,<br />

Pourrit cette jeunesse honteuse de mon coeur !<br />

502


Soirée funèbre<br />

Quand l'imperturbable monotonie agite<br />

Les regards langoureux de haine et de malheur,<br />

La fin perpétuelle se meurt et se précipite<br />

Comme un déferlement au temple des douleurs.<br />

Des caveaux ouvrent leurs portes remplis d'espoir !<br />

Les spectres enchantés, mains osseuses et tendues,<br />

Proclament lestement qu'il faut entrer pur voir,<br />

Le bonheur se veut autre et n'est jamais perdu.<br />

Et quand entraînés par cette force sublime<br />

Soulevant le poids de l'existence douteuse,<br />

Esclaves enchaînés d'une voix qui domine,<br />

Nous allons, fuyant par ces ténèbres le soir,<br />

La peur s'empare enfin de toi, ô ma dormeuse :<br />

Tu supplies mon amour et cries ton désespoir !<br />

503


Et ils vont ces vieillards<br />

Et ils vont ces vieillards honteux et affranchis<br />

Dans la fosse commune resplendissant de vers.<br />

Le pas lourd, boitant, ils vont hagards et démis<br />

Comme des fils lugubres se dirigeant sous terre.<br />

Ils ont l'oeil ténébreux perdu dans des espoirs<br />

D'hier ! La morne parole tremble sur leurs lèvres.<br />

Ils continuent inlassablement jusqu'au soir<br />

Dans l'implacable marche sans abandon ni trêve.<br />

Et leurs pieuses mains parfois se lèvent au ciel<br />

Suppliant le Divin de détruire leurs péchés,<br />

Cependant les regards cherchent continuels<br />

Des miracles nouveaux par cette mort latente.<br />

Les fossoyeurs, pelle à la main, prêts à creuser<br />

Entendent l'Ange des litanies désespérantes.<br />

504


Dans les sombres demeures<br />

Dans les sombres demeures où rêvent les comparses<br />

Comme des souffles amers éveillant la chaleur,<br />

Ils viennent respirer et nourrir des douleurs.<br />

Le commun des mortels en ignore la trace.<br />

Dispendieux en accords, en chastes entrevues,<br />

Ils encombrent mes nuits de souffrances profondes,<br />

Et si ce n'est l'esprit décrié qu'ils fécondent<br />

Qu'est-ce pour moi, mon coeur, leurs constantes venues ?<br />

Je sais la liberté de l'âme purifiée.<br />

Tapis dans l'ombre ils rient de leur propre bêtise.<br />

Je sais que ma pensée espère les humilier<br />

Dans l'infecte néant que leur esprit attise.<br />

505


Des candeurs endiablées<br />

Des candeurs endiablées sous un sourire immonde<br />

Qu'on respire presque nu, boursouflé de chaleurs,<br />

Et qu'un dieu inhumain par sa verve féconde<br />

Dicte jusqu'à la mort sous l'effroi des douleurs.<br />

Et des pistils de haines, des sermons crucifiés,<br />

Que je bafoue la nuit dans des larmes et des pleurs,<br />

Et d'infectes bavures, des taches répétées<br />

Purifient tout travail et toute œuvre meilleurs.<br />

Alors des voix affreuses conspirent dans ma tête,<br />

La raison est chargée de splendides oraisons,<br />

Ils arrachent, ils égorgent la misérable bête,<br />

Et avancent horribles au creux de ma raison.<br />

506


Le Poète<br />

Enraciné sous les nombres d'or et d'écume<br />

Quand des trompettes argentées ont sonné le tocsin !<br />

Ou fuyant l'infortune chère et reflétée<br />

Par des prismes, aquarelles et des devins ;<br />

Langueurs de tout son être proposées en ce siècle,<br />

Où se fondent les mornes reflets de l'été ;<br />

Qu'il conte les sentiments de ses frayeurs<br />

D'horizons lugubres jamais dépeints.<br />

Qu'il vante le prompt déluge des ressemblances<br />

Accrochées tristement à de vaines survivances.<br />

La brise silencieuse jamais ne se retient<br />

Sur le cœur horrifié qui fut toujours sien.<br />

507


Mystique<br />

Une nuit que j'étais, moi, miséricordieux,<br />

A capturer mon songe en mille tourments heureux ;<br />

Alors que presque nue aux bords de ce rivage,<br />

La sublime beauté remarqua mon hommage,<br />

Alors que j'ordonnais aux puissances finies<br />

De suspendre leur vol et de poser ici<br />

La douceur éclatante de l'âme tumultueuse,<br />

L'accalmie avança ; et mes lèvres pieuses<br />

Implorèrent jusqu'à l'aube la grâce du pardon,<br />

La grâce fut donnée pour sauver ma raison.<br />

508


Journal d'un fœtus<br />

Presque né, et j'entends palpiter son coeur sous une masse<br />

inerte de graisse. Il bat et s'accélère aux moindres de ses mouvements.<br />

Horrible horloge à supporter ! Elle mange, elle mange encore. Je devrais<br />

dire, elle engloutit ! Ses aliments viennent frapper la porte voûtée de<br />

mon temple de fortune. Là, elle boit, - c'est de l'eau. Non, du vin ! Un<br />

affreux tord-boyaux qu'on versera dans mes veines.<br />

Elle se lève, elle parle. Non, elle crie car ses paroles résonnent<br />

sous mon crâne, ma pauvre petite tête pelée. Son ventre l'étonne. Il<br />

pourrait être plus volumineux ! Elle me fait des recommandations pour<br />

que j'active son enchantement.<br />

La terrible ménagère qui voulait m'avorter ! Elle y pensa<br />

sauvagement. Elle dut me concevoir, délais passés ! J'ai frôlé la mort<br />

sans défense - ignoble petit rejeton ! Les Dieux l'ont décidé, et je croîs,<br />

je gonfle, demain j'exploserai... Ce seront des souffrances inhumaines !<br />

Vengeance...<br />

Je me souviens... Une insurmontable terreur pénétra tout mon<br />

être. Je crus à une mort comme de celles qui persécutent mes<br />

cauchemars. C'étaient des pointes lancinantes enfoncées dans la délicate<br />

épaisseur de mon crâne, des déchirures internes provoquées par un<br />

509


poison dont elle seule a le secret. Ce meurtre épouvantable mais qui<br />

avait échoué fit croître en moi les forces de la survivance.<br />

Invincible à présent, je suis le maître de ses lieux, et je dilate à<br />

volonté les chairs qui me parent. Jeux d'un feu démoniaque je me débats,<br />

je me retourne. Ce sont de grands coups de pieds dans la poitrine de ma<br />

future mère... Comme je jouis de ses plaintes ! Je deviens volcan, et mes<br />

laves couleront entre ses jambes ouvertes. Des laves brûlantes qui, je<br />

l'espère, feront tordre ses mâchoires et ses lèvres décharnues.<br />

Et ses mains suppliantes iront chercher le fruit de sa chair entre<br />

ses cuisses... Attendons... Attendons.<br />

Le jour de ses sangs, elle supplia désespérée. Pas la moindre<br />

goutte, pas le plus infime ruisseau tant décrié. Des pleurs, des larmes,<br />

des lamentations et des suffocations qui se répercutaient dans mon être,<br />

moi déjà petite larve vivante.<br />

Et l'angoisse merveilleuse, car moi seul connais le secret,<br />

l'angoisse dans toute sa splendeur ! Le père ! Quel père ? Un<br />

accouplement de passage ? Un ivrogne rotant encore ses flux d'alcool ?<br />

Qui donc ? Elle s'arrachait des masses énormes de cheveux, elle n'avalait<br />

plus rien. J'avais faim !<br />

510


Elle restait éveillée très tard dans l'impossibilité de fermer un<br />

oeil. Durant cette période, j'aurais bien voulu la consoler, mais harcelée<br />

par de languissantes questions, elle n'entendait pas. Ce n'est que<br />

quelques mois après, lorsqu'elle voulut ma mort que je sentis le besoin<br />

de me venger. Je lisais dans son âme comme dans un livre ouvert.<br />

"Expulsion ! disait-elle inlassablement, expulsion, misérable fœtus ! Tu<br />

es ténèbres, retourne dans ton enfer !" C'était elle, mon enfer et je<br />

deviendrai le sien...<br />

Aujourd'hui, la moitié du chemin est parcourue. Encore<br />

quelques sueurs, et le mémorable supplice déjà cent fois conspiré<br />

m'arrachera à son ventre trop étroit. Encore de longues nuits et de<br />

nombreuses angoisses à plaindre. Encore des battements frappant sa<br />

poitrine molle. Oui, je la harcèlerai jusqu'à son terme pour voir la<br />

déchéance envahir son mélange flasque d'eaux sales et entendre hurler sa<br />

gorge. Qu'elle vibre sous les martèlements impénétrables de mes bonds à<br />

venir !.<br />

Déjà une semaine ! Ho ! Quelles heures de délices j'ai connues !<br />

Je l'ai fait vomir. Des hoquets, des jets de baves, des glaires jaunâtres<br />

coulaient sur la descente de lit. Il y avait une odeur affreuse dans la<br />

chambre à coucher, lieu de sa procréation.<br />

Admirable bataille. Je la vis défaillir et tomber dans un état<br />

511


comateux. Personne pour la secourir. Elle, moi et le temps qui s'écoulait,<br />

et des cris fracassés contre les vitres de la fenêtre. Dans mon coeur un<br />

doux chant s'évadait...<br />

Cette nuit-là, je trouvais un immense repos... Vainqueur, j'avais<br />

amoindri ma victime, et j'en avais fait une esclave enchaînée jusqu'à sa<br />

libération prochaine.<br />

Elle calma ses douleurs avec des drogues douces qui<br />

m'abrutissaient parfois ; Puis avec ses vomissements répétés on lui<br />

interdit l'abus des soporifiques. Je renaissais. Maître en tous lieux et en<br />

tous temps, je me tordais comme une couleuvre en proie à une bataille<br />

sanglante. J'alourdissais son bas-ventre pour la déformer davantage, pour<br />

qu'elle conserve les séquelles d'un meurtre qu'elle désira...<br />

Quel est l'homme qui parle ? Je sens une main caresser les<br />

rondeurs de sa monstruosité. Ô douleur indescriptible ! Je subis un poids<br />

effroyable qui me brise les os. Un corps étranger pénètre et frappe à<br />

espaces réguliers les frêles murailles de ma prison. Mon pouls s'accélère.<br />

Je vais cracher mon sang, je ne respire plus. Serait-ce la mort ? Est-ce la<br />

mort qui vient ? Pourquoi cette accalmie ? Plus rien ne tremble, mais<br />

toujours cette masse pesante sur mon faible corps. Ces maux inconnus,<br />

sont-ce des démons qui m'ont déclaré la guerre ? Ils reviennent à la<br />

charge et je ne puis jamais savoir. Peut-être une nouvelle arme après ses<br />

512


drogues ? ... J'ai failli perdre la vie dix fois, vingt fois ! Et ce déluge s'est<br />

transformé en haine immonde, en grandioses tortures ! ...<br />

Elle ne se déplace plus. L'énormité de sa charge l'humilie-t-elle ?<br />

Clouée dans un fauteuil, elle confectionne des lainages ; je serai fagoté<br />

pour avoir moins froid ! Qu'est-ce que le froid ?<br />

Je ne pense plus combattre. La grosseur de mon corps me<br />

comprime, je transpire et ne peux qu'à grand mal respirer. Je suffoque, je<br />

crie. Qui entendrait ? Je frappe ce tambour capiteux, mes mains glissent.<br />

Non ! Des forces pour survivre !<br />

Des tourbillons tout à coup ! Je suis dans un entonnoir. Je sens<br />

une force impénétrable me pousser vers un orifice douteux, là même où<br />

autrefois les démons venaient se fracasser contre ma tête. Ce sont des<br />

ténèbres. J'ai peur. La force m'entraîne etc. je vacille. Je m'asphyxie. J'ai<br />

perdu mon âme ! Serait-ce donc la mort ?<br />

513


Toute la faiblesse humaine<br />

Toute la faiblesse humaine respire en ce cœur. Point de<br />

moqueries ni de vulgaires rires échauffés par quelque alcool douteux ou<br />

quelque vin mauvais. Ceci est une constatation. La plus impitoyable des<br />

constatations lourdes de conséquences fâcheuses pour l'équilibre déjà<br />

douteux de ma personne.<br />

J'ai le privilège - mot absurde car il ne reflète pas l'exactitude de<br />

mes dires -, de souffrir inexorablement à chaque moment de la vie<br />

comme un être pris d'un mal incurable.<br />

C'est ce muscle qui palpite soixante-douze fois par minute qui<br />

est cause de ma future déchéance. Il se resserre l'ingrat et détruit mon<br />

organisme avec subtilité. Il se comprime violemment. Un jour enfin il<br />

éclatera. Ce sera la mort.<br />

Je l'entends s'incruster dans cette partie gauche de ma poitrine,<br />

délimiter son territoire et en faire un fief impénétrable. Je peux analyser<br />

ses moindres agissements, compter le temps passé sur telle ou telle<br />

étape.<br />

Aujourd'hui le voilà armé, et ces attaques légères se<br />

514


transforment en déroute honteuse. Il agit par pulsions et peut activer ce<br />

muscle jusqu'à deux cents battements en soixante secondes.<br />

Tremblant presque épuisé par cette lutte extrême, je n'ai plus<br />

qu'à baisser les armes et me déclarer vaincu. Mais il n'en reste pas là. Il<br />

s'implante petit à petit dans toutes les parties de mon corps et gagne<br />

impitoyablement de nombreuses victoires.<br />

Hier, il parcourait en observateur, la trachée-artère jusqu'au plus<br />

profond de ma gorge. Il vise, et je le sais, là serait sa suprême victoire, la<br />

partie gauche de mon cerveau (je suis droitier), et rêve comme un<br />

empereur de poser là son trône imaginaire. Il me faut user d'un<br />

stratagème efficace pour enrayer l'avancée ennemie. Une sorte de petite<br />

bombe intérieure qui certes fera de nombreux dégâts, mais fera reculer à<br />

tout (...)<br />

515


Le stigmatisé<br />

Chaque année, à la même heure, une secousse rythmique se<br />

fracasse contre les parois de mon cœur. C'est un refus inconscient et<br />

momentané de communiquer la sensitive douleur, puis une décharge<br />

émotionnelle grandissante où le corps comme en proie à des déchirures<br />

lancinantes ne peut résister à la délivrance extrême... C'est un feu venu<br />

des enfers qui brûle et se consume dans les méandres de mon âme. C'est<br />

un démon usant de toute sa substance créatrice pour jouir du mal répété.<br />

Le déluge est de courte durée, mais ses traces sont visibles sur<br />

toutes les parties extérieures du corps : des inflammations rouge sang<br />

qui après huit jours se transforment en petits boutons remplis de pus. Il<br />

faut faire jaillir le pus hors de la peau. A l'aide d'un fin scalpel ou d'une<br />

lame de rasoir, on entaille l'épiderme d'un signe de croix - un liquide<br />

jaunâtre, mal odorant s'écoule rapidement.<br />

L'opération terminée, le tout se cicatrise en une quinzaine de<br />

jours, et de longs sillons bleuâtres apparaissent sur la poitrine. On dirait<br />

des lanières de fouet entremêlées et formant une figure géométrique<br />

ordinaire - de petits carrés. Je passe un baume ou une vulgaire pommade<br />

pour tenter de diminuer les souffrances. Rien n'y fait. J'attends. Et un<br />

bon mois est nécessaire pour que disparaissent les ultimes séquelles.<br />

516


L'analyse profonde de ces événements répétés me fut d'aucun<br />

secours. Le phénomène est mathématiquement inexplicable. J'avoue<br />

toutefois que je n'ai jamais osé aborder ce problème avec un homme de<br />

science compétent, peut-être trop timoré pour oser lui dévoiler cette<br />

intime faiblesse liée à ma personne, peut-être trop timide pur accepter<br />

d'être le cobaye de gens inconnues.<br />

Chaque année, à la même heure, une secousse rythmique se<br />

fracasse contre les parois de mon cœur.<br />

517


Un froid glacial<br />

Un froid glacial foudroie les vitres givrées. Dehors des<br />

montagnes de neige scintillent par une pleine lune hâlée. À l'intérieur, un<br />

feu grandiose pour réchauffer nos deux corps fatigués. Nos petites têtes<br />

posées l'une contre l'autre réclament une chaleur douce et muette, et mes<br />

deux mains dans les tiennes te caressent longuement... avec des baisers<br />

si tendres que tu en gardes le secret.<br />

Je n'irai pas plus loin dans les chemins visqueux, seul avec ma<br />

suffisance pour compagne : plus de longues marches dans les forêts où<br />

les épines de pins s'enfonçaient profondément dans les chevilles, plus<br />

d'insouciantes randonnées à travers champs et ruisseaux. Non ! Plus que<br />

toi mon amour - la merveilleuse présence d'une tête blonde qui m'aime<br />

et écoute mes douleurs, et sait rallumer les faibles lueurs qui me<br />

rattachaient à son âme - plus que toi !<br />

Alors que la despotique nuit s'amplifie comme un effroyable<br />

cauchemar, qu'une gerbe de violence tonne et extirpe des déchirements<br />

aux cieux en guerre, viens contre cette bouche et embrasse délicatement<br />

les souffrances stériles de mon âme, et puise aux sources vives de cet<br />

amour que toi seule peux unir jusqu'à la fin des temps.<br />

518


Parfum d’apaisement<br />

Le sou du pauvre<br />

Déterminé, croulant dans des flaques de boue,<br />

L'impotent aux mains sales, les ongles décharnés,<br />

Confusément ramasse le bien malingre sou,<br />

Le diamant suprême qui scintille et qui pue.<br />

La fièvre convulsive dans son âme palpite<br />

Pour la pièce sinistre mais à ses yeux si douce.<br />

Sur son visage, reflète l'éclat de la pépite<br />

Quand l'or est tenu entre l'index et le pouce.<br />

D'admirables espoirs se cognent dans sa tête<br />

Tels de puissants désirs qu'on ne peut décevoir !<br />

L'alcoolique incessant imagine une fête,<br />

De superbes pichets de vin s'offrent à boire !<br />

L'amertume se rit des innombrables dettes,<br />

Car est mort en ce jour son triste désespoir !<br />

519


L'âme en fleur<br />

Femme dont le regard sait annoncer la joie,<br />

Admirable beauté, allons chercher au soir<br />

Les amours tant chéries de nos corps en détresse,<br />

Oui, allons bras sous bras puisque le temps nous presse.<br />

...Et comme nous marchions embaumés l'un par l'autre,<br />

Et comme un doux parfum s'évadait dans les airs,<br />

Je prie soin de vous embrasser, bel apôtre !<br />

Posant un clair baiser sur cette bouche en fleur.<br />

Et plus tard enlacés dans le sous-bois d'été,<br />

Et plus tard mes deux mains où résonne le cœur<br />

Entendaient palpiter leurs roses préférées...<br />

Je ne saurais, amie, qui vivez en mon âme<br />

Regarder le spectacle du ciel et de la terre<br />

Sans penser à ce corps qui fit briller ma flamme...<br />

520


Battements<br />

Des stances inquiétantes procurent à l'infini<br />

Des diapasons dorés sur des mètres de marbre.<br />

Les regards amoureux soudain se sont enfuis,<br />

On les dirait mourir onduleux sous les arbres...<br />

La miséricorde virevolte, clamant à l'heure<br />

Un chant tumultueux où l'espoir s'évadait.<br />

Dans la nuit, elle déroule des rubans de douleurs ! ...<br />

Les femmes piquent la foi dont ils furent défaits.<br />

Mêlés de honte, dans un déferlement de haine,<br />

Rares et gavés en des complaintes, ils s'étonnent<br />

Brûlant d'un œil glacial le mot que l'on dédaigne.<br />

Vasques de plaisir, insouciantes et fécondes<br />

Elles rejouent d'un gémissement épris et résonnent<br />

Pour un grain de soupir sur d'autres chairs immondes...<br />

521


Le vieil homme<br />

Impotent le vieillard aux mains sales de crasse,<br />

Aux ongles jaunis, toussote de vertes glaires<br />

Sur ses lèvres pendantes. Il entasse, il entasse<br />

Et perpétue cloué le mythe de sa guerre,<br />

Balbutie, secoue la tête par résignation.<br />

Parfois dans ses yeux bleus, un reflet de lumière<br />

Éveille en sa mémoire des danses et des chansons.<br />

"Oui, souviens-toi, jeune homme beau, ô combien fier..."<br />

Mais le temps disparaît, et le Seigneur l'oublie !<br />

Écrasé et vibrant sur son lit, il s'endort.<br />

Est-il mort ? Oui, presque mort, enfin à demi...<br />

Là-bas, d'autres enfants vigoureux, d'autres forts,<br />

Des femmes éblouies belles comme des fleurs :<br />

Le monde se poursuit, trouvant ses successeurs !<br />

C'est la fatigue<br />

522


C'est la fatigue langoureuse dont tout esprit supérieur se<br />

délecte, c'est un acte parsemé de vols d'oiseaux, c'est un coeur enfin qui<br />

se nomme pitié. Mais qui l'entendrait en ces moments de déluge ?<br />

Personne. Non. Personne. Alors de gestes perdus en déboires sanglants,<br />

la force disparaît petit à petit comme un cyclone sur le point de mourir,<br />

comme un vieillard enfin. Et ce jeu qui procure tant de raisons de haine<br />

à nos ancêtres maudits, aggrave mon délice tumultueux où mon âme<br />

s'était mise, car de tous côtés des jets de lumière virevoltent sous des<br />

saccades, et des artifices grandioses acclament prestement le Mal qui<br />

m'est si cher.<br />

Elle parlait à mi-mots pour me rappeler sa présence et dans son<br />

doux sourire des oriflammes brillaient. Une enfant peut-être garnissait<br />

ma couche, un plaisir sans doute. Sa démarche était semblable à celle<br />

des beautés de Palmyre, et quand d'un triste souffle elle rappelait le<br />

temps, j'aurais voulu mourir là, heureux à l'ombre de ses seins - heureux<br />

de voir lentement la Mort m'exposer ses adieux, heureux d'entendre la<br />

mer me ramener sur ses rives.<br />

Mais c'était cher payer la chute de mes mots. Je n'avais pas le<br />

droit de mourir. Le suicide est interdit dans le cercle des poètes. Souffrez<br />

peut-être, maudissez mais ne tuez jamais. Car ce lent supplice qui<br />

chaque jour nous fait plus mauvais, nous rapproche des dieux. Non. Il<br />

523


fallait subir !<br />

Alors dans ses longs yeux comme un rivage sans fin, j'attendais<br />

bravement les méandres d'un autre délice, et dans sa crinière posée sur<br />

ma bouche confuse, je priais tendrement l'attente d'un autre bonheur, et<br />

d'une mort ô combien méritée.<br />

524


Des races de séraphins<br />

Des races de séraphins accrochées aux basques de la mort<br />

émanent des saccades démentes sous des mémoires ténébreuses. Comme<br />

de puissants néons éclairent leurs lueurs dans les ruelles avoisinantes, ils<br />

vont hagards et malchanceux annoncer la triste nouvelle au peuple<br />

étonné. Avec des serpentins d'argent, ils acclament les naufrages,<br />

pardonnent aux pauvres leur existence facile, et parfois quand un tendre<br />

prédit pour quelques écus une existence nouvelle, ils crachent<br />

violemment sur la bible des ancêtres, hurlant des propos frauduleux où<br />

la richesse corrompt l'infortune de notre sort, où le sensuel brûle ses<br />

idées moroses et plane sur de mauvais calculs, où l'adulte mesquin ne<br />

verra plus le soleil respirer sur les ailes de sa destinée.<br />

Vociférant des pensées occultes, ces mages maudits anticipent<br />

sur les nombreux préjudices, les condamnant au feu éternel, et dans un<br />

dernier éloge prophétique ils annoncent grandement le temps fini des<br />

choses douces ! Remplis de cette verve traîtresse, les reptiles usent des<br />

mots tout neufs et fortifient le peu que possèdent mes disciples.<br />

J'ai vu l'enfant honteux se refléter dans l'image malingre de sa<br />

glace, j'ai vu l'amertume sanglante brûler le visage de mes<br />

contemporains ; et nul ne sait où finira cette mascarade de mots<br />

insensés, cette ignominie verbale où l'ignorance de tout un peuple se<br />

525


morfond en tristes désespoirs.<br />

Le mouvement s'amplifie, engraisse nos villes et nos<br />

campagnes, et déjà hume la destinée de nos survivants. De tous côtés, la<br />

polémique embrase les cœurs perdus, et des visages crispés acclament la<br />

délivrance ! Dans les crépuscules hideux, ils frappent aux portes,<br />

savamment, avec profit, car l'éloquence de leurs dires leur donne raison.<br />

526


Métapoétique<br />

Quiconque place l'instant dans la nuance d'une éternité de<br />

temps indéterminés et fusionnés les uns aux autres par l'essence même<br />

du terme infini, croit à la superstition de son âme et tend vers la réalité<br />

divine.<br />

L'espace puissant n'est décelable qu'au risque d'une étendue<br />

complète au supra accessible. Mais la compréhension du dernier terme<br />

entraîne logiquement l'explication divine.<br />

Sur l'étendue complète, le raisonnement faiblit. Que se passe-til<br />

dans le néant perdu ? Le néant est invisible. Son fait est qu'il est faux.<br />

Sa réalité abstraite dans la partie la plus infime de sa valeur le démontre.<br />

527


Complainte<br />

Si du moins tu savais mes douleurs de damné<br />

Et le mal incessant qui ronge ma cervelle<br />

Le combat violent des dernières années,<br />

O mon âme perdue, serais-tu tant cruelle ?<br />

Les noirs bourdonnements et les vaines souffrances<br />

Le tapage constant infligé chaque nuit,<br />

Dis-moi, pourrais-tu croire en la belle espérance,<br />

Toi dont la noble force éternelle s'enfuit ?<br />

J'encombrerai de fruits alourdis mes consoles,<br />

Je m'en irai vomir des charrettes d'horreur,<br />

Dans ma tête inclinée que le chagrin désole,<br />

J'apprendrai les leçons que dicte le vainqueur.<br />

Ma patience, hélas ! a tardé à m'aimer.<br />

Poète vieillissant, j'offrirai sur ma tombe<br />

Les offrandes sacrées que j'ai su vénérer<br />

Les brisures du cœur, les meurtres, les colombes.<br />

528


Sous les coups de couteau, le cœur ensanglanté<br />

D'avoir autant gémi est tombé aux enfers<br />

Le cœur souffrant n'est plus qu'un luxe exorbitant<br />

À mes yeux ténébreux, je ne suis que misère.<br />

Peut-être ma raison ira puiser là-bas<br />

Les joyaux ignorés de ce vieil édifice<br />

Que les sombres tambours recrachaient quelques fois<br />

Quand l'horreur de la vie était faite de vice.<br />

Mes souvenirs s'éteignent ; j'ai oublié l'emploi<br />

De la rime superbe tout empourprée de rose ;<br />

Mais je poursuis, la tâche est vaine et je me noie.<br />

Je ne sais si je dois continuer, je n'ose.<br />

Dans un jardin offert au sublime soleil,<br />

Mon visage a coulé sur la cendre éternelle<br />

Et j'ai vu rayonner sous la vasque vermeille<br />

Des nébuleuses d'or et des femmes nouvelles.<br />

Était-ce toi, ô sir, rajustant tes culottes<br />

Qui s'écria d'un tour malsain et puéril :<br />

"Combien de temps encore faut-il que je les frotte,<br />

Cette gaine et ce sein à mon contour viril ?"<br />

529


Mais une fée passa entendant ta prière<br />

Et tu te vis curé user de tes blasphèmes.<br />

Pécheur de l'absolu, tu chantas la misère<br />

- Les dieux sont avec toi, tu connais la rengaine.<br />

Sur la motte de pus Ursule avec Novice<br />

Allèrent d'un pas boiteux la bouche faite d'aigreurs<br />

Éloignés des sirènes, des cris de la Police,<br />

Ils s'en allaient marchant unir leurs yeux rêveurs.<br />

"J'ai bien soif, dit l'un d'eux. Veux-tu que je t'amuse ?<br />

Allons nager tout nus dans la Seine et sa sœur.<br />

Il y aura tes seins, ton cul et mon prépuce<br />

L'eau froide de la Seine fait jouir les baigneurs".<br />

"Un instant, belle-mère, pas pour vous, s'il vous plaît,<br />

J'aime mieux un curé qui trempe son anus !"<br />

Cette douche glacée lui fit un tel effet<br />

Qu'elle partit choquée voulant que je la suce...<br />

530


L'ingénue<br />

Au secours ! Au secours ! Cria l'ingénue. Cet homme aux<br />

regards de braises s'est rué sur moi. Dans un dernier élan volontaire, j'ai<br />

tenté de lui échapper. Mais je n'ai pu résister à sa force musculaire. Et<br />

relevant ma jupe de sa main rude et perverse, il a baissé ma petite culotte<br />

rose, et a introduit de force ses deux doigts grossiers dans mon anus.<br />

Comme j'ai pu souffrir en cet instant, comme le rouge a envahi mon<br />

visage. L'ignoble personnage m'a retournée, et sa bouche énorme s'est<br />

abattue sur mes lèvres rouges. Je ne pouvais plus crier, paralysée par la<br />

peur, effrayée par l'acte barbare dont j'étais la victime. L'homme a<br />

arraché mes dessous, a plaqué sa main sur mes lèvres et s'est penché sur<br />

mon petit sexe tout ruisselant de peur. Goulûment il a léché cette fente<br />

étroite, ce petit velours de poils que Dieu m'avait donné.<br />

Mais l'instant le plus haïssable restera gravé en ma mémoire, et<br />

je n'ose vous le raconter tant la honte s'est abattue sur moi comme un<br />

rapace aux serres effilées.<br />

L'ivrogne ou le rustre a déboutonné, avide de ma personne une<br />

braguette retenue par quatre boutons. Et horreur de ma vie, malheurs<br />

éternels des damnés de la terre entière, de ses fonds lugubres et<br />

malséants, il a fait apparaître un sexe énorme, un sexe décalotté aux<br />

dimensions inappréciables. J'ai pensé que seul le diable possédait un tel<br />

531


engin, que cette œuvre était le don de quelques malins esprits amoureux<br />

de la chose et ennemis de Dieu, notre Seigneur.<br />

D'un geste rageur, il enfonça son vit énorme dans mon ventre et<br />

je crus qu'il me fendait en deux. Je perdis connaissance, et je m'évanouis<br />

morte de peur. Le goujat en profita davantage, allant et venant en mon<br />

cœur avec plus de satisfactions encore, je pense. Quand je repris mes<br />

esprits, des secousses vengeresses de sperme coulèrent entre mes<br />

cuisses, et sous le coup de la douleur, je pleurai de chaudes larmes tant<br />

le spectacle m'alarmait et tant ma virginité avait été mise à dure épreuve.<br />

Désespérée, amoindrie, fatiguée par un tel assaut, je pensai que<br />

le sadique s'arrêterait là, et fuirait après son meurtre accompli. Mais il<br />

n'en était rien.<br />

L'homme riait, satisfait de lui-même, et je vis son horrible<br />

bouche et son sourire jaune briller à la lueur torve des lumières de la<br />

ruelle. Je croyais que mon malheur s'achevait, et qu'il me laisserait<br />

pantelante, qu'il se rajusterait, et comme un meurtrier fuirait le plus loin<br />

qu'il pût de sa victime.<br />

Mais une autre épreuve m'attendait, plus humiliante encore.<br />

L'homme, après mon combat désespéré, excité par mes charmes offerts à<br />

532


sa vue eut une nouvelle érection plus dure, plus forte encore que la<br />

première. Dans un éclat de rire démoniaque, il me retourna. Les forces<br />

me manquèrent et je ne pus résister davantage. Il introduisit, l'ignoble<br />

individu, son sexe tremblant dans mon anus. Je sentis sa virilité frapper<br />

contre les parois intimes de ma personne et chercher malignement<br />

l'entrée la plus vile, la plus honteuse de mon être.<br />

Comme je tentai de serrer ces petites fesses roses qui avaient<br />

été cachées de la vue d'un homme ! Comme je me contenais pour<br />

échapper à ce maléfice. Mais l'homme me frappait et je dus céder.<br />

Le mal qu'il m'avait fait par-devant, n'était rien à côté de celui<br />

qui m'attendait. Il avait déjà obtenu de moi une déchirure céleste, la<br />

déchirure de la vierge et quelques gouttes de sang me laissant pantelante.<br />

Par-derrière, il commettait un crime sans précédant : une sodomie<br />

forcée, le viol d'une jeune fille qui ignorait même tout de cet acte, qui<br />

ignorait que cette ignominie pût exister. Comme mon innocence en<br />

souffrait ! Je pensais que Dieu me punissait pour des péchés que je<br />

n'avais pas commis.<br />

Mes petites fesses l'excitaient et l'odeur naturelle et intime de<br />

ma personne plus encore. Je crus avoir affaire à un fou, à un détraqué<br />

sexuel.<br />

533


L'homme poussa, poussa. Je résistais en serrant les fesses; mais<br />

dans un moment de faiblesse, son sexe vicieux s'engouffra en moi. Je<br />

poussai un cri de frayeur, et je crus m'évanouir de honte. La souffrance<br />

me brûlait les intestins. Son vit transperçait ma pudeur de jeune fille.<br />

Son liquide chaud et démoniaque à saccades répétées envahit mon<br />

intérieur. Et dans un dernier cri, l'homme se sortit de mon corps en<br />

soufflant inexorablement.<br />

Nous fûmes tous deux à moitié morts, lui récupérait de son acte<br />

barbare, moi de mes fatigues et de mes souffrances.<br />

Mon visage est-il gracieux ? Mon corps attirant pour satisfaire<br />

cet anormal ? Toujours est-il qu'après dix minutes de repos, il commença<br />

à me gifler et à me traiter de salope et de putain. (Moi un esprit vierge et<br />

si propre). Il m'intimida, et je pris peur. Mes vêtements étaient en loques<br />

et les dessous qui cachaient ma chair avaient été déchirés par cette bête<br />

humaine. Que me reprochait-il ? Je ne le saurai jamais. Mais il m'agrippa<br />

de force et me mit sur le ventre, et frappa inlassablement mes fesses qui<br />

devinrent chaudes puis rouges à cause de la douleur. Sa main énorme<br />

s'abattait avec sauvagerie sur mes petites fesses, et seuls mes pieds et<br />

mes jambes se débattaient. Mais j'étais impuissante et je ne pouvais que<br />

hurler sous les coups inhumains.<br />

534


Je n'ose le dire car le rouge me monte au visage. Mais de temps<br />

en temps, entre deux fessées, il enfonçait ses trois doigts dans l'anus et<br />

ressortait un peu de matières fécales qu'il avalait avec délectation. Sa<br />

bouche dégoulinait de mes excréments et il passait sa langue avec<br />

ravissement sur ses lèvres putrides. Mon anus n'était plus un muscle, ni<br />

même une caverne étroite et intime, mais un lieu maudit dont il se gavait<br />

vicieusement. Sa bouche sentait, pardonnez-moi, la merde, la même<br />

merde que je rejetais dans la fosse d'aisance. L'homme était une bête,<br />

non, un démon, que dis-je, le diable ! Les fesses rouges et brûlantes, le<br />

vagin défloré par sa force, l'anus humilié, emprisonné par son vit, je<br />

pensai toucher le fond de l'enfer.<br />

Dans un dernier élan de survie, quand cet homme se délectait<br />

de ma matière fécale, je pus me débattre et lui échappais. L'ignoble ne<br />

tenta même pas de me rattraper, et laissa s'enfuir sa proie comme<br />

satisfait des sévices qu'il avait pu lui faire endurer.<br />

À demi nu, à demi hagard, perdant mon sang, et brûlée par les<br />

souffrances, je réussis à courir de toutes mes jambes lorsqu'un agent de<br />

police entendit les cris que je jetais et m'intercepta. Car je crois bien que<br />

j'aurais couru longtemps, fuyant toujours et fuyant encore.<br />

Voilà, Monsieur le Commissaire, je vous ai remis ma<br />

déposition, mais honteuse, en loques, laissez-moi pleurer encore car je<br />

535


n'en peux vraiment plus.<br />

536


TOME III<br />

ANNÉES 78 – 79<br />

Le sac et la cendre<br />

La racine et la source<br />

Le buis et le houx<br />

Le grain et le regain<br />

Le lin et la laine<br />

537


Le Sac et la Cendre<br />

Le repos du Poète<br />

Je viens baigner ma tête pour un repos amer.<br />

Par mégarde d’un dieu, le vent s’y engouffra<br />

Et l’antre tourmenté d’un joug jusque sous terre<br />

D’une longue morsure blessa alors mes pas.<br />

De ce sort contenu où son mal resplendit,<br />

Une voix épuisée veut mordre la lumière.<br />

J’accours sur tes deux seins, ô ma profonde amie<br />

Une nausée me suit qui descend là derrière.<br />

Fulgurantes lueurs, sa voix est parcourue<br />

D’une fraîcheur nouvelle sous un vent d’embellie.<br />

Je plonge et je m’avance avant qu’un bras ne sue...<br />

Du moins la ténébreuse me réclame la nuit<br />

Et mon coeur sans relâche admire, constellé<br />

Les étroites cachettes dont dispose l’aimée.<br />

538


La baigneuse<br />

Elle avait posé ses habits et se baignait<br />

Heureuse dans la rivière cristalline ; là<br />

Où s’entrecroisent les ajoncs et les genêts.<br />

Elle n’avait entendu le son de mes pas.<br />

Dans le feuillage, je contemplais à mon aise<br />

Sa jambe fine et blanche et si jolie à voir ;<br />

J’aurais bien voulu m’approcher mais fournaise !<br />

J’ai eu soudainement peur de la décevoir.<br />

C’étaient merveilles son dos et sa hanche légère,<br />

Et ses adorables reins courbés en arrière<br />

Rappelaient la beauté des Antiques inconnues.<br />

J’embrassais encore de mon regard ébahi<br />

Le plaisir de mon extase inassouvie.<br />

Et quand j’ouvrais les yeux, elle avait disparu !<br />

539


Tristesse<br />

Quand encastrés deux corps se mêlent dans la nuit<br />

Les remous du décor engendrent un vrai plaisir,<br />

Et cette longue étreinte suivie de l’agonie<br />

Rend plus sinistre encore les relents du désir.<br />

Délaissée et pensive l’âme s’enfuit du cœur<br />

Et la mélancolie pénètre la tristesse.<br />

Le temps va comme la pendule sur son heure<br />

Et s’envole oubliant des milliers de caresses.<br />

Ô le corps alangui où la fumée s’évade !<br />

La honte et les remords chassent les cavalcades,<br />

S’extirpant du rêveur allongé dans son sang.<br />

Solitude d’amour du dernier survivant,<br />

Tu nous déchires encore dans tes noires découvertes,<br />

La courbure de ton sein est infiniment déserte !<br />

540


Tu te repais, enfant<br />

Tu te repais, enfant, dans ce démon sacré<br />

Par les désirs subtils qu’un Dieu un jour créa.<br />

Et sur le noir bitume, ta démarche tracée<br />

Offre des jouissances au moindre de leurs pas.<br />

Dans la laideur de ta chambre où tu poses nue<br />

Pour quatre cliquetis de métal argenté<br />

Tu t’étends sur le lit que les hommes remuent<br />

Avec convulsions étranges et tourmentées.<br />

Tu espères un cri d’orgasmes à chaque seconde.<br />

Je vois dans tes yeux frêles le feu de ton malheur<br />

Et ce débauché qui une nuit te féconde<br />

Jouit des vicissitudes de ton labeur.<br />

Mais ta cruelle chance est de ne point aimer<br />

La solitude qui arrache nos douleurs,<br />

Et ta joie suprême est de pouvoir te coucher<br />

Sans détacher les noirs pétales de ta fleur.<br />

541


Elle cache dans ses yeux<br />

Elle cache dans ses yeux d’adorables mystères<br />

Et son sein où tant d’hommes se sont reposés<br />

Est fait pour inspirer la plus tendre prière<br />

Au poète incompris ou à l’amant blasé.<br />

Et dans sa chevelure nacrée et plus polie<br />

On peut voir des bateaux, des navires et des mâts<br />

Des vagues démentielles où chantent les furies<br />

Des marins possédés qui poursuivent ses pas.<br />

542


Chanson pour elle<br />

Comme une feuille morte<br />

Ses mains, son cœur<br />

M’emportent au loin.<br />

Tout s’évapore<br />

Dans la nuit forte<br />

Des lendemains.<br />

Je vole, j’existe<br />

Moi parasite<br />

De ses deux reins !<br />

Je roule dans la mousse<br />

Ses deux jambes sacrées.<br />

La folie me pousse<br />

À encore aimer !<br />

Quand lugubre est le soir,<br />

Quand triste est la bougie,<br />

Il est doux le cheveu noir<br />

À caresser la nuit !<br />

Comme une feuille morte<br />

543


Ta main, ton cœur<br />

M’emportent au loin !<br />

544


Le voyageur<br />

Ainsi vers la croisée avec ses haillons neufs<br />

Le voyageur s’envole assermenté de songes.<br />

Les yeux illuminés ou le regard de bœuf<br />

Dans sa douceur enchantée, longtemps il se plonge.<br />

Dénudée, odeur des rêveries exotiques,<br />

Collée contre son cœur, une jeune enfumée<br />

Espère un tendre mot, un plaisir érotique,<br />

Et vers la bouche aspire le brouillard à humer.<br />

Leur sublime insouciance ne saurait apprécier<br />

Le monde encombré de piètres découvertes. Mauve<br />

La compagne se meurt évasive et aimée.<br />

J’ajouterai encore pour finir votre histoire<br />

Encombrée de satin où l’esprit se fait fauve<br />

Les plaintes indistinctes qui s’échappent le soir.<br />

545


Tristesse<br />

Quand encastrés deux corps se mêlent dans la nuit<br />

Les remous du décor engendrent un vrai plaisir,<br />

Et cette longue étreinte suivie de l’agonie<br />

Rend plus sinistre encore les relents du désir.<br />

Délaissée et pensive l’âme s’enfuit du cœur<br />

Et la mélancolie pénètre la tristesse.<br />

Le temps va comme la pendule sur son heure<br />

Et s’envole oubliant des milliers de caresses.<br />

Ô le corps alangui où la fumée s’évade !<br />

La honte et les remords chassent les cavalcades,<br />

S’extirpant du rêveur allongé dans son sang.<br />

Solitude d’amour du dernier survivant,<br />

Tu nous déchires encore dans tes noires découvertes,<br />

La courbure de ton sein est infiniment déserte !<br />

546


Fantaisie d’un soir<br />

Dans cet adorable corsage,<br />

Deux mamelles terrifiantes<br />

Vous parlent de breuvage.<br />

Elles exhibent des rouges bien dressés<br />

À la langue hardie ou<br />

À la lèvre assoiffée.<br />

Elles portent leur désir<br />

Sur vos yeux dévastateurs,<br />

Elles parlent de douceurs et de plaisirs<br />

Tout en vous montrant<br />

Les puissantes rondeurs.<br />

Je poserai ma main, mon cœur et mon cou<br />

Sur votre sein, magnifique nourricière<br />

S’écrie le subtil bébé<br />

Dont le vice est de n’être qu’affamé.<br />

547


La Racine et la Source<br />

Stérilité<br />

Le printemps s’engouffrait dans cette robe blanche<br />

Le pas léger allant, elle avançait tout droit<br />

Les bras levés au ciel, elle implorait sa foi<br />

Elle avançait toujours et quémandait sa chance.<br />

Toujours elle espérait pareils aux pèlerins,<br />

Suppliait à genoux qu’on lui donne un enfant<br />

Elle en désirait un depuis bientôt mille ans<br />

Elle suppliant toujours et suppliait en vain.<br />

548


Bénédiction II<br />

Ainsi tu as germé, minuscule poussière<br />

Et tu gonfles mon ventre avec tes chairs pourries.<br />

Avorté, jamais, tu ne verras de lumière,<br />

Aux chiens affamés, je jetterai tes débris ! ...<br />

Moi dont la chair est superbe et pleine de grâce,<br />

Il me faudrait accepter cette horrible forme ?<br />

Pensez-vous que je puisse m’observer dans la glace<br />

Avec des seins tombants sur de la graisse énorme ?<br />

Les hommes enfonceront les ongles acérés<br />

Dans le cœur qui a vu cette expiation<br />

Pas une seule nuit ne sera oubliée<br />

Où des feux noirs me brûleront de passion.<br />

Tu souffriras comme nul n’a encore souffert,<br />

Oui, neuf mois, tu entendras mes amants m’aimer,<br />

Et ta mort connaîtra les gouffres de l’enfer<br />

Car de toutes parts tu te trouveras souillé.<br />

549


Pourtant quand l’enfant apparut dans ce bas monde<br />

Son bourreau étonné de le voir si joli,<br />

Eut pour lui tant de joie et tant d’amours profondes<br />

Qu’il se confessa de tout ce qu’il avait dit.<br />

Ha ! Mon petit, pardonne-moi mes noires débauches.<br />

Je regrette le mal j’ai pu hélas te faire !<br />

Je serai, je le jure, ta mère qui réchauffe<br />

Son enfant malheureux sur cette triste terre !<br />

550


Description<br />

Elle avait la beauté qui aujourd’hui s’est tue :<br />

Elle avait la finesse de la douce Romaine,<br />

Le corps éblouissant de l’antique statue,<br />

La chevelure nacrée et le sourire des reines.<br />

Ses poses nonchalantes égayaient mon regard,<br />

Ses lèvres sensuelles appelaient à l’amour.<br />

Malgré mes remontrances et mes nombreux discours,<br />

On restait éveillés toutes les nuits, très tard.<br />

Et l’air toujours vainqueur des courageux soldats,<br />

Elle dégustait les fruits qui lui étaient si chers<br />

Une soirée d’amour, un plaisir, un combat<br />

Dans l’épaisse moiteur des chaudes atmosphères.<br />

551


J’ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours<br />

Qui croîtront à l’envi de l’écorce nouvelle.<br />

Ronsard<br />

Les amants<br />

Nous aurons un grand lit rempli de roses rouges,<br />

Des fleurs pour admirer tes poses languissantes,<br />

Nous aurons des odeurs fortes et enivrantes<br />

Qui charmeront ta chair qui doucement s’entrouvre.<br />

Nous aurons le soleil des matins printaniers<br />

Qui brûlant puissamment par sa verve nature<br />

Offrira ses rayons lumineux en pâture<br />

Pour caresser tes gestes et mourir tes baisers.<br />

Et nous aurons encore de superbes extases<br />

Parsemées de moiteurs et de cris et de joies<br />

Nous aurons la folie de l’amour qui embrase<br />

Ton corps de souveraine soupirant quelquefois.<br />

552


Puis nous prierons les Anges animés de vigueur<br />

Qui, redonnant la vie à nos cœurs en détresse,<br />

Enflammeront nos mains dans un feu de tendresse<br />

Quand le mois de décembre n’aura plus de couleurs.<br />

553


L’angoisse<br />

L’angoisse nous assaille et agrippe nos cœurs,<br />

Fatidique Serpent qui entoure sa proie.<br />

Nous parcourons avec cette ancestrale peur<br />

Le chemin de la vie qui nous mène au trépas.<br />

Sa présence est constante, et nous demandons grâce.<br />

Avec quelques plaisirs, on cherche à l’oublier.<br />

Mais elle est toujours là à poursuivre nos traces.<br />

Chaque jour, elle s’est un peu plus approchée.<br />

D’un coup elle bondit comme un tigre féroce<br />

Et déchire nos corps de ses cruelles dents.<br />

Elle déguste la chair de nos souffrances atroces<br />

Et se délecte encore de nos cris de mourants !<br />

554


Une vie antérieure<br />

Oui, j’ai longtemps connu Venise et ses gondoles<br />

En riche commerçant qui donnait sans compter.<br />

Que de nuits exaltantes ! Et que de farandoles !<br />

J’ai vécu sous de vastes portiques bleutés !<br />

Ho ! Là, là ! Je puis m’en souvenir car j’allais<br />

Dans des endroits charmants aujourd’hui défendus<br />

Remplis de femmes, d’alcool et de vin. J’embrassais<br />

Les bonheurs de la vie qui hélas se sont tus !<br />

555


Les gouttes bienfaitrices<br />

Le visage triste, il attendait vainement<br />

Que des gouttes de pluie tombassent de sa gourde<br />

Comme la femme qui se fait encore plus lourde<br />

Attend toute fébrile la venue de l’enfant.<br />

Des nuages brumeux se cognaient dans sa tête,<br />

Pourtant dans son malheur, la soif se tenait là.<br />

Il priait, suppliait à genoux que l’on jette<br />

Des pluies d’orages clairs sur son immense toit.<br />

556


Spleen V<br />

Observant ce ciel bas azuré et lointain,<br />

Je disais - parce que de lugubres pensées<br />

S’étaient là installées dans mon esprit troublé<br />

Qu’il serait bon d’avoir une femme et du vin.<br />

Et je considérais que la vie était triste<br />

Sans une consolatrice pour écouter son âme.<br />

Et je pensais encore, la bouteille qui enflamme<br />

Cette cervelle humaine peut la rendre moins triste ! ...<br />

Je songeais à tout ça, mais je ne faisais rien<br />

Car j’attendais encore que s’éclairât demain,<br />

J’attendais que le temps filât dans son malheur ! ...<br />

J’attendais écoutant le cri plaintif du cœur<br />

Que cette nuit s’en vînt arracher le nuage<br />

Qui avait recouvert ma détestable image ! ...<br />

557


À Baudelaire<br />

Les cours sont différentes, mais les monarques restent<br />

Mortels, éblouissants dans leur clarté funèbre.<br />

Ils viennent surgissant de leurs noires ténèbres.<br />

Hélas ! On les acclame comme l’affreuse peste.<br />

Pourtant un jour l’homme reconnaît son feu père<br />

Comme le créateur de choses bien nouvelles<br />

Et son âme s’exalte, et lentement s’élève.<br />

Souvent, trop tard, le poète gît dans la terre...<br />

On l’encense de gloire et de chants en latin.<br />

Mais qu’importe ! Il divague pour des pays lointains<br />

Adieu, angoisse, spleen et bijoux très sonores !<br />

Tout là-haut, dans les airs, ses autres frères l’honorent.<br />

558


Spleen<br />

Mais que recherches-tu, ô mon âme indolente ?<br />

Veux-tu chérir l’amour et ses formes diverses,<br />

Sa chevelure de lionne ou ses seins de déesse ?<br />

Préfères-tu écrire tes poésies latentes ?<br />

Aimerais-tu trembler sous l’œil hagard du vin,<br />

Puis dormir sagement d’un bon sommeil paisible ?<br />

Veux-tu l’amour, ce soir ? Son objet accessible ?<br />

Dis-moi veux-tu vraiment quelque chose de divin ?<br />

Je veux mourir en paix, tranquille et solitaire<br />

Je veux trouver la mort. L’âme enfin libérée,<br />

Je m’en irai voler dans ce monde insensé<br />

De bonheur, de bonheur, plus haut dans les éthers.<br />

559


Interrogations<br />

Avez-vous admiré la statue, la beauté<br />

Son œil indifférent et sa jambe de reine ?<br />

Le sein haut et dressé je l’ai imaginé,<br />

Son cœur entre mes bras pour égayer ma peine.<br />

Avez-vous admiré la statue, la beauté ?<br />

Avez-vous parcouru l’immensité profonde ?<br />

Mais c’était ce jeune homme qui hantait la forêt,<br />

Qui cherchait le repos de l’âme dans la tombe,<br />

Très loin de ces vivants enchaînés à regrets !<br />

Avez-vous parcouru l’immensité profonde ?<br />

Avez-vous entendu le cygne dans la nuit ?<br />

Mélodieux, tenace, cet hymne de la vie<br />

Tirait du marécage des notes et du bruit<br />

Qui exalte mon cœur, l’emporte et le ravit.<br />

Avez-vous entendu le cygne dans la nuit ?<br />

560


Avez-vous observé la fleur s’épanouir ?<br />

Au soleil de l’espoir, elle attend le grand jour<br />

Où des feux de bonheur la feront s’éblouir<br />

Dans le sang de la vie et du parfait amour.<br />

Avez-vous observé la fleur s’épanouir ?<br />

561


L’inspiratrice<br />

Elle cache dans ses yeux d’adorables mystères<br />

Et son sein où tant d’hommes voulaient se reposer,<br />

Est fait pour inspirer la plus douce prière<br />

Au poète incompris ou à l’amant blasé.<br />

Et dans sa chevelure nacrée et puis polie,<br />

On peut voir s’agiter des navires et des mâts,<br />

Des vagues immortelles où chantent les furies<br />

Des marins possédés qui poursuivent ses pas.<br />

Et sa jambe et son cœur et ses hanches et son dos,<br />

Pareils à la grandeur des statues de Palmyre,<br />

Éveillent en mon esprit le sentiment du beau.<br />

Et dans ses noirs secrets où l’on veut s’endormir<br />

Imprégnés du parfum de ses senteurs nouvelles,<br />

S’exaltent des plaisirs qui la rendent immortelle !<br />

562


Superbe créature<br />

Je veux songer à toi, superbe créature.<br />

Je vois devant mes yeux se dresser un soleil.<br />

Je vois devant mes yeux les fruits de la nature,<br />

Tant de grappes fleuries à la clarté vermeille !<br />

Oui je vois dans mon cœur brûler une lumière<br />

Qui pourrait éblouir telle la lueur divine.<br />

Je vois encore ta bouche, ta bouche qui me fascine,<br />

Et ce corps nonchalant qui quémande prière !<br />

Oui, je vois tes bijoux, tes poses langoureuses,<br />

La blancheur de tes dents et ton corps de déesse.<br />

Alors je vois ces mains qui déjà me caressent<br />

Et s’empressent d’aimer, ô Divine amoureuse !<br />

563


La belle Pompadour<br />

Tentez d’imaginer les plaisirs de la cour,<br />

Ses parfums délicats, ses odeurs pénétrantes.<br />

Tentez d’imaginer la belle Pompadour<br />

Alanguie dans la grâce des douceurs enivrantes.<br />

Respirez, je vous prie, ses deux seins parfumés,<br />

Dans la langueur des nuits consumées et profondes<br />

Ou baignez-vous encore dans ces délices blondes,<br />

Dans ses sources limpides qu’on entend murmurer.<br />

Délectez-vous alors de ses grains de beauté<br />

Qui me disent tout bas : voudrais-tu m’embrasser ?<br />

Voyez ces nobles poses et cette chair si ronde !<br />

Son visage d’enfant est un hymne à l’amour.<br />

Voyez, je ne peux pas m’encombrer de discours<br />

Car je le sais trop bien, elle est unique au monde !<br />

564


Dans tes yeux<br />

Quand tu es alanguie sur le lit des amours,<br />

Que tes cheveux embrassent ton visage de reine,<br />

Je crois voir défiler dans tes yeux des sirènes<br />

Qui se pâment dans l’onde, le sein est bas et lourd.<br />

Et je vois l’océan agiter ses souffrances<br />

Dans le cœur des marins qui regagnent le port.<br />

Je vois la nuit étrange qui indique le sort<br />

Au voyageur en peines de douces délivrances.<br />

565


Ô saison<br />

Quand le soleil plus fort de rayons chaleureux<br />

Alourdit la nature de ses lueurs vermeilles,<br />

J’aime à me promener sous l’horizon du ciel,<br />

Ce portique azuré mais toujours ténébreux.<br />

Que j’aime à contempler les ombres qui grandissent<br />

Quand vient mourir la nuit dans l’espace et le temps !<br />

Et j’admire étonné s’engouffrer dans le vent<br />

Mes deux ailes pensantes qui de désir frémissent !<br />

566


Esprits frappeurs<br />

Quelquefois on entend frapper contre les murs<br />

Des esprits enivrés aux ténébreuses mains<br />

Qui essaient de sortir un son chantant et pur<br />

Pareils à des Tziganes sur de secs tambourins.<br />

Ils continuent le brouhaha toute la nuit.<br />

Mais à peine se lèvent les lueurs du grand jour,<br />

Ils partent comme venus, sans échanger de bruit<br />

Comme après le spectacle, les tristes troubadours.<br />

567


Le Messie<br />

Titube et marche encore : ton étoile est au loin.<br />

Tu dis : mes pieds sanglotent ? Mais que m’importe ! Marche !<br />

Marche encore et toujours. La lueur du matin<br />

Saura bien t’indiquer la voie du Patriarche.<br />

Obéis, c’est un ordre ! Je suis Dieu, je le veux.<br />

Mes disciples obéissent, je le veux, obéis.<br />

Mais je ferai de toi un être valeureux.<br />

Oui, tu seras très grand : un sublime génie.<br />

Marche, et prie mon âme troublée. Marche, j’ai dit.<br />

Aime-moi, je le veux : tu sauveras tes frères.<br />

Montre-leur le chemin et lave leurs esprits<br />

Va, car on te connaîtra sur cette terre entière.<br />

568


Répétez la flûte<br />

Puisqu’il est dit que la mort se jouera de vous,<br />

Puisque le souffle tremblera dans vos entrailles,<br />

Puisque la pourriture agrippera vos joues,<br />

Répétez avec moi les doux vers de Ménale.<br />

Répétez la flûte, les bois, les violons<br />

Répétez les doux chants des Dieux et des Déesses<br />

Et les airs élevés dans les purs horizons<br />

Et leurs accords aériens qui nous caressent<br />

Puisqu’un beau jour prochain, votre sein dans la tombe<br />

Pleurera son enfant ou encore son malheur<br />

Puisque dans le large caveau froid et immonde<br />

Votre corps grelottera ses cris et ses pleurs,<br />

Répétez la flûte, etc.<br />

Puisque le Christ est mort, gisant à mes côtés<br />

Puisque le rouge enfer pleure ses flammes d’Antan<br />

Puisque la pure vierge vit dans la sainteté<br />

Et puisque je vous aime pour au moins cent mille ans.<br />

Répétez, la flûte, les bois, etc.<br />

569


Ton cœur assoiffé<br />

Oui, ton cœur assoiffé de braises éternelles<br />

Déploie de doux sujets pour confondre ma nuit :<br />

Ni les claires farandoles ni les fastes ombrelles<br />

Ne sauraient retenir mon étoile qui luit.<br />

Quand cette main se fait éblouissante et douce,<br />

On dirait une plume éveillant la vigueur<br />

Comme au pied du grand chêne, la délicate mousse<br />

Qui ranime le tronc de sève et de rigueur.<br />

Ta noble raillerie et ton ventre bien chaud<br />

Divaguent dans mon âme comme un profond baiser<br />

Et je pleure, et j’écris à grands cris de sanglots<br />

Les <strong>pages</strong> d’un amour aujourd’hui éveillé.<br />

La beauté de ta bouche me nourrit de plaisir<br />

Comme l’instant sublime d’un ange du Très Haut :<br />

Ta plume vacillante m’a fait cent fois mourir<br />

Dans les bras d’une reine, pour le cœur d’un héros.<br />

570


Quelque fois pour calmer mon immense blessure<br />

Tu parfumes ta chair de liqueurs et de vin,<br />

Et je reste muet devant cette parure<br />

Implorant plus encore ce merveilleux destin.<br />

L’amas de chevelure qui pare ta beauté<br />

Décrit dans mon vrai ciel des éclairs inquiétants<br />

Alors les premiers râles de ta pure volupté<br />

Sont des cercles sur l’eau s’évadant, nonchalants.<br />

571


Le Buis et le Houx<br />

La complainte<br />

Elle me disait : “ Viens dans les vignes flamboyantes<br />

Respirer le dernier rayon de notre été,<br />

Viens dans la verte nature, regagnons les prés,<br />

Cette terre est remplie de senteurs enivrantes.<br />

Oui, j’aimerai ta bouche et tes lèvres et ton coeur.<br />

Dans la nature même, nous unirons nos âmes<br />

Dans l’amour et la joie, ces éternelles flammes<br />

Qu’illuminent les feux de ce tendre bonheur.<br />

Et des ruisseaux d’argent couleront d’une eau pure<br />

Afin d’accompagner nos extases divines ;<br />

Des oiseaux imprévus avec leur chant sublime<br />

Redonneront force à nos faiblesses futures.<br />

Oui, pour toi j’apprendrai les doux vers de Ménale<br />

Pour distraire ou reposer ton esprit pensif ;<br />

Et des chants d’amour mélodieux ou furtifs,<br />

S’envoleront comme la musique d’un bal. ”<br />

572


Je lui dis : “ Je veux être seul, écrire mes vers<br />

Dans la solitude de la nuit étoilée,<br />

Chanter l’amour sans nulle femme à mes côtés.<br />

Mon unique compagne sera la vaste mer ! ”<br />

573


Paysage champêtre<br />

Le soir déjà tombait sur les blés flamboyants,<br />

Le soleil se couchait au-delà des collines,<br />

Les oiseaux voltigeaient vers les doux nids charmants<br />

Poussant des cris plaintifs ou des chansons sublimes.<br />

Et le ciel avançait sur son rouge écarlate<br />

Pour annoncer la belle Vénus aux bergers.<br />

Une épaisse fumée semblait sortir de l’âtre<br />

Pour dire aux villageois : “ Est-ce l’heure du dîner ? ”<br />

Moi, je restai allongé dans cette verdure<br />

À contempler les étoiles du firmament.<br />

J’écoutais s’endormir doucement la nature<br />

Et j’aurais souhaité vivre au moins cent mille ans !<br />

574


C’est un trou de verdure où coule une rivière<br />

A. Rimbaud<br />

Te souviens-tu encore, ô divine compagne<br />

Le soleil était lourd sur la blonde campagne.<br />

Le soir tombait déjà et mille feux brillaient<br />

De lumière éblouie quand nos deux corps s’aimaient.<br />

La chaleur forte encore d’un bel après-midi<br />

Avait quelque peu émoussé nos appétits.<br />

Alors nous caressions, première découverte<br />

Nos chairs d’adolescents dans l’herbe folle et verte.<br />

On tremblait effrayés comme on craint un malheur<br />

(Qui du premier amour n’a pas connu la peur ?)<br />

Maladroits, rougissants, mais que de doux moments<br />

Allongés sur la mousse, caressés par le vent.<br />

Oui, c’est là, lecteur, que je connus la folie,<br />

La crainte de l’enfer unie au paradis ;<br />

C’est là que je connus un de ces jours heureux<br />

Bercé d’un souffle clair, ô combien merveilleux<br />

575


Rêve d’adolescence<br />

I<br />

Dégrafer son corsage et respirer ses seins,<br />

Ho ! Le bonheur sublime de mes tendres pensées.<br />

J’imagine mes mains doucement enlacer<br />

Sa chevelure bouclée sur son beau corps lointain...<br />

... Des rivages heureux, un soleil, des guitares,<br />

Des Andalous chantant des airs démesurés,<br />

Des sirènes nageant dans le songe du soir<br />

Et mon coeur suppliant sa sublime beauté.<br />

Puis un sable affiné de blondeurs taciturnes,<br />

Nos deux corps alanguis sur la vague des mers<br />

Des bouffées de chaleur dans un splendide hiver,<br />

Des mensonges d’amour par les clartés de lunes...<br />

576


II<br />

Allons ! Viens plus près, faisons l’amour doucement,<br />

Oui, je caresserai ton corps avec tendresse.<br />

Allons ! Viens, faisons l’amour sans que l’on nous presse,<br />

J’embrasserai tes lèvres jusqu’au soleil levant.<br />

Baissons la lumière, je veux t’aimer dans la nuit.<br />

J’allumerai ton corps avec mes lentes mains,<br />

Je t’aimerai jusqu’à faire se dresser tes seins,<br />

Je t’aimerai pour entendre gémir tes cris.<br />

J’observerai ta chair quémandant le plaisir,<br />

Et soupirer de joie, d’amour et de bonheur.<br />

J’entendrai battre alors ta passion sur mon coeur<br />

Comme possédée d’un incroyable désir.<br />

577


III<br />

Je voudrais dans ton sein creuser une falaise<br />

Pour que tu te souviennes qu’un jour je t’ai aimée.<br />

Je voudrais être la mer forte et agitée<br />

Et brûler dans ton corps jusqu’aux dernières braises.<br />

J’aimerais te tenir tendrement dans mes bras<br />

Puis te serrer de force, ô vague déferlée<br />

Par la marée montante et déjà déchaînée<br />

Maîtresse des marins, des bateaux et des mâts.<br />

J’aimerais entendre battre ton cœur sur mon cœur,<br />

J’écouterais ce triste chant mélodieux<br />

Animer d’un zéphyr ô combien chaleureux<br />

Par une noire nuit, amie de la pudeur.<br />

578


Les femmes<br />

Oui, j’avais en des temps de jeunesse absolue<br />

Apeurer la pucelle avec des nouveaux mots<br />

Et j’avais alerté un peu trop, un peu plus<br />

La main divine de ma compagne en sanglots.<br />

Les temps changent, et la honte a fait place à l’amour :<br />

Le glaive de chacun n’a plus rien d’un malheur !<br />

Si la femme jubile avec de longs discours,<br />

Par le jeu du plaisir s’envole toute peur.<br />

Dans l’extase sublime des monarques et des reines,<br />

L’amoureux nonchalant se dispute son corps<br />

Et malgré le dégoût ou la joie du blasphème,<br />

Bienheureux il repose dans les draps qui l’honorent.<br />

Mais je connais encore d’autres douceurs exquises :<br />

Les femmes aux doux bijoux sublimes et mourantes,<br />

Qui savent se faite chattes, délivrées et conquises<br />

Quand la lampe blanchâtre se fait toute tremblante.<br />

579


La symbolique de l’amour<br />

Fidèle et infinie pour contempler ma joie,<br />

Elle marche démesurée dans ma vie errante !<br />

Sa clarté éternelle de temps en temps foudroie<br />

Le repos enivré de mes pensées latentes.<br />

Quand la nuit faite de jeux accouple nos deux corps,<br />

Apollon, le frère de l’amour grec et latin<br />

Apprend à Messaline les plaisirs de l’encor<br />

Dans les braises suaves de leur petit matin.<br />

Naguère en des temps licencieux et désinvoltes<br />

La beauté tant aimée se prêtait à des poses<br />

Languissantes et osées qui donnaient aux révoltes<br />

La douceur bienfaisante de ses métamorphoses.<br />

Mais aujourd’hui le calme insipide a terni<br />

La folie enivrée de ses danses troublantes,<br />

Et si, quelque fois la joue saillante rougit<br />

C’est le vin qui l’emporte sur son âme mourante...<br />

580


Tristes remords ! La couleur du désir s’évade<br />

Vers les astres lustrés qui égaieront le jour<br />

Et la forte lueur de ses pures cavalcades<br />

Ne pourra rallumer les ébats d’un amour.<br />

581


Le Grain et le Regain<br />

Au lecteur<br />

Tes mains tremblent encore et ton cœur palpite,<br />

Un rythme infernal anime ton bateau,<br />

Et la terreur qui résonne, facilite<br />

La venue de l’angoisse qui ronge tes os.<br />

Seuls le vin et l’amour, extases divines,<br />

Allègent tes malheurs et ton pesant fardeau<br />

Quand la nuit se fait froide, tu imagines<br />

Des instants où tu trouverais le repos,<br />

Des pays merveilleux où liqueurs et beautés<br />

Deviendraient les plaisirs éternels de ce monde.<br />

Mais regarde ! L’immensité est profonde<br />

Pour ton malheur, tu ne sais pas même nager !<br />

582


Les belles éplorées<br />

Parfois pour apaiser nos atroces souffrances<br />

De belles éplorées couvertes par le deuil<br />

Prodiguent des caresses ou des noires délivrances<br />

Avec des fruits osés que tous les hommes cueillent.<br />

Les chers enfants câlinent et embrassent les cœurs.<br />

Elles ondulent des corps un peu chauds, un peu moites,<br />

Elles attirent la proie avec tant de douceurs …<br />

Et nos mains se propagent dans leurs cavernes roides.<br />

Le sein lourd est chargé de senteurs enivrées,<br />

La chevelure embaume de liqueurs exaltantes,<br />

Et la jambe polie et bien ornementée<br />

Se déploie dans l’espace et se fait suffocante.<br />

De doux bijoux se posent sur la couche brodée,<br />

Les saveurs du plaisir enivrent les esprits.<br />

La jouissance divine dans l’espace étoilé<br />

Acclame calmement le bonheur qui s’enfuit.<br />

583


Et les yeux amoureux s’évadent sur des larmes,<br />

Et les mains tremblent encore pour un nouveau plaisir,<br />

Et les chairs dilatées de beauté et de charme<br />

Embrassent dans les pleurs les perles du sourire.<br />

Et d’autres agonies et puis d’autres complaintes<br />

Et d’autres agonies et puis d’autres fureurs<br />

Et l’on s’aime à nouveau, et encore l’on s’éreinte.<br />

Dehors la nuit gémit et supplie le bonheur.<br />

12 mai 1978<br />

584


La belle amante<br />

J’ai goûté hier encore aux plaisirs de sa chair,<br />

Au souffle court et chaud de son haleine douce,<br />

Et son corps assoiffé n’a plus aucun mystère<br />

Depuis que j’ai passé quelques heures sur sa couche.<br />

Elle a de doux bijoux où l’on peut s’endormir<br />

Des perles de l’orient nacrées et puis polies.<br />

Elle a dans les cheveux des pierres et des saphirs,<br />

L’or avec le diamant y sont assortis.<br />

Elle parle avec des mots de tendresses exquises<br />

Et ses longs doigts brûlants de braises éternelles<br />

Embrasent des régions à son âme soumises,<br />

Des régions découvertes par les anges du ciel.<br />

Sa poitrine superbe m’arrache des soupirs<br />

Des cris de joies d’amour, de puissantes caresses.<br />

Et sa jambe serrée s’exalte de plaisir<br />

Quand sauvagement contre moi, elle se presse.<br />

585


Épître<br />

Je t’offre cette lettre car ton regard éteint<br />

Entame pour nos corps de confuses paroles.<br />

La vaste nonchalance où repose ton sein<br />

N’est plus qu’un jeu douteux quand l’orgasme s’envole.<br />

Et je t’accorde encore les tendresses voulues,<br />

Ces drôleries obscures et ces gestes passés.<br />

Dans cette chevelure exquise qui n’est plus<br />

J’oublie les jouissances anciennes et aimées.<br />

Par cette vérité, je reconnais la bête<br />

Qui dispose d’un corps et non point d’une tête.<br />

Ces désirs sensuels ne sauraient éveiller<br />

Les noires turbulences que ton bas-ventre appelle.<br />

Mais j’ordonne à ton cœur toujours désespéré<br />

L’aventure promise du poète si frêle.<br />

586


La danseuse<br />

Elle rythmait la cadence avec des poses<br />

Languissantes et osées qui allaient à ravir<br />

Avec son visage d’ange, avec son sourire<br />

Divins comme l’amour et purs comme les roses.<br />

Elle dansait presque nue sous ces puissants néons<br />

Qui offraient à ses cheveux de blanches couleurs,<br />

Étonnantes parfois quand on aime son coeur ;<br />

Elle dansait à merveille, de toutes les façons !<br />

Elle dansait toute seule, sans aucun cavalier.<br />

Mon âme exaltée se fit bientôt enivrante<br />

Par son image belle qui arrivait troublante<br />

Dans les sphères du désir à jamais étoilées.<br />

587


Le Lin et la Laine<br />

Les repentirs du fantasme<br />

Ton sommeil est un port qui rêve d'inconstances<br />

De vagues démentielles et d'hommes révoltés<br />

Qui rêve d'esclavage et de noires délivrances<br />

Qui rêve de fureurs et d'amours exaltées.<br />

Quand nue, sur ton grand lit, tu caresses tes hanches<br />

Devant tes yeux défilent des puissances dressées<br />

Et des corps chauds, brûlants d'un feu insoupçonné<br />

Propagent leurs sueurs et les substances blanches.<br />

Tu soupires doucement pour supplier le ciel<br />

En extases divines et en plaisirs nouveaux.<br />

Des vagues flamboyantes s'évadent démentielles,<br />

Tu les implores encore gémissant tes sanglots.<br />

588


Comme un tigre d'ébène, ton cœur en feu s'enflamme<br />

Éloignant la pudeur de cette chambre vide,<br />

Des torrents de remords viennent gonfler tes larmes<br />

Et courent se jeter dans les bras du suicide...<br />

589


Quand caressée<br />

Quand caressée par les vagues de la vaste mer<br />

Ton buste se pavane dans les douceurs de l'onde,<br />

Dans mon esprit défilent des images amères<br />

Dont les vastes clartés éternelles et profondes<br />

Entraînent ma pensée vers des plaisirs charnels :<br />

Je revois ta beauté, ton sublime regard<br />

Qui espère avec un oeil discret et espiègle<br />

Son amant désiré et toujours en retard.<br />

Je revois ton regard briller d'une indicible<br />

Lueur ; la mâle volupté respire encore<br />

Le souffle et les désirs et les puissants efforts<br />

Quand je mourrais en toi, ô maîtresse gracile...<br />

590


Aube campagnarde<br />

Le matin se levait sur les dernières étoiles,<br />

L'aube avait revêtu son manteau éclatant.<br />

Derrière la multitude de ses immenses voiles<br />

Un soleil jaune apparaissait de temps en temps.<br />

Le berger se couchait là-bas sur la colline,<br />

Et les premiers fantômes de la brume légère<br />

Taquinaient le verger et les tendres ramilles.<br />

Loin, la rouge cité se vautrait incendiaire.<br />

Nous deux, amants dans la rosée encore heureuse<br />

Dégustions calmement le bonheur d'un lever,<br />

Et comme ta main était douce et amoureuse<br />

Je l'ai tenue avec tendresse pour l'embrasser.<br />

Ha ! Le temps où l'amour enflammait nos regards !<br />

Ha ! Les yeux enivrés qui se parlaient au cœur !<br />

Que ce fut le matin ou le très jeune soir,<br />

Nous étions enlacés pour un autre bonheur !<br />

591


Dans la chair du Subtil<br />

Dans les vagues torpeurs de la tragique nuit<br />

Circulent des idées constellées de grandeur<br />

Qui vont sur le cristal éclatées en chaleur<br />

Avec des chants sublimes, des rouges ou des envies.<br />

À peine les fantasmes ont-ils ouvert les yeux<br />

Que les discours boiteux répudiant les femmes<br />

Imprègnent son doux front de perles et de larmes<br />

Et transforment l'horreur en chant mélodieux.<br />

La dérive et le corps, tout s'anime dans l'Un :<br />

Les mots lancés et durs embrassent le péril,<br />

Le cœur veut s'animer pour l'amour de son sein<br />

Puis il va divaguer dans la chair du Subtil.<br />

592


Elle avait la douceur<br />

Elle avait la douceur des femmes d'autrefois,<br />

Des belles Lavalois aux parures sonores ;<br />

Elle était la grâce et le maintien qui honorent<br />

La noblesse de robe ou encore le bourgeois.<br />

Ses blanches mains habillées par le diamant<br />

Conservaient toutefois la pure délicatesse ;<br />

Ses gestes nonchalants soulevés par le vent<br />

S'imprégnaient de soleil et de tendres caresses.<br />

Et lorsque sa démarche se déplaçait alerte<br />

L'on pouvait admirer sous cette robe blanche<br />

Ses jambes sans pareil, sublimes découvertes,<br />

Filant comme un soupir sur le dédain des hanches.<br />

593


Les vieux amants<br />

Après la noire tourmente et les feux de l'orage,<br />

La nuit tiède viendra adoucir nos deux cœurs.<br />

Après le souffle ténébreux du ciel, les fleurs<br />

Viendront s'épanouir dans l'espoir qui soulage.<br />

Après les déluges, les tempêtes, les marées,<br />

La mer calme et profonde bercera nos deux âmes.<br />

Sans un récif, sans un rocher, sans une larme<br />

Nos corps vieillis s'aimeront dans des draps brodés.<br />

Et nos bouches trembleront de joie et d'espoirs<br />

Et nos mains animées par la grandeur divine<br />

Caresseront un corps qui constamment fascine<br />

Les yeux, sublimes lueurs, des amants d'un soir.<br />

594


Sous la treille enivrée<br />

C'est le mois de septembre et sa saison finie,<br />

Son soleil nonchalant, paresseux à midi.<br />

La vigne forte encore de ses grappes tombantes,<br />

Embaume son été de senteurs enivrantes.<br />

C'est là que se reposent sous la treille parfumée<br />

Les pensées vagabondes et ô combien lointaines<br />

D'un esprit insouciant qui s'en va où l'entraînent<br />

Les images plaintives, sublimes ou rêvées ;<br />

Et parfois se déroule l'enchantement unique<br />

De curieux dessins car sous ses yeux mi-clos<br />

Des femmes merveilleuses à la superbe peau<br />

Ondulent de leurs corps en cadences rythmiques<br />

595


L'antisémite<br />

Petite, mesquine et laide, l'œil à la loupe, elle marche.<br />

" Tous ces êtres maudits se valent dans le feu<br />

À la pâleur éteinte des nobles Patriarches. "<br />

Le goût de son haleine est âpre et sirupeux.<br />

Des jointures osseuses lui servent de monture<br />

Et pour toute beauté la maigreur de ses jambes.<br />

Elle déploie la bêtise en sinistres blessures<br />

Et fait croire alentour que son âme s'enflamme !<br />

Quel détestable jeu ! Quelle obséquieuse amie !<br />

Son cœur est tatoué à la pierre de Dachau<br />

Et sa haine féconde se transforme en furie<br />

Quand cette bouche arrache ses pitoyables mots.<br />

Oh ! L’effroyable peste ! L'ignoble mascarade !<br />

Sur ses lèvres fiévreuses poussent des fruits gâtés.<br />

Elle supplie, elle dénonce les noires jérémiades<br />

Mais sous sa cape rouge est un couteau caché !<br />

596


Néron<br />

Je viole les enfants sur des couches exquises,<br />

Ô rouges floraisons, abominables cris.<br />

Je piétine leur Dieu, j'ai toujours la main mise<br />

Sur des monceaux d'argent, - je prends quand j'ai envie.<br />

Je vomis sur la Bible et sur les Écritures.<br />

Mon venin puant souille les cavernes étroites<br />

Des femmes suppliant dans leur sombre luxure,<br />

Cette main vicieuse est rugueuse et puis moite.<br />

Je détruis la Lumière, j'empale les Disciples<br />

Je pends les seins des femmes et les viscères des hommes<br />

Je suis le précurseur d'une race multiple<br />

Je serai le Premier dans la cité de Rome.<br />

597


Le radeau<br />

La vieille conque grince sur la mer déchaînée.<br />

Des espoirs vacillants voient des lueurs de Temple.<br />

Pour la voix forte et grave, pour les douleurs peinées<br />

La violence des râles se fait encore plus ample.<br />

Au-delà des montagnes de cadavres violets<br />

Le rempart de l'horreur engendre nos malheurs ;<br />

La houle tapageuse se fait et se défait<br />

Comme pour rappeler les chimères de la peur.<br />

Le néant effrayant envahit l'étendue.<br />

Le glas du désespoir est grincement cynique<br />

Pour les pauvres marins au gibet des pendus<br />

Sur le radeau de bois étroit et frénétique.<br />

La mort ! La mort !... Rien n'arrêtera le courant.<br />

Va-t’en, débris de bois sur l'écume des montagnes !<br />

Pour l'ultime cri du coeur, ô souffles des mourants,<br />

Au sommet de ce mât est l'espoir de Cocagne.<br />

Ce tas de chiens crevés anime le bateau.<br />

598


La souffrance et l'effort détruisent l'amitié.<br />

Goélands ! Goélands ! Notre chair est de trop.<br />

Approchez ! Approchez ! Venez nous dévorer.<br />

Et puis la mer, la mer derrière ce noir naufrage,<br />

La mer brutale et bête de notre capitaine !<br />

Cette horrible ennemie de l'inhumain carnage<br />

Qui gagne le combat de la sinistre haine.<br />

599


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME IV<br />

ANNÉES 80 - 83<br />

Collages 80<br />

Losanges 80<br />

Louanges du feu 80<br />

Les interdits 80<br />

Ombres bleues 81<br />

Poïétique 81<br />

Sueurs sacrées 83<br />

Éloge de L’orgasme 81<br />

La faucille sanglante 82<br />

Prières/Phrases/Exil 81<br />

600


Collages<br />

Cheval noir<br />

corps.<br />

Cheval noir, sang rouge. Frissons de femme, courez sur mon<br />

Œillets des cimetières, les tombes s'animent encombrées de<br />

lourds pétales plombés.<br />

Lutins espiègles ? Amuseurs du génie ? Mon âme froissée<br />

respire encore les doux sanglots posés sur sa bouche.<br />

anciennes.<br />

Comme du miel, larmes d'enfance. Blancheurs blêmes d'amours<br />

des blés.<br />

Fille stérile à la chevelure tiède. Étés courus dans la blondeur<br />

de ton vagin.<br />

Je roule et je tombe vers ton corps. Je meurs pour les chaleurs<br />

601


Abandons de femmes claires<br />

Abandons de femmes claires, murmures des sources, lait de ton<br />

sexe jaune, amours.<br />

Rêves, poèmes, fuite des mots et des regards. Nuits, crimes des<br />

yeux perdus et hagards.<br />

Lumières mornes de l'œil retourné, extase ! Le temps s'oublie<br />

dans la pénombre de la chambre.<br />

Lit tiède par le devoir accompli. Draps bleus tout imprégnés de<br />

sueurs. Ta jambe molle ébahie, ton sein lourd, mûr, lassé de caresses.<br />

Cris, geins, pleure encore. Griffe, bête ou crève. Fille sauvage,<br />

loque humaine, plus rien ne vit.<br />

602


Un souffle est à passer<br />

Un souffle est à passer, alors la toison rose<br />

Égaie d'un doux parfum le tourbillon morose<br />

Respiré ce matin. Déjà, je me sens ivre...<br />

Tu titubes et trébuches sur ce corps qui se forme,<br />

Qui va et s'abandonne à l'envie de revivre...<br />

La chair est sur la chair faite de métamorphoses !<br />

Et la femme, cet amas ! Ô les frais mouvements<br />

Imperceptibles presque d'une main jamais lasse !<br />

Ô soupirs confondus dans l'éveil des aurores !<br />

La bouche, le trou béant des sublimes extases !<br />

Râles, gémissements avec des cris obscurs !<br />

Baise la lèvre rouge comme un vin de saveur !<br />

J'oublierai par tes yeux noirs les ténèbres mêmes...<br />

Apaise mon chagrin affreusement déçu...<br />

Sorti est le poème par les frissons perçus !<br />

Je serai lourd d'ennui, de silence et de peines.<br />

603


Bercées dans des pâleurs<br />

Bercées dans des pâleurs tes mains se sont lassées,<br />

Ou enivrées dans l'or d'objets sonores, elles dansent<br />

Puis se meurent, abandons dans les échos lointains.<br />

Lentement sur la chair ténébreuse de honte<br />

La tienne roule encore sur la peau moite ou sèche<br />

Qui accompagne une bouche nourrie de ses baisers.<br />

L'amante longuement affaiblie de péchés<br />

Rêve sous ses douleurs de pensées nuptiales<br />

Endormies... puis se dresse en fauve de désirs<br />

Pour une chair jamais reposée et renaît !<br />

Extases des amours, vous forces inconnues,<br />

Existez dans le sein battant, hélas ! vaincu<br />

Qui se propose encore pour connaître une mort<br />

Plus précieuse, plus délicieuse que sa vie !<br />

604


Oui, aux portes des cieux<br />

Oui, aux portes des cieux baignés d'anges étranges<br />

Où se mêle l'abandon, se pense un rêve qui change.<br />

Dans le mouvement imperceptible des nuits,<br />

Cette angoisse morose est l'ennui de tes craintes,<br />

Et son effroi stérile, puissant et infini<br />

S'élève jusqu'à l'aurore imprégné de contraintes.<br />

Ô soupirs vainement soufflés par mon orgueil !<br />

Ô la lumière torve des derniers sacrements !<br />

La racine interdite jette la feuille qu'elle cueille,<br />

Absence de blanche sève distribuée au temps.<br />

Mais un délire encore m'arrache à mon sommeil.<br />

Je veux par l'alchimie l'impérieux effort,<br />

Et je renais d'or pur vers de faibles merveilles.<br />

Mon âme est consumée et sa raison s'endort !<br />

Et l'espace agrandi en rimes de rumeur<br />

Offre l'objet stupide, tintamarre sans éclat,<br />

Au maître de mes lieux sans pitié pour son cœur,<br />

Pourtant reconnaissant d'un quelconque débat !<br />

605


Si le soleil<br />

Si le soleil par vous subi<br />

A caressé votre pubis<br />

Je voudrais tant qu'il pût toucher<br />

Les doux méandres de votre corps.<br />

Sur les seins lentement il vient pour s'endormir.<br />

Il lèche nonchalamment les belles pointes dressées<br />

Pareil à un amant volant une caresse<br />

Pour le repos charnel d'extase mérité.<br />

Oui, que les femmes rondes veuillent se délasser<br />

Épousant l'âme encore d'un soleil estival.<br />

Ma mie, n'est-il pas vrai ? Le grain de l'hiver passe,<br />

L'astre pur est chaleur jusqu'au rayon dernier.<br />

L'amour entretenu par vos puissants délires<br />

Condamne le jeune homme aux plaisirs défendus.<br />

Je voudrais que la folie s'emparât du rire<br />

Afin qu'au jeu meilleur l'orgasme fût venu.<br />

606


Ma plus tendre cannelle dans ton parfum suave<br />

Si ton orteil bronzé mollement par le vent<br />

Sous la poignée de sable s'amuse gentiment,<br />

C'est le jeu effronté d'un amant de passage.<br />

607


Adieu, bellement désolée !<br />

Adieu, bellement désolée ! Je veux fuir ce sein endormi,<br />

embaumé d'or et de pétales de roses.<br />

La chevelure flotte, rouleaux de vagues sur la mer où des<br />

baisers lèchent la surface de ta peau.<br />

Femme, toi, mon île, tout imprégnée de molles odeurs, et de<br />

piments aigres sous tes aisselles.<br />

Désert sans cris, stérile ardeur prête à recevoir. Dans<br />

l'indifférence du soir, abandon de chair pour mes caresses et mes élans<br />

faciles.<br />

Aimerai-je encore ? Je tends la main lascive vers les caches et<br />

vers les rondeurs, indolemment, sans peine d'offense, sans faveur pour<br />

découvrir ton corps.<br />

608


Mon âme entière<br />

Mon âme entière choisit cette Pléiade s'écrie<br />

Le poète exalté. Ombres vaines, cessez<br />

Le martyre du génie ! Que d'amours prodiguées<br />

Il sache si bien plaire ! Sa souffrance est secrète !<br />

Don cruel ! Don cruel ! Souffle divin en moi,<br />

Je tombe et m'abandonne à cette Mort vicieuse<br />

Qui mesure et raisonne les sentiments profonds<br />

Et humains quelque fois.<br />

Elle calcule, elle se vante<br />

Elle attaque et détruit les nobles dispositions<br />

En versant ses brimades. Elle est ordre et justice,<br />

Et consternation !<br />

Je m'enivre de sèves<br />

Qui sont bues sur les Arbres, et leur ombrage heureux<br />

Est un puissant délire. Les notes de ma lyre<br />

Bercent les vents d'automne au plus loin, dans le calme.<br />

609


Pourtant je m'interdis les mornes explications.<br />

Je préfère me cacher dans les noires bruyères.<br />

Ma race suprême se perd dans son étonnement.<br />

Je crèverai tout seul, nourri de ma misère.<br />

Ho ! Belle impertinence ! m'écriai-je à la Mort,<br />

Que ne peux-tu goûter à tous ces nobles fruits !<br />

L'aigreur n'est point donnée à cette blanche page.<br />

Enivre-toi de la grenade, mais incomprise<br />

Toujours te sera sa structure !<br />

Je choisirai<br />

Savant, mes rayons purs et mon esprit sera<br />

La tombe où le soleil viendra s'y recueillir.<br />

Ma solitude aimée, paix des intelligences,<br />

Ma folie commettra des péchés infinis<br />

Par rêves d'insouciances.<br />

610


De Mézan à Auteuil<br />

De Mézan à Auteuil en passant par Compiègne<br />

Je bois le vin nouveau mon verre a éclaté<br />

Je ne chanterai plus Que les femmes sont belles<br />

Mon regard est voilé mon sexe est fatigué.<br />

Pourtant dis-nous dis-nous vainqueur des eaux usées<br />

As-tu aimé le vin du Rhône et des Rhénanes<br />

Maintenant que ta panse l'a joliment pissé.<br />

Mes amis mes frères mes conquêtes mes idylles<br />

Je ne bois plus de vin. J'ai mal à la prostate<br />

Si la douleur est mère de la vie monastique<br />

Mon sexe est rabougri et ma fin est tragique.<br />

Avec Septembre et Pampres à la rime malheureuse<br />

Je ne suis plus de ceux qui aiment à s'amuser<br />

Venez plus près de moi O mes belles pleureuses<br />

Apollinaire s'ennuie son coeur est épuisé.<br />

611


Oui, j'aime tous les vins<br />

Oui, j'aime tous les vins vaillants comme la femme.<br />

Mon verre tremble soucieux des plaisirs éphémères.<br />

Mon ivresse, tu glisses amoureuse des âmes !<br />

Saoule mais sans orgasme, tu sais si bien me plaire !<br />

Séduit à la lumière noyée de mon esprit,<br />

Je danse comme un ange regorgeant de supplices.<br />

Je m'abandonne libre, ou martyre en sursis,<br />

Je m'endors ivre mort ensanglanté de vices !<br />

Et la saveur du vin coule dans mes entrailles !<br />

Je bois à la fortune grisé de vin nouveau.<br />

Je ne suis qu'un pantin sans vaillance ni travail.<br />

Ô Seigneur, suis-je bête ? Reconnais-tu ces mots ?<br />

Mes paroles s'épuisent vers cinq heures du matin.<br />

Dans cette fange orale de mon génie minable<br />

J'ai honte, alors je me couche complètement plein.<br />

Seigneur, pardonne-moi tous ces écrits passables.<br />

612


Ces fantômes voltigent<br />

Ces fantômes voltigent tout autour de mon âme.<br />

Ils enveloppent mon corps de leurs blancheurs de rêves,<br />

Senteurs évaporées, roses vierges d'amour.<br />

Mon oubli transparent ignore leurs caprices.<br />

Le givre des glaciers hélas m'aura saisi !<br />

Pucelage oublié sur des cuisses légères.<br />

Je rêvais des voilures des femmes qui ont fui !<br />

Limpide et ciel d'azur dans l'extase si claire...<br />

Ô l'écume folâtre vers les haleines tendres !<br />

La source belle où coulèrent les douceurs de sperme.<br />

Et tes larmes et ta bouche imprégnées par le sel !<br />

Premiers reflets d'argent sur une terre stérile.<br />

Ô le miroir du cygne, les ailes de l'épousée !<br />

Colombe entre mes doigts éclatants puis épris.<br />

Nuages, bergère où je me suis évanoui.<br />

Les nymphes égarées dans les tourbillons d'orgasmes.<br />

613


Les seins nus, les voilures, légères et puis vêtues,<br />

Mes rieuses aux dents blanches à la lèvre si rouge !<br />

Infiniment courez vers la mer aux déluges !<br />

Je danserai pourtant dans la pâleur des lys<br />

Au noir des oriflammes, ou neige vers les cimes<br />

Plutôt, je dormirai.<br />

614


Le bel hiver<br />

Le bel hiver éblouissant de givre avorte tristement comme une<br />

âme stérile les péchés pardonnables de l'enfance défunte.<br />

Le sceau enchanteur du maître divin, martyrisera-t-il sans haine<br />

farouche l'avorton aux membres rabougris qui, dans le ventre bombé, attend<br />

qu'on le touche d'un doigt mystérieux ou d'un sourire serein ?<br />

Sa face teigneuse mérite qu'on l'observe, parents prématurés<br />

d'un génie en délire. Recroquevillé dans son néant, il tétera avide le sein<br />

palpitant.<br />

Je tenterai la bouffée d'air pur. Je m'évacuerai de tes entrailles<br />

pendantes, et mes déchets iront pourrir sur tes fanges putrides, femme<br />

écœurante.<br />

615


Des vagins de reines<br />

Des vagins de reines, des lieux de jouissance martyrisés par le<br />

pouvoir des hommes.<br />

Les générations des poètes crachent le feu. L'exil au plus près<br />

de la femme. C'est bien une sorcière bourrée de recettes alchimiques des<br />

grands inspirés.<br />

Des alcools hors de toute raison. Les vins coulent sur des draps<br />

de soie multicolores. Par-delà les cordes rouges et les baldaquins<br />

élégants, les couches superbes ont éveillé l'ébat des amours.<br />

De larges baies ouvertes absorbent les rayons d'or, les ruisseaux<br />

du Sceau Divin et les pluies de bonheur chaudes.<br />

Les images par l'arc-en-ciel transpirent des gouttes d'orgasme,<br />

des silhouettes d'ombres, des effets très curieux.<br />

C'est le lever. Aux champs face au château, des pauvres<br />

s'activent et sèment pour nos sports favoris.<br />

Les bois roulent des bouquets vers là-bas au-dessus des vallons,<br />

616


oux bosquets dans le lointain.<br />

L'automne a éclairé. C'est la démarche des natures fatiguées<br />

puis finissant comme nos yeux pleurent, visitent alentours très loin,<br />

quelque domaine sinon cet espace.<br />

Courses affolées paisiblement lâches de la terrasse, nous<br />

accoudés un pied contre le cœur.<br />

Grande fille de bijoux caressant la peau de chair rose dans les<br />

douces matinées uniquement. C'est le fier repos des nudités lavées des<br />

soucis et des mornes peines alors que l'astre flamboyant étire doucement<br />

sa bosse rouge de sueurs matinales.<br />

617


Un désir de changer<br />

Un désir de changer d'existence secoua mon âme tout à coup.<br />

"Mon cœur, mon cher cœur défunt ne rêves-tu point d’oubli et<br />

de paresse ? Ne veux-tu pas noyer le chagrin qui t'obsède et t'éloigner,<br />

partir, fuir ? Regagner d'autres terres où ton corps travaillé par la<br />

vermine trouvera refuge ? Il te faut la langueur, la mollesse des îles<br />

enivrantes parfumées de musc et de rêves des tropiques.<br />

Oui, je crois voir une forêt de mâts baignée par la pureté bleue<br />

de l'Azur. Et j'entends déjà les chants lugubres des esclaves nègres, ivres<br />

de liberté, réconfortés par quelques bouteilles de rhum !<br />

Comme tout ceci est beau et prenant mon cœur ! La houle berce<br />

mélodieusement ton corps et chasse l'ennui !"<br />

Peut-être que le rêve et l'oubli m'éloignent de la triste réalité où<br />

mon âme s'était mise.<br />

618


Un jour, je fus assis<br />

Un jour, je fus assis à l'ombre de son Ombre et c'était le chêne.<br />

On me chassa avec des cordes serrées autour du cou. Je m'endormis dans<br />

les herbes et la bruyère. On me livra aux sorcières et aux démons. Je<br />

criais avec tout mon corps. On m'invita aux fêtes de la boisson, et mes<br />

pas me précipitèrent dans la honte de l'amour.<br />

Je me suis défait du nombre, enfant agile parmi les grands. Je<br />

me suis évanoui à quatre heures sonnantes. Quel carnage dans la frêle<br />

tête à idées ! Peut-être ne suis-je qu'un sot ? Tout cela n'est que du rêve ?<br />

Fort de l'inexpérience, je me bats contre des Morts et je roule<br />

mes nuits perverses dans l'enivrement de la femme. L'odeur n'éloigne<br />

pas la haine. Ô tête incestueuse, écœurement divin, femme sans lait,<br />

enfance sans chair, c'est à vous que je m'adresse !<br />

619


Comme je pense<br />

Comme je pense, je pense et cette faculté intelligente multiplie<br />

les opérations savantes de l'esprit, contacte toutes les ramifications<br />

subtiles de l'âme avec tout l'art actif de la jeunesse excitée.<br />

C'est un Dieu doué d'une force vive et expéditive qui se nourrit,<br />

avale, ingurgite et recrache toutes les informations qu'on lui présente. Il<br />

est capable de concevoir, de croire, d'exploiter toutes les finesses du<br />

genre humain sans même les réfléchir distinctement.<br />

La chance ou ses hasards précipités fondent sur le marbre de<br />

l'Absolue Vérité comme la loi de Justice est éternellement.<br />

620


À l'instant de ma puissance<br />

À l'instant de ma puissance, longuement, éternellement seul, je<br />

m'observe. Je vois comme un peuple de moi-même m'entourer, me<br />

ceindre de part en part, prenant possession de ce corps qui ne<br />

m'appartient plus, qui m'échappe comme une masse jetée dans les airs.<br />

À l'instant, je le sens qui me regarde. Le peuple s'exerce à vivre<br />

en ce Moi-même acteur et spectateur à la fois.<br />

621


Je n'avais pas vingt ans<br />

Je n'avais pas vingt ans lorsque je perdis connaissance de la vie.<br />

Je m'éloignais du monde réel pour entrer dans celui composé vaguement<br />

de fresques fantastiques et nébuleuses. Aucun personnage n'existait.<br />

Tous faits d'ombres et de vapeurs m'entouraient, enroulaient mon corps<br />

de souffles blancs.<br />

J'allais d'évanouissements en évanouissements. Mes pertes de<br />

conscience me forçaient à garder le lit. Je glissais dans des sommeils<br />

profonds de plusieurs nuits. Vers les quatre heures du matin, je me<br />

réveillai. Ma gorge était en feu. J'avalais deux litres d'eau. Mes brûlures<br />

apaisées, je regagnais ma chambre titubant, ivre de fatigue, et je me<br />

couchais agonisant comme après une nuit de débauche.<br />

Le corps n'existait plus. Seule l'âme encore agile, quoique<br />

pleine de mensonges me donnait l'impression qu'une infime partie de<br />

moi-même vivait toujours. Je découvrais le monde de l'insolite, et dans<br />

mes rêves éveillés, l'étrange se mêlait à l'impossible et au merveilleux.<br />

Les images se mouvaient dans mon âme jusqu'à m'obéir<br />

irrésistiblement. Je devins le maître de mes fantasmagories. Je créais le<br />

Néant. J'inventais Dieu. Je le vis face à moi en source de bonheur, en<br />

petite force jaune tourbillonnante sur soi-même. Je me crus<br />

622


exceptionnel. J'ordonnais à la Mort de se déplacer. Elle m'obéissait. Je<br />

vécus pendant des mois avec des fantômes à ma dévotion, admirateurs<br />

de mon âme.<br />

Je me fis pervers et lubrique. Je réinventais tous les vices de<br />

l'amour. C'est ainsi que j'ai battu des femmes jusqu'au sang, les<br />

humiliant et obtenant de leurs corps toutes les substances vitales à mon<br />

génie.<br />

623


Je devins fantastiquement pervers<br />

Je devins fantastiquement pervers. J'embrassais toutes les<br />

ombres et je me roulais dans leurs vapeurs jusqu'aux premiers signes de<br />

l'aurore.<br />

Je transformais ma chambre en théâtre du rire. Tous vinrent et<br />

apprécièrent les exclamations du pitre. On me dit intéressant, mais on<br />

me traita d'idiot. Je me pensais sérieux.<br />

Je conservais dans les profondeurs de mon inconscient toute ma<br />

jeunesse vécue. Je croyais avoir affaire à des initiés. C'étaient des<br />

imbéciles incapables de saisir le moindre effet.<br />

Je me retranchais en moi-même. Les nuits vivantes<br />

s'écourtaient grâce à mon savoir. Je vieillissais sans la conscience du<br />

temps, trop accaparé par mes discours.<br />

Mes énigmes attristaient. Je me fis hiéroglyphes<br />

indéchiffrables. Je garderai le secret. On me passa le feu. Je l'alimente de<br />

phosphore. C'est mon don. Je bouscule les heures, les temps et les<br />

saisons. Je suis un mystificateur. Ma faute fut de déchirer un chefd'œuvre.<br />

On me taxa d'amateurisme. La preuve : je ne gagne rien. Qu'aije<br />

à faire de ces confessions ? Un feu immense d'où jaillira un autre<br />

624


souffle.<br />

Ha ! La malsaine confusion nous induit dans les bouffonneries<br />

les plus saugrenues ! Ha ! Les tares de la jeunesse. Mais ces élans de<br />

joie, ces grands sentiments, comme tout cela est beau !<br />

Je divague. L'ancêtre est en moi. Je suis immortel. La sagesse<br />

me rappelle au bon sens, au calme. Je dois vivre trois minutes en une. Je<br />

veux cracher sur les prodiges. Ha ! Maturité, intelligence, savoir !<br />

Mais pense-le, imbécile, et tais-toi ! Ces points d'exclamation<br />

sont la preuve évidente d'une âme révoltée, en pleine ébullition. Compte,<br />

tache d'accentuer, retiens-toi. Fais l'amour à ta page blanche. Qu'elle<br />

jouisse lentement, ta salope ! Qu'elle soupire et qu'elle hurle de désirs.<br />

Puis laisse-la reposer dans ses extases molles !<br />

625


J'inventerai la danse des sens<br />

J'inventerai la danse des sens. Je tomberai à la renverse dans les<br />

icônes et les tapisseries moyenâgeuses, puis je tisserai, araignée blanche<br />

la toile transparente de mes pièges fantastiques.<br />

À droite, les reines gesticulant barbouillées de sperme, de<br />

liquide épais et coagulant. Plus elles se débattent, plus elles se fatiguent.<br />

Elles sont mes proies faciles.<br />

J'attendrai leur agonie et sortirai de mon trou pour les piquer de<br />

mon venin mortel. Je me délecterai de leur corps, je détrousserai leurs<br />

jupons et les sodomiserai de force. Quelles jouissances à recevoir !<br />

Au centre, les râles désespérants des fantômes. Des litanies<br />

profondes sortent de ces cages d'hommes. Ô les chœurs émouvants des<br />

esclaves enchaînés ! Quels grands sentiments se dégagent de ces files<br />

d'hommes à moitié nus ! J'entends le bruit sourd de leurs chaînes monter<br />

vers moi.<br />

Dans le coin gauche, le spectre de moi-même. Je me suis<br />

dédoublé. Mon rire satanique explose en gloussements sordides, avec<br />

des rictus malins. Je montre ma satisfaction comme un singe gesticulant<br />

ou accroché aux grilles de sa cage.<br />

626


D'un coup, - peut-être ai-je brisé de mes gestes violents la fine<br />

membrane de mon fantasme -, le rêve disparaît. Je retourne à la chambre<br />

médiocre. La vérité m'éclaire. Ils sont là, quinze fantômes invisibles,<br />

détruisant mon âme, favorisant mon supplice avec leurs jeux stupides. Et<br />

ceux-là existent, hélas !<br />

627


J'étouffais<br />

J'étouffais ; des hoquets verbeux sortaient dans la confusion de<br />

ma bouche ovale. Je bouclais mes poèmes en enchaînant les mots les uns<br />

aux autres, en les soudant, en les encastrant dans un désordre stupide.<br />

Je me voulais caporal, je n'étais qu'un petit soldat ignorant les<br />

règles et la discipline.<br />

Le mélange éclaboussait les feuillets. Des vomissements<br />

stériles, des nullités, des débris de textes s'accumulaient.<br />

Je manque d'expérience. Ma jeunesse est un fléau. J'ai couvert<br />

mes lettres de lèpre, de taches indélébiles. L'ignorance est expulsée par<br />

mes entrailles.<br />

Je veux boire le vin dans la coupe sertie de pierres précieuses,<br />

je veux déguster les mets délicieux dans la vaisselle d'or avec des<br />

fourchettes d'argent.<br />

Le contrat sonne creux dans mon ventre bourré d'injustice. J'ai<br />

donné des fortunes et je paie encore. Je jette toujours mes poèmes à la<br />

face de l'éditeur commerçant.<br />

628


À bannir cet échange mercantile ! Ai-je offert de faux diamants,<br />

des perles truquées ? Suis-je un faussaire, un artisan en chambre, un<br />

mystificateur ?<br />

Poésies, quels effets à attendre ?<br />

Réfléchissons : ou tu portes des lauriers invisibles, ou tu es<br />

vaincu, et déjà tu es gisant !<br />

629


Tu en es encore à résister<br />

Tu en es encore à résister à la tentation charnelle, à la femme<br />

nue offrant une croupe bourrée de poils et d'excréments. Ha ! Tu te<br />

satisfais de masturbations enfantines, et tu pleures, tu gémis amoureux<br />

de la chair et interdit de l'acte d'amour.<br />

Apprécie ces créatures ! Allonge-toi sur leurs corps de rêve !<br />

Endors-toi alangui et épuisé après un assaut de fantasmes !<br />

L'heure de la nudité et des vertiges accomplis sonne à la grande<br />

horloge des orgasmes. Plie-toi, cambre-toi, hurle ! Que tes gémissements<br />

gonflent d'amour tes draps remplis de sueurs ! Que la marque indélébile<br />

de trois gouttes de sperme sacre d'un sceau sexuel la feuille froissée du<br />

drap refroidi...<br />

Ha ! Le breuvage exquis du champagne mousseux ! Ô nuits de<br />

fête pour des bonheurs oubliés ! Repose-toi après les amours blanches, ô<br />

mon coeur lassé !<br />

Mais tu es seule mon âme. Épouse l'esprit solitaire qui se meurt<br />

d'impatience. Sors de ta coquille protectrice, et féconde le sexe faible de<br />

celle à enfanter.<br />

630


J'engouffre des scènes lubriques<br />

J'engouffre des scènes lubriques, des fantasmes pervers, des<br />

déchets harmonieux. Ma fortune se nourrit d'étrange et d'insolite, de<br />

spectacles raffinés et d'insanités de mauvais anges.<br />

J'offrirai mes créations crétines à tous les enfants peu doués, à<br />

toutes les femmes souffrant d'absence, aux nains vagabonds, aux<br />

impuissants, à tout ce qui est en manque, à tout ce qui respire et vit<br />

chétivement.<br />

Avec mon audace, je pousserai le rêve. J'en sortirai la vérité. Je<br />

tourmenterai mes délires. Des reines de papier, des vierges couvertes de<br />

roses rouges apparaîtront et disparaîtront dans des brillants de lumière.<br />

J'inventerai de nouvelles demeures dans les sangs, dans les<br />

cœurs d'autrui. Je ferai exploser les larmes des femmes pour le chagrin<br />

de ma tristesse. Et quand je serai lassé de les entendre mourir, je<br />

changerai de monde et j'irai m'endormir dans ma nuit.<br />

631


La belle agite<br />

La belle agite ses roses bleues, - fruits des pastorales dans l'air<br />

salin. Encore des mots divaguant en mémoire.<br />

Je plonge sous les sataniques virgules, un non-sens, rapport<br />

d'ensemble. À séparer lisiblement. Impossible à comprendre.<br />

Ô vapeurs douces comme je vous parle ! Réponses agressives<br />

de l'au-delà burlesque.<br />

À mes marques. Je frôle, haleine chaude, les robes claires, -<br />

pucelles respirées, jambes blanches. Les ébats des corps dans les bois<br />

tendres. Bouches, langues fines sans paroles. Taisons les odeurs cachées<br />

dans les sexes.<br />

Je me vois perdu sous le miroir des âmes. Images, cognez au<br />

carreau ! Je transpose mes cloches avec mes délires. Un Jean ? Non - des<br />

gens - des invisibles. Et mes poètes connus ? Tous des génies !<br />

Ma faiblesse d'apercevoir... Si ridicule ! Flotte ou nage, tas de<br />

nerfs ambulants, excitation démoniaque.<br />

Élégante ta démarche. Quelle efficacité ? Roulis de corps dans<br />

632


la bourgeoisie modeste. Ça ne veut rien dire... Il me l'a dit.<br />

Sorties insoupçonnées, le tunnel des anges. Retours à<br />

d'anciennes époques. Je renais. Ouf ! Le stupide est à décrire. C'est du<br />

Jésus et de la Marie, hélas ! Pas de neuf.<br />

Lettre aux imbéciles. Et alors ? Rien. Nébuleuses rarissimes,<br />

géniales perversions. Mes glaciales pensées, comme je vous aime. Mais<br />

si ...<br />

Encore le silence. La lente agonie ? Atteindrai-je mon Dieu,<br />

mes desseins ? Toujours ce corps qui se sépare. Vers le coït à deux.<br />

633


Fini, la princesse<br />

Fini, la princesse aux clairs cheveux flottant comme sur un<br />

mirage. Elle s'est évanouie, vieil ensemble de croyance, d'inexistence,<br />

d'impossibilités. Le monde range ses spectres dans ces cieux rouges. Elle<br />

a disparu la règle invisible.<br />

Tous au Sabbat, à la messe noire et travaillons la nuit ! Que soit<br />

fécond le Satan vierge et purifié - c'est moi ! Les ailes des anges<br />

ensemencent son génie - c'est l'autre ! Tous à la passion destructrice.<br />

Je nage dans les brouillards et les écumes. Apercevrai-je le<br />

nouveau monde ? Je réinvente. Je ressuscite l'inspiration. La jeunesse<br />

ensanglante la Muse. Elle obéit la catin. Fini la prostitution de l'art.<br />

J'imposerai l'anarchie. Liberté !<br />

634


Sois câline, toute câline<br />

Sois câline, toute câline, toute douce et monotone comme la<br />

brise qui frissonne et caresse mon cou !<br />

Viens te coucher dans ce grand lit, et berce-moi de sommeils<br />

confus. Ma Muse, ma grâce et ma madone, offre-moi les poèmes qui<br />

endorment !<br />

Je veux mourir, tout mourir dans les rêves confondus. Enlacé, je<br />

me sens t'appartenir pour les plus beaux plaisirs repus.<br />

Dans le calme frais des baisers légers, j'embrasse ta lèvre qui se<br />

donne parfumée de ton haleine soufflée, ô mon amante, ô ma très tendre<br />

aimée !<br />

635


Perdus, perdus<br />

Perdus, perdus dans les vapeurs bleues, je sais que des oiseaux<br />

s'enivrent. Le piteux battement de leurs ailes en feu rougit l'horizon qui<br />

déjà se délivre.<br />

Brouillards, jetez sur mon corps vos blanches écumes tandis<br />

qu'en soupirs ma bouche résume les souffrances inutiles d'une nuit qui<br />

s'enfuit.<br />

L'automne a glacé mes poèmes de rêves. Mes enfances<br />

ténébreuses au soleil ont jauni. J'attends désespéré le spectre de la trêve<br />

qui calmera ma douleur de maudit.<br />

Je m'enferme dans des folies risibles, possédé par la Muse de la<br />

Mort, jouisseuse et perverse de mes prestations les plus crédibles ...<br />

636


Je sens la mort<br />

Je sens la mort mystérieuse m'arracher de mornes regrets tandis<br />

que la bouche rieuse expulse ses airs à regrets !<br />

Que l'infime souffle de ta lyre vibre de ses tendres émotions !<br />

Ou que tempêtes et délires déchaînent de violentes passions !<br />

Mais les faiblesses de mon âme me condamnent à noyer ma<br />

paresse dans tes yeux !<br />

Ta chair infâme me tire des larmes et des sanglots grinçants<br />

sous d'horribles caresses plus vengeurs que le néant des flots !<br />

637


Tes mains brûlantes d'amour<br />

Tes mains brûlantes d'amour, bercées par une palme, rien ne<br />

vaut le souffle calme du désir qui court.<br />

Et réchauffe nos âmes d'un rayon de soleil vermeil, et lèche le<br />

ventre jauni de la femme ou pince gentiment son orteil.<br />

Allongés nos deux corps sur le sable, gagnons des rivages<br />

meilleurs, à bouches confondues, adorable sœur !<br />

J'apaise ma soif sur la langue rosée qui reçoit et lèche le baiser.<br />

Oh ! Tes lèvres rouges de confusion désirables ! ...<br />

638


Les poètes<br />

Nous sommes les pauvres, les pauvres aux yeux tournés vers le<br />

Néant. Notre noir obscur nous condamne au rêve, pauvres aveugles qui<br />

avançons à tâtons !<br />

Devant nous, des femmes se donnent, des statues parlent, des<br />

bras invisibles nous touchent, des spectres dansent, des vierges saignent.<br />

Nous sommes les pauvres chiens galeux et impuissants, des<br />

bêtes et des crétins nourris de fantasmes.<br />

639


J'avance dans des visions<br />

J'avance dans des visions indescriptibles. C'est bien l'Enfer que<br />

je vis ! Torrents de boues rouges, morts, cadavres putrides,<br />

sanguinolents. Feux crachés par les bouches des infernales putains ;<br />

diarrhées éternelles des homosexuels ; cuisses écartées, des centaines de<br />

salopes pissent leurs règles dans des gueules de monstres assoiffés.<br />

Tous les vices, toutes les luxures s'offrent à mes regards<br />

horrifiés : des pères fendent les sexes de leurs enfants, et munis de<br />

crochets arrachent les entrailles de leurs progénitures. Ils enfoncent leurs<br />

têtes dans les ventres dégoulinants de pus et de matières fécales. Des<br />

fosses contenant toute la merde humaine se dégagent des odeurs<br />

insoutenables.<br />

Plus loin, c'est un lac de vomissures où des millions de<br />

mouches sont agglutinés sur les rendus d'une population de scatophages.<br />

Il y a une mer qui déverse sur ses plages des membres de femmes<br />

coupés, des bras et des jambes d'hommes séparés. La vague se retire, et<br />

sur le sable ces têtes supplient et appellent dans ma direction. Les mains<br />

s'accrochent aux rochers, les jambes tentent dans un suprême effort<br />

d'avancer vers moi !<br />

640


Il y a un monde inversé<br />

Il y a un monde inversé où la Femme domine l'Homme. J'étais<br />

l'esclave d'une divinité exquise. Pourquoi exquise ? Car ses petits pieds<br />

charmants étaient peints en rouge, et c'était un délice de voir gigoter les<br />

pointes délicatement sanguines, et admirablement coloriées.<br />

Une nuit elle me força mains attachées dans le dos, nu et<br />

agenouillé sur le marbre de son palais à me pencher avec lenteur. Elle<br />

m'obligea à lécher ses orteils. Je dus tendre ma langue hors de ma<br />

bouche et passer celle-ci entre les extrémités de ses pieds. Je fus tout<br />

d'abord horrifié par une telle soumission. Mais j'étais son esclave et<br />

risquais une peine exceptionnelle si je n'obéissais pas à son ordre. Je<br />

m'inclinais, je me courbais doucement et commençais à sucer le pouce<br />

puis les autres doigts un à un. Pour m'humilier davantage, la reine avait<br />

refusé à ses dames de Cour de lui faire prendre un bain. Toutes les<br />

sécrétions de la journée, toutes les odeurs fortes émanaient de son corps.<br />

C'était avec dégoût que je m'activais à cette tâche.<br />

Tandis que j'avais les mains liées dans le dos, que j'étais donc<br />

assis dans une position inconfortable, la reine souleva sa jambe, et<br />

poussa avec violence le haut de mon buste. Je me déséquilibrai et tombai<br />

sur le côté. Je reçus la chute sur l'épaule gauche. Elle se mit à rire à<br />

profusion, et appela ses demoiselles qui piaffèrent et ricanèrent à me<br />

641


voir dans une si médiocre posture. Je rougis de honte. Ma gêne fut<br />

tendue à son extrême quand cet ensemble de femmes s'aperçut que je<br />

tenais une puissante érection. Elles se placèrent autour de moi,<br />

dansèrent, et l'une d'elles moins farouche passa sa paume d'un geste<br />

rapide et discret sur mon sexe et sur mes testicules. J'étais fortement<br />

membré, et mon pénis fougueux acharné se dressait vers le nombril.<br />

La reine frappa dans ses mains trois fois. Les demoiselles<br />

d'honneur se turent. Le silence revint dans la salle, et semblait encore<br />

plus gênant que les simagrées de tout à l'heure. Les jeunes filles<br />

disparurent. Arrivèrent deux noirs énormes, d'une ossature gigantesque<br />

qui formaient la dernière garde du royaume. L'un me prenant aux jambes<br />

et l'autre aux bras, ils me portèrent et m'installèrent sur une couche<br />

splendide, bordée de lingeries rares et habillée de pierreries étincelantes.<br />

Après avoir accompli l'ordre, ils s'éclipsèrent. Je restais seul avec la<br />

reine. Sans se soucier de ma présence, elle fit glisser ses habits le long<br />

de son corps et se trouva nue face à moi.<br />

Mon érection était tombée. J'étais béat et admiratif devant sa<br />

beauté. Ses longues jambes minces et fines se poursuivaient jusqu'à ses<br />

hanches superbes. Son sexe épilé par endroits, sa toison<br />

merveilleusement noire, d'un noir profond tirant sur le bleu à la lueur des<br />

chandeliers s'offrait à mon regard. Je crus divaguer. Je n'existais plus. Il<br />

me semblait que mon âme était dominée par le rêve. Pourtant mes liens<br />

642


étaient si fortement serrés que les poignets presque sanglants me<br />

rappelaient à la réalité.<br />

Elle s'avança avec lenteur vers moi, posa un genou sur le lit,<br />

puis l'autre. Elle souriait comme la femme proche d'être conquise.<br />

Elle prononça ces mots : "Je te rendrai ce raffinement que je t'ai<br />

imposé." Et avec délicatesse elle suça l'extrémité de mes pieds. Agir lui<br />

était plus facile : ses mouvements libres favorisaient son action.<br />

Sa langue était experte et presque sublime tant elle roulait sa<br />

pointe aiguisée avec patience entre les espaces de mes ongles. Après<br />

avoir passé dix bonnes minutes à cette tâche subtile, observant à<br />

nouveau une terrible érection, elle vint s'asseoir sur mon sexe, et<br />

engloutit d'un coup mon vit tendu à en mourir. Jamais en corps de<br />

femme je n'avais ressenti si merveilleux délices. Elle balançait son corps<br />

de droite à gauche, et sa poitrine gonflée et lourde suivait le mouvement<br />

de sa croupe. Quand elle remarquait les crispations du visage, les rictus<br />

des lèvres, elle cessa le jeu pour le reprendre quelques instants plus tard.<br />

Elle s'approcha de ma bouche et dit en me regardant avec la complicité<br />

de deux amants.<br />

"Tes mains sont liées mais personne ne t'interdit d'enfoncer<br />

deux doigts dans l'anus. Le plaisir en sera plus savoureux."<br />

643


Toute la sueur qui ruisselait le long de mes fesses me servit de<br />

sécrétions. Je puis ainsi obéir à ses ordres sans souffrir d'une vive<br />

douleur.<br />

Son haleine était chargée de parfums étranges de musc rare, et<br />

j'aurais désiré que sa bouche se collât contre la mienne.<br />

Je pinçais mes lèvres et n'y tenant plus je suppliais : "Reine,<br />

reine, cesse de me faire souffrir et donne-moi la délivrance. Laisse-moi<br />

mourir en toi !" Au même instant le sperme en rasades épaisses coula<br />

dans son vagin. Je poussais tous les membres de mon corps afin de la<br />

pénétrer davantage. Après que j'eusse joui huit fois, ma tête roula sur<br />

l'oreiller, sur le coussin d'or. Je crus m'évanouir quand j'entendis sa voix<br />

terrible, son organe puissant de maîtresse m'ordonner : "Retourne d'où tu<br />

viens, et que je ne te revois plus jamais."<br />

L'ordre était si intense, en telle contradiction avec ses propos de<br />

femme de l'instant passé que je n'obéis point pensant à un mensonge, à<br />

une erreur. Je passais du rêve à la cruelle réalité.<br />

Elle frappa pour la seconde fois entre ses mains, et deux noirs<br />

formidables tombèrent sur mon corps et me transportèrent de force dans<br />

la cellule sordide où je croupis à présent.<br />

644


Couchée, évasive et nue<br />

Couchée, évasive et nue, je la voyais sourire d'aise. "Ne veux-tu<br />

pas mon cœur perdu venir mourir une autre fois dans mes bras si grands<br />

qu'ils y renfermeraient l'univers ? Tu t'éloignes de mon étreinte. As-tu<br />

donc peur de ces anges méchants qui rôdent autour de mon âme, et que<br />

passionnée toi aussi tu peux entendre ?<br />

Laisse-les mourir de souffrance, d'envie et de plaisir aussi ! La<br />

pauvre mort n'est plus rien. Qu'elle croupisse ou voltige autour de nos<br />

corps, nous n'en avons que faire !<br />

Vivons pour nous deux seulement, pour la lueur sacrée de tes<br />

prunelles éclatantes ! Je trouverai dans ces yeux-là l'oubli et l'ivresse de<br />

l'amour fatigué. Je boirai à la source de tes larmes, et peut-être<br />

dégusterai-je l’élixir aphrodisiaque qui réveillera mon ardeur de poète<br />

enfant ?"<br />

Mais la terriblement belle soupire, baille et s'étire pour<br />

s'endormir vers des pays autres.<br />

645


Par la fenêtre échappée<br />

Par la fenêtre échappée, se résignent à mourir ou à disparaître -<br />

que sais-je ? - Les dernières saveurs des masses bleues.<br />

Les fluides vaporeux s'éloignent nonchalamment puis s'activent<br />

à sortir comme aspirés par le dehors.<br />

Tous les maux de l'âme d'ivresse fatiguée cherchent à fuir par le<br />

saint breuvage bu, ou par le rêve indolent des anges perçus.<br />

Que faire ? Oui, écrire de lassitude. Quand sonnent les trois<br />

heures la souffrance arrive à grands pas comme possédée et horrible !<br />

Je m'évanouis dans mes joies anciennes. Jadis, ne rêvassais-je<br />

pas lourd de mes somnolences de poète . (Petit damné, tu dis des bêtises<br />

!) Retournons vers l'avenir. Soit : vers moi-même. Poursuis ces <strong>pages</strong> de<br />

signes bizarres. Éreinte-toi à noircir de nouvelles pâleurs.<br />

646


Qui peut me dire ?<br />

Qui peut me dire ? ... Je m'interroge. Je sonde l'intérieur de mes<br />

entrailles. Je m'exalte comme la Pythie. Je me satisfais de posséder cette<br />

parole intime, ce brouhaha indistinct de sonorités. Je tends l'oreille. J'y<br />

décèle un monde autre. Un bruissement dans les arbres ? Dieu, par<br />

l'intermédiaire de la nature s'adresse à ma personne. Une bestiole stupide<br />

agit, et fait son bruit ? Je réponds à l'infime inutilité. Je me crois poète,<br />

je le suis donc. À contre cœur, à contre vie. Mais je me force à exister.<br />

Et toutes ces lignes qui se poussent et vivent, ne sont-elles pas<br />

la preuve éclatante de mon éclat de prosateur de rêves ?<br />

647


J'ai connu, c'était hier<br />

J'ai connu, c'était hier, des corps semblables au mien du moins<br />

par leur toucher car le sexe était différent au ... etc.,<br />

J'embrasse des vulves. Je retourne au présent. Je caresse, je<br />

pénètre, je m'enfonce dans des terriers ... Sont-ce des possibilités de<br />

délivrance ? Non. Le temps disparaît. Mes plaisirs s'oublient.<br />

Ma force est d'abandonner mon désespoir et de m'en retourner à<br />

la simplicité de la femme.<br />

Je m'engage dans les îles que je survolais naguère. Mon âme en<br />

folie discute sur n'importe quoi ! Est-ce un souffle d'ange qui caresse<br />

cette tête que je soupçonne être mienne ? Je crois enfin que la réalité est<br />

terrestre.<br />

648


Je m'aime<br />

Je m'aime ou je crois m'aimer puisque je prends un plaisir<br />

insoupçonné à caresser ce corps. Est-ce bien le mien ? Cette masse rose<br />

de chair qui forme une prison ? Elle renferme une âme qui, elle seule<br />

semble m'appartenir ... Je disais éprouver plus de jouissance à toucher ce<br />

corps qu'aucun autre. J'ai eu à de nombreuses fois la possibilité d'aimer<br />

la femme. Je me sentais pressé, malaxé ou pétri par une nature morte ...<br />

Quand je baise mon épaule, j'éprouve un réel désir. Ma nudité<br />

me séduit. Sans gêne, je me promène ou je me contemple des heures<br />

dans une glace. Il me semble faire l'amour à un autre ... ou à moi-même.<br />

Tenir ce sexe serré ou gluant et chaud dans cette main, et j'ai<br />

l'impression qu'un autre me masturbe. Il n'y a pas d'arrière-pensée ; je<br />

n'ai aucun besoin homosexuel. Je soupçonne que tous les jeunes garçons<br />

et filles de mon âge ont ressenti maintes jouissances à posséder leur<br />

corps.<br />

Mais qui suis-je tout gonflé de pleurs ? Il me paraît que cette<br />

poitrine, que ce ventre duveté appartiennent à un autre. N'est-il pas exact<br />

que je suis le propriétaire de ce corps ?<br />

L'enfant s'est couché nu sur les bords de l'eau qui reflète dans<br />

649


des images désordonnées et incertaines tout le poids de son amas de<br />

membres.<br />

Je n'existe peut-être qu'à l'état d'ange ... Ma mémoire est<br />

effrayée. Je ne sais véritablement plus qui a pris possession de ce moimême<br />

! Ha ! Il me semble que j'offre un diamant monté sur un cercle de<br />

cuivre. Mon âme est brillante. Elle n'est seulement visible qu'à mes<br />

yeux. J'échappe aux regards des mortels. Il se peut tout aussi bien qu'ils<br />

ne puissent m'apercevoir ! Pourtant ma raison, cette intelligence<br />

resplendit de mille facettes ...<br />

Je m'aime. Je touche la chair douce. Elle respire le frais, et ses<br />

goûts âcres même dans les recoins les plus intimes de ma personne me<br />

sont des délices d'odeurs. Je parle de mes excréments, de ces urines<br />

jaunes.<br />

Je me plais. Je forme un tout. Il est vrai que je n'ai pas, jamais<br />

voulu partager mon corps avec une autre, !<br />

Quelle autre ? Une de ces filles au sein câlin, mais à l'âme sèche !<br />

Je ne veux plus me mêler à l'indifférence ou à l'insouciance ! Elle<br />

650


disparaîtrait aussitôt l'ébat amoureux achevé dans d'autres sources de<br />

plaisir. Si je partage, je possède etc.<br />

651


Elle est nue<br />

Elle est nue, et ses cheveux jettent des reflets de fleurs vertes.<br />

Non, des émeraudes dans sa lourde crinière ! Ou des chevaux galopant<br />

vers le rêve. Sa longue tignasse bleue maintenant flotte. Ha ! Les blés<br />

d'or de Botticelli. Ha ! Les traînes de ses vierges ! C'est du soleil ! Du<br />

feu ! Des odeurs d'ange et d'amours. Je dois jouir et atteindre mon<br />

paradis de poète !<br />

652


Indistinctement a dû<br />

Indistinctement a dû<br />

Par le plaisir qui se balance<br />

La bouche anale repue<br />

Engorger de pénis en transe !<br />

Ou choisir le mirliton, le bananier !<br />

Blanc, jaune, noir sans importance !<br />

Passez plaquez la main au panier,<br />

Jolie doudou est en démence !<br />

Très loin des cocotiers heureux,<br />

Le nègre énorme plus me suffit !<br />

Martiniquaise, où est le sorcier furieux ?<br />

Sur l'île là-bas, pas dans mon lit !<br />

653


Mais tu travailles encore<br />

Mais tu travailles encore à me rendre captif !<br />

Ma soumission vaine à la lumière torve<br />

Enduit mes pauvres yeux de ce métal fictif !<br />

Je veux rêver de l'imaginaire qui dort ! ...<br />

Je recherche l'espoir de retrouver la vie,<br />

L'unique, la terrestre, avec l'homme et la chair.<br />

Les ébats impossibles de la muse alanguie<br />

M'éloignent de ce monde par tes subtils éclairs.<br />

Le besoin de renaître m'éveille tout à coup<br />

Sur le sol pur et ferme pour mes pas accomplis !<br />

Hélas je tâte en vain les masses qui m'entourent !<br />

Ô fantômes de guerre qui écoutez mes cris !<br />

Ma faudra-t-il supplier cette mort<br />

De me laisser en paix ? Car je n'existe pas !<br />

Sans un sanglot, sans un répit, sans un remords<br />

Chaque jour davantage, un peu plus on me tue !<br />

654


Losanges<br />

Confession I<br />

Je me sentais meurtri comme l'habitant d'un nouveau monde qui<br />

échappait à des résistances anciennes. Je me fis tout petit face aux chefs,<br />

aux gloires partagées dans le luxe des ténèbres. Les combats étaient<br />

rudes, et je me consolais bêtement avec l'âge de mes tendres naissances.<br />

La fleur se flétrissait au printemps. Je mûrissais avant l'âge,<br />

j'avalais les gorgées amères de mes travaux et de mes poésies. Je me<br />

roulais ivre d'angoisse dans les trésors des conquêtes juvéniles !<br />

Je placardais mon nom sur des fresques naïves : c'étaient des<br />

femmes, des chevaux ou des poèmes. Je ne me souviens plus de rien.<br />

Aujourd'hui, j'implore le silence.<br />

Comme toutes ces phrases sont délicates à saisir ! Comme leur<br />

signification est pudiquement cachée par l'auteur ! Pourquoi se taire ? Qui<br />

est à craindre ? Je doute de l'espoir. Je ne crois qu'en moi. Dieu ne m'est<br />

d'aucun secours. Mon âme seule peut se nourrir de vérités. Je prétends avoir<br />

perdu le courage de croire en un sauveur. Que l'on me laisse en paix ! Je<br />

rétablirai moi-même l'équilibre de cet esprit controversé !<br />

655


Où trouverai-je l'impulsion pour sauter cette haie de ronces ?<br />

Sans élan, sans gloire, je ne puis que glisser le long du ravin invisible, et<br />

laisser dans la chute les marques indélébiles de mon corps.<br />

Ma vertu s'effrite comme les cailloux qui se séparent de la<br />

pente à pic. Jamais je ne me perdrai dans les nuits crétines de la femelle.<br />

L'espoir est ailleurs, il n'est pas dans les lits sinistres aux faibles plaisirs.<br />

Quelle confession détestable ! Je n'observe que l'échec. Quelles<br />

nullités du destin de m'imposer une mort si jeune !<br />

Mon âme est triste en cette nuit absurde : chaleur et frissons<br />

parcourent mon cœur qui bat rouge. Ô cendres dans les solitudes de mes<br />

lamentations ! Je parlerai encore de la faiblesse qui croît en moi. La tige<br />

verte de sève a été assassinée. Bonheur des bestioles qui montent le long<br />

de mon sexe, ou de ma colonne vertébrale.<br />

656


C'est avec un appétit de Divin que j'ai engouffré dans ma panse<br />

les mets les plus subtils. J'ai rendu toutes les organisations médiocres de<br />

l'esprit. Aujourd'hui je les offre au lecteur charitable et bon.<br />

Je ne veux que partir et fuir ce monde grotesque qui se nourrit<br />

d'aliments vulgaires. Ses goûts sont déplorables. J'ai vomi tous les<br />

déchets de mon âme, et certains prendront jouissances à me lire !<br />

657


Faut-il noter ces textes affreux<br />

Faut-il noter ces textes affreux, et les imposer à son corps pour<br />

se libérer ? Dois-je vivre de mon âme, ou faire travailler cette chair qui<br />

ne demande rien ?<br />

Plus bête qu'un Sade peut-être trouverai-je avec ces lignes le<br />

besoin de renaître ? Vivre, c'est survivre. C'est bouffer et procréer. Ces<br />

<strong>pages</strong> sont d'une laideur horrifiante. Je sombre dans le pléonasme pour<br />

démontrer mon dégoût au lecteur. Lui, peut-être y trouvera-t-il<br />

quelconque jouissance ?<br />

Et déjà je me reproche d'avoir osé écrire des lignes qui<br />

tomberont sous le coup de loi. Le tribunal des hommes jamais ne pourra<br />

comprendre que me déstabilisant, je recherche un nouvel équilibre. C'est<br />

dans l'excès et dans le vice que j'obtiendrai une purge de l'esprit.<br />

Que m'importe de choquer mon lecteur ! Je n'écris pas pour son<br />

honnête plaisir, j'écris pour le libérer du mal. Je n'en ai que faire de ses<br />

histoires de bonnes mœurs ! Qu'on me laisse tranquille : ces poèmes<br />

déplaisent, que l'on saute certaines <strong>pages</strong> de mon recueil. Mais je vous<br />

en prie, laissez-moi en paix hommes de mauvaise grâce !<br />

658


Cette poésie qui court<br />

Cette poésie qui court, qui me vampe, me harcèle, et<br />

m'échappe, comme je voudrais la tenir dans mes poings serrés ! Non, ce<br />

n'est pas une femme, c'est un oiseau. C'est un fluide invisible qui glisse<br />

entre mes mains, qui se faufile sur mon corps ou caresse parfois mes<br />

jambes comme une liane. Parfois elle se fait hyène, et me mord jusqu'à<br />

l'agonie, jusqu'à mes dernières ressources.<br />

Ne lui ai-je pas tout donné : ma jeunesse, mes loisirs, ma virilité ?<br />

Que m'a-t-elle rendu en échange ? ... Rien. La muse est une voleuse de feu,<br />

une dévoreuse d'hommes. Elle suce le sang de ses victimes comme certaines<br />

araignées qui vivent en Afrique. Elle agrippe mon dos, mes cheveux et<br />

enfonce son venin foudroyant dans mon âme.<br />

Je suis mort cent fois. J'allais ivre vers la tombe de mes<br />

cauchemars. Mais ce n'était qu'un mauvais rêve, et au petit matin je me<br />

levais comme l'alcoolique après avoir ingurgité des litres de gros vins<br />

mauvais, la tête pleine de sales idées - idées funestes avec le besoin<br />

désespérant de me suicider.<br />

Ho ! J'ai tenté de fuir, de m'échapper de son monde infâme.<br />

Mais comment se libérer d'une maîtresse dont on n'aperçoit que les<br />

659


contours ?<br />

Je la sentais revêtir les plus belles étoffes pour me séduire et sa<br />

bouche qu'effleurait la mienne dégageait une douce haleine comme un<br />

souffle divin.<br />

660


Constituant néanmoins<br />

Constituant néanmoins un rejeton d'œuvre, je me trouve<br />

toujours cerné d'anges grisâtres perdus dans les brouillards de ma<br />

chambre multicolore. Arc-en-ciel de déchéance, j'invente les couleurs<br />

des deuils : du blanc chinois au noir européen. Teintes obscures de gris<br />

dans le dégradé.<br />

Je pousse la ressemblance jusqu'à me coucher dans un lit : sorte<br />

de vieux caveau pour les Dracula sordides assoiffés de sexe et de sang.<br />

Je suis très fort. Après avoir perdu les muscles de mes jambes<br />

dans des pincements et des brûlures exceptionnelles, je cours encore<br />

malade sauvé par Dieu, ou paralytique récupérant le contrôle de ses<br />

cuisses.<br />

Ma démarche est loin d'être assurée quoique je prétende<br />

accomplir des distances de mille lieues. Poursuivons notre chemin. Deux<br />

livres encore, et je reconnaîtrais la ville.<br />

661


Ô les vapeurs saintes<br />

Ô les vapeurs saintes des sous-bois, les glaces liquides des roses<br />

embaumées, et toutes les jeunesses, et nos brouillards qui montent vers<br />

les cieux. Mais que restera-t-il de nos forces sublimes quand nous ne<br />

serons que quatre bras agonisant sur le lit des amours ?<br />

Je me place très nettement sur une chaise éclairée par des anges<br />

maudits sillonnant la chambre des créations superbes.<br />

Quand nos sexes supplieront grâce, qui de nous deux sera le<br />

plus fraîchement démis ?<br />

662


Le don du sexe droit<br />

Mais prends te dis-je ! Prends ce sexe entre tes doigts, et<br />

engouffre-le dans ta gorge profonde. Suce-le avec toute la dextérité et le<br />

savoir-faire de ta langue. Laisse monter le venin lentement sur tes lèvres,<br />

et quand le vit éclatera, quand le liquide envahira ton palais, tu m'offriras<br />

le baiser sublime : nos langues se mêleront et je jouirai une deuxième<br />

fois avec ma substance partagée entre nos bouches !<br />

Mais j'ai besoin de pousser plus loin ce sexe contre les parois de<br />

ton haleine. Mécaniquement je t'impose un va-et-vient superbe. Comme<br />

un coït amoureux, je jouis d'un plaisir inassouvi. Que tes petites dents<br />

blanches comme de la craie mordent mes testicules grouillants de<br />

sperme, plaintifs comme des femmes remplies de sang menstruel !<br />

J'enfonce mes mains tendues dans ta crinière de reine. Bois<br />

mon amour ! Bois te dis-je bois ! Bois ! Bois !<br />

bonheur !<br />

Ho ! Je me perds, je m'enivre à te voir t'abreuver à ma source de<br />

663


Ses seins nus<br />

Elle se promène seins nus ; ses seins sont des oiseaux qui<br />

s'envoleraient vers mon paradis d'enfant. Non, ses mamelles sont des<br />

bourrelets de chair pour la bouche du nourrisson géant que je suis. Ha !<br />

Je tète à ses pointes dures et sanguines. Aucun lait pour abreuver la soif<br />

d'amour qui me brûle la langue. Mais elle se cambre, et offre ses lourdes<br />

tentations à mes yeux, à ma bouche et à mon sexe aussi.<br />

Nue, elle fond<br />

Nue, elle fond. Et sa masse de chair comme chauffée au soleil,<br />

devient mare d'eau claire. Transformations de la femme. D'autres ont<br />

pleuré sur mon corps, et j'ai bu de toutes leurs eaux, de tous leurs sangs.<br />

664


Petite princesse<br />

Sa chair est l'été que je respire à profusion de saveur. De son<br />

vagin coule la source claire des sécrétions amoureuses. Entre ses dents<br />

étincelantes de jeunesse et de bonheur glisse sa salive d'amour, et son<br />

haleine est un bouquet de rouges roses odorantes.<br />

J'aime encore ses aisselles qui marquent sa robe avec ses sueurs<br />

enfantines. "Ô ma petite princesse, tu es le royaume du plaisir délicieux !"<br />

665


Souffrance, supplice<br />

Souffrance, supplice, tyrannies, violence. Le prince arabe<br />

accède aux nominations suprêmes. Je cravache, je torture, je jouis. Mais<br />

je vous adore, mes beautés aux parfums naturels.<br />

666


Le monde bouge<br />

Le monde bouge - je parle de l'âme. L'ancien renaît, et je crains<br />

de ne jouir que d'une répétition enfantine. C'est encore ce Rimbaud que<br />

je m'étais juré de tuer, qui voltige autour de mon âme. Où puiserai-je le<br />

courage de me libérer de ce joug infernal ? Ma cervelle s'active. Tout<br />

recommence ? Le nouveau départ. Je crève de honte. La gloire n'est pas<br />

dans cette chambre. (Cette parodie m'est unique. Jamais personne<br />

n'entendra la moindre expression).<br />

À présent, je retourne à la sorcière - les sacrilèges, les crimes<br />

sataniques, les fleurs des enfants, les brutalités commises sur les<br />

personnes âgées, les reines prises d'assaut dans leur forteresse de rêve,<br />

etc.<br />

J'ai banni mes grammaires, j'ai tué mes syntaxes, j'ai détruit<br />

tous les styles. Il est vrai que je ne sais pas écrire ! Que de contresens,<br />

que d’erreurs ! Je reconnais le dernier des cancres, l'imbécile des poètes,<br />

la tare, le rejet.<br />

667


Les dieux de l'Irréel<br />

Les deux de l'Irréel ont cogné fort à ma porte de papier. Elle<br />

s'est déséquilibrée, membrane transparente plus simple à pénétrer qu'un<br />

hymen de jeune fille.<br />

Je me déchire. Ma silhouette enfantine traverse les murs et fond<br />

sur les corps de mes favorites. (Ha ! Comme ces expressions sont<br />

impossibles à comprendre ! Je ne parle que pour ma cervelle !)<br />

J'ai déclenché des bourrasques, des éclairs, des tempêtes de<br />

diamants, des spleens suivis de lumineuses étincelles. Raz-de-marée,<br />

pôles brûlés par les chaleurs des tropiques, tombeaux de grêles, lunes<br />

accouplées à des terres sexuelles (Je sais, ça n'avait aucun sens. Cela<br />

avait le mérite d'être impossible).<br />

Les pluies de mensonges couvrent de leurs larges traînées le toit<br />

de la monotonie. (Je m'essaie à autre chose). Il faut battre le ciel, le<br />

décharger de tout son pouvoir mystique, le rendre à l'état humain. Nous<br />

devons manifester des envies surnaturelles. Nous nous imposerons à<br />

cracher sur nos besoins ordinaires. Là, est l'unique plaisir de volupté, le<br />

sublime désir du changement.<br />

668


Une sorte de barbare<br />

Une sorte de barbare fiévreux de prières mystiques tua toutes<br />

ses femmes. Elles agonisèrent dans des souffles et des râles désespérés.<br />

Elles enfantèrent des races d'hommes plus puissantes que les titans des<br />

cieux. Le prophète unit dans de vastes tromperies toutes les caravanes<br />

qui sillonnèrent le pays. Et d'autres vierges versèrent leur sang entre les<br />

cuisses de ce saint. Gonflé de mensonges crédibles, il trompa tous ceux<br />

qui le suivirent.<br />

J'avance médiocre paralytique à l'haleine chargée de puanteurs.<br />

On me rejette. Seules les mouches tombent autour de mon corps !<br />

Je m'allonge dans la boue de mes silences. Et que vois-je<br />

accroupies dans l'herbe fraîchement coupée ? Mes putes, mes salopes,<br />

mes vicieuses déféquant et salissant la nature de leurs ordures de reines !<br />

669


A la fenêtre<br />

J'élargis la fenêtre couverte de baies et de lauriers roses. Oh ! Je<br />

sens monter en moi les parfums exquis de l'ivresse.<br />

Je serai peut-être le piéton couvrant ses hectomètres à la lueur<br />

des nuits fumantes, ou le sorcier gardant secrètement ses potions<br />

géniales, enfin un personnage incompris.<br />

Trois sexes pour mourir dans les vagins, les bouches annales et<br />

les palais des reines splendides.<br />

J'ai brossé des estampes sur des paysages de cire. J'ai couru de<br />

laines en laines, et je me réchauffe dans mes peintures fantastiques.<br />

Parviendrai-je à allumer le feu qui brûle mes entrailles d'acier ?<br />

Et mes forces et mes aimantes ? Je vous glace balances d'espoir, justices<br />

sexuelles !<br />

670


L'Empire<br />

L'Empire naît d'une multitude d'incertitudes inconnues encore<br />

de l'homme. Il se tâte, s'observe, mâte ses yeux louches dans une glace,<br />

calque son double. Il ignore qu'il recopie des gestes imposés par Dieu<br />

depuis des siècles. Le royaume du primate est de douter qu'il habite un<br />

palais. Mais le doute est un artifice, la mèche se consume. Un feu<br />

intérieur l'habite. Les braises sont de l'or rougi. Enfin l'alchimiste du<br />

temps va savoir, il est sur le point de découvrir. Je cherche l'aventure<br />

interne s'écrit la sagesse... posément, très drôle le contraste !<br />

Il s'appelle "Sérénité" et s'enfonce avec avidité dans sa<br />

connaissance interne. Quelle soif de savoir pour un sage homme ! Il va<br />

trop loin, ce docteur des tempêtes de la pensée, des flux et des reflux de<br />

l'intelligence ! Il ne condamne pas, il constate. L'urine comme le sperme<br />

ou le sang, il les laisse dégouliner hors de son corps. Mais ce cœur qui<br />

cogne, où est-il ? Les sentiments bêtes du sexe qui chatouille le gland,<br />

d'où proviennent-ils ? La triple question stupide ne l'effleure pas.<br />

Il en a joui durant sa jeunesse. Le qui suis-je, où vais-je, que<br />

fais-je, provoquent en lui des ricanements grotesques. La concentration<br />

est de rigueur. La mathématique l'impose. Le champ d'investigation<br />

découle de raisonnements sérieux.<br />

671


Homme d'intelligence mûre, je semble fantaisiste, drôle ou<br />

comique. Pardonne-moi de crouler sous mes larmes... Je suis poète.<br />

J'interdis à quiconque de franchir les barrières de l'impossible, de l'irréel.<br />

Seuls atteignent le but ceux qui sont marqués de la croix.<br />

672


La très belle<br />

Viens plus près ma très belle car tu sais que je t'aime.<br />

Et je veux sur ton corps apaiser mes baisers<br />

Plus rugueux et plus secs que le tigre cruel<br />

Aux amants fatigués, le vice est toléré !<br />

Alors dans la souffrance de la couche secrète,<br />

Je brûlerai tes seins de morsures enflammées<br />

Pour voir si la succion de mes dents indiscrètes<br />

A ton cœur trop éteint saura le ranimer !<br />

Mes ongles sont des lames étincelantes ! ...<br />

Dans ta chair impie, je saurai les enfoncer.<br />

Tons sang roule sur tes reins, saccades brillantes<br />

Et rouges, mon lion sensuel et indompté !<br />

673


Je me console peu<br />

Je me console peu de ta haine soumise<br />

J'aimerai te voir chatte tigresse ou loup<br />

Ma belle aimée que veux-tu donc que je te dise,<br />

Griffe-moi, arrache mon cœur, suce mon cou.<br />

Non, je ne veux pas que ta douceur m'envenime.<br />

Sois forte comme le vice, brûle-moi d'amour.<br />

Qu'entre tes puissants bras, proie craintive et chétive,<br />

Je te vende mon sexe combattant pour toujours.<br />

La nuit froide où se noie la cruauté des Anges<br />

Me rapproche un instant de ton sein le plus doux<br />

Transforme-toi quelque peu en mégère étrange<br />

Veuille me procurer des plaisirs de voyou.<br />

Sur ta croupe incendiaire cingle-moi les fesses<br />

Tortille le train et que mon sang bout<br />

Dans tes lanières de cuir, je tremblerai maîtresse.<br />

Tu redonneras ardeur à mon sexe mou.<br />

674


Enfonce dans l'anus le pénis en plastic<br />

Gros énorme terrible que je crie mon plaisir<br />

Je déchargerai sur ta culotte rosée<br />

Le sperme amer de mon vrai godemiché<br />

675


Source vaginale<br />

Que tu éclates encore en profondes rumeurs<br />

Contre la chair au lit de celui qui a peur ;<br />

Que tu jases tes mots dans un ruisseau d'extase,<br />

Effrayée par l'intrus introduit dans ta vase ;<br />

Saveur de quiétude en ton passage étroit<br />

Qui propose à mon corps maints feux et diamants,<br />

Sur le sein de ta couche comme élixirs de fête<br />

Quand le sexe tendu avide d'eau s'apprête...<br />

En toi certes je veux toujours m'y maintenir<br />

Et abreuver mon âme à ta source maudite,<br />

Vagabond assoiffé des claires eaux qui reposent.<br />

676


Mais à peine enchaîné<br />

Mais à peine enchaîné à la mort qui s'étire<br />

Je regagne pourtant ton luxueux supplice,<br />

Et je veux m'activer sans haine et sans malice<br />

Dans ton Néant conçu à ce sublime effet.<br />

Les râles des sens ! Oui, je me sais t'appartenir,<br />

Prisonnier sans barreau mais en ta chair superbe.<br />

Je suis supplicié prêt à s'évanouir ! ...<br />

677


Je soutenais encore<br />

Je soutenais encore ma profonde paresse !<br />

Aux bras de tant d'échos, j'offrais une caresse...<br />

Alors évanoui, je calmai ma saveur<br />

Par l'orgueil de l'amour en ma savante sœur !<br />

J'entendais battre en toi le plaisir qui diffuse<br />

Les mouvements du corps en sporadiques effets,<br />

Et ta langue cousait pour ma bouche qui s'use...<br />

678


Fi de ton espace<br />

Fi de ton espace, les placides plaies chutent dans ma bouche.<br />

Silence, sarcasmes furieux : choix, et c'est mon orgueil !<br />

À vous ! À vous, je me donne à vous, gongs incertains !<br />

Saveurs du silence, éternelles retombées de l'esprit impartial !<br />

Je mugis dans cette excellente haleine des rêves qui percent<br />

comme l'abcès ! Je me veux cheval, race spirituelle et vagabonde.<br />

Mais lourde est la teneur des propos. J'ouvre les portes de<br />

l'avenir, par principe. C'est à vous que je m'offre.<br />

Fruit offert à ma souffrance, ou force sanglée dans des excès.<br />

Femmes fidèles, c'est à vous que je me donne.<br />

Ronce amère, ma ronce amère,<br />

Bave écume en cette demeure, race de mes étés pudibonds.<br />

Finissons-en, qu'enfin je gagne les demeures étroites !<br />

croire en Vous !<br />

Sel et larmes de pleurs, palme éventrée par la délivrance sans<br />

679


Je me donne à l'accoutumée, fort de danses.<br />

Résiste schisme ou strates du temps passé. Gonfle comme un<br />

crapaud, agate. Gargarise-toi de tes horreurs.<br />

Fais-toi cheval, (la mort parle). Cheval ensanglanté au gland<br />

superbe. Poète, tu nous trompes et tu ne nous réponds pas.<br />

680


C'est la fatigue des grands appuis<br />

C'est la fatigue des grands appuis et c'est la béquille qui tombe !<br />

Comme la chute est spectaculaire ! Il ne s'en relèvera pas de sitôt !<br />

Boîte, jeune homme ! Cours, machination géniale ! Crève le sol<br />

de ton impunité, force nauséabonde ! Mais il est un champ que tu ne<br />

posséderas pas, c'est celui de la fécondité. O l'extase étroite de celui qui<br />

est seul !<br />

Arrache des lambeaux d'interdiction, vampe la couronne<br />

céleste, enfonce tes yeux impies sous les draps de la satisfaction, tu<br />

n'obtiendras jamais le sacrifice défendu, et la langue séchera encore les<br />

excréments sublimes.<br />

Un matin aéré de toutes ses vapeurs, après une estimation de<br />

courte durée je crèverai la boule puante de ma pensée, et des flots<br />

d'ignorance jailliront sur ma face superbe. Et l'horreur de la charogne<br />

gonflera ma poitrine de passions méchantes.<br />

681


Il ne sera pas fait de chair et de sang<br />

Il ne sera pas fait de chair et de sang, mais il sera conçu par<br />

l'Intelligence et par l'âme de l'Intelligence, c'est-à-dire par Dieu soimême.<br />

Et son corps contiendra la pureté comme des Morts le mettront<br />

à l'épreuve ! Et son sexe ne servira qu'à uriner et son sexe ne sera pas<br />

l'instrument du pécheur ! Et ses testicules ne contiendront pas de sperme<br />

gluant, et le blanc liquide ne s'expulsera pas !<br />

L'homme sera tenté, humilié et il souffrira comme un saint mais<br />

il est écrit qu'il résistera.<br />

682


Intelligence d'or<br />

Intelligence d'or enchaînée à la perception de l'ignorance.<br />

Maudite soit l'âpre bêtise assoiffée de mes dons seigneuriaux ! Qu'après<br />

un déluge d'injures resplendisse le tout-puissant soleil de génie !<br />

Action pensante, fulgurante et stérile, après la tentation de la<br />

belle lettre, je sais me purifier et je t'obtiens par un délire étrange.<br />

683


Le gouffre de mes idées<br />

Voilà que j'ai touché le gouffre de mes idées, et ma tête cogne<br />

le fond ! Il y a des saignées abondantes et mon crâne gît dans les<br />

catacombes ! O la céleste blancheur de mes os, et comme mes dents<br />

rient jaune ! Un vieillard avec une face crispée d'adolescent. On n'a<br />

jamais vu ça !<br />

Le mille-pattes ronge ma cervelle pleine de pus, il fait<br />

commerce de mon intelligence.<br />

Que d'enflures dans ce bagne d'échanges ! Quelle morosité pour<br />

s'accoupler à la honte humaine ! En fait, un grand vent eut pu chasser<br />

toute cette lie associée à mon nom pour l'éternité ! Je suis le souffredouleur<br />

! Ils se régalent de mon Immortalité !<br />

Reine, Garce ou Pucelle, comme j'enfoncerais ce vit énorme<br />

entre tes cuisses tremblantes ! Comme cette sorte d'homme satisferait tes<br />

désirs et tes génuflexions !<br />

Les méandres, les vicissitudes d'une vie relativement perverse<br />

acclament mon délire et m'invitent à la bestialité. L'acte barbare s'épuise<br />

avec des mots.<br />

684


Du morse, des segments arrachés à la Mort, des paroles inutiles,<br />

des explications vaines. Mais à quoi ça sert tout cela ! Je le demande. A<br />

rien. Un cul étroit orienté vers la bêtise, un sexe chatouillé et une panse<br />

bombée, hélas !<br />

685


Baladin<br />

Baladin agrippé à ta route légère, sillonneur des contrées plus<br />

lointaines encore, pourquoi veux-tu partir ?<br />

Et le poète répond : "Je ne suis pas l'escale ou le port, je suis<br />

l'oiseau qui sillonne les immensités ou le vaste coup d'aile au-dessus des<br />

humains, c'est moi qui frappe l'air avec ma force vigoureuse ! Oui, je<br />

bats ou je vole. La danse légère du ciel m'emporte au-delà des saignées<br />

et des viols, et je m'évade comme un prince incompris.<br />

Je pense dans l'azur, homme libre aimé des anges. Personne,<br />

pas un Dieu ne me retient. Comme je sens l'Azur m'appartenir ! Le bruit<br />

des vagues et des mers lointaines, le choc des galets, la langue bleue des<br />

marées, et les focs qui claquent dans les tempêtes !"<br />

686


Ema<br />

Couchée, évasive et nue - la lourdeur de ses membres est<br />

affaissée sur le lit défait.<br />

La Reine se pâme d'écriture et lit mes poèmes anciens avec un<br />

air boudeur.<br />

Les seins pleins de sève exaltante, la jambe ronde et blanche<br />

elle lit.<br />

Des odeurs intimes, des saveurs semblent s'échapper de la<br />

chambre.<br />

Le sexe repu de grâce, le sexe lubrifié encore, elle semble<br />

dormir.<br />

Et son trésor rose et noir baille fatigué de ses amours.<br />

L'œil lourd, elle se délasse : elle critique les phrases ! Et<br />

j'écoute ses conseils amusé et surpris.<br />

Ho ! La femme qui n'a rien compris à mon don, elle m'aime<br />

comme on aime un enfant ! Je souris d'aise à Ema, belle candeur naïve,<br />

moi prince physique qui désira dix fois.<br />

Je m'éloigne de cet amas de chair distendu par l'effort d'une nuit<br />

lugubre !<br />

687


La belle amante<br />

Elle a un sexe blond où l'on aime à baigner son visage après les<br />

heures d'infortune. Sa caresse est facile, l'on veut se reposer entre ses<br />

jambes longues et fines comme un chat langoureux sur les genoux de sa<br />

maîtresse. L'on sourit d'aise quand elle passe sa main dans vos cheveux<br />

rugueux.<br />

Comme elle sait câliner la femme adultère, l'enfant maudit aux<br />

allures d'homme ou de mâle esclave ! Elle lui donne sa poitrine, et son<br />

sein est doux et amer ! Elle le laisse respirer ses odeurs intimes et<br />

profondes ! Ses lourdes rondeurs invitent à déguster l'amour.<br />

Elle cajole, elle dorlote, et parle à voix basse. L'enfant est dans<br />

son rêve et s'endort le sourire aux lèvres comme bercé par une Divinité<br />

ou par la Muse.<br />

688


Cendre d'or<br />

suants !<br />

Quoi ! La belle se meurt encore, roule et se tord dans les draps<br />

Quoi ! Elle gémit et pleure, elle crie sous les coups du buttoir !<br />

Dans les chaleurs voluptueuses, Cendre d'or, réserve d'amour,<br />

chair et chérie, caresse de mon plaisir, prolonge ta chevelure vers mes<br />

yeux hagards !<br />

Je te sens qui t'abandonne sous mes soupirs subtils. Et tes<br />

jambes, et tes bras, tu es là qui reposes d'aise, etc.<br />

689


Magnifique mais qui<br />

Magnifique mais qui sans l'espoir de leur plaire<br />

Je peux signifier que l'exil est présent.<br />

Pour la tiédeur amère de ma faible cervelle,<br />

Le bruit sourd et confus se lève lentement.<br />

Accroché à l'ennui par le Néant superbe,<br />

Le souvenir s'observe oublié de nos sangs.<br />

Radieux mais sans gloire, il n'a pas su leur plaire.<br />

Quand l'heure sonna de fuir inexorablement.<br />

Hélas, je me souviens que je ne savais faire<br />

Par ce poème absurde un pastiche évident.<br />

Mais ma force est si belle que le génie déterre<br />

Les fruits mûrs et pensés du Nouveau Testament.<br />

Dans la tombe s'exhale nulle odeur de péché,<br />

Nulle chair putride qui encore se décompose.<br />

Je voudrais bien séduire sous cette terre fraîche<br />

De pelles encombrées l'éclat pur qui se glose.<br />

690


Avec l'or et l'encens<br />

Avec l'or et l'encens au vagin ébahi,<br />

Terre de mes idées, moi j'incline une tête.<br />

Quand vicieusement, le bon plaisir s'apprête<br />

A lécher mollement le creux veiné du dos.<br />

De la source nouvelle jaillira un exploit<br />

Figuré, il est vrai, d'un mouvement de tête,<br />

Car sous les draps les râles et les soupirs du corps<br />

Expriment, je le crois, le triomphe des bêtes.<br />

En l'absence du rêve, je mugis fortement<br />

Pour les noires poussées du seul espoir d'aimer<br />

Pareille à la momie qui frotte son squelette.<br />

Encore que chagrinée, se métamorphose<br />

En lynx, écueil de chair, ou tempête, se glose<br />

Pour crier et mugir ou mourir vainement.<br />

691


Ceci est ma seule fin<br />

Ceci est ma seule fin, je sais m'appartenir !<br />

Rien, le passé sans gloire va de fleurs me couvrir.<br />

Il me reste une femme posant sur le tombeau<br />

Des bouquets en mémoire d'un néant de sanglots.<br />

Je vois que des pays plus beaux roulent des fleuves<br />

Ignorés, libres encor comme un nom sans murmure.<br />

Patiemment, je jette sans exil pour des mots<br />

Le poète impuissant qui jurait sa morsure,<br />

En sorte qu'éternel à ma vraie mort j'échoue<br />

Aux frontières du désert effleurées de soupirs<br />

Ou bien que je me pende cravaté aux falots...<br />

692


Alangui dans ma fange<br />

Alangui dans ma fange, sublime aux élixirs,<br />

Je parfume le corps des superbes déesses.<br />

Avec trois cris d'aveux de mort et de souffrance,<br />

J'élève l'insoumis hors de l'insouciance...<br />

Pardonnez ces fruits secs sans jus, sans jouissance,<br />

Je fais ce que je peux, le poète est petit.<br />

Critiquez, critiquez, il vous croit c'est sa chance<br />

Il se trompe parfois, sa vie n'a pas de prix.<br />

Vous êtes lassé de ce monde que je propose,<br />

Vaine inspiration et attaques superbes.<br />

Oui, je suis fatigué, cela est peu de chose.<br />

T'as qu'à écrire mieux, poète de misère !<br />

Et c'est ma faute, hélas ! Mon Dieu m'a oublié<br />

Mon divin, aidez-moi, je ne suis qu'un poète<br />

Mes ardeurs sont en cire, mon sexe est replié.<br />

693


Louanges du feu<br />

Rêve<br />

Ici je me trouve néanmoins dans ce salon 77 avec le bruit diffus<br />

de la mer. Sur la banquette il y a Brigitte belle comme dans un film, et<br />

moi tout près d'elle désireux de la prendre. Alentours enfoncés dans des<br />

fauteuils des êtres inconnus dont je ne me soucie guère. Ils m'interdisent<br />

par leur présence le coït ou l'assaut amoureux.<br />

- Vous êtes un mythe. Elle, pudique : n'exagérons rien.<br />

Ma mère sorte de théâtreuse médiocre semble la connaître.<br />

(Elle appartient aussi au décor). Ses yeux bleus, sa chevelure blonde<br />

encore la quarantaine.<br />

Plus loin dans un flash d'images renversées, je l'ai vue au temps<br />

où Dieu la créa, fine et svelte. Toute nue, debout près d'un lit.<br />

Peut-être ne la prendrai-je qu'en rêve ? Qu'en succession de<br />

pollutions nocturnes ?<br />

Garder l'espoir réel de la rouler une nuit dans ma couche de<br />

poète. Ce jeune corps de vingt ans n'a-t-il pas frotté la peau fatiguée<br />

694


d'une amante de cinquante ?<br />

695


Ce cher corps<br />

Ce cher corps formé de lente robe invisible se mouvant par l'œil<br />

amoureux...<br />

Est-il tendre ce sein bombé lorsqu'il flotte d'un air trompeur<br />

dans mes nuits rêveuses ? ...<br />

Câline, je voudrais pour apaiser ma bouche la salive mielleuse<br />

de vos lèvres enflammées...<br />

Ô ces bords voluptueux de chair que je caresse, plis de<br />

douceurs lourdes au sacrement du plaisir. L'aveugle cérémonie d'amant<br />

touche la chair et reçoit en retour l'extinction du désir.<br />

696


Les formes<br />

Les formes que proposent ta bouche... dans un éclat de chair<br />

alanguie... étalée sur le marbre froid.<br />

Palme ! Caresse !<br />

Palme ! Caresse ! Ta main est posée sur mon front de cendres<br />

chaudes. Baigne-la dans les frissons de ta paume claire.<br />

697


Cloué<br />

Cloué avec des flèches invisibles<br />

Enfoncées par les Anges du Mal<br />

Écroué dans une prison d'ombres<br />

Murs de vapeurs spirituelles,<br />

Plus durs que du béton armé.<br />

Les pieds dans des seaux de glace<br />

Les jambes griffées jusques au sang<br />

La cervelle bourdonnante<br />

Ho ! Les oreilles sont mortes !<br />

Je suis nécessairement<br />

Le pète persécuté<br />

Un mystique à l'état brut<br />

Battu par un groupe de fantômes.<br />

Saint Jérôme,<br />

Avoue qu'on se ressemble !<br />

J'en prends moi aussi des raclées<br />

Pourtant je poursuis ma tâche !<br />

698


Viande. Rien !<br />

Viande. Rien ! Sexe. Pour. Gamelles de déformations<br />

vaginales. Et zut si nos bites sont gonflées !<br />

Spliz ! Splooz ! Suffocations comme les ébats de la noche nous<br />

réveillent encore !<br />

Abominablement salope. Et qu'est-ce ? Nos cœurs s'entrouvrent<br />

noirs, violets, parfois secs de pleurs.<br />

De tout genre, de toute époque, en tout lieu. Pour quels exploits ?<br />

699


Phrases<br />

À la dernière crise, il vibre.<br />

Le platane enrubanné d'orties.<br />

Faces de soies, têtes de fantômes accrochées dans le vide de<br />

mon château insolite.<br />

caveau à soupirs.<br />

Les percutions étranges résonnent indistinctement dans mon<br />

Comme une mandore, le ventre plein de la femme à aimer.<br />

Les échappées d'air pur, les fluides là-haut glissent, s'étalent<br />

comme la membrane réfléchit quelques diapasons de couleurs.<br />

700


Jeunesse contre âge mûr<br />

Toi qui te flattes de ne pas subir la loi des jours, comment osestu<br />

me précipiter dans l'action pour accélérer le temps et la vitesse ?<br />

Souvent jeunesse plus reposée qu’âge mûr.<br />

invisible.<br />

L'enfance de marbre se rit d'un semblant d'immortalité<br />

701


Les tignasses blondes<br />

Les tignasses blondes dévoreuses de liberté battent de leurs<br />

lianes belles l'espace réduit tandis que je me frotte sur le même trottoir.<br />

Les narines aspirent les parfums se dégageant.<br />

Moi, infiniment petit porté par la grandeur de mon évènement.<br />

bauge d'or.<br />

Nuptiales, nudités exquises, petites chairs roses nouées par la<br />

des égouts etc.<br />

Pluies classiques avec ruissellements, boues rouges, vomissures<br />

702


Une ombre d'ombre<br />

Une ombre d'ombre tentait de me soutenir, débordait mon<br />

désobéir et je sombrais dans le naufrage de mon âme.<br />

Vainement accaparé par mon deuil d'œillets blancs, je rêve<br />

encore à vous peaux sans saignements, roses bouches d'enfances presque<br />

défuntes.<br />

Baigné dans des tempêtes inertes, mon corps se noie.<br />

Qui comprendra ma fin ?<br />

Il était l'heure, l'heure de mourir. Il ne savait plus très bien.<br />

Ma boisson est plus sûre qu'un écoulement de femme. Pluie<br />

d'or, ou vin rouge.<br />

703


Élévations<br />

Grégoriens<br />

Allégoriques<br />

Enchantés<br />

ANGES<br />

Élevés<br />

Envolés<br />

Évaporés<br />

Air clair bleu<br />

Clairière<br />

Enchaînés<br />

Amputés<br />

POETES<br />

Frustrés<br />

Asexués<br />

Correction démentielle<br />

Dantesque<br />

Dentelles blancs comptés BERGERES<br />

Virginité<br />

704


Innocence azur<br />

Douceur aimée<br />

légèreté<br />

très pure.<br />

705


Pure essence<br />

Je chanterai l'essence de mes poèmes.<br />

Fille au nombre d'or,<br />

Algèbre que j'adore.<br />

Mathématique vaine des règles usées<br />

Que je ne compte ici les mois sués.<br />

Dans le cylindre étroit de ta couche célèbre<br />

D'allées et venues d'arithmétique et d'algèbre.<br />

706


Mais à peine avancées<br />

Mais à peine avancées sur l'exil le plus pur<br />

Mes ondes singulières rêvent de loi parjure.<br />

Cette lame plantée en fantasme et fureur<br />

Traverse un sein obscur de ta race sans coeur.<br />

D'autres intimités sur le lit, paresseuse,<br />

Dévoilent les formes de ta jambe moelleuse<br />

Et l'haleine blanchie éclatante sous tes dents<br />

Charme ton amoureux par ce bel ornement.<br />

707


Souffles, songes, ô désirs<br />

Souffles, songes, ô désirs, ô râles tourmentés<br />

Bête qui fais de ton corps l'objet envoûté<br />

Qu'une nuit enfin bercée de tendres caresses<br />

Tu offres l'appât calmé, belle tigresse.<br />

Que tes mains parcourues d'un amour électrique<br />

Vibrent sur les soupirs de l'amant platonique<br />

Toi nue et fatiguée de tes chaleurs obscures.<br />

708


Hélène<br />

Azur ! C'est moi ... Je viens des grottes de l'Enfer,<br />

Et j'entends l'onde fracasser les rochers sonores,<br />

Je revois les vaisseaux dans les blanches aurores<br />

Renaître sous les ombres d'un bel univers.<br />

Mes précieuses mains tendues vers les monarques<br />

Suppliaient d'attendre fébriles leur noble venue.<br />

Je priais ; mais jamais les navires ne débarquent,<br />

Sur les rives de Troie, jamais galère n'est vue.<br />

Moi je sais en maints rêves la militaire ardeur<br />

Surgir des gouffres obscurs de mon néant de reine<br />

Et venger mon destin de l'insigne vainqueur.<br />

Mais les Dieux satisfaits de ma souffrance vaine<br />

Au sourire exalté condamnent mes supplices.<br />

Hélène se meurt d'ennui, de pleurs et d'injustices...<br />

709


Étude sinistre ou vile<br />

Étude sinistre ou vile de ton maître en délire,<br />

Ne sais-tu pas, folie, quelles heures d'élévation<br />

Attendent patiemment l'ange ailé de soupirs<br />

Dans les méandres infimes de ton obstination ?<br />

Je sais l'homme têtu parfois m'appartenir<br />

Gâchant tout son génie pour un vœu humiliant,<br />

La conquête de soi pour enfin en finir<br />

Et gagner le combat au destin éreintant.<br />

Moi je perds des années à jouer de la lyre.<br />

Le poème est médiocre, achevons la bêtise !<br />

Parfois je pleure de honte, parfois je fais sourire,<br />

Mais je poursuis l'écrit que la pensée attise !<br />

710


Les splendeurs nées<br />

Toutes les splendeurs nées d'un triomphe futur<br />

Enorgueillies à la flamme de ses victoires<br />

Brillant dans le berceau de l'absolu génie<br />

Élevé dans l'antre de parents dérisoires.<br />

Quelles tentations pour une âme si pure<br />

Vaincront les noirs délires des incessants mirages<br />

Quand les titans étincelants dans leurs armures<br />

Allaient tuer sous l'arme blanche le cœur sans rage ?<br />

Ma gorge a libéré des sanglots de bravoure<br />

L'âme s'est dévouée pour l'exil le plus beau.<br />

Sur l'Ile sans passion j'offre les vomissures<br />

Roulant fleuve intrépide sur mes lamentations.<br />

711


Tes mains brûlantes d'amour<br />

Tes mains brûlantes d'amour<br />

Bercées par une palme,<br />

Rien ne vaut le souffle calme<br />

Du désir qui court,<br />

Et réchauffe nos âmes<br />

D'un rayon de soleil vermeil<br />

Et lèche le ventre bruni de la femme<br />

Ou pince gentiment son orteil.<br />

Allongés nos deux corps sur le sable<br />

Gagnons des rivages meilleurs<br />

À bouches confondues, adorable sœur.<br />

J'apaise ma soif sur la langue rosée<br />

Qui reçoit et lèche le baiser,<br />

Lèvres rouges de confusion désirables.<br />

712


La complainte folle<br />

Je ne suis pas celui qui honteux aime à jouir<br />

Des bas plaisirs malsains enfermés dans ta chambre<br />

Ma souffrance est sereine, Divine, je veux te dire<br />

Que l'instant de faiblesse est très beau, est très tendre.<br />

Hagard dans cette nuit, j'espère encore me rendre<br />

Et puiser l'eau hélas ! sans saveur et sans vie<br />

Viens donc tout près de moi, je suis doux j'ai envie<br />

Parfois la mort me prend des baisers sans m'entendre.<br />

Je ne veux pas souffrir O bichon sans royaume<br />

J'ai bercé des millions de jeunesses stupides<br />

Encore un cri, Seigneur, le démon me sourit<br />

Je le sais malgré moi là dans mon sein qui rôde.<br />

J'ai couvert de baisers tes plaies silencieuses<br />

Des parfums de saveur s'envolaient sans te prendre<br />

Si mon cœur est brûlé partageons bois et cendres<br />

Mes femmes étaient trop belles, je les voulais pleureuses.<br />

713


J'ai craché sur ma croix des vomissures immondes<br />

Et mes éclaboussures ont aspergé le temps<br />

Les esprits ont dansé sur des refrains des rondes<br />

Je suis mort étourdi écorché et sanglant.<br />

Les gras voleurs de sperme m'attiraient dans leur tour<br />

J'ai couru comme un lâche l'oeil hagard par les nuits<br />

O piéton suis-je sûr d'aimer encore l'amour<br />

Des déesses sillonnent mon âme sans un bruit.<br />

Fuyant le rôle idiot imposé par la Tombe<br />

Je suis mort épuisé sans ressources et sans cris<br />

Le torse plein de bières, je le montre, je le bombe<br />

Et je geins de douleurs, la souffrance est sans prix.<br />

Malgré moi, je supplie le secours de mes anges<br />

Le clochard rote encore les relents de ses bières<br />

Je suis seul, je le sais et parfois je dérange<br />

Les horizons nouveaux et les jolies bergères.<br />

Lié à une corde je voudrais m'étrangler<br />

Et lentement mourir obèse et sans rancœur<br />

Que ne suis-je après tout qu'une femme réglée<br />

Mouillant un peu de sang sans honte et sans douleurs.<br />

714


Je m'excite pourtant à joindre tous ces mots<br />

Le jeu abrutissant m'éloigne des lumières<br />

Je ris comme un gamin avec des rires idiots<br />

Je prétends aux plaisirs de l'enfance adultère.<br />

Pardonnez, bonnes gens, pourtant je me veux grave<br />

Je déteste le sucre et les bonbons fourrés<br />

Le diamant me plaît, mes putasses de <strong>pages</strong><br />

Crachent le jet puant à l'éditeur loué.<br />

J'ai honte, j'ai honte encore que puis-je, bonnes gens<br />

Reconnaissez l'infâme, sa crétine de vie<br />

L'inspiration est moche, cet homme est emmerdant<br />

J'achèterai chez l'autre car il pisse comme il rit.<br />

Jetons à la poubelle ces masses d'amertume<br />

Le poète est petit attendons qu'il grandisse<br />

Il cache tous ses mots dans des brouillards de brume<br />

Je le lirai demain, aujourd'hui je m'en fiche.<br />

715


Les Interdits<br />

Anatoles<br />

Le Londres de mon âme<br />

À la pâleur triste et mélancolique<br />

J’entends le chant mélodieux du cygne<br />

Qui pousse ses litanies exquises<br />

Qui glisse sur les vagues de la Tamise<br />

Un vieux Londres tout encombré de gris<br />

De traînées blanches de brouillards endormis<br />

M’enveloppe de larmes et de pleurs alanguis<br />

Tandis que je traverse le pont de Brodwy<br />

Je déambule dans ce cafard aux lumières noires<br />

Éveillé par les vagues néons de la nuit<br />

J’allume une cigarette et la fumée s’enfuit<br />

Dans l’épais brouillard traversé un soir.<br />

716


Je me suis perdu dans ce vieux Londres de Bakanal<br />

Et je poursuis une silhouette qui geint et qui râle<br />

C’est un moi-même qui dans la brume pousse un cri<br />

Le cri de désespoir de l’homme seul sans ami.<br />

717


Le triangle du plaisir<br />

Un triangle noir très érotique<br />

Où je me perds confusément<br />

Dans la folie d’amours rythmiques<br />

Je sombre heureux profondément.<br />

Des vagues de plaisirs enchanteresses<br />

Me déboussolent, je n’y peux rien<br />

Dans le bonheur de mes détresses<br />

Je ne parviens à faire le point.<br />

Comme un bateau en perdition<br />

Je flanche à bâbord à tribord<br />

Dans les roulis des contorsions<br />

Je me jette vers toi encore.<br />

Et je m’enfonce dans les bonheurs<br />

Des îles blanches de ma nuit<br />

En toi mon amour je m’enfuis<br />

Poussant mon vit jusqu’à ton cœur.<br />

718


Dans mes rêves d’insomniaque<br />

Je bois la tasse goulûment<br />

De tes sécrétions aphrodisiaques<br />

Et je m’enivre sexuellement.<br />

719


Mourir seul<br />

Je ne veux pas ce soir prendre ton corps, enfant<br />

L’étreindre de plaisir jusqu’aux lueurs du jour<br />

Caresser ce corps blanc pour qu’il se meurt d’amour<br />

Je désire pour ce soir m’endormir lentement<br />

D’un sommeil lourd<br />

Sans femmes et sans fantasmes<br />

Bourré d’alcool et de médicaments<br />

Pour oublier le temps qui court<br />

Qui court toujours<br />

J’accrochais mes rêves à la fenêtre ouverte<br />

Pour les voir s’envoler au premier vent d’été<br />

Comme des poèmes d’amour que l’on voulait cachés<br />

Et que des yeux de femmes hélas ont découvert.<br />

Je ne veux pas ce soit toucher ton corps brûlant<br />

Le calmer de baisers jusqu’aux lumières du jour<br />

Le bercer de passions pour qu’il se meure d’amour<br />

Je désire pour ce soir m’endormir lentement<br />

D’un sommeil lourd<br />

720


Sans femmes et sans fantasmes<br />

Bourré d’alcool et de médicaments<br />

Pour oublier le temps qui court<br />

Qui court toujours.<br />

Et j’espère regagner les pays les plus beaux<br />

Exilé solitaire, drapé dans un linceul<br />

Au paradis de l’âme, je n’aspire qu’au repos<br />

Mais bon dieu cette femme me laissera-t-elle seul ?<br />

D’un sommeil lourd<br />

Sans femmes et sans fantasmes<br />

Bourré d’alcool et de médicaments<br />

Pour oublier le temps qui court<br />

Qui court toujours.<br />

721


Des secrets oubliés<br />

Des secrets oubliés<br />

Dans ma mémoire profondément cachés<br />

Des souvenirs enfouis<br />

Dans le néant de mon histoire.<br />

Et des filles s’en viennent<br />

Et des filles s’en vont.<br />

Comment dérouler le fil de mes printemps<br />

De mes amours faciles<br />

De mes amours dociles ?<br />

J’ai tout perdu<br />

Les restes de ma vie<br />

Débris d’images de film<br />

Que je ne déroulais plus.<br />

Les souvenirs s’entassent<br />

Sur d’autres souvenirs<br />

Je n’ai pas vu ma vie<br />

Me manger mon avenir.<br />

722


Le temps comme des vagues immenses<br />

Me chavire et je me balance<br />

Comme un navire fantôme<br />

Flottant de pôle en pôle.<br />

J’ai sillonné toutes les mers<br />

A la recherche de ta conquête<br />

J’avançais dans des brouillards étranges<br />

Enveloppé de brumes blanches.<br />

723


La danse du revenant<br />

Dans la maison hantée<br />

Pleine de poussière<br />

Et de toiles d’araignées<br />

Un vieux revenant<br />

Traîne ses chaînes d’argent<br />

Pour effrayer les vivants.<br />

Il arpente la salle à manger<br />

La cuisine, la cheminée<br />

Et nous pauvres immortels<br />

Craignons d’être ensorcelés.<br />

C’est pas maman qui pique<br />

C’est pas papa qui coud<br />

Mais un fantôme fabrique<br />

Des tissus de cauchemar<br />

Quand sonne minuit<br />

À l’horloge du soir.<br />

724


Il gigote, il crie, il geint<br />

Dans une polka<br />

Pour effrayer<br />

Jusqu’au petit matin.<br />

Ses os se cognent avec vigueur<br />

Pour faire trembler nos pauvres cœurs<br />

Son corps se déchiquette<br />

En petits tas sur la moquette.<br />

On quitte la chambrée<br />

On fuit la nuit l’été<br />

Le sinistre revenant<br />

Nous poursuit en ricanant.<br />

Le triste revenant<br />

Avait une fiancée<br />

Qui l’a quitté<br />

Qu’il cherche depuis mille ans.<br />

Dans cette chambrée hantée<br />

Elle a consumé le mariage<br />

Avec un moribond<br />

Un mari de passage.<br />

725


Et d’autres sont passés<br />

Sur son impossible fiancée<br />

Mais jamais le revenant<br />

N’a pu être son amant.<br />

Fou d’amour épris<br />

Il se venge la nuit<br />

Et hurle à l’agonie<br />

Dans sa chambre de maudit.<br />

Il faut pas faire l’amour<br />

Devant le revenant<br />

Il se rappelle toujours<br />

Sa fiancée d’antan.<br />

Et c’est pourquoi il hante<br />

La chambre, la cheminée<br />

Et nous pauvres mortels<br />

Craignons d’être effrayés.<br />

Jeunes amours très belles<br />

Toute pures comme le ciel<br />

Évitez ce passage<br />

726


Même si vous n’êtes pas sages.<br />

À l’orée du bois<br />

Unissez-vous pourtant<br />

Il y aura des émois<br />

Et par le revenant.<br />

727


La mangeuse de décibels<br />

Rythme ton cœur<br />

À la lumière atroce<br />

Des projecteurs.<br />

Qu’il balance nerveusement<br />

Dans tes contorsions<br />

Presque éclatant.<br />

Et tu danses fille<br />

À faire crever ton corps<br />

Dans un terrible effort<br />

Ton ombre défile.<br />

Qu’il se cambre sexuellement,<br />

Comme un orgasme qui démange<br />

Tes cuisses chaudes de garce enfant.<br />

Jouis dans les pieds des musiques<br />

Des sons dysharmoniques<br />

Écoute, ne fais pas semblant.<br />

728


Prends ton envie d’aimer<br />

Aux rythmes secs et saccadés<br />

Bon Dieu veux-tu exister ?<br />

Veux-tu exister réellement ?<br />

Veux-tu jouir réellement ?<br />

Écoute ma musique<br />

Qui t’entraîne dans le paradis<br />

Dysharmonique.<br />

Dans la solitude du plaisir<br />

Tu t’éloignes du monde méchant<br />

Possédée comme satanique<br />

Mais jouissant d’un amour lubrique.<br />

Tu es seule à présent<br />

Dans le bain du monde ambiant<br />

Tu t’es noyée dans ma musique<br />

Tu t’en retournes au temps présent.<br />

729


New York en hiver<br />

Je lis dans la presse<br />

Les derniers résultats du jogging<br />

Accoudé au comptoir<br />

Mon café-crème est un ice-cream.<br />

Tout est froid en hiver<br />

Achète-moi un blazer.<br />

La p’tite qui mate en face<br />

Est plus jolie que Marilyn.<br />

C’est qu’elle m’a réchauffé le cœur<br />

Pendant je tremp’ mon croissant beurre.<br />

Elle m’fait planer<br />

C’est vrai qu’ell’ fait rêver.<br />

Que dirais-tu jolie poupée<br />

D’une nuit d’amour en plein été<br />

Sous le soleil des tropiques<br />

Avoue ça s’rait pas triste ?<br />

Ca s’rait pas triste,<br />

730


Avoue ça s’rait pas triste ?<br />

731


Roulis de sperme<br />

Roulis de sperme entre ses cuisses possessives<br />

Perversion du mal des femmes en chaleur,<br />

La flamme de l’ardeur s’est éteint dans ton cœur,<br />

Tu meurs de jouissance, o ma sublime ingrate !<br />

Fesses, rebondissez en gloussements stériles !<br />

Écartez les soupirs timides et languissants !<br />

Jetez vos formes dans les souffrances fébriles !<br />

Unissez le vice à vos charnels mouvements !<br />

Le vit se travaille avec application,<br />

Adorez-le, agenouillez-vous, ô mes très belles !<br />

Et quand bien assombries par la pâleur clémente<br />

S’échapperont de vos bouches des rumeurs félines,<br />

Humiliées, honteuses cachant votre pudeur<br />

Dans le drap bleu et rose, vous pleurerez de gène<br />

Ô beautés aux fesses écrasées, frappées,<br />

Laissant échapper le venin du sperme refroidi !<br />

732


Gémissement<br />

Il entra dans ma chambre par les lueurs nocturnes,<br />

La tapisserie se déroulait sous mes yeux bleus.<br />

Et c’était Michel Ange uni au Père Heureux.<br />

Un Léonard brûlait la mèche, j’étais taciturne.<br />

Je pensais encore aux épreuves, aux secousses,<br />

Agitations malignes, sataniques ou bestiales.<br />

Mon coeur est un tombeau où les femmes se couchent,<br />

Je n’ai point vu d’éclipse ni de nuits boréales.<br />

Mon amour s’est enfui pendant des décennies.<br />

Voilà déjà mille ans que j’espère ton âme.<br />

Ne sais-tu femme indigne quel jeu, ou quel drame,<br />

Je joue personnage burlesque vaincu des infamies ?<br />

Je t’aime, je te veux et te désire,<br />

Hélas mollement car mon sexe se lasse.<br />

De demain en demain en demain, ce plaisir<br />

Le connaîtrai-je enfin, toi dont le corps me fâche ?<br />

733


Ombres bleues<br />

Inspiration<br />

Mémoire rectifiée ; ondes vibratoires d'un état oublié ;<br />

souvenirs diffus de la pensée abstraite ; mouvement transmis.<br />

de la masse.<br />

Brassage, chaos, éruption ; idées soulevées, projetées au-dessus<br />

Échecs, espoirs, fusions, analogies.<br />

Voilà que je crée ! Voilà que je pense ! Grondements intérieurs,<br />

soufre, dégagements impurs ; à moi de chasser, d'accoupler - je voudrais<br />

tuer ce jeu crétin - je poursuis pourtant la métamorphose des mots.<br />

734


Les sublimations oniriques<br />

Les sublimations oniriques créent des délires optiques, fixent<br />

des mouvements ondulatoires.<br />

Âme, tu voltiges, cervelle, tu valses !<br />

La raison glisse, tourne, m'emporte !<br />

Fi de la conscience du cœur, retournant à l'état barbare, je<br />

propose les vices des sens et la jouissance spirituelle.<br />

royaume charnel.<br />

Je tue leur Dieu inconnu, - il n'existe pas. J'invente mon<br />

Après l'exploit sur quelques créatures soumises, moi Prince ou<br />

Démon je m'enchaîne à la vision de tous les sexes, de tous leurs<br />

excréments.<br />

Je me lave dans l'impur avec l'application impossible du corps.<br />

Mémoire tu me trompes, et je me soumets au réel de la vérité.<br />

Pour avoir acquis l'impalpable, je m'élève vers le réel, je<br />

735


m'éveille, hélas !<br />

736


Son génie étant inaccessible<br />

Son génie étant inaccessible à mon petit caractère, je me trouvai<br />

néanmoins en crétin mystique s'essayant à des génuflexions sur les<br />

carreaux de sa Maison et saignant des genoux sur les dalles de son<br />

église.<br />

Je fus, aux bords des confessions chuchotant ses vices<br />

pardonnés et ses chefs-d’œuvre lubriques, un maigre poète aux<br />

battements rougeâtres, et au sexe tendu vers des filles, les yeux au porno<br />

et à l'argent démuni.<br />

Tout se fit sombre et delirium absurde. Au lupanar, taureau<br />

sanglant, et brandissant ses..., je me tendis jusqu'à ce que les lapines de<br />

ma banlieue vinrent se jeter sur mon futal.<br />

737


J'oublie les quelques mots<br />

J'oublie les quelques mots<br />

qu'il me faudra écrire,<br />

Les mots quelconques que mon<br />

absurde me suggère.<br />

J'écoute la voix indistincte, je l'écoute.<br />

Je plonge dans l'immense néant<br />

de ma cervelle, entaille profonde vierge ou rouge.<br />

Il n'y a rien. J'ai dit : Rien !<br />

Roulez flots d'insomnies, grondez cascades hurlantes !<br />

Entraînez sur vos rives les sexes, les femmes et les morts !<br />

738


Abolir l'esprit<br />

Abolir l'esprit stérile, décapiter l'âme pensante.<br />

Il croit en soi, il se sait<br />

Il crée le Nul, il Est donc Rien.<br />

D'ailleurs il s'est tu,<br />

Le silence est sa raison parfaite.<br />

VIDE<br />

BLANC<br />

État de pureté cosmique.<br />

Dieu, sauvage, ou Robinson ?<br />

Rien dans le Néant.<br />

Le Néant, c'est déjà quelque chose !<br />

Il ne faut pas que le Néant existe.<br />

Zéro.<br />

739


Les longues formes<br />

Les longues formes oblongues voilées de lumières floues<br />

ondulent dans la pénombre de la chambre.<br />

La femme se pâme et caresse ses larges tresses aux reflets roux<br />

puis se propose et dispose de son amant jaloux.<br />

Offrant un corps nu à la croupe sinueuse, la belle s'étire<br />

sensuelle et trompeuse.<br />

Sa bouche rose et noire aux lèvres retroussées se donne pour un<br />

soir à un amant blasé.<br />

Les chairs s'appellent et s'emportent et la femme presque morte<br />

s'épuise à genoux.<br />

740


Je t'apprendrai<br />

Je t'apprendrai l'extase des sens, la sublimation d'un corps<br />

presque nu. Puis la pureté de l'esprit, vierge de tous les vices et de toutes<br />

les passions. Tu nettoieras tes souillures dans la poésie élevée. Je<br />

t'enseignerai peut-être le talent...<br />

Veux-tu l'excitation blanche de la vierge pénétrée ? La candeur<br />

moite des sexes qui se frôlent ? Je t'offre l'impossible et la perte de<br />

l'insouciance.<br />

J'ai osé comparer par le délire des images la toile de l'araignée<br />

si fine mais si gluante à l'hymen savoureux de la pucelle d'un rêve.<br />

741


Ombre bleue<br />

Ombre bleue, sombre, diaprée de douceurs très légères, il y a la<br />

source là-bas, modulée de senteurs exquises.<br />

Ombres soyeuses<br />

Ombres soyeuses, pleurez dans vos nuées presque bleues.<br />

Des vibrations<br />

Des vibrations cosmiques se cristallisent dans l'air impur. Et toi,<br />

tu t'attendris langoureuse en extase au rythme régulier d'un amour qui te<br />

prend. Sais-tu que ma conscience vole, que mon corps s'extirpe hors de<br />

toi, ma très douce et ma très tendre substance humaine ?<br />

742


Courses de salives<br />

Courses de salives. Cours d'eau<br />

Des baisers amoureux, aimés,<br />

Langoureux.<br />

Salives des langues parfumées.<br />

Tourbillons ronds des pointes<br />

Tendues, aiguisées, collées<br />

Pour une durée courte d'éternité.<br />

Silences des yeux aimantés,<br />

Fermés, envoûtés.<br />

Ombre. Ombre des sens derrière<br />

L'arbre. Paix, sécurité,<br />

Qui a soif d'amour exalté<br />

Derrière l'arbre.<br />

Il y a l'ombre puis le clocher<br />

Qui circule en rond<br />

Avec son coq rivé<br />

Grinçant.<br />

Il y a nous contre l'arbre<br />

743


Roulés, noués, embrassés<br />

Dans l'été dans l'herbe des prés.<br />

Amours, amours pour s'éterniser.<br />

744


Chute du pauvre<br />

Chute du pauvre crispé dans son orage. Serpentins, filigranes et<br />

souffrances aux soleils noirs par un affreux printemps d'automne. Ici,<br />

c'est la mort. Et point de cailloux à rouler !<br />

Enfin je demeure crétin et amoindri. O les rayons blêmes, par<br />

ici, par en dessous.<br />

Mais moi Seigneur, il est que mon esprit vole !<br />

Petites inutilités de sang versé rougissant la terre verte - mais la<br />

place est prise avec mille douleurs !<br />

745


Ce qui frappait<br />

Ce qui frappait, ce qui choquait c'était cette impossibilité à<br />

donner au Hasard une valeur réelle, déterminée.<br />

Je me concède le droit au luxe et à la beauté.<br />

C'étaient une insinuation, un non-sens.<br />

Les fluides cosmiques traversent en paraboles étoilées les<br />

voûtes et les constellations du Christ - écrivais-je. Je pensais à l'Action<br />

Divine. Il n'agit qu'en décharges émotionnelles. Imaginons la Force<br />

rééquilibrer son monde avec des flux psychiques.<br />

746


Poïétique<br />

Plusieurs fois vint un Camarade, le même, cet autre, me confier le<br />

besoin d'agir : que visait-il - comme la démarche à mon endroit<br />

annonça de sa part aussi, à lui jeune, l'occupation de créer, qui paraît<br />

suprême et réussir avec des mots ; j'insiste, qu'entendait-il<br />

expressément ?<br />

Stéphane Mallarmé<br />

Quant au Livre<br />

Objet indistinct ; noirceurs éphémères de l'intellect. O la<br />

puissance totale de soi ! Et ces visions brouillées - compensations<br />

tardives d'un rêve en oubli ? Et ces jeux et ces règles indivisibles,<br />

accouplés dans le plus abstrait des desseins ?<br />

La dynastie des très riches - l'effort violent du défavorisé. O<br />

race, race d'hommes accomplis ! Nous chercherons encore !<br />

***<br />

747


Mémoire. Diphtongues et syllabes dans ma cervelle.<br />

Accumulations d'idées fixes. Penchants, renversements, attentes. Espoirs<br />

d'un temps infini. Étrange conquête de l'indécise échappée. Valeurs<br />

intuitives comme repères du temps et de l'espace.<br />

Modulations des termes employés. Architecture indépendante<br />

de ma volonté. Saturation vers le son aigu qui crisse ses avant-dernières<br />

syllabes. Puis ce silence qui résiste... qui résiste.<br />

seule - la mienne.<br />

Explosions. Rumeurs de multiples voix coordonnées en une<br />

***<br />

Pour que, subtilité sonore, le vers soit intense jusqu'à son<br />

exquise vibration finale.<br />

Quelque explosion buccale par la lèvre diffuse, haute note dans<br />

l'oreille amoureuse.<br />

barbares.<br />

Certains crissements entendus en mélodies ! - Amateurs<br />

748


La libération du son comme une retenue qui s'écoute, joue au<br />

rythme des cordes vocales.<br />

L'écrivain, refuse le produit brut.<br />

À la clarté de se dire, je crois l'entrevoir.. Il, le mot, s'échappe<br />

sous l'ombre. Parfois syllabe sonore comme l'écho perturbateur, ou<br />

insiste à vivre sur la feuille et démange l'auteur jusqu'à sa trouvaille. Des<br />

minutes et des refus.<br />

Puis nouvel autre cas : deux lettres, en exemple ces lo, qui sont<br />

l'ombre, moi-même, l'obsession ou dans le lieu naturel, l'onde.<br />

Je pense alors sa suite, qui refuse de se donner. Et rien d'autre !<br />

Elle seulement et ne veut s'oublier !<br />

Il existe aussi ce travail rudimentaire par le Livre, un tantinet<br />

surréaliste quand le Hasard accouple deux mots, page x : salle ; page y :<br />

il se célèbre. J'en obtiens - la salle célèbre, etc.<br />

Le reste s'acclame modestement à la faveur de l'artiste. Merci.<br />

749


coups rarissimes.<br />

Des combinaisons éternelles quoique peu d'heureuses - bons<br />

Et l'Inconnu ? Ne nous leurrons pas : inexplicable.<br />

Le moule - le cristal - la lumière - lumineuse salle - (ci-dessus,<br />

par facilité), bal, mousselines drapées - ballerines - théâtre, artifice.<br />

Par analogie, la scène naît petit à petit.<br />

(piteusement).<br />

La lecture puis la réminiscence. Calquez des styles<br />

Mais ce travail nocturne est source de cent manières différentes<br />

- les noter serait pénible et gâcherait mon Mystère.<br />

750


La femme. Avant moi, certains ont dit : transfert sexuel pour la<br />

sublimation de l'Art. Des contre-exemples dans la littérature démontrent<br />

que ceci n'est guère fondé.<br />

De l'agitation et de la crise. Ainsi le cerveau secoué, stimulé<br />

avec des pleurs ou des rages de rire est heureux présage. L'explosion<br />

nerveuse - volcan grondant puis bombes de lave - le livre brûlant,<br />

matière pure jaillit du Néant.<br />

L'envoûtement stérile n'est qu'un état de poésie. L'alchimie<br />

incantatoire sortie des braises multicolores ne phosphore en rien.<br />

dans l'Œuvre.<br />

L'apport spirituel du fantôme, résidu de nullité, d'insouciance<br />

Le Duel, la vibration douloureuse et l'explosion du verbe - Rien<br />

- Le Néant toujours recommencé.<br />

L'uniforme m'invite à me haïr.<br />

Les grâces obséquieuses du XVIIIe : ronds de jambes, sonnets<br />

déclamés à la Pompadour !<br />

L'effet de nature, archaïsme romantique, bannit la découverte;<br />

751


sinon la transformer par la révolution de la fin du siècle. Je sais : elle<br />

obsède. Sa présence perpétuelle - support inépuisable de monstres et de<br />

facilités.<br />

Il a écrit : les bras de cristal, les vallons bondissent. Je n'admets<br />

plus ceci.<br />

Je résiste.<br />

Expérience - Détruire l'entourage. Et forcer sur le vers abstrait,<br />

avec l'application d'une philosophie.<br />

À la merci de se contredire.<br />

Un Non-Moi se pense. Actions insoupçonnées du frère<br />

invisible. Il est né, se cache. Support de l'intelligence.<br />

La loi de l'original subit un conflit de démantèlement.<br />

L'insondable est accusé par l'élite dormant autour des<br />

manuscrits - le renvoi fait ici acte de justice. Ceux qui cassent le droit à<br />

publier sont de vils ignares appréciés une faction de temps. Qu'est-ce<br />

pour l’Éternité ?<br />

Maintenant qu'il m'a dicté, je me comprends.<br />

752


***<br />

Ne craignons jamais la présence du Spectre. Il attise de son<br />

brouillard incessant la légende de l'immortel. (D'autres descentes<br />

sérieuses des maîtres aimés sont à envisager...).<br />

Ne pas non plus éclairer le mystère d'une plume d'or glissante<br />

sur la page vierge ! Se taire est de rigueur.<br />

Le public invisible pour l'artiste, présent mais pareil au sot<br />

lecteur.<br />

Aucun de la pure échappée n'admet le vertige sinon le fumeur.<br />

A éviter la crétine recette employée par certains.<br />

fonctionnement.<br />

Au poème présent, un s'inquiète et analyse le système et son<br />

Comique !<br />

Le plus niais (des centaines) invoque bras dressés aux Cieux.<br />

Ci-là, moi stupidement croupissant au centre de brouillards<br />

invisibles - le spectre ou quinze. Indice romantique.<br />

753


***<br />

plutôt buccale.<br />

Le vers n'est point animé. Le chant s'enroue derrière la vocalise<br />

La concentration de purs substantifs, cela est après tout le<br />

système de l'effort.<br />

Tu noteras Stéphane que l'hôte perspicace, un toi-même<br />

redescendu ici bas, s'élève accroché par sa cervelle aux points<br />

d'interrogations.<br />

furent attrapés.<br />

L'appât n'était qu'un vermisseau gigotant. Les gros poissons<br />

J'appelle cela aussi de la mystification.<br />

Vous subissez peut-être une crise de découvertes.<br />

Oui, les Venues poussent l'enfance à la constante déclamation :<br />

le qui suis-je banal.<br />

Au lieu de s'émerveiller de la Décadence, cherchons le<br />

traitement dans les règles de vos écoles poétiques.<br />

754


Esthétiquement, le chef-d'œuvre est impossible.<br />

L'accumulation des non-sens condamne le langage - le vôtre.<br />

Ici pourtant point de folie, la logique absurde est chère à la<br />

mathématique élémentaire.<br />

ouf attendrissant.<br />

Bornons-nous à souffler sur la mèche de la dynamique avec un<br />

Je parle encore de l'échec. L'expérience a mené au vide et à la<br />

nullité de soi-même.<br />

faciles.<br />

Quelques études de mot dans un contexte de synthèse des plus<br />

Par le contraire d'une fonction dont j'ignore l'origine.<br />

Le feu grouillant de cendres versées à chaud sur le carré blanc.<br />

***<br />

L'Analogie est l'épouse comblée. Elle ignore le mécanisme<br />

755


cérébral qui provoque l'érection. De la naïveté dans sa jouissance<br />

continuelle.<br />

Ce compte, cet accent injustifiés.<br />

L'accent : de la grosse-caisse dans une symphonie littéraire. Je<br />

cherche en vain à écouter les violons, cors et cuivres.<br />

Je détruis pourtant la viole, la harpe, la flûte de roseau. Les<br />

pleurnicheries du pâtre et de l'ange !<br />

Le compte : il prétend ne pas s'échapper du cadre. Certains,<br />

peintres coupent la moitié de la chevelure comme elle déborde des<br />

limites imposées, - ce cadre justement.<br />

***<br />

composer.<br />

Il faut agir dans les silences. Obtenir des cris, des blancs et<br />

Le nul comme repère - norme.<br />

L'évidence ainsi est souhaitable.<br />

756


Causer de son expérience, cela ne révèle de rien comme chaque<br />

poète est une unité en soi-même, un cas unique.<br />

Dire : je sais, est absurde. J'ai vu à ma manière, avec ma<br />

méthode, mon système, ma culture, est plus juste.<br />

L'amical mystère de sa magnifique obscurité décharge ses<br />

lettres par le messager : moi, le médium.<br />

Voilà pour se dire : tâtons de la fréquence des pulsions<br />

cervicales à raison de cinq heures par nuit.<br />

Le mélange des sonorités outre la parole, cherche l'écho<br />

musical. Je dirige l'ensemble incohérent, ne me crispant point sur la note<br />

fausse.<br />

Admettons que l'ensemble des signes ne suffise pas à imposer à<br />

l'amateur le rythme désiré, l'intonation. Il y a ce causeur qui lit avec son<br />

sentiment. La pièce n'est plus reconnaissable. Le poète est tué.<br />

Toute la similitude hors la contrainte de l'exercer.<br />

À la nuance, peut-être d'un rapprochement relatif à l'exactitude.<br />

757


Retourner, âme molle vers l'extérieur.<br />

La démarche sécurisante du romancier.<br />

Vécue par la somme de soupirs, elle incline la tête alourdie que<br />

le travail a fortifiée. Restent l'éveil transitoire et maints bruissements<br />

passés que le souvenir stimule encore.<br />

Ici-bas, s'exerce l'attraction, dérision de chair, le cœur. La<br />

Muse, à le stimuler joue depuis vingt siècles..<br />

***<br />

Un préjugé de quelques heures - le doute, l'angoisse. Puis la<br />

reconnaissance, mais l'enthousiasme vit caché profondément inexistant.<br />

Cela et cela seulement entraînait l'action : Moi-même qui vit.<br />

Oui, le suicide. La perte de Soi. Enterré, croupissant dans le<br />

silence, il produit. A la demande spirituelle de quelque ombre éparse :<br />

pourquoi t'enfermes-tu ?, je réponds : il ne se dévoile pas.<br />

Surtout garde-toi de rompre la caressante intimité. Le déluge de<br />

pensées et ses somptueuses lumières du dedans !<br />

758


Un idiome suspect dont je rejette le sens et la signification.<br />

Tout confondu d'idées malsaines, de pensées rares. Je connais des<br />

raisons étymologiques douteuses. La valeur de mes académies s'écroule<br />

sous la poussière, sous les marbres et les arabesques.<br />

Je jouis pourtant d'une certaine Renaissance, d'un état tendu<br />

après maintes absences.<br />

***<br />

Plusieurs en ont tiré des idées fort instructives - leçons<br />

d'égoïsme, récitations de stoïciens. Le contrôle de soi-même incite les<br />

âmes les plus cruelles à s'autodétruire. L'effort s'exerce dans les<br />

pressions secrètes, avec ces étranges démangeaisons cérébrales, et les<br />

coups obscurs se plient au raisonnement.<br />

L'incertitude d'agir - la variable des désirs conditionnent le<br />

présent parce que le sujet souffre d'être né et de n'être pas.<br />

***<br />

La mémoire réalise de fort judicieuses randonnées dans son<br />

passé. Dommage que je sois obstruée par vous, pensait-elle.<br />

759


Tout le silence, toute cette science découle de l'image tournée,<br />

détournée puis effacée par le mensonge.<br />

La règle de la substitution est indispensable à la poésie secrète<br />

ou alchimique. IL ne s'agit point ici de permuter des axiomes, de dériver<br />

des lois. Seule compte cette capacité unique à favoriser de nouveaux<br />

nombres, tout en niant leur essence et leur utilité.<br />

L'accouplement des belles lettres. Ces signes nous conduisent<br />

incessamment à l'art moderne ! En aucun cas, il est conseillé de jeter le<br />

bagage encombrant des trois cent cinquante dernières années.<br />

Je dis : par la multiplication des idées, nous dérivons.<br />

Maintenant l'heure est à relire l'Ancien. J'entends l'Autre -<br />

intimement moi, soupirer en vagues de déception. Il dit : parodie<br />

d'imitation - désenchantement de pensées algébriques.<br />

Quant aux <strong>pages</strong>, elles sommeillent là, dans l'hiver silencieux.<br />

L'ordre ? Quel renouveau ? Elles se cueillent en un cent. Agir ou se taire ?<br />

Vaste trésor sans l'analogie, ou Idée d'un poème futur ?<br />

Calme-toi, accouplement divin. Retiens cette substance,<br />

760


mémoire infinie. Ne disperse pas ces flux et ces reflux de haute pensée.<br />

Il était un soleil à l'heure éternelle de minuit flottant, assis sur<br />

un support invisible.<br />

Je ne veux pas que ton souffle d'amour irradie tout à coup mon<br />

corps, mon âme à honorer.<br />

Ignore celui qui t'a vu, comme l'homme ignore le travail<br />

besogneux de la fourmi.<br />

***<br />

À trois ans d'âge, le casanier sauvage pareil à Robinson amasse<br />

les trésors sans l'ombre de faux.<br />

Je suggère plus au mot, qualité de couleur, de vibration<br />

émotive, qu'à la répétition d'un spectacle. Je le déclame : il n'y aura<br />

jamais de faiseur de roman à cette table.<br />

mort.<br />

L'œuvre s'accumule avec le journalier labeur - le miracle est<br />

Il dit : Génie ! Qu'engendre l'appel ?<br />

761


Par l'absolue incompréhension, ce silence est nécessaire. Or<br />

point de mode, ni de vente directe à l'éditeur. Je conseillerai jusqu'au<br />

bout à s'entêter à ne pas tirer.<br />

Quant à l'ami spirituel - un identique dédoublé - je néglige la<br />

part heureuse du Hasard qui le place sur l'épineuse route.<br />

Solitaire - éternellement.<br />

La femme ne peut être le stimuli ardent. Je la sais ronger l'heure<br />

immédiatement présente avant l'exécution.<br />

l'an.<br />

La générosité. Perdre à cent coups réguliers et vaincre une fois<br />

de l'Autre.<br />

La satisfaction éphémère hors l'admirable naïveté pour le Livre<br />

La muse absente, la magique opération cérébrale s'active à la<br />

remplacer. L'objet suspect romantique regagne sa tombe.<br />

Démystification.<br />

Maintenant et en toute heure ainsi soit-elle ! chair libre jusqu'à<br />

la fin des écoulements.<br />

762


Les os désormais attendris par les muscles qui les couvrent,<br />

s'entrecroisent pour l'érotique ballet - satisfaction des pauvres démunis<br />

d'art sensuel.<br />

Elle est neutre, s'enfonce, frappe n'importe où dans n'importe<br />

qui. Règles du séducteur parfait, et encore et ailleurs !<br />

***<br />

L'éveil magique dans les petites violettes.<br />

La présence du soir, baiser d'ombres molles.<br />

C'est le vaste désenchantement pour nos yeux à cerner. Le<br />

manuel érotique et la tentation stupide. Enfin un Mal crétin.<br />

solitude.<br />

Je t'appelle Évidence comme je ne t'aperçois qu'aux heures de<br />

La percée l'oblige à se dévêtir.<br />

En mal de patience, nous insistons malgré nous dans l'Absurde.<br />

763


Je te soumets chère vieille étude, mes rôts cacophoniques, mes<br />

accents de tambour, mes jérémiades de saltimbanque.<br />

À quand la leçon du savoir parler ?<br />

764


Sueurs sacrées<br />

Expulse les sueurs<br />

Expulse les sueurs sacrées, extases du Bien et du Mal, organes<br />

du savoir et du sexe.<br />

Belle solitude d'ivresse, âme vierge entourée du néant invisible<br />

à leurs yeux, insensible à leurs cœurs, tu proposes le poème jamais lu,<br />

toujours vin et jamais bu.<br />

S'il te faut l'image, l'horrible facilité, la terrible inutilité, je me<br />

tais et je te hais. Cherche dans ta cervelle, crache sur ton fantasme et<br />

crée ton monde, possède l'immonde.<br />

765


Ils sont torturés<br />

Ils sont torturés, ceux dont le devenir dépend de Dieu. A se<br />

purifier toujours, ils subissent le châtiment de l'ange.<br />

la belle franchise.<br />

Exerce le jeu stupide du réel absurde. Consacre ton savoir vrai à<br />

Entre la plaie et le plaisir, l'orage de sang et l'orgasme qui ment,<br />

ne choisis que le délice, que le délire.<br />

de ton Néant.<br />

La semence du Mal engendre beautés bien faites dans la terreur<br />

766


L'aube laiteuse<br />

L'aube laiteuse engendre le soleil tremblant du vieillard sénile.<br />

Toute vie exprime la mort. Tout cri de vie explique le remords de vivre.<br />

Sur ton sein de femme, je me suis déjà plu.<br />

Plus je pense, plus je souffre. Plus j'orgasme, plus je prêtrise. Je<br />

pourrais ignorer mes actes de vie, si je ne me savais moi-même.<br />

Appelle la mort<br />

Appelle la mort, ton bel espoir. Dans l'éternelle nuit, elle vomit<br />

ses torrents d'éclairs, phosphore et savoir. A toi de dépecer le coeur de la<br />

chair, l'ignoble du sublime.<br />

Toujours dans ta torture, supplie ton innocence. A te frapper, ils<br />

s'habituent pour leur plaisir.<br />

Une idée d'initiative, d'invincible tentation ; imperceptible,<br />

probable, respectée pour sa recherche.<br />

767


Ombre d'or<br />

Ombre d'or<br />

Délire d'extase<br />

Au feu bleu qui s'embrase,<br />

Meurent nos amours topaze.<br />

L'âme belle rêve d'exil<br />

Du coeur blême<br />

Qui toujours sème<br />

Pur son sublime.<br />

Sombre mort<br />

Soupir de femme<br />

La fleur feue s'évade,<br />

Pleure et s'enflamme.<br />

Larmes, douleurs subtiles<br />

Fiels ou malheurs<br />

La foi décline<br />

Dans sa stupeur.<br />

768


Quand tu seras capable<br />

Quand tu seras capable d'éprouver le vrai plaisir de la<br />

souffrance, ils s'échapperont en hurlant ceux dont le désir était dans ton<br />

doute spirituel.<br />

Aigre dans la torture, le châtiment dure. Facile est le plaisir de<br />

Dieu à faire souffrir nos corps.<br />

Tu donneras au feu le sang du Texte Sacré. Tu préféreras<br />

l'ignorance à l'audace remplie de Mal, je veux dire, le vice cruel.<br />

Dans le chemin des invisibles<br />

Dans le chemin des invisibles, si tu croises la beauté du Savoir,<br />

viole-la, frappe-la jusqu'à lui faire cracher, vomir ou saigner la<br />

connaissance interdite, les sublimes secrets du Bien et du Mal.<br />

À l'ombre molle, succombent les fleurs folles ! À l'aube claire,<br />

s'exaltent les flammes qui espèrent. Du néant au savoir l'incompétence<br />

sublime s'exalte jusqu'à l'obtention de l'impossible devenir.<br />

769


Extase d'agonie<br />

Extase d'agonie<br />

Agonie vers la Mort<br />

Je prie je supplie<br />

Le bon plaisir encore.<br />

Orgasme infini<br />

Infini quand tu dors<br />

J'implore à ta vie<br />

De recevoir mon corps.<br />

Ultime éclair<br />

Éclair vers la Mort<br />

Sublime est la chair<br />

Qui espère encore.<br />

Le cœur foudroyé<br />

Se meurt effrayé.<br />

770


À noircir le poème<br />

À noircir le poème tu prétends à l'intelligence, incapable que tu<br />

es à te comprendre et à savoir les autres.<br />

Cache-toi derrière l'hermétisme, complexité du géomètre. Si tu<br />

me vends, tu pourras accuser ton génie.<br />

À la limite, mieux vaut être apprécié par la fille d'or que par<br />

l'éditeur d'argent. J'en tire plus de bénéfices, plus de gloire même crétins.<br />

Imitez, jeunes poètes, X Y, qui ne sont rien, qui jamais<br />

n'existeront par leurs écrits, ainsi vous serez publiés.<br />

Initiez-vous à la poésie, à la composition jeunes hommes,<br />

forces vaines de mon demain. Qui de vous ou de moi sera ?<br />

771


Nous avons tout perdu<br />

Nous avons tout perdu, nous qui prétendions connaître le futur.<br />

Nous avons exalté des marionnettes que nous avons prises pour des<br />

momies. De ce silence éternel ne vit que l'exhibition crétine de nos sens<br />

atrophiés.<br />

Je souffre<br />

Je souffre par mon Baudelaire, extase de son génie et<br />

déchirements éternels ; à la première force de Valéry, je deviens sensé et<br />

je pense pareil à Monsieur Teste, erreur freudienne d'un esprit qui se<br />

voulait sublime. Je tue Rimbaud, sa vie, son œuvre. Je refuse son<br />

anarchie vulgaire. Il se meurt trop tôt d'avoir brûlé le feu de ses entrailles<br />

et de son sang. Je calque Mallarmé, petite force sublime, capable de dire<br />

non à ce Dieu qui existe. Je rejette Claudel, puissance d'orgueil par sa<br />

croyance en Christ.<br />

Je m'agenouille devant Racine. Grand et pur ! Fat et<br />

présomptueux, mais si conscient de son immortalité. Hugo me dérange :<br />

il unit la prostitution à l'ange. Sa grandeur à sa bêtise. Je lui octroie<br />

pourtant d'être le premier.<br />

772


J'apprends de Kafka l'absurde et le non-sens. J'en tire un certain<br />

malaise. Nietzsche me rend puissant, jusqu'au danger de la gloire<br />

hitlérienne. Sade caresse, frappe mon corps jusqu'à l'obtention d'une<br />

jouissance terrestre. Freud ne m'a enseigné que sa psychopathologie.<br />

Tu es femme<br />

Tu es femme avec tes pluies jaunes, tes extases sanglantes, tes<br />

odeurs que je possède avide. Tu te détruis par les symboles sacrés de tes<br />

jambes fines, de tes fesses rondes. A toujours t'imaginer je finis par te<br />

tuer.<br />

La femme faite image par ton génie n'est point femme. Elle<br />

noie ses couleurs dans l'extase de touches fines.<br />

Je conseillerai à l'artiste peintre de posséder son ange, et non<br />

pas de le reproduire par le trait accompli.<br />

773


Le brouillard<br />

notre ignorance.<br />

Le brouillard a ceci d'émouvant qu'il nous permet de savoir<br />

Le poète : le cuisinier de la nature. Il recompose avec le crée.<br />

Nouvelle cuisine : fruits et légumes pour assortir la viandasse.<br />

octave.<br />

Je te permets de souffrir, mais de grâce élève ta voix d'une<br />

Je roule mon or<br />

Je roule mon or, substance pure de ma conception. Et je<br />

m'écroule dans les horreurs de mes créations. Feu rouge, haine des<br />

entrailles. À jouir par le Mal, je ne subis que la justice des Irréels.<br />

774


Être sans être<br />

Être sans être, exister sans vivre. Au-delà de la passion du réel,<br />

par-delà l'impossible de créer se meurt une forme nouvelle, s'éteint la<br />

norme à inventer.<br />

Se suffire à soi-même<br />

solitaire.<br />

Se suffire à soi-même, là est la seule exaltation du délire<br />

Possède-toi dans l'excès, recrée l'homme uni à la femelle. Il y a<br />

par toi la brise, la caresse, la blancheur du matin. Il y a en toi l'odeur de<br />

ton pus, l'excrément de ta chair.<br />

Fais des enfants. Ton enfant. Acte pur du savoir uni au Néant.<br />

La folie mène à comprendre que l'on n'est pas fou ; comme<br />

l'amour charnel détruit le corps de l'autre.<br />

775


Si tu es vainqueur<br />

Si tu es vainqueur, tu ne seras que le grand perdant. L'unique<br />

contre la masse bêlante de ce troupeau assoiffé.<br />

contre tous.<br />

L'homme a toujours raison, plus encore dans son système. Seul<br />

Tu t'en retourneras au principe de l'ermite, le grand sage<br />

incompris de ce peuple.<br />

À celle qui saigne<br />

Le pubis plus rouge que les feux de l'enfer. Un plaisir plus<br />

brûlant que les désirs de la chair.<br />

Tu te donnes, volcan de flammes pour des soupirs. Tu brûles le<br />

brouillard de tes interdits.<br />

Et tu exploses en gerbes de délire, de cris en orgasmes à en<br />

mourir.<br />

Une agonie plus morte sur le lit qui expire. Une folie du corps<br />

jouissant de la femme qui espère.<br />

776


La jeune fille belle<br />

La jeune fille belle naissant sous son marquis d'ombres,<br />

haranguait la pulpeuse ivrée du matin. D'or et de bronze, toutes deux<br />

vêtues vociféraient parmi les flots de Palmyre, les écumes. Elle et son<br />

ombre, pour les sueurs les plus étroites.<br />

Ô les chaleurs exquises<br />

Ô les chaleurs exquises et les douces sueurs qui perlaient de tes<br />

cuisses ! Ô l'extase interdit et leurs souffles de soupirs respirant nos<br />

haleines !<br />

Sur ton tiède soleil, j'inventais un orgasme. Sur ta poitrine belle,<br />

je créais le plaisir.<br />

777


Il y avait cette fille<br />

Il y avait cette fille tiède à l'aisselle piquante et son fruit mûr<br />

respirait dans mes plaintes.<br />

complaintes.<br />

Il y avait cette fille, et son cri pur gémissait dans mes<br />

Lentement, je me souviens. Doucement, il me revient.<br />

Ne sois pas ce toi-même<br />

Ne sois pas ce toi-même qui toujours en se haïssant, ne<br />

découvre que le vide de son Néant.<br />

Invite la femme belle à partager ta semence, redeviens l'amant<br />

exquis enivré de ses soupirs et charmes.<br />

Il te faut t'émanciper, nier le savoir des anciens. A présent, tu<br />

dois vivre, et exister par toi-même.<br />

778


Ô les senteurs<br />

Ô les senteurs délectables des interdits et des tabous ! O les<br />

parfums violents qui fleurent leurs douceurs exquises ! Je me repais de<br />

ces courbes sensuelles et de vos cheveux prisonniers qui m'attirent vers<br />

vos possessions.<br />

Ô femmes<br />

Ô femmes plus délicates que le vent, j'aspire à la Sainte beauté,<br />

à l'effluve vaine de mes pensées. Je vous hais, et vous supplie encore !<br />

Invoque ton délire ; supplie-le dans ton fantasme. Et ton âme<br />

qui court de femmes en femmes, de poèmes en soupirs pourra enfin le<br />

transcrire.<br />

L'aurore tiède<br />

L'aurore tiède de son souffle blême, j'ai dit l'aurore - et ses<br />

milliers de feux qui se meurent dans la clarté - j'ai dit l'amour. Il me<br />

souvient de mes orgasmes ...<br />

779


Ô les filles sublimées<br />

Ô les filles sublimées de jouissance exquise, ô les femmes<br />

parfumées de senteur divine, j'offre mes semences aux moiteurs froides<br />

de l'été, je donne mes délivrances aux sueurs étranges de mon passé.<br />

Qu'elles existent, qu'elles soient, elles seront toutes des<br />

magiciennes du fantasme et de l'orgasme, ô toutes belles que j'ai à<br />

jamais et toujours désirées.<br />

C'est donc la femelle<br />

C'est donc la femelle à l'ongle acide, et les hommes se meurent<br />

de souffrances autour. C'est donc elle, la femme à la robe citrine et les<br />

formes d'hommes pleurent de jouissances et d'amours.<br />

Et toi plus belle que mes douleurs, tu gis dans l'orgasme de mes<br />

pensées. Ne te saurais-tu douce immortelle qu'en des plaisirs d'images,<br />

qu'en des fantasmes d'idées ?<br />

780


Ombre d'or<br />

Ombre d'or qui soupires à l'ombre de la mort, expulse tes<br />

dernières touffes d'air pur, propose ton ultime spasme de jouissance.<br />

Ô clarté vaine qui danses sur les flammes de l'espoir, voltige et<br />

baigne ta candeur première, et fais saigner ta douceur d'ignorance.<br />

Vibre mon exquise langueur<br />

désirs,<br />

Vibre mon exquise langueur, soupire ma sublime douceur.<br />

À t'entendre prolonger tes cris, à t'écouter plonger dans tes<br />

Me vient l'envie de te déchirer, de te posséder d'extase.<br />

Monte en moi le besoin de faire hurler ton fantasme.<br />

Et les morts sont mes songes, grandes pensées parfaites !<br />

781


Éloge de l’orgasme<br />

Au plus beau de la femme<br />

Au plus beau de la femme, il y a le bouton à éclore, il y a la<br />

bouche rose à colorier. Tel peintre ou tel poète à parfumer, à former de<br />

roses. Il y faudrait un bouquet de larmes ornées.<br />

782


Fille rêvée à ma jouissance<br />

Tes délires hurlent<br />

L'envie d'un désir.<br />

A toujours te morfondre<br />

Tu roules sous les ombres.<br />

Ne sais-tu point<br />

Que l'orgasme<br />

S'obtient dans le fantasme<br />

De mes puissantes nuits ?<br />

Espère encore le drap moite<br />

Et la saveur d'un doigt court !<br />

Jouis toujours de mon soupir<br />

Toi qui veux à ta chair m'unir.<br />

783


Nombre d'or<br />

Nombre d'or qui purifiez le monde, bronze de mort qui<br />

sublimez les ombres, j'exprime les formes, j'explique les normes de mon<br />

superbe jusqu'à mon irréel.<br />

Nous écoutions la brise vaine et le papillon zélé ; nous les<br />

entendions dans les espoirs de nos amours.<br />

Tu animes<br />

Tu animes ton corps fille longue aux jambes infinies, qui<br />

propose le rythme sacré du serpent, de la cadence sublime dans le temps.<br />

Et tu disparais, beauté de grâce, génie de femme qu'endort la nuit dans<br />

mes espoirs interdits, pour mes fantasmes et mes folies.<br />

784


Toi, plus blême<br />

Toi, plus blême endormie dans le rêve des douceurs, ô douceurs !<br />

et ton haleine tiède comme feu qui expire.<br />

J'écoutais battre lentement le rythme incertain de tes cils,<br />

j'entendais s'écouler la sève sublime de ta lèvre.<br />

Ton orgasme voltigeait d'espoir en fantasme, s'écrasait<br />

bêtement dans le cercueil de mes bras, et je te berçais dans les folles<br />

intempéries d'un naufrage ou d'un navire délirant.<br />

785


Ombre d'azur<br />

Ombre d'azur toujours<br />

Vous soupirez d'amour ;<br />

Ombre de mort encore<br />

Vous priez mon remords.<br />

N'ai-je point dans l'espoir<br />

Exprimé toute gloire ?<br />

N'ai-je point au soupir<br />

Offert tous mes désirs ?<br />

Sombres purs à jamais<br />

Tombez : je me défais ;<br />

Tombes d'or cet exil<br />

Je m'en vais dans mon île.<br />

Vous criez mon départ,<br />

Désir d'espoir hagard ?<br />

Vous implorez ma mort ?<br />

Craignez ; je tue mon corps.<br />

786


Mais ta chevelure<br />

Mais ta chevelure est un parfum qui m'obsède,<br />

Et je noie mon ivresse dans tes boucles tièdes !<br />

Fleur d'extase qui resplendit dans son pourpre de satin,<br />

Fille de nuage tout alanguie sur le souffle du matin,<br />

J'endors l'orgasme, odeur de feu, bien-être heureux mais<br />

lointain,<br />

Je pleure mes larmes, douleurs d'un mieux, fou paresseux mais<br />

souverain.<br />

787


La faucille sanglante<br />

Les portées inconnues<br />

Les portées inconnues sillonnent jusqu'à l’Éther. La harpe sur le<br />

coeur, j'entends les symphonies. La gloire des anciens resplendit dans<br />

mon âme. Écoute, écoute et vibre aux cris harmonieux de tes maîtres.<br />

Ai-je mal, souffrirai-je encore à l'appel des morts ? Ils sont rongés par<br />

les vers, mais leur musique sonne encore.<br />

Nous n'étions, ce soir-là<br />

Nous n'étions, ce soir-là que deux sexes, qu'une seule<br />

mécanique amoureuse pour satisfaire les besoins de nos corps. Nous<br />

n'étions que râles, plaisirs et jouissance sublime. Nous avions posé nos<br />

têtes sur la table de chevet, et nos corps pensaient.<br />

Un coeur contre un sein, une bouche sur des lèvres, des ongles<br />

qui se griffent, des mains qui se cherchent. Il y avait le silence de nos<br />

langues, seulement les cris de nos sangs.<br />

788


Ai-je compris, ai-je enfin compris que seul le plaisir existait<br />

comme un moment d'éternité que l'on retenait pour ne pas vieillir, pour<br />

ne plus se voir vieillir surtout sous les draps ?<br />

L'aurore<br />

au Néant.<br />

L'aurore hurle car son aube terrifiée s'est suicidée, se crucifiant<br />

détresses.<br />

Jeunesse qui ne cesse de mourir, ô jeunesse qui ne sait que<br />

Plus il pense<br />

Plus il pense, moins il sait ; plus il comprend, plus il souffre.<br />

Ses éclairs sont déchirements dans les cris de la mort.<br />

Les mémoires ont miroité dans des espoirs qui respiraient<br />

l'avenir. Les noires ombres ont déformé les mémoires que miroite<br />

l'espoir.<br />

Suffis-toi de toi-même<br />

Suffis-toi de toi-même, homme au coeur qui saigne les<br />

supplices de ton âme.<br />

789


Nos deux ombres s'accrochent dans la vallée des pendus.<br />

Nous n'étions que deux cœurs qui cherchaient leur amour,<br />

tournés vers la Mort.<br />

L'aurore bleuit, la dorure fleurit ; commençons par créer le<br />

monde, par croire en notre espoir.<br />

Avec son sexe, il expulse ses tortures. Avec son âme, il amasse<br />

ses horreurs dorées. Il crache son soufre âcre, il boit l'acide souffrance.<br />

790


Par-delà le savoir<br />

La victime du Divin est plus riche que l'aimé de Satan. Je ne te<br />

consolerai pas de tes maux, mais j'embrasserai tes larmes.<br />

Il y a un feu dans le foyer, l'âme danse sur des flammes.<br />

Par la magie du savoir, ton esprit tremble. Écoute ce cœur<br />

frémir pour le Bien et le Mal.<br />

Le cœur couleur pensées, lumières ou ténèbres comme l'âme<br />

qui croit et se désespère.<br />

Nous n'étions que des spectres drapés dans les linges du lit,<br />

qu'invisibles formes dans l'ombre des nuits.<br />

unis.<br />

Je perce ton sexe jusqu'au néant des orgasmes, âme et corps<br />

791


Corromps la chair<br />

Corromps la chair qui dresse et crispe les traits dans ses cris.<br />

Foudroie les airs que dessine, par le prisme, l'espoir qui s'enfuit.<br />

Il ne reste que substance blanche dans le lit des danses, que<br />

sublime chance pour le plaisir scandé.<br />

Au séjour nuptial, nul n'est convié exceptée la Mort, orgasmes<br />

des amants unis dans leur ciel pour le Néant.<br />

792


Si tu consens à la torture<br />

Du moins si tu consens à ta torture, que ce soit pour ta<br />

purification suprême.<br />

Embrasse l'objet du Mal, car seul par le Mal tu créeras.<br />

Le vice nuptial est de loi, n'est pas interdit. Le bonheur sadique<br />

est raison du poète, devient l'instrument de ses dires.<br />

Satisfais-toi d'embrasser la Mort, de la soumettre à t'entendre<br />

toujours. C'est l'Immortel qui se joue pour ton âme, dans leurs haines.<br />

793


À une loi<br />

À une loi, tu es poète. À sa raison, tu le deviens. Mécanique de<br />

chiffres, de primaire arithmétique, il ne reste rien.<br />

Tu vends l'image, ami du nuage.<br />

Sublime ton esprit d'espoir, d'envie de trahir ton âme. Illumine<br />

ce néant de vie pour aimer la mort.<br />

La grâce venue, nous purifions les âmes. Par le génie de<br />

l'intelligence, nous élevons la masse. La poésie est au sublime ce que la<br />

médecine est à la chair.<br />

Que les dix premiers hommes du Monde me lisent et la<br />

civilisation avancera.<br />

Qu'importe d'être compris, il faut être lu.<br />

794


Poète<br />

Poète, toujours tu sauras la Vérité. Tu te nourris de présences<br />

immortelles, de savoirs spirituels. Énergie d'espoirs, ton devoir sera<br />

d'instruire les âmes.<br />

Prophète du réel, compris après ta mort.<br />

Je te connais le loup, je t'ai aimé le chien. Crocs et caresses sont<br />

cicatrices dans mon corps. Je voulais toujours vous trahir par ma haine,<br />

je rêvais de toujours vous frapper d'amour.<br />

Nous avons soudain connu l’Éther, masse spatiale des airs. Nos<br />

corps se sont enflammés, esprits et chair unis.<br />

Qui charnel dans la noire nuit, imprégnera nos ailes du soupir<br />

des colombes ? Qui s'élèvera ?<br />

795


Poussière de sel<br />

Poussière de sel, au gré de l'amertume qui vole.<br />

Âme de l'homme torturé pour la Force Divine.<br />

Console-toi de ton désordre ; l'horloge sonne l'horreur des<br />

métaphores. N'imite pas les hommes qui mêlent les nœuds de<br />

l'imaginaire.<br />

Une fois Dieu vu, c'est la folie de l'ombre. Et la misère règne<br />

sur la mort. Le miroir vrai semble Satan, ou Christ.<br />

d'autres temps.<br />

L'horloge de mon coeur sonnait à d'autres heures, frappait<br />

eussions aimés.<br />

Il fallait rapprocher les aiguilles de nos midis, nous nous<br />

796


Sur ta perle rose et noire<br />

Sur ta perle rose et noire<br />

J'ai embrassé l'éther<br />

L'amour est désespoir<br />

Ou plaisirs amers.<br />

dressé.<br />

Belle dans sa chevelure profonde jusqu'à la pointe de son orteil<br />

La beauté était nue drapée dans ses soies blanches. La beauté,<br />

triste, indifférente, contemplait au plafond les lustres vieux.<br />

797


Je subirai<br />

Je subirai des tortures triomphales, et j’accéderai aux<br />

souffrances premières. Saint, mystique, oint ou poète, la postérité m'est<br />

assurée.<br />

Je supporterai l'absurde dans le Néant de mes idées. Voltigez,<br />

armures d'ivoire ! Je vous enterre, chairs douces inviolées !<br />

J'ai haï l'implacable rigueur. Muse invisible, pourquoi m'avoir<br />

frappé à coups de triques ?<br />

798


Spasmes, suffocations hideux<br />

Spasmes, suffocations hideux dans la bouche qui délire,<br />

pourquoi ai-je joui sous l'orgasme que je hais ?<br />

Toujours, si tu détruis que ce soit avec l'instrument de la Bible.<br />

Nous lancerons au serpent le couteau pour que son venin se<br />

mêle au sang de nos plaies.<br />

Quand on a mission d'éveiller, on commence par bailler. Le<br />

premier souffle putride est pour soi.<br />

Génie du Mal qui compose !<br />

799


Qu'importe<br />

Qu'importe de comprendre à cette heure, du moment que l'on<br />

comprend avant les autres.<br />

800


Les maudits<br />

Prières<br />

Nous ne serons que ces maudits inconsolables, que ces poètes<br />

haïs par les anges de l'au-delà. Nous resterons toujours les puretés<br />

tachées de vomissures, expulsant des crachats et des vices par la forme<br />

du poème.<br />

Le prêtre m'exorcisa avec ses prières tandis que je l'éclairais<br />

avec mes prophéties de mystique. J'annonçais la parole vraie, le savoir<br />

des initiés. Qu'a-t-il compris quand les chemins se sont croisés ?<br />

J'ai vécu<br />

J'ai vécu, réveillant le Mal qui croupissait autour de mon âme.<br />

Dans les nuits affreuses, j'ai crié cherchant à le chasser plus haut, dans<br />

l'exil.<br />

Lieu d'épouvante, infernale chambre, pour quel amour quand<br />

chair et corps se consument dans les braises du Démon ?<br />

L'ombre console du présent, nous étire vers l'avenir.<br />

801


Les archaïques mystères<br />

Les archaïques mystères s'écroulent sous les vastes règnes des<br />

générations de notre futur.<br />

Ici, tout est au savoir, tout est à la découverte suprême.<br />

Petits vieillards hypocrites, nous nous faisons cyniquement<br />

entretenir sur les restes de la postérité d'Hélène ; nous nous alimentons<br />

sans vomir les déchets crachés sur les tombes de nos poètes.<br />

Vous et moi ne serons que les résidus d'un festin ancien. Car<br />

eux seuls participaient aux repas de sang royal.<br />

Refusons l'accouplement avec la Béatrix ou la Pompadour,<br />

dédaignons les flots de mousselines et les coïts impossibles !<br />

Hélas la jeunesse convoite les belles images, s'enorgueillit à<br />

imiter les desseins d'hier, et surcharge les perfections intouchables !<br />

802


Il est clair<br />

Il est clair,<br />

Chair libérale et odorante,<br />

Que l'ombre noire<br />

Voltige, butine<br />

Autour de tes cruelles senteurs<br />

De miel.<br />

Il y a la fleur<br />

Qui de sang sexuel<br />

S'excite, s'épanouit<br />

Sur tes hymens à déflorer<br />

Sans violence.<br />

Mais moi Seigneur<br />

Voilà que je déflore très haut<br />

Atteignant les portes étroites<br />

Et les sources d'ombres<br />

Du paradis.<br />

À présent, retour au lieu<br />

Des chairs, ici-bas.<br />

Et frotte et pousse et grogne<br />

803


Pour des plaisirs à assouvir.<br />

Je hurle je force je m'enfonce<br />

J'obtiens le ciel par le sein<br />

À bénir de son lait<br />

En substances enrichies.<br />

804


Lumières et chasteté<br />

L'Azur ainsi de bleutés<br />

S'enivre ou s'exile<br />

Vers l'astre du bel été<br />

Il s'éclaire de parures,<br />

Il décline lentement<br />

Sous la ligne du Mort.<br />

Choisis, parabole changeante<br />

Les purs feux de l'exil !<br />

Car ton âme transparente<br />

Est revêtue de soies immobiles.<br />

805


L'invisible<br />

C'est bien de s'instruire qu'il faut parler ici. Tout est algèbre,<br />

ordre, organisation, complexes littéraires. Je dis encore : topologie, plan,<br />

structures syntaxiques, mais la jeunesse jamais n'écoute, et agit avec<br />

innocence.<br />

Apprenons à l'enfance poétique les chiffres qu'elle ignore,<br />

éclairons les jeux d'ombres, les mystères, les alchimies. Pourquoi tant de<br />

virginités confondent allure littéraire quand tout est axiomes, lois, règles<br />

et travail intensif ?<br />

806


Mémoire ; murmure<br />

Mémoire ; murmure ;<br />

Saphir ; cristal ; miroir.<br />

Les seins de Florence,<br />

Les colombes presque bleues.<br />

Féeries mes amours.<br />

Les lourdes chevelures<br />

Couronnées de parfums<br />

Et quelques d'ivresse ;<br />

Spectres royaux :<br />

Réveils d'ombres, aurores,<br />

Las vapeurs fluides<br />

L'incandescence du ciel<br />

L'envol dans le bel Azur<br />

Votre très douce Sainteté<br />

Marie, de grâce, voilée pieds nus<br />

Et les transparences ailées.<br />

Mes violons, vos harpes, ces violes<br />

La légèreté des accords mélodieux<br />

Et vous, mes anges, tourbillons de blancheur.<br />

807


Frigide que je délivre<br />

Frigide que je délivre<br />

Du pur hymen ancien<br />

Par un choc d'élan ivre<br />

La tête frottée contre ton sein<br />

Ou viole sans que s'y perde<br />

Sous la touffe jaune ou blonde<br />

L'arme aiguisée comme une bielle<br />

Le flot écoulé par ton onde<br />

Qui veut vierge ne doit<br />

D'un coup précis du doigt<br />

Rompre l'anal secret<br />

Et gâcher le bel essai<br />

Un soupir quand je recule<br />

Te tient à chaque écartement<br />

En arrière tu hurles<br />

Frigide que je délivre<br />

Au plus profond des mouvements<br />

808


Riant si clair<br />

Riant si clair à la lune<br />

Drapée blanche<br />

Ou de mousselines apparue<br />

Fille à la jambe jaune<br />

Voltigeant à la joie de la danse<br />

Comme si Prince vu<br />

Dans l'ombre du rêve imaginaire<br />

Soufflé par le soupir de la brise.<br />

Puis toi glissant hors de tes habits<br />

Et nue et rose aux fesses<br />

D'un tracé joli.<br />

Courbée et gracieuse<br />

Par le corps qui s'anime<br />

Mais lui dans la secousse du sommeil<br />

Te tue dans le rêve enfoui.<br />

809


Ô toison d'or<br />

Ô toison d'or<br />

Rêve que nul n'éteint<br />

Dans l'ombre des noirceurs.<br />

Ici c'est à la lumière<br />

Violette d'Igitur<br />

Qu'il faut phosphorer.<br />

Mais génie de vertige<br />

Ou de fumées embrouillées<br />

Les nettes ou sales vapeurs<br />

M'ont déjà enveloppé.<br />

Si quelque riche Prince<br />

Glisse sur les poèmes d'or<br />

À la clarté de s'ensoleiller<br />

Qu'il vienne s'enivrer.<br />

810


Les stigmates profonds<br />

Les stigmates profonds ensorcelèrent mes plaies. Le sang violet<br />

et l'or blond coulèrent dans mon cœur et dans mon âme comme des flots<br />

de substances alchimiques. Je me suis nourri dans l'ombre des secrets,<br />

illuminé à la flamme intérieure. Et le génie phosphorescent éclairait<br />

parfois mes regards.<br />

Souhaite toujours<br />

Souhaite toujours que la mort belle compose avec son mal,<br />

qu'affreuse, elle frappe sous la torture. Espère encore la destruction et le<br />

carnage. Chien haineux, tu te purifieras, tu grandiras.<br />

811


De frigides roses<br />

De frigides roses qui se délivrent<br />

Toutes les mêmes à reculons<br />

Avec des coups secs et profonds<br />

Dans leur Néant devenu ivre.<br />

Belle, sens-tu l'amant qui te délivre,<br />

À force coups de chocs et percutions ?<br />

Cette virginité enfin se rompt ...<br />

Nu, m'enfermant dans ton secret profond,<br />

Sans que je m'y perde, ou la viole<br />

La rose imprégnée d'arômes blonds.<br />

812


Toi, glaciale chasteté<br />

Toi, glaciale chasteté,<br />

Un sexe tendu sans plaisir<br />

Analement enfoncé<br />

Ne put te faire languir.<br />

Mais délire ! Voici que Sodome,<br />

Guerrier d'amour agenouillé<br />

Culbute la gamine chatouillée<br />

Dans un élan que personne<br />

Pas même le Vice déglandé<br />

Ne saurait mieux te prendre<br />

Aux fesses rondelettes écartées<br />

Allant et venant pour se répandre.<br />

813


Exil<br />

L'aurore<br />

L'aurore constellée de paillettes d'or, court vers l'azur,<br />

échappera à la nuit qui résiste, désire l'obscurcir et la maintient encore<br />

accrochée à sa voûte voilée.<br />

Les délires<br />

Les délires glissent sur les zones azurées - déplacements de<br />

couleurs, de sang noir, de souillures, de taches grotesques, d'ordures<br />

exquises.<br />

814


Ce soir, la lune<br />

Ce soir, la lune est plus triste, plus sinistre encore. Des taches<br />

verdâtres s'écoulent lentement, s'étirent avec paresse et animent<br />

mollement les formes ombreuses du belvédère.<br />

Je m'accoude avec négligence sur les rebords de cette terrasse,<br />

et je respire les profusions immenses du ciel pur.<br />

Phénix<br />

Inanimé, pulvérisé, réduit en cendres, en négligence<br />

d'excréments, le poème renaît, revit, s'active irrésistiblement par<br />

l'essence du mépris.<br />

Il faut apprendre à souffrir pour être poète.<br />

Je donnerai l'effort, l'estime, la grâce divine à tous ceux qui<br />

pourront soulever l'Irréel.<br />

815


Auras, gemmes<br />

Auras, gemmes dans les sales puretés tachées de sang et de pus.<br />

Partir là-bas sur les ailes vastes de l'exil. Oui, fuir toujours plus<br />

loin nos demeures et nos terres.<br />

Nous nous arracherons du mystère sombre et ancestral.<br />

816


Phrases<br />

La petite brume<br />

La petite brume polissait la pièce de cuivre un soir que Dieu<br />

était avare de ses pépites d'or.<br />

Qu'est-ce qui nous coûte à nous les trahis, les volés, les<br />

possédés ? La paix et son immense calme dans la nudité de la nuit.<br />

Une étincelle de minces éclairs, et les nouveaux flambeaux<br />

illuminent mon oeil intérieur.<br />

Lustre trempé de blanc sous le tiède matin, activité ruisselante<br />

qu'absorbent les reines d'or.<br />

Vers la clairière vagabonde, sautent, se bousculent les<br />

enchevêtrements des filles chatouillées.<br />

817


*<br />

Ho ! Les toisons jaunes ou noires des cuisses roulant dans les<br />

bruyères et les herbes tendres !<br />

Des sifflements alertes de merles rouges dans les règles diffuses<br />

du ciel. Je volerais facile dans les crèmes violettes des cieux, là-bas.<br />

Agenouillé dans les graisseuses nuits, je m'embrume à<br />

l'approche des roses assoiffées. J'obtiens un brouillard de rêve.<br />

Le soleil comme un éventail jaune et fumant écarquille son gros<br />

oeil, et vise la clairière fluide de ses douceurs printanières.<br />

Ho ! La mine satinée du crépuscule, la tête voilée d'un puceau<br />

rougissant. Encore le divin qui fait ses caprices !<br />

818


*<br />

L'aube de l'ange. Il voltige, tournoie, tourbillonne sur lui-même.<br />

Ho ! Les éclats argentés, les scintillements parmi les quartz de cristal, les<br />

neiges et les poudres de lessive transparentes aussi.<br />

Il s'illumine en petite fleur magique, en sainteté aux couches<br />

inviolables, plus pur que les colombes de cristal. Il se place très haut<br />

comme sa loge artificielle est vacante.<br />

Tel qu'un mystique en lévitation, mon aura rouge et or projette<br />

ses vastes rayons massifs autour de mon génie phosphorescent et parfois<br />

blanchâtre.<br />

derrière l'Enfer.<br />

Je m'exile tout simplement dans une humble patrie, plus haut,<br />

819


*<br />

Les anges bouillent d'impatience, et plongent leur tête dans les<br />

tissus de soies, sortes de nuages mousseux évaporés en fumées grisantes.<br />

Les vagues délicieuses se lèchent les dentelles bleues, les<br />

broderies blanches. Baisers mouillés sur la lisière du sable pétillant.<br />

Je ne ronge pas la lune, je ne la peinturlure pas de vert, je ne<br />

l'offre pas au croyant comme une hostie. Ici, je me propose de l'invoquer<br />

à une autre raison d'être.<br />

Renonçant à quelque aventure dans l'oubli, j'observe la nature<br />

des bêtes pareil à mes anciens très stupides. Je retourne à la<br />

contemplation des feuilles, des roses - objets inutiles.<br />

*<br />

820


M'éveillant à la droite de la femme molle, j'obtiens néanmoins<br />

la chevelure tiède et l'haleine transpirée par la bouche plaintive. Absence<br />

de tous mouvements. L'habit nocturne recouvre la chair laiteuse, puis il<br />

se rendort très rêveur.<br />

C'est l'altercation prodigieuse pour nos corps momifiés. La<br />

magique mécanique des sexes qui se meurent. Enfin le principe de<br />

progression des races comme les glandes se dilatent encore.<br />

Maintenant et en toute heure, ainsi soit-elle ! chair libre jusqu'à<br />

la fin des écoulements.<br />

821


*<br />

Tes rires retroussés sur les bords de tes lèvres, et tu souris<br />

d'extase comme l'enfance ébahie.<br />

T'entendre dire le son câlin des mots, c'est que peu de délires se<br />

cognent dans ma tête.<br />

Je courais à toute escapade, à tout mouvement. Je courais<br />

haleine molle, cœur ramolli, jambes dans mes épaules. Oh ! je n'avançais<br />

pas !<br />

La métamorphose de la femme. Sa chevelure jaune se fait<br />

boucles d'argent ; ses pendentifs se balancent à ses oreilles, émeraudes<br />

ou diamants. Les draps sont des étoffes rares d'Égypte, de Babylone, de<br />

Syracuse etc.<br />

822


Avec comme pur dépucelage<br />

Avec comme pur dépucelage<br />

Rien qu'un pénis aux cieux<br />

Du plaisir rien ne se dégage<br />

Qu'un peu de sperme poisseux.<br />

Sexe tout jutant par-derrière<br />

Si tu le prends si tu en jouis<br />

Coquine glousse et accélère<br />

Serre ces larges fesses rebondies.<br />

Timides on va redescendre<br />

Dans le Néant de ta chambre.<br />

Toujours tendu qu'il m'apparaisse<br />

Entre tes mains quand tu le presses.<br />

823


Ne tarde pas<br />

Ne tarde pas saison charnelle,<br />

Je cours m'ensoleiller chez Adèle.<br />

Tout à coup Mademoiselle<br />

Qui voulûtes<br />

Vois se diversifier un peu<br />

Les objets de mes luttes,<br />

Je vous pris par-derrière<br />

Refusant le Missionnaire<br />

Sans Missel de soupirs<br />

Au ciel vain je vous fis languir.<br />

*<br />

824


Pour que subtilité sonore, le vers soit intense jusqu'à son<br />

exquise vibration finale.<br />

*<br />

Quand la folie serre la cervelle de l'intelligence, celle-ci se<br />

compresse si violemment qu'il en sort une substance qu'on appelle Art.<br />

*<br />

Les divagations chimériques, pâles, pleureuses, se meurent de<br />

lassitude universelle tandis que la Méthode réduit le monde en axiomes,<br />

normes et règles.<br />

825


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME V<br />

ANNÉES 83 - 94<br />

Le livre blanc 83<br />

Les sonnets 84<br />

Les lozes 87<br />

Souffles nouveaux I 93<br />

Souffles nouveaux II 94<br />

Grappillages 85-93<br />

826


Le Livre blanc<br />

Va, mon cœur amoureux<br />

Va, mon cœur amoureux caresser la charmante ;<br />

Va longtemps respirer sa douce odeur d’amante.<br />

Quand ivre de vertiges tu sauras t’endormir,<br />

Sa folle chevelure sera un long soupir.<br />

Toutes tes passions mêlées dans un grand rêve<br />

Vogueront lentement vers la mer qui s’achève,<br />

Et comme le tangué qui berce le bateau,<br />

Seront baisers d’écume sur le roulis des flots.<br />

Évade-toi toujours ; tes puissantes pensées<br />

Comme font les marins dans leurs cœurs oppressés,<br />

Seront colombes blanches dans l’ombre qui expire.<br />

Mais au matin songeant au rêve qui délire<br />

Te réveilleras-tu aux bercements des eaux ?<br />

Mais, ô mon corps, entends les pleurs des matelots !<br />

827


Quand j’aurais épuisé<br />

Quand j’aurais épuisé ma semence charnelle<br />

Dans tes gémissements, ô ma douce cruelle,<br />

Quand le noir repentir sur la couche d’extases<br />

Saura trop me punir de l’horreur des orgasmes,<br />

Je plongerai mon cœur dans ses froides ténèbres,<br />

J’éclairerai mon âme de ses torches funèbres,<br />

Et regagnant ce lieu que tu ne connais pas<br />

J’irai maudire mon corps d’aimer tous tes appâts.<br />

Et peut-être verrai-je à la clarté du Mal<br />

Descendant l’escalier de mon vice infernal<br />

De ces vers resplendir le feu des passions ?<br />

Dans la nuit son phosphore rongera mon remords<br />

Et me fera mourir de pénétrer ton corps,<br />

Ô mon sublime objet, sombre tentation !<br />

828


L’indifférente<br />

Ô sublime beauté, sirène de mes songes,<br />

Quand mon âme se noie, je crois voir et je plonge<br />

Dans l’élixir des eaux, extase de mes nuits<br />

Profondeur inconnue qui lave mon ennui !<br />

Et ton corps apparaît perlé de gouttes d’or<br />

À l’épave enivrée qui s’attache à tes bords.<br />

Ma détresse infinie appelle ton amour<br />

Qui hurle, naufragé, le cri de son secours.<br />

Que t’importe, inhumaine que les pleurs dans ma voix<br />

Implorent l’impossible de mon terrible effroi ?<br />

- Tu ne sais qui je suis, tu ne sais où je vais !<br />

Dans le rêve étoilé il faut donc inventer<br />

Un cynique poète qui se rit d’exister<br />

Du moins pour oublier cette vie à jamais.<br />

829


Connais-tu la torture<br />

Connais-tu la torture infligée par la Mort,<br />

Descendue ici-bas pour corrompre ton corps ?<br />

As-tu subi du ciel l’horreur de l’envoûté<br />

Qui croyant en son Dieu n’aurait jamais douté ?<br />

J’étais pur, j’étais vierge !, et j’avais vingt années<br />

Quand ces monstres vicieux sont venus me frapper<br />

Accusant ma jeunesse de péchés inconnus.<br />

Dans mon corps transparent, mon esprit allait nu.<br />

Terreur du possédé, je suppliais toujours<br />

Et mes cris imploraient l’espoir de l’au-delà.<br />

Mes poings étaient crispés, et je tendais mes bras.<br />

Ha ! Je hurlais mes douleurs sans connaître l’amour<br />

Que ce Dieu insensé m’avait alors promis ;<br />

Car la Force céleste au Mal m’avait soumis ...<br />

830


La conscience de l’amante<br />

Je pourrais pour te plaire prodiguer sur ton corps<br />

Les caresses insensées qui chassent les remords<br />

Et donner, mon amour, sur ta chair déjà lasse<br />

Les plus profonds baisers que ton désir embrasse.<br />

Je pourrais t’infliger les sublimes détresses<br />

Que ton âme envoûtée supplie dans ses ivresses,<br />

Et frapper sur ton coeur les fantasmes sanglants<br />

Que ton esprit vicieux implore en gémissant.<br />

Mais je sais qu’éloigné de la passion charnelle<br />

Éclairé du génie par la flamme éternelle,<br />

Tu vis dans ton Néant que je ne connais pas.<br />

Jamais je ne saurais en mes superbes poses<br />

Proposer de mes charmes les folles métamorphoses<br />

Et offrir au poète la beauté des appâts.<br />

831


La chute vers Satan<br />

Ce monstre sans pudeur sait torturer les âmes<br />

Et peut par sa terreur les plonger dans l’infâme ;<br />

Il aime unir au goût de la lubricité<br />

Le plaisir de souffrir dans son atrocité.<br />

Son génie prend le charme de la métamorphose<br />

Et offre sa beauté dans de sublimes poses ;<br />

Il crée le désir noir de la vile tentation<br />

Aux esprits inspirés de basse prostitution.<br />

Ce démon, par son vice, veut jouir de toute chair ;<br />

Il inflige au croyant la joie du possédé,<br />

Ce besoin de subir le rythme saccadé.<br />

Son alchimie du corps fait oublier l’éclair.<br />

Et plus fort que l’ivresse de la femme et du vin,<br />

Il purifie par l’homme le baiser du Divin !<br />

832


Il vous faudrait oser<br />

Il vous faudrait oser sans rougir de contraintes<br />

Activer sur mon corps ses cris et ses complaintes,<br />

Il vous faudrait bercer de baisers les plus doux<br />

L’amant et le poète qui aiment à genoux.<br />

Mais vous me proposez, ô femmes impudiques<br />

Sous vos caresses viles des positions lubriques,<br />

Et vous vous prosternez, insouciantes à mes yeux<br />

En vos plaisirs sublimes, exaltés d’odieux.<br />

Je préfère à vos corps la chair de la bergère<br />

Parfumée des senteurs enivrées de bruyère,<br />

Je préfère la pudeur à vos horribles appâts.<br />

À moins que toutes deux, par vos chaleurs exquises<br />

Vous sachiez m’exciter, ô divines marquises,<br />

Sur le sofa d’extases qui subit nos débats.<br />

833


La belle soumise<br />

Je supplie ton sadisme de me frapper encore,<br />

De faire hurler d’extase les passions de mon corps ;<br />

Je veux que ta torture engendre mon fantasme,<br />

Que le sang et les pleurs saccadent mon orgasme.<br />

J’implore tous tes vices, monstre de cruauté.<br />

Que ton viol inhumain s’unisse à ma beauté.<br />

Je veux dans la souffrance atteindre le plaisir,<br />

Et faire jaillir en spasmes les enfers du désir.<br />

Il est que je ne puis pareille à ces amantes<br />

Éprouver le bonheur des amours nonchalantes.<br />

En ces caresses tendres, il n’est pas de soupirs.<br />

J’infligerai longtemps à ma chair qui expire<br />

Les hurlements d’horreur qui toujours me condamnent<br />

À n’apprécier l’amour que dans l’horreur du drame.<br />

834


Le tortionnaire repenti<br />

Il cherchait dans l’excès des jouissances cyniques,<br />

Le plaisir tyrannique de posséder un corps ;<br />

Des haines et du besoin de torturer encor,<br />

Il plongeait dans l’horreur des souffrances physiques.<br />

La semence expulsée, son symbole sexuel,<br />

Le poussait tout entier vers des transes barbares,<br />

Pareils à des vaudous dans leurs danses tribales,<br />

Avant de profiter de l’offrande charnelle.<br />

Il nourrissait sa nuit de fantasmes maudits,<br />

Il créait en son âme les sublimes interdits,<br />

Dépeçant les humains, les cadavres et les morts.<br />

Après avoir tué, satisfait de ses crimes<br />

Coulaient sur ses joues rouges des pleurs et des remords,<br />

Des sanglots de pitié qui priaient ses victimes ...<br />

835


Il faut pleurer ce Dieu<br />

Il faut pleurer ce Dieu d’infliger ces tortures<br />

À la masse d’humains implorant vers les cieux<br />

Des prières de paix contre un monstre odieux<br />

Qui toujours se complaît dans les cris des blessures.<br />

Je connais ton extase, ô beauté immortelle,<br />

Et je bois à ta source, assoiffé de l’envie<br />

De jouir des présents que compose ta vie<br />

Éloignant au plus loin les souffrances charnelles.<br />

Il est que mon sublime s’inspire de ton corps<br />

Et chasse de son âme ses passions et remords<br />

Refusant l’au-delà qui jamais ne m’inspire.<br />

Je goûterai longtemps les plaisirs de ta chair<br />

Me vautrant dans le lieu du bonheur qui délire<br />

Voyant peu dans l’azur le signe d’un éclair.<br />

836


Légende bretonne<br />

Quand les noirs goélands voltigent dans l’air pur,<br />

Dans la baie de Penmarc’h irradiée de soleil,<br />

S’en vient se fracasser sur l’horizon vermeil<br />

Un cri agonisant gémissant vers l’azur.<br />

Le pleur d’un trépassé en souffrances obscures<br />

Supplie dans la bruyère dorée d’ocre, et réveille<br />

Les anciens naufragés aux douleurs immortelles<br />

Se souvenant encore de leurs combats impurs...<br />

Les légendes bretonnes racontées tous les soirs<br />

Autour des cheminées amplifient les mémoires<br />

Des vieilles dentellières assises près du feu.<br />

Il paraît que les nuits favorables aux esprits<br />

Les mourants se levant, les bras tendus vers Dieu<br />

Implorent leur pardon sur la mer infinie.<br />

837


Si dans le bel azur<br />

Si dans le bel azur tout empourpré de rose,<br />

De mon esprit zélé chassant son noir morose,<br />

Ô ma Dame d’Amour de mon âme égarée<br />

Peut se faire par ton cœur ma croyance dorée,<br />

Je veux sur mes genoux implorer tes complaintes<br />

Et prier par ta grâce mes douleurs et mes craintes.<br />

Ô ma blanche irréelle invisible à mes yeux,<br />

Je veux punir longtemps tous mes péchés odieux.<br />

Et peut-être sensible aux terreurs qui m’enlacent,<br />

Seras-tu dans mes songes éloigner les courroux<br />

Et frapper en Enfer les Malins qui menacent ?<br />

Ma douceur est si pure, la prière qui absout<br />

Peut-elle justifier la belle délivrance<br />

Toi qui sais que le feu est bienfait de souffrance ?<br />

838


Lorsque dans le futur<br />

Lorsque dans le futur j’irai avant mon âge<br />

Et partirai mourir avecques mes tortures,<br />

Le torrent de mon sang fera de longs murmures<br />

Et nourrira mon nom de ce triste langage.<br />

On entendra longtemps la souffrante complainte<br />

Maudire dans l’au-delà l’horrible destinée<br />

Que le Dieu ou la Muse dans mon infortuné<br />

Parmi de mauvais anges infligeaient à ma plainte.<br />

Mais les plus orgueilleux prétendront de sagesse<br />

Que le Mal prodigué n’est que juste largesse<br />

À mon coupable esprit qui n’a point existé.<br />

Et jamais dans leur cœur ne cueillant un soupir<br />

Un sot ricanement couvrira mon gémir<br />

Que Satan bénira de m’avoir possédé.<br />

839


Le sage et l’insensé<br />

Le sage et l’insensé unis dans leurs délires<br />

Sauront par leurs propos accuser mon jeune âge,<br />

Et du génie poltron pleureront leurs soupirs<br />

Ou mieux se fâcheront de violente rage.<br />

“Ainsi, se diront-ils, du savoir de Pascal,<br />

De quel droit ose-t-il imiter les Pensées ?<br />

Végéter au désert comme le noir chacal,<br />

Ou pareil à l’ermite dans son âme rester ?”<br />

Si telle la beauté je dois offrir mon corps<br />

Au premier courtisan qui voudrait l’admirer,<br />

Quel serait mon mérite dans l’ombre de l’effort ?<br />

Si tel un bon esprit doué à tout venant<br />

Pour quelques belles lettres l’on veut m’apprécier<br />

Ne serais-je précieux ou du moins en pédant ?<br />

840


Il me faudrait, se veut<br />

Il me faudrait, se veut, me montrer sans la crainte<br />

Et par tous mes amis me gloser de complainte,<br />

Gémir tel un génie mes sublimes pensées,<br />

Et faire l’indifférent de lauriers dispensés.<br />

Il me faudrait encore mi-pudeur et mi-gloire<br />

Sans gonfler mon cerveau de superbe mémoire<br />

Parmi les bonnes gens faire le demi-dieu<br />

Et rougir du travail accompli de mon mieux.<br />

Je ne possède point le jeu de la traîtrise<br />

Et je ne prétends pas posséder la maîtrise<br />

Faisant par mon esprit un humble vaniteux.<br />

Aussi je me suffis en ma tendre jeunesse,<br />

Dans ma pauvre demeure de ma folle sagesse<br />

Et prétends par cela être un jeune homme heureux.<br />

841


Breton serait savant<br />

Breton serait savant s’il n’était point Breton ;<br />

Breton serait pensant s’il savait bien écrire,<br />

Hélas, en un patois, il exprime son ton.<br />

Son esprit est si clair qu’en sabots dans la bouse<br />

Il fait danser d’amour les cuisses de sa dame !<br />

Son talent répandu au-delà de son âme<br />

Est admiration aux yeux de son épouse !<br />

Ah ! Du Bellay maudit avec une arrogance<br />

Le vent soufflant de l’ouest des grands navigateurs<br />

Trouvant dans leurs esprits les nouvelles espérances...<br />

De surcroît il saurait que sans poltronnerie<br />

Des guerriers * de demain iront d’un air vainqueur<br />

Chasser du sol français l’Anglais de la patrie.<br />

842


Les Sodomites<br />

Vous vous êtes tous deux jetés dans la démence<br />

Et avez accompli de lâches infamies,<br />

Prétendant que ce Dieu dans sa grande clémence<br />

Saura vous soulager de vos noires sodomies !<br />

C’est ignorer en vain la pureté divine<br />

Qui condamne le Mal animé de l’horreur<br />

De pénétrer le corps en sa substance intime,<br />

Répandue par la chair jusqu’au profond du cœur.<br />

Vous avez compromis l’espoir de délivrance<br />

Qu’à chacun d’entre vous j’avais toujours promis<br />

Préférant au plus pur la joie de la jouissance.<br />

Car c’est prétendre au mal hélas se voir soumis,<br />

C’est donner à son âme le terrible malheur,<br />

Et subir à jamais une atroce douleur !<br />

* Du Guesclin.<br />

843


Essence de sainteté<br />

Si de n’avoir jamais tué le loup qui blesse,<br />

Et si d’être toujours resté en ma maison,<br />

Si jamais à beauté j’ai offert de caresse,<br />

Peut-être que mon Dieu bénira ma raison.<br />

Et si jamais je prie les louanges divines<br />

De pardonner mon cœur de viles tentations,<br />

Il se peut que Marie, mère des punitions,<br />

Saura bien écouter mes prières sublimes.<br />

Il est que dans mon cœur la vengeance n’est point,<br />

Il est que tout le Mal est rejeté au loin.<br />

J’entends de tous les anges les musiques du cor.<br />

Il était que ma chair n’était plaisirs extrêmes<br />

Il était que jouissances m’étaient pures et suprêmes<br />

Et jamais à l’envie je n’ai choisi le corps.<br />

844


Il te faut parvenir<br />

Il te faut parvenir, ô jeunesse affolée<br />

Malgré le désespoir du vers incontrôlé<br />

En ton âme pensante extirper le savoir<br />

Et tirer de l’ancien la sublime mémoire.<br />

Il te faudra longtemps extraire une substance<br />

De tes maîtres savants, fils de la Renaissance,<br />

Qui conquis par l’idée de l’esprit le plus pur<br />

Ont pu dans l’au-delà regagner leur azur.<br />

Je sais que ton cerveau se voudrait tout connaître<br />

Encenser de leur gloire le génie des poètes<br />

Et dénouer les nœuds qu’ils firent en se moquant.<br />

Par-delà les sueurs qu’inflige le sublime,<br />

Je pourrais conseiller à ton cœur se mourant<br />

D’implorer l’Idéal dans sa lueur divine.<br />

845


Il faudrait me conter<br />

Il faudrait me conter de la plus belle histoire<br />

De l’au-delà certain les raisons purifiées ;<br />

Curieux tel un savant je voudrais en mémoire<br />

Les bases les plus saines par la terre édifiées.<br />

Il faudrait que mon Saint descendant en ce lieu<br />

Me montrât du savoir mais en juste milieu,<br />

Des créations divines à mon âme sensées.<br />

Se pourrait-il pourtant qu’un bel esprit sublime<br />

Ignorant l’évidence d’un purifié du Roi<br />

M’aidât à déceler l’image qu’il exprime ?<br />

Il serait étonnant qu’un Dieu si monstrueux<br />

Permît à ses disciples, enorgueillis de foi<br />

D’influer aux humains son génie glorieux.<br />

846


Doubles quatrains<br />

I<br />

Me faudrait-il t’aimer, toi mon indifférence<br />

Qui prétends de ton charme m’éloigner du plus pur,<br />

Et qui confonds ta chair avec le bel azur<br />

Et crois de volupté la blanche transparence ?<br />

Me serait-il possible me roulant sur ta couche<br />

De gémir l’élixir exprimé par mon cœur ?<br />

Par semence sacrée trouverais-je bonheur<br />

Expulsant le plaisir au profond de ta bouche ?<br />

II<br />

Ton image irréelle qui plonge dans mon songe,<br />

Ta beauté immortelle constellée de mensonges,<br />

Ton corps qui se voudrait irradié de fantasmes,<br />

Et ton cœur qui supplie pleurant toutes ses larmes...<br />

847


Je ne pourrais jamais briser le noir miroir,<br />

Je ne pourrais jamais dans la clarté du soir,<br />

Faire briller la lumière que reflètent tes yeux,<br />

Étincelles d’espoir, ô désirs amoureux !<br />

III<br />

La transparence nue propose à ma candeur<br />

Ses parfums volubiles, orgasme d’une odeur<br />

Parsemés, voltigeant dans l’âtre des soupirs<br />

Sur la bouche d’ivresse implorant ses désirs<br />

La caresse amoureuse m’inflige par ses charmes<br />

L’abandon de la chair, ô profusion de larmes<br />

Et je pleure confondu, corrompu à l’amour<br />

Les sublimes délices sur son sein blanc et lourd.<br />

848


IV<br />

Je voudrais m’endormir dans nos amours d’extases<br />

Et plonger en ton corps le plaisir qui m’embrase,<br />

Je voudrais m’alanguir sur ton sein le plus doux<br />

Et respirer encore ta chair sur mes genoux.<br />

Il est que mon esprit s’enivre de tendresses<br />

Et plonge dans l’oubli des sublimes caresses,<br />

Il est que je ne puis oublier la candeur<br />

Unissant au plaisir ton incroyable ardeur.<br />

849


Ombres qui tombent<br />

Ombres<br />

Qui tombent<br />

Sombres<br />

Sur l’espoir insensé<br />

Cœur<br />

Qui pleure<br />

Se meurt<br />

Sur l’exil espéré<br />

Le mort<br />

Qui tord<br />

Sans cœur<br />

Les plaisirs désirés<br />

Et moi<br />

Qui vois<br />

Les plaies<br />

Déchirées<br />

850


Vous étiez mon génie<br />

Vous étiez mon génie et mon prince charmant<br />

Mon unique folie ô mon amour chantant<br />

Vous étiez mon génie et j’étais votre fleur<br />

Perle rosie d’espoir offrant ses premiers pleurs<br />

Mais vous souvenez-vous<br />

De ce soupir d’orgasme<br />

De ces cris de ces spasmes<br />

Que je donnais pour vous.<br />

Mais les revoulez-vous<br />

Ces plaisirs de mon âme<br />

Soupirs ou cris de femme<br />

La joue sur vos genoux.<br />

851


Commencements<br />

Mais quand cesserez-vous de croire en mes raisons ?<br />

Tu subis la torture...<br />

Et quand me repaissant de mes péchés morbides,<br />

C’est ignorer en moi la volonté du Mal<br />

Que j’aime à torturer ceux que j’ai dominés<br />

J’ordonne la souffrance<br />

Sublimer par le Mal cette innocence humaine<br />

Ils implorent mon nom, ô châtiment sublime<br />

Que j’aime à torturer la pureté humaine<br />

Et infliger l’horreur, châtiment de ma haine.<br />

Bétail de chair humaine, meuglez tous vos malheurs<br />

Ô Satan, aime-moi ! Sublimant tes fantasmes<br />

Je peux...<br />

Et mes saints courageux se taisent quand je tue<br />

Parcelles d’or si pures,<br />

Écoutez-les gémir !<br />

Écoutez-les gémir ceux que j’ai enfantés,<br />

852


Écoutez-les pleurer !<br />

A la pensée belle, s’éclabousse mon glaive de raisons autres.<br />

Ô pensée nouvelle, astre du songe !<br />

Ah ! Le génie de penser autre !<br />

Une fois seule que l’éclair pourfende l’esprit !<br />

À cueillir la rosée certains se désaltèrent.<br />

Beauté resplendissante<br />

Parfumée de senteurs et de douceurs exquises<br />

La douceur de ton sein où reposait mon âme<br />

Les rigueurs de l’esprit voulaient punir mon cœur<br />

De l’ardeur du désir<br />

853


L’ivresse du temps<br />

Les parfums de ta chair respirés à l’aurore<br />

Les senteurs de ton corps délivrées par nos morts<br />

Et les cris les plaisirs s’évadant dans nos nuits<br />

Gémissements d’amour qui crient et qui s’enfuient.<br />

Les contours de tes seins et cette jambe longue<br />

Ta chevelure épaisse, une cascade blonde<br />

Qui roule et qui s’écroule sur l’oreiller du lit<br />

Pareille à la rivière qui meurt et agonise.<br />

Et ta lèvre enivrée du plaisir qu’elle attend<br />

Ta bouche qui s’entrouvre pour un baiser du vent<br />

Tes mains qui me caressent et recherchent mon corps<br />

Qui s’agrippent à ma chair en suppliant l’effort.<br />

Et tes soupirs exaltés de femme soumise<br />

Tes désirs espérant une beauté promise<br />

Qui crient et qui implorent dans la blancheur du jour<br />

L’éternel infini des plaisirs de l’amour.<br />

Les pluies et les odeurs délivrées par l’automne<br />

854


Tes jouissances folles offertes à tous les hommes<br />

Et les premiers regrets de nos rêves passés<br />

Et les moments d’extase comme un fruit desséché.<br />

Nos haines qui s’entassent et nos refus de voir<br />

Que nos amours sont mortes couleur de désespoir<br />

Que nos plus beaux plaisirs s’enfuient et disparaissent<br />

Aux roulis monotones d’un navire en détresse.<br />

855


Raisons du poète<br />

Puisqu’il me faut hélas subir tant de chimères<br />

Puisqu’il me faut hélas crier mes haines amères<br />

Je saurais, je le peux, exprimer par mon âme<br />

Violences et amertumes et douleurs infâmes.<br />

Je saurais expulser l’ombre et la trahison<br />

Que nourrissait la mort dans sa sombre prison.<br />

Je saurais, je le veux, prétendre à un délire<br />

Qui, noir, agonisant, dans l’au-delà expire.<br />

856


Les Sonnets/Les Lozes<br />

En lieu de Montauban<br />

Ce que je fais ici en lieu de Montauban<br />

C’est d’apprendre à ma plume à se mieux déplacer ;<br />

Je la tords à nouveau et la veux voir tracer<br />

Par l’encre qui s’écoule des signes en ruban.<br />

Ce que je ne dois pas c’est de me satisfaire<br />

Des proses puériles par les muses appréciées ;<br />

Et si je hais toujours leurs propos outranciers,<br />

C’est qu’une âme inspirée prétend encore mieux faire.<br />

Là si je me punis en ma noire demeure<br />

Pour croire en l’écriture, en de meilleurs acquis,<br />

C’est que l’esprit suppose ce qui lui est promis.<br />

Non je ne crains en rien qu’en cet endroit je meure :<br />

Les belles immortelles, par leurs gloires encensées<br />

M’ont d’un espoir promis sublimé mes pensées.<br />

857


Hymne au Divin<br />

Toi qui dans le Néant fais flamber tes lueurs,<br />

Toi qui du noir obscur engendres la lumière,<br />

Toi qui dans l’Au-delà sais ta gloire première,<br />

Et du génie sublime éclaire tes sueurs,<br />

Peux-tu par ma prière satisfaire ma mémoire,<br />

Et peux-tu lui donner par l’âme qui soupire,<br />

Le divin sacrifice de l’esprit qui expire,<br />

Qui implore et supplie son impossible espoir ?<br />

Car tu peux abolir les lois et son futur,<br />

Et te faire obéir du vil et du plus pur,<br />

Imposant dans les Cieux le puissant repentir.<br />

Toi qui Maître Géant renais de tous les morts,<br />

Qui d’Essence promise défais tant de remords,<br />

Veux-tu Force Inconnue ton hymne retentir ?<br />

858


Si tu sais Du Bellay<br />

Si tu sais Du Bellay, quelle chose c’est Rome<br />

Du plaisir et du vice et d’autres choses encore,<br />

Tu ne sais le malheur de s’essayer au corps<br />

Et de feindre au dormir par la voie de Sodome.<br />

Tu ne sais quelle honte il nous faut déployer,<br />

Par ruse et par traîtrise pour traiter l’excrément.<br />

Ne sais de quel mensonge il faut jouer l’amant<br />

Et courber ou pencher la belle en son foyer.<br />

Tu as su obtenir les pensées les plus pures,<br />

Les amours à prescrire et les vilains parjures :<br />

Par la Grâce de Dieu, ne t’en détourne pas.<br />

Si tu sais observer les noirceurs les plus vaines,<br />

Des rouges et des calots, des grandeurs souveraines,<br />

Par ta forte raison, chasse au loin ces prélats.<br />

859


Celui qui pureté<br />

Celui qui pureté atteindra l’Immortel<br />

Passant de porte obscure à la claire Déité,<br />

Celui-là obtiendra par sa félicité<br />

Le bonheur qui confère le plaisir éternel.<br />

Celui-là gagnera l’aile pure qui respire<br />

Voltigeant, inconscient dans le sublime azur,<br />

Et nageur fait d’espoir par la gloire du futur,<br />

Construira de ses cendres la beauté d’un empire.<br />

Les superbes princesses, les reines à genoux,<br />

Seront saintes ou esclaves admirant sa grandeur,<br />

Soumises à son génie, promises à sa hauteur.<br />

Ou que ses frères d’esprit, haineux et en courroux,<br />

Se fassent chiens et loups, par le Mal qui honore<br />

Et de leurs crocs sanglants lui infligent la Mort.<br />

860


Je ne te dirai point<br />

Je ne te dirai point mes amours immortelles,<br />

Ne sachant les plaisirs qu’on éprouve en ces lieux ;<br />

Et me tairai encore des beautés éternelles<br />

Que mon âme féconde propose de son mieux.<br />

Mais je puis te conter les douceurs solitaires<br />

Que la gorge et le corps expulsent de leur mieux.<br />

Ou te parler toujours des hontes urinaires,<br />

Que ma panse gonflée propulse en tous lieux.<br />

Ainsi étant misère, aucune chair abonde.<br />

Quel que soit le logis où le soupir est monde,<br />

Il est que fait poète on me veut malheureux.<br />

Je me sens entouré par l’âme maléfique.<br />

C’est encore le désir d’une Muse saphique,<br />

De sublimer l’écrit pour me voir douloureux.<br />

861


Je ne m’abuse point<br />

Je ne m’abuse point qu’en tout lieu de nos villes<br />

Celles mêmes pucelles se changent en catins,<br />

Et pareilles effrontées comme sont les putains,<br />

S’aguichent et se transforment en de vilaines filles.<br />

Je ne m’amuse point qu’en ces jeux les plus vils<br />

Celles-là fleurs encore se donnent jusqu’aux demains,<br />

Et s’offrent des plaisirs et s’activent des mains,<br />

Fantasmant ou rêvant de leurs mâles virils.<br />

En ces temps tout est bon à la cuisse légère<br />

À désirer la chair, à caresser la peau ;<br />

Et celles-ci sont loin de ma pure bergère,<br />

Vagabonde et limpide dans la belle campagne,<br />

Sinon que celle-là jouant de son troupeau,<br />

S’essaie peut-être aussi leur servant de compagne.<br />

862


Il est sot d’accuser<br />

Il est soit d’accuser le poète en sa tour<br />

Qui, dans son désespoir s’essaie de mieux parfaire,<br />

La pauvreté d’un don afin de se défaire<br />

De sa basse ignorance que sa raison entoure.<br />

Il est sot d’accuser sa sombre solitude<br />

Qui se veut d’obtenir des meilleurs accomplis ;<br />

Qui se doit de chercher des sonnets assouplis,<br />

Afin de satisfaire à la noire multitude.<br />

Il faut tant de courage et de sueurs encore<br />

Que le vouloir punir s’activant dans l’effort<br />

C’est d’un lâche stupide que je veux évincer.<br />

Il faut tant de crétins pour peupler le bas monde<br />

Que je puis pardonner par leur bêtise immonde,<br />

Leurs stériles paroles qui me feraient grincer.<br />

863


Ô mon âme incomprise<br />

Ô mon âme incomprise, ne te languis en rien !<br />

Tu te dois de laisser l’insensible critique,<br />

Incapable qu’elle est par son droit despotique,<br />

De savoir séparer l’ivraie de son bon grain !<br />

Ô mon esprit penseur, cesse enfin de gémir !<br />

Tu ne peux l’ignorant de toujours l’accuser,<br />

Innocent qu’il sera, ne veux-tu l’excuser,<br />

De ne comprendre point l’amour et son soupir ?<br />

Il est qu’un Comité satisfait de son rang,<br />

Prétend par le pouvoir qui lui est conféré<br />

Décider du savoir dont il use en régnant.<br />

Il ne sert de jurer de son inaptitude<br />

À vouloir encenser ce qu’il a préféré,<br />

Même si son erreur prêche l’exactitude.<br />

864


N’est-ce pas d’un stupide<br />

N’est-ce pas d’un stupide que de quitter ces lieux<br />

Pour s’en aller quérir en traversant le monde<br />

Que la terre à tourner est toutefois très ronde,<br />

Qu’une mer en furie est océan furieux ?<br />

N’est-ce point de bêtise que la folle jeunesse<br />

Pour se vouloir mûrir se veut de rencontrer<br />

Mille entraves ou déboires afin de démontrer<br />

Que de vivre ses vœux est preuve de prouesse ?<br />

Sont-ce pas ces regrets que certains ont chanté<br />

Pleurnichant leur pays et leurs muses angevines<br />

Se lamentant encore de leurs sources divines ?<br />

Sont-ce pas ces antiques que plusieurs ont chanté<br />

Fuyant la douce France et ses belles campagnes<br />

Cherchant le satisfait par-delà les montagnes ?<br />

865


Vois-tu, mon Buridan<br />

Vois-tu, mon Buridan, je sais sur cette terre<br />

Ne me plaindre jamais des malheurs les plus bas ;<br />

De ne gémir jamais des gloires que je n’ai pas,<br />

De ne râler en rien du génie qu’on enterre.<br />

Vois-tu, je puis tenir, et noircir dans mon ombre<br />

De mon vers, le précieux, le bien qu’on n’aime pas.<br />

Je peux ternir l’amour qui m’est chair et appât,<br />

Et dormir dans la Mort que je veux pierre sombre.<br />

Je dis qu’il est demain aux plaisirs de mon ange<br />

De croire en un Toujours, en des désirs plus beaux<br />

De couler par mes pores maints sanglots de mes eaux ;<br />

Je sais qu’on ne peut pas aimer de mon étrange<br />

Par ce sonnet sensé tous ces mots à graver,<br />

Et qu’il faut la folie pour oser les braver !<br />

866


Je voudrais m’endormir<br />

Je voudrais m’endormir dans les yeux de la Mort<br />

Glisser tout doucement, mais sans aucun remords ;<br />

Sans regrets, sans soupirs, m’étendre dans la nuit,<br />

Tomber dans l’ombre noire du soleil qui a fui.<br />

Je voudrais respirer les plaisirs de la Mort,<br />

Les jouissances promises, délivrances du corps,<br />

Et libérer enfin les tortures de la chair<br />

Qui condamnent mon âme aux sombres adultères.<br />

Je voudrais voltiger par-delà l’univers,<br />

Glorifier mon esprit au-dessus de nos sphères,<br />

Purifier les noirceurs qui hantent mes malheurs.<br />

Parvenant à chasser par mes vœux les plus chastes,<br />

Les horreurs de la vie, ces terribles douleurs,<br />

Foudroyer ces frayeurs à ma raison néfaste.<br />

867


Je ne te dirais point<br />

Je ne te dirais point mes amours immortelles,<br />

Ne sachant les bonheurs qu’on éprouve en ces lieux ;<br />

Et me tairais encore des beautés éternelles<br />

Que mon âme féconde propose de son mieux.<br />

Mais je puis te conter les douceurs solitaires<br />

Que la gorge et le corps expulsent de leur mieux.<br />

Ou te parler toujours des hontes urinaires,<br />

Que ma panse gonflée propulse en tous ses lieux.<br />

Tu vois qu’étant misère aucune chair abonde ;<br />

Quel que soit le logis où le plaisir est monde,<br />

Il est que fait poète on me veut malheureux.<br />

Je me sens entouré par l’âme maléfique :<br />

Et c’est bien le désir d’une muse saphique,<br />

De sublimer l’écrit pour me voir douloureux.<br />

868


Cinquième brouillon<br />

Les Lozes<br />

2 Étrange visiteur qui anime ma nuit !<br />

Qui dans l’ombre brumeuse tel un ange s’enfuit !<br />

J’offre sur un rectangle les signes à nettoyer,<br />

Les chiffres qui se cherchent, les sons qui se répondent,<br />

6 Et les mots qui se fondent, les phrases à renvoyer.<br />

Et lui-même m’observe et s’essaie sans un bruit<br />

À déduire de mes lois celles qui correspondent.<br />

Vérifie tel un maître, l’écrivain qui construit.<br />

L’architecte est de marbre, et l’enfant est de sable.<br />

4 Le temps ensevelit mon travail périssable.<br />

Car de ma boue fangeuse, ai-je tiré de l’or ?<br />

Dans ce charbon noirâtre, nul diamant ne dort ! ...<br />

2 Mais sa forme grandit et son spectre apparaît<br />

Et sa critique acerbe condamne mon attrait.<br />

Ton présent est promis à la race dernière,<br />

4 Car quel cristal opaque se baigne de lumière ?<br />

L’enfer dans sa splendeur est un feu merveilleux,<br />

869


Mais de ta flamme torve, peux-tu être orgueilleux ?<br />

Il s’acharne, il arrache la chair de mon esprit<br />

Il frappe la cervelle et l’extirpe du songe<br />

6 Qui se pensait en grâce et n’avait rien compris.<br />

Mais lui-même incapable, peut-il se trouver pur<br />

Et nourrissant sa substance d’un sublime mensonge,<br />

Croire que sa mémoire est un génie obscur ?<br />

870


Sixième brouillon<br />

Je te hais pour ton pur<br />

2 Je te hais pour ton pur, ô mémoire de moi-même<br />

Et je dois te trahir pour ton savoir suprême.<br />

Que me vaut ta substance issue de cet esprit<br />

Qui se veut de sa forme, immortel ! ... Incompris ! ...<br />

6 Je peux juger sa chair éternelle et funeste<br />

Qui désire dans sa loi échapper au céleste !<br />

Nul don commande à l’âme de se baigner de larmes :<br />

Inspiré, c’est le rire qui se plaît de tes charmes !<br />

Il dit d’un son moqueur les vers de mes faiblesses<br />

4 Enrichies du Néant et de piètres noblesses.<br />

Il crie pour m’interdire de tenter de poursuivre<br />

Le coup et l’exigence que je me dois de suivre.<br />

2 Je le tue. Je détruis le maître de l’extrême ;<br />

Mon miroir m’illumine, précieux diadème ...<br />

Mon reflet, mon éclat prolongent mon sublime !<br />

4 Que je plonge dans l’ombre d’un monstrueux abîme !<br />

871


Ô conscience, science de la source boueuse,<br />

Ô rafale du songe qui m’emporte houleuse !<br />

Je me déchire. J’arrache l’insipide pensée,<br />

Je m’acharne à détruire ma parure insensée,<br />

6 Et mon nu découvert s’annule en s’observant<br />

Et se prosterne honteux, piteux, se décevant !<br />

Présence de moi-même, mémoire de mon suprême<br />

Précieux diadème, ô maître de l’extrême !...<br />

872


Septième brouillon<br />

2 Que n’es-tu toi qui t’aimes dans ta vieillesse immonde ?<br />

Observe ce toi-même, ce pareil qui se sonde !<br />

Non, ma beauté, mon pur sont l’éclat de mes ans.<br />

Je puise au souvenir l’image de mes songes.<br />

6 Si parfois je parcours ma mémoire où tu plonges,<br />

Je trouble mes eaux claires au souffle de l’élan.<br />

Et mon esprit certain saurait trop me suffire,<br />

De ton charme éternel si ta pensée soupire.<br />

Mais je peux pour te plaire te prêter un sourire.<br />

4 Le parfait de mon âme me satisfait d’un rire.<br />

Oui, je veux que ton Moi au miroir des fontaines<br />

Pousse sa douce peur et ses brises soudaines.<br />

Ne dois-tu t’approcher ? Est-ce doute suprême<br />

2 Qui retient ta venue ? Que ta crainte est extrême !<br />

873


Je ne veux avancer pour vouloir me paraître.<br />

Tu n’es point ennemi comme tu es mon être.<br />

4 M’étant juré toujours que jamais je ne change<br />

La raison de te voir me semble trop étrange.<br />

Ma parure immortelle condamne ton plaisir.<br />

Je ne puis effleurer l’ombre de ce désir,<br />

6 Je m’éloigne pour le doute que tu nous as donné<br />

Que me vaut la caresse de chercher à me voir ?<br />

J’abolis la faiblesse ne sachant que me croire<br />

Pardonnons à nous-mêmes de s’être abandonnés ...<br />

874


Seconde jetée<br />

Tu te verras te voir, identique à toi-même,<br />

Et tu te jugeras dans ta pensée suprême.<br />

Je suis plus que Narcisse ne sachant qu’au plaisir<br />

Donner à son reflet la beauté du désir.<br />

Et je suis ce moi-même qui vit avec son corps<br />

Qui semblable à sa chair agite son décor.<br />

Agite son semblable et parle par ses membres ...<br />

Je te vois dans ma chair. Et moi-même, tu trembles ! ...<br />

Tu es plus que mon frère. La dimension extrême<br />

Me confère de trois fois ta chair, ta chair si blême.<br />

Tu es toujours ce frère en doublant ma naissance.<br />

Je ne sens vivre en toi, orgueil de ma puissance !<br />

Tu ne sauras te croire, inapte à le penser,<br />

Mémoire de ta mémoire, mais encore dépensée !<br />

Il ne m’exprime point ignorant mon savoir,<br />

Il n’extirpe que mon nul, feignant à son devoir ...<br />

Ton propre qui te voit te propose en critique,<br />

875


Dispose de ton âme, de ton sublime antique ...<br />

... T’impose du regard le produit de soi-même.<br />

Mais tu reposes hagard, ô feu d’un diadème !<br />

Et mon corps se mouvant n’est rien que ressemblance !<br />

Que l’un vienne à la mort, ô fruit de délivrance !<br />

Conserve mon image dans un dernier soupir,<br />

Comme de mon trépas, je revis quand j’expire !<br />

876


Douzième brouillon<br />

2 Dans ce désir de chair et dans ce moi intime<br />

Repose en languissant, ô sublime victime !<br />

Je veux au plus profond, accueillant ton nectar<br />

4 Accoupler ton génie et ton âme féconde<br />

À mes beautés de formes dans cette toison blonde,<br />

Je veux te voir mourir dans mon regard hagard.<br />

Je prendrai ta puissance et je ferai jaillir<br />

Les jets de nos passions, superbes élixirs<br />

6 Qui roulant en cascades entre mes cuisses offertes<br />

Se glisseront d’extase sur mes lèvres ouvertes.<br />

Ce feu qui scellera le fruit de notre union<br />

S’élève dans la gloire par cette communion !<br />

2 Mais à peine éloignée de ce plaisir de femme<br />

Je renais du mensonge où je posais mon âme.<br />

Je me plais à détruire ta substance fangeuse,<br />

J’expulse ton médiocre sans le moindre remords<br />

6 Et je nie pour toujours le combat de nos corps,<br />

Piteuse tentation de faiblesse orageuse.<br />

877


Je laverai mon cœur pour chasser l’excrément,<br />

De ta gloire versée sur mon ventre béant.<br />

Et pour me purifier, pour condamner cet acte<br />

J’implorerai Satan de m’accorder ce pacte :<br />

4 De punir l’avorton qui dans mon sein grandit<br />

Et le donner au feu pour en faire un maudit !<br />

878


Souffles nouveaux I<br />

Jette dans le noir désir<br />

Jette dans le noir désir l’ombre spirituelle qui se plaît à<br />

enorgueillir tes nuits. Plonge sous la clarté macabre les derniers délires<br />

de tes folies.<br />

Hélas, je propose toujours des combinaisons puériles. Je joue<br />

par l’analogie, par l’avalanche de mots de la même famille. Mais quand<br />

comprendrais-je que je ne suis plus apte à exciter ma critique avec de<br />

telles solutions ?<br />

Un jour maudit entre tous, je délaisserai ma chair et regagnerai<br />

l’intemporel. Je défis l’existence de m’apporter une once de savoir ...<br />

Rare est le verbe possédant sa teneur, sa charge de vérité me<br />

permettant d’agir. Mon “ Je ” est détestable.<br />

Je cherche à transmettre le produit dans des conditions extrêmes<br />

de gains. Je veux pouvoir dire : je prends et j’ajoute.<br />

Donné aux esprits de l’air, soumis aux verges du ciel ! À l’aube<br />

879


du poème, je n’étais qu’un fils coupable. Il fallait descendre le maudire<br />

et le soumettre jusqu’à ce que la douleur lui fît produire ces écrits<br />

impossibles.<br />

Le génie d’ombres, la lumière intérieure. Dans les fluides de<br />

fumée, ce sont des protections ridicules et dérisoires. La chair adressée<br />

... Les cicatrices invisibles. L’horreur de la souffrance et pour quelle<br />

Force d’espoir ?<br />

Un avenir ! Que l’on fasse germer un futur ! Un avenir et non<br />

pas un amas cotonneux de verbes et d’insuffisances. Un avenir<br />

splendide, épuré pour y baigner son âme assoiffée. Qui implores-tu ? Lui<br />

abonde, lui est repu !<br />

Pensées autrefois sublimes, pensées aujourd’hui contrôlées. Un<br />

esprit vif se hâte jusqu’à n’obtenir que le néant de soi-même.<br />

Il y a aberration à vouloir tout écrire, à se dire : qu’importe, je<br />

parviendrai toujours à récupérer la structure, ne suis-je point un habile<br />

trapéziste qui retombe sur le fil ? D’ailleurs, il y a un filet.<br />

C’est une constance d’incompréhension, mais de ce tas<br />

douloureux monte un effluve léger et dansant qui nous indique la voie à<br />

880


suivre.<br />

La réponse de la cervelle me fascine comme un éclair traçant<br />

qui signe la feuille de papier.<br />

De ces déchirements, de ces violences internes, de ces conflits<br />

invisibles, qu’en tirera l’intelligence ?<br />

881


Délaissés par la folie perverse<br />

Délaissés par la folie perverse, nos délires sont des fontaines<br />

d’opales perlées. Nous poursuivons les aigreurs de nos pulsions pour en<br />

tirer ce mélange fade et laid. Tout cela est atroce, abominablement<br />

sauvage, inutile d’accès. Des strideurs de cris, des tabous, des<br />

ricanements, des hurlements - Sabbat.<br />

Je hais la nature. Je déteste le bruit du van dans les nuages<br />

bariolés de fautes d’hortografe de grammair, d’image, de signes à<br />

compter, d’un moi à défendre, d’une pucelle à offenser etc. On dirait du<br />

Prévert, et ce n’est pas un compliment.<br />

Une écriture nouvelle, non pas plus pure, mais belle toutefois<br />

comme une femme à qui on insuffle la vie. Au commencement de la<br />

lettre était, et la lettre s’unit au chiffre. Mais le chiffre était amoureux de<br />

la note. Faisons cela à trois, se disaient-ils.<br />

Je crains de n’obtenir en expulsant la phrase qu’un effet<br />

mécanique à transcrire. Il me faudrait penser autrement, avec une<br />

intelligence apte à produire des structures nouvelles.<br />

882


impossible.<br />

L’obtention du résultat est méprisable. Ma quête ridicule et<br />

forme.<br />

Pourquoi pousser le fond ? - Parce que l’on ne peut parfaire la<br />

Nous serons la chair embaumée dans le désespoir mortuaire,<br />

nous habiterons des lits d’hôpital souffrant des cancers, des plaies<br />

impures, nous serons ... nous habiterons ...<br />

J’étais mort avant vous au cœur de mon adolescence, soumis à<br />

revivre par l’ordre fatal du Divin. Après je suis devenu. Je le prouve<br />

puisque j’écris.<br />

Dans le déchaînement des vices sensuels, dans l’absolu des<br />

fantasmes interdits ... hélas, j’ai tout détruit, j’ai tout étouffé.<br />

883


Je constate avec résignation<br />

Je constate avec résignation l’impuissance du Moi poétique.<br />

Quelle est ma marge de progression ? Jusqu’où puis-je espérer aller ? Et<br />

ce sinistre désespoir, et cette absolue conscience devant les œuvres des<br />

autres, - des Génies. Difficile ! ... Faut-il abandonner ? Pourquoi écrire,<br />

si l’on n’est pas capable de faire mieux ?<br />

Je glisse, tu glisses, il glisse. L’on produit plus qu’autrefois,<br />

l’on produit moins bien qu’autrefois. Le latin et le grec nous échappent.<br />

Nous les remplaçons par l’anglais et l’allemand. Nous sommes devenus<br />

des agents d’entreprise et non pas des artisans d’art. Alors nous tombons<br />

des nues devant la façon parfaite dont Baudelaire composait ses sonnets.<br />

Lui-même n’était-il pas désespéré de la manière dont Racine écrivait<br />

Athalie ? Racine de s’indigner devant Dante, et Dante de se maudire en<br />

lisant Virgile ?<br />

Ce que je veux, c’est inverser cette tendance, mais j’ignore la<br />

manière de m’y prendre. L’on peut y gagner avec la quantité. Je serai<br />

donc ce gros commerçant quincaillier qui méprisera l’habile manière de<br />

son collègue bijoutier, comme celui-ci a un chiffre d’affaires inférieur au<br />

sien.<br />

Vers quel avenir ? Quelle est ma certitude ? Si du moins j’en<br />

884


tirais des résultats probants. Je ferai peut-être plus...<br />

Nous n’éprouvons nulle jouissance à nous sublimer. Nous<br />

n’obtenons que des effets minimes. Vous qui êtes lecteurs, vous prenez<br />

autrement l’image, le son et sa vibration.<br />

885


Maintenant que la mort<br />

Maintenant que la mort nous regarde avec son oeil noir, nous<br />

faut-il haïr le temps d’avoir eu raison ? Pénétrons l’épouse sombre du<br />

temporel, faisons valser les délires obscènes de nos âmes vicieuses,<br />

recherchons le plaisir hagard pour oublier qu’à chaque instant, sous<br />

chaque minute on nous tue.<br />

Le soleil de minuit respire son deuil sous ses dais de rayons<br />

tombant. S’il pleuvait une légèreté de brise, l’arc-en-ciel de l’espoir<br />

éclairerait nos âmes.<br />

Quand je cesserai de te détester, d’expulser ma substance<br />

sublime dans ta chair violée, je te chasserai dans l’indifférence de nos<br />

défis, plus loin, derrière nos souvenirs disparus, à mourir.<br />

Ne m’accuse pas d’indifférence. Que puis-je espérer d’un coeur<br />

qui ne bat plus, d’une chair qui se tait ? Le Mal te torture ? Tu hurles ?<br />

Je ne t’entends même pas souffrir.<br />

Agonisant encore sous quelques cendres chaudes, j’expulse mes<br />

dernières sueurs sacrées, je tire les ultimes prélèvements de l’esprit<br />

créateur. Qu’obtiendrai-je de cette nourriture nouvelle ? Je n’ai même<br />

plus la force de m’entendre gémir.<br />

886


Tout ce qui instruisait ma cervelle jouissive était énergie<br />

rapidement ingurgitée. Je n’étais qu’une mécanique d’apprentissage,<br />

avide et jamais satisfaite, cherchant à produire toujours plus, à créer<br />

autrement.<br />

Mais l’obtention du résultat était décourageante. Je jetais les<br />

feuillets à peine achevés dans le mépris et l’indifférence de mon âme. Je<br />

croyais pouvoir faire mieux. Je désirais extirper par le vice, par<br />

l’irritation, par le Rien et le Mal, d’autres poèmes subtils ou niais,<br />

invisibles ou invincibles. Je n’obtenais que le dégoût de soi-même.<br />

Faible compassion.<br />

Ai-je eu l’idée, une fois, une seule, de délaisser l’acte d’écriture ?<br />

Je ne le pense pas. Il n’existait aucun autre moyen d’expression me<br />

permettant de catalyser, de canaliser le débit qui soufflait en moi.<br />

J’affermis mon printemps, bel espoir du passé ! Je réinvente un<br />

rêve bercé d’impossibles, de tentations audacieuses - mais tout cela est<br />

inutile - je cherche le départ vers l’avenir qui me guette. Pourrais-je<br />

encore retrouver cette impulsion juvénile qui me permettait de savoir et<br />

d’admettre, de comprendre et d’analyser en prescience, parce que<br />

jeunesse a toujours raison ?<br />

887


Quelle heure est-il ?<br />

Il est l’heure de produire.<br />

Et je t’entends, moi le forçat de l’écriture soumis à extraire de<br />

ma cervelle des solutions autres, guère satisfaisantes, mais ô combien<br />

utiles pour apprendre à me détester, et pour m’obliger à tirer encore de<br />

nouveaux rots de cette gorge putride !<br />

888


L’infructueux espoir<br />

Nous tendons vers l’infructueux espoir, conscients de nos<br />

incertitudes, poussés par la folie de vouloir autrement. Nous croyons<br />

avec un langage nouveau, reconstruire l’univers parfait. Nous échouons<br />

évidemment, pauvres crétins de l’écriture que nous sommes.<br />

D’essence unique, de pensée supérieure, l’Esprit dirige<br />

l’inspiration. Ce Dieu merveilleux doit me donner ce que j’espère, ce<br />

que je quémande. Suis-je suffisamment pur pour accéder à la réception<br />

du contenu ?<br />

J’attends, j’explose en syllabes inconnues, en structures<br />

différentes à concevoir. Je souffle sous les cendres de la feuille brûlée. Y<br />

a-t-il un livre ? Quelle manière ?<br />

Il faut penser : comment écrire autrement ?<br />

La pensée jaillit puis se meurt en apothéoses de nullité. Tout<br />

s’en retourne au néant, à l’insipide parole avortée. Je continue à<br />

chercher.<br />

De quoi te plains-tu ? Dans ta solitude superbe, tu produis. Que<br />

dirais-tu si le mal pourri rôdait dans ton corps pour t’interdire d’agir ?<br />

889


Sous le silence, il y a la tombe éternelle, splendide femme<br />

comme un vagin de luxe. Je viens jouir dans ton Néant de chair, épouse<br />

distinguée du poète inconnu.<br />

Ange plus clair, éblouissant d’orgasmes, suppliant la chair belle<br />

de s’endormir à côté de l’image, puise longtemps au plus profond de toi<br />

l’espoir d’un idéal songeur, l’infini d’un corps de pureté et le<br />

mouvement de lignes effilées, là-bas, plus loin.<br />

Plonger sous soi pour y chercher l’interdit et l’excès, la<br />

substance salvatrice des audaces exubérantes, se jeter dans le noir pour y<br />

ramener quoi ? Une profusion d’images aberrantes, une folie de<br />

condensation de mots, de structures, etc. La raison conseille de s’en<br />

retourner au moi social, de prendre femme et profession. La raison<br />

conseille... Ne faut-il pas la tuer, cette connasse pleine de bon sens qui<br />

embourgeoise nos comportements ? Mais jusqu’à quand saurai-je<br />

résister ? Jusqu’à quand saura-t-il dire non ?<br />

Ma capacité est dans la ténacité, dans ma force vitale à<br />

m’exclure de tout, de tous et de toutes. Je croîs en puissance, du moins<br />

je le prétends.<br />

Mes certitudes perdues dans un avenir publié, détruites par la<br />

890


logique et par la vérité du temps, je vous pense et je vous pèse, ô mes<br />

folles images chargées de grains invisibles ! Pourtant j’avais tort, je<br />

concevais l’impossible à réaliser et je me suis plu de mes chimères. La<br />

distorsion du temporel, puis le retour à la seconde exacte ont condamné<br />

la raison du poète, c’est-à-dire le mensonge.<br />

891


Dans les ténèbres de mon Verbe<br />

Dans les ténèbres de mon Verbe, j’atteins la verve du délire, je<br />

fixe le vertige, je pousse au plus profond et je remonte du Néant.<br />

Tant que je ne parviendrai pas à construire des structures<br />

vierges et nouvelles, je puis dire que mon écriture est inutile. Il me faut<br />

inventer, et je n’y parviens pas.<br />

Je cherche à communiquer autrement, différemment. J’emploie<br />

toujours ces termes, je prouve ma fixation mais je ne résous rien. Je<br />

conçois par les poètes. Si je pouvais...<br />

... L’expulser au-delà du possible. Je dors doucement contre<br />

mon rêve, et là-dessous il rampe. Cherchons la folie du - :<br />

Un privilège de printanier, nous, il conçoit le pur gr. Te le<br />

demande l’impossible par-delà, je<br />

m.<br />

Ecoutelez, écantulez, puissance de volutes, et mort, et mort, et<br />

Atomisez, condensez ! explosion des 26 lettres tel le big-bang<br />

puis reconstruire le dictionnaire, concevoir la bibliothèque,<br />

892


l’arrangement des mots, les différentes langues - Je deviens Dieu - ô<br />

Dieu, inspire-moi que je fasse l’univers des lettres ! Du carbone dans<br />

l’espace !<br />

Dans la pourpre romancière. Ière - Hier, j’étais à futur. Dans le<br />

toboggan de la route a disparu, disparaîtra.<br />

Quel est le risque ? Jusqu’où peut-on aller dans l’audace ? Cela<br />

sert-il à quelque chose ?<br />

Ur. Urle à la douleur. Fait hurler l’innocent dans sa quête<br />

d’espoir. J’ai désiré le voir nouveau, plus dessus, par-delà les forces et<br />

les ailes.<br />

Prends-moi, convie-moi à la déchéance plus belle ! Est-ce la<br />

chance de la liberté ? Ce de la liber ? De la ? e l ? ( ) le rien est beau,<br />

comme une femme qu’on efface, de sa mémoire inventive, de son<br />

imaginaire songeur.<br />

L’idéal, le convoite blondissant. Si je te disais “ je t’aime ”<br />

autrement, me croirais-tu ?<br />

Constitution, convoi, classe, blonde, et tout l’a, là-dessus<br />

s’écroule en orgasmes à venir, en espoirs décisifs. Faut-il encore courir<br />

893


après la fille ?<br />

Essaie la haute, la belle stérile, bondissante d’apothéoses,<br />

explosante en délires, puis dors repu de fantasmes nouveaux, de chair<br />

abondante.<br />

reine.<br />

Puissance d’effusion sous la voûte sacrée de l’intelligence<br />

Soupirs et murmures qui supplient en moi.<br />

Mouvement de l’esprit qui expulse ses premières syllabes et qui<br />

recherche sa diction.<br />

Vierge pensée à peine née, avance à pas raisonnés dans le<br />

labyrinthe de ma réalité !<br />

Le soir descend doucement, il voyage des fumées épaisses et<br />

lourdes. Des souvenirs confus s’amoncellent ou s’entassent<br />

lugubrement.<br />

Ô souffle, mon souffle tellement désiré, irradie-moi de ta<br />

nourriture céleste, laisse-moi puiser en toi toute la substance<br />

enchanteresse et subliminale.<br />

894


Je vagabondais<br />

Je vagabondais dans l’or de la tourmente, délaissant les refuges<br />

et les auberges, où j’avais autrefois abandonné ma jeunesse.<br />

Dans sa chevelure épaisse, je reconnus la beauté d’Hélène qui<br />

voltigeait et tourbillonnait sur elle-même. Sur ses boucles très claires, je<br />

déposais un bouquet de roses rouges. Sa beauté se suffisait du silence. Je<br />

n’avais qu’à me taire sans la surcharger d’effets poétiques douteux.<br />

Je décidai de m’éloigner, emporté par d’autres souffles, pour<br />

d’autres bonds étranges.<br />

Maintenant que tu as refait ton printemps, que te reste-t-il<br />

inventer ? Car tu vas surcharger les effets d’hier, tu vas reproduire les<br />

souvenirs de ton adolescence !<br />

Il te faut te jeter dans l’avenir, vers l’au-delà, en utilisant le<br />

savoir des anciens, pour être plus que toi-même, pour être un autre,<br />

supérieur à ce que tu es.<br />

Eaux d’émeraude verte qui s’extasient dans le bien-être des<br />

douceurs, eaux de mon vouloir, eaux sublimes et amoureuses, venez<br />

caresser le délicat de mes traits si purs.<br />

895


Dussé-je une seule fois m’éparpiller en pétales de mémoire, en<br />

lumineuse source d’amour, et embrasser un peu partout avec des lèvres<br />

orange les contours incertains de la femme faite de chair ?<br />

896


Ainsi fuis ma pensée<br />

Ainsi fuis ma pensée, haute dans la sphère ; l’impossibilité de<br />

l’exécution t’impose à détruire.<br />

Je plonge sous vous. Les mots, les sons, les sens, toute certitude<br />

me soumet à vous détester, haine ridicule...<br />

J’insiste, je poursuis l’exercice.<br />

Le jaillissement est semence en épanouissement de source.<br />

L’espoir vermeil franchit les barrières premières à mon front<br />

serein, le siège de l’agitation.<br />

Le moi se recherche<br />

Avec le concept autre, nouveau, différent au bord du ciel<br />

superbe - mais il n’existe pas.<br />

Je relaxe la chair du poème,<br />

J’atteins ma sainte clarté.<br />

Vapeur d’incertitude, multiple et souple, déliée et défaite, je<br />

touche à ma survivance.<br />

897


spirituel.<br />

Grains de durée, je renonce à concevoir dans mon orage<br />

Je bois l’ivresse du doute<br />

J’exploite la tentative d’un produit autre.<br />

Mon corps désespéré me harcèle, déteste la femme-poème.<br />

sommeil !<br />

Moi, j’exulte, je bondis dans des transes, j’en tire un foudroyant<br />

Ta rondeur est folie, je pénètre dans ton exil. N’es-tu pas<br />

bizarrement fraîche, ou noire ou hurlant sur tes flancs endurcis ?<br />

Rieuse de ma nuit, n’est-ce donc que cela ? Une petitesse de<br />

femme muse inutile et stérile ?<br />

acte.<br />

Tu rends idiot le texte à écrire ; ta solitude n’est plus d’aucun<br />

Je me défais de tes flux inventifs.<br />

898


Conscience du critique<br />

Ce qui est à craindre, c’est le décalage, la perte temporelle,<br />

l’inéquation sociale entre le produit littéraire décadent et la civilisation<br />

progressiste. Être relégué au musée de l’oubli près du dinosaure de<br />

Valéry, être ridicule dans le hangar de la médiocrité.<br />

Du gargarisme poétique, de la nomenclature albanaise. Principe<br />

autarcique, d’autosatisfaction. Implosion du communisme ! Poésie =<br />

communisme ?<br />

Vendre sa force délétère ; l’échanger contre une part de travail<br />

d’un médecin, d’un garagiste, d’un technicien etc. Valeur du travail<br />

poétique ?<br />

Les jeunes ne veulent pas comprendre l’exigence de l’exercice,<br />

la nécessité du sérieux, la formation à temps complet. Ils produisent à<br />

heures libres, ils se délectent de divertissement. Certains mettront trente<br />

ans pour devenir de bons poètes, puis il sera trop tard. Ils n’auront plus<br />

l’énergie intellectuelle suffisante pour ajouter sur le savoir des anciens.<br />

Et ainsi de la décadence ! Jeunes, secouez-vous et agissez !<br />

Le mal n’est pas nécessaire à la poésie ; c’est le travail qui lui<br />

est nécessaire. L’habillage est ce qu’il sera ; ce qui importe, c’est la<br />

899


qualité du corps, des muscles, des tendons, de la chair etc. Produire de<br />

beaux athlètes de l’esprit, de l’intelligence, et non pas des drogués<br />

sidaïsés ! Voilà le principe.<br />

Il faut imiter les structures où l’on obtient des gains : le sport, la<br />

science ; imiter les méthodes, les principes d’investigation, de formation<br />

et de développement.<br />

Ils disent aux jeunes : droguez-vous, sodomisez-vous,<br />

nourrissez-vous d’insouciance, soyez sales, très sales, très dégoûtants,<br />

très puants. C’est sur le fumier que le coq pousse son cocorico. Et les<br />

jeunes les croient. Alors ils les imitent ; ils cherchent l’aventure<br />

extérieure, tandis que les véritables aventures sont internes. Pauvres<br />

gosses ! Et quelle poésie nous laissent-ils ? De la merde. De la pauvre<br />

médiocrité.<br />

Je dis : il faut penser, chercher, produire, lire, concevoir,<br />

inventer, travailler, cinq ans, dix ans. Voilà le moyen de relever le défi<br />

de la décadence poétique dans une structure de techniques appliquées<br />

ascendante.<br />

900


Éloge<br />

Si René Char m’aidait.<br />

Me faut-il donc extraire de nouveaux sucs princiers, de pures<br />

substances créatrices ? Ou dois-je plonger dans mon désespoir pour y<br />

remonter quelques folies perverses, quelques vices inconnus ?<br />

Mais moi depuis trop longtemps j’ai délaissé l’art du Néant. Je<br />

ne conçois plus que par la matière spirituelle, l’élan mystique et sa<br />

souffrance de Saint.<br />

Je suis peut-être trop “ Christ ”, trop “ Voyant ” pour vous, mes<br />

chers poètes d’autrefois. J’ai tant aimé vos œuvres, plus que vos<br />

biographies, plus que vos visages.<br />

Je ne dirai point la teneur du souci. Dans la nécessité, abstienstoi<br />

de ce flux !<br />

Qui épouse beaucoup, rendra plus d’un centuple. Mais qui<br />

expire peu trouvera l’idéal.<br />

À fenêtre ébahie, impose-toi le doute ;<br />

901


Ne mésestime pas la folie du pervers.<br />

J’en connais qui se croient auréolés de gloire.<br />

La petitesse nous invite à la supplication.<br />

Cette futile jeune fille aux accents inconnus, aux poses<br />

audacieuses, se faisant femme dans des relents d’adolescence, je l’ai<br />

prise et reprise puis délaissée sur le lit béant de nos nocturnes<br />

perversités.<br />

Prends ta chair, fais corps avec elle ; au plaisir de sa salive,<br />

d’autres mots, d’autres phrases se formeront par la bouche ovale, par le<br />

vagin charnel ou l’extase des sens.<br />

J’ai perdu dans la contemplation de mes Dieux, la folie<br />

insouciante de mon impiété. Je produis par l’Esprit, sous l’ordre de<br />

l’Éternel. Et tu me parles de cuisses, de rondeurs féminines ?<br />

902


Sagesse et audace<br />

I<br />

Entre la sagesse et l’audace, apprends à concevoir l’occasion,<br />

maîtrise ta chance, elle te guidera.<br />

“ La bravoure et la prudence de David ”, dons du Saint-Esprit.<br />

Puis je sais, puis je prends conscience que je suis Rien. Mais<br />

rien, c’est déjà quelque chose se plairait à ironiser le railleur de l’esprit.<br />

Non, j’écris sérieusement. Nous sommes quatre à comprendre, la Trinité<br />

et Moi.<br />

Absent pour les inutiles, présent pour l’Oeuvre. Que pouvais-je<br />

tirer de vos médiocrités, de vos visages détestables, de vos âmes stériles ?<br />

Le puits était en moi. L’onction était en moi. Je devais y puiser pour<br />

extraire le produit poétique.<br />

Je ne vous ai pas haïs, je vous ai contournés comme on<br />

contourne un obstacle, un mur, un boucheur d’horizon.<br />

Fallait-il s’en référer à vos niaiseries, à vos médiocrités de<br />

fonctionnaires ? Petits jaculateurs de la cervelle, y avez-vous songé ?<br />

903


Je pense à mon idéale de beauté, à cette femme bleue presque<br />

blanche de chevelure à la Magritte. Je la vois pure et transparente, je la<br />

sais confusément sous un amas d’ombres, de chair belle et de<br />

nonchalance. Je l’invite au repos suprême pour qu’elle devienne mienne<br />

dans des épousailles spirituelles. Elle voltige et tournoie et rit de ses<br />

dents éclatantes puis elle se jette sur mon âme pour un ballet nuptial,<br />

superbe et messianique.<br />

Ténèbres de mon âme d’où surgissent des pensées oubliées, des<br />

images de mémoire, je ne veux plus de l’implosion chimérique,<br />

médiocre désespoir. Ai-je l’aptitude pour créer autre chose ?<br />

L’homme rampe dans son esprit, fusillé ou soumis, l’homme<br />

cherche, esclave quémandant le poème.<br />

Donne-moi une chair de poème à pénétrer, à jouir pour un<br />

orgasme cérébral !<br />

904


II<br />

Je ne désire pas immobiliser le temps. Je marche avec lui, je<br />

cours. Non, je le devance, là-bas dans l’avenir.<br />

“ Le temps, je le devance, là-bas dans l’avenir ”.<br />

L’essor sublime vers la pensée élevée. Au plus profond de ma<br />

nuit, que cette divine grâce me soit accordée, purifiée et vraie.<br />

Voltigeant de hauteur en hauteur pour moi et pour les autres. Est-ce<br />

possible ?<br />

Je suis déchet d’écriture, médiocrité de production. Je hais ce<br />

travail détestable dans sa décadence. Mais quand tirerai-je de l’absolue<br />

certitude un futur et pour quelle valeur ?<br />

Résistance. Pourtant je sais que cette forme n’est rien, inutile<br />

dans sa conception. Je n’exploite aucun champ d’espoir. Je combine et<br />

spécule. Je comprends, mais je suis impuissant.<br />

La lucidité de mon néant m’inflige à me détester jusqu’à<br />

l’abandon total du produit à obtenir.<br />

Le mécanisme de la combinaison me convainc d’abandonner la<br />

905


jetée ; je lance parfois, je condense, je refuse, car je sais que je perds.<br />

Je dois certainement chercher dans autrui le fruit à dérober,<br />

l’essence à exalter, seul par moi-même, je suis peu.<br />

prophète ?<br />

Je veux produire par l’Esprit, par sa Sublime pensée. Poète ou<br />

Le fardeau du Mal est trop pesant. Si je possédais l’intelligence<br />

libre, ma recherche serait autrement supérieure. Je poursuis le jeu<br />

ridicule de la douleur, de l’interdit à produire. Quelle histoire !<br />

J’existe par mes absences, car il n’y a personne à voir, à<br />

écouter. Moi seul me suis inutile.<br />

Les œuvres peut-être, les hommes jamais. Ma méthode n’est<br />

pas dans le relationnel avec autrui. Je produis avec des livres, non pas<br />

avec les hommes, hélas !<br />

906


III<br />

Que veux-tu dire ? Es-tu espoir pour atteindre l’exil du<br />

printemps ? Je convoite ta jeunesse.<br />

Que veux-tu dire ? Es-tu femme pour extirper la pensée<br />

nouvelle ? Je pénètre ta chair.<br />

Produisons, encastrons-nous l’un dans l’autre pour les feuillées<br />

d’abeille, pour les aubes éveillées etc. C’est encore les coups d’autrefois !<br />

Je ne cherche plus à écrire les faiblesses, tu le sais, va-t’en.<br />

Je tue la Muse, j’appelle l’Esprit, celui qui inspire, je me fais<br />

esclave, j’obéis. Qu’écrirai-je ?<br />

Je sais où me portent mes insuffisances, nullités, de moi-même<br />

à écrire de la sorte. J’abolis l’image impure, fausse et truquée. Je<br />

travaille en vision à présent. Je pense par l’Esprit. Je suis un moyen.<br />

forte !<br />

Ô les nouveaux exploits de celui qui croit en sa potentialité plus<br />

Il faut apprendre à extraire au-delà de ce qui est possible ; il<br />

907


faut tirer de la cervelle crétine les figures folles, - en vérité ce qui est<br />

interdit.<br />

Tout ce qui est interdit, est essentiel.<br />

Il faut inventer en détestant le mal. Il faut concevoir en<br />

exploitant les outils de l’intelligence.<br />

Je ne veux plus souffrir avec le rictus Baudelairien, avec le vice<br />

du marquis ; j’espère par l’Intelligence belle de l’Esprit tirer de pures<br />

vérités autrement élevées et purifiées.<br />

Qu’ai-je à faire du présent ? Je dois me projeter dans l’avenir<br />

pour savoir et comprendre. Je parle de ma durée.<br />

Je dois conjuguer avec le Verbe, celui qui est près de Dieu,<br />

penser par l’Esprit et créer.<br />

Il n’y a pas travail ; il y a écoute et application de l’écoute.<br />

C’est la recherche de la science sublime, de la pensée<br />

excellente. Le puis-je ?<br />

908


IV<br />

Les feuillées vénérées illuminent l’espace clair sous la pensée<br />

limpide qui se liquéfie, se fragilise puis explose en mille sons<br />

multicolores et dansants là-dessous.<br />

Des nébuleuses sphériques bariolées de lumières voltigeantes<br />

tourbillonnent, jonglent et fuient là-bas derrière les masses bleutées, et<br />

vagabondent.<br />

Les torrents lavent les berges en haillons de verdure. Plus loin<br />

un peintre écrase des couleurs rouges et ocre sur un carré de toile. La<br />

voûte du ciel est bleue électrique. Je ne comprends pas.<br />

Quelle insouciance de l’esprit, quel vagabondage de l’âme sans<br />

raison, sans logique, uniquement confronté au jeu de la lyre pour<br />

produire des coups, des combinaisons heureuses et audacieuses !<br />

Ce n’est pas travailler pour accéder à la Vérité, mais c’est rire<br />

d’une activité impie, c’est caramboler pour le plaisir du divertissement.<br />

Ah ! Que ne puis-je m’en retourner à ma rigueur d’autrefois !<br />

Comme je hais ce désordre ! Le parallélisme assure au marcheur<br />

l’avancée du pied droit suivie immédiatement de celle du pied gauche !<br />

909


C’est vrai que l’on subit la monotonie du placement. Si du moins les<br />

paysages étaient de belles femmes vert émeraude, repues de chair et<br />

plantureuses. Alors en moi s’exciterait la représentation confuse et<br />

confondue d’une avalanche d’images aptes à stimuler...<br />

Et l’essor joyeux me porterait...<br />

Non, je cherche à parler sérieusement, à exprimer la<br />

justification de la règle qui obéissant à l’inspiration s’associe avec elle<br />

pour fabriquer un produit de l’esprit capable de séduire le lecteur.<br />

Sur l’ombre vive enflammée, le fluide de phosphore et les<br />

mèches dressées couleur opale lèchent la crête verte.<br />

L’oeil interne s’illumine, la pensée secrète s’éveille tout à coup<br />

pour exploser en millions de photos, de grains d’éclaircies qui<br />

transmettront l’idée à naître, celle qui cherche à vivre.<br />

Je dois produire ; il faut accéder à un principe supérieur de<br />

stylistique. Hélas ! Que puis-je entreprendre, moi jeté dans le XXe<br />

décadent ? Ai-je la raison et la rigueur du XVIIe ?<br />

910


V<br />

Dans quelle nuit lugubre dois-je me plonger pour extraire le<br />

mauvais diamant du mensonge ? J’en ai assez de mentir, je cherche la<br />

vérité par la certitude de l’Esprit.<br />

Yeux qui voyez, rapportez-moi la lumière spirituelle, celle qui<br />

transperce la matière et vient se loger, là au plus profond de l’homme<br />

sous les battements du cœur.<br />

Chacune des lettres qui compose ton nom, ô beauté, consacre<br />

ton sublime, enorgueillit ton idéal jusqu’à nous faire mourir lentement<br />

d’extase et d’abandon.<br />

Pour qui souffrons-nous ? La grandeur du martyr réside dans<br />

son aptitude à glorifier Dieu même dans la fournaise. Les êtres<br />

supérieurs s’en retournent, masse vaporeuse et décorporation astrale.<br />

Comment produire sans la recherche intérieure, sans tirer de soi<br />

la ressource invisible ? Il faut concevoir un espace différent, un support<br />

nouveau où germera, où s’extasiera la pousse de fleur de Muse.<br />

Pourtant je ne me prétends pas apte à extraire cette richesse encore<br />

inconnue. Ai-je l’éveil de l’inventeur ? Il me faut une mécanique<br />

911


ondulatoire : sera-ce la forme qui engendrera le poème ? Sera-ce le fond ?<br />

Je n’y crois guère ?<br />

Que lis-tu dans ma cervelle stérile ? L’interdit de trouver une<br />

forme pure émise par l’invisible né.<br />

Que dois-tu extirper après ce lustre de léthargie ? Le concept<br />

émotionnel qui répand ses ondes subliminales.<br />

Je prétends à la pensée folle, voltigeant au-delà de ses repaires,<br />

je crois vaguement embrasser des possibilités claires offertes à<br />

l’intelligence blanche.<br />

VI<br />

Si je t’écris qu’il faut tout détruire, tu douteras, tu en seras à<br />

mépriser mes relents d’écrivain. Je hais les révolutions, je leur préfère<br />

l’évolution dans la continuité. Donc : se baser sur les anciens, y ajouter<br />

sa nouveauté, préparer la sauce - le style - et espérer que cela prenne ...<br />

Où en sont les autres ? Je n’ai plus lu de poésie depuis six ans.<br />

J’étais trop fixé sur la Bible et le Coran : 100 000 et 20 000 alexandrins.<br />

Merci. Peut-être “ Libères ” chez Gallimard. Beaucoup me semblent<br />

petits à présent. Moi je pense VH. Qui est un monstre. Mon gros sumo.<br />

912


Ceci est très affectif.<br />

La cervelle, lourde de pensées parviendra-t-elle à extraire hors<br />

d’elle-même ces inconnus à contrôler ? Pour qui ? Le premier lecteur est<br />

un critique détestable.<br />

Il ne s’agit pas ici d’imaginer, non. Il faut puiser en soi-même<br />

la vérité qui s’y cache. Ni hasard, ni mémoire, ni combinaisons de<br />

propositions anciennes mêlées à des concepts ignorés de tous.<br />

Les lumières du Verbe m’éclairent tout à coup comme un<br />

nouveau Christ, comme un nouveau prophète. J’obéis, je tache à trouver<br />

ce qu’Ils m’inspirent. Je crains de me tromper. Ma foi est superbe.<br />

Je cherche par Daniel par Jérémie, par Osée, je cherche et je<br />

trouve. Mais que vaut mon intelligence ? Que vaut réellement cette<br />

perspicacité ? Je ne peux pas me tromper.<br />

Je scrute les Écritures. Je souffre par le Mal. Que vais-je<br />

pouvoir tirer de cette abominable violence ? Est-ce pour produire cela ?<br />

J’ai la connaissance des saints puisque je souffre. Je souffre,<br />

hélas ! À qui profite la douleur ?<br />

913


Ô toi qui plonges<br />

I<br />

Ô toi qui plonges dans le lourd sommeil sans images, conçois<br />

quelque peu par cette substance autre...<br />

Tu m’es espoir par la pureté de l’Oint et sur l’onde inventive, tu<br />

oscilles ou tu penses y découvrir le futur d’un secret.<br />

Ou mieux, tu es le souffle gonflé d’idées sereines, l’algèbre<br />

complexe d’un élixir à découvrir, à déceler là au plus loin, au plus<br />

proche pourtant de la raison diffuse.<br />

Tu m’es l’approche insoupçonnée, la brise d’aile légère dans le<br />

battement envolé, et je dois te saisir, ombre belle d’idée fraîche comme<br />

une femme imagée.<br />

Ou lentement tu descends les marches pour caresser le pur<br />

miroir d’eau fugitive, Princesse chaste aux pieds rêvés.<br />

Et je dois te capturer dans la transparence de ma pensée, quand<br />

à peine saisie, tu m’as échappé.<br />

Et je dois te concevoir dans la claire essence d’un concept<br />

914


supérieur ...<br />

Folie ! Audace ! Oser te comparer de la sorte à la femme, toi<br />

mon principe d’élévation, toi ma spéculation de l’esprit !<br />

II<br />

Je délaisse la terre d’ombres et d’odeurs où la forme de femme<br />

est repos de mon corps.<br />

Je vous cherche, grains de lumière pensés.<br />

Produisez plus sereinement, ô mes grains de lumière dans mon<br />

vide intérieur, comme météorites brûlées dans l’atmosphère. Mon ciel,<br />

ma mer dans leur calme apaisé, et c’est douceur encore sous l’égide de<br />

Pollux.<br />

Femme alanguie dans sa mollesse, dormeuse entre mes bras au<br />

plus clair de la nuit, qui donc en moi écoute le pur gémissement de ta<br />

faiblesse ? M’es-tu démon ? M’es-tu captive ? Ou le mal apaisé ? M’estu<br />

captive et soumise ou belle d’abandon dans l’évanouissement de ta<br />

chair ?<br />

915


Solitude, au plus profond de l’homme !<br />

I<br />

Solitude, au plus profond de l’homme ! Celle qui se répand sur<br />

mon épaule, lourde de chair et de fatigue, comprendra-t-elle un jour le<br />

secret de mon songe ?<br />

Splendide solitude au sublime de l’homme ...<br />

Je te sais seulement pour ta source de femme, je respire<br />

confusément tes paillettes d’or ...<br />

Le désir s’est enfui dans les vapeurs légères de l’orgasme. Je<br />

délaisse ce front de femme offert à la caresse suprême. Je plonge dans<br />

ma propre envie pour me savoir autrement, pour me comprendre un peu<br />

mieux.<br />

Celle qui souffle son haleine claire, comme brise très pure par<br />

ses lèvres éclatées de rouge dans la nacre brillante et parfaite, celle plus<br />

dévêtue que femme, repose corps alangui, rêveur.<br />

Toute perception plus douce à contempler, blonde et admirée ...<br />

Idéale sphère qui tient par son sublime ovale du visage ... et de quelle<br />

autre grâce supérieure encore t’aimer ? Je la sais lointaine, mystérieuse<br />

916


encore dans l’invisible et l’infini.<br />

Saveur de chair recommencée et vierge pour l’amant toujours<br />

nouveau, constance d’épouse qui supplie et gémit, beauté prise au coeur<br />

de son intime, dans son essence de femme, ô grâce et je suis ton captif<br />

dans le creux de toi-même ...<br />

Par toi, le rêve se forme, les noces spirituelles de l’amant, de la<br />

muse ; par toi, la chair se meurt et délaisse le miel délicieux de l’âme,<br />

grandes douceurs pour l’ultime épanouissement de ton orgasme.<br />

...<br />

Solitude au plus profond de l’homme ! Celle qui se répand etc<br />

917


II<br />

Et cet oint sublimé chez les hommes : “ Prophéties ! Prophéties ! ”<br />

Paroles naissantes inspirées par les Dieux, et tout ce souffle ailé, substances<br />

nourricières pour les générations autres, pour les fils et les filles plus purs<br />

peut-être ... de comprendre l’annonce faite.<br />

Nulle âme encore ne peut y prendre le message. Qu’on le<br />

bâillonne donc ! Le convainque de se taire dans l’assemblée silencieuse,<br />

dans la haute assemblée insouciante des paroles d’avenir !<br />

La belle perte de syllabes confuse roule sur la bouche de<br />

l’interdit, se mêle à la salive, à l’huile salivée. Les yeux lumineux<br />

brûlent d’un sel supérieur, et contemplent la beauté du Fils, soupirant,<br />

soupirant, hélas ! ...<br />

Je supplie et j’ai souci d’extase dans l’invisible à créer : ombre<br />

de femme et miel de femme, comme embarcation légère sur des<br />

mouvements de tangués et de voiles agitées encore.<br />

Voici l’amante endormie qui respire imprégnée de songe,<br />

soufflée de mensonges à la première heure bleue. Elle-même est fleur<br />

épanouie et reposée.<br />

C’est elle qui sommeille sous la pénombre du jour dans son<br />

918


amas confus de formes lourdes et d’étoffes épaisses et drapées, là dans<br />

son avalanche, elle dort.<br />

Et moi, je veille celle qui ne m’entend pas.<br />

Ô rêveuse jusqu’à moi hors de toi, temple d’images, qui médite<br />

dans l’inconnu des hommes, comme pensée très pure vers l’espace<br />

aérien, que n’es-tu donc que l’imperceptible certitude de vérité, qui<br />

côtoie le mensonge, le roule, le souffle comme la femme experte ?<br />

Observe-moi enfin : je m’éveille, je m’éclaire tout à coup, je<br />

prends science de ta haute naissance, le front marqué du sceau divin ;<br />

quel subtil bruissement approche encore tout près de toi ?<br />

Vocation qui s’ouvre sur l’ordre de l’illuminé de sphères et de<br />

lumières ! Ô splendeur de la Force sublime ! Ô toi éternellement pur qui<br />

te consumes et renais dans l’instant, dois-je le dire ? ...<br />

919


Et toi plus chaste<br />

Et toi plus chaste d’être enfance de rêve, dans tes blondeurs<br />

nées, n’es-tu point grande fille impossible à présent ? Oui, chair de<br />

femme contre ma chair d’espoir, haleine claire et douce sur mes yeux<br />

assoiffés, et corps d’arôme à ma bouche brûlante et offerte. Entendsmoi,<br />

je t’appelle.<br />

Oui, ce goût de femme amoureuse quand j’approche mes lèvres,<br />

et mon corps agenouillé quand ton interdit est fruit à consommer.<br />

Fourvoyeuse ma langue, tout tendues mes fibres, et je te vois, nappée de<br />

frissons, ouverte en tes herbages, dans ton silence fait de soupirs. La nuit<br />

est pleine d’occasions<br />

...<br />

Bel amour au goût de blé qui respire la profusion de richesse avec<br />

vallons de chair et de désirs bondissants, entends-tu ma souffrance<br />

invisible, ma sombre souffrance de mendicité, de corps brûlé sans soleil ?<br />

Ô fille splendide, le savais-tu ? Me vient toujours la sublimation<br />

de la chair belle, et belle comme œuvre d’art ...<br />

Voici. Elle se déplace. Est-il mots capables de produire l’image<br />

920


quand l’image déteste les mots ?<br />

Celle qui dans la nuit s’évapore sur l’épiderme frais de mon<br />

corps, qui lentement disparaît et fuit le désespéré, - sait-elle pourquoi<br />

réellement ?<br />

spectre ...<br />

Et moi que fais-je entre tes grandes jambes désertes ? Le même<br />

Et déjà dans l’aube laiteuse, la pure cérémonie nuptiale<br />

s’accomplit. Voici ! En cette feuille, s’admire l’épousée. Il y a<br />

longtemps qu’elle avait vouloir de la fibre de ce poème, pour y boire la<br />

vocation : “ Ô chant sublime ! Ô premier chant, je suis impatience,<br />

veuille me prêter la couronne superbe. Suis-je compagne du prophète ?<br />

Belle et soeur du poète ? Et qui sera mon homme ? ... ”<br />

Perle d’amante, ô sublime et désirée pour sa bouche assoiffée !<br />

Liqueur d’extase qui enivre ses lèvres chaudes ! Coule, coule suc de ta<br />

fibre, sueur exquise, sensiblement délicieuse au plus profond de sa gorge<br />

assouvie.<br />

921


Magnifique au loin l’Épouse<br />

I<br />

Magnifique au loin l’Épouse, et l’espérance insoupçonnée !...<br />

Chant de fiançailles, ô vous, je vous consacre mon souffle : j’offre une<br />

clameur belle, supérieure encore qui s’engouffre dans la chambre<br />

nuptiale. Si ce n’est un délire d’excès et de forme, avec quelles faveurs<br />

promises témoignerai-je ?<br />

Il me vient à l’esprit d’essayer ces quelques mots, je me dois de<br />

les combiner dans une folie raisonnée, dans une audace maîtrisée. N’estce<br />

pas là un jeu que d’y trouver son plaisir ?<br />

Oui, mes Dieux, je m’y consacre avec soin, avant qu’elle<br />

s’enfuit dans l’éther incompris, cette grande fille vierge de chair,<br />

d’étoiles incessantes composée.<br />

Je me dois de produire l’écrit, il me faut concevoir le poème. Je<br />

l’honorerai de profusion divine. N’est-ce point grande œuvre que d’agir<br />

ainsi ? Qui dirige le texte ?<br />

Ô mes sublimes donateurs, je vous retourne tous les biens que<br />

vous m’avez remis : j’ai entendu l’ordre, j’étais présent quand le<br />

message fut transmis. Oui, le bel ouvrage se propose et se fortifie. N’est-<br />

922


ce point obéissance à l’appel de la Voix ?<br />

Je parlerai de vous plus tard.<br />

Brise, berce ma naissance ! Inonde-la de souffles purs ! Que ma<br />

faveur repose au vrai soupir de vent léger !<br />

923


II<br />

Substance qui conçoit, qui reçoit l’éphémère parole de toute<br />

vérité certifiée. Oui ! Au plus profond de l’être, se pense une âme qui<br />

change.<br />

Extase d’être dans ta chair, en moi-même repu, au délice de<br />

m’entendre. L’élan du murmure me dicte tout à coup de produire par ce<br />

battement de cil, par ce soupçon d’insignifiance ... et j’émets des<br />

sonorités diverses, des pulsions d’écrit. Tant de choses qui sur l’instant<br />

s’obtiennent ... Ai-je l’étonnement<br />

?<br />

Et moi que suis-je au fond du corps dans la certitude du Fils<br />

avec souffle vrai de son Père, avec voyance d’intelligence des Frères, les<br />

Dieux ?<br />

La main qui pince le calame, qui se berce de paroles faciles, qui<br />

produit et accumule par le poème, n’est-ce donc que cela ?<br />

Comme il advint à celui qui très longtemps, sentinelle de son<br />

ombre, attendait en vain l’explication du message ...<br />

Pour moi, dans la confiance des Dieux, je deviens le serviteur.<br />

924


Ne me dessaisissez pas, ô belles clartés. Mais que suis-je dans<br />

l’immense sérénité, dans cette certitude éternelle, effrayante !<br />

Femme, haute de tes délires, belle tentatrice, tu proposes à mon<br />

âme ces desseins insoupçonnés, ces esquisses d’audaces, vois, je te<br />

prends tout tremblant, soumis, toi, armée de lanières, je viens lécher le<br />

ruissellement de tes sécrétions ...<br />

Ah ! Concept ridicule ! Moi, je puise à la source de l’Esprit ...<br />

Se lève la violence avec picotements aigres sur les cuisses, avec<br />

agressions latentes de ce mal invisible. Et que vais-je obtenir, moi dans<br />

ce tohu-bohu ridicule, dans cette grande messe de la bêtise ?<br />

De penser ainsi le savais-tu ? Me vient parfois cet idéal de<br />

vivre, avec bercements insoupçonnés d’états latents, avec espoirs vains<br />

et instants disparus, gris là-bas peut-être dans des lieux que je ne puis<br />

atteindre, ô mes sources interdites.<br />

925


Je prétends le Verbe<br />

Je prétends le Verbe entre l’Élixir et la pensée céleste.<br />

Inengendré, incréé, au-dessus, Il se conçoit soi-même, sublime<br />

et divin, dans sa parfaite communion avec le Père.<br />

Je me sais hélas dans ma ridicule naïveté de voyant, d’oint, de<br />

rien, de moi en vérité.<br />

qu’à recevoir.<br />

Ton existence terrestre ne te sert qu’à progresser, qu’à sublimer,<br />

La nuit me permet de retrouver l’éphémère image qui disparaît<br />

là-bas derrière le mur. (Je parle en mystique. Moi seul puis me<br />

comprendre). Y voyez-vous des Dieux ? Je les vois.<br />

L’esprit est au futur. À moi la concordance des temps. À vous,<br />

l’interprétation diverse.<br />

Ne me méprisez pas. Souvenez-vous du grain de sénevé.<br />

L’image me reste, puissante et immortelle, - votre image - ô<br />

926


sublime image.<br />

Que puis-je avec ce petit esprit ? Mais que puis-je obtenir ?<br />

Il faudra quantifier le surnombre, donner à certains, taire à<br />

d’autres. Si du moins j’obtenais ce que je me suis promis !<br />

Produis et donne ; travaille et transmets ; ce que tu possèdes,<br />

offre-le à tes fils ; apprends à ajouter sur ce qui est déjà ; nourris-toi dans<br />

tes pères, tes pères instruits.<br />

Absence pour les autres. Non, il n’y avait personne. Ô vous,<br />

mes chers livres, mes belles Pléiades, et puis Toi, et puis Toi, et ton<br />

Frère, et moi peut-être, moi certainement, hélas !<br />

L’Esprit, au plus beau, là-bas, dans l’exil, apparut et qui fuit, si<br />

près de moi, prêt à disparaître, reparti, retourné, à jamais peut-être.<br />

En vérité Père, à part Toi, qui ai-je connu de plus beau ?<br />

Ce n’est pas d’une mémoire dont j’ai besoin ; je recherche un<br />

moyen, une manière de produire, d’extraire. C’est du neuf qu’il me faut.<br />

Qui est neuf ?<br />

927


Les ténèbres de l’espoir m’encombrent sous des ors étouffés.<br />

Entends-moi qui respire, doucement comme un frêle filament, comme<br />

une tige bercée par l’air câlin.<br />

“ Mon frère, le doute. ” (Pourquoi as-tu douté Céphas ?) (Je me<br />

rappelle la parole du Fils) (Moi, j’ai douté de son Père).<br />

Non, ce n’est pas seulement cela. Fallait-il me couvrir de<br />

ridicule, ou porter le poids de la honte ?<br />

928


À l’horizon poétique<br />

À l’horizon poétique est l’incertitude.<br />

Quelles propositions nouvelles, l’intelligence saura-t-elle<br />

produire ? Incapables que nous sommes de faire évoluer la forme, nous<br />

devons concevoir un fond toujours différent.<br />

Qui dit différent, ne dit pas spécialement meilleur.<br />

Je crois en l’intelligence collective. Elle existe déjà dans les<br />

secteurs de la science expérimentale et des techniques appliquées.<br />

Mais les poètes sont des femmes, ils se chamaillent stupidement<br />

et ne savent pas travailler ensemble. Ils travaillent les uns contre les<br />

autres, se méprisent et sous-évaluent leurs exercices.<br />

Ce sont des égocentriques. Le vieil adage : l’union fait la force<br />

n’a jamais été aussi vrai.<br />

Toujours refusés, toujours niés par autrui nous produisons<br />

encore autrement pour changer la manière, pour obtenir un nouveau<br />

fond. Nous courons après l’originalité. Nous en sommes à nous faire<br />

ingénieux en utilisant les symboles et les analogies d’autrefois. Nous<br />

allons vers l’avenir à reculons.<br />

929


Est-ce révolution permanente dans nos piètres cervelles ?<br />

Méfions-nous ! L’avons-nous parfois embrassée dans son concept initial ?<br />

Cherchons encore.<br />

930


Je ne fais que répéter<br />

Je ne fais que répéter.<br />

La splendide lumière du Verbe m’éveille et me sanctifie.<br />

Pourtant je ne participe pas à la sublimation géniale. Je demeure dans<br />

l’ombre de moi-même, vaincu et suppliant.<br />

Le combat dans l’obéissance.<br />

Soumis au Mal, obéissant aux Dieux. Il n’y a pas alternance,<br />

mais interaction, intégration de ces deux opposés. Chez moi, ce mystère<br />

est inexistant.<br />

Comment pourrais-je haïr ? C’est un dégoût que de tout<br />

partager. Est-ce cela élévation ? Je dois donc me plonger dans cette<br />

pourriture de morale.<br />

Toi l’imaginaire, je te déteste, car le mélange est mensonge. Je<br />

cherche mes puretés, mes Dieux, mes prophéties.<br />

C’est par les yeux que l’on se fait voyant et non pas le<br />

dérèglement des sens. (Mais voyant veut dire prophète.)<br />

La mémoire ? À quoi peut-elle servir ? À aller dans l’avenir ?<br />

931


- Puissances infinies ! Que suis-je moi chétif vermisseau ?<br />

- Et cesse de dire : je ne suis qu’un enfant.<br />

Ce bouquet d’ombres de fleurs épanouies au soleil de mon âme<br />

éveille mes espoirs de poèmes, d’élixirs etc.<br />

Voici la lumière et sa couronne de gloire qui triomphe, qui<br />

triomphe. Qui sera le premier ?<br />

L’appel céleste au plus sublime de ma nuit, et la petite<br />

intelligence interrogative encombrée de lourds impossibles à combattre,<br />

éveillée à la lumière qui déchire la matière. Moi.<br />

Je pense aux femmes que j’aime, toujours les mêmes, le même<br />

visage, la même chevelure, toutes en crinières blondes bouclées et<br />

voluptueuses. Ce sont des moissons, des champs de blés, c’est la<br />

richesse de l’amant. Cela est facile, je le sais.<br />

Cette jeunesse avide d’apprentissage.<br />

932


De très grands espoirs<br />

C’étaient de très grands espoirs de croissance pour développer<br />

la possibilité intellectuelle et la faire s’épanouir au-delà de la limite<br />

autorisée, c’étaient ces interdits à violer et à entreprendre. Mais qui<br />

aurait eu l’audace de s’y aventurer ? Quel être se serait prévalu de<br />

pouvoir s’y essayer ?<br />

On disputait pour savoir qui était le premier de Jean ou de<br />

Pierre tandis qu’il fallait se faire Christ !<br />

Et d’implorer la beauté de l’Esprit, l’extrême grandeur de Dieu,<br />

là-bas si loin sur les hauteurs, proche toutefois, apte à transmettre, à<br />

inspirer !<br />

Dans les déroutes de l’intelligence, dans ses méandres abjects<br />

où se mêlent vices et passions, désirs charnels et petitesses matérielles,<br />

on espérait pourtant se hausser quelque peu, on prétendait nos actes<br />

mieux devenir ...<br />

Désastre de soi-même ! Ô la forme effrayante du mal qui gît et<br />

s’anime là au plus près, qui dispose et décide des faillites, qui perpétue<br />

les faiblesses d’hier et les impose encore ! Ô détestable passé, horrible<br />

autrefois !<br />

933


934


La jeune pensée<br />

Ô fille légère presque dansante dans l’orée de mon matin, vois,<br />

je me baigne d’images claires, de pensée aériennes, d’imperceptibles<br />

bruissements d’ailes... Ou je te regarde, tu t’animes, tu virevoltes et<br />

reviens très fine te poser sur le bout de mes doigts.<br />

- Est-ce là cette fille, cette pensée alerte ?<br />

Cette fille et peut-être sotte ?<br />

- Veux-tu te taire ? Là voilà déjà cherchant autre compagne<br />

pour s’associer dans un ballet printanier. Puis une autre encore semble<br />

surgir de l’escarpement de l’intelligence, qui chante, court et danse ...<br />

Observe ! Elle, délicieuse, de grâce vêtue, telle danseuse. Tout cela est<br />

vraiment délicat, de voilures vues et se courbe, et butine, folle dans<br />

l’éther, posée et s’élève à nouveau.<br />

Le bel état subtil de formes insaisissables et entrevues dans<br />

l’éclat de lumière de filles aimées !<br />

Ces instants, ces éclairs, ces fragments conçus et perdus, ces<br />

bonds de la cervelle ... Elles se disputent une forme, avec baguette de<br />

phosphore et voltigent, tourbillonnent sur elles-mêmes, et semblent<br />

démêler le pur de son impur, semblent défaire l’informe, chassent la lie,<br />

935


et s’éveillent dans le sel, mon bel aliment !<br />

Si l’une veut se cacher dans l’ombre, c’est pour reparaître<br />

ingénue ou libertine, folle ou insouciante. Je me régale de ses jeux<br />

amoureux, sibyllins.<br />

Allez viens, pose-toi sur ma bouche et me donne le doux baiser.<br />

936


Le sommeil<br />

Au plus profond de Moi est le Sommeil, sorte de masse<br />

détestable et inerte, repue de fatigue, se nourrissant des excréments de<br />

ma vie éveillée.<br />

Tu m’attires inlassablement vers toi, m’envoûtes et<br />

m’hypnotises. Tu es bête, incapable que tu es d’échanger la moindre<br />

vérité utile à ma raison, tu es l’absence de ma conscience, la constance<br />

de perte temporelle, le mange-vie de mon savoir.<br />

Ta facilité me plonge dans ton néant d’oublis, de récupération,<br />

de nécessaire fortification. Tu es la charge que je porte sur un tiers<br />

d’existence, tu es l’impôt de mon corps, le prélèvement de vie ! Tu es<br />

mon voleur de temps.<br />

Tu gaspilles mon existence, immense et avide, tu es ma faible<br />

performance, mon interdit à spéculer. Tu ponctionnes le temps et ta<br />

durée subsiste car ta dimension est certaine.<br />

Quelle autre pensée pourrait animer mon esprit te concernant ?<br />

Je m’intègre en toi, je pénètre en moi pourtant, mais y aurait-il quelque<br />

subtil échange entre nous deux ? Voilà, tu fais le mort. Je te subis sans te<br />

désirer. Et je me sens terriblement captif de ta fausse personne. Je<br />

937


t’entends au travers d’un soupir. Avec ce rythme lent et régulièrement,<br />

tu exhales le souffle de ton propre système d’existence. Tu es ma<br />

faiblesse, et je me sens stupide en toi.<br />

Je suis un étranger au fond de moi-même, perdu dans sa propre<br />

demeure. Je suis cet être immobile, ce handicapé de l’âme incapable<br />

d’utiliser ses jambes et des bras.<br />

Tu entraves mes mouvements par ta paralysie.<br />

Ton regard intérieur est tourné vers les sombres ténèbres. Il se<br />

nourrit de néant, s’inspire d’ombre et prétend penser toutefois ! Tu te<br />

suffis de ta substance informe et nullement précise, avachi que tu es<br />

dans ta propre cité ! Tu te repais de mes déchets par le travail du rêve, tu<br />

te conçois à travers cette masse ridicule d’images haïssables ... Voilà ce<br />

que tu présentes à ma propre raison, et tu prétends que je dois me<br />

satisfaire de si peu ?<br />

Quelle maigre critique t’a donc disposé ainsi ? Reconnais que je<br />

te suis autrement supérieur. Je suis ta Conscience. Un abîme nous<br />

éloigne tandis que je suis inclus en toi ! Étrange sentiment qui m’éclaire<br />

encore !<br />

938


Au soleil irradiant<br />

Au soleil irradiant ma sublime puissance,<br />

Je bois l’or qui s’écoule de la sphère exaltée.<br />

Je me nourris de nard, d’extase, dès ma naissance,<br />

Je roule dans son souffle de lumière enivrée.<br />

Et le Dieu satisfait de ma nature sereine<br />

S’élève vers le ciel réjoui de bonheur.<br />

Il caresse l’éther baignant de blanche haleine<br />

L’invisible inconnu jusque dans sa hauteur.<br />

Tout principe de vie instruit d’autorité,<br />

Dans la gloire immortelle et l’esprit de splendeur<br />

Éclaire l’intelligence de pure lucidité :<br />

L’oint jadis promis et superbe éternel<br />

Resplendit de beauté parmi ces deux grandeurs,<br />

Divine vision d’espace solennel !<br />

939


Voyance ! Ô mes divins<br />

Voyance ! Ô mes divins par l’esprit de lumière,<br />

Les superbes effets baignés de transparence.<br />

Pour l’espoir absolu de pure intelligence,<br />

Je vous veux désormais dans ma pensée entière.<br />

La puissance abolit l’opacité du mur :<br />

Je peux glorifier la vision suprême.<br />

Je me nourris d’extase comme le saint du Chrême.<br />

Hagard et accompli, je supplie vers l’Azur.<br />

Vous placez ma présence dans l’extrême grandeur<br />

Où mon âme incomprise se suffit de l’exil<br />

Et je contemple encore l’aspect de la splendeur,<br />

La vôtre, si au plus près de l’éternité<br />

Dans le produit d’étoiles insensé et fertile<br />

Où même vous riez de votre immensité !<br />

940


Le qui suis-je<br />

Je ne t’en veux pas,<br />

Je ne me crois pas,<br />

Et j’ai oublié<br />

Ce que j’étais.<br />

Je ne me vois pas,<br />

Je ne me sais pas,<br />

Mais j’ai espéré<br />

Pouvoir me signifier<br />

Ce que je serai.<br />

À quoi avons-nous travaillé<br />

Tout au long de la destinée ?<br />

À essayer<br />

De comprendre<br />

Ce qu’Il avait imaginé,<br />

Ce qu’Il avait décidé.<br />

Qu’avez-vous bien pu faire<br />

Jusqu’à la mort de l’été ?<br />

Nous avons espéré<br />

Pouvoir nous dessiner,<br />

941


Nous décider<br />

D’exister.<br />

942


Le Sylphe<br />

Ô moi, pauvre miroir, je gémis de beauté<br />

Pour m’être caressé dans ma pure nudité,<br />

Et j’implore, et supplie la nymphe souveraine<br />

De tenter de m’offrir sa chair dans la fontaine.<br />

Qui m’écoute attendri au calme éclat du soir<br />

Où la lune laiteuse répand au reposoir<br />

Nonchalamment repue une forme d’ivresse,<br />

Appesantie et lourde imprégnée de mollesse ?<br />

La chair est apaisée et se languit d’extase.<br />

S’étonnant de soi-même, son image s’embrase<br />

Et cherche tout à coup quelque nouveau baiser !<br />

Dois-je me satisfaire de l’invisible effet<br />

Et soupirer, clair Sylphe, dans le bleu d’un reflet<br />

Où l’ombre de mon âme semble s’être apaisé ?<br />

943


La dominatrice<br />

I<br />

Ne veux-tu pas ma chair embrasser la charmante ?<br />

Ne veux-tu pas ce soir caresser ton amante,<br />

Et comme un long parfum tout imprégné de rêve,<br />

Déshabiller sa grâce qui lentement et s’élève ?<br />

Il est doux de mourir dans son corps de déesse.<br />

L’âme y trouve refuge très loin de la détresse.<br />

La chair est sur la chair et se métamorphose,<br />

En s’essayant encore dans de sublimes poses.<br />

Tout appelle à l’amour : l’existence brumeuse,<br />

La conscience du moi toujours dévastatrice<br />

Et sa beauté sauvage ferme et dominatrice.<br />

Implore sa science et supplie-la encore<br />

De verser le supplice au profond de ton corps,<br />

Et de jouir en toi, ô superbe semeuse !<br />

944


II<br />

Quel plaisir trouves-tu à me soumettre encore,<br />

Exigeante et cruelle, ô femme de la mort ?<br />

Quelle jouissance as-tu, ô superbe maîtresse<br />

À entraver ma chair dans le bois de détresse ?<br />

Me voici à genoux quémandant le pardon,<br />

Écrasé et soumis nu et à l’abandon.<br />

Les mains liées, frappé par ta baguette d’or,<br />

Tu m’imposes à lécher les fruits de ton trésor.<br />

Ô Mégère idolâtre, toi divine et sublime,<br />

Enfonce dans mon coeur cette lame assassine<br />

Et viens te reposer en buvant mon poison.<br />

À moins que frénétique et ivre de désirs,<br />

Tu veuilles chevaucher jusqu’au dernier soupir<br />

Les vices inconnus de ma sombre raison ?<br />

945


Ô parfum répandu<br />

Ô parfum répandu sur tes courbes célèbres,<br />

Aromate bizarre nourri de chair intime,<br />

Lente macération de ma plus pure estime,<br />

Je veux trois fois mourir dans tes trouées funèbres.<br />

Et j’irai me répandre là où jaillit la sève,<br />

Dormir au plus lointain de cette forêt sombre,<br />

Me coucher bienheureux comme rêvent les ombres<br />

Et voguer ou nager vers la chair qui s’élève.<br />

Et qui sait si là-bas éloigné de l’horreur,<br />

De la cynique vie où s’épuisent mes jours<br />

Je trouverai un lieu pour chasser ma torpeur ?<br />

Se peut-il qu’en toi-même dans la nuit enfermé,<br />

Je découvre l’issue qui m’offre le secours,<br />

Ô fatal interdit du plaisir embaumé ?<br />

946


Je veux perpétuer<br />

Je veux perpétuer par la race suprême<br />

Le don de figurer dans le tombeau, extrême<br />

D’une mort qui ne fait que languir, et encore<br />

Poser le délicat avec l’éclat de l’or.<br />

Nonchalamment éteint, ou plus vrai, éternel,<br />

À présent éloigné du rut bas et charnel,<br />

J’offre le vrai poëme aux dieux meilleurs élu,<br />

Ayant la suffisance d’être à deux au moins lu.<br />

Comme toi, cher Stéphane, au pur miroir fugace<br />

Une ombre de toi-même apparaît et s’efface<br />

Et nie en cet instant le réel du lecteur.<br />

À moins que retournant dans le passé permis,<br />

Je vienne visiter pour témoin le génie<br />

Qui ne m’accuse point d’un effet de menteur.<br />

947


Into himself resolved by Death’s great change<br />

Il vient à abolir la légende éternelle<br />

Par le temps maîtrisé en sa verve féconde ;<br />

L’éphémère absolue gît livide, immortelle<br />

Crucifiée en son sein par sa haute faconde.<br />

Ô ris si en toi-même tu n’as pu concevoir<br />

Sous le sceau du génie la superbe splendeur !<br />

Ta critique aiguisée sait-elle se décevoir<br />

Reconnaissant l’acquis triomphant de grandeur ?<br />

Mais il se peut encore que t’essayant au jeu<br />

Tu sois, frère, parvenu à gravir l’idéal<br />

Encombrant de bouquets l’art du poème feu ?<br />

Avec sérénité, sur toi tu les déposes<br />

Et veux te gloser d’être le pur féal<br />

Pour le couronnement des invisibles roses.<br />

948


Souffles nouveaux II<br />

Divinités propices ...<br />

Divinités propices à toute sorte de savoir, c’est encore vous que<br />

je supplie, que je supplie agenouillé dans l’innocence de moi-même ...<br />

Et les superbes livres nourris de pensées supérieures, où sont-ils<br />

? J’en ferai ma culture ... Déjà je veux m’instruire.<br />

Pourquoi serai-je triste ? Ai-je bu à la gourde de l’homme ? Me<br />

suis-je enivré de son nectar ? Quel nectar ?<br />

Si l’homme s’engage à mes côtés, je le ferai boire face au Vent,<br />

face au grand Vent du Savoir.<br />

Mes Dieux sont venus me donner naissance pour la deuxième<br />

fois. Jaillissez, ô forces divines ! Suis-je le bien de votre progéniture,<br />

suis-je rajout ?<br />

consacre tout.<br />

Oui, Fils, plus beau encore dans ma certitude, vois, je te<br />

Sont-ce pensées nouvelles dans le vent divin ? Irai-je ailleurs,<br />

949


là-bas, au plus profond de moi-même pour concevoir autrement ?<br />

Donnez-moi, ô Dieux, la plénitude de mon dû !<br />

Encore conceptions plus pures, conceptions élevées par l’Esprit<br />

qui pense, par l’Esprit secondé.<br />

C’est un vol inconnu au-dessus de la ville.<br />

Ha ! Certes, des pensées élevées nourries à l’essence du Vent !<br />

Certes, des concepts autrement définis ! ...<br />

C’est l’envolée vers les espoirs nouveaux, une légèreté de<br />

plume qui monte dans les airs !<br />

L’impatience excède l’homme, homme étrange, sorte de<br />

transmetteur entre la masse et l’irréel, le sommet et le néant. Oui,<br />

l’homme dans sa réalité stupide et borgne, inapte à comprendre et à se<br />

reconstruire, l’homme simple et primaire.<br />

Ce n’est point la foudre, l’illumination brève dans le noir<br />

charbon qui est invoquée, non, ce qui est invoqué c’est l’Autre, je veux<br />

dire le frère de Dieu, sa Présence.<br />

“ Me voyez-vous soudain ? Déjà, je disparais, déjà je ne suis<br />

plus, moi qui suis apparu ”.<br />

950


Ô moi qui subis les outrages, moi si frais dans le monstrueux<br />

orage, saurai-je faire de mes dieux mon Festin ?<br />

Me hâter, me hâter ! produire vite et mieux dans le bel<br />

environnement, dans le lieu favorable, bien éloigné de la cuisse, de<br />

l’aisselle aigre de la femme, et peut-être que mes Fils me succéderont ...<br />

Oui, semences venues du ciel, venez me développer. Aurai-je le<br />

privilège d’être novateur ?<br />

Venez m’envahir, venez me dominer, soyez mes tuteurs, ô<br />

Pères de l’Esprit. Que je croisse, et dans l’expectative des choses de<br />

croissance, que la puissance du Fils, que son immense vérité se fortifie<br />

encore !<br />

La grande formation doctrinale doit me nourrir, m’instruire et<br />

m’élever. Et n’ai-je pas l’espoir d’une potentialité autre, nouvelle, plus<br />

performante, peut-être !<br />

Si l’homme de poésie préfère la rose à son créateur, l’oiseau à<br />

son géniteur, qui puis-je ? Oiseau et rose s’en retourneront à la mort.<br />

Non, je ne suis pas le maître de ma pensée, je suis là face au<br />

951


Vent, essayant de comprendre, de saisir et de concevoir aussi.<br />

952


Conscience<br />

Tu es toujours satisfait de ta piètre médiocrité, tu te flattes<br />

d’être toi-même, et tu festonnes à l’extérieur comme si ta compétence te<br />

permettait de te prévaloir de quelconque valeur.<br />

Pourtant tu es rien, tu es le néant ajouté sur la ténèbre noire,<br />

l’insignifiant rejeté par tous, le vers solitaire se tortillant tant bien que<br />

mal.<br />

Et là au fond de ta conscience, un être prétentieux te dit : “<br />

Qu’importe ! Je ne suis pas compris, ne suis pas lu, je ne suis pas édité,<br />

mais j’ai la certitude de posséder quelque chose, et j’appelle cela le don. ”<br />

Et des milliers, des centaines de milliers de poétereaux de<br />

province, de personnages imbus de leur suffisance raisonnent comme<br />

toi, c’est-à-dire comme des pots de faïence, que Dieu casse, que Dieu<br />

méprise, que Dieu rejette !<br />

Faut-il poursuivre le jeu obséquieux de la séduction ? Faut-il<br />

tenter par-delà les refus, par-delà les certitudes d’échecs la mécanique<br />

inutile du relationnel, qui nous renvoie et nous meurtrit ?<br />

N’y a-t-il pas lassitude devant cette incapacité à prouver à<br />

953


l’autre que ce que l’on produit peut être utile ? N’y a-t-il pas non plus<br />

dégoût de soi-même devant cette constance de refus ou ce mépris<br />

courtois qu’exprime la critique ?<br />

Dans quelle source énergique, dans quelle foi devons-nous nous<br />

plonger comme dans une eau de régénérescence ? Où trouver cette<br />

volonté puissante de poursuivre toutefois le produit détesté de tous,<br />

méprisé de l’ensemble ? Mais où trouver la force ? Est-ce du<br />

j’emboutisme ?<br />

954


Il faudrait engendrer<br />

Il faudrait engendrer une nouvelle essence, éloignée de tout<br />

vice et de toute concupiscence. Tu es lambeaux sauvages, tu te complais<br />

dans ta solitude ardente ... N’as-tu jamais pensé concevoir autrement ?<br />

Avec plus d’humanisme ?<br />

Tu exploses, tu plonges dans le jeu languissant des variables de<br />

mots. Parfois tu gesticules ! Au profond de ton âme est une fourmillante<br />

cité, sinueuse, aride, éternelle où se mêlent des parfums et des saveurs.<br />

Crois-tu réellement que d’une jouissance promise tu brilleras de<br />

mille sceaux ? Je te sais, tu aimes t’éloigner de ces mondanités ridicules<br />

et détestables ...<br />

Cesse de parler en mon nom ! Cesse, vaine rumeur ! Pourtant<br />

n’irrites-tu pas ce jeune homme qui va nu, qui se nourrit de ses<br />

charnelles délivrances ? Tu es grâce vaillante, et la sagesse t’est donnée !<br />

À qui va ressembler le témoin noble et pur ? Baigné d’un sang<br />

neuf, tu glorifies ta plainte.<br />

955


Il est un chant<br />

Il est un chant à détruire, à détester, à maudire, il est là pourtant,<br />

il insiste - je me dois de l’utiliser.<br />

Vous qui savez, femmes superbes et stériles, où s’arrêtent nos<br />

chants, et dans quels corps de rêves se dresseront nos fantasmes, gardeznous<br />

un sein parfait pour reposer nos âmes.<br />

La puissance se dresse ! La puissance se dresse ! Observez-la.<br />

Elle veut déjà labourer de déchirures nos tendres chairs.<br />

Et toi, Sylphe qui va t’exécuter, qui va t’essayer à extraire des<br />

sonorités nouvelles, sous le gaussement de ton pipeau stupide, considère<br />

encore la faiblesse offerte à ton piètre chant.<br />

Les injustices, les faibles capacités de ma raison me font<br />

détester tout ce que je puis obtenir. Les revendications de la chair sont<br />

peu de chose comparées à l’immense désespoir où se jette la vérité<br />

poétique. Et qu’un souffle vienne à passer, comme ancien souvenir et<br />

jeunesse oubliée, alors tristesse du moi et tristesse encore !<br />

956


Âge majeur<br />

Âge majeur, déjà atteins mon espace, espace de nouveautés et<br />

d’invisibles aussi. J’accède à la limite parfaite dans l’inconnu, dans<br />

l’inconnu qui se cherche et se découvre. J’exploite des horizons autres,<br />

des pensées diffuses, des concepts bigarrés. J’invente encore le drame,<br />

désirant bêtement l’unir à la passion d’écrire. Mais que vais-je en tirer<br />

de toutes ces folies audacieuses, de tous ces déchirements dans l’espace<br />

comme des éclairs dans la cervelle ? Je l’ignore. Je m’observe et je me<br />

contente de noter ce qu’Il veut bien ...<br />

Plus loin un déchirement d’images atroces où se concentre la<br />

folie perverse de quelques-uns uns, femmes que j’ai autrefois aimées. Je<br />

les anime et leur impose pour leur jouissance une domination exquise<br />

entre chaînes et lacets, bondage et humiliation. Elles se forment, se<br />

déforment et disparaissent dans des hurlements sublimes de chiennes<br />

écarlates.<br />

Ô mes raisons ensanglantées sur des lames étincelantes, mes<br />

objets phalliques dans des trouées superbes, ô beautés du songe que<br />

j’arrache avec mes dents géniales, je dirais encore les audaces de mes<br />

nuits d’autrefois.<br />

957


Grande fille blonde<br />

Une très grande fille blonde dans une robe presque bleue<br />

déchire tout à coup mon espace de pensées où la raison tâchait de s’unir<br />

avec la logique mystique, - accouplement difficile, audacieux mais<br />

intéressant à tenir.<br />

Est-ce défaillance de mon estime ? Est-ce faiblesse de moimême<br />

?<br />

Je poursuis toutefois mon cheminement vers les buts aériens. Et<br />

dans le bleu de cet inconnu mien, qui y a-t-il ? La sphère limpide et pâle,<br />

ce moi-même sans chair, idéalisé, qui voltige et tourbillonne dans sa<br />

constance de sérénité.<br />

Je chercherai ce moi-même dans demain peut-être, quand<br />

arraché de cette enveloppe de terre, j’irai penser éternellement, plus<br />

beau, je le sais.<br />

958


Quand nous sommes jeunes<br />

Quand nous sommes jeunes, nous produisons par effet de<br />

synthèse, nous concevons par le génie des créatifs, notre énergie est<br />

fusion, nous travaillons avec le poème de l’autre, des autres - il y a un<br />

moyen employé qui s’appelle condensation.<br />

Et cette intelligence plaît - elle est ramification, rajout de<br />

brindilles, de branche légère sur le noble tronc de l’arbre poétique.<br />

Puis nous vieillissons, hélas ou heureusement. Mais notre<br />

action plus personnelle est peu apte à être comprise - elle est en décalage<br />

avec la capacité de critique que possède le lecteur (Difficile de lui faire<br />

comprendre, plus difficile serait de lui demander d’ajouter sur notre<br />

compétence, - je plaisante -) et l’on s’aperçoit que ce qui enchante, ce<br />

qui charme, ce qui séduit, c’est justement cette spontanéité de jeunesse<br />

que nous possédions autrefois.<br />

De quelle manière devons-nous nous y prendre ? Il nous<br />

faudrait à la fois l’insouciance, la légèreté de l’âge nubile associée à la<br />

raison, à la rigueur de l’âge adulte. Mais est-ce réellement compatible ?<br />

N’y a-t-il pas dans cette absolue recherche quelconque utopie à satisfaire<br />

une loi impossible ?<br />

959


L’instrument<br />

Quel est l’instrument exact pour mesurer ?<br />

Il y a l’homme avec sa certitude, les yeux obstinément fermés,<br />

cherchant dans sa mémoire les origines de sa critique, qui suffoque et se<br />

crispe lorsque je lui propose des écrits nouveaux.<br />

Clos en lui-même, quel est son horizon ? La courbe de sa<br />

certitude le limite à son néant. J’offre la chair de mon poème pour le<br />

nourrir et le fortifier. Il prétend regarder arc-bouter sur mon vrai ciel.<br />

Mais que peut-il admirer, que veut-il mesurer ? Déjà je suis enseveli et<br />

m’en retourne dans mes sables mouvants.<br />

960


Aphrodite<br />

Cependant la beauté depuis déjà longtemps soumise à des désirs<br />

inassouvis, nourrit au plus profond de sa chair des souffrances extrêmes,<br />

un invisible feu la torture dans son corps, et elle gémit de languir.<br />

La puissance éclatante du héros, les superbes reliefs de ses<br />

muscles reviennent constamment à sa pensée. La force remarquable de<br />

sa nudité demeure fixée dans son esprit, et troublée par ses images<br />

inoubliables elle ne peut abandonner ses membres à un repos qui puisse<br />

l’apaiser.<br />

Le jour s’était levé, et l’Aurore balbutiante éclairait mollement<br />

de ses faibles rayons la chambre encore humide, alors Aphrodite se fit à<br />

elle-même cette douce confidence :<br />

“Ô toi ma propre soeur, quelles sublimes visions me<br />

tourmentent et me tiennent en suspens ! Qui est ce dieu superbe qui<br />

pénètre en nos âmes ? Quelle grandeur, quelle noblesse s’animent sur<br />

son visage ! Cette beauté virile m’a saisi tout à coup, et je peux supposer<br />

de grandioses exploits ! Oui, je veux l’espérer, - que cela ne me soit<br />

point illusoire - il est lui-même un dieu. La médiocrité se répand dans la<br />

cervelle des plus humbles, la couardise et la crainte ont tôt fait de<br />

s’animer en eux ... Mais lui, de quelle essence est-il fait ? Quelle mère<br />

l’a porté ? Je puis imaginer sa destinée glorieuse, ses guerres et tous les<br />

961


périls qu’il a dû affronter ... Mais je m’éloigne, je le désire, je le<br />

recherche et ai la ferme volonté de m’unir à son corps par les effluves du<br />

plaisir.<br />

Trop longtemps déçue par mes premières amours, je voulais<br />

délaisser le nuptial combat et imposais à mes sens de ne plus succomber.<br />

J’éteignais la torche ardente qui gît profondément dans le corps de la<br />

femme, et je crus en moi-même me dégoûter de tout plaisir. Pourtant<br />

j’en ai la certitude, il tourmente à nouveau mes sens et me fait souffrir<br />

des orgasmes interdits, toute ma volonté ne pourrait me contenir,<br />

constamment je le vois, je le sais me prendre et me pénétrer pour<br />

exploser après des profonds va-et-vient dans ma chair. Je connais à<br />

nouveau le désir d’autrefois, je sens jaillir les flammes de la torche<br />

d’hier.<br />

Ô mon Père, de quels tourments ta pauvre fille s’agite tout à<br />

coup ! Veuille me pardonner, ou me précipite alors dans la profonde nuit<br />

avec les tristes ombres pour n’en plus revenir !”<br />

Elle parla ainsi, et soumise à des convulsions étranges laissa<br />

éclater des larmes qui se répandirent sur sa blanche poitrine.<br />

962


Le messie pastoral<br />

Après avoir accompli sa prière et supplié humblement les dieux<br />

du site, il prit quelques gouttes d’huile d’une petite fiole accrochée à son<br />

cou, il en versa la substance dans le creux de ses paumes, se frotta les<br />

mains et répandit le liquide restant sur son front et ses lèvres.<br />

Il ceignit ses tempes d’un rameau d’olivier, et implora les<br />

forces mauvaises du lieu de cesser de le tourmenter et de s’en retourner<br />

dans leur caverne ténébreuse, lieu répugnant et détestable où gisaient des<br />

monstres et des créatures infectes.<br />

Il conserve encore quelque énergie, et appelle de douces<br />

Nymphes de lui bien vouloir indiquer le chemin à suivre.<br />

Alors le Père Tout Puissant, ayant entendu sa requête, et<br />

sensible enfin à ses tendres prières fit apparaître dans l’éther un nuage<br />

gonflé de rayons de lumière et resplendissant d’or.<br />

Il comprend enfin la signification du message, et dressant ses<br />

deux poings vers le nuage de lumière : “Ô père, père infiniment bon, le<br />

jour est enfin venu où tu as pris pitié de ma terrible détresse. Je sais à<br />

présent que tu ne m’es plus contraire et que tu m’accompagneras dans<br />

mes prochaines démarches.”<br />

963


Tout à l’envi de ce signe encourageant, il décide sur-le-champ<br />

de préparer un festin et de le bien consommer.<br />

Et là, sous un arbre aux rameaux verts, il se hâte de dresser un<br />

autel afin d’y faire brûler un plantureux repas. Il pose dans l’herbe de<br />

délicieux gâteaux de figues et de levure légère, il brise un pain de pur<br />

froment dont l’enveloppe croustillante se détache aisément en plusieurs<br />

morceaux de dimensions sensiblement égales. Il répand dans une vaste<br />

coupe de nombreux fruits qu’il avait récoltés au cours de son<br />

déplacement et qu’il avait posés délicatement dans sa besace.<br />

964


L’incendie<br />

Alors les flammes immenses de l’incendie jettent mille feux de<br />

leur force indomptable. Les arbres déchirés, déchiquetés et remplis<br />

d’eau vomissent et déchargent une épaisse fumée. Une lourde vapeur se<br />

répand sur le site. Le feu n’en a pas pour autant perdu de sa vigueur. Ni<br />

les efforts considérables des maîtres nageurs ni la quantité phénoménale<br />

d’eau répandue ne sauraient apaiser le sinistre. Les hommes sont<br />

désespérés, fatigués, épuisés par un tel combat déloyal et injuste.<br />

Certains agenouillés ayant perdu leur force supplient un dieu de bien<br />

vouloir les entendre : “Ô Seigneur Tout Puissant, si tu veux nous<br />

accorder un peu de ta miséricorde, si tu acceptes de jeter un regard sur<br />

nos misères humaines, remplis-nous de courage et permets-nous de<br />

détruire ces horribles flammes. Sauve de ce désastre les dernières<br />

constructions qui n’ont point été calcinées, ou pour achever cette<br />

catastrophe, jette ta foudre sur nos âmes, et nous tue jusqu’au dernier !”<br />

À peine avaient-ils prononcé ces prières qu’une charge de<br />

nuages bleus et noirs apparaît dans le ciel lointain. Déjà s’en vient une<br />

cavalcade bigarrée des volumes gonflés par la force des vents. Une<br />

immense tempête se déchaîne. Jamais homme n’avait connu pareille<br />

violence. De toutes parts, sur les monts des collines et dans le creux des<br />

vallées éclatent des coups de tonnerre terrifiants. Des mouvements épais<br />

de trombes d’eau presque noires s’abattent venues du plus haut des<br />

965


éthers ; tout le bois restant est submergé, détruit et fracassé par la<br />

puissance de l’orage. Tout ce qui était calciné, à demi brûlé est à présent<br />

recouvert d’eau. L’ensemble des flammes monstrueuses est enfin éteint.<br />

Et dans ce sublime gâchis de feu, de cendres et d’eau, comme après un<br />

superbe combat, on entend le silence plus pesant encore se répandre sur<br />

le site dévasté.<br />

966


L’horrible sorcière<br />

Dieux qui soumettez à votre puissance toute âme de mortel,<br />

accordez-moi le droit de dire par cette plume ce que j’ai pu entendre, et<br />

avec votre autorisation laissez-moi exprimer ou dévoiler les choses qui<br />

sont ensevelies au plus profond de l’antre de la terre. Quand bien même,<br />

ce récit paraîtrait des plus sinistres, qu’il me soit, ô Dieux, donné de dire<br />

ce qu’il me fut permis de voir !<br />

Ils allaient sombres et courbés par cette nuit sans lune, blafarde<br />

et mortuaire, traversant l’ombre et les demeures isolées du royaume de<br />

Dis. Ils avaient emprunté ce chemin indicible qui traîne et déambule par<br />

les bois froids et glacés. On ne pouvait discerner nul rai même pâle de<br />

lumière qui donne aux choses alentour quelques formes de volume ou de<br />

silhouette allongée.<br />

La route s’achevait et tombait immédiatement sur un gouffre<br />

bourbeux. C’était un immense cercle large comme un cratère de volcan<br />

dont l’intérieur bouillonnait et vomissait une immonde boue rougeâtre.<br />

Des jets sporadiques de laves semblaient éructer ici et là<br />

comme des cloques sur une marmite en fusion.<br />

Une vieille sorcière vêtue de lambeaux et de guenilles infectes<br />

debout sur un radeau au bois moisi tient à la main un bâton courbé, et<br />

967


essaie tant bien que mal, tout en conservant son équilibre de regagner le<br />

bord du cratère. Elle est d’une épouvantable laideur. Des plaies<br />

purulentes s’étalent sur la face qui lui servait de visage. Une longue<br />

tignasse marron infectée de rats et de crapauds s’accroche à son crâne, et<br />

lui tombe jusqu’aux genoux.<br />

968


Apparition bleue<br />

Quoi ! Plus pure encore là dans l’invisible glace<br />

Que l’impossible esprit agite en ma faveur<br />

Et anime inconnue par cet air qui efface<br />

Sous la masse légère de mon effet rêveur<br />

Mais proche et bondissante en mousseline nue<br />

Apparaît et sourit voltigeuse si claire<br />

En amas d’ombres jaunes de tête chevelue<br />

Comme beauté stérile foudroyant un éclair<br />

Et du réveil soudain s’échappe l’irréelle<br />

Enveloppée de limbes et de pâles nymphes, elle<br />

Décor agonisant fuyant dans roses bleues<br />

Que je sais murmurer pour un plus bref azur<br />

Éloigné mais si proche et s’enfuient à mesure<br />

Que l’âme se défait de ses volutes feues.<br />

969


Baignée en chevelure<br />

Baignée en chevelure comme cascade blonde<br />

Un flot de femme plonge dans la vasque azurée,<br />

Pressant une torsade par sa main épurée<br />

Elle sépare les gouttes qui dans la jarre tombent.<br />

Et nue mais éloignée en sa masse de chair,<br />

Je vois confusément dans son miroir mêlé<br />

La forme abandonnée sur des voilures ailées<br />

Que des feux incertains par leurs renvois éclairent.<br />

Tout s’encombre de vague : femme, glace et lumière,<br />

Et la confusion est sublime à dépeindre<br />

Parmi ce paysage offert à la lumière.<br />

Ramasse mousseline à ses pieds pour se ceindre<br />

Tournoie, se précipite dans sa vasque azurée<br />

Et d’un bond disparaît par le rêve éveillé.<br />

970


La chevelure si claire<br />

La chevelure si claire comme flammes qui dansent,<br />

Ô mes tendres soupirs dans l’extase, légers,<br />

J’y enfouis mes yeux dans la masse, étrangers<br />

Vous bondissez, dormez comme femme en cadence !<br />

Mais l’or de la blondeur en richesse d’extase<br />

M’émeut moi démuni d’orgasmes à espérer<br />

En chair de la plus pure que l’âme doit pleurer<br />

Dans sa confusion d’invisibles et de gaze ;<br />

De semer ces étoiles dans chevelures floues<br />

Tels diamants ou torches, je conçois à l’extrême<br />

Le charme éblouissant d’un vibrant diadème,<br />

Et je veux compliquer par ce casque, j’avoue,<br />

Des droites fulgurantes pour la gloire de la femme<br />

Dans ce feu incessant de courbes et de flammes.<br />

971


Cette blonde cascade<br />

Cette cascade blonde de richesse bouclée<br />

Glissant en mes doigts purs, je la veux tourbillons<br />

D’écumes et de vagues sur l’épaule azurée<br />

Que la lumière efface, voltige, ou papillon ...<br />

Non, c’est assez ! Offrons au miroir ennemi<br />

Quelque songe diffus d’un idéal de chair,<br />

Réveillons l’astre torve en soi-même endormi<br />

Et par l’art de ce fard faisons briller l’éclair.<br />

Suis-je belle à présent ? Suis-je astre de soupir<br />

Parfumée d’une essence, encombrée de métal<br />

Dont les feux incessants exhortent le désir ?<br />

Je m’apparais en toi, mon image fugace,<br />

J’offre ma nudité à l’oeil contemplateur,<br />

Sublime corps de femme qu’il supplie et embrasse.<br />

972


Magnifique, superbe<br />

Magnifique, superbe, supérieur et tel,<br />

Oui, à se contempler dans l'infini néant<br />

Qui déjà agonise, mais jamais ne consent,<br />

Je me veux en moi-même Christ en son immortel.<br />

Nulle apparition n'engendrera de gloire<br />

Si ce n'est par l'effet du poëme illusoire<br />

L'invisible avalanche de cascades de mots.<br />

Je méprise l'honneur que consacre le vers,<br />

Quand, offert à cet œil qui lit et qui apprend,<br />

Dans un bond lumineux surgit et me surprend<br />

La Force sublimée, mère de l'univers.<br />

Quelle pure certitude (déjà par le tombeau !)<br />

M'acclame tout à coup dans le noirâtre azur<br />

Puisque de mon posthume je connais le futur !<br />

973


Supérieure encore<br />

Supérieure encore, je m'exalte au-delà ;<br />

Je peux me concevoir, oui, sphère sublime, et là,<br />

... Éternelle éphémère de naître et n'être pas ...<br />

Une pensée s'éclaire de lumière et d'aurore<br />

Qui se nourrit de l'ombre et revit et se dore,<br />

Puisant toujours en soi quelque énergie de vivre.<br />

Ô mon oint au travail, veux-tu que je délivre ?<br />

Ma durée est certaine ; je te donne mon bras.<br />

À quelque fin superbe, hisserai-je le droit<br />

De ne point m'indigner du génie qu'on foudroie ?<br />

Déjà dans mon espace le dessein est d'écrire.<br />

Accompagne le vœu, permets-lui de transcrire,<br />

Qui produit et reçoit, s'exalte et s'élabore<br />

Pour une œuvre inconnue sublimée par nos ors.<br />

974


Testament<br />

Ma sinistre souffrance qui m'arrache le bras<br />

Pour m'interdire d'écrire, pour m'infliger de dire<br />

Ce que je ne veux pas.<br />

J'attends comme un miracle<br />

La fuite de la mort qui toujours près de moi<br />

Nourrit ma sainteté, mon élévation<br />

Vers mes Dieux sublimés.<br />

Je crie, l'on me déchire,<br />

L'on écrase ma chair plus horrible en ce jour<br />

Qu'un supplice sans fin.<br />

Je veux me reposer<br />

Mais le lit est douleurs, est aiguilles enfoncées<br />

Dans mon corps constamment par le mal effrayant.<br />

J'étais un hurlement dans l'horreur de la vie,<br />

Une souffrance forte qui arrache des pleurs<br />

Des sueurs des douleurs et des cris infinis ;<br />

J'étais le désespoir de n'obtenir jamais<br />

975


Ce qu’une âme sait faire, ce qu'esprit élevé<br />

Peut rêver concevoir dans l'orgueil de soi-même.<br />

976


Où se meurt la lessive ?<br />

Où se meurt la lessive du soleil d’or ? Dans la pensée poétique,<br />

là-bas, vers la fatigue du jour derrière les grands arbres. Elle s’allonge<br />

lentement dans les brûlures du feu divin.<br />

Mais l’évidence de la pensée entourée de glace et de certitude<br />

exacte sait toucher le but à atteindre. J’embrassais la folie de l’une avec<br />

la rigueur de l’autre tandis que l’amour superficiel jouait parmi les<br />

ombres à fuir et disparaître, à gémir et implorer.<br />

Je refusais de m’abandonner à la lâcheté de ce cupide qui<br />

sanglotait, le beau menteur ! Lui, pourtant avec son front d’ange, pur<br />

comme l’hostie tachait de me corrompre ...<br />

L’hostie brisée, apparaissent de singulières évidences, des<br />

vérités tout pures entre la rose et le sel, entre la femme et la grandeur<br />

spirituelle.<br />

Si proche de l’inconnue, de cette éphémère de fille, je m’élance<br />

pour percevoir des concepts nouveaux, je m’élève dans les vapeurs de<br />

l’aura, bien éloigné de la basse réalité matérielle.<br />

Je vole jambe contre jambe, dans l’air, là-bas et me baigne dans<br />

977


la splendide lessive d’or !<br />

978


Mon départ<br />

Mon départ est secret. Il est à l’intérieur. Je me tairai, caché.<br />

Avançons, âme noble, progressons lentement.<br />

Ô puits chargé d’années, instruis-moi de savoir.<br />

Voltigeant, hoquetant, papillon et poète.<br />

Dans l’aube de la vie, il n’est point de jouissance.<br />

La blancheur de ta pulpe est sèche en ce matin.<br />

La bouche de l’enfant m’appelle de désirs.<br />

Amours des lendemains resplendissant d’espoirs.<br />

Cueillir le fruit d’amour aux branches alanguies<br />

Balancées par le vent dans l’éclair du printemps.<br />

La pierre et ses corolles, la fleur concrétionnée.<br />

Coquelicot tout bleu, éveille-toi dans l’ombre !<br />

Ô filles ingénues, qu’espérez-vous dans le printemps-miroir ?<br />

Vous entendre glousser et soupirer d’aise ? Filles de chair, hélas sans<br />

pureté de coeur qui aurez à revivre n’ayant pas compris !<br />

979


La main est agitée et elle s’agite encore !<br />

Quand comprendrons-nous enfin que la chair est détestable ?<br />

Ho ! Ruse pour la rose.<br />

Augmente-moi, Seigneur, car tu sais ce que je vaux.<br />

Tu vois ce qu’il me reste.<br />

Je sème avec mes mains. Je plante avec mon sexe.<br />

Dans le sentier de chair, je gémis de t’entendre.<br />

Au minuit des solstices, le zénith est atteint.<br />

Foudre, inspiration, que sais-je ? Et que suis-je ?<br />

Que sais-je ? Qui suis-je ?<br />

Répète-toi dans le brouillard. Comprends-tu à présent harcelé<br />

par toi-même, ton écho intérieur ?<br />

Toujours te dire jusqu’à ta bouche<br />

Les mots subtils qui nous enlacent.<br />

980


Le soleil nous instruit de notre pauvreté.<br />

981


Mon or se meurt<br />

Mon or se meurt dans cet impossible à extraire, dans cette<br />

incapacité à tirer hors de soi quelconque signifiant utile.<br />

Toute chose, lentement mais réellement se forme et se dégrade<br />

pour disparaître et ne plus revenir.<br />

Il cherche encore. Son sol fume. Est-ce diamant stupide qui<br />

déjà veut percer dans sa pure altitude ?<br />

Les demeures de topaze et les dômes aux feuilles<br />

resplendissantes s’amassent et se confondent dans ce flou de l’esprit.<br />

L’on croit apercevoir un vulgaire amas de formes vagues et obscures où<br />

la lumière offrirait nul attrait, nulle possibilité de comprendre.<br />

L’ombre molle ou stupide, l’ombre agaçante accroche à la<br />

pensée de bien faibles espoirs ! À la faveur d’une inspiration ténébreuse,<br />

un monde surgit, et des concepts voltigent ou se cognent contre les<br />

parois du crâne.<br />

Voici une flamme, voici la lampe. De pauvres lumières, en<br />

vérité. Y a-t-il quelques étincelles de vie dans ces yeux éblouis ? Je<br />

conçois par le Mal, par la Mort. Non. Rien. Je danse avec l’horreur dans<br />

982


cette cervelle stérile.<br />

Qui jaillit ? Qui jaillirait ? N’est-ce pas impossible ? Je cherche<br />

tiédeur et sagesse, lente explosion de sagesse et de maturité. Est-ce, en<br />

vérité, de la puissance encore ? Je ne sais.<br />

Vous mes amas glaireux, vous mes déchets de haine, tenterezvous<br />

de vous frayer une voie vers la conscience à écrire ?<br />

Il faut étouffer, détruire, avorter le poème de chair qui vit en<br />

soi, là dans cette cervelle où le luxe côtoie la lubricité et le vice la pureté<br />

du saint.<br />

983


L’esclave<br />

J’ai désiré un soir en de profonds soupirs<br />

La chaleur inconnue des membres alanguis,<br />

Et mon coeur en folie pour ces nobles plaisirs<br />

S’est donné en esclave par ses muscles soumis.<br />

Ô douleurs de la chair en poses incomprises,<br />

Quelle beauté d’être pris et d’être dominé<br />

Par sa grandeur de femme qui déjà martyrise<br />

Et pénètre mon coeur au profond infligé.<br />

Et voilà je soupire, je prie et je l’implore,<br />

Je la supplie déjà dans mon corps enflammé<br />

De délivrer mon sang hurlant jusqu’à l’aurore.<br />

Moi, pris de toute part je la lèche et demande<br />

De libérer mon vit en pulsions aimé<br />

Et je baise ses pieds comme un chien qui quémande ...<br />

984


La muse esclave<br />

Si tu veux libérer le poète inconnu<br />

Souffrant mille misères en sa triste demeure,<br />

Va-t'en féconde amie au plus loin dans les rues<br />

Où nulle espèce humaine ne supplie ou ne meurt.<br />

Éloigne-toi encore, rejette tout sanglot<br />

Stupide qui se mêle à la chair du poème<br />

Ou plonge au plus profond sous la vague et le flot,<br />

Scintillement d’extase offert au diadème.<br />

Je te sais malgré toi épouse frénétique<br />

Cherchant l’accouplement dans des lueurs brutales<br />

Enflammée de désir par ta vulve érotique,<br />

À moins que possédée par l’amour du servage<br />

Accroupie, enchaînée en poses horizontales<br />

Tu te plais à gémir pour un bel esclavage.<br />

985


Arrache mon germe et ma semence<br />

Arrache mon germe et ma semence.<br />

Cloué, je le suis dans le champ.<br />

J’attends ta bénédiction,<br />

Ô pluie de mes barreaux,<br />

Vois ! Je te suis prisonnier.<br />

J’héberge la haine,<br />

Mes amants me torturent.<br />

Ah ! Que violente est l’atroce vie<br />

Qui commence à vingt ans !<br />

Je dévore le fruit de mes souffrances.<br />

Le jour est suppliant<br />

Ensanglanté dans sa robe noire.<br />

Je hurle pour produire.<br />

Le souple soleil de mon espoir<br />

À disparu dans la nuit :<br />

“Salut ! Je te jette une phrase. ”<br />

Et puis nous repartons.<br />

986


Les aiguilles de douleur<br />

Sous ma chair pénétrée.<br />

Quel avenir de liberté ?<br />

Un désert de ronces encore.<br />

987


Grappillages<br />

Nymphes de mon désert<br />

Nymphes de mon désert, graines de solitude<br />

Qui de l’or en éclat fondez la multitude,<br />

De ce Moi qui s’endort dans ces premières eaux,<br />

L’orgueil de mon orgasme s’enflamme sur les flots !<br />

Je l’entends qui respire, ou pleure dans son sommeil.<br />

La profondeur est pure et le songe est vermeil ! ...<br />

La première me prend, s’étend sur le mensonge.<br />

Et le feu de sa chair dans ma mémoire me plonge.<br />

Au futur de l’oubli qui conte son mourir,<br />

Comme un astre perdu qui pleure un avenir,<br />

Les sœurs de sa pensée s’étirent sur l’étendue ! ...<br />

Immenses dans mon ombre qui recherche un moi-même,<br />

Elles s’éloignent et s’échappent de ma raison suprême ! ...<br />

Et l’heure de mon silence est toujours suspendue ! ...<br />

988


Les parfums de la myrrhe<br />

Pour d’Heredia<br />

Les parfums de la myrrhe ont imprégné leurs membres.<br />

Elles rêvent nonchalantes alanguies sur le lit.<br />

La flamme du brasier par leur forme éblouie,<br />

Éclaire l’ombre obscure qui vacille et qui tremble.<br />

Dans de profonds coussins, leurs chairs évanouies<br />

S’enivrent des tiédeurs et des douceurs de l’ambre,<br />

Tandis qu’un corps d’ébène se redresse et se cambre<br />

Proposant aux esclaves son charme épanoui.<br />

Sentant monter en elle le désir de l’effluve,<br />

Sa beauté presque nue aux chaleurs de l’étuve<br />

Se caresse et soupire en offrant ses deux seins.<br />

Les filles d’Ausonie admirant l’harmonie,<br />

De ce sauvage orgasme sur sa jambe polie,<br />

Supplient dans leurs fantasmes de sublimes desseins.<br />

989


Vérité de Lozac’h<br />

Il n’a pas écouté - vérité de Lozac’h -<br />

Mes nombreuses prières bien que sans me lasser<br />

J’ai toujours obéi et toujours respecté<br />

Son hémistiche divin qu’il m’avait octroyé.<br />

Extase<br />

D’un futur décadent<br />

Espérant l’élixir<br />

Du génie transformant<br />

L’impuissant en soupir.<br />

D’un noyau éclatant<br />

Son phosphore incompris<br />

Dans le creux de mes ors<br />

De mes flashes insoumis.<br />

Toi de ma pure épreuve<br />

Toi mon sexe sur ta bouche<br />

Que je dresse que je couche.<br />

Quand le jet spasme encore<br />

990


Mêlant ses mille efforts<br />

À la chair de mon corps<br />

Te suppliant ma mort.<br />

Quand de ta transe extrême<br />

Tu implores mon suprême<br />

Deux momies s’abandonnent.<br />

991


Hurles-tu, comme moi<br />

Hurles-tu, comme moi, de torture odieuse ?<br />

Entends-tu quelques voix dire : poète purifié,<br />

L’Au-delà te connaît, et ton âme radieuse<br />

Ira dormir en paix dans notre aire sanctifiée ?<br />

Assoiffée d’illusoire, dans ma douleur rêveuse,<br />

Ma raison s’épuisait, se voulant déifiée ;<br />

Et ma chair crucifiée se prétendait heureuse<br />

Espérant de l’horreur être enfin édifiée.<br />

J’étais le seul génie gémissant son miracle,<br />

Suppliant l’Au-delà, implorant son oracle ...<br />

Le Divin m’écoutait, enfin me libéra.<br />

J’étais baigné d’amour, et la sublime mort<br />

Me bénissait. Hélas ! N’était-ce que cela ?<br />

Je quémandais toujours, et je souffrais encore !<br />

992


Pernicieuses et impures<br />

Pernicieuses et impures, filles de mon désordre,<br />

Délices de mes extases qui désirent me mordre,<br />

Je répands ma substance, je succombe et je cède<br />

À ce délire de vivre que cette âme concède ! ...<br />

Presque nues dans l’intime d’un esprit qui se pense,<br />

Je confonds de vos formes le soupir qu’il dispense,<br />

Et j’implore l’azur clair dont le rayon premier<br />

Punira tout le doute de mon royaume entier ! ...<br />

Enfin moi ! Et du plus pur je renais de mon ordre<br />

Qui m’obstine à chasser cet interdit rêvé,<br />

Comme de ce mentir son mensonge est levé !<br />

Enfin toi ! Qui enlace et se veux de le tordre<br />

Ce stérile baiser de la fleur qui enivre,<br />

Mais qui de son soupir vain pleure et me délivre.<br />

993


Substances nourricières<br />

Imprègne-toi de moi ! Nourris-toi de substances<br />

Enivrées de vermeil, et de subtiles absences ! ...<br />

De ma chair faite d’essence observe l’azur rare<br />

Qui se forme, se déforme ... et dans son nul s’égare ! ...<br />

994


L’ennemi nous aimera<br />

Fascinés et impuissants nous regardons l’horloge du temps qui<br />

commence et achève sa course dans le cycle de ce soleil. Elle sera soeur<br />

de l’astre pur et nous ne craindrons plus immortels que nous sommes.<br />

Horreur<br />

Te reconnais-tu dans les poses infâmes de la femme ? C’est ce<br />

sein que je condamne, c’est cette bouche ignoble que j’accuse. Pourtant,<br />

je te donne un goût de perversité mêlé à du vice lubrique, et j’en jouis.<br />

Si mon râle explose en larmes de plaisirs dans ton infecte, dans<br />

le putride de ta chair, je suis coupable, et pourtant j’aime.<br />

Ma consolation sera de te savoir exposée pour d’autres hommes<br />

crucifiée et bénie, et satisfaite de tirer l’extrême du mal.<br />

Oseras-tu longtemps<br />

Oseras-tu longtemps encore me parler de pureté, de gestes<br />

995


clairs quand mon âme consciente sanglote de te posséder ainsi ?<br />

Crache, expulse, vomis, ignoble salope - voilà nos salives<br />

puantes - nos matières fécales avalées et coulantes. Au plus loin de nos<br />

vices, il y a une parcelle de lumière qui m’accuse toutefois.<br />

Je le sais trop que ton mal jamais ne sera le fruit miellé de ma<br />

pureté. De ta fange, je n’en tire aucune élévation mystique.<br />

Dois-je les accuser<br />

Dois-je les accuser ces incapables du sexe, ces vierges de la<br />

chair trop crétines pour proposer leurs charmes à mon Dieu ?<br />

Sel, salive, muqueuses bestiales, odeurs anales mais courbes,<br />

rondeurs de chair pourtant femmes, femmes ! Ô désirs malades toujours<br />

à soulager !<br />

996


Ronsard<br />

D’une belle Marie en une autre Marie,<br />

Belleau, je suis tombé : et si dire ne puis<br />

De laquelle des deux plus l’amour je poursuis,<br />

Car j’en aime bien l’une, et l’autre est bien ma mie !<br />

On dit qu’une amitié qui se départ demie<br />

Ne dure pas longtemps, et m’apporte qu’ennuis.<br />

Mais ce n’est qu’un abus : car tant ferme je suis<br />

Que, pour en aimer une, telle autre je n’oublie !<br />

Toujours une amitié plus est enracinée,<br />

Plus longtemps elle dure, et plus est obstiné<br />

À souffrir de l’amour l’orage véhément.<br />

Et, ne sais-tu Belleau, que deux ancres jetées<br />

Dans la mer, quand plus fort les eaux sont agitées,<br />

Tiennent mieux une nef qu’une ancre seulement ?<br />

997


Plein d’un charmant penser (CL XIX Pétrarque Canzoniere)<br />

Plein d’un charmant penser qui écarte de moi<br />

Tous les autres pensers, et me fait seul aller<br />

Par le monde, parfois, je me fuis à moi-même<br />

Afin de chercher celle, celle que je dois fuir.<br />

Et je la vois passer si charmante et cruelle<br />

Que mon âme est tremblante à prendre son essor.<br />

Si nombreuse est la troupe de soupirs qui en larmes<br />

Suit de la belle, l’ennemie d’Amour et la mienne.<br />

Et je découvre bien, je ne me trompe pas,<br />

Sous ces cils ombragés et altiers, un rayon<br />

Qui apaise en partie les douleurs de mon coeur ...<br />

Et je reprends mon âme. Quand je suis résolu<br />

À dire mon tourment, j’ai tant de choses à dire,<br />

À faire découvrir, je ne puis commencer...<br />

998


L’araignée royale<br />

L’araignée royale ? Une sorte de femme très possessive avec<br />

des bras immenses, avec des jambes infiniment longues et fines. Une<br />

sorte de beauté noire. Son lit, une couche ronde. Le noir et le blanc ses<br />

deux couleurs dominantes.<br />

Des lèvres rouges, un sexe rouge et ses grands yeux éclatants<br />

qui fascinent et envoûtent. Et cette volonté obsédante d’aller mourir sur<br />

son lit.<br />

Par Michaux.<br />

999


Des flux de topaze<br />

Des flux de topaze circulent dans les cieux cristallins. Des<br />

énormités, des souffles aspirent dans des mouvements circulaires et<br />

montent vers le paysage impossible à décrire ; plus haut, ce sont des<br />

vents et des flammes, des rouges incandescents et des lumières<br />

phosphorescentes qui se mêlent, se mélangent dans des tourbillons<br />

enivrés comme des orgasmes, bouillonnant comme des crinières folles<br />

de femmes.<br />

Mais le retour à la station première est imposé par le maître des<br />

lieux. Qui est le maître?<br />

1000


Partir vers des futurs<br />

Partir vers des futurs quand des pensées stoïques nous<br />

réclament d’obéir à des lois incertaines ! Me faudra-t-il encore au plus<br />

profond du Moi découvrir l’absolu qui transite en mon âme ?<br />

Tu m’appelles, ho ! la femme, et tu veux te languir sur ma chair à<br />

aimer ! Tu désires ce prépuce, cette bouche nourrie de sublimes baisers !<br />

Je te délaisserai, et j’irai vers ce Dieu. Mon extase présente<br />

recherche le bonheur que tu ne connais pas. J’irai vers ce si proche<br />

embrasser ses rayons confusément épars, techniquement finis.<br />

1001


Moissonnées les puretés<br />

Moissonnées les puretés célestes dans les airs cristallins !<br />

Brassées les gerbes d’or au-delà des soleils et des pensées légères ! Ô<br />

mon esprit subtil envole-toi là-bas où les Dieux t’appellent.<br />

Débarrasse-toi de ta carapace de chair et regagne le sanctuaire<br />

interdit ! J’y ai vu des hosties vivantes et des foyers de lumière<br />

tourbillonnant dans des espaces clairs ! J’y ai vu la voûte obscurcie dans<br />

l’ombre du savoir pour la parfaite connaissance de la vérité !<br />

À moins que ta mission soit encore t’obéir ! de t’abrutir<br />

cyniquement avec les livres sacrés qui encombrent ta tête ! à moins que<br />

le chemin à suivre soit cette présence parfaite d’un Christ en<br />

apprentissage ...<br />

Ho ! La plus atroce et la plus belle des tentations pour l’amour<br />

des trois Dieux, pour l’amour de ta propre pureté humaine !<br />

1002


Dans les temps meilleurs<br />

Mais dans les temps meilleurs, le monde sera-t-il vicieux, ô<br />

mon oint ? Propose-moi tes prophéties et les paroles de ton Dieu pour<br />

me tirer de la liturgie où mon âme s’était mise ! Sache délirer, toi le<br />

voyant !<br />

Tu m’offres toutes les structures de la pensée passéiste, tu<br />

t’inspires de la Loi ancestrale sans même vouloir y changer la plus basse<br />

syllabe !<br />

Tu prétends pourtant convoler à la plus sublime des autorités.<br />

Toutes tes images ne sont que des leurres, des conceptions intérieures de<br />

tes délires nocturnes et tu jures encore d’épouser l’invisible !<br />

Qu’en sera-t-il de ta crédibilité ! Une honte et un mépris des<br />

autorités ecclésiastiques, un refus réel de croire en ta vérité, - en ta<br />

propre vérité.<br />

1003


Mon esprit<br />

Mon esprit tu te plais au-delà des tourments<br />

De ta noire destinée à recueillir le fruit<br />

De ses purs aliments dont te gavent les dieux.<br />

Sauras-tu te nourrir à la lumière divine ?<br />

T’abreuvant des rayons qui règnent dans les cieux ?<br />

Par ce saint breuvage jouiras-tu du nectar<br />

Qui coule dans leur panse pareil au nard mielleux ?<br />

Ta substance est sublime, elle purifie ton coeur<br />

Où siège le savoir des génies et des oints.<br />

Et tel un vrai Messie engendré par les Cieux<br />

Tu pourras accomplir ton superbe destin.<br />

1004


Cet espace<br />

Cet espace qui se nie et renaît de soi-même,<br />

Pensée pure infinie, sublime diadème,<br />

Saurait-il au plus loin où plongent mes vigueurs<br />

Me baigner dans un bain de gloires et de grandeurs ?<br />

Je les vois se chercher imprégnés de substance<br />

Et de flux de lumière, ô blondes substances,<br />

Où coulent la raison et le profond mystère.<br />

1005


Magnifique mais qui<br />

I<br />

Magnifique mais qui sans l’espoir de leur plaire<br />

Il savait accéder au beau supérieur,<br />

- Le beau supérieur lui était accessible.<br />

Il savait dans ses Dieux dépenser sa fortune.<br />

Je peux signifier que l’exil est plus beau.<br />

Le triomphe absolu resplendit en soi-même.<br />

Magnifique mais qui<br />

II<br />

Magnifique mais qui sans l’espoir de leur plaire,<br />

Je peux signifier que l’exil est plus beau.<br />

1006


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME VI<br />

ANNÉES 95-96<br />

Messages I - III 95<br />

Messages IV - VI 96<br />

1007


Messages I<br />

C'est l'angoisse du poème<br />

C'est l'angoisse du poème qui se répand dans la nuit, et produit<br />

des formes d'écriture vers le ciel du papier blanc.<br />

C'est l'angoisse de la sublimation qui cherche désespérément<br />

dans le silence de la nuit, qui écoute l'éveil des premières notes sifflées<br />

pour le vent de l'espoir.<br />

C'est l'angoissante douleur qui mêle amours et plaisirs,<br />

souffrances et jouissances dans la pensée du poète, c'est elle encore qui<br />

décide de ce que sera la chanson.<br />

1008


Je mettrai à ton cou<br />

Je mettrai à ton cou un collier de perles pour symboliser la<br />

jouissance de ta chair délicieuse.<br />

Je couvrirai tes pieds d'étoiles comme des anneaux de lumière<br />

ciselés et brillants.<br />

La beauté idéale émane de ta personne, et te confère une<br />

superbe renommée.<br />

Cette grande admiration que j'ai pour toi, je la compose par ce<br />

poème, je te l'apporte comme une offrande, et ton sourire sublime me<br />

vient en récompense.<br />

1009


Artisans<br />

Potier, sculpteur, hommes de chair de la matière, à la recherche<br />

de la forme, pétrissez, malaxez la plastique de la femme, et concevez<br />

encore.<br />

Pénètre-la<br />

Pénètre-la au plus profond de la chair ! Impose-toi à creuser !<br />

Peut-être y trouveras-tu la substance de l'esprit subtilement cachée ?<br />

1010


L'homme s'exhale<br />

L'homme s'exhale inexorablement.<br />

L'homme dont la recherche interne est de comprendre. Il se<br />

nourrit d'autrui, s'instruit de l'inconnu et tente par l'alchimique effort de<br />

réduire, d'étendre, d'élever.<br />

L'homme qui use de prémonitions, d'avenirs proches, se plonge<br />

dans le passé, et se construit de l'intérieur.<br />

du verbe.<br />

Aux uns, l'insignifiance de la poésie. Aux autres la sublimation<br />

Offrir cette création, orienter la lumière, pour qui ?<br />

Nous tentons stupidement de plaire, mais la clé de la métaphore<br />

est seulement accessible à l'élite.<br />

Nous superposons des dimensions et des espaces les uns sur les<br />

autres, nous franchissons des portes au-delà de l'audace et pénétrons<br />

dans l'invisible. Mais qui pour nous suivre ?<br />

1011


J'ai aimé ta chair<br />

J'ai aimé ta chair creusée par l'orage, j'ai aimé ton visage d'eau<br />

claire et limpide. Sur le miroir de tes yeux, une imagination se<br />

concevait. J'ai déposé l'espoir sur tes mains de colombes.<br />

Tu resteras toujours le chiffre de mon mystère.<br />

1012


Voilà l'instant de repos<br />

Voilà l'instant de repos, permets que je m'assoie sur cette pierre.<br />

Tous ces livres commencés, je les poursuivrai un peu plus tard.<br />

Éloigné de ta grandeur, mon esprit ne connaît ni paix ni bienêtre,<br />

et mon travail constamment imposé est une lourde peine.<br />

Voilà le dernier jour de l'hiver, et le soleil déjà caresse la<br />

fenêtre de ses rayons.<br />

N'est-ce point le moment de chercher le renouveau du chant, et<br />

de te consacrer un hymne à la vie ?<br />

1013


Je m'endormis<br />

Je m'endormis et délaissai son image avec le sommeil. Je<br />

voulais la fuir, sachant qu'elle désirait me perturber.<br />

Je chasserai la femme avec ses formes, je gommerai le fantasme<br />

: parviendrai-je seulement à la faire disparaître ?<br />

Je jetterai ma chair avec son sexe, au plus loin de mon coeur.<br />

Quand le jour deviendra limpide, j'atteindrai la fenêtre et<br />

hurlerai au soleil levant.<br />

Les oiseaux de violence condamneront mon acte, la beauté<br />

luxueuse me cinglera le visage, la concupiscence et le désir chercheront<br />

à me tuer.<br />

Je me dois de foudroyer la recherche perverse de l'homme, car<br />

je la sais trop bien. Cette pensée n'est pas comprise, mes réflexions<br />

transpirent encore dans cette tête.<br />

1014


La mort est une aurore<br />

La mort est une aurore comme une croix de haine. L'esprit<br />

épanoui apprend à souffrir avec ses quelques piques et ses nombreuses<br />

flèches. Le vent de la torture vient hurler à la porte.<br />

La vieillesse s'achève, ma vie est une maison remplie de<br />

paperasses et de livres anciens. Ma vie espère la délivrance avec sa<br />

légèreté aérienne.<br />

1015


Ils ignoraient le chemin<br />

Ils ignoraient le chemin et prétendaient me diriger pour le<br />

savant apprentissage, mais moi je possédais en prescience la clé. Elle<br />

mène au fin fond de soi-même.<br />

Je détenais suffisamment d'instinct pour te trouver dès l'origine.<br />

Je comprenais sans le hasard.<br />

Les espèces de poètes me rejetèrent comme un chien et me<br />

crachèrent au visage comme un vagabond que l'on déteste. J'étais<br />

hideux, je provoquais le dégoût. J'avais refusé de les comprendre.<br />

Rempli de certitude, je cherchai là, à l'intérieur quand tu m'es<br />

apparu, trop pur peut-être. Et chaque jour, je te contemple dans ma<br />

destinée.<br />

1016


Le riche qui sommeille<br />

Le riche qui sommeille en moi remplit ses mains opulentes, et<br />

murmure le goût de l'avarice.<br />

Ses désirs sont entendus dans l'idéal de lumière accroupie ou<br />

rampante, dans le néant personnifié, rempli d'avenir incertain.<br />

Le goût de l'injustice se développe sur une mer de désespoir ;<br />

un aigle de torture plane au-dessus de cette étendue fangeuse.<br />

Quand la nuit atteint le zénith pour le repos de l'Occident, le<br />

riche s'éveille enfin et supplie : "Maudit je suis, parce que le jour<br />

étincelant m'a encombré de ses nourritures, mon coffre est plein !"<br />

Il hurle encore : "Ô néant, ô lourdes ténèbres, vous êtes ma<br />

conscience, détestables et ignobles moi qui vous connais trop bien."<br />

1017


Tu m'as placé<br />

Tu m'as placé dans l'âme de la victoire,<br />

Pourtant je ne voulais ni me battre ni gagner.<br />

Me comporterai-je comme un vainqueur quitte à véritablement<br />

le devenir ? Pourtant je me plaisais dans mon silence d'homme de la<br />

défaite.<br />

Je construirai, je produirai, j'avancerai encore, et quand j'aurai<br />

atteint mon idéal de rêve, quand j'aurai délaissé mes nombreux<br />

désespoirs, je pourrai mourir enfin, dépouillé de toute réussite.<br />

1018


Ton parler est complexe<br />

plus accessible.<br />

Ton parler est complexe, ô l'enfant, celui de tes disciples sera<br />

Mon ignorance est totale, je ne comprends pas l'origine des<br />

étoiles, ni les gemmes de ta nature.<br />

Ma conscience cherche à savoir. Elle est l'abeille qui butine la<br />

fleur, insignifiance et légèreté. Ma raison creuse à l'ombre des invisibles<br />

et des non-sens.<br />

Tes paroles seront comme des certitudes d'un au-delà<br />

vainqueur. Je me nourrirai de ta substance sublime, attendant la mort<br />

bienheureuse.<br />

1019


Liberté<br />

Elle n'est pas venue. Elle aurait pu signifier l'espoir d'un avenir,<br />

d'une aile blanche dans le crépuscule de la souffrance.<br />

Elle fut torturée dans la chair du poète, agonisant et hoquetant<br />

ses derniers râles pour un secours à jamais interdit.<br />

Sa sainte beauté implorait du bourreau quelques douceurs, mais<br />

la folie bestiale faisait souffrir plus fortement encore.<br />

Elle n'est pas venue, cygne ensanglanté col sur sa blessure,<br />

absence de guide pour le poète incompris.<br />

1020


Cette nuit<br />

Cette nuit, je l'ai voulue longue pour que ma maîtresse vienne<br />

me nourrir de ses substances exquises.<br />

J'ai rêvé de son profil furtif et impalpable à mes côtés, d'une<br />

pureté angélique, superbe inspiratrice.<br />

Le jour soudainement à point. J'embrassais confusément les<br />

roses bleues de ce bouquet de femme.<br />

Je suis aimé des morts, des dieux, je suis comblé dans ma<br />

pauvreté produite. Chevauchez-moi, beauté incendiaire, à l'haleine<br />

blonde comme un parfum ! Je ne chante pas le poème. Je résous un<br />

exercice quand bien même je gémirai dans l'or rouge de ta poitrine. Astu<br />

compris ?<br />

1021


Es-tu ma chair ?<br />

Es-tu ma chair ? Ma chair conçue pour accéder au délire de<br />

l'instant ? L'hypnose de mon désir convoite des formes lourdes. Le<br />

temps pénètre dans ta substance superbe.<br />

Es-tu ma chair ? La brise de la folie caresse l'étendue de ton<br />

corps. Elle favorise la naissance de l'orgasme. La chair est faite pour<br />

éterniser le présent et retenir sa fuite.<br />

Cupidon s'élève et nous laisse épuisés sur le lit, ombres<br />

éveillées, nourriture de nos lèvres. La nuit s'éloigne vers la splendide<br />

aurore, là-bas.<br />

Ma chair offerte pour retenir un instant immortel.<br />

1022


Ta production<br />

Ta production n'a pas d'avenir, mais elle a un passé. Celui<br />

d'avoir été en prescience de vérité. Mais demain est incertain.<br />

t'abaisse.<br />

Il y a fatalité et retour au néant. Vois qui t'élève. Vois qui<br />

Cette certitude d'impossibilité à te faire connaître n'est pas une<br />

malédiction. Elle est la résultante d'une indifférence totale. Tu es sans<br />

être.<br />

Ton crédit chez les hommes est vain. Tu es lu par les morts, par<br />

les immortels, par les dieux, et par toi-même. Cela n'est-il pas suffisant ?<br />

Quelle œuvre espères-tu ? Quelle place dans la hiérarchie<br />

poétique ? Je prends la place zéro, je suis inconnu de tous, mais je suis<br />

devant le un.<br />

Voilà donc ton esprit !<br />

1023


Mystique<br />

Tu m'avais soufflé par ta bouche me chassant de ton sanctuaire<br />

comme un étranger. J'étais devant toi, je n'étais plus un homme, j'étais<br />

une forme d'esprit. J'étais nu de bagages, n'emportant que la mémoire de<br />

mon existence.<br />

Je suis redescendu. Me voilà chez les hommes dans l'obligation<br />

d'accomplir l'œuvre.<br />

La malédiction s'est abattue sur ma chair, elle a pris possession<br />

de mon cerveau. Je suis le saint admiré et détesté, celui que l'on caresse,<br />

celui que l'on domine. Je suis glorifié dans la torture.<br />

Les chemins de ma souffrance mènent vers le Fils.<br />

Mon immense besoin est dans la quête du savoir, j'espère par<br />

les cieux me gonfler d'apprentissage. Il faut se préparer à bien mourir,<br />

c'est la seule certitude, et se plonger peut-être dans l'immense néant.<br />

Rempli d'espoir et d'anxiété, je courus vers l'instruction, mais la<br />

possibilité de sagesse est nulle. Je rêve de m'en retourner vers ton<br />

superbe accueil.<br />

1024


L’oint cherche le Père. J'ai pu contempler ta lumière.<br />

1025


Astres aux pensers lumineux<br />

Astres aux pensers lumineux, clairs soleils flamboyants,<br />

rutilants,<br />

Astres d'étoiles baignées d'or,<br />

Ceci est le fluide reliant l'éther à l'irréel, le poète d'homme<br />

chargé d'ondes dans un néant cosmique.<br />

Élévations inconnues<br />

Nous parfumons la rose noire<br />

Cueillie dans l'idéal de rêve<br />

Et sillonnons des champs de fleurs évanouies,<br />

Ailes voltigeant sur l'immense embrasement céleste.<br />

1026


L'effrayante question<br />

L'effrayante question sans cesse renouvelée : comment être sans<br />

être ? Comment se déterminer avec un moi dévalorisé, détruit, amoindri,<br />

ridiculisé par le mal ? Comment se prévaloir d'être avec si peu ?<br />

Et qui pourrait comprendre ce que je dis ?<br />

Si du moins l'Esprit supérieur me concédait quelques aides...<br />

Avec quelles substances divines pourrais-je concevoir ?<br />

1027


Aurons-nous à bénir<br />

Aurons-nous à bénir notre nouvel orgasme,<br />

Ce bel espoir de chair de vie recommencée ?<br />

Aurons-nous, parce que le désir exalté,<br />

Imprimé dans nos corps, l'impose constamment ?<br />

Cette force puissante nous porte vers la vie.<br />

Notre mécanique amoureuse nous soumet à jouir<br />

Aux banquets, aux bains. Nous transmettons l'espoir.<br />

Encore nous voulons. Nous refusons d'être des<br />

Solitaires, nous dépendons les uns des autres avec<br />

Des sentiments d'extase.<br />

1028


Cent chairs de femmes<br />

Cent chairs de femmes resplendissant ici<br />

Éblouissant de fleurs parfumées et de musc<br />

Se répandent sublimes dans l'âme ébahie<br />

Superbes et irréelles par profusion d'images<br />

Alanguies sur sofas et sur litières de roses<br />

En cascades de corps de blondeurs amoncelées<br />

Que je sais interdite d'extases, évanouies<br />

À la lune halée d'images et de phosphores<br />

Et moi de vertiges pris maîtrisant mes délires<br />

Étonnante folie de fantasmes interdits<br />

Pour l'adoration de peaux et de substances<br />

Dans l'esprit inventif du poète amoureux<br />

1029


Sur la transparence des lacs<br />

Sur la transparence des lacs<br />

Tu vois sortir le soleil<br />

Douce exaltation<br />

D'un cercle rougeoyant<br />

Tu te dresses vers la lune aérienne<br />

Pour échapper au monde qui t'entoure.<br />

Nulle beauté ne chevauche de nuage.<br />

Rien autour de toi. Le glissement du temps<br />

Fuit avec douceur.<br />

Quelle présence insipide<br />

S'éveillerait là, battement étrange à tes côtés ?<br />

Tu perfores ton rêve. Tu observes ce soleil<br />

De braises s'élever superbe.<br />

Mais toi tu voudrais pénétrer ces lacs,<br />

T'engouffrer au plus profond.<br />

Embrasse les mélodies diverses<br />

De cette claire matinée. Les monts<br />

Alentour te répondent sans échos.<br />

1030


Tu circules maintenant, écrasant<br />

Cette terre imprégnée de son rêve.<br />

Le lac calme et lipide mêle sa<br />

Salive à un courant marin.<br />

Nulle femme ne te poursuit. Personne<br />

Derrière ta première ombre. Ombre, ou<br />

Lait de feu écrasé ?<br />

Oui, tu es dans la forte solitude,<br />

Tu ne penses qu'à toi,<br />

Tu es redevenu ego.<br />

Nul futur en ta chair, point de fils<br />

Retourne à la terre, ignoré de tous<br />

Adieu, va et meurs.<br />

1031


Toi, encore une fois<br />

Toi, encore une fois, pourrais-je t'invoquer ?<br />

Dans l'idéal de chair, je quémande ton nom.<br />

Je te sais disparue, ô sublime compagne.<br />

Le soir est déchiré et je supplie ton corps.<br />

Danseuse en chevelure, tourbillonnant toujours<br />

Comme masse légère de jeune nudité<br />

A soudain voltigé dans mon âme en détresse<br />

Avec des touches roses d'habits à retirer.<br />

La nuit est toute proche. Envahie par les ombres<br />

Nue sur son beau printemps, éclose dans son sang<br />

Elle bondit hélas et se métamorphose,<br />

Surgit et disparaît sous la claire ténèbre<br />

Toute resplendissante de feux intermittents<br />

Puis s'enfuit à jamais pour un vrai désespoir.<br />

1032


Moi superbe et divin<br />

Moi superbe et divin, à la bouche chantante !<br />

Tourbillonnez essaim de Bacchantes aimées,<br />

Et j'élève le cri, je domine l'espace,<br />

Et j'offre le poème sublime et l'admire.<br />

De beauté confondue, oui, j'ai l'art de séduire !<br />

Venez toutes à moi, élancez-vous encore.<br />

Enivrées de folie, de rondes et d'espoir,<br />

Je saurai vous toucher par le bois de la lyre.<br />

Or prises de vengeance, la violence abonde.<br />

Effondré sous leur chair, j'agonise et supplie<br />

Et cherche à respirer, mais déjà je me meurs...<br />

Ô terribles femelles à la haine maudite,<br />

Acharnez-vous encore, voilà, je ne suis plus !<br />

La nature m'a trahi, j'étouffe sous la masse.<br />

1033


Dans le cri de l'espoir<br />

Dans le cri de l'espoir, derrière cette forêt d'yeux étincelants, tu<br />

m'appelles et me supplies de te libérer. Tu regardes vers la porte du ciel,<br />

la porte illuminée et splendide.<br />

Tu es toujours aussi belle dans ta robe bleu émeraude où<br />

scintillent des milliers d'éclats lumineux. Tu es debout sur le nuage<br />

mousseux qui te sert de couche. Tes mains semblent translucides,<br />

presque pures mais elles saignent abondamment.<br />

Que crains-tu ? Pourquoi pleures-tu ? Viens, viens. Élève.<br />

Rejoins-moi. Je te tire, je t'appelle. Oui, là-haut, je suis.<br />

Tu ne reconnais donc pas ma voix ? Monte, je suis le Fils.<br />

1034


Le mal<br />

Je suis venu ici pour te torturer, pour te faire abominablement<br />

souffrir dans cette chambre qui est tienne.<br />

Je suis le vice et la cruauté du monde, et Dieu m'a remis le<br />

pouvoir de détruire. J'ai la puissance de Satan. Mon père est le Diable et<br />

j'aime faire le mal.<br />

À toute heure, à tout instant, je pénètre dans la chair, j'enfonce<br />

des aiguilles dans le corps. Je suis de la pourriture, je suis une ordure, je<br />

suis du vomi de chien. Tel est le pouvoir que Dieu m'offre.<br />

1035


Oui, jeune fille encore<br />

Oui, jeune fille encore et de surgir d'un bond<br />

Pour ce plaisir de chair uni au chant du cygne<br />

En voiles du printemps, ainsi de resplendir<br />

Si pure, aérienne dans mon lit de sommeil,<br />

De se répandre en moi, toutes confusions.<br />

Est-ce masse de rêve que ce plaisir d'aimer ?<br />

Ce lointain impalpable caressé de blondeur<br />

Par mystère enveloppe et pénètre mon corps.<br />

Elle semble planer au-dessus de la vasque<br />

Par la forme du lit, et sa présence est sûre.<br />

Suis-je éveillé alors ? Car vois, je ne dors point.<br />

Mais serait-ce fantasme fourni par le désir ?<br />

Ton soupir me dévore et je sens ton effluve<br />

Voltiger près de moi... Oui, jeune fille encore.<br />

1036


La pensée intérieure<br />

La pensée intérieure s'ouvre et telle une corolle et un bouquet<br />

d'idées remplis de vertiges et d'images resplendit tout à coup sous ce<br />

vaste dôme :<br />

Pyramides bleues, cyclones d'espoir, fluides lumineux qui<br />

jaillissent comme des boules multicolores,<br />

Tournesol voltigeant, oeil d'extase enivré de folies très légères,<br />

Puissances de sonorités, chambres de notes, monologues aigus<br />

et incompris,<br />

Souffles, raisons exquises enrubannées de douceurs adorables,<br />

Tourbillons, vapeurs rousses qui s'élèvent dans la nuit de jade,<br />

Envolées de lumières, ailes claires tachetées de blanc,<br />

Je m'endormis, j'inventais mon sommeil, je contemplais la nuit<br />

se draper de signes lumineux :<br />

Femmes vivantes, bracelets de chair et de flammes, îles<br />

ardentes qui respirent les parfums aériens,<br />

Sources élégantes, chevelures floues et vaporeuses, bras de<br />

mouvances là-bas dans l'interdit, derrière la porte de sang.<br />

vint.<br />

Pourtant j'attendais stupidement qu'une présence féminine s'en<br />

1037


Rien que le silence énorme éclatant sous un soleil invisible<br />

d'ombre, de néant.<br />

Il y avait nul espoir de changement. Qui pouvait venir ?<br />

J'entendis une rumeur de pieds bruyants circuler dans les ruelles de<br />

l'esprit.<br />

Parle-moi, ô fille ! Est-ce toi ? Fille de l'agonie ? Tu n'as pas de<br />

voix ?<br />

Il y a du sang, il y a des pieds déchiquetés, souffrants sur les<br />

ronces, des habits déchirés,<br />

Il y a ta chevelure d'or.<br />

1038


Tu dors<br />

Tu dors dans une forêt de feu. La mer lèche ses lèvres humides,<br />

la mer de topaze scintille au firmament de la nuit. Lorsque tes yeux<br />

s'envolent, les nuages bondissent et construisent d'étonnantes figures.<br />

Contre ta hanche, la fille supplie. Il y a autour de ta personne<br />

des lances étincelantes, des bijoux de chairs blondes. Il y a de la fumée<br />

aussi qui regagne les nuages.<br />

Tu habites donc cette forêt de feu. Il y a des regards braqués qui<br />

pénètrent ton corps, et leurs aiguilles invisibles te font abominablement<br />

souffrir.<br />

Un seul chemin mène à ta chaumière. Il faut passer par le toit.<br />

Et toujours la même question lancinante frappe ta voûte étoilée :<br />

"Pourquoi ? Pourquoi ?"<br />

Il y a des couteaux. Qui est hache ? Tout prédispose à ton<br />

innocence. Et cette affreuse coupe que l'on te fait boire à petites gorgées,<br />

la refuseras-tu, ô Christ de l'inconnu ?<br />

Dans ton lieu interdit, tu décides du poème. Ta méthode est<br />

certaine. Elle permet d'accéder à la meilleure des places. Tu es en clarté.<br />

1039


Oui, produis jusqu'au dernier jour.<br />

1040


Blanche<br />

Tu étais claire !<br />

Belle est la pureté.<br />

Tu t'enfuis, t'élevant au-delà de ton âme<br />

Dans une parabole d'extase<br />

Pour bannir à jamais la sombre réalité<br />

Tu étais claire bien que nul ne comprit<br />

Ton élévation<br />

Dans la nuit même, tu étais le chemin de lumière<br />

Nudité, pureté sans défense<br />

Seins blancs, haleine douce<br />

En paix dans ton monde à présent<br />

Seul Dieu te souffla son amour<br />

Nul homme jamais ne te prit<br />

Sois l'hostie, tu es, sois<br />

Tu étais claire !<br />

1041


Se produit toujours<br />

Se produit toujours dans les premiers cris : feu écrasant le sang.<br />

Abomination de la vie. Se répétera encore : tortures et cruautés mêlées.<br />

Nous naissons dans l'horreur et disparaissons dans la monstruosité de la<br />

nuit.<br />

1042


Dans l'entonnoir du vertige<br />

Dans l'entonnoir du vertige, nous nous sentons absorbés par le<br />

Néant. Nous sommes éblouis par la beauté des formes sphériques, fruits<br />

explosés dans leur sublime maturité. Jaillissent des volumes, des<br />

rondeurs divines commandées par le génie de la nature.<br />

Nous engendrerons d'autres prétendants. Nous finirons<br />

pourriture de vers, n'ayant pu nous immortaliser.<br />

1043


L'ennemi, nous détruisant<br />

L'ennemi, nous détruisant, amoindrissait nos forces, nos<br />

aptitudes. Il inventait la douleur, lui donnait une couleur, et la servait de<br />

manière constante. Conséquences : pertes de produits, d'énergies<br />

intellectuelles, dont la décision venait de l'autre espace, là-bas.<br />

Rebelle à la poésie d'autrui, à la démarche relationnelle, quelle<br />

puissance de la providence serait venue me secourir ? Ô espoirs de<br />

jeunesse implorés jusque dans la vieillesse, et jamais satisfaits !<br />

1044


Verbe d'orages raisonneurs<br />

Verbe d'orages raisonneurs qui pense en noirceurs d'idées, qui<br />

gronde en soi-même, va-t-il éclater dans ma cervelle splendide, sera-t-il<br />

violence, ou en figures inconnues disparaîtra-t-il dans le ciel ouaté ?<br />

1045


Qui me comprendrait ?<br />

Qui me comprendrait ? À quelles raisons, chercherait-on à me<br />

comprendre ? Pourquoi ? Je suis seul chez les hommes, et je suis<br />

incompris des esprits. Quel espoir reste-t-il ? Et les Dieux disent : non,<br />

nous refusons cette méthode.<br />

Le sommeil est nécessaire pour laver la mémoire, comme l'on<br />

bat un jeu de cartes pour obtenir une nouvelle donne.<br />

Il a enfin compris que le produit poétique ne pouvait pas<br />

s'obtenir dans l'oisiveté et dans la nonchalance, mais qu'il fallait<br />

travailler à temps plein et extraire le suc que sa cervelle voulait bien lui<br />

accorder.<br />

Nous nous sommes alanguis longuement sur le chemin. Une<br />

femme claire et blême indiquait la voie qui ne menait nulle part. Il fallait<br />

puiser au fond de soi-même, dissiper les brumes épaisses, éloigner les<br />

brouillards aveuglants. La pensée entière se faisait sexuelle, et le poète<br />

aurait suivi des sorcières.<br />

Seule, la science peut instruire l'homme. La poésie le nourrit de<br />

chimères et de mensonges, de faiblesses certaines. Au déchirement final,<br />

qui de l'homme de science ou du poète détiendra la vérité ?<br />

1046


Lumière d'ombre, éclats stupides de vérités mensongères, hélas !<br />

Il n'y a pas de liberté. Le poète est l'esclave de l'ombre invisible<br />

qui frappe et fait hurler de douleurs. La souffrance génère de la<br />

production, elle est le thème majeur de l'œuvre à extraire.<br />

Pourquoi croire en l'éternelle justice ? Qui voudra indemniser ?<br />

Acceptera-t-Il de rendre ? Prendra-t-Il en considération la montagne de<br />

poèmes perdus ? On espère, on attend bêtement.<br />

Plus il sait, plus il comprend la médiocrité de la discipline<br />

poétique, son ridicule, son inutilité. Plus il sait, plus il comprend la<br />

science, sa beauté, son idéale de perfection, sa certitude !<br />

Le désir de travail parvient-il toutefois à relever le défi de la<br />

décadence ? Il se dédaigne, se méprise, mais a-t-il réellement tort ?<br />

1047


À peine sortie de l'aurore<br />

À peine sortie de l'aurore, nouvellement purifiée, nue, elle<br />

s'élève dans les airs cristallins. Sur ses seins, brillent des diamants de<br />

rêves, des parures serties d'opale. Sa texture de chair claire, douce<br />

comme la rosée est un délice à regarder, est un plaisir à lécher<br />

tendrement. Autour de sa beauté impossible, un albâtre offre ses larges<br />

ailes comme deux étendards protecteurs. Ses deux pieds baignent dans<br />

une eau plate, et lentement sont caressés par l'impossible mouvement.<br />

Elle vient de l'interdit, de l'impossible à concevoir. Elle se nourrit<br />

d'extase et d'encens. J'ignore sa silhouette, je la suppose tout au plus.<br />

Elle est toutefois mon idéale de compagne qui dort à mes côtés.<br />

1048


Je fuis<br />

Je fuis ce moi-même,<br />

Je m'envole loin de cette phrase décadente,<br />

Concept et proposition d'autrefois.<br />

Les mots s'assemblent mal,<br />

S'intègrent mal les uns dans les autres.<br />

Et le réservoir de sonorités, de syllabes<br />

Où je plonge mon esprit<br />

Est lavé de coups douteux,<br />

De solutions discutables.<br />

Je voudrais creuser<br />

Aller au plus profond de la terre, de ce moi<br />

Aux racines des synapses<br />

Dans l'inconnu du langage.<br />

Devant mon frontispice, il y a les volets<br />

De la conscience, toujours en éveil<br />

Constamment en attente,<br />

Possédant une patience de prisonnier.<br />

Il y a l'intérieur,<br />

1049


La pensée associée à la vitesse.<br />

Qu'espèrent-elles ? Que peuvent-elles ?<br />

Le langage désire,<br />

Le langage parie et refuse.<br />

Je rentre encore en moi-même,<br />

J'apparais là tout au fond.<br />

Je suis spectre, hallucinations,<br />

Gaze inconnue et<br />

Volonté délétère.<br />

Là encore est le vide<br />

Avec ces doutes, son écriture fantoche,<br />

Ses incertitudes,<br />

Ses images ridicules et détestables,<br />

Ses risques.<br />

Je nage dans les images<br />

Et l'œil retourné veut puiser dans la mémoire,<br />

Puis des cloches, des sons,<br />

Cela semble une rumeur et des crissements,<br />

Cela semble vouloir parler,<br />

Est-ce prodige ? Est-ce gain ?<br />

1050


Oui, je suis dedans, je vis à l'intérieur<br />

Est-ce l'œil de la conscience ?<br />

Puis le silence, le vrai silence<br />

Silen<br />

rien.<br />

1051


Le lac de mots<br />

Ma mémoire ? Une réserve,<br />

Un réservoir sans fond, ni dimension<br />

Aux contours indéterminés, vagues et abstraits.<br />

L'oeil est à l'intérieur, il observe,<br />

Tente de comprendre cette masse lourde et épaisse<br />

Où nagent parfois des résidus de mots.<br />

J'apprends à me débattre, je devrais faire Christ<br />

Et marcher sur moi-même.<br />

Donc je dois aller du point A au point B<br />

Sur ce lac stupide de mots<br />

Sans couler, sans me noyer.<br />

J'observe ces syllabes confuses qui grouillent<br />

Comme des vers sur une plaie sanglante.<br />

Ce lac est ébullitions épais et flasque.<br />

Des sons comme des bulles d'ombres ou ocres<br />

Sautent ici et bas, et se gonflent pour éclater.<br />

1052


Je vais puiser dans cet amas indescriptible<br />

Pour en extraire des signes.<br />

Je vais m'en gargariser.<br />

Non, l'eau de ce lac ne se boit pas.<br />

Alors qu'en faire de tous ces mots ?<br />

Les quérir avec une épuisette<br />

Et les assembler pour obtenir un poème ?<br />

1053


Ma chair nue<br />

Ma chair nue t'observe<br />

Te lit, te pense<br />

D'idées sublimes, de désirs<br />

La chambre d'orgasmes<br />

est offerte constamment<br />

Tes formes idéalisées,<br />

Recréées,<br />

Ton visage maquillé<br />

de mensonges, d'espoirs<br />

Tes habits noirs,<br />

Ton costume de fille,<br />

De femme<br />

Dans le tourbillon du lit<br />

La lumière qui cache,<br />

Qui montre, qui suggère<br />

La spirale des folies.<br />

Ma raison contre ton sexe<br />

1054


Éclate et oublie<br />

Étoilée sous ta chaleur,<br />

Sous des extases mouillées, enivrantes<br />

Ma raison se répand<br />

Dans ton corps, elle s'enlace,<br />

Se glisse en toi<br />

Le temps explose, file<br />

Et disparaît, miroirs des horloges affolés<br />

Festin de chairs, tu pénètres mes interdits<br />

J'aime ta fièvre,<br />

Je plonge dans ton obscur<br />

Je lèche ton ombre<br />

Parmi les caresses, bleu est ton corps<br />

Tu bondis désirant l'impossible<br />

Constellant ta pensée d'interrogations,<br />

D'audaces et de vices,<br />

De risques et de hontes.<br />

Ta lèvre se tord, supplie<br />

Tu couvres mon front de salive chaude<br />

1055


Ton corps prie mon ombre de chair<br />

En saccades, tu balances<br />

Tes contorsions de femmes me regardent,<br />

M'implorent d'aller au précipice des orgasmes,<br />

Ta silhouette est souveraine<br />

Tu exploses et deviens cendres<br />

Langue amoureuse qui lèche<br />

Ta chair insoucieuse<br />

Chevelure qui ondoie, qui se plie<br />

Tes seins blonds sont des écumes de rêves<br />

Ô grandes heures d'effluves,<br />

De chaleurs orageuses<br />

Vin tiède répandu sur la peau<br />

Ivresse de grappes belles<br />

Ô soleil qui bois à mes rayons vermeils.<br />

1056


La jeune fille<br />

La jeune fille sublime et inconnue traverse la raison, se perd<br />

dans mon esprit, et confuse, alerte ou libertine cherche un endroit pour<br />

se cacher.<br />

Pourquoi désire-t-elle couvrir sa nudité quand nul, à l'exception<br />

de mon oeil interne, ne peut l'observer. Subrepticement elle s'empare de<br />

mon silence, et tente de s'en vêtir comme d'un pagne.<br />

Je la vois, je ris de sa gène et je lui offre quelques légers<br />

brouillards confus de la raison dont elle s'habille rapidement. La voilà<br />

qui sourit, qui s'esclaffe et offre un premier chant à mes oreilles<br />

caressées.<br />

Elle évolue dans une attitude d'un pas de deux, sensible et<br />

légère. Mais il est des actions, des gestes et des comportements que je ne<br />

puis comprendre. L'ensemble parfois me semble incohérent, saugrenu et<br />

irresponsable. Je m'en amuse pourtant ...<br />

Elle circule à présent dans les méandres de l'interdit, se glisse,<br />

semble fuir et disparaître pour revenir nourrie de fantasmes nouveaux,<br />

de possibilités audacieuses ... Voilà donc sa culture ! Voilà ce qu'elle<br />

reçoit et ingurgite sur le chemin du risque ...<br />

1057


Mais oui ! Tout à coup, je comprends : elle quitte mon âme,<br />

jaillit par mes yeux, bondit sur le sol et se dimensionne, comme par un<br />

effet magique, en quelques instants, à l'échelle de la femme - là devant<br />

mon regard ! Sa nature humaine m'étonne, mais je m'engallardis, la<br />

saisis par la hanche et la fait tourbillonner sur elle-même afin que le<br />

personnage puisse renaître et se comporter comme ma raison l'avait<br />

imaginée.<br />

1058


Dans la pensée obscure<br />

Dans la pensée obscure de ma raison défaite, il m'oublie, il se<br />

cache comme un serpent de verre qui apparaît, qui disparaît.<br />

Enfoui en moi - je connais pourtant son nom - il est là timoré,<br />

fourbe, vicieux et parfois sexuel - il attend pour sortir que la nuit<br />

commence (il faut déterminer par quels moyens l'inspiration poétique, sa<br />

sœur, conception absurde etc. se manifeste.)<br />

Eh oui, enfoui en moi, soupirant, noir comme le charbon dans<br />

ma cervelle stupide, la tête toute fécondée d'espoirs nouveaux, j'attends,<br />

l'éveil du souffle de vie ...<br />

Qui est-il ? Où est-il ? Pourtant je sais qu'il se terre. J'entends<br />

même les premiers suintements de syllabes prononcées. (Quand tu es<br />

absent, je me crois libre. Le suis-je réellement ?)<br />

J'attends comme l'enfant. Je m'angoisse de cet instant. Je déteste<br />

ce moment construit sur l'éphémère et sur l'insignifiant.<br />

Puis sonnal, sonnerie en quelque lieu de délice, du cœur de ma<br />

cité (- vérité d'image comprise ou refusée par le lecteur ?) l'obsession<br />

Baudelairienne travaille les âmes poétiques... Tu vois, je ne dormais pas,<br />

1059


j'espérais, j'attendais seulement.<br />

Je prends donc ce support de poésie en forme de rose de<br />

Pasolini, pour tenter de produire, mais que puis-je ?<br />

Agacé, dans la pensée sombre, j'emprunte quelques mots,<br />

quelques idées. Je ne les couche pas en italique. Puis comme une muse<br />

qui s'épanouit : "Est-il satisfait de ce que tu obtiens ? Poursuis...<br />

Continue..."<br />

1060


Endormi en chair de femme<br />

Endormi en chair de femme<br />

Mordu par la bouche blanche<br />

Épanoui en soleil de blondeur<br />

Douce exaltation du plaisir<br />

Dans ton bel espoir de jouissance<br />

Je me languis et je me perds<br />

Nous éclatons en orgasme<br />

Nuée de corps voltigeant<br />

Ta folie n'a rien de sûr<br />

Ô pluies d'images et de sueur<br />

Qu'un lit pour nous cacher<br />

Qu'une barque qui tangue<br />

Comme des zones actives<br />

Dedans et au-dessus<br />

Baignés dans les brumes du vent<br />

En jaillissement d'incendies<br />

1061


C'était en chair heureuse<br />

Élevée en plainte délicieuse<br />

Je frottai et travaillai<br />

Contre les rondeurs des hanches<br />

Fleurs et parfums aimés.<br />

1062


Démonia<br />

I<br />

Elle plisse les yeux. Elle est claire, naïveté, nudité, supplice de<br />

désir, dans l'attente.<br />

Sa chair implore l'orgasme. Elle voudrait que toutes mes fibres<br />

lui offrent la folie d'exploser.<br />

Elle demande le fouet, la douleur rectale, dorsale, elle pince ses<br />

lèvres, se fait chienne, lèche les pieds, l'anus, le sexe. Elle crie, rampe,<br />

veut séduire, elle désire être frappée, humiliée, mais que puis-je ? Je la<br />

domine, je la prends, je cherche le point maximum, je l'écoute attentif. Je<br />

suis seul. On devrait être cinq à la foutre.<br />

Que peut l'orgasme ? Que peut le sexe ? Jusqu'où fait-il aller ?<br />

N'est-ce pas plutôt dans l'éclatement interne, de la cervelle éblouie ?<br />

1063


II<br />

Dans l'espace hurle la femme, de jouissance, de souffrance, de<br />

supplication, folie de chair que je ne puis dominer, bouche baveuse<br />

implorant et quémandant des sexes à engouffrer, zones rectales offertes<br />

au plug, à la prothèse, au manche de fouet.<br />

III<br />

Encore au pied, à la soumission, à la chair battue, humiliée,<br />

aimée, chauffée par les lanières, pour le plaisir.<br />

1064


Messages II<br />

Tu peux hurler<br />

Tu peux hurler, personne ne daigne t'entendre. Tu es un chien<br />

dans le caveau de l'indifférence.<br />

Puisses-tu te rassasier de ta propre substance, de ta<br />

connaissance éternelle et infinie qui gît là au fond de toi.<br />

Mettre charrue avant paire de bœufs, puis exciter l'animal avec<br />

l'aiguillon en l'accusant de ne point avancer.<br />

La condamnation tyrannique de l'au-delà. La foudre s'abat sur la<br />

maison et torture le sacrifié pour les délices de la cruauté.<br />

La pluie bénit.<br />

La rosée n'a aucune durée, elle disparaît aux premiers rayons.<br />

Nous sommes des résidus de chiens méprisables et inutiles.<br />

Nous ne provoquons pas même la pitié. On nous conseille de faire autre<br />

chose, de cesser de produire de telles aberrations. C'est le : "Jette-toi, t'es<br />

nul !"<br />

1065


Le soir apporte son flot d'inspiration. La nuit est chargée de<br />

pulsions invisibles, nourrissantes et sublimes. Il faut apprendre à capter.<br />

L'oiseau de sang chante mal. Il hurle, puis se meurt. Qui a<br />

cherché à l'entendre ? Vous seules, feuilles attentives, écoutez son délire.<br />

Un zonal avertit constamment le poète à obéissance : "Il faut<br />

produire, nourrir le livre de substances nouvelles, le fortifier, lui donner<br />

croissance."<br />

1066


Surgissent<br />

Surgissent<br />

Des spectres royaux<br />

Couleur d'ambre.<br />

C'est instant interdit<br />

Peut-il se saisir,<br />

A-t-il quelque durée ?<br />

Le silence de l'astre mort<br />

Est repu de mémoire.<br />

Il plonge sa lumière laiteuse<br />

Et lèche abondamment<br />

Les vestiges invisibles de mon âme.<br />

Lune de femme, pensée enfouie,<br />

Le sang rimé coule de ma bouche.<br />

Les blessures se répandent en cascades<br />

Dans ma cervelle effarouchée.<br />

La nuit ne dort pas,<br />

Elle conçoit le fruit par son imaginaire.<br />

1067


Beauté, je te propose le poème<br />

Beauté, je te propose le poème dans l'expectative du gain.<br />

Observe-moi, je ne suis que misère. Donne-moi l'espoir de te séduire<br />

vers la couleur acide du chant. Je te déçois ? Qu'importe ! Je poursuis.<br />

La qualité du texte m'horripile. Debout scrute et analyse la<br />

raison, maîtresse de l'élève poète.<br />

Le ciel est sang, le soleil est espoir. La lune est presque bleue,<br />

là-bas, lointaine. La fusion engendre le poème, la combinaison favorise<br />

le mélange des couleurs. Alchimiste de la nature, je dois composer.<br />

Notre désir retenait la chair jusqu'à lui faire implorer grâce.<br />

Un tourbillon d'oiseaux apporte la fraîcheur du poème, et<br />

voltige obéissant à ma voix.<br />

Tiens mon espoir tendu comme une offrande, porte-moi vers les<br />

échelons supérieurs, ô l'Inassouvie. Le désir de gagner, la folie<br />

d'engendrer me porte encore. Le livre blanc est à remplir. Travaillons.<br />

Trop consciente de sa petitesse, de son insuffisance, coeur<br />

bariolé, vitrail de poète, la pensée cherche à se détacher de sa certitude<br />

1068


de perte. C'est un noir soleil qui gît à mes côtés. Il illumine de son néant<br />

ma vérité. Ai-je quelque espoir, ailleurs, là-bas ? Aurai-je un avenir ?<br />

1069


Femmes décoiffées<br />

Femmes décoiffées<br />

Épanouissement de roses<br />

dans la clairière céleste<br />

Voltigez tourbillonnez<br />

danses nuptiales de papillons bleus<br />

Luxe de blondeurs, envolez-vous<br />

Vous êtes emportées par le vent.<br />

1070


Poète<br />

Il inventa un pur visage<br />

poudré d'ombre et de lueurs carmin.<br />

détruisant sa face réelle<br />

Il s'exila derrière l'impossible mémoire<br />

refusant le reflet vrai du miroir sacré.<br />

Il s'imprégna de mensonges,<br />

d'idéal transfiguré<br />

puis les rides sillonnèrent les traits de sa face<br />

il s'exécuta, on l'immortalisa.<br />

1071


Parler avec soi-même<br />

Par la fente on observe<br />

L'instantané passer<br />

Comme des particules en suspension<br />

Dans un rai de lumière.<br />

Il y a l'imperceptible presque,<br />

L'inaudible, l'improbable et le doute<br />

Qui s'entrecroisent, se juxtaposent<br />

Et tentent de cohabiter.<br />

Au-dedans, il y a des sortes de tentacules<br />

Légères, invisibles et silencieuses.<br />

Elles préfèrent délicatement les propositions offertes.<br />

À l'extrémité de leurs doigts sont des yeux<br />

D'une acuité visuelle extrême,<br />

Ils touchent, voient et palpent,<br />

Refusent ou prennent.<br />

À quelles raisons, décident-ils ces doigts ?<br />

Qui ponctionne, qui retire ou exploite ?<br />

1072


À l'extérieur, on peut supposer<br />

Qu'il y a un front, sorte de muraille,<br />

D'épaisse Carcassonne. Mais dedans ?<br />

Là des idées changent de formes<br />

Sont acheminées, transmises<br />

Par un dialogue intérieur,<br />

Par une activité électrique encore inconnue.<br />

D'autres d'espèce chimique<br />

S'évaporent, disparaissent pour s'associer ailleurs.<br />

C'est donc échos, lumière déversée,<br />

Brassages d'images, fluidité de désirs,<br />

Maîtrise temporelle, échappée de seconde<br />

Segments, fragments de bouts, de propositions,<br />

Associations contrôlées, libérées.<br />

L'esprit extrait des mots, des groupements.<br />

Qui fusionne, qui combine ?<br />

Les ressemblances épousent l'analogie<br />

Et le contraire se juxtapose rapidement.<br />

Le mensonge tire son origine de la vérité,<br />

1073


La vérité tend vers la sagesse poétique.<br />

Parler longtemps avec soi mène à quelque chose.<br />

1074


Par toi<br />

À Octavio Paz<br />

Bleu fuyant en rafales claires<br />

souffles d'air<br />

L'esprit tourbillonne<br />

s'élève irrésistiblement<br />

et embrasse l'air cristallin.<br />

Parmi les hauteurs de l'estime,<br />

ai-je quelque valeur ?<br />

Je suis dans l'ignorance du savoir<br />

possédant un pactole de syllabes.<br />

Ma pensée soulevée<br />

dévale les collines de l'évidence.<br />

J'habite une bulle de mots.<br />

1075


Je suis sans être<br />

Je suis sans être, épanouissement de mon néant,<br />

plénitude de mon vide.<br />

Puis je plonge dans ce lac de pensées<br />

Où grouillent confusément les perceptions du langage,<br />

Où les grondements entendus<br />

Par l'alchimique opération<br />

Se transforment en cristal de musique.<br />

Apparaissent les vagues successives d'analogie,<br />

Images dérisoires ou sublimes symboliques.<br />

Les concepts et leurs contraires participent<br />

À la construction du raisonnement.<br />

Les symétries, les parallèles<br />

S'entrecroisent et s'imposent.<br />

Jusqu'à l'effacement final<br />

Pour la mort du poème.<br />

1076


Aubes claires et bleues<br />

Aubes claires et bleues<br />

suspendues de rosée<br />

miroitant sur les éclairs de neige.<br />

Amours de cristal enflammées<br />

qui circulent lentement dans l'éther.<br />

de topaze, de flammes comme des fluides<br />

Vols d'oiseaux qui déchirent<br />

l'infini azuré<br />

battements de soieries<br />

légèretés caressées<br />

dans l'idéal du ciel<br />

tourbillonnez encore<br />

pour l'espoir du poète etc.<br />

1077


L'homme supplie<br />

L'homme supplie inexorablement,<br />

L'homme dont l'esprit grandi par l'imagination s'épuise à<br />

extraire, cherche à se délivrer par la pensée, source et jaillissement.<br />

L'homme qui s'élève dans sa croyance, qui accède à la<br />

construction interne, à l'architecture souveraine.<br />

À lui, la certitude dans la venue du Verbe.<br />

Accumuler encore dans la surabondance de la création, fouetter<br />

le sang des neurones pour tirer encore du suc, de la connaissance, de la<br />

lumière.<br />

de vérité.<br />

Je porte au doigt l'anneau de voyance et au poignet le bracelet<br />

Dame la conscience de ma médiocrité, l'œuvre est détestable, à<br />

bannir constamment.<br />

1078


Sanctification<br />

Une nuit, j'apportais ma Félicité, apparence parfumée d'oiseaux<br />

insaisissables ! Nul me dictait le mouvement ailé que ta main agitée<br />

caressait sur mes tempes humides. Dans les souffles du désir, les éclairs<br />

du ciel s'étaient soulevés, et la jouissance obtenue semblait alchimie<br />

d'orgasme.<br />

Je tourbillonnais sur moi-même et compris enfin le langage des<br />

sens. Mes folies d'agneau blanc s'élevaient vers l'innocence. L'haleine<br />

pure buvait le consentement idéal.<br />

On me remit l'anneau de clarté et de transparence. Je le porte à<br />

mon doigt tel un diadème éternel entre le feu intérieur et la constante<br />

élévation. Je me place nettement, je suis l’Époux nouveau. Je redescends<br />

lentement parmi mes frères.<br />

Salut à celui qui atteint ce principe spirituel, qui marche à ses<br />

côtés. Il passera par le creuset du feu.<br />

1079


La beauté d'Hélène<br />

Je voltigeais dans le souffle de l'air, refusant la station, ignorant<br />

le refuge où se concevait la femme. Des tourbillons épars portaient dans<br />

leur poussière la chevelure royale d'Hélène. Sa beauté s'imprégnait<br />

d'idéale de roses. Sa silhouette impossible allait boire aux fontaines.<br />

La brume neigeuse enveloppait son corps dans la transparence<br />

inouïe de lumière messianique. Je m'évanouis puis m'éloignais de cette<br />

persévérance sphérique, sublimation de son image charnelle.<br />

1080


Grands esprits<br />

I<br />

Et vous, grands esprits qui vous nourrissez dans de plus hauts<br />

savoirs, vous abaisserez-vous quelque jour dans les lueurs du Cercle, au<br />

milieu de la certitude humaine construite sur la chimère poétique ?<br />

Remplie de songe, notre pensée sur le versant du déclin :<br />

l'image belle et naïve comme une aube de fille sainte pour le mépris des<br />

hommes, l'image constamment renouvelée comme une recomposition de<br />

la ligne et du déplacement : libre dans son nouveau concept pour l'esprit<br />

et pour la chair de l'homme, l'image comme une nourriture de l'intellect<br />

...<br />

La mémoire funèbre du poète ne voltigera plus autour du<br />

sinistre monument ; l'éternité vivante encombrée de lourdes palmes<br />

glorifiera son âme inconnue ... Utopique ! Mes lèvres prononcent de<br />

fausses paroles.<br />

Est-ce sourire de raison qu'offre le visage ? ... "Cela ne se peut<br />

! Cela ne se peut !". La fille Muse est fête en mes songes comme fiancée<br />

gracieuse, fiancée blanche jamais lue et ignorée de tous.<br />

1081


Répands-toi, ô brise claire, mon avenir ! Que ma ferveur me<br />

porte ! Que ma ferveur me porte !<br />

II<br />

Et cette fille chez les esprits supérieurs :<br />

"Poésies ! Poésies ! Pensées errantes sur des images circulaires,<br />

surgies de l'inconnu, par le souffle hautement aérien, la phrase s'exile et<br />

s'offre belle de nourriture ...".<br />

certitudes.<br />

D'autres filles dans les escarpements de la raison invoquent des<br />

III<br />

Souffles offerts par la fille Muse :<br />

"Triste amertume ! Triste amertume ! Où se répand le parfum<br />

exhalé du ciboire ? Où puis-je respirer le chrême de l'esprit nouveau ?<br />

Enfouie à tout jamais, l'image ne saurait être renouvelée ! De la pensée<br />

obscure, jaillirait-il quelque essence purifiée ?<br />

Et vous, sœurs de l'absolu, sur quel homme se pencher ? Filles,<br />

1082


elles de chair, à qui proposer le plaisir ?"<br />

- Nous ignorons ! Nous ignorons ! Qui épanouit nos songes<br />

comme un soupir aérien ? Qui distribue le son parfait à l'oreille câline ?<br />

Cherchons.<br />

Nous nous sommes promenées sur le cercle en chair de femme,<br />

sensibles à l'appel. Vers les pensées fugaces de l'éveil, pour les premiers<br />

essais de la raison. Nous avons dansé et marché, faisant ronde riante.<br />

1083


La soumise<br />

Plaintes de femmes dans le mugissement du plaisir, râles de<br />

femmes dans l'orgasme de la nuit, qu'il est doux d'entendre femmes<br />

pleurer d'extase, de voir le bonheur versé sur les larmes de l'amante !<br />

Toi, le Dominateur qui prends et qui exiges, observe ton<br />

esclave suppliante et comblée.<br />

Soupirs de femmes mêlés de chevelure et de salive, amas de<br />

chair fraîche, quémandant une ivresse, douceur plaintive, ô mon délice,<br />

quel corps allongé fut plus aimé ?<br />

Mon maître, mon sublime supplice, vois, je t'implore encore,<br />

moi femme soumise et dominée !<br />

Femme suis prise et à prendre en tout endroit où me pousse ma<br />

convoitise, à la recherche de l'Amant. Qu'il piétine, qu'il meurtrisse sans<br />

offenser, sans blesser ! La chair est offerte, le corps s'ouvre, nulle gène,<br />

nulle honte. À toi, prends-moi avec décence, prends-moi !<br />

Oui, moi, soumise à ta puissance de cheval fougueux, implorant<br />

tes saillies et tes reprises en ma chair ! Oui, toi, mille foudres explosant<br />

d'orgasmes et de sel liquide !<br />

1084


Ô maître qui commandes et ordonnes, tu sais trop bien l'usage<br />

des larmes, des plaintes de jouissances ! Pourras-tu apaiser ces lieux à<br />

dilater, à soumettre et à prendre ? Vois, je t'implore. J'implore ta langue,<br />

ton souffle chaud, consacre-moi à ton supplice telle une offrande royale.<br />

Frapperas-tu, maître divin ? Espoir du délice, chair à prendre.<br />

Délivre mon impatience, je ne puis implorer plus longtemps.<br />

Tu frapperas, promets-le ! Avec puissance, ta réponse sera<br />

forte. Parle-moi, ô mon tyran ! Et avec plus de prise, m'assailles et<br />

m'enveloppes.<br />

Tu frapperas, ô mon despote ! Entends hurler l'esclave qui<br />

pousse un grand cri déchiré de femelle à sevrer. Le corps s'écroule et<br />

veut être comblé. Par-delà l'interdit, pénètre-moi encore ! Que j'explose<br />

radieuse, illuminée !<br />

Toi, mon Dieu, viole-moi par le délice du viol, arrache à ma<br />

raison le hurlement de la femme dilatée. Emporte-moi là-bas où la raison<br />

divague et nourris-moi encore d'images à transformer.<br />

1085


Paroles certifiées<br />

Paroles certifiées de la Muse expressive :<br />

Ô sublime amertume ! Que d'aigreurs tournées et retournées<br />

dans le fond de ma gorge ! La plus belle des femmes vit dans l'adversité<br />

! Elle n'est point reconnue, et sa chair splendide est méprisée de tous !<br />

Pourtant certains hommes, amateurs du beau, ont dit : "Nous<br />

l'avons vue, superbe et voilée. Nous savons qui elle est, longue et<br />

grande, à la hanche féconde. Sur son visage, coule le Chrême.<br />

Hélas, elle en est à se mépriser, à se dénigrer, ne sachant plaire,<br />

ne pouvant séduire la tribu des savants. Ce ne sont que des vieillards<br />

édentés et tordus qui se prévalent de déterminer le beau !<br />

Ô Mère des Muses, je t'implore dans un songe et te viens<br />

demander quelque justice !<br />

La honte pend à mes flancs comme un sceau d'injustice, la<br />

bouche perverse d'autrui est une plaie aux lèvres fausses ! Ha !<br />

Comprendre ! Me comprendre !<br />

1086


Les poétesses sont venues<br />

Les poétesses sont venues, porteuses de sublimes sacrements.<br />

Se sont offertes aux aspirants dans leur quête de nudité et d'idéale de<br />

saveur. Ont souri de leur bouche belle, offrant leur chair de filles rares.<br />

Et la pureté de leur déplacement, la légèreté de leur marche étaient fruits<br />

que l'on vénère, parades que l'on admire : "Nous sommes filles du ciel,<br />

et voici nos chairs, voici nos chevelures, voici nos cuisses. Nos<br />

ouvertures sont propices aux passions et aux drames. Voici, prenez !"<br />

Elles riaient de leurs dents superbes, elles évoluaient et<br />

tournoyaient, fabuleuses et immortelles. Elles éloignaient l'ombre noire<br />

et voulaient glorifier l'écrit.<br />

Elles jouaient encore, et certains hommes tentaient de mêler<br />

leurs voix aux sonorités cristallines : "Ah ! Nous avions mieux espéré du<br />

mâle assoiffé de perfection ! Offrons nos poitrines, accordons-leur nos<br />

croupes sinueuses. Sur nos fronts, que sauront-ils composer ? Ô mère<br />

superbe, qui donc faut-il aider, qui doit accéder à la perfection de nos<br />

larmes ? Nous faudra-t-il sur la scène théâtrale accéder au tragique de<br />

nos dires, exalter le divin de nos souffles pour honorer le héros,<br />

suppliant la mort sans espoir de conquête ?"<br />

1087


Les femmes aussi sont venues<br />

I<br />

Les femmes aussi sont venues aux bords des fenêtres, les bras<br />

remplis de livres blancs.<br />

"Ces livres purs, ces pensées encerclées, qu'en ont-ils faits ? Où<br />

sera leur avenir ? Vers quelle issue fatale ? Leur limite, quelle est-elle ?<br />

L'avons-nous embrassée de notre regard impérial ?<br />

Conception supérieure, vous mentez ! Poètes, vous êtes des<br />

traîtres ! Ô substance ! Faiblesse de médiocres, bouquets arrachés et<br />

brûlés ! Le vent réveille les Parques, la plume emportera l'essence de vos<br />

noms anodins !<br />

La fleur est sans arôme, la lecture illisible aux portes de la<br />

raison. Une immense tristesse envahit nos visages. Nous ne savons en<br />

qui espérer".<br />

La Mère était parmi nous. Nulle n'osait l'appeler. Et la foule de<br />

femmes s'éloignait des terrasses de marbre.<br />

1088


"Se peut-il, se peut-il que pas un avec l'astre divin à sa porte ne<br />

puisse nous prendre et nous exalter ?<br />

Tout l'aveu de notre chair dans l'intime de la transe quémandait<br />

en vain. Et cette exaltation accompagnait des cris de rage dans un corps<br />

jamais possédé !<br />

Un soir d'incertitude nous promenant à travers le parc de l'oubli,<br />

nous avons vu le Maître, bel homme campé sur ses pieds. Et nous voici<br />

soudain du côté de son miroir. Nous espérons le voir croître.<br />

Femmes très pures, passerons par la fenêtre, les bras remplis de<br />

livres ? Quelles seront nos issues ?"<br />

II<br />

"Hélas ! Hélas ! Notre cri est un cri de détresse ! Qui donc<br />

servirons-nous ? Quel sera notre Maître ? Nous visitons de chambre en<br />

chambre, avec la lampe vacillante le lieu parfait où resplendira le savoir,<br />

et nous cherchons encore.<br />

Pour quel maître de pensée, pour quel esprit à l'intelligence<br />

nouvelle possédant l'art de l'image ? Où est Celui ? ... nous ne pouvons<br />

attendre. Nous sommes suppliantes, murmurantes et désirons obéir.<br />

1089


Perception différente à la consonance libérée, qu'il nous saisisse<br />

et nous touche un peu partout, nous domine et nous aime ! Qu'il fusionne<br />

tout le savoir du siècle et veuille y ajouter !<br />

Ha ! Cette attente est vaine par le souffle de l'esprit, par le génie<br />

pensant au loin sur le calme des eaux !<br />

S'offre nul espoir pour les Livres de vie. Nous avons trop cru<br />

pouvoir le trouver, nous filles d'extase, servantes de l'intellect ! Nous<br />

implorerons encore les bras couronnés vers l'Azur.<br />

Nous chercherons grandeur d'homme, nous chercherons".<br />

1090


Ce langage<br />

Ce langage fut langage d'Inspirée : "Amertume et déceptions !<br />

Déceptions et amertume ! Dans quel esprit brille la pensée supérieure ?<br />

Pour quel poète accepterai-je de m'abaisser ? Qui m'invoque ? Qui<br />

m'appelle ? Je désespère et n'entends nul soupir. Il n'est nulle complainte<br />

autour de cette aura de belle spatiale, de blondeur idéale qui infuse les<br />

mots !<br />

Ô mère qui enfantas ma chair, je te prie dans mes songes<br />

comme une supplique éternelle, je t'implore dans ma prière sacrée !<br />

La honte est à mes flancs comme une certitude rouge. Il y a<br />

plaie de chair et sang qui bout ... J'attends pourtant campée sur mes deux<br />

jambes le poète d'avenir, l'idéal rêvé. Je veille, j'ausculte. Le feu est là<br />

sous la peau, je dois le transmettre. Qui sera riche ? Qui méritera de<br />

venir boire dans le corps de la femme ?<br />

Le vent de l'espoir s'étire et doucement me vient caresser. Me<br />

faut-il m'allonger sur ce lit, solitaire pour rechercher la passion<br />

domestique ? Quelle croyance en ce soir langoureux ? Il n'est nul espoir<br />

! J'attends l'homme des villes ou le rustre des champs.<br />

Oui, encore me voilà nue, offrant mes senteurs, retirant mes<br />

1091


linges, craignant quelque blâme de Mère pour exciter, conseiller sur ma<br />

chair le poème ... Est-ce soupçon d'extase porté en mon corps ?<br />

Mais vous, sœurs ou filles irrésistibles, voyez, il n'y a personne !<br />

Venez me caresser, venez Gardiennes de l'invisible m'embrasser quelque<br />

peu, et vous Coiffeuses, qu'attendez-vous ? Dans ma crinière épaisse,<br />

engouffrez vos doigts câlins et ravageurs. Oui, je veux être touchée de<br />

partout puisqu’aucun mâle ne mérite ma couche !<br />

Et dans ce grand miroir, est-il quelque spectre d'homme ? Non,<br />

il n'y avait personne pour accéder à la perfection de ce bonheur ...<br />

Mais vous, filles d'extase qui êtes là, hôtesses sublimes et<br />

gardiennes du Toit, tourbillonnez et offrez vos croupes belles ! Je veux<br />

le cri par le cri de la femme comme une immense muqueuse dans la nuit<br />

! Oui, faites germer le plaisir et couler le fluide irréel du bien-être infini.<br />

Cette chose est licite et offre le calme et le repos à l'Inspirée".<br />

1092


L'araignée blanche<br />

I<br />

Elle ouvre sa chair. S'envolent des papillons.<br />

Elle est fille-fleur, nudité de beauté<br />

Avec pétales de blondeur<br />

Avec parfums de brise claire.<br />

Elle est araignée possessive, violente<br />

Prête à piquer, à saisir, à compresser<br />

Le sexe, à le capturer.<br />

Elle s'agrippe, lutte,<br />

Elle viole le serpent<br />

L'enserre, puis elle s'élève ...<br />

II<br />

Dans les airs voltige l'araignée blanche<br />

Soufflée, gonflée comme une méduse<br />

Ballet léger de montgolfière<br />

Puis elle décline, redescend<br />

1093


Brodée de lys clairs.<br />

Elle atteint l'amant,<br />

Éternel dormeur d'une extase qui fuit.<br />

Ses membres appellent la capture encore.<br />

III<br />

Je suis prisonnier. Personne pour m'extraire<br />

De cette emprise de femelle.<br />

Agenouillé, j'implore. Qui ?<br />

Dans le souffle de la nuit,<br />

Gémit la chair. La chambre s'éloigne,<br />

Tout le décor aussi<br />

Envolé, envolé.<br />

1094


IV<br />

À nouveau, sur les pétales de l'araignée-fille,<br />

De la fleur-femme<br />

La chair rebondit, amas d'explosion,<br />

De décompositions. Y a-t-il eu jouissance ?<br />

Je suis dans son jardin.<br />

J'atteins l'ultime porte, j'ai la clé.<br />

Je prends, je pénètre,<br />

Je m'enfouis en elle.<br />

Retour à la nuit infinie,<br />

Et mort pour renaissance encore.<br />

1095


La cité intérieure<br />

Environné d'espoirs<br />

Souffle immense de rumeurs<br />

Grandes silhouettes impalpables<br />

Alors je pense, j'entends<br />

Je conçois<br />

les perceptions sont irréelles<br />

Inaudibles - tout se fait et se défait<br />

Autour de moi.<br />

Donc j'avance dans mon centre<br />

Dans ma pensée circulaire.<br />

Oui, j'avance<br />

Au milieu des graines illuminées<br />

de phosphore, de néant<br />

de certitude et d'imbécillité<br />

J'avance de manière sereine.<br />

J'entends un murmure plaintif<br />

Y a-t-il bourdonnements d'images ?<br />

À présent je produis quelque peu<br />

Je tire des signes<br />

1096


papier.<br />

Un espoir est planté dans la cervelle<br />

comme un drapeau noir sur blanc<br />

comme des signes sur une feuille de<br />

Le poème s'élabore.<br />

Voilà,<br />

Dans ma ville poétique,<br />

Je réveille les néons,<br />

Quelques lampes s'éclairent<br />

Je prends en moi, je vole à autrui<br />

Je déambule sur les traces de mes idées<br />

bric à bric d'étincelles<br />

Maintenant je marche<br />

à droite, à gauche, je décris ce que je vois.<br />

Façade belle de femme,<br />

serrure de sexes<br />

odeur de salpêtre<br />

Oui, comme une statue de marbre<br />

puis portique, comme intérieure<br />

Va-et-vient du passant<br />

balance, oscillations<br />

et toujours ces silhouettes<br />

1097


formes impalpables, inexplicables<br />

mais présentes<br />

Je cherche dans cette rue l'extase<br />

Mes yeux chavirent, brillent,<br />

miroirs captivants.<br />

L'avenir toujours est interne,<br />

occulte, sous un flot de transparences<br />

sous des folies de merveilles<br />

Il brille de femmes, de feu, d'orgasme<br />

Tout se mêle, se dissipe, se recrée<br />

dans la grandeur du Temple<br />

On entend des voix monter, supplier,<br />

Quémander,<br />

On entend des gémissements<br />

l'âme se plaint, interroge et veut jouir<br />

comme une fille en rut dans l'épanouissement.<br />

Les souffles lentement s'éloignent.<br />

Me voilà à nouveau titubant<br />

cherchant<br />

un principe absolu qui m'échappe<br />

qui m'égare.<br />

1098


Au milieu des réverbères,<br />

je tiens ma lanterne<br />

allumée de certitude<br />

certitude ?<br />

A rire<br />

Me voilà couvert de la cendre des étoiles !<br />

Je cherche un nouveau quartier<br />

un lieu où l'être comprendrait<br />

sa durée, son génie, son invention.<br />

Une porte pour l'être ?<br />

Non ! une voie sans issue<br />

je cherche encore<br />

donc j'écris.<br />

Chaque lettre s'associe, se confond, se mêle,<br />

va puiser dans la mémoire quelques possibilités<br />

la ténacité persiste<br />

elle ressasse et veut exploiter.<br />

Au centre de la place,<br />

il y a un jet d'eau,<br />

un arbre fluorescent,<br />

est-ce pensée suprême<br />

1099


est-ce cœur de la ville ?<br />

J'avance à grands pas<br />

dans la cité solitaire<br />

Les immeubles couvrent de leurs ombres<br />

le seul passant hagard que je suis.<br />

Je cours mais je me crois immobile<br />

je suis comme soufflé, aidé par mes pensées<br />

pourtant je n'ai pas même l'impression<br />

d'avoir marché.<br />

Je crois être resté moi-même,<br />

au même endroit...<br />

Le temps semble le même,<br />

et instable à la fois.<br />

Oui, j'écrivais donc<br />

à la lumière de ma cité<br />

dans le dédale de ma raison<br />

en absolu de croyance<br />

en certitude d'éternité<br />

et de prétention.<br />

1100


Ainsi j'achève l'acte,<br />

le mouvement de mon propos<br />

avec conscience de perte<br />

et de faiblesse<br />

avec l'espoir de chasser l'infamie.<br />

Je me parle encore, mais l'autre dort.<br />

Entends-tu ? Non je dors.<br />

J'avance dans le noir, seul.<br />

1101


La pensée<br />

La pensée<br />

surgit et s'impose<br />

sur les feuilles rectangulaires<br />

sur ses espaces blancs<br />

elle cherche à construire<br />

à édifier pour l'homme<br />

Son langage sort de l'invisible<br />

comme association de grains<br />

comme petites briques de mots.<br />

Le signe est unité de montage<br />

il participe à la syllabe.<br />

Syllabes : concepts d'échos<br />

répercutés sur le papier<br />

puis le texte apparaît lentement<br />

comme femme au sortir du bain...<br />

1102


Lieu de vie<br />

J'habite une chair de femme. La bouche aux lèvres sensuelles et<br />

rouges, la bouche implore encore à cinq heures, elle est vagin où<br />

scintille la salive, elle est appel pour le pénis. Quand toi tu entres, les<br />

muqueuses espèrent, désirent avec ferveur. Alors commence le va-etvient<br />

dans cette bouche qui veut, happe et implore.<br />

Je suis pénétration violente en toi. Voilà, j'aime te foutre, et me<br />

répandre. C'est un besoin.<br />

Tu supplies dans un lit. Tu es bête qui dévore. Tu as mille<br />

paires d'yeux pour ton plaisir. Vois, tu happes. Je finis dans ton domaine,<br />

vers le chemin qui pousse à la folie. Il n'y a pas d'innocence, il y a une<br />

indication horizontale, une entaille rose d'extase, des voluptés vicieuses,<br />

par des poils entremêlés, tissés. C'est ton alcôve. Tu supplies le sel de<br />

l'orgasme, je le retiens, tu le donnes. À la fin, tu imploses, les bras en<br />

croix. J'habite une chair de femme.<br />

1103


Sainte<br />

Tu étais claire<br />

Elle est bien loin cette pureté !<br />

Tu étais blanche,<br />

tes lèvres sur ses lèvres<br />

dans un mouvement constant<br />

Tu étais si près, si proche<br />

Tu ne t'inquiétais pas de la prochaine mort<br />

Tu étais une croix sur le chemin<br />

Épouse du Père sans méfiance,<br />

sans regard, indifférente même<br />

Sainte pour servir<br />

pour aimer constamment.<br />

Élevée dans le monde autre<br />

sois, reste claire<br />

sois éternellement.<br />

1104


Grande pensée<br />

Grande pensée, me voici ! Fraîcheur de la nuit sur la cime,<br />

souffle venu du large, front offert à toute spéculation de l'esprit.<br />

Un soir de feu et de forte fièvre où se conçoit la raison, j'ai<br />

supposé un ciel plus pur brillant sur des marais de sel, soir d'été et de<br />

certitudes épanouies, soir de chair, où l'amant engendre le Livre. Il fallait<br />

éviter les défaillances de l'inspiré, il fallait au-delà de la passion parvenir<br />

à la maîtrise de soi-même.<br />

Et c'était un immense conflit intérieur sur l'aire de la poésie où<br />

l'homme était son propre ennemi, où l'homme se promenait et se<br />

détestait.<br />

Il n'y avait point de nuée d'éclairs qui traverse la certitude, qui<br />

courbe sa vérité comme des gazes incandescentes. Non, ce n'était point<br />

songe, ivresse de muse, mais réelle bataille dans la conscience. Grande<br />

pensée, me voici !<br />

1105


Couloirs, couloirs<br />

Couloirs, couloirs désespérés de la raison<br />

Où l'on court pour fuir sa folie<br />

Portes ouvertes, portes à défoncer<br />

Obligations, interdictions.<br />

Il y a des chambres, des bibliothèques,<br />

Des lieux de plaisirs, de prières<br />

Chaque ouverture débouche sur une mémoire<br />

De soi, d'autrui, de social.<br />

Dans la chambre poétique<br />

On ne joue plus aux cartes<br />

Mais des bijoux de femmes se pavanent sur des sofas<br />

Il y a chairs de chevelures<br />

tumultueuses et ébouriffées<br />

d'araignées blondes.<br />

À la sortie du rêve<br />

après avoir franchi la limite du front<br />

l'oeil extérieur m'éclaire<br />

me propose d'autres images<br />

De lumière, de sang, d'orage.<br />

1106


Je prends, j'exploite,<br />

j'écris entouré d'ombres<br />

il n'y a nulle chair vivante<br />

je marche là autour du bureau<br />

j'écrase les idées, je les piétine<br />

comme un raisin moyenâgeux<br />

pour en extraire du vin.<br />

Il est transfiguré, il est sacré<br />

Sa chambre se situe au centre du monde<br />

La pensée s'y nourrit avec joie<br />

L'esprit s'éveille la nuit<br />

L'esprit l'embrasse<br />

La beauté lumineuse est<br />

transparente de vérité<br />

la certitude dit : oui.<br />

Les scorpions, les rats, les barbelés,<br />

Les épines dans la chair, les piquants<br />

Les feuilles d'exorcisme, les crucifix<br />

L'architecte, l'espoir du penseur<br />

Le fils inconnu de l'église<br />

L’oint civil<br />

1107


le voyant lave ses yeux<br />

Les murs transpirent d'invisibles<br />

de morts<br />

de vice et de honte<br />

Les souffles pourris des ombres<br />

circulent dans les airs.<br />

L'intelligence veut instruire l'homme<br />

le temps est ennemi<br />

Il entrevoit, désire obtenir<br />

la gloire de n'être pas<br />

Il hait cette stupide nécessité<br />

de vivre.<br />

Aimer est Dieu<br />

comme deux amants qui se supposent<br />

qui se savent, qui se sont vu<br />

Le désir élève vers l'au-delà<br />

la raison voltige<br />

tourbillonne et s'envole<br />

L'homme subit l'esclave du mal<br />

Il ne peut s'en défaire<br />

1108


La cruauté est l'immense dominateur.<br />

Le réel n'est pas tangible<br />

Qui croirait ?<br />

Qui accepterait de croire ?<br />

Rien, nul fantôme.<br />

Tout est mensonge<br />

et fausseté,<br />

évidemment !<br />

Il y a masse de violence blanche<br />

non, ceci est imagination.<br />

1109


La pureté<br />

La pureté, fleur d'extase<br />

sanctifiée<br />

s'élève sur les tiges de cristal,<br />

éclatant cercle de diamant<br />

pensée filtrée comme feu au creuset.<br />

Je me dépouille du péché<br />

Je mue, je retire ma peau noire<br />

certitude de fautes<br />

de culpabilité.<br />

Ô ma sublime transparence<br />

auréolée de blancheur<br />

Je contemple Dieu, ma beauté<br />

Je m'exalte dans sa grandeur.<br />

Suis-je nourri de lui-même<br />

comme plénitude d'onction<br />

comme vision nocturne<br />

et superbe,<br />

suis-je ?<br />

1110


Le marcheur solitaire<br />

Je n'étais cette nuit-là qu'un esprit qui pense<br />

Aussi, la concentration était sereine<br />

Au centre de la raison<br />

Je me mis à poursuivre l'image qui fuyait<br />

Fade coureur, je chutais sur moi-même<br />

Je m'étalais toujours plus en avant.<br />

Venues d'un toit invisible, des bulles de mots<br />

Poussées par le vent<br />

Plongent soudainement dans ma pure certitude<br />

Des roses noires porteuses de pensées<br />

Les accompagnent<br />

Elles désirent convaincre ma volonté. De quoi ?<br />

Me faut-il deviner ? Je dois savoir.<br />

La chute légère d'une bulle caresse l'eau,<br />

Enivre ma raison de questions insensées.<br />

Je m'éveille au milieu de sensations douteuses<br />

Et je poursuis mon investigation<br />

Cherchant vers l'avenir.<br />

Le sentier de l'audace est là, un peu plus loin<br />

1111


Vais-je l'emprunter ?<br />

Audace ! Comme je préférerais le survoler !<br />

Je réfléchis, j'hésite, que faire ?<br />

J'entendis s'éloigner une ombre peureuse,<br />

Était-ce l'image qui fuyait ?<br />

Je décidai de m'en retourner,<br />

Je regagnais le centre de la raison<br />

pour enfin dormir.<br />

1112


Grande pensée<br />

Grande pensée, nous voici. Fraîcheur de l'esprit en éveil sur des<br />

cimes, volonté du souffle pour accéder à tous les seuils, autour du front<br />

se construit un édifice du savoir.<br />

Tout soir est rouge, rempli d'animation, la fièvre y pousse des<br />

cris. Les premières possibilités s'expriment. Non, il n'y a que quelques<br />

accidents de langage...<br />

Et c'est un hurlement de souffrances où des sonorités aigres<br />

viennent se fracasser dans l'aire resplendissante de la raison. Ô<br />

puissances sanglantes qui implosent le songe en mille trouées d'ardeur !<br />

Une seule et puissante lumière, plus vive encore par le ciel<br />

intérieur courbe sa trajectoire portée sur des ailes de gaze. La douleur<br />

rouge implore.<br />

Si haute soit la pensée, une rumeur d'exil se lève et s'amplifie,<br />

masse vaporeuse ou certitude pesée ? À l'horizon de l'homme, une<br />

volonté de gains, de progrès.<br />

Redresse-toi, accède à la pureté, poète orné de roses, ton front<br />

1113


est souverain.<br />

Dans l'illumination du soir, il cherche et poursuit, et veut<br />

accéder à la transhumance royale, sorte d'idéal impossible vers une île de<br />

perfection.<br />

La fièvre est encore en toi, la braise chaude respire sous ta hotte<br />

de claire connaissance. Va chercher l'épouse vers la cime respirant l'or<br />

des saintes paroles.<br />

1114


Messages III<br />

Grand esprit, me voici !<br />

Grand esprit, me voici ! Chemin de certitude de braises chaudes !<br />

L’intelligence ardente et la conscience extrême, vers quelle délivrance<br />

courons-nous ? La vitesse et le temps useront-ils mon estime ? Nous avons<br />

espoir dans le sublime et le superbe. La volonté divine, permettra-t-elle d’y<br />

accéder ?<br />

Grand esprit, ai-je menti ? Me voici sur le chemin inconnu.<br />

Tourbillons de feuilles légères m’accompagnant. Recherche d’une<br />

possibilité sur la hauteur. Et ce beau souffle d’ici et d’ailleurs qui nourrit<br />

l’homme, viendra-t-il ? ... Il est venu.<br />

Je vous suivrai, emporté par le soir. Chavirement de l’œil exalté<br />

dans les opales de flammes ! L’homme est porté par son immense<br />

dessein, l’homme de rigueur et d’images - parviendra-t-il à marcher dans<br />

sa nuit ? Il faut donc accéder aux divins.<br />

Ô détestable mort comme une maîtresse noire et lugubre, tu<br />

m’accompagnes constamment. Il a quatre laquais.<br />

1115


Elle pense, elle espère<br />

Elle pense, elle espère, s’élève, se foudroie, se détruit et renaît.<br />

La voilà sur la pointe des pieds, fille sautillante, légère et vagabonde. Je<br />

l’appelle Idée, - belle dans sa nudité, recouverte d’un voile.<br />

Elle pénètre l’esprit, elle va vers l’intérieur, atteint cette espèce<br />

de masse noirâtre qui bouche l’horizon. Mais elle plonge pourtant dans<br />

cet amas visqueux et glaireux là où l’intelligence refuse de s’aventurer.<br />

Parfois des jets lumineux semblent bondir de cet étonnant réservoir où le<br />

retour de l’homme paraît impossible. L’obscurité y règne. Parfois encore<br />

des souffles mugissent comme pour venir y chercher une respiration,<br />

puis ils replongent pour disparaître dans les profondeurs.<br />

Pourtant cette fille s’éloigne et atteint les premiers rocs<br />

rougeoyants. L’oeil fasciné du poète la regarde aller toujours plus loin,<br />

vers l’intérieur.<br />

1116


Pour le poème<br />

sépare.<br />

Mots, serpentins de vérités, de mensonges que je coupe, que je<br />

Mots, solutions qui s’encastrent dans un nouvel ordre pour<br />

produire une parole.<br />

s’y intéressera.<br />

Ainsi j’obtiens une phrase, je suis seul à me lire, personne ne<br />

Ils ne sont pas tombés, mais ont été organisés, pensés par la<br />

cervelle. Y a-t-il intelligence ? Qu’est-ce ?<br />

Les sons brillent, brûlent et se meurent. Ainsi se conçoit la<br />

poésie. Par elle, je suis quelque fois. Je me sens peu.<br />

Dans la pure solitude, se propose le dialogue de l’exil. Je désire<br />

associer des mots.<br />

La pensée explose. Le souffle d’avenir. La beauté lumineuse.<br />

L’Hymne flamboyant dans l’espace irréel. Le soulèvement de l’esprit.<br />

L’acclamation du corps. Les jets éclatants dans la sphère étoilée.<br />

1117


Le poème cherche un ordre nouveau. Il prévoit d’étonnantes<br />

évolutions spatiales. Il fabrique des aigles qui tournoient fluorescents.<br />

Tout doit obéir. Ceci est gage d’avenir.<br />

Ton front cherche. Ta vérité lyrique se répand dans la chambre<br />

d’infortune. Il n’y a pas de place ici pour la pleurnicherie. Travaille.<br />

Ton texte s’épanouit toutefois.<br />

Espoir futur dans le souffle invisible. Sur le fil de la certitude,<br />

le poète chante face au soleil, enivré d’espoirs et de transparence. La<br />

vague claire m’emporte : tout doit sortir de ma bouche. Elle est cavité de<br />

savoir.<br />

Enfin je m’endors, je veux fuir dans mon rêve. Le poème se<br />

meurt pour renaître, plus tard.<br />

Enfouis-toi dans ton néant !<br />

1118


Je marche<br />

Je marche sur de la matière endormie, point de formes, à peine<br />

quelque masse supposée ici ou là. J’avance pied droit, pied gauche.<br />

Alors jaillit à quatre pas de moi, une sorte de geyser vert et jaune.<br />

Étonné, je recule. Dans ce jet, apparaît une femme d’abord lumineuse et<br />

fluorescente. Lentement la couleur change et devient bleue. Cette<br />

femme, qui bizarrement correspond à mon idéal de beauté, s’étonne,<br />

s’observe et commence à se déplacer, à tenter de vivre. Là voilà à<br />

présent tourbillonnant sur elle-même, et riant de ses belles dents tout<br />

nacrées. Elle danse ou se plaît à bouger. J’observe sa plastique<br />

puisqu’elle est mienne. Sa nudité l’amuse. De temps à autre, elle me<br />

regarde et semble dire : “Voilà, je t’aime. Je suis Elle, l’as-tu compris ?<br />

Me veux-tu ? Je te dis que c’est moi.” Elle se balance, cherche<br />

l’équilibre entre le désir et la retenue. Ce n’est point une représentation<br />

audacieuse que me joue la raison, car elle est femme et existe vraiment.<br />

Du moins je veux le supposer. La raison du poète est souvent<br />

mensongère.<br />

C’est la parfaite idée que je puis avoir de ma moitié, - oui,<br />

femme perpétuelle dans la mémoire d’un songe, qui naît de<br />

l’intelligence et se met au service de la sublimation poétique. Oui, belle<br />

et vivante, pensée de l’intérieur, flamme de feu et de sang.<br />

1119


Toute composition idéale est naissance encore renouvelée.<br />

1120


L’imagination<br />

Il m’était difficile de soupçonner mon imagination capable de<br />

n’offrir quelque chose d’utile ou d’efficace. J’étais à l’entrée de mon<br />

âme et prétendais l’aptitude créatrice creuse sans possibilité d’élévation.<br />

Cela paraissait faible, relativement ridicule là devant mes yeux, sans le<br />

moindre soupçon d’image ou d’idée. Je décidai de faire demi-tour.<br />

Alors apparue l’irascible femelle, souveraine de mes misères et<br />

de mes splendeurs, femme fatale au collier noir, cruelle et dominatrice,<br />

comme suppliante et implorant je ne sais quoi. Pourtant je refusais de lui<br />

demander de se justifier.<br />

Cette frénétique salope, ce bourreau sexuel était là à quémander<br />

selon le raffinement de sa sensualité supérieure. Elle se voulait<br />

domestiquée, soumise à mes superbes connaissances et désirait mon<br />

esprit de vouloir l’instruire.<br />

Dans la mémoire d’hier, vacillaient encore des fantasmes de<br />

bulles claires, de filles-serpents, de femmes-loups. Elles étaient ligotées<br />

à ma potence de chair érectée.<br />

Alors je me suis vu grandir, bondir hors de ma raison et<br />

regagner le pur lac de mon enfance où j’ai commencé à vivre.<br />

1121


La jeunesse fusillée<br />

Nous étions en avril. La nuit gémit souvent. De violentes<br />

querelles se mêlaient à des passions de chair. Le vent soufflait brûlant.<br />

De nouvelles filles inconnues se cachaient derrière des rosiers,<br />

agenouillées ou quémandantes. J’étais loup migrateur, solitaire. La<br />

mendicité resplendissait dans ma cité faite d’ombres et de douleurs ;<br />

l’œil des violeurs tirait sur mon corps sanguinolent. J’imaginais une<br />

capacité autrement exploitée dans la rigueur de l’intelligence.<br />

Le fond du cœur suppliait. L’espoir était vain.<br />

1122


Le mépris<br />

Nul soleil dans l’intelligence. La lumière déçoit, vacille,<br />

répandant mollement quelques rais ténébreux.<br />

La fille-lune à la hanche féconde quémande un orgasme,<br />

convoite une chair que je ne puis lui offrir. J’aime son sein, mais<br />

seulement deux ou trois heures.<br />

Elle me voit composer avec du bleu, avec du feu intérieur, et se<br />

rit de mes recherches.<br />

1123


Répétition<br />

Tu me redis, génie<br />

Ce que je sais déjà,<br />

Génie, exalté, immortel<br />

De pensers purs, d’élan, d’espoirs<br />

Tu es ma référence<br />

Et mon admiration.<br />

Constamment près de toi,<br />

Je suis à apprendre<br />

Tu es mon instructeur,<br />

Je suis ton apprenti<br />

Le livre que nous faisons<br />

Dans la nuit exaltée<br />

Se conçoit aisément<br />

Par ta sève enivrante<br />

Résidons en nous-mêmes,<br />

La boule d’énergie<br />

Saura nous éclairer<br />

1124


J’exploite tes ressources<br />

J’obéis à tes ordres<br />

Je suis le nourrissant<br />

Et tu es l’instructeur<br />

Cherchons-nous autrement<br />

Pour aller au meilleur ?<br />

La clarté nous dirige<br />

Par ta torche superbe<br />

Sous mes doigts animés<br />

1125


Le jour se pense<br />

Le jour se pense<br />

Dans le ciel constellé<br />

La lumière éclaire la voie<br />

Le jour se pense<br />

Ouvrir l’esprit, illuminer la raison<br />

Des graines de certitude<br />

s’éveillent ça et là<br />

Le jour espère<br />

Les brouillards s’élèvent lentement<br />

L’homme observe, tourne sur soi-même,<br />

regarde alentour<br />

Il cherche ses yeux, pour voir<br />

pour se voir<br />

pour comprendre<br />

Des idées tout à coup sonnent<br />

la porte de sa chaumière<br />

vague appel ou possibilité sereine ?<br />

Une gerbe d’espoirs contre la nébuleuse<br />

invisible, impalpable,<br />

1126


de sons, d’images, d’avenirs<br />

Alors tu deviens poète<br />

tu marches sur tes pieds,<br />

Tu avances péniblement<br />

ta chevelure s’envole<br />

soufflée de rêves étranges<br />

Il y a blancheur de folie, d’extase<br />

de tentations audacieuses<br />

Tu palpes des idées intérieures<br />

avec le désir de pouvoir comprendre<br />

Tu produis en tâtonnant<br />

en suivant la marche de ton langage<br />

La substance de vie glisse entre tes doigts<br />

Les mots s’entrelacent<br />

c’est encore le matin,<br />

te souviens-tu de ton espoir<br />

La lumière est laiteuse,<br />

elle vient caresser ta chair<br />

elle quémande un orgasme<br />

1127


Le jour se pense dans ta bouche<br />

Il commence à parler<br />

écoute-le.<br />

1128


Le vent rouge<br />

Le vent rouge s’élève<br />

d’un coup de flamme<br />

Avalanches, tourbillons des lianes invisibles<br />

il est emporté<br />

le stratège de la nuit<br />

flanqué de sa lumière intérieure<br />

Le vent rouge est fumant<br />

il s’est écrasé<br />

dans la suie du ridicule<br />

le poète aux bras arrachés<br />

incapable de voler.<br />

1129


Messages IV<br />

Quelle trouée d’azur<br />

Quelle trouée d’azur<br />

s’est déchirée pour atteindre la foudre<br />

quand ma chair hurlante<br />

implorait la mort<br />

de ses cris sanglants ?<br />

1130


Nourriture messianique<br />

s’impose en absolue vérité<br />

Autour de ma pensée<br />

la certitude tourne<br />

Ce souffle que je respire<br />

se compose de particules électrifiées, vraies<br />

comme une pluie de uns et de zéros<br />

Je me nourris, je m’enrichis<br />

j’avale le pain invisible<br />

composé de corpuscules<br />

lumineux et phosphorescents<br />

J’aspire au miracle divin<br />

dans la prison de verre où je vis<br />

Mon cri atteindra-t-il la voûte circulaire ?<br />

vivrai-je éloigné de la mort violente ?<br />

Je mesure ma faiblesse<br />

ma médiocrité<br />

le ridicule de mon travail<br />

1131


Je voudrais déchirer cette honte<br />

que je porte<br />

accéder à quelque chose élevé<br />

le puis-je ?<br />

s’impose en absolue vérité<br />

Autour de ma pensée<br />

la certitude tourne<br />

1132


Le sel<br />

Cercles constants<br />

où flotte ma pensée<br />

Anneaux en fuite vers l’infini<br />

ceintures de lumières dénouées<br />

la substance claire s’élève doucement<br />

Le pied se pose sur le rebord du cristal<br />

au coeur de la certitude obscure<br />

se découvre une jetée d’angoisse<br />

teintée d’arôme amer<br />

les lèvres amoureuses<br />

appellent le Sel de l’Esprit<br />

1133


Sel<br />

Sel<br />

face à la pureté du Père<br />

Il vient, admet et repart<br />

là-haut, remonte<br />

dans la perfection circulaire<br />

lumineuse<br />

J’aspire au baiser soufflant sur or purifié<br />

beauté de grandeur claire<br />

dans la certitude extrême<br />

tachant de comprendre l’inexprimable<br />

l’indéchiffré<br />

je cherche exalté par la vision<br />

1134


Le peintre<br />

Le soleil dort sur mon épaule<br />

là-bas, des feuilles agitent<br />

des sortes de doigts,<br />

spatules marron et clair<br />

Tout semble tournoyer<br />

pour un automne gracieux<br />

Des flux d’air en cascades<br />

accrochent la lumière,<br />

semblent bondir<br />

puis s’enlacent autour des troncs<br />

Le poids de l’air s’écrase sur les rais crayeux<br />

l’épais soleil finit sa course<br />

or rouge et fatigué<br />

Le temps désire retenir sa fuite<br />

Certaines filles dans le jardin public<br />

s’envolent, robes trouées<br />

avec des sexes roux<br />

1135


L’espace vide est une bulle qui fuit<br />

Le jardin semble gras de personnes<br />

J’écrase devant mes yeux<br />

des couleurs rouges et ocre<br />

parmi ces constances dérivées de verts<br />

1136


Interrogation<br />

Je m’allonge sur mon lit et tache de comprendre. Jusqu’où puisje<br />

aller ? Quelles sont mes limites ? Mes yeux scrutent l’intérieur et<br />

tentent de toucher quelque certitude au milieu d’objets morts ou de<br />

poèmes jaunis. Je ne possède aucune pesanteur et je sillonne les zones<br />

d’ombres, les fontaines lumineuses, les façades phosphorescentes. Je<br />

suis le poète immobile, et défilent des femmes, des spectres immortels,<br />

des Dieux sublimes. Pourquoi ?<br />

Je reste allongé. La nuit succède à la nuit. J’étais mort. À<br />

présent je suis vivant. Nulle question n’a été élucidée.<br />

1137


Commencement<br />

Je n'étais qu’un froid glacial, qu’une honte repliée sur soimême,<br />

conscient de sa médiocrité et de son inutilité - tels furent mes<br />

débuts.<br />

Aujourd’hui, je prends des Dieux, j’exploite le feu des poètes -<br />

je souffle sur des cendres, les yeux tournés vers les Parfaits.<br />

1138


Le doute<br />

Je saute d’une pensée à l’autre prétendant mal exploiter ma<br />

capacité intellectuelle, me jugeant apte à obtenir un résultat supérieur.<br />

J’insiste encore, avec conviction, avec certitude. Ma potentialité<br />

est bien vivante, palpable, sereine et violente, excitée et balancée -<br />

j’attends.<br />

Le mot en pleine gueule change de sens, il se vrille, s’entortille,<br />

se combine. Il est opération chimique, instant de transformation,<br />

d’adaptation. Que dit-il associé autrement ? Il est mélange de couleurs<br />

sur la palette du poète. Il perd de son intensité, s’adoucit, au contraire se<br />

fortifie parfois.<br />

L’énergie du cerveau impose à produire - il achète l’or du<br />

soleil, l’échange contre de la lumière - il se jette dans l’ombre et habille<br />

des fantômes - il couche la lune dans le silence de l’aurore.<br />

La tête capte l’image fascinante,<br />

veut l’offrir à la plume servile et obéissante,<br />

toujours déçue, cherchant encore<br />

Elle agit, écrit<br />

prétendant savoir s’y prendre<br />

1139


pour obtenir un meilleur produit<br />

La tête refuse cette feuille<br />

et se projette vers l’avenir<br />

vers le poème nouveau<br />

de la prochaine heure<br />

de la prochaine journée<br />

vers demain<br />

1140


Désirs<br />

Être sans être<br />

dans la parfaite plénitude du Moi<br />

avec stabilité de sagesse<br />

avec beauté intérieure de savoir<br />

avec maîtrise du langage<br />

entouré de Néant<br />

mais nourris de mots<br />

de structures vraies<br />

édifié dans sa demeure<br />

Habiter le sanctuaire d’un Dieu<br />

pour l’habiller d’images pures<br />

pour sanctifier son discours<br />

pour sa conscience et sa mémoire<br />

et produire de la symétrie lumineuse<br />

enfin se donner le pouvoir<br />

et agir sur soi, sur l’homme,<br />

le visible, l’invisible,<br />

la matière<br />

1141


Je sais mille espoirs<br />

Je sais mille espoirs et le mien seul c’est moi sur une table<br />

encombrée de livres<br />

main nerveuse écrivant pensée pénétrante imprégnée dans la feuille<br />

soudain explose en braises de mots chauds<br />

dictant à mon<br />

corps<br />

par le pouvoir de l’œil<br />

J’ai plongé dans mille encres d’écriture<br />

bu des<br />

hectolitres d’eau claire<br />

condamnant ma jeunesse au supplice poétique bourrés d’étamines<br />

observant mes vieilles fleurs séchées qui constellèrent ma tête<br />

Oui, il est un avenir<br />

la passion, la force, l’énergie y cohabitent<br />

dans un monde d’indifférence<br />

oui<br />

je l’ai bien su<br />

j’espère encore<br />

Être vivant en tout temps<br />

avec sa vérité,<br />

1142


Habillé, délaissant...<br />

Habillé délaissant allégé de juillet<br />

dans l’éclair mais les bruits sourds<br />

des filles exquises de rien de beauté<br />

J ’écoutais l’hymne bizarre écla<br />

té la douceur de la chair lubidu<br />

neux vent d’azur rare<br />

Le désir conduit à cet orgasme<br />

De miel sirupeux d’odeurs aigres<br />

Lit des ouvertures de feu et de gémissements<br />

Ton désir éclatait sous le dôme<br />

de l’orage jaillir<br />

1143


Petite vie<br />

Petite vie insignifiante<br />

petite médiocrité de poète<br />

inconnu petit bel espoir qui me flatte œuvre, œuvre, et<br />

recherches encore toujours<br />

Malheur sur malheur et résistance à la réussite, au crédit<br />

autrui, autrui mais il n’y a que moi que m’importe, s’il<br />

me reste Dieu ! Dieu, ma beauté ! mes Dieux, mes<br />

merveilles !<br />

fortune<br />

Sans ou avec du vin<br />

légèrement ivre, à la recherche de la<br />

regardant le passé de jeunesse, orienté vers l’avenir<br />

Le presque rien, l’inconnu incapable de produire du hasard<br />

de chance la perte, perte des mots de bouts de phrase de<br />

rien , vraiment petite vie<br />

1144


Éclats sonores !<br />

Éclats sonores ! Fragments col lages ,!<br />

Que du Cerveau cerclé d’esprit œil d’intérieur<br />

me viennent ces nouveautés d’écri tures<br />

Espérant le Sel clair le même<br />

Le beau la substance dans ma bouche<br />

Pour l’avenir de ma pensée oui, ma demeure<br />

Je respire la brise d’élé va t<br />

i on, en poussant les signes libé rés<br />

Vers l’avenir<br />

Tout est permis pourtant je hais ces é<br />

Ces risques bri<br />

sés de futur<br />

cl ats<br />

1145


Dialogue Poétique<br />

I<br />

La nuit est passée<br />

Par où ?<br />

Elle repassera<br />

Tu es resté dans l’ombre<br />

À espérer encore<br />

Les Immortels sont venus<br />

Et je sais le pourquoi<br />

Je supplie au-dedans<br />

Je suis seul à m’entendre<br />

La blancheur s’agrippe au visage<br />

L’ombre vieillit. Quel est mon avenir ?<br />

Qu’attendre du passé ?<br />

Je me nourris d’hier<br />

Qui est mensonge ? L’autre est un frère,<br />

1146


Le même, sosie, étrange<br />

Dans ce silence clair,<br />

La chair plonge dans le vide<br />

L’oeil cherche à comprendre<br />

Le son cristallin<br />

S’habille de lumière<br />

Et désire son soleil<br />

II<br />

Tout ce néant d’extase<br />

Par ce trou rectal<br />

Je reste encore dedans<br />

L’éblouissement intérieur<br />

Tu pénètres dans ta chair<br />

La fable et le poème<br />

Le stupide et l’impensable<br />

Se côtoient vivent<br />

Et se reproduisent<br />

1147


Tu composes dans ma tête<br />

Et me promets un futur,<br />

... De rien, certainement<br />

Mon ombre construit<br />

Avec du délétère<br />

La feuille purifiée,<br />

Salie par la vomissure<br />

De l’artiste<br />

Rêveuse, crasseuse<br />

Tu produis dans les épines,<br />

Est-ce Christ ?<br />

La critique est médiocre<br />

Je suis dans l’infortune<br />

Le Moi est splendide<br />

Incompris, inconnu<br />

La nourriture de l’intelligence<br />

La transformation<br />

Les déchets<br />

1148


III<br />

L’encre de l’égérie<br />

L’indifférence<br />

Les perceptions inconnues<br />

Le triomphe de l’au-delà<br />

1149


Verse-sang<br />

Verse-sang encore toi pur et saint<br />

Aspirant quelque air divin<br />

Toi rimailleur par Roubaud est-ce spacialisme ?<br />

non<br />

sur cette page la mort écoute<br />

couverte de blancs<br />

main plate collée à la feuille<br />

à salir<br />

front huileux, exalté d’espérances<br />

avec ces piqûres, ces aiguilles de maudit<br />

dans la chair<br />

Jamais nuit n’est sereine<br />

au réveil, il est toujours midi<br />

mais le matin n’existe pas<br />

Je secoue le coq à cinq heures<br />

je l’appelle Jérémie - il veille, il guette,<br />

il a l’intelligence<br />

Jardin, quiétude, voisins, rien, donc quiétude<br />

1150


Musique, écrans, piles de livres et piles<br />

femmes ? Peu : Quelques-unes une puis<br />

deux - une<br />

La petite a des cheveux jaunes<br />

Verse-sang es-tu pur, es-tu saint ?<br />

1151


Tu es mort<br />

Tu es mort dans la mort et mort encore<br />

Le mal moisit tes jours, le mal ronge ta vie,<br />

Se nourrit de ton énergie, prend, prend<br />

Comme la sangsue<br />

Ton triomphe n’est pas illusoire,<br />

Il est du dedans, pour l’intérieur<br />

Toi, tu vas à la fête de ta mémoire<br />

Certifiant ta réussite<br />

Tu renonces à crédibiliser ce langage<br />

Les Dieux pourtant l’ont reconnu<br />

Au fond est le bilan splendide, ignoré, tant pis !<br />

Est-ce ta raison de vivre ?<br />

Faut aller dans la fosse, s’endormir tout au fond,<br />

C’est là qu’on dure, n’est-ce pas ? Allez z’ou !<br />

1152


Fragment de ciel<br />

I<br />

nerveusement.<br />

Ce fragment de ciel,<br />

la poésie s’éteint<br />

Là-bas, il y a la source nourrie de lumière.<br />

Encore des vérités d’écriture, de formes inconnues, anonymes,<br />

de jeunesse, de vieillesse, - à oublier, qui s’en iront mourir - (C’était à<br />

prévoir)<br />

Vêtues de leur mieux, incomprises pourtant.<br />

Mauvaise étoile, sale lune, blafarde et inutile. Rien ne scintille,<br />

rien ne brille, tout semble mort.<br />

1153


II<br />

Sous ce fragment de ciel, est suspendue une fille<br />

accrochée par ces mamelles<br />

éclatantes de douleurs<br />

la marée baveuse, laiteuse remonte vers elle irrésistiblement.<br />

analytique]<br />

[Je sais<br />

ainsi je poursuis<br />

étrange composition sans symbolique<br />

C’était donc le monde, le mien<br />

refusé<br />

monde unitaire où je courais, marchais, dormais (etc.)<br />

construisant avec des accidents de langage,<br />

des débris éclatants sans génie, sans lumière,<br />

travail de rien - disaient-ils, disaient-ils<br />

et s’ils avaient raison ?<br />

Je me jette, j’insiste, j’espère<br />

de nouveaux espaces de liberté<br />

Je déverse ma rage accumulant, accumulant encore<br />

Pour qui ?<br />

1154


III<br />

grêlons spectrale<br />

Sur ce fragment de ciel, l’agression noire<br />

le poème râle, lutte pour survivre,<br />

pluie de<br />

« je ne veux point mourir - je dois survivre<br />

Bien sûr qu’ils existent - Vous ne les voyez pas ?<br />

Vous ne les voyez pas ? N’ai-je pas lutté pour produire, moi ? »<br />

IV<br />

Une nouvelle vague<br />

clous, de couteaux etc.<br />

auréolée de plumes constellée de<br />

Me voici tout à coup avec mes quatre laquais qui rôdent et<br />

agressent<br />

dans des vêtements invisibles<br />

rempli d’aigreurs et de haine<br />

ainsi ça recommence<br />

1155


et ce lieu parfait pour ma solitude<br />

quelle solitude ? entourée d’ombres, d’invisibles à occire je<br />

reprends le mouvement à produire<br />

redescendue<br />

Oui, ici, encore, avec toute l’innocence d’une créature<br />

La chair est bafouée ? La chair ? Mais je le sais !<br />

pour qui ?)<br />

Ce n’est que du sang blanc, qu’ignorance ne voit (confession,<br />

Je poursuis : encore seul, avec mes Dieux<br />

sur ma terre déchirante, ceint d’ombres<br />

pour finir rampant, vieux vers détesté<br />

je m’enfonce dans le rien<br />

1156


V<br />

Tu le sais, toi qui pénètres dans le vent dépouillé de toute<br />

espérance<br />

sans lecture d’un littéraire<br />

nulle compréhension<br />

bravant le suicide, - et pour cause !<br />

accoupler ?<br />

Est-ce récitatif que ces morceaux de formes à coller, à<br />

Encore, j’écris :<br />

hommes, saint et oint, mais qui le croirait ?<br />

je fus donc prophète, inconnu, irréel aux<br />

J’existe et ma solitude est sublime<br />

mon avenir est désespérant<br />

Il y a encore ce fragment de ciel<br />

1157


VI<br />

- a-t-elle raison ?<br />

L’âme est ignorée : elle triomphe dans sa défaite elle se glorifie<br />

*<br />

1158


Il déplace le présent<br />

Le voici parlant<br />

Dictant du futur<br />

Sa bouche est divine<br />

Il porte la ceinture<br />

L’œil est pénétrant<br />

Il s’adresse à l’invisible<br />

Il se figure de l’espace<br />

Cherchant la vérité<br />

Le cœur épuré<br />

La chair passée au creuset<br />

Ses habits de clarté<br />

Et l’histoire de son peuple<br />

Qu’il pousse vers l’avenir<br />

Lui indiquant la Loi<br />

1159


Insignifiant fut le triangle<br />

Constellé de sperme<br />

Auréolé de poils et de senteurs<br />

Une histoire lamentable<br />

Qui cherchait en ce lieu<br />

Un passage éblouissant<br />

Des hurlements fabriqués<br />

Pour déchirer l’azur<br />

Dans l’impensable chair<br />

Celles qui s’agenouillaient<br />

Quémandant l’orgasme<br />

Gémissaient sous le fouet<br />

Et là dans ma hauteur<br />

De dominant pervers<br />

J’inventais un théâtre<br />

1160


Chaque pensée<br />

Engendre une pensée<br />

Miroir et tombeau<br />

Tant de feux inutiles<br />

Dans l’avenir interrompu<br />

Nourris de leur passé<br />

Chaque image<br />

Engendre une image<br />

Création et chair<br />

Un poète concevant<br />

N’étant que cela<br />

Que mort future<br />

Construit en délétère<br />

Pour le secret du rien<br />

Éblouissant et inconnu<br />

1161


Je m’élance, j’accomplis une distance<br />

Je mesure le résultat obtenu<br />

L’énergie de vie est enfermée<br />

Dans une sphère qui détermine la limite<br />

Je puis aisément atteindre son centre<br />

Mes yeux se cognent aux parois invisibles<br />

L’au-delà est aveugle<br />

Et tâtonne en reculant<br />

Ma tête est constellée d’incertitude<br />

Où est l’outil pour arpenter ?<br />

1162


Entre le je suis<br />

Et le je serai<br />

Le poète pense<br />

C’est l’espoir<br />

La certitude<br />

C’est l’avenir<br />

J’ouvre ton œuvre<br />

Pour y voir<br />

Un futur<br />

Mais le temps s’effondre<br />

Il s’écroule sur toi<br />

La nuit tu espères<br />

Tu prétends être<br />

Pour t’en retourner<br />

Dans l’insignifiance du jour<br />

1163


Le passé est le déterminant<br />

L’origine, le point de départ<br />

Qui a été et n’est plus<br />

J’habite la bulle du présent<br />

Sombre et noirâtre<br />

Replié et caché<br />

J’y invente le clair, sa lumière<br />

Je prétends me projeter<br />

Vers un avenir<br />

Toi, tu diras : en ce temps<br />

Tu étais et ne savais<br />

Mais le passé a fui<br />

Nul souvenir fugace<br />

Ne comble les instants<br />

Que j’essaie de capter<br />

1164


Messages V<br />

Retourne d’où tu t’en viens.<br />

Jamais<br />

quand bien même<br />

des possibilités extrêmes<br />

infaillibles<br />

réelles dans le futur<br />

certifiées par un Dieu<br />

Jamais<br />

Moi, Moi, désespéré<br />

trahi, haï<br />

combinant, cherchant, certifiant<br />

Jamais nourri par des génies<br />

le leur<br />

produisant avec désespoir<br />

avec moult moyens<br />

J’avance poussé par le Mal<br />

redressant mon envol<br />

1165


ondissant, hors et jaillissant<br />

Moi, oui,<br />

très à l’intérieur de l’écume,<br />

soulèvement, enfoui dans la profondeur d’un cauchemar<br />

boiteux, à la Poe,<br />

Néant, béant d’une chambre maudite<br />

refusant l’adaptation à l’autre, aux autres<br />

à autrui,<br />

Perché et maître reconnaissant le Nombre<br />

le même,<br />

limité dans son extrême<br />

à un double six de syllabes<br />

ou de pieds<br />

en maniaque, métromaniaque<br />

J’hésite, je veux et ne peux pas<br />

poursuivre l’essai<br />

dans ces calculs nouveaux<br />

je combine encore<br />

1166


dans le triomphe de ma tempête<br />

J’espère être pour l’Esprit mien<br />

fabriquant le secret<br />

inconnu à l’homme<br />

emporte, emporte-moi nef<br />

bouillonnant d’une splendide tête<br />

pour des contrées nouvelles<br />

J’intègre la probabilité nulle<br />

de gains, de crédit, d’avenir terrestre<br />

Nourri de démons ridicules<br />

désireux de les chasser<br />

La mer ! La mer !<br />

rejetant la femme<br />

fantôme d’espoir, passé<br />

illusion d’orgasme<br />

hantée de blondeur née<br />

de chair bleu turquoise<br />

1167


Oui, solitaire et tel<br />

prince amer de l’exil<br />

dans l’éblouissement pléthorique<br />

frère du dérisoire<br />

J’avance<br />

possédé par l’oeil fatidique<br />

Poète expiatoire du ciel<br />

de la seigneuriale divinité<br />

bouc innocent et incompris,<br />

Lucide mais feignant<br />

gonflé de certitude et<br />

allant en soi-même,<br />

Moi<br />

Avec conscience, sans vertige<br />

par temps de souffrance<br />

sur mon rock<br />

cherchant la production immense<br />

Existera-t-il<br />

autrement que poète virtuel et céleste<br />

1168


commencera-t-il<br />

constamment nié<br />

Du moins Il s’illumine<br />

Maudit, maudit<br />

par cent aiguilles dans la chair<br />

portant la honte et le ridicule<br />

de la vaine profession<br />

Ce serait...<br />

mais Christ choit<br />

dans l’écume sinistre de l’insignifiant<br />

se souvenant pourtant<br />

de quelque rare baume émané<br />

par la Force<br />

Il travaille sans délire<br />

pour remplir son gouffre<br />

Je dis : Rien n’aura lieu<br />

mais élévation d’absence toutefois<br />

1169


fondée non sur l’espoir<br />

L’acte est plein de certitudes... est-ce ?<br />

Je réponds : oui<br />

sans perfection réelle,<br />

nourri d’absence<br />

excepté pour l’au-delà peut-être<br />

hors d’intérêt<br />

pour toute vérité humaine<br />

mais cherchant encore<br />

construisant avec moi-même<br />

Pour Orion, éloigné, si proche des Pléiades<br />

de feux, d’apprentissage, que sais-je<br />

donc<br />

Une constellation de livres<br />

née pour s’en retourner dans l’espace<br />

inconnu<br />

pour accéder à cette pierre de faîte<br />

rejetée de tous<br />

1170


La divine parole était un coup de dé<br />

1171


La mémoire aime l’oubli<br />

Le souvenir fuit<br />

Là-bas dans l’ombre<br />

La pensée est brisures de cercles<br />

De moins en moins parfaits<br />

Qui s’évadent vers l’infini perdu<br />

De dérive en dérive<br />

La nuit couvre le jour<br />

Carnassière et dévastatrice<br />

La tête est lourde de songes<br />

Le sommeil s’épanouit<br />

Éblouissant en longs soupirs<br />

1172


La femme insecte<br />

Je sortis de mon cauchemar, couvert de sueurs glacées,<br />

j’allumais rapidement la lampe de chevet et vis, face à moi, à quelques<br />

mètres du lit cette étonnante fille cruelle avec des ailes de papillon qui<br />

m’observait dans une fixité étrange. Les ailes commençaient à tournoyer<br />

dans une sorte de ballet bizarre, difficile à décrire. La lumière<br />

jaunissante de la pièce éclairait çà et là dans un jeu d’ombre la femmeinsecte<br />

venue pour me faire jouir ou souffrir. Je bondis hors du lit, nu, en<br />

érection et m’approchais d’elle. Ma respiration était saccadée, j’étais<br />

pantelant, frémissant et angoissé, mais attiré irrésistiblement par cette<br />

curieuse femelle. De son regard métal, elle m’obligea à m’agenouiller.<br />

J’obéis lentement et plongeais mon visage contre son buisson noir et<br />

brillant. Je buvais crispé l’odeur acide et molle de ses lubrifications<br />

vaginales. Je passais ma langue avec dextérité dans la fente humide de<br />

son sexe et me concentrais pleinement sur son petit bouton rose gonflé<br />

de sang.<br />

D’une voix légère et claire, elle me demande :<br />

- Où avez-vous appris à faire ça ?<br />

- Constamment je le fais. C’est une manière de rendre<br />

hommage au lieu qui m’a vu naître...<br />

Puis je me relevais. Avec délicatesse, je lui fis faire un demi-<br />

1173


tour sur elle-même, et je pus admirer l’étrange conception de sa chair<br />

féminine. Au-dessus du fessier, à la hauteur du creux des reins, l’on<br />

pouvait observer une touffe épaisse de poils. J’écartais délicatement<br />

cette zone unique, et vis un deuxième sexe comportant une autre fente,<br />

des lèvres plus larges et au milieu des lèvres, un sexe d’enfant de quatre<br />

à cinq centimètres de long, en position repos. Il s’agissait du second<br />

clitoris, volumineux cette fois et totalement adapté à la langue et aux<br />

muqueuses internes de l’homme. Je m’efforçais de lui faire une sorte de<br />

fellation délicate et subtile, lapant doucement cette zone sensible. Ses<br />

ailes se mirent à frémir et je l’entendis de sa voix cristalline gémir avec<br />

plaisir.<br />

- Oui, encore, bien lentement. Oui, oui, que j’aime ! ...<br />

Cette délicate caresse dura pendant un long moment, puis la<br />

sachant sur le point de jouir, je décidais de pénétrer cette touffe noire<br />

chargée de muqueuses et d’odeurs vaginales. Mon sexe toujours en<br />

érection se glissa aisément dans cette ouverture secrète. Le pénis y était<br />

emprisonné comme dans une cachette sûre et délicieuse. Je sentis<br />

monter en moi la sève de l’orgasme, je décidais de l’accompagner en<br />

saccadant de manière plus forte le coulissement intime, je poussais des<br />

petits soupirs qui se mêlaient à des grognements légers. Ne pouvant plus<br />

me retenir, je laissais exploser mon pénis dans sa chair en feu et donnais<br />

de violentes saccades de sperme dans le bas de ses reins.<br />

1174


L’éblouissement était total, et je perdis connaissance sous l’effet de la<br />

jouissance dévastatrice. Quand j’ouvris les yeux, la femme-insecte avait<br />

disparu. Je regagnai mon lit pour m’y réveiller quelques heures plus<br />

tard.<br />

1175


Monde fuyant<br />

Monde fuyant vers un autre monde<br />

pourquoi ?<br />

monde virtuel de mensonges<br />

d’applications d’imaginaires<br />

de définitions ludiques, instructives<br />

et mon calcul devient complexe<br />

Monde infini face à moi<br />

de demain<br />

de mon fils<br />

de ses fils<br />

se connectant, mon beau futur<br />

je dis : oui, et j’espère<br />

D’avenir, de demain<br />

fabriquant d’autres mondes etc.<br />

1176


Autre monde<br />

I<br />

qui va d’hier à demain<br />

Le temps accompagne la ligne vraie<br />

le temps s’incruste sur la ligne<br />

ou encore j’associe l’espace du temps<br />

mais je conserve mon principe bi-dimensionnel d’écrivain-<br />

je travaille avec mon instrument<br />

j’avance donc sur une droite que je noircis<br />

papier<br />

Chaque monde est inclus dans un monde où le temps varie, le<br />

monde est donc un ensemble d’espaces pénétrant les uns dans les autres<br />

Le monde passé n’est plus, ne se répétera jamais mais<br />

Demain est déjà connu par la Force-Dieu<br />

Hier pourrait-il revenir ? Hier ne sera plus. Ce qui a été est<br />

mort, et s’en retourne au Néant<br />

Néant d’espoir, d’ailleurs, de là-bas peut-être... certainement.<br />

1177


II<br />

Il y a la distance à franchir, le passage par la porte étroite puis<br />

la révélation<br />

et c’est l’incertitude, l’ignorance totale<br />

car nul homme n’a vu et n’est vivant<br />

Alors ? Quel but ? Quelle finalité ?<br />

Demain, je devrai m’admettre avec ce que je suis, de vol,<br />

d’injustice, d’ignominie,<br />

de cruauté, de bêtise, de lâcheté<br />

vérité suffisante de honte, de réalité,<br />

finie<br />

1178


Non pas un monde, mais des mondes<br />

Non pas un monde, mais des mondes<br />

inclus, s’ignorant dans des espaces<br />

où le temps varie<br />

où le temps décide de l’existence<br />

avec un catalyseur<br />

un instrument de passage<br />

de convertibilité<br />

pourtant incapables de communiquer les uns les autres,<br />

interdits d’accéder à du franchissable<br />

mourir<br />

Là-bas, j’étais mort<br />

Passer d’un monde à l’autre<br />

je suis redevenu vivant<br />

c’est<br />

Là-bas, c’est la connaissance du futur<br />

donc un autre monde<br />

Là-bas, je serai<br />

ici, je n’existe pas<br />

Être ici est impossible<br />

1179


mourir ce n’est pas être<br />

mais c’est s’en retourner à son néant<br />

Je sais ma survie<br />

Je ne recherchai ni consolation<br />

ni espoir d’avenir pourtant<br />

1180


Un autre monde<br />

Un autre monde, certainement<br />

où l’oeil est perçant<br />

avec des perceptions plus pures, plus vraies<br />

Un monde parfait d’avenir, de passé,<br />

de conscience exacte<br />

de certitude<br />

Un monde supérieur, éternel<br />

régénéré<br />

nourri de sa propre substance<br />

où le temps est aboli,<br />

ou intégré, du moins compris<br />

Voilà pour l’hypothèse<br />

est-ce possible ?<br />

Monde pensé par des Verbes<br />

d’éblouissements internes<br />

Je dis : est-ce possible ?<br />

1181


Rappel<br />

C’est donc une déformation de l’espace-temps<br />

Une déformation qui induit une déviation<br />

des rayons lumineux,<br />

qui modifie la position apparente<br />

des objets célestes<br />

Quand je crois voir l’étoile en E,<br />

en vérité elle est en E’.<br />

La déviation des rayons lumineux<br />

par la présence de ces masses<br />

est un outil remarquable<br />

pour détecter la présence de ces masses<br />

mêmes invisibles.<br />

Quatre-vingt-dix, quatre-vingt-dix-neuf pour cent<br />

De la matière de l’Univers est invisible<br />

Pourquoi ?<br />

Car la dynamique des étoiles, des galaxies,<br />

Donc sur la loi de la gravitation<br />

conduit à des valeurs de 10 à 100 fois supérieures<br />

A la quantité de matières visibles<br />

1182


(étoile, gaz, poussières ...).<br />

On y voit l’indice qu’une grande part<br />

De la matière est sombre<br />

(La matière « noire »)<br />

Puis-je y intégrer la vérité<br />

D’un autre espace inclus dans cet espace,<br />

Le nôtre,<br />

Où l’esprit y est maître,<br />

Où la pensée domine,<br />

Où l’avenir nous attend ?<br />

L’homme de science spéculera-t-il<br />

Sur la vie après la vie ?<br />

Sur la possibilité d’un Dieu créateur ?<br />

1183


Sous le crâne prétends-tu<br />

Et dans l’ovale de ma bouche<br />

Avec la main au calame<br />

L’oeil dicte sa pensée<br />

Il veut, veut, veut<br />

Pour construire<br />

La jetée dans l’esprit<br />

Le souffle combinatoire<br />

J’exploite un risque<br />

Des traces refusées par autrui<br />

Sur le papier<br />

C’est l’âne de l’instant<br />

Dans ton avenir déjà<br />

L’espoir d’obtenir<br />

Un produit meilleur<br />

1184


Un élan de vie<br />

L’origine s’écoule<br />

Avec du sperme<br />

De toi à moi<br />

Un seul lien<br />

Puis la séparation<br />

L’érection molle<br />

Annihile tout espoir<br />

D’un futur<br />

Je reste avec le Seul<br />

La circulation du sang<br />

M’irrigue en autarcie<br />

Je porte mon squelette<br />

Je vais de moi à lui<br />

Et l’esprit s’irradie<br />

1185


Le temps compte<br />

Maintenant et toujours<br />

Le temps amasse derrière soi<br />

Le présent n’existe pas<br />

L’élan pousse vers le futur<br />

En exploitant un passé<br />

L’onde de choc en cercles<br />

Concentriques, évasifs<br />

D’appels vers le futur<br />

D’oublis vers le passé<br />

En pointillés imperceptibles<br />

De lointain de là-bas<br />

L’onde de choc<br />

Le matin pour l’un<br />

Le soir pour l’autre<br />

La constance d’éternité pour Dieu<br />

1186


La pensée vieillit<br />

D’intelligence en intelligence<br />

D’esprit nouveau en certitude d’avenir<br />

De génération en génération<br />

Tu espérais obtenir plus,<br />

Mieux, autrement<br />

Tu espérais<br />

À présent, c’est la fin.<br />

As-tu compris que l’ennemi<br />

Était le temps ?<br />

L’appétit d’écrire<br />

Amuse les Dieux<br />

Aller de la vie à la mort<br />

De la mort à la mort<br />

Pour finir ce que jamais<br />

L’on aurait dû commencer<br />

Être rien, infiniment,<br />

Éternellement rien<br />

1187


Qu’est-ce que la vérité<br />

Quand tout est changeable,<br />

Quand rien n’est fixé ?<br />

1188


Il y a un non-vouloir, qui engendre de la stérilité. Le<br />

mouvement se meurt et l’élan disparaît. L’on va de peu à peu, et de peu<br />

à rien.<br />

Comme un sexe qui débande, une femme qui se courbe, des<br />

cheveux qui blanchissent, se détruit, s’éteint, l’inspiré qui n’intéresse<br />

personne.<br />

Le ciel, lui constamment se souvient, intégrant autrement le<br />

temps dans le trajet de l’existence éternelle ou du moins infinie. La<br />

mémoire des heures, elle, oublie.<br />

La trace des grands par l’utilité ou le scandale, par la naissance,<br />

chacun peut s’en souvenir.<br />

Puis l’oiseau lance sa trace directionnelle vers l’Azur, l’avenir,<br />

le futur. Nul ne s’en soucie prétendant que tout cela est image poétique.<br />

Pourtant l’oiseau indique le chemin de l’au-delà, indique la direction à<br />

suivre.<br />

Il s’agit donc d’attendre l’avenir, et de s’y préparer, de<br />

construire sa personnalité pour ce futur. Alors survient ce qui doit<br />

arriver.<br />

1189


Toute mort appelle une autre vie. A la croisée de l’existence<br />

l’un fuit, l’autre s’en vient. Dans l’espace, se joue donc un principe<br />

réciproque en sens inversé.<br />

Je plonge dans le Livre pour y chercher la vérité. Je m’épuise à<br />

comprendre et ne sais jamais rien. Je veux découvrir ce que personne n’a<br />

pu encore entrevoir.<br />

1190


Le temps s’interroge :<br />

Mon présent<br />

Est-il bien placé ?<br />

Si le présent<br />

A son écho,<br />

C’est qu’il possède<br />

L’image de son propre frère.<br />

Goutte sur goutte,<br />

Seconde sur seconde<br />

J’oublie pour intégrer<br />

Ou mémoriser autre chose<br />

Il faut oublier<br />

L’oubli est nécessaire<br />

J’efface, je trace<br />

J’efface des traces<br />

Serai-je<br />

puisque je me gomme ?<br />

1191


I<br />

Encore soumise par la droiture du cercle<br />

Éclairer l’oblique le vent qui dépèce<br />

Fluide et claire sous l’évidence du sang<br />

Le bel orgasme la foudre stérile<br />

Le notre oui par ta beauté sombre et lumière<br />

Asservie quémandante vers l’éblouissement<br />

Observer ton silence tes hurlements lascifs<br />

L’éveil sublime tout tendue<br />

Sous la main du fouet amour dis-tu<br />

Ta face me supplie contre ma chair et heureuse<br />

II<br />

Jamais l’orgasme le sexe n’a pas d’yeux<br />

Plongeant dans l’ouverture tendu, mou, voilé etc.<br />

Implore la jouissance en ces lieux d’ombre<br />

Folie d’ivresse pas petite mort pas<br />

Sou la gement sous la fille ou femme<br />

Encore la nuit, encore<br />

joyeuse nue de rires<br />

1192


D’aimer, étirant, étalant molle de chair, de peau<br />

S’écoule en amas rose avec tremblements frêles<br />

Bien d’être, bien or renaître len tement<br />

Pour toujours, oui, oui friande de plaisir<br />

III<br />

Brouillons d’écume par l’écrit<br />

Avec écueils de mots de syllabes naufragés<br />

D’éternelles attentes priant le Vent, le Grand<br />

Chassant la brume ô soleil de minuit<br />

Le mien, oui toujours en moi est-ce nuit légère ?<br />

Signe sur signe d’accumulations d’accords<br />

D’accords faux ? avec le temps, ma lumière<br />

Frottant la tête pour obtenir frottant pour<br />

Notes et poèmes infiniment lavés dans la mer<br />

1193


IV<br />

Analyse durant l’état de veille analyse<br />

Face à l’immensité capte quelques lumières<br />

Pense, pense encore induction, déduction<br />

Je rejette le style sans forme par le fond<br />

Je m’entortille sur le vers inu tile<br />

Étalé dans l’aube laiteuse j’espère encore<br />

1194


Enfouies les racines<br />

Messages VI<br />

Enfouies les racines<br />

À l’intérieur. Sur le bord des lèvres,<br />

Le murmuré, le poussé,<br />

Exil au plus profond :<br />

L’esprit cherche ce qu’il y a,<br />

ce qu’il croît.<br />

Plongée qui n’en finit pas.<br />

Oui, la mienne, encore,<br />

Dans l’errance maîtrisée<br />

Sur l’aile de l’Esprit.<br />

Il faut produire de la parole.<br />

L’inspi, l’inspi offre, espère,<br />

Une fuite par le haut.<br />

À tisser, à construire<br />

Perception fragile,<br />

C’est encore de la plainte inaudible,<br />

1195


Pour une ligne de sillage sur le papier.<br />

Obscurcir ? Quoi ?<br />

dans l’oubli du néant, on y songe<br />

on y songe<br />

Pensées brisées, basculées, tordues<br />

et bondissantes<br />

dans l’orgueil de l’espace intime<br />

Donc c’est l’appel du souffle<br />

il faut mémoriser,<br />

inscrire cette perception<br />

avec souffrance - il faut<br />

Gavés d’ombres lisent ce fini<br />

Mes yeux, orifices de l’écriture<br />

et le méprisent.<br />

1196


Compris<br />

Compris :<br />

ou encore<br />

masse inerte / certitude de faiblesse<br />

quantité stupide / avec volonté aléatoire<br />

de gain toutefois,<br />

sans la science.<br />

Ou encore<br />

conscience sans la femme, mais conscience<br />

on sait d’où - de la critique<br />

visage blanc, à l’intérieur, de pureté<br />

Alors : tentative pour vérifier<br />

il revient dans son espace<br />

S’imprègne de l’histoire des anciens,<br />

Veut-il s’orienter vers les poètes<br />

Il y a la faim pour des écritures riches<br />

Certes la famine - et l’espoir de récupérer<br />

Poésie est obscure, illisible, ennuyeuse<br />

1197


ce sont des fleurs, des Dieux, des paysages<br />

mais des documents, des œuvres peu ou point<br />

Cela est faible, que faire ?<br />

Le poète veut et ne peut pas<br />

il témoigne de son impuissance<br />

la crise est bien au-dedans<br />

éblouissante de vérités<br />

1198


Recherches de distances<br />

Recherches de distances,<br />

ce sont les mémoires d’une même<br />

oscillation<br />

d’un imperceptible à définir<br />

sans connaître exactement l’origine<br />

ce sont des tentatives<br />

des volontés de savoir<br />

des pénétrations très à l’intérieur<br />

Des miroirs de plus en plus petits<br />

pour une sorte de calcul infinitésimal<br />

de décomposition de substantifs<br />

de prélèvements de verbes<br />

pour y extraire, - quoi ?<br />

Il faut aboutir dans le profond du Moi<br />

1<br />

1199


D’éclats percuté, d’éclats éblouissants<br />

pour une vision obstruée de l’extérieur<br />

mais vivante en<br />

D’images bariolées, d’images voltigeantes<br />

compressées, agglomérées<br />

indiscernables, à décanter<br />

Les yeux plongent<br />

au plus profond du Moi<br />

2<br />

Il y a montée, jaillissement<br />

immense exaltation puis inquiétude<br />

volonté de maîtriser l’action,<br />

de contenir le verbe<br />

L’esprit peut-il ? Du moins, il s’y essaie.<br />

S’imposer d’ignobles coexistences<br />

de combinaisons audacieuses et grotesques,<br />

de solutions fantaisistes ou absurdes<br />

1200


Mais comment faire ? Comment ?<br />

3<br />

des mâchoires qui se déforment<br />

Ce sont encore des pulsions nocturnes<br />

pour laisser passer du son<br />

des approches qui tâtonnent<br />

des évidences, des prudences,<br />

Je ne sais jamais<br />

du moins personne ne lira<br />

Je dois m’en référer à ma propre certitude,<br />

Qui ira vérifier ?<br />

Il y a un lecteur unique - voilà !<br />

Cette logique n’existe pas<br />

1201


La nuit, je pénètre<br />

La nuit, je pénètre l’épaisse broussaille où s’endort mon<br />

sommeil. Du charbon plein les yeux, j’avance en tâtonnant pour<br />

atteindre une sorte de labyrinthe où s’irritent constamment les sources de<br />

la douleur et du Mal réunis. Je me calfeutre dans cet espèce de buissons<br />

d’épines pour essayer d’y prendre quelque repos. Des torches<br />

flamboyantes illuminent parfois cet univers marécageux où je vois<br />

d’autres poètes qui y croupissent avec leurs âmes. Certains implorent et<br />

me supplient de les délivrer de ce lieu impossible. Quelques fois, il<br />

semble que le jour veut poindre dans leurs yeux de misère.<br />

Ho ! Lieu sordide, nuit de l’extrême, s’engouffrer dans ton<br />

vertige pour y disparaître à tout jamais, pour fuir dans l’infini de l’oubli,<br />

et aller de peu à peu, et de peu à plus rien comme un mouvement qui<br />

s’arrête ! L’espérance est dans la mort qui annule la vérité de la<br />

naissance.<br />

1202


Le coq<br />

femme claire<br />

De la nuit s’endort, de la nuit - quoi ? Une chair frileuse de<br />

(Encore une lancée intérieure)<br />

cristallin<br />

et voltigent, s’épanouissent des brassées d’oiseaux dans l’air<br />

(Soudain pour l’âme, soudain)<br />

mien, si -<br />

un manteau d’épines malgré les flèches vertes de l’esprit - le<br />

Il se couronne pourtant,<br />

du moins essaie, se prétendant faible<br />

Le coq aux aguets<br />

d’intelligence de phosphore<br />

à l’écoute de l’Esprit.<br />

1203


Mes mains purifiées<br />

Mes mains purifiées par l’injustice, ne veux-tu pas les bénir ?<br />

Mes visions splendides d’halluciné, à qui les offrirai-je ?<br />

Que peut-on ajouter sur le Fils ?<br />

Ma terre connaît bien des souffrances et l’âme produit encore.<br />

certainement.<br />

Je me souviens de cette jeunesse qui pouvait mieux, plus<br />

Je crains de commettre des erreurs.<br />

Tu m’as soumis à des chiens, à des ordures, à des porcs, à des<br />

pourritures pour que ma pensée resplendisse d’ignominies, et telle est ta<br />

jouissance !<br />

Tu as mis tant de haine et de cruauté dans mon sang que mon<br />

épreuve m’éloigne du ciel<br />

Suis-je suffisamment éprouvé ? Me faut-il subir plus longtemps ?<br />

1204


J’accède au saint corps dans une magnifique enveloppe<br />

blanche, - le poète se sanctifie !<br />

1205


Le Temple<br />

Je décidais donc de me construire un Temple éphémère ou<br />

immortel, un espace dans lequel reposerait mon âme.<br />

Ô temple de moi-même, éternel édifice<br />

Rare construction plongeant au précipice<br />

D’un néant inconnu, enfoui dans le Moi<br />

J’y puise un mendiant, un apôtre et un roi.<br />

pensée volage.<br />

La pure lumière venait s’y écraser, amante insatisfaite de la<br />

Ici une sorte d’accouplement devait s’opérer dans une vérité de<br />

songe, dans un idéal chimérique.<br />

La parole du poète comme un écho s’apprêtait à retentir dans<br />

cette pièce immense.<br />

Tant de mémoire des auteurs disparus, tans de fantômes rôdant<br />

pour un idéal d’écriture,<br />

génies fortunés que j’invoquais et suppliais.<br />

Des variables de sonorités semblaient courir ou percuter le<br />

1206


vaste dôme serein et puissant.<br />

Je caressais des statues de femmes d’une beauté inouïe et<br />

j’accédais au vertige de la contemplation fabuleuse - c’était une sorte<br />

d’orgasme cérébral quand la perfection esthétique atteint son<br />

paroxysme.<br />

Puis là-bas, dans un halo concentrique composé de lumière<br />

éparse, elle, presque bleue au souffle clair constellé d’or, s’avance et<br />

s’assoie sur les dalles de mon Temple.<br />

Elle, au plus près de la conscience certifiant la fuite de la gloire.<br />

En face, l’homme de l’indifférence détestant la volupté, niant sa<br />

puissance virile, refusant de respirer la chaude toison de ses entrecuisses.<br />

Je préférais me servir de l’écritoire pour y transcrire les limites<br />

de l’Azur, pour accéder aux oiseaux au-delà de mon Temple, par degrés<br />

infinis.<br />

1207


Avec mon sang<br />

Avec mon sang<br />

Avec mon squelette, je marche<br />

Des vents rouges m’emportent<br />

Des décombres, des ruines me guident<br />

Accompagné de solitude,<br />

je marche<br />

Au-delà du temps<br />

Oui, exclu de tous et de toutes<br />

Enveloppé par le mal dans un sac d’épines<br />

Comme un maudit, je danse faussement<br />

J’exige la paix, éclate la haine<br />

dans ma demeure, sur mon chemin,<br />

ici, là-bas<br />

J’éjacule mes faiblesses<br />

Est-ce cela ma vengeance ?<br />

Je construis sur des espaces<br />

nouveaux et inconnus<br />

1208


Dans cette avalanche de livres<br />

Et m’écoute écrire<br />

En vain, je produis<br />

dans un secteur de pertes<br />

et de médiocrités<br />

Je creuse dans le sable<br />

pour y extraire nul grain<br />

Ce qui reste en moi-même<br />

Est perte, est peu<br />

Que puis-je faire ?<br />

1209


Je suis banni<br />

nulle étincelle, nulle soie<br />

nul frisson d’estime<br />

Je cache mon visage<br />

Je me préfère dans la ténèbre<br />

le dialogue improvisé<br />

boursouflements<br />

Saccages, décombres<br />

et honte avec<br />

d’écriture<br />

Ainsi exclu dans ma chair<br />

mon sang, mon combat<br />

Voici les poèmes de médiocrités<br />

Il y a l’amour de soi<br />

la haine de soi<br />

la volonté de mieux produire Hypnose<br />

Ma femme s’appelle personne lente<br />

descente<br />

Mes écrits refusent d’être lus pour y<br />

chercher l’idéale<br />

de perfection.<br />

1210


Quelle bêtise !<br />

La force, l’action constantes<br />

fabriquant du verbe<br />

La beauté est endormie<br />

dans l’ignorance de sa pureté<br />

Elle s’imagine, suppose<br />

mais à tort.<br />

de douleurs, de ridicule, d’insignifiant,<br />

d’humiliation<br />

Coulent des livres ensanglantés de haine<br />

lumière ?<br />

Bariolé d’étincelles<br />

phosphorescentes et incandescentes<br />

Comment s’épanouir dans le cercle de<br />

1211


doucement<br />

Mais le front est vide<br />

rien qu’une faible voix<br />

qu’un murmure qui<br />

gémit<br />

Nulle extase d’écriture<br />

Seulement des faiblesses<br />

frère ?<br />

Ne plus y croire<br />

Avoir la certitude de sa médiocrité<br />

Chercher jusqu’au délire Qui méprise son frère ?<br />

Accéder au vertige Du peu, d’estime ?<br />

Est-ce<br />

un<br />

Fuir les fausses têtes couronnées<br />

qui grandissent leurs ombres<br />

alanguis sur des lits d’extase<br />

Quelle est ma certitude ? ... pour y enfouir son ombre<br />

Un champ de déshonneur dans la honte<br />

où l’on creuse son trou de la poésie ?...<br />

pour se cacher<br />

1212


J’ai dit la vérité<br />

Qui m’a cru ?<br />

J’ai dit : comparer, vérifier<br />

Qui pèse quoi ? Avez-vous lu ?<br />

Voyez la science, la technique<br />

Le temps accentue ma certitude, ce que j’écris est vrai<br />

Ils se partagent<br />

la chair des suppliciés<br />

Horreur, massacre, et<br />

Bourreaux,<br />

qui le croirait ?<br />

Personne évidemment.<br />

1213


Allez, plus loin dans l’exil<br />

au profond de toi-même<br />

pensées, ville de langages<br />

de perception, d’insignifiants<br />

interroge les profondeurs<br />

Allez encore<br />

extrais les racines<br />

Scie ton crâne<br />

comme une boîte à idées<br />

Tu y trouveras peut-être d’étonnantes<br />

certitudes<br />

dedans se trouve la substance de livres<br />

Car c’est ta stupidité qui est à bannir<br />

à chasser<br />

Et nous, nous lisons ta production<br />

avec un oeil moqueur<br />

Tu as du sang, un assassin, de la souffrance, écris-tu ?<br />

tout cela prête à rire<br />

1214


Que vaux-tu ? Rien<br />

peu..<br />

Chaque lettre, chaque signe est une insignifiance, paroles de<br />

Chez toi, tout est faible<br />

c’est de la médiocrité<br />

et je connais ta place<br />

Ton encre court de faiblesse en inutilité<br />

et je sais ce que je dis<br />

Ta place est derrière<br />

ton encre s’oubliera<br />

1215


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME VII<br />

ANNÉES 97-98<br />

1216


Résonances I<br />

Qui seras-tu<br />

Qui seras-tu tu ne sauras pas qui j’étais<br />

Je t’ai connu très peu produis-moi !<br />

Par ces lignes, pareilles aux lignes de X<br />

Que la main s’active dans le jour, dans la nuit<br />

Par-delà l’impossible à atteindre, à transmettre<br />

Niant les mamelons, le pubis, les pieds des femmes<br />

Cherchant un sacre aléatoire, dérisoire, nombriliste<br />

Ton front large, vide, chargé de livres<br />

Et l’axe de ton sexe, limite tendue<br />

La femme est abstraite, irréelle, jambes longues,<br />

Ta bouche prophétique murmure quelques airs<br />

Virgiliens, davidiques, saloniques<br />

Vers moi, je descends, je plonge,<br />

Les Dieux toujours devant mes yeux,<br />

Je remonte pour y tirer de l’ancien<br />

Corde et puits, - plus tu lui prends, plus il est grand -<br />

Malgré moi, conscient du rien, j’insiste.<br />

Pour peu de sexe peut-être<br />

Mon jour s’enfonce dans ta nuit<br />

D’épiderme, de rides, mascaras, chevelure,<br />

1217


Nous échangeons nos souffles<br />

Je me transfuge en toi.<br />

1218


Yeats – translate<br />

I<br />

Non, ceci n’est pas une contrée pour hommes âgés, les jeunes,<br />

dans les bras l’un l’autre, les oiseaux dans les arbres - ces profusions<br />

d’effluves - et leur chant - les repères des saumons, les maquereaux en<br />

foule dans la mer, tout ce qui est poisson, ou plume célèbre tout au long<br />

de l’été ce qui va concevoir, naître et mourir.<br />

Emportée dans cette musique sensuelle, toute vie rejette les<br />

mouvements de la fluide intelligence<br />

II<br />

Un homme qui a vieilli est bien pauvre chose, des lambeaux de<br />

guenilles sur un maigre bâton à moins que son esprit ne s’enthousiasme<br />

et ne chante toujours plus fort à chaque nouvelle écharde de son manteau<br />

de mort.<br />

Pourtant, il n’est pour le chant qu’une école, celle qui consiste à<br />

étudier les moments où l’âme resplendit de sa propre magnificence.<br />

Voilà pourquoi, je suis allé au-delà des mers pour atteindre la<br />

1219


sainte Cité de Byzance.<br />

1220


Vide créateur<br />

L’âme plonge<br />

dans le vide créateur<br />

La pensée foudroyée<br />

est morte, est vivante<br />

du moins sa lumière<br />

est phosphorescente<br />

Au plus profond,<br />

Penser est un vice<br />

La fille s’étire<br />

avide qui se dévide<br />

est un infime<br />

tout élan<br />

commencement de l’intelligence<br />

dans le peu, dans le mièvre<br />

il y cherche des preuves<br />

Il construit dans le rien,<br />

1221


L’univers en soi<br />

Étire sa toute puissance<br />

1222


Le choix - Yeats – Traduction<br />

L’intelligence de l’homme est dans l’obligation de choisir<br />

Entre perfectionner l’existence ou l’œuvre,<br />

S’il désire la seconde, il doit renoncer<br />

Aux Demeures du ciel et pour quelle rage !<br />

Et dans quelles ténèbres !<br />

Quand toute son affaire est achevée,<br />

Quel bilan en vérité ?<br />

Chanceux ou pas, la peine aura laissé<br />

Ses cicatrices. L’éternel tourment de la bourse vide<br />

Ou l’instant de gloire, le remords de la nuit ?<br />

1223


Ton enveloppe astrale<br />

Ton enveloppe astrale est cachée en toi<br />

Ton squelette t’accompagne<br />

sur le chemin de ton existence<br />

Je vais de la vie à la mort<br />

de la mort à la vie, peut-être<br />

Ton cœur bat le décompte final<br />

Le vieillissement te rappelle<br />

Que ta tombe se creuse<br />

Que ton sépulcre sonne le creux<br />

Tu es fasciné par l’espoir<br />

d’une construction nouvelle<br />

dans l’invisible et l’impalpable<br />

où ton esprit épanouira son Spirituel<br />

mais il te faut attendre, - vivre, - passer, etc.<br />

1224


Jeu d’échecs<br />

Femmes habillées en cuir noir, soumises sur l’échiquier géant ;<br />

reine splendide et garce protégeant, dominant son roi ; Tour, donjon de<br />

supplice où le plaisir gémit d’aise ; cavalier d’homme, de fou pervers et<br />

lubrique accomplissant quelconque domination sur filles en tenue claire<br />

et blanche ; filles prises aimées, aimantes, implorant l’extase du sexe<br />

black.<br />

Ligne entrecoupée comme des barreaux de prisons. Voici votre<br />

avenir, de la jouissance, de l’extase, de la pénétration - jour et nuit, dans<br />

cet espace infiniment limité pour un jeu éternel de chaînes, de fouet, de<br />

jambes infiniment longues, - pour le rêve et l’agonie.<br />

Par l’imaginaire fantastique.<br />

1225


L’écrit/le risque/le cul<br />

L’écriture / la production/ La fille belle, invisible, ima<br />

L’espoir / la volonté<br />

ginée,<br />

d’impossible perfection /<br />

Intellectuelle / l’avenir Le sexe / le sexe / l’érection /<br />

Mon manque / ma certitude L’éjac / l’éjac cul / la tion<br />

De faiblesse, d’inutilité / Le fouet / les menottes / les pieds,<br />

La formation / Dieu comprendra<br />

La<br />

jouissance / dominant / dominé /<br />

Le Saint aidera / - je m’en Encu / Enculé au quotidien<br />

Sortirai / Ils ont des consciences / Par les<br />

banques le pouvoir /<br />

Ils peuvent juger / le temps implac le travail /<br />

le profit etc. :<br />

cable qui file, fuit, dis / Tranche de vie - quoi ! -<br />

Paraît.<br />

La crainte, constante / l’avertissement /<br />

La détermination / le risque /<br />

La bêtise, le ridicule / le vouloir<br />

Le progrès, le savant / Pourquoi<br />

Cette peur ? N’est-il pas là ? pas là ?<br />

1226


La coupe<br />

La coupe, qui la prend, voit à l’intérieur<br />

La peine ensanglantée sertie de glaires noires<br />

Et buvant le premier, je la rends détestable<br />

Aux hôtes du banquet conviés à ma table<br />

Car moi, ce flux de nectar, Pindare, n’est point fruit<br />

Pour l’esprit du vainqueur, ainsi je prophétise<br />

La lyre et le cristal dans l’apparat des flûtes<br />

Avec vrais crissements et douleurs du buveur<br />

Ô puissante lignée par les jours éternels<br />

De mémoire, de mémoire aux futurs couronnés<br />

Ils habitent l’azur, tous ces princes en exil<br />

Et je voudrais pour eux annoncer ces propos<br />

De la beauté certaine, toujours il faut s’instruire<br />

Aller vers l’avenir en cherchant le repos<br />

1227


Sera-ce ?<br />

Phrases Phrases d’énervements de recherches<br />

Demi-cercle pensées virevoltées<br />

Refus élisions envolées fuites éclairs<br />

Images analogies compas comparaisons<br />

Variables, variantes déplacements dérivées<br />

Hyperboles de ma mémoire audaces, risques<br />

Explosions figures projeter<br />

Contorsions violences expulsions<br />

Accords ensemble insistance<br />

Saute-mouton grands écarts triangle<br />

Certitude fugace je prends, je jette<br />

Sélec tion<br />

coupe<br />

Sera-ce suffisant pour obtenir le poème ?<br />

1228


Le geste<br />

Le geste fut de mépriser, de rejeter, d’ignorer<br />

la torche éclairait le bleu<br />

nulle opacité<br />

nulle<br />

Plus loin ailleurs peut-être là-haut ! disent-ils -<br />

pourquoi pas ?<br />

Au zénith de soi-même<br />

Être célébré<br />

Plonger dans le triste puits<br />

Inverse, raisonne<br />

dans l’espace obsédé de quelque avenir<br />

aléatoire, terrestre, donc de pertes, enfin d’imprécis<br />

On réclame, on veut couper, aiguiser les guillotines, frapper les<br />

sabres célestes, qu’ils explosent en gerbes multicolores rouge sang<br />

Au lever de son jour, l’horreur, la haine<br />

Mais il faut poursuivre n’est-ce pas ?<br />

1229


Alors poursuivons.<br />

1230


Absence de femme<br />

Absence de femme<br />

Je me libère de la soumission<br />

Je jette les pieds, les odeurs, le triangle<br />

Je fixe mon temps, je m’appartiens<br />

Et ce silence devient fertile d’écriture,<br />

De pulsions intellectuelles,<br />

D’infinis, de recherches,<br />

Absence de femme,<br />

J’exploite mon énergie<br />

Je pense ma matière<br />

Je défis la beauté,<br />

Je transforme, déplace, prétends.<br />

Ces petits outils que sont les signes,<br />

M’appartiennent, m’obéissent, exécutent<br />

Je conçois la chair autrement,<br />

Avec vice, avec pureté<br />

Cet instant de mort me semble peu<br />

1231


Je veux y ajouter - mais quoi ?<br />

Autre forme, autre matière<br />

1232


La ridicule histoire<br />

Ici commence la ridicule histoire. C’étaient<br />

Des petits bouts de fragments à accoler les un aux<br />

Autres. Je prenais mes habitudes, j’allais dans mon<br />

Jardin. J’y fabriquais une personne. Les boutons d’or<br />

De l’enfance se mourraient et les premières pensées bleues<br />

Semblaient éclore. J’y dessinais une femme splendide,<br />

Inouïe, impossible. Non, elles étaient plusieurs, car une<br />

Seule... Dans le vent soufflé, j’offrais un cœur baigné<br />

D’azur, d’écrits, de poèmes, de messages, j’offrais,<br />

J’y déposais des oiseaux, des rossignols, des lyres,<br />

Puis loin, elle irréelle, caressant des substances rares,<br />

Circulant dans le parc fabuleux. L’étang, l’énergie<br />

Mentale, les élans, j’observais encore, encore,<br />

Et l’histoire de l’écriture, des tentatives, des peut-être...<br />

... Pour finir sur un crépuscule de jardin embaumé, oublié.<br />

1233


Vie<br />

Résonances II<br />

Ils se regardent, se pensent, se pèsent<br />

Ils veulent se dominer<br />

Le noir sur la blanche, la blanche sur le noir<br />

Elle pense chaînes, soumission, esclavage<br />

Il pense sexe, prise, jouissance<br />

Ils ont des pions, des cavaliers, des fous,<br />

Ils biaisent, avancent, se mangent,<br />

Conçoivent avec stratégie, avec intelligence<br />

Ils s’amollissent, s’élèvent, s’abaissent<br />

Les couleurs se désirent, se rejettent, se haïssent<br />

Voilà le roi, voilà la reine<br />

Et les joueurs de chair<br />

S’attirent irrésistiblement<br />

Pour s’écraser et se détruire<br />

1234


Moi qui tremble<br />

Moi qui tremble devant la torture, devant l’horreur<br />

Qui tremble dans l’espace de cruauté<br />

Qui ne sais où finit la souffrance<br />

Qui implore implore Dieu, la cessation<br />

De l’ignominie, qui supplie Dieu la fin<br />

Du Mal, de son droit à la destruction<br />

Mais seul, à la prière vaine<br />

D’un écho inutile, de retour stérile<br />

Moi qui me sais affaibli, fragilisé,<br />

Par la violence invisible des tortionnaires,<br />

Je demande encore maintes fois, encore<br />

Sans faire varier le ciel<br />

Sans provoquer quelconque entendement des Dieux<br />

Au vouloir silencieux et vain<br />

Il faut donc les détruire sans pitié<br />

Les rendre esclaves de l’horreur, du vice<br />

Les exterminer et leur faire connaître<br />

L’atrocité de l’existence<br />

1235


De l’éternelle durée<br />

1236


La Dentellière<br />

C’est entre ces deux extrêmes<br />

De flux de sperme<br />

Et de flux de sang<br />

Que la dentellière<br />

Tisse le souffle de vie<br />

Entre ces deux puissances<br />

Contraires et complémentaires<br />

Le corps jouit et supplie,<br />

L’âme épouse les méandres<br />

Du corps - est-ce donc cela<br />

L’existence de l’homme<br />

Avant d’atteindre l’éternel<br />

Ou de plonger dans son Néant ?<br />

1237


Léda et le cygne<br />

Soudain, le heurt d’un vent : les grandes ailes encore<br />

Battent sur la fille chancelante dont les cuisses<br />

Sont caressées par les palmes noires, dont la nuque<br />

Est captive du bec, il maintient sa poitrine<br />

Prisonnière sous son cou.<br />

Comment ces faibles doigts<br />

Pourraient-ils vaguement repousser tant de gloire,<br />

Ses cuisses sont si faibles ? Sous cette ruée blanche,<br />

Comment un corps ne sentirait-il pas un cœur<br />

Frapper étrangement où il est allongé ?<br />

Un frisson dans les reins fait alors resurgir<br />

L’image des remparts et du toit enflammé<br />

Et les tours flamboyantes, Agamemnon, sa mort !<br />

La voilà emportée, écrasée par le sang<br />

Brutal de l’air. Pria-t-elle ses science et force<br />

Avant qu’indifférent le bec l’eut laissé choir ?<br />

1238


Les extrêmes<br />

Entre ces deux extrêmes<br />

La pensée de l’homme est oscillante<br />

Contradictions, contraires<br />

Se détruisent et s’appellent<br />

Dans le ballet de la vie.<br />

Le corps et l’esprit<br />

La nuit et le jour, mourir et<br />

Vivre, est-ce la raison<br />

De l’homme ? Et pour quel devenir ?<br />

1239


La nymphe<br />

Conçois cet instant où elle se fige<br />

elle s’assoie, se lève, revient, pense<br />

la fille aux jambes hautes<br />

les doigts sur tes doigts<br />

te permettant d’écrire<br />

Nous sommes sur l’axe de la pensée<br />

Prononce-t-elle quelques mots ?<br />

S’extirpe-t-il un rire<br />

des syllabes mouillées de salive ?<br />

Plonger dans sa bouche,<br />

y extraire des fruits d’extase<br />

Ses seins, ses pieds, cercles de femme<br />

cette nymphe commune envahit l’intelligence<br />

1240


La main paranoïaque<br />

Le détruit du soleil les vasques aériennes les experts<br />

décontenancés par la vulve scabreuse les tendances obsessionnelles<br />

les parades gestatives les libidos d’orgasmes, audacieuses, de vices,<br />

de rien<br />

Encore la guerre, j’exploite cet impossible<br />

les délires<br />

les cruautés<br />

Et tandis que sous la pluie, j’embrasse l’éclatement lunaire, ma<br />

main paranoïaque ose m’invectiver pendant quelques secondes<br />

L’élévation s’émeut le sens se perd l’idéal féminin comme<br />

une merveille d’ensemble, de millions de chairs complémentaires<br />

les explosions de diamants l’interdit à aimer la beauté à suspendre<br />

1241


Les songe-creux<br />

Accumulez autant de poèmes que vous pourrez<br />

Épanouissez-vous, considérez la hauteur<br />

De vos ambitions, libérez-vous, engendrez<br />

Du soleil sous la grisaille de vos écrits.<br />

Oui, travaillez et travaillez encore. La chair<br />

De la femme n’est que faiblesse. N’oubliez jamais<br />

Cette vérité. Les femmes aiment l’argent, elles<br />

Détestent l’insouciance du rêveur. Tous les<br />

Songes creux doivent mourir ou disparaître.<br />

L’effort de l’intellect doit s’accompagner d’abondance<br />

Financière, d’or entassé - L’effort : cette œuvre<br />

Produite par votre raison, qu’elle ne s’envole pas<br />

Dans les gaspillages de l’infortune ! Allez rieurs<br />

Dans la sinistre tombe pour ne rien regretter.<br />

1242


Résonances III<br />

L’aventure interne<br />

Surgit le cygne sublime et blanc<br />

Qui est symbole encore<br />

Comme l’âme a plongé au fond de soi-même<br />

Pour y chercher science et a-science<br />

Il y faut de la vitesse, des battements d’aile<br />

Impétueux, de l’extase, quelques vérités,<br />

Du vin et de l’ivresse<br />

Et ces pensées mal maîtrisées, triste sort<br />

De ma condition, ces pensées s’agitent encore<br />

Quand j’essaie de bondir, de m’extraire,<br />

De m’éloigner de ce vil environnement<br />

J’ai besoin d’extravagance pour mon esprit<br />

Ou de sucs subtils, cartésiens, pascaliens<br />

C’est encore une immense aventure interne.<br />

1243


Les limbes<br />

Les premiers souffles clairs s’exaltent, je m’extrais<br />

Doucement de l’évanouissement de mon rêve vers mon<br />

Rêve envolé. Je conçois quelque peu dans la<br />

Conscience du vrai. J’étais dans un autre temps.<br />

Voici que la valeur converge vers la lucidité.<br />

Je délaisse l’amoncellement d’images floues,<br />

J’accable l’avenir de ne pouvoir se mieux dessiner.<br />

Le cycle temporel de l’homme, présent, passé,<br />

Futur, imaginaire, espaces parallèles, tourbillonne<br />

Pour une certitude aléatoire. Vais, vais et reviens.<br />

Je m’offre un reste dans ma mémoire où le temps circule<br />

Avec l’espace. Je crois abolir l’oubli de ma folie<br />

Réelle, pensée, en fuite. C’est encore un matin<br />

D’éveil, et l’ivresse active ma raison sereine.<br />

1244


L’a-vérité<br />

J’obtiens une a-vérité qui est à côté,<br />

Qui se conçoit dans l’âme, que l’on prend, jette,<br />

Qu’il faut étudier. Elle peut servir, être<br />

Une sorte de catalyseur d’intelligence, elle peut<br />

... Si l’on veut s’en servir.<br />

Elle ne sert pas à détruire l’autre,<br />

Elle cherche à s’unir, à s’associer.<br />

Grande est sa difficulté à exister, elle évolue<br />

Dans le rêve. Elle est la reine des pensées.<br />

L’Aveugle s’en défend, s’en glose,<br />

Dénigre, méprise,<br />

Le Critique poétique l’exclut<br />

De son mécanisme cérébral,<br />

Le lecteur ? ... Il n’y a pas de Lecteur.<br />

1245


Pensé autrement<br />

C’est pensé autrement avec Syracuse<br />

Vous n’y êtes pas c’est la manière c’est Deguy<br />

C’est cause on prend la pente on glisse<br />

Ses Naïades, ses sirènes en feu, la flamme<br />

Transparente auréolée le temps de tourner<br />

Au coin de la rue c’est le bon sens - n’est-ce pas ?<br />

Je te congédie, cherche ailleurs cette espèce de souk<br />

Fidèle à la modernité boutiques de luxe, de sexe<br />

Encore pour les hommes à l’affût chair affamée<br />

C’est conçu avec pertes avec Éléonore<br />

Avec l’église le linge du Christ<br />

J’ai besoin d’un endroit les agences de location<br />

Pourtant, fidélité au passé, aux antiques<br />

Que veut dire ce sonnet est-ce un sonnet ?<br />

1246


Les frères vagabonds<br />

Je sais leurs chevaux vagabonder dans les airs cristallins,<br />

enveloppant de bruits sourds, leur éternelle renommée<br />

apparaissant dans l’ombre du crépuscule,<br />

surgissant dans l’éveil d’une aube sublimée<br />

Ils sont le vent qu’ils inspirent, qui les inspirent<br />

Ils transforment la nuit lourde en certitude de lumière<br />

Certains s’évanouissent en gémissant,<br />

d’autres soupirent et construisent d’étonnants nuages mouvants,<br />

constamment renouvelés<br />

Leurs élucubrations sont Vanité, Orgueil,<br />

Gloire de soi et Rêves d’un éternel désir<br />

Ô mon amour constamment cherchée, ma tête sur ta poitrine,<br />

laisse reposer ma chevelure lourde de poèmes imaginés.<br />

Je nourris l’heure solitaire d’exploits stupides<br />

et regagnerai plus tard<br />

l’antre absolu de mes frères vagabonds<br />

1247


Te lire dans la glace<br />

Contre la puissance la pensée récidivait, insistait la vision<br />

satellitaire emmurant un poète sylphe stupide s’essayant à des airs très<br />

anciens aux pieds de soi-même esclave et maître critiquant,<br />

supposant enfin ! production insignifiante l’échelle des valeurs<br />

changeait la certitude se désarticulait<br />

Dieu l’Esprit la Vérité l’intelligence la Pléiade<br />

l’imitation l’apprentissage le travail l’abondance la<br />

construction l’œuvre<br />

La femme le sexe la femme le sexe<br />

Vitesse hallucinante couche mésentente<br />

possibilités de luxe, de pauvreté, de rien<br />

As-tu une seule fois pensé à te lire dans la glace ?<br />

1248


Brusquement surgit<br />

Brusquement surgit dans le ciel constellé.<br />

Un flot de mots déverse sa substance.<br />

Mon toit ! Quelque chose de confus, - embarras<br />

Mélange qui provient du passé<br />

J’exulte, me tords, me courbe, reçois<br />

D’un au-delà imaginé une essence supérieure.<br />

Je perçois derrière cet impossible vrai<br />

Des solutions nouvelles qui se proposent,<br />

Dont je dispose, j’entrouvre la rose etc.<br />

... Qui donc se réjouira de ces poudreux pétales<br />

Amorphes, vivants, colorés, flottant dans<br />

L’air de cet espace, voltigeant, tourbillonnant<br />

Pour un idéal rêvé et utopique, pour<br />

La magie poétique à lire, à évoquer ?<br />

1249


Ta Phèdre<br />

Avec colère, avec violence, avec volonté<br />

D’aller outre, de gagner, de l’emporter,<br />

D’extraire des potentialités intellectuelles ou<br />

Artistiques - à chacun sa mamelle ! - toi,<br />

Tu meurs soulevant encore des apothéoses inconnues,<br />

Nues de gloire dans ce désert tragique d’oublis !<br />

Tu te perds dans des tourbillons d’amertumes, de sucs acides<br />

Ou gras de certitudes comme un bourgeois à la panse<br />

Écarlate ; tu comprends l’ultime décennie que<br />

Tu n’as pas su perpétuer le miracle d’autrefois,<br />

Tu agonises dans le néant de ta propre merde<br />

Satisfait et repu, conscient, tricheur - trichant<br />

La suppliant encore, ta Phèdre en porte-jarretelles<br />

Incapable de faire bander ton lecteur éventuel.<br />

1250


L.A.E.T.I.T.I.A.<br />

Le hasard, non la certitude, le choix,<br />

La loi précise des mots balancés, pesés<br />

Avec le je doute, je fais la moue, je prends,<br />

Je jette.<br />

Tu y parviens... fort mal. Tu<br />

Ca y est - c’est presque - difficile ? Paf !<br />

Facil - Lucile - Hé ! Ouais, l’alexandrin...<br />

Trash, Métal, Hard, tape sur le rock,<br />

Frock, Franck, violence avec lasers d’or<br />

Comme flammes étonnantes dans les zébrures de la<br />

Rébellion, de l’autrement, du nouveau peut-être ?<br />

On se coltine des roses, des parfums aériens, des<br />

Orgasmes d’une poétesse scabreuse, inassouvie<br />

A la jouissance étonnante - oui, moi dans l’essentiel<br />

De l’écriture.... cherchant encore et ainsi de suite.<br />

1251


D’après J.P. Sartre<br />

Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl :<br />

l’intentionnalité<br />

L’Esprit-Araignée attire les choses dans sa toile,<br />

Les mastique, les couvre de sa bave blanche,<br />

Lentement les déglutit et les réduit à sa propre<br />

Substance.<br />

Il y a l’aliment avalé, les choses perçues<br />

De loin, l’état de ma conscience, mon<br />

Aptitude de perceptions.<br />

Oui, nutrition, alimentation, assimilation,<br />

J’agis, - je vais des choses aux idées<br />

Des idées aux idées, - de l’idée à l’esprit.<br />

Les résistances sont rongées, ainsi tout est<br />

Assimilé, unifié, identifié, - la matière<br />

Est pensée. Tout ce qui n’est pas esprit<br />

Devient brouillard, ouate, filament.<br />

1252


En vérité, peut-on dissoudre toutes les choses<br />

Dans la conscience ? Cet arbre-là<br />

N’est pas de même nature que ma conscience,<br />

Il ne peut entrer dans ma conscience<br />

D’après Husserl.<br />

La conscience et le monde sont donnés d’un seul coup.<br />

Si je veux connaître, je m’éclate vers,<br />

Je m’arrache, je file, j’atteins l’arbre,<br />

Lui et moi, moi et lui, séparés toutefois.<br />

Maintenant j’imagine une suite d’éclatements,<br />

Je vais vers l’extérieur, dans la poussière<br />

Sèche du monde, sur la rude terre,<br />

Parmi les choses, monde indifférent, hostile,<br />

Rétif.<br />

« Toute conscience est conscience de quelque chose »,<br />

D’après Husserl.<br />

« Être, c’est être-dans-le-monde »<br />

D’après Heidegger.<br />

Exister comme conscience autre que soi, c’est<br />

1253


L’intentionnalité.<br />

À la représentation de l’objet, j’y ajoute<br />

Le sentiment.<br />

Irai-je au Traité des passions ?<br />

1254


Contre-ut<br />

Je ne sais que trembler,<br />

trembler parmi les fleurs, au centre de l’éphémère,<br />

de l’impalpable, du cristal,<br />

Par cette tension artistique qui électrise mes fibres émotives.<br />

Je ne fais que vibrer<br />

Au plus profond du Moi, dans mon labyrinthe<br />

intellectuel. Je suis devenu une vibration<br />

Impossible, irréelle, délétère.<br />

J’accède à une forme<br />

de conscience épurée, translucide, je rejette<br />

la confusion. Je reconstruis le monde avec<br />

des concepts autres, nouveaux, interdits.<br />

Cette passion dévorante anime, produit de l’activité.<br />

Je veux aller outre, au-delà de cette fragilisation<br />

De moi-même. Je ne crains pas l’idée de la mort,<br />

Je sais pertinemment que rien ne restera.<br />

1255


Résonances IV<br />

Cygne bleu<br />

Jamais, la solitude<br />

A deux évidemment,<br />

Cygne bleu et plumes d’or,<br />

D’une gloire inconnue<br />

Et s’admirant soi-même,<br />

Jamais, drapeau déchiré<br />

Linge doré consacrant<br />

Sa gloriole pour autrui<br />

Fugace inutilité de<br />

Poète stupide, il reste<br />

Toi, jubilation de chair<br />

D’orgasmes, - je plaide<br />

Le nom de génie, tu le crois<br />

N’est-ce pas, douce Irène ?<br />

1256


En ramier de couleurs<br />

Explose en ramier de couleurs<br />

L’élan inventif et tel<br />

Qui n’ayant su peindre les cœurs,<br />

Ne pu suffire au bas mortel<br />

Dans l’éphémère aptitude telle<br />

D’un blanc cendré et cygne pur<br />

Se mêle le battement pastel<br />

Lancé dans le piteux Azur<br />

Mais jamais renié en soi<br />

En gerbes de savoirs réelles<br />

Il méprise la simple aquarelle,<br />

Et sa gloire au faîte du Moi<br />

Unique, inconnue et vraie<br />

Va au tombeau et disparaît.<br />

1257


Dionysos<br />

Nulles convives pour<br />

Jouir ou élargir la joie<br />

Avec Dionysos, et sexe,<br />

Et vin, et femmes, et Moi<br />

D’orgies, de coupes hautes<br />

De lèvres couronnant le sage<br />

Et le poète de louanges,<br />

Pipeaux et tambourins<br />

Servantes bondissantes et nues,<br />

De chair offertes avec rires<br />

Et plaisirs, - oui couronné<br />

Partageant avec frères la gloire<br />

De la haute lyre poétique, ainsi<br />

Admiré dans leur sublime rang...<br />

1258


Cascade<br />

Cascade, ô blonds cheveux, bondissant à l’extrême<br />

Comme foule excessive de lanières dorées,<br />

Je dirais : pose-toi tel un casque célèbre<br />

Imite en sa chaleur ce généreux foyer.<br />

Car pour te figurer, il sortirait des flammes,<br />

Ors fustigés, soupirs, clair joyau par le feu.<br />

Cette sainte parure qui nimbe toute femme<br />

Enivre le poète quand il plonge ses yeux.<br />

Ta souple nudité semble soupirer d’aise,<br />

Alanguie et riante contemplant le foyer<br />

Et l’exploit de beauté que cette chair apaise<br />

S’étale bienheureuse, murmure contre mon corps<br />

Un désir lancinant qu’il faudrait satisfaire<br />

Pour l’extase divine d’un merveilleux effort.<br />

1259


Ivre de blondeur<br />

Qu’elle soit ivre de blondeur<br />

D’éclairs bleus, d’équilibre parfait<br />

Qu’elle tourbillonne nue<br />

Hors de son miroir, et voltige<br />

Ou s’enroule dans sa robe<br />

Pailletée d’or et de diamants ;<br />

Que s’exaltent les parfums clairs<br />

D’aromates chauds et lourds de<br />

Femme qui emporte dans la nuit<br />

L’âme chère du poète fantasque,<br />

Amant éternel à la recherche<br />

De l’idéal de perfection<br />

Pour s’endormir dans la jouissance<br />

Du spasme ou expirer content.<br />

1260


Le Tombeau de l’Immortel<br />

Malgré son noir silence, le poète endeuillé<br />

Sait extraire de ce marbre quelque éloge funèbre,<br />

Et veut glorifier le pur génie célèbre<br />

Que la masse d’humains avait trop oublié.<br />

Pourtant ne voit-il pas disons que le triomphe<br />

Amicalement a grandi dans sa croissance,<br />

Que la sublime estime tutrice de sa naissance<br />

Fortifie l’immortel, et en sa chair le gonfle ?<br />

N’éclate nul orgueil sous cette vraie démence<br />

De grandeurs et de fleurs et d’orchidées aussi.<br />

L’esprit dans l’au-delà se conçoit et se pense,<br />

Irradiant soi-même le sacre avec ses frères.<br />

Dans cette certitude enfin il réussit<br />

Et offre à tout venant la clé de son mystère.<br />

1261


Le délice d’un Saint<br />

Toi si pure et si chaste, toi délice d’un Saint<br />

Et je songe parfois à quelque hostie vivante<br />

Élevée et soumise telle une humble servante<br />

A l’orbe rayonnant dont l’Église te ceint.<br />

Te souviens-tu ? Pour moi, ce fut la certitude<br />

De pouvoir t’observer dans l’espace temporel<br />

Réservé à un Dieu, havre surnaturel,<br />

Langage murmuré de la béatitude.<br />

Ne peux-tu, s’il te plaît, prier en ma faveur<br />

Car voilà trop longtemps que ma raison soupire.<br />

Je délire et délire suppliant le Sauveur.<br />

Constamment possédé par l’âme maléfique<br />

N’en est-il pas assez de se savoir maudire,<br />

Subissant en sa chair d’abominables piques ?<br />

1262


Un axe<br />

Un axe plus loin désemparé<br />

ainsi sommes-nous de ne pas le reprendre<br />

déçu de la verticalité de son don<br />

avec fenêtres se croisant et fenêtres encore<br />

Aller au bal voisin chez Deguy<br />

Et fuites de ligne sur le sable aride<br />

Toi ton polyèdre amorphe, à lancer<br />

Et Florence avec sa musique claire spacieuse<br />

que l’on évoque sur une mémoire cristalline, elle<br />

Faudrait-il assister à la fête libre<br />

avec ombres et savoirs à oublier ?<br />

pour le rayonnement de l’intérieur<br />

1263


P.A.I.<br />

Penchée<br />

suçante<br />

ta Phèdre bandante cheveux liés<br />

brune - et les yeux suppliant Hippolyte<br />

Hippolyte, laisse-moi te sucer la b... ?<br />

Lui, cherchant à fuir<br />

condamnant l’artifice, le désir.<br />

Puis Andromaque femme perfide et rusée<br />

glissant quelque poison rendant stérile<br />

Hermione amante et femme de Pyrrhus<br />

assez vicieuse à en.... en fait<br />

et toi pureté d’Iphigénie<br />

pleurante, quémandante - sublime sacrifice<br />

sur l’autel tu t’offres silencieuse<br />

Toi, peut-être dans mon idéal impossible<br />

1264


Définition de la pensée<br />

Au-delà de la conscience personnelle du temps,<br />

j’ai besoin de recherches logiques,<br />

j’ai besoin de comprendre l’association pure<br />

de l’élément simplifié.<br />

Il ne s’agit pas ici de synthèse passive, car l’espace dans lequel<br />

l’élément s’impose - est un espace conscient où le travail de l’esprit<br />

s’assume.<br />

L’élément s’associe à l’élément. C’est un point-source, une<br />

énergie d’atome, une lumière d’étoile dans mon ciel constellé de vie. Je<br />

dois connecter. Je dois aussi comprendre son origine - ses parties - ses<br />

caractères.<br />

Il n’est pas apparition, il est emplacement, chargé de mémoire,<br />

apte à s’associer, objet scintillant, vérité en soi-même, -il contient du<br />

pur, du vécu. S’il s’associe - il se déplace - il va vers de l’expérience, et<br />

produit un nouveau caractère avec l’élément qu’il a conquis.<br />

C’est une sorte de fait mental - une charge dans une niche de<br />

neurones. Oui, je veux encore étudier son caractère.<br />

1265


De tout cela, de tous ces faits ponctuels, mentaux, qui s’associent,<br />

s’éloignent, se connectent et s’engendrent, je sais qu’il y a la pensée.<br />

De cette pensée, j’en tire ma certitude, ma conscience, ma réalité<br />

d’homme existant en vérité.<br />

1266


Recherche<br />

Réfléchissons : il doit bien y avoir<br />

une perception émotive plus fine, plus subtile<br />

comme un fragment d’onde sensibilisée<br />

possédant un spectre compressé de propriétés inconnues,<br />

mêlées, mélangées peut-être<br />

difficiles à dissocier<br />

mais réelles toutefois<br />

N’est-ce pas dans cet espace de vérités filantes<br />

que le poète doit composer, connecter, redéfinir,<br />

extraire, rejeter, prendre, associer, enfin agir<br />

Capter n’est pas suffisant - il faut fragmenter,<br />

symboliser, fusionner.<br />

1267


Les Points-réponses<br />

J’activais ces points-réponses,<br />

mes yeux au centre<br />

j’esquivais une réponse vraie, fausse,<br />

qu’importe !<br />

Je passais sur du délétère<br />

c’est ça : je captais<br />

croyant à ma force<br />

Elle ondoyait sur des feutres crissant<br />

Les paupières clignotaient, aptes à percevoir le message<br />

Je plongeais dans des vagues océanes,<br />

coulais, remontais quelques poissons d’argent,<br />

- c’étaient mes points-réponses.<br />

1268


Perceptions grossières<br />

Ces perceptions grossières,<br />

je veux les affiner - comprendre le point<br />

son origine, sa vérité, son association.<br />

Je me fuis pour me retrouver<br />

ce n’est plus la clé pour le silence,<br />

ce n’est pas un code à composer,<br />

c’est la puce à intégrer,<br />

le plus petit<br />

de l’œil à la loupe<br />

de la loupe au microscope<br />

pour définir le caractère de l’apparition.<br />

La conscience de l’image, sa pigmentation<br />

ses points composés pour fabriquer la trace<br />

l’origine de cette organisation<br />

non pas la fonction d’apparition<br />

mais la vérité sur le point<br />

1269


La bulle métaphysique<br />

Nul ne sait qui je suis.<br />

J’habite une bulle métaphysique<br />

J’accède à mon vide, je le nourris de phosphore,<br />

Je palpe du silence.<br />

Je broie de la Lumière, je l’accouple<br />

avec de l’Ombre. Le Mystère se conçoit,<br />

se développe, s’impose.<br />

Qui prétend accéder à mes limites ?<br />

Je dénonce les distances, je les déplace,<br />

je pousse les bornes.<br />

Suis-je seul, de Moi à Moi,<br />

Quelle avancée ? Jusqu’où ?<br />

Décalez-vous sur mes limites. Ajoutez,<br />

allez plus loin.<br />

1270


La semence<br />

La semence<br />

L’intérieur<br />

La durée avec de l’énergie mentale<br />

dans l’actif - le cerveau<br />

produire - penser - produire - essayer<br />

ce langage.<br />

Construire avec la confusion d’images<br />

dans l’ombre de soi<br />

réalités trompeuses, mensongères<br />

en vérité - matériel de poète.<br />

Vue et envoyée sur le papier<br />

entrecroisements de voyelles et de consonnes<br />

sensations magiques - esprit magnétique<br />

il s’autorise - il risque - il prend<br />

1271


I<br />

Vie poétique. Pensées arrachées au quotidien<br />

Inutile. Sentiments froissés. Subsiste encore<br />

Une possibilité d’extase, d’évasion, d’écrit<br />

Cela se conçoit dans le front, puis il balbutie<br />

De sinistres paroles. Il souffle de l’air chargé<br />

De syntaxes. Homme cherchant, poussant, éreinté<br />

Pour un idéal utopique et impossible. Feuilles noircies.<br />

Il déplace l’angle d’appréciation, l’analyse<br />

Le plus souvent, est détestable. Lui fragile, écumant,<br />

Prétendant encore, fixant d’autres certitudes.<br />

Sont-elles siennes ? Il voit autrement. Cette hypothé-<br />

Tique mémoire, illusoire, d’avenir. C’est bien cela :<br />

Un chimérique clown fabriquant ses images<br />

Stupides, et l’Histoire se rira bien de sa mémoire !<br />

1272


II<br />

Dans ces rues, des flux de pensées circulent.<br />

Méandres, superpositions des idées, de la sensibilité.<br />

Cerveau accomplissant, ayant accompli encore et se...<br />

Cherchant à entreprendre, à reproduire, ignorant<br />

L’ordre de l’événement. Transmettre ! Se cogner !<br />

Pénétrer ! L’élan de l’esprit se déplace<br />

Essayant de rendre cohérents des semblants<br />

Délétères d’entités.<br />

Écrit autrement : sur la page<br />

Tu frissonnes, la pression, entrecroisements, lignes et<br />

Figures. Tes flammèches d’idées. Plans<br />

D’espaces, dis-tu pour construire, virgules à l’infini.<br />

La plume se mêle à la nuit noire. La main<br />

Prétend conserver la matière. La boue coule<br />

Sur le papier. Que la lie soit féconde !<br />

1273


III<br />

L’air. Bulles de mots nourris d’oxygène. Avec<br />

Le souffle poussé chargé de sonorités et de langage.<br />

Accumulation, masse pesante d’axiomes. Pensées<br />

Qui se conçoivent en songes. La bouche dicte du vrai.<br />

Où est ta pureté ? Signes noirs sur feuilles blanches.<br />

Dans la grotte de l’alphabet avec coups, usures<br />

Et combinaisons connues et surconnues.<br />

Le promontoire de la grammaire rigide et vraie<br />

Où flottent nonchalants des oiseaux libres qui<br />

Refusent l’interdit et vont hagards s’accoupler.<br />

Encore associer les sonnantes, les éclatantes,<br />

Les graves - que les oiseaux dans ce paradis ou<br />

Cet enfer de corbeaux et de chauves-souris<br />

S’associent, s’accouplent, exultent en rimes de rumeur.<br />

1274


Résonances V<br />

C’est une série<br />

C’est une série d’arrangements, de combinaisons, de choix<br />

Car il faut abolir le hasard, - ou le bien tenir<br />

Serré, sérieux ; ce sont parfois ces traces insoupçonnées,<br />

Puériles, douteuses que l’esprit doit considérer pourtant.<br />

Projections dans l’âme ; déplacer le sens des mots ;<br />

L’orgasme de la poétesse en gémissant ; attributs<br />

Et grammaire, - suivre ; faux, sembler, imiter.<br />

L’étendue qui protège ; nulle part et absence ;<br />

Quant à la médiocrité, - elle est toujours présente.<br />

Mon double s’épongeant, tremblant, cachant<br />

Les vieux rictus de l’échec. La salive âcre<br />

Accumulée dans la bouche. Et pour quelle jouissance ?<br />

Le Temps compresse le passé. - Le résultat est vain.<br />

L’avenir du Moi ? - Une vulgaire inutilité, en fait.<br />

1275


Le parcours de la conscience<br />

De nulle part. De l’éphémère insoupçonné comme<br />

Intuition, peut-être - pas encore - substance,<br />

Lancée indistincte de l’esprit avec facteur G<br />

De Spearman sans doute. À la recherche de<br />

L’algorithme parfait, de la synthèse, du saut,<br />

De la fusion - du risque, de l’audace - outils<br />

D’autrefois. Mais la pensée s’efface, et je veux<br />

Accéder aux plus belles productions de la raison.<br />

Encore avec intelligence, et langage - y faisant<br />

Exploser le désir, pour obtenir la sublime émotion.<br />

A moins que je puisse espérer l’intuition pure -<br />

Il ne faut pas douter ! - plus tard encore la<br />

Conscience réflexive me nourrira de ses secrets. Et<br />

J’irai puiser quelque message au plus profond de l’inconscient.<br />

1276


Je fixe le phosphore<br />

Je fixe le phosphore - l’œil du coq veille.<br />

Parfois dans mon désert, des fantômes d’idées<br />

Apparaissent. C’est espoir à satisfaire. L’alphabet<br />

- Abêtissez la substance des mots, la lettre c...<br />

L’œil cligne pour le caché, l’intérieur. Le Poète<br />

Solitaire crache l’encre sur le papier. La cervelle<br />

Broie de la pensée brute, la malaxe, l’extirpe,<br />

La répand comme une substance dégueulasse<br />

De vomis, de sueurs, d’excréments, de pleurs,<br />

- La broie. Extases, jouissances, chiottes,<br />

- Va-t’en, tu pues. Alors je déclenche l’acte<br />

De purification, prête sacrificateur, à l’esprit élevé,<br />

Au savoir parfait - j’exulte des stances claires<br />

Et belles. Le silence envahit ma bouche - je cherche.<br />

1277


Subsiste encore une recherche possible<br />

Le murmure éternel dans les tempes. Le souffle<br />

Qui casse le silence - des bruits indistincts<br />

Travaillant, travaillant au plus lointain -<br />

Jamais satisfait. La souffrance, la fracture,<br />

Le peu, - les fibres émotives. - Subsiste encore<br />

Une recherche possible, impossible, déçue.<br />

Je réorganise le passé, y ajoutant les déchets<br />

D’avenir. Dans d’autres circonstances, - la sensa-<br />

Tion détestable. Comblez ce déficit, comblez.<br />

Inlassable, désireux. Ce qu’il faut pour écrire.<br />

Impétueux fantasme de puissance ubuesque !<br />

Illusion d’espoir, d’Allez, de poussées, d’élans<br />

Mentaux. Le voilà à nouveau porté, lancé<br />

Vers l’inrêvable à atteindre. Pourquoi pas l’impossible ?<br />

1278


Le chemin de l’âme<br />

L’insecte misérable - le vers - l’homme. La conscience<br />

D’un certain infini. Le plongeon - le vide - l’immensité<br />

Stellaire. L’intelligence de Dieu, de son Saint -<br />

La petitesse, le ridicule de l’homme sans faculté.<br />

La mesure de l’univers. Que puis-je ? Qui suis-je ?<br />

Quel est mon pouvoir ? Et pourtant ce cerveau, cet inconscient,<br />

Ce réseau de neurones, de synapses, ces centres du savoir !<br />

La modification proposée pour le Christ, le dessein,<br />

La lumière complète. L’autre substance - la métaphysique.<br />

Sur représentation est incomplète et insuffisante, pour... ?<br />

La civilisation exacte de l’au-delà. L’action, le rela-<br />

Tionnel. Les nouvelles formes de vérités, de savoir,<br />

De perceptions, les rapports, les constructions etc.<br />

Sa finitude, est-ce le plaisir, le bonheur, le bien-être ?<br />

1279


L’homme et son double<br />

L’homme et son double. Son Moi pensant, supérieur,<br />

Transcendé, qui condamné la chair, la repense - s’élève,<br />

Qui subit cette relation d’homme à l’être avec nécessités<br />

De satisfaire les besoins terrestres - Lui qui s’évanouirait<br />

Dans la transparence - qui est englobé, écrasé dans<br />

Cette chair ténébreuse et puante ! - Oui, d’autres limites,<br />

D’autres possibilités. Il est avec l’Autre, relation<br />

Étrange, détestable, de dominant-dominé, de<br />

Faible-fort-d’espoirs et de réalités. Cette bipolarité,<br />

Cette correspondance. L’homme tend vers la Terre, quand<br />

L’Esprit est attiré vers le Ciel. J’attends, je fais du sang,<br />

J’attends fébrilement la mort - la rupture, la coupure,<br />

La cessation, la fin - pour cette liberté spirituelle<br />

D’accession à l’Idéal parfait de la Divinité.<br />

1280


L’errance<br />

L’errance. Pour découvrir une autre vérité. Au-delà<br />

De l’époque. Ignorer toutes les histoires passées -<br />

Est-ce réellement possible ? Et je pense à Arthur -<br />

L’errance, est-ce une erreur ? Moi, je lui ai préféré :<br />

La synthèse à l’intérieur avec les produits d’autrui.<br />

Et j’ai fait œuvre de jeunesse - de valeur inférieure.<br />

Cela va s’en dire, mais j’ai cherché également.<br />

J’ai insisté, sans faire preuve d’aberrance - avec fréquence<br />

Toutefois. Étais-je égaré ? Non, tout ceci était borné,<br />

Banalisé, sûr, certain, fort et grand - il me fallait<br />

Fusionner le savoir de l’autre, des autres - il fallait.<br />

Destin avec Destins. Alors « la liberté-le sacrifice »<br />

Ou « le malheur-la réflexion ? » Pour quelle détresse ? Quel homme ?<br />

1281


La pauvreté<br />

La pauvreté - en constance de manque, d’interdit,<br />

De blocage - de privation, avec certitude<br />

De faiblesse. Relation de l’homme à soi. La<br />

Vertu est-elle une richesse ? Faut-il se dépouiller,<br />

Se purifier, rejeter l’animal-subsistance ? La métaphysique<br />

Exige la pauvreté. Dieu étant le fabricant,<br />

Est-il le donnant ? À quoi possède-t-on ?<br />

Où sera la suffisance de l’âme, de l’esprit,<br />

De l’homme, de l’athé ? Jusqu’où iront les hommes ?<br />

L’élévation. La finitude pour la perfection - l’espoir ;<br />

À quelle extrémité de dénuement ? Dans le désarroi<br />

De notre Néant, de notre sinistre profondeur ?<br />

La pauvreté - l’homme sans facultés, l’homme avec<br />

Dieu, mais toujours peu. Avec le Fils mais ignorant,<br />

Avec l’Esprit mais impur. Faut-il faire l’Ange ?<br />

1282


L’homo Lozachus<br />

Un homme qui pense sans fonctions biologiques, homme<br />

Sans appartenance à la nature - la délaissant, la niant,<br />

La refusant - Corps-prison - sexe bas - actions primaires<br />

Rejetant la vie dite essentielle - homme parlant-écrivant,<br />

Apte à percevoir le sensible-essence qui pense -<br />

Pourquoi ? Pour sortir, s’élever - rejeter la chair.<br />

Esprit aspirant à la liberté spirituelle, l’au-delà.<br />

Être en attente de mort, soucieux de vie cérébrale,<br />

Se préparant, se construisant - mystique-actif -<br />

Désireux d’accéder au supérieur, le supposant -<br />

Le pré-sachant - Existant sans les organes, toutefois.<br />

Non pas le pari, mais la certitude - les preuves visuelles -<br />

Se formant pour accéder au grand principe de compréhension<br />

Universelle. Mais est-ce raisonnable. Est-ce ?<br />

1283


La stratégie<br />

La stratégie - le but - l’objectif - le désir.<br />

Que veut cette pensée humaine ? Comprendre l’Essence.<br />

C’est-à-dire l’origine et la finalité. Est-ce<br />

Les deux, il y a l’homme, donc Alpha et Oméga.<br />

Le dessein de l’origine de Dieu, le dessein de la<br />

Finalité de Dieu. L’homme se situe entre les deux,<br />

A un temps défini. La pensée est dans l’homme. Cette<br />

Pensée-là n’est peut-être qu’accident assez insignifiant.<br />

Il faut se purifier. C’est donc un schéma mystique.<br />

Il faut apprendre à déposséder pour nous jeter<br />

Hors de nous-mêmes.<br />

La finitude est dans l’être toutefois.<br />

Il s’agit d’accéder au plaisir ou à la jouissance,<br />

Une sorte de bonheur de vivre que l’on nous promet.<br />

Ou l’éternelle douleur dans un profond Néant, peut-être.<br />

1284


Le dépouillement<br />

Le dépouillement - la destruction des valeurs,<br />

Le renoncement à la chair - l’abolition financière,<br />

La remise en cause de l’acquis. À poil ou<br />

Ne passe pas. Votre savoir. Votre ignorance. Moi,<br />

Dieu. Je détruis vos structures. J’abolis vos principes.<br />

J’offre un nouveau destin - changez ! l’essence de la<br />

Vérité. Achevez le schéma de la subsistance, de la<br />

Jouissance. Vous appliquerez mes nouvelles lois.<br />

Ce nouveau vrai dans un espace révélé, différent.<br />

Ta valeur ne compte plus ; condamné à effacer<br />

L’âme transcendée ; - le partage ; est-ce survivance<br />

Élaborée dans époque future ? Abandon immédiat<br />

De soi - autre logique - autre certitude, autre<br />

Objectivité ? Pour quelle richesse, en vérité ?<br />

1285


Le calcul<br />

Le calcul. Le pari de Pascal. La garantie future,<br />

La méthode de l’arriviste. La constance de<br />

Certitude. La vérité dans l’invisible. La perception.<br />

Rationalité et paranormal. Science et au-delà.<br />

Se refaire. Se reconstruire avec du délétère,<br />

De l’impalpable. Penser avec l’inconnu. Supposer.<br />

Est-ce audace, risque ?<br />

Une vérité unique,<br />

Intransmissible, pour soi-même, - expérience personnelle<br />

Volonté de rechercher avec l’objectivité.<br />

Le doute. - la fiabilité de ses sons. - les résultats.<br />

Est-ce nouvelle essence métaphysique en auto-prospection ?<br />

L’avenir. Le Dieu vrai. Le bonheur, le bien-être. L’utopie.<br />

Ou l’éternel néant. La finalité du rien. De la mort<br />

Totale, biologique, absolue. - Qu’en est-il de jouer ?<br />

1286


Le schéma intérieur<br />

L’obscurité dans la tête. La lumière tout autour.<br />

La recherche du progrès. L’évolution. La plate-forme.<br />

La volonté de voir au-delà. Apprendre, comprendre - appliquer -<br />

Le chuchotement domestique, le peut-mieux-faire.<br />

Avec art, quelle évolue ! Avance ! Le moteur,<br />

Les déchirures. Avide, le mystique - copiste. C’était hier !<br />

L’œil conçoit un espace, tourne, virevolte, pour qui ?<br />

La pensée triomphante, dit-il, d’une voix endormie.<br />

Allez ! couvre la table, plume et manuscrits. Hiero<br />

Glisse sur la feuille de papier. Et quelle valeur ?<br />

Absolument, le temps, le recul, l’analyse, la cer<br />

Titude, de soi ? Te voilà décrépi, vieillard.<br />

Sénile à la parole tremblante. Et ma patine pour vous ?<br />

Ressuscite, renais, deviens quelqu’un pour autrui.<br />

1287


Résonances VI<br />

Acte supérieur<br />

Acte supérieur, activité rejetée, bannie de la masse.<br />

Ce que possède la clé pour comprendre, pénétrer, - pour le-dedans ?<br />

Les poètes eux-mêmes se persiflent, ironisent et s’ignorent.<br />

A ne pas comprendre pas B qui refuse C dont l’École etc.<br />

Pourquoi faire l’effort pour fabriquer l’image quand l’image<br />

Apparaît splendide et belle, onirique, idéale sur l’écran ?<br />

Construisez des clips poétiques - ils seront regardés. L’on<br />

Vous dira ce que l’on en pense …<br />

Ô l’inconnue, pour quelle sérénité,<br />

Pour quelle essence de pureté, toi la méprisée, l’exclue,<br />

Subiras-tu longtemps encore l’humiliation et le rejet ?<br />

Iras-tu t’endormir espérant un autre règne ? Pourtant<br />

Tu fus riche en langage, désireuse de ressources nouvelles,<br />

Audacieuse dans tes volontiers d’aller outre !<br />

Ha ! L’ingratitude<br />

1288


Des hommes, le rejet éternel pour les causes perdues !<br />

1289


L’impossible ailleurs<br />

Être sans attachement pour apprendre à s’élever,<br />

À sortir hors de sa chair, silhouette impalpable<br />

D’esprit errant.<br />

L’ombre dans le futur exil pour<br />

L’autrement, le différent avec mémoire terrestre toutefois.<br />

Pour quel soleil ? Quelle extase ? Quelles ténèbres ?<br />

Un visage purifié qui m’entraîne, qui m’enveloppe<br />

Et m’aime, et je m’enfuis avec ma vie mentale<br />

À la vitesse du rêve.<br />

J’offre encore cette poésie<br />

Famélique, pleurnicheuse, sans complexité ni profondeur.<br />

Telle est ma punition cérébrale de médiocre né.<br />

Je cherche la blonde sainte, idéale d’extase,<br />

Égérie immortelle, etc.<br />

Qui sait le lieu, le lieu ?<br />

Sans pesanteur, de légèreté déviée. Au seul souci<br />

De s’éterniser pour un impossible ailleurs d’amour peut-être ?<br />

1290


Ce qu’il faut élaborer<br />

Le autrement avec soi-même, ce qu’il faut élaborer.<br />

Est-il nécessaire de comprendre ? N’y a-t-il pas une sorte<br />

D’abord incompatible, impossible à percevoir ? L’être<br />

Conçoit une possibilité risquée. Doit-il décider<br />

Pour rendre cohérent sa recherche d’une harmonie<br />

Compréhensible ?<br />

Aptitude à assembler, à dériver, à<br />

Organiser de la mémoire proche et lointaine sur un support<br />

Sensible - énergie mentale qui agit. Est-ce là<br />

L’un des fondements de la détermination de l’être ?<br />

Faut-il de la clarté ? Et quelles formes d’intuition ? Pourquoi<br />

Faut-il rendre manifeste ? Pourquoi montrer ? C’est la force<br />

De la pulsion ou du désir qui impose à montrer.<br />

Efforts pour conquérir, pour construire dans son Étant, savoir<br />

Ce que l’on peut faire, les variables temporelles<br />

Et l’environnement transformant constamment l’objet fabriqué.<br />

1291


Husserl, Heidegger<br />

Les impasses, les blocages, les culs-de-sac d’Husserl,<br />

Les volontés de passer outre avec des difficultés extrêmes<br />

D’analyse, de démonstrations vraies.<br />

Les gains en biochimie<br />

Du cerveau permettent de mieux comprendre les mécanismes<br />

D’invention, de création, de pseudo-transcendance ;<br />

Pour mieux savoir, mieux penser l’homme, faut-il la science<br />

Ou la philosophie ? Ou la psychologie ?<br />

Les remarquables<br />

Définitions de Heidegger : Ici tout se retourne, ou encore<br />

Temps : clairière du se retirer de la présence.<br />

Les transformations arbitraires de la pensée - les volontés d’approches.<br />

Le besoin de justifier un sens exact, est-ce encore possible ?<br />

Mutation de la détermination par rapport à l’ancienne,<br />

Nécessité d’une pluri-référence variable d’une situation.<br />

1292


Sublimations de l’étant<br />

L’étant se dirige vers l’Être par la pensée ;<br />

Si l’étant accède à la Pensée Totale, il est dans l’Être ;<br />

Il a changé d’essence. Il a atteint le Concept absolu.<br />

L’Être atteint l’idéal métaphysique. La nature de<br />

L’Être est transcendée et peut s’apparenter à la divinité<br />

Extatique ou pure dans son identité.<br />

C’est un principe<br />

Associatif de matériel fixé dans la mémoire qui permet<br />

De passer du non-pensé au pensé. Se fait et se défait<br />

Comme un nombre illimité de combinaisons avec des jeux de cartes.<br />

Degré de luminosité intérieure, possibilité du Sachant ?<br />

Ce qui apparaît de plus en plus clairement, est-ce du vrai ?<br />

Pourquoi pas, si la certitude se déploie par la Science.<br />

La vérité par la Science, par l’Art, par la Religion<br />

Non renouvelable peut permettre d’accéder à la transcendance<br />

Immédiate, et offre à l’étant le changement d’essence<br />

Pour accéder à son propre Être en contemplant l’Être parfait.<br />

(Cf. les visions des futurs saints).<br />

1293


L’Absolu<br />

L’homme face à l’Absolu. Peut-il y parvenir ?<br />

Peut-il se dépasser pour l’atteindre ? S’apparente-t-il<br />

À Dieu ?<br />

Il serait une sorte de porche final ouvrant<br />

Sur le néant éternel et infini. Cet Absolu est<br />

Relatif à nos capacités maximisées.<br />

L’Absolu de<br />

La fourmi sur une étendue d’eau. L’Absolu de l’homme<br />

Voyageant dans le cosmos. L’Absolu de Dieu. In-<br />

Déterminé - Indéterminable - Incomposé - Informe.<br />

L’Être - le Temps et l’Espace -<br />

S’apparente pas à un Dieu inaccessible.<br />

Dans mon esprit, ne<br />

1294


Rassembler en soi<br />

Rassembler en soi des possibilités choisies pour agir,<br />

Pour obtenir la meilleure attaque et résultante finale.<br />

Non pas mettre à sa disposition la totalité du<br />

Matériel, mais offrir la sélection optimisée pour<br />

L’action. Car il y aurait charge, usure et poids<br />

Inutiles de l’intelligence.<br />

Le péril de l’intelligence<br />

Est encore la dissimulation et l’incapacité de mettre<br />

À la disposition de la conscience les outils nécessaires<br />

À l’élaboration de l’action.<br />

L’étude doit définir<br />

Les limites réelles de chaque individu : le ne-peut-aller-<br />

Outre, est bloqué-cérébralement-à, sa-tâche-consiste-à :<br />

La maximisation d’un volume de chaîne HIFI ; la potentialité<br />

D’une calculatrice programmée ; - limites de l’homme seul ?<br />

Rassembler en soi, est-ce destin de l’être ? Qu’il<br />

Le veuille ou non, l’homme est une autonomie. L’heure<br />

De naissance, l’heure de mort prouvent l’autonomie.<br />

1295


Rassembler en soi ou se dépouiller - perdre -<br />

Désassocier, ou désactiver, rejeter, oublier. Contraires.<br />

1296


Husserl<br />

Husserl s’est-il réellement trompé ? Sa description<br />

Des actes de la conscience est-elle réellement fondée ?<br />

S’est-il égaré dans son analyse phénoménologique ?<br />

A-t-il considéré par une représentation de points-source<br />

Des images offertes à la conscience ? A-t-il été<br />

Au-delà de l’acte psychologique, dans le fondement<br />

Même de la perception, de la réception des faits mentaux ?<br />

Par-delà la logique, est-ce une étude philosophique<br />

Nouvelle qui est ainsi proposée ? Ou une étude biochimique<br />

De l’imagerie des messages ?<br />

C’est vouloir trouver l’origine,<br />

L’explication fondamentale, pure, transcendante, cela<br />

Nécessite une objectivité parfaite de l’analyste lui-même.<br />

Comme se définissent les actes vécus ? etc.<br />

1297


Cérébralement différent<br />

I<br />

Transformer le mécanisme de penser. Délaisser une<br />

Partie de l’identité passée et lui offrir ou lui imposer<br />

Un système d’extraction ou de production autre.<br />

Il ne s’agit pas de passer de l’homme à l’Être,<br />

Mais de reconsidérer l’appareil productif interne<br />

De l’homme. Prétendre différemment les possibilités<br />

De l’action humaine. Appréhender l’étant avec<br />

Plus d’efficacité, d’objectivité, de réalisme.<br />

Il ne faut pas nier l’éphémère, l’impalpable, le délétère,<br />

L’intuition sensible, ou artistique, mais il faut mieux<br />

Canaliser.<br />

L’évolution dans la Nature engendrera-t-elle<br />

Un homme historique nouveau ?<br />

II<br />

1298


Être ou la dérision de soi. L’un prétend au<br />

Discours quand l’autre ne propose qu’un bavardage oiseux.<br />

Méditons sur l’Être, sur ce sujet insignifiant …<br />

Emprunter la voie de la pensée, pourquoi pas ?<br />

Faut-il s’en offusquer ? Quel éclairage, quelles vérités<br />

Nouvelles les hommes réellement pourront-ils apporter ? Et pourtant !<br />

C’est nécessité absolue pour l’humanité que de penser !<br />

Apprendre, écouter, appliquer, tirer.<br />

Optimiser la potentialité propre à chacun.<br />

Ou mieux encore :<br />

1299


Le Grand Être<br />

Surmonter son Néant, sortir la tête hors du gouffre.<br />

La douleur de l’homme, c’est sa conscience infiniment faible ;<br />

Son espoir, c’est d’ajouter et de transmettre. Car son<br />

Faible est également un faible temporel.<br />

Son destin est<br />

Intimement lié aux autres, en raison de l’insignifiance de<br />

Sa nature, à l’image de fourmis ou d’abeilles - le Social.<br />

Comment la personnalité peut-elle se construire pour faire<br />

Un Grand Être ? Le développement, le déploiement intérieurs ?<br />

De Gaule.<br />

« Ceux qui ne sont pas d’un grand être (wesen)<br />

N’aboutissent à rien quoiqu’ils œuvrent », Maître Eckhart.<br />

1300


La constellation irréelle<br />

Est-ce toi, toi dans ta virtuelle réalité<br />

de mensonges, de doutes et d’audaces d’écriture ?<br />

Tu te conduis avec raison<br />

pour élaborer un édifice.<br />

au quotidien<br />

Ne sont-ce pas de vaines constructions délétères,<br />

infinies et inutiles ?<br />

Est-ce élan ? Aptitude cérébrale qui offre<br />

et organisme des produits de l’intelligence ?<br />

N’est-ce pas faire preuve de prétention que d’oser<br />

employer un tel terme : intelligence ?<br />

Tout est pour l’intérieur. Autrui te détruit, te persifle,<br />

te ponctionne, te méprise. Cela ne les intéresse pas.<br />

Ils ont autre chose à faire. L’autre, oui - vous, non,<br />

répètent constamment les éditeurs<br />

Tu n’es pas réel - tu es un souffle transparent<br />

qui disparaîtra avec sa mort. Tu es le manque, o mon absent,<br />

1301


mon silence, mon caché, cet encore un en-toi.<br />

S’il y a clameur, elle est interne - étouffée -<br />

sachant à jamais confondue.<br />

Pourtant tu le hurles sur cette feuille de papier.<br />

Quelle force t’impose à l’écriture,<br />

à le dire, à le proclamer ?<br />

Ton désir est bien de construire<br />

sous la constellation irréelle des étoiles poétiques<br />

qui passent et disparaissent.<br />

1302


La belle évaporée<br />

Assoupie, endormie, rêvant encore<br />

un peu de soie divine sur un sofa d’extase<br />

fluide, alanguie, s’étirant, là, oui inachevée,<br />

mais s’étirant encore<br />

sous une lumière lymphatique et pâle<br />

sublime énigme de confusion et de nonchalance<br />

qui semble régner impérialement<br />

Elle conçoit dans son rêve des images claires<br />

qu’elle traverse nue<br />

Elle embrasse des souffles d’orgasmes et va<br />

cueillir des caresses nonchalantes<br />

tremblantes et fuyantes<br />

Je secoue cette masse belle de femme qui tombe<br />

en poussière de songe devant mes yeux ahuris<br />

1303


Femme phosphorescente<br />

Avec l’utilité du Néant<br />

enjambant le cercle clair<br />

elle avance obstinée et sage<br />

pour construire dans le silence<br />

Femme phosphorescente pensante et sexuelle<br />

refusant la faiblesse<br />

suscitant tant d’espoirs<br />

dans la lumière naissante de l’écriture<br />

brillant, éclairant çà et là<br />

quelque ténébreuse recherche<br />

soufflant sur des mots mystérieux et irréels,<br />

dans l’arôme de sa bouche<br />

Je désire son visage transcendé<br />

et me colle à ses lèvres pour extraire le suc<br />

de son savoir et l’exprimer ici<br />

1304


Épilogue<br />

Chercher sans réellement découvrir<br />

dans la rumeur de soi<br />

avec tangage de langage, - chercher<br />

Quand la gestuelle pensante est monotone<br />

sait pertinemment que demain sera comme hier<br />

une vaste déception cérébrale<br />

d’élans cassés<br />

d’avancées perdues,<br />

de futurs inutiles<br />

Alors pourquoi cet étonnant labyrinthe en soi-même,<br />

cette vaste cité intérieure ?<br />

est-ce volonté de comprendre,<br />

de développer une capacité interne ?<br />

Est-ce aventure personnelle ?<br />

Fuite en soi ?<br />

Nulle réponse simple n’offrira de réelle vérité.<br />

Est-ce travail d’homme ? De pseudo-penseur ? De poète ?<br />

Que répondra le lecteur ?<br />

1305


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME VIII<br />

ANNÉES 99-00<br />

Suites/Relances<br />

1306


Suites/Relances I<br />

I<br />

Dans le silence qui inspire<br />

pour éprouver, pour épouser de nouvelles formes<br />

des fuites comme des éclairs,<br />

des fluides qui circulent<br />

Il suppose encore des possibilités,<br />

des aptitudes - il suppose<br />

Pour oublier le vieillissement, ou quémander<br />

une part d’immortalité :<br />

passer ou être demain ?<br />

Il aurait voulu être aimé dans la vérité<br />

chronologique - pour aujourd’hui et le futur aussi.<br />

II<br />

1307


La bouche se nourrit d’extase, de substances claires,<br />

un souffle encore dans les draps de l’amertume,<br />

le miel de ton poème, - c’est ça : imagine<br />

hors du tragique dans le possible<br />

avec audace toutefois<br />

appelle ça la passion,<br />

on rira bien !<br />

III<br />

Subtils effets autres empruntés, exploités, volés, permis ?<br />

mélanges, variantes, prendre, extraire, tirer<br />

Patrice Delbourg écrit : alchimie et plagiat entre le blanc et la<br />

blessure<br />

Moi, je dois dépasser ma limite,<br />

absence de repaires<br />

et l’écho constant en vérité éternelle<br />

d’ennui et d’inutilités.<br />

Quelle grandeur ? - Sentiment de petitesse<br />

et crainte d’être en retard.<br />

1308


IV<br />

Une ivresse éternelle avec l’espoir<br />

de captiver l’interdit ou l’insignifiant<br />

Une femme vacille dans le miroir flou de l’âme<br />

je l’imagine chair, beauté et sensuelle.<br />

Je capture le rêve pour lui interdire de m’échapper,<br />

de fuir dans l’infini de ma conscience.<br />

L’irréel et le factice des vérités rares,<br />

impossibles, avec une constance dans le<br />

déplacement de la norme.<br />

J’entasse mollement des décombres du hasard<br />

et je décompte les combinaisons-gains<br />

me détestant plus encore<br />

La réponse : RIEN<br />

V<br />

La position volante, imaginaire<br />

voluptueuse et spirituelle<br />

une sorte de lévitation<br />

1309


Le rêve qui remuait changeant les ombres,<br />

les déplaçait dans les cases de la pensée<br />

Il s’ennuyait, tentait de rendre sagace<br />

son cerveau<br />

La poésie c’est long et lent, surtout quand on a beaucoup produit,<br />

le savez-vous ?<br />

VI<br />

Pur désir impossible<br />

azur sexuel - de pureté à atteindre<br />

esclave de l’insomnie<br />

azur utopique<br />

constamment désenchanté<br />

Ô mon cher inconnu qui ne recherche nulle gloire<br />

sinon celle d’être soi et d’avoir accompli<br />

ce qui semblait probable.<br />

Oui, pénétrer encore son monde solitaire<br />

afin d’accéder à des délices cérébrales<br />

1310


dans l’espace vide de l’imaginaire<br />

Toi, oublié toujours dans tes parfums.<br />

1311


Soleils annonciateurs<br />

Soleils annonciateurs d’idées nouvelles<br />

Que l’on griffonne sur les vieux murs de sa raison<br />

Inspiration qui souhaite repartir fortifiée à nouveau<br />

Dans le long chemin intérieur<br />

Avec l’intelligence à ses côtés<br />

Grand matin d’espoir avec conscience éveillée<br />

Dans le silence, l’attente et le désir<br />

Avec les morts aimés, les grands révélateurs<br />

De la poésie d’hier - essayons de produire<br />

Étendues, reflétées sur le miroir littéraire<br />

Avec vagues, flous et audaces d’avancées<br />

Nouveaux espaces balayés par l’or des feux<br />

D’autrefois, avec beautés et ordres premiers<br />

L’élan créatif se veut agencements réguliers,<br />

Constructions claires sur le zéphyr inventif<br />

1312


Amours poétiques sur l’aube éclairée de senteurs<br />

Nocturnes, désireux de chercher un soleil de grâce<br />

Que puis-je, moi avec tous ces éléments, ces images<br />

Audacieuses produire d’utile et d’enchanteur ?<br />

Tout s’en retournera, peut-être, à jamais dans le<br />

Dérisoire et le stupide du sommeil éternel<br />

1313


Autres limbes<br />

J’avançais indistinctement dans ces limbes nocturnes,<br />

Où la confusion cotonneuse rend informe<br />

Tous les objets de la veille. Je glissais<br />

Dans ces espaces mystérieux où l’irréel côtoie<br />

Le possible, où l’interdit semble aboli, - sorte<br />

De transe imaginative offerte à la raison<br />

Toutefois.<br />

Des élans de pensées jaillissaient çà et là,<br />

Surgissant devant mes yeux, jaunes ou phosphorescents.<br />

C’était une lumière nerveuse pénétrant l’esprit<br />

Accompagnée d’images indistinctes qui suggèrent<br />

Par recomposition et mémoire activée des souvenirs<br />

D’autrefois.<br />

Puis j’entendis douloureusement la voix<br />

Suave du Christ qui m’invitait à le suivre<br />

Et à l’imiter dans son impossible perfection céleste.<br />

1314


L’architecture imaginaire<br />

Les houles encore là-bas<br />

roulis qui sans cesse ressassent<br />

Pour recommencer encore<br />

le mouvement éternel des flux<br />

Et cet écho perturbateur perdu<br />

dans le sel des choses<br />

Comme un prolongement de la pensée<br />

désire transmettre sa substance<br />

C’est encore une sorte de tracé sonore<br />

avec pureté de cristal et tempêtes<br />

au rythme de l’amertume et de l’oubli<br />

Dans le fracas incessant de la rime,<br />

l’espace se déploie en lignes d’écriture<br />

et semble construire une architecture imaginaire<br />

1315


Gainée de soie<br />

Gainée de soie sensuelle<br />

Elle pense que la chair<br />

Est un orgasme à satisfaire,<br />

Que l’homme est un pénis<br />

En érection<br />

Elle pense que le désir, le soupir<br />

Disparaissent dans des cris<br />

Et se nourrissent<br />

De nombreux espoirs<br />

Que l’aube régénère son corps<br />

Malgré l’effort et l’abandon<br />

Nourrie de fantasmes,<br />

Voilée de soie noire<br />

Dans ses folies illusoires<br />

Elle se fait prendre et reprendre<br />

Attacher et suspendre<br />

Dans l’agonie des soirs<br />

Gainée, vêtue, fouettée et foutue<br />

1316


Des lianes noires<br />

Traversent sa mémoire<br />

Douleurs - douceurs<br />

Spasmes et caviar<br />

Des flammes rouges lèchent sa croupe<br />

Incendiaire<br />

Font bondir son sang dans ses veines<br />

Bleues<br />

Elle se tord, soupire, supplie, implore<br />

Et reçoit par-devant, par-derrière.<br />

Le feu éternel de la passion<br />

Elle aime, pleure, quémande,<br />

Les yeux remplis de reconnaissance<br />

Pour une nouvelle naissance<br />

Immense cri<br />

Qui déchire le ciel<br />

Gainée de soie sensuelle<br />

1317


Des espaces, des lieux<br />

Des espaces, des lieux, des volumes ouverts ou clos,<br />

Inclus, connus, inconnus, à énigmes ; difficiles<br />

À délimiter, avec passerelles, tunnels d’approches<br />

Ce qui les sépare - ce qui les convertit.<br />

Espaces techniques, économiques, sexuels, virtuels.<br />

Sont-ce des espaces, d’ailleurs ? Ou plus exactement<br />

Des moments de l’activité humaine ?<br />

L’espace, à l’intérieur, toujours renouvelé. Lavant<br />

Et relevant les images floues, s’octroyant<br />

Un rôle de maître absolu cherchant et décidant.<br />

Le propriétaire de Soi.<br />

Le retrait de l’Être. La mise en hibernation,<br />

Le refus de l’Autre. La suffisance intellectuelle,<br />

Le vieillissement cérébral, la mort ou la mémoire ?<br />

1318


La révélation mystique<br />

La révélation mystique abolit-elle l’utilité<br />

De l’action philosophique ? L’illuminé, l’éclairé<br />

Est-il entré dans une phase terminale humaine ?<br />

Le mystique sait Dieu mais il n’en connaît pas son<br />

Fondement, ses origines ou sa finalité.<br />

Où Dieu met-il les limites et les suffisances de l’homme ?<br />

Dans quel schéma évolutif prétend-il à une quelconque<br />

Satisfaction ? Quel est le trajet de la pensée ?<br />

Méditations sur le mouvement de l’esprit dans<br />

La volonté du progrès, et recherches de puissance,<br />

De plus, d’ajouts pour comprendre mieux, pour<br />

Savoir autrement, pour tendre vers une forme délévation,<br />

- n’est pas une vérité commune<br />

À tous les êtres ?<br />

1319


L’homo desertus<br />

(L’homme du désert)<br />

Waldlichtung, la clairière en forêt ; je<br />

Lui préfère le désert en soi - le vide - l’espace<br />

Infini, sans. C’est libre, c’est ouvert, c’est visible.<br />

C’est le rien. Avancer ou construire ? Avec quel<br />

Matériel ? C’est en marchant que l’on rencontre d’autres<br />

Paysages. Il faut donc accomplir de l’action.<br />

Les horizons du temps et la taille de l’espace,<br />

Ces dimensions universelles y sont également représentées.<br />

L’intensité de la lumière est fonction de la lucidité<br />

De l’œil. Prétendre constituer ou reconstituer<br />

Du vrai en marchant. Degré de subjectivité<br />

De la conscience ?<br />

Pensée intuitive, pensée<br />

Spéculative - réside déjà la possibilité<br />

De choisir le mode d’actions - ébauche de liberté.<br />

1320


Nuancier de faux<br />

La certitude du faux ; la certitude de son savoir ;<br />

Avec ses faiblesses, ses preuves - ses à-exclure ; à<br />

Mettre au-retrait. Dans l’ombre, dans le fermé.<br />

Constamment vérifié son non-fondement ; sa présence,<br />

À rejeter.<br />

Peut-on offrir un degré dans les différents<br />

“ Faux ” ? Un faux puissant s’élimine, un faux léger<br />

Peut servir, et participe après nettoyage à une avancée<br />

Vers la vérité.<br />

Les différents calculs de, de plus<br />

En plus précis - tendre vers le vrai que l’on n’atteint<br />

Jamais, toutefois.<br />

Dans quelle mesure peut-on exclure<br />

Tout doute ? Déterminer la non-présence comme telle ?<br />

Mutations, évolutions de l’essence du Faux et de<br />

La Vérité par l’accès au Savoir.<br />

Les limites de l’étant<br />

1321


Déterminent les limites de la vérité.<br />

1322


Suites / Relances II<br />

Déclinations fixations et vertiges<br />

Fuites obscures dans un sexe sanglant<br />

Dans un triangle de soupirs<br />

nourri de gémissements<br />

et de plaintes heureuses<br />

haut lieu qui hante l'orgasme<br />

l'expulsion sacrée<br />

i veut y demeurer<br />

pour une ébauche d'éternité<br />

croyant sans doute que ses petits<br />

éclatements de micro-jouissance<br />

rendent la vie somptueuse<br />

Que la luxure dans une chair rousse<br />

idéalise le temporel pour le rendre invariant<br />

1323


Évanescence et périmètre<br />

De si loin<br />

pensées au plus profond<br />

transmissions concevables<br />

sans doute agitées par ma mémoire<br />

lancées, montées, explosées<br />

Là enfin<br />

poussés par le souffle<br />

Quelques mouvements dans nos rêves<br />

des mots offerts<br />

De moi-même, évanescence<br />

incandescence<br />

pour l'élaboration de l'œuvre<br />

J'observe fixement l'exaltante envolée<br />

des feuilles voltigeant<br />

pensées englouties irréelles<br />

surgissantes déplacées<br />

J'y perçois quelque lumière...<br />

1324


Paysage d'en face<br />

L'air arrache de vieilles feuilles à l'arbre malingre. Les yeux voient un<br />

squelette d'homme édenté et courbé.<br />

Que devient la matière revisitée par l'œil ? Le merle et la meule là-bas<br />

rappellent la quête éternelle de Monet. Quelques brebis comme des tâches<br />

blanches sur une herbe jaunie et brûlée par la violence d'un soleil.<br />

Le jour écrase la campagne, la soumet à des forces de chaleurs<br />

implacables. Le jour refuse de disparaître, il est plaqué et dure comme un<br />

lutteur immobilisé par un adversaire.<br />

Là-bas de l'autre côté, ce sont des vignes claires et chantantes nourries de<br />

soleil, lourdes de fruits à naître, par-dessous.<br />

Un pigeonnier du dix-septième fatigué, branlant, soutenu par des bâtisses<br />

de consolidation. Une chemise rouge gesticule, - c'est le fils du voisin.<br />

de formes.<br />

L'horizon éclaté offre mille saveurs de parfums, de brises, de lumière et<br />

C'est une sorte de beauté désespérante, une fixation du réel qui donne au<br />

1325


temps un goût d'éternité.<br />

1326


*<br />

La nuit noire, mauve et bleue, le regard<br />

Cherche en lui quelque quiétude aérienne.<br />

L'invasion des nuages déplace la pensée,<br />

La vitesse des traits et des images emporte<br />

Les mots hors du champ de conscience, la lancée<br />

Des possibilités poétiques chargées de musc,<br />

De parfums, d'aigreurs se déploie en gerbes<br />

Multicolores.<br />

Il faut apaiser l'ardeur, calmer<br />

L'élan fougueux du jeune homme qui inspire,<br />

Certifier l'espace de sa transcendance interne,<br />

Maîtriser cette ventilation en soi pour le hors soi.<br />

Car la vitesse jette, déplace, mange, oublie<br />

Parfois l'essentiel, parfois le pseudo-insignifiant<br />

Qui est le nouveau vecteur ou le schème de conduite.<br />

1327


L'image-mensonge et l'écran cinématographique<br />

Des flammèches de mots lancées dans l'espace<br />

Littéraire pour des oreilles et des muqueuses dévorantes ;<br />

Des fluides lumineux comme des filles aériennes ;<br />

Des vocables en projection explosant ou<br />

S'accouplant pour une portée incomprise ; le son<br />

Se charge de sens et embrasse le poème<br />

Réactif.<br />

L'espace se remplit et se vide d'un<br />

Suc nourricier ou d'une sérénade grossière.<br />

Le front est un monde et la porte est ouverte<br />

Mais nul ne veut y entrer prétendant le spec-<br />

Tacle inutile, éphémère, d'un dérisoire médiocre.<br />

Faut-il produire des images-mensonges quand l'écran<br />

Magique sublime le génie cinématographique ?<br />

Qu'exige aujourd'hui réellement le public ?<br />

1328


Sur l'écrit à paraître<br />

Déterminer le vide ; transcender l'inexistant ; au-delà<br />

Du mystère, mesurer l'indéterminable ; le souffle<br />

De l'esprit se prolonge dans la nuit. Un volume<br />

De sonorités se dégage, se déplace dans les airs.<br />

La façon de se plonger dans l'obscur - une substance<br />

Intellectuelle, une image quantifiable, des lancées<br />

De fluides, des magmas de sens - la syllabe qui se<br />

Crisse, se brise, s'encastre, s'accouple, s'unit,<br />

Se fortifie, offre la vibration - l'incident en<br />

Quelque sorte !<br />

La mémoire valve, la tête s'obstine<br />

À sortir des combinaisons dérisoires dans l'es-<br />

Pace aléatoire des voyelles pour une jouissance triste<br />

Et personnel. Encore un horizon inachevé,<br />

Un regard dédaigneux sur l'écrit à paraître.<br />

1329


Séquences<br />

Femmes, lesbiennes, léchées, léchantes, merci, merci<br />

Auguste buste, penchées et suppliantes. La dentelle<br />

Entre les doigts si fins - Formes, mouvements en<br />

Constance de changements - L'idéal statique !<br />

Sources de vie et muscles souples. Le plaisir temporel<br />

Des caresses devant et derrière en vous serait si tendre<br />

Partout ensemencées<br />

J'ai ta pluie d'or, doucement à<br />

L'oreille, en toi le puits, demeure accroché<br />

A tes mamelles le temps de l'extase est bref<br />

Je m'oublie dans tes prunelles vives<br />

Et cette cervelle<br />

Impossible qui ne ressemble à rien Je n'entre pas<br />

Je butte à l'extérieur pensées de femelle !<br />

La sérénade sensuelle d'appartenance de liberté<br />

Le mâle est-il conçu pour comprendre la femme ?<br />

Suites/ Relances III<br />

1330


Son but<br />

Se déplacer lentement dans l'étonnant labyrinthe<br />

De son âme était pour lui un jeu intellectuel,<br />

L'univers du poème un espace curieux à<br />

Concevoir. L'aventure d'un possible audacieux, par-<br />

Fois. Était-ce une passion, un vice, une dose<br />

D'exercices quotidiens ? Il voulait tenter de<br />

Déterminer sa propre limite, reconsidérer son<br />

Complexe, élargir les moyens de comprendre.<br />

Y parvenait-il ? Il prétendait avec hésitations<br />

Régler l'ordre, l'agitation et le tumulte,<br />

Il prétendait... Mais ce n'était que chimères,<br />

Qu'espoirs vainement soufflés par l'orgueil du Moi,<br />

Que folie permise par un idéal poétique rêvé :<br />

La probabilité réelle de sa réussite était nulle.<br />

1331


Les miroirs J. L Borges<br />

Je me demande encore, après maint jour et mainte<br />

Nuit perplexe sous la variété des cieux,<br />

Par quel hasard étrange ou quel vouloir des dieux<br />

Tout miroir me saisit de malaise et de crainte.<br />

Miroirs, cieux, surfaces, espaces<br />

Fragile et éphémère, poète tremblant dans le<br />

Miroir de l'imaginaire, espace bariolé de reflets<br />

Infinis avec l'impossible qui côtoie<br />

L'invraisemblable - un univers de risques, de faux,<br />

Et de pulsions émotives ;<br />

mais encore, - azur qui<br />

Parfois se déchire avec oiseaux migrateurs dans<br />

Un ciel irréel ; lac, surface lisse où<br />

La pureté d'un cygne vient troubler le<br />

Repos du dormeur<br />

Variétés, formes du hasard<br />

Pour l'intelligence complexe, c'est l'art de<br />

1332


Tisser les lis avec subtilité !<br />

Miroirs, cieux,<br />

Surfaces, espaces pensés et regardés comme un<br />

Hasard modulable, lieu du questionnement où<br />

L'audace poétique s'associe à la raison de l'écrivain.<br />

1333


La paupière pense<br />

La paupière pense. Activité retournée, intérieure,<br />

Vers le cerveau, - l'ami ! Les yeux fermés, il<br />

Ne dort pas - il conçoit ! Des mots à connecter.<br />

L'encre et le papier sont les supports seconds. Le<br />

Cerveau mêle, démêle, associe, combine. Il<br />

Prétend, et c'est peine perdue... la faiblesse<br />

L'accable. Depuis vingt-deux ans, il fixe le feu.<br />

Son feu. Envahi par du phosphore inconnu, inutile.<br />

" Pure imagination, disent-ils. Insignifiance,<br />

Non, rien. " De jour en jour, pour le dedans. Flot<br />

D'écriture qui se déverse au-dehors par la bouche,<br />

Par la main sans avenir pour le papier qui finira<br />

Dans la poubelle de l'oubli. Tout sera-t-il écrit ?<br />

Un sentiment d'empoisonnement envahit mon âme.<br />

1334


Des labyrinthes fangeux<br />

Des labyrinthes fangeux, des structures internes<br />

Complexes et déplorables, un néant à combler<br />

Par le travail, par la studieuse constance pour<br />

Obtenir le : oui. Alors il avance bêtement,<br />

Besogneusement. Retours dans l'illusion, dans<br />

L'impensable, l'impossible - c'est ça : il avance.<br />

Seul, toujours seul.<br />

Qu'importe d'être compris, d'être<br />

Lu, qu'importe ! Algèbre et ténèbre, solitude, oublis !<br />

N'est-ce point là le lot de l'infortune poétique ?<br />

Comment achever cette vie inutile faite de rejets,<br />

De déceptions et de pleurnicheries ? N'est-il pas<br />

Un séjour de paix où l'âme sera satisfaite ?<br />

Car de tombeau de gloire, il n'en est pas question ;<br />

Des labyrinthes fangeux, des structures internes.<br />

1335


*<br />

Piqué-avançant, - dans la chair -<br />

" Il t'est dur de regimber contre l'aiguillon ? "<br />

Obtenant du non-sens rêvé, à la table<br />

des fantômes.<br />

Combine comme il faut, - algèbre et analyse,<br />

chimie et doute - audace et risque,<br />

choisis dans du variable conçu par la mémoire.<br />

Crayon à bille qui roule, ligne noire éternelle,<br />

suis-moi puisque je produis. -<br />

Me liras-tu ? - Toi en toi, de pensées exquises<br />

ou détestables ?<br />

Le front éclate, l'or bouillonne et explose, résidus<br />

de scories.<br />

Avance, idée gueulante et bavée !<br />

Tête astrale, cherchant je-ne-sais-quoi<br />

d'instable et d'éphémère<br />

1336


Les lancées bleues pour le monde d'à-côté !<br />

empanachées dans une explosion gerboyante et<br />

retombante... de médiocrité,... qu'ils disent<br />

- Dans un feu de tempêtes ; mille folies d'étoiles<br />

bariolées !<br />

Déjà l'horloge du Temps m'ordonne de plier<br />

feuilles, de ranger livres, de me préparer au<br />

procès du Ciel avec accusateurs, sans défense...<br />

déjà !<br />

Pureté d'un autre monde avec lettres belles aux<br />

lèvres, peut-être !<br />

1337


Lola<br />

Toi, toi changeante (bouleversée, tu m'émeus)<br />

Toi, toujours plus changeante<br />

Que l'on cherche à sonder<br />

à exploiter autrement<br />

Tu vacilles de grillages en libertés<br />

de carcans en nudités<br />

Tu oscilles dans l'éclatement<br />

de l'étonnement<br />

Inutile de te prendre, de te capturer,<br />

La fausse mensongère qui invente, dissimule;<br />

veut sortir un instant, halète, supplie,<br />

gémit - cendres et flammes<br />

avec profusion de Néant<br />

J'étais toi, de toi à moi,<br />

habitudes qui coïncidaient avec l'orgasme cérébral<br />

pour des sortes d'effractions éphémères<br />

Fulgurants coïts ou piétinements littéraires<br />

1338


d'agencements ;<br />

- de nuit, phosphorescent et mielleux en neiges<br />

sanglantes<br />

S'allonger, s'étirer comme une muqueuse sensuelle<br />

et sexuelle; avec sécrétions - pour la très lourde<br />

inquiétude de n'obtenir RIEN<br />

Regarde où j'en suis – exclu ;<br />

Accouplons-nous en nuits chatoyantes et dorées<br />

Encore, en vain, en de si nombreuses lignes<br />

inutiles ou perverses<br />

Ô toi, tombée dans le mental pour ce peu<br />

Moi, je t'accompagne avec de méchantes douleurs<br />

les plus profondes - sombres<br />

Deuils, deuils et morts,<br />

en décalage, sans stabilité,<br />

les tiens, les miens, à personne<br />

toujours dans notre attente…<br />

1339


*<br />

Accroché à la fièvre plongeant dans l'ire<br />

Affûté de couteaux<br />

des petits monstres courent dans ma mémoire<br />

Flux, poussés, lancés,<br />

Ténèbres et phosphores,<br />

neurones et chimie<br />

Rimaille qui rime à quoi ?<br />

(Ils dansent encore, tes petits monstres !)<br />

La fièvre, l'ire, la volonté floue<br />

Considère l'acte qui t'impose à manier,<br />

Guide l'instinct, imite le repos du poète<br />

Puis, goulot et corps planté dans la terre du poème<br />

recherchant mes puissances,<br />

aux livres lié<br />

réactions d'écriture, crache<br />

Autre séquence :<br />

1340


N'ayant-jamais-voulu-être-lu,<br />

digne de l'oubli, spéculation en soi<br />

Donc toujours cette fièvre<br />

Consume-toi, imite-les<br />

Travaille.<br />

1341


Hymne au Divin<br />

Combien en cercles, toi pensé et repensé<br />

en éternité de vrai, combien<br />

Source d'amour intense, - sur la parabole<br />

en interfaces, en confidences, avec la similitude<br />

Par la profusion d'essence, par le souffle<br />

- cohésion réelle et force !<br />

Tu vois là-haut, - moi-même<br />

et donner le Sel et l'Évangile<br />

La plume à apprendre - pourquoi ?<br />

qui se dit à soi-même : poète raté<br />

sans rareté<br />

Toi, sommité de savoirs et merveille !<br />

1342


*<br />

Figure où le vide<br />

figure sans mémoire<br />

de lumière déplacée vers un autre centre<br />

jamais utile pour nul éclairage<br />

Figure où l'image se penche dans le vide<br />

et renvoie l'éclair fugace de grains d'éternité<br />

Lumière/ renvoie pour atteindre le lieu<br />

En poussées obstinées<br />

d'insistance puissante<br />

Formes sacrifiées à l'inutile<br />

de tiédeur de rien<br />

de souvenances dérivées mornes couleurs<br />

qui se désintègrent<br />

Je crois aux illusions<br />

1343


*<br />

Langeur. Douceur. (Ceci est un commencement)<br />

Petites tornades de plaisir. Efficience en plus.<br />

Comment ont-ils ? Comment ont-ils ?<br />

Se débusquer des albums très anciens.<br />

(Ceci est une manière de voir)<br />

Apeurés, effleurant le vent.<br />

La médaille, et mon optique.<br />

(Engrange le délire)<br />

Je te propose à foison.<br />

(Mais ne pas en rire serait meilleur)<br />

Puis le flot de particules - à extraire,<br />

Tout cela est tendu, à rire - tendu - ris<br />

Il dit à peu près : " Manquement dans l'Azur ".<br />

Passe par en dessous, joins-toi, joins-moi, et à nous deux ?...<br />

Partout l'humide. L'humide dans le sec.<br />

Empilés sur des rayons. Mais pourquoi ?<br />

1344


Je te fais cercueil. Tu triches.<br />

La potentialité-tornade dans l'aube des interdits.<br />

(Il vise à quoi avec ces impossibles à gérer,<br />

avec ces contradictions insensées ? - freiner la conscience)<br />

1345


*<br />

Entre dans toute joie :<br />

(Mise à la disposition du vers pilé)<br />

d'une clairière uniquement chancelante.<br />

Cé<strong>pages</strong>. Arbrisseaux. Écobuages.<br />

Donc le balancement des idées.<br />

Les sublimes soupirs à ébaucher - le tintamarre<br />

plus que parfait.<br />

En toute gratuité, pour nul connaisseur<br />

L'entrelacement des triangles :<br />

Pensées-applications-lecteurs,<br />

D'autres triangles.<br />

Je reviens à ton a-forêt, pipeaux sylvestres<br />

tes gradins d'écriture,<br />

base et élévation - monte<br />

Mais l'a-forêt ?<br />

Toi dans le lieu, nulle âme autre<br />

1346


La tienne seulement<br />

la goutte perle, se distille.<br />

Nulle célébration du lieu,<br />

mais la goutte -----) qui est signe.<br />

Cela s'accumule, n'est-ce pas ?<br />

Parc, sentiers, squares corrects -----) je<br />

te dis que l'œuvre avance, que le tout<br />

s'organise. Tu ne sais pas lire ?<br />

Tout est construit - qui voudrait s'y promener ?<br />

1347


Suites / Relances IV<br />

Parce que tu changes<br />

- encore toi - tu n'es pas la plus changeante<br />

mais tu balances de toi à moi<br />

tu oscilles de pensées en extases<br />

étonnement toi<br />

de soumissions en exaltations<br />

De t'accompagner<br />

à la poursuite de l'inutile peut-être<br />

pour saisir l'instant au dehors puis revenir<br />

Tu n'y étais pas, tu habitais l'éphémère<br />

nos coïncidences étaient fortuites<br />

De te tordre la taille<br />

pour la saisie aventureuse<br />

figurant coït ou danse de piétinements<br />

toute la nuit pour ta senteur embaumée<br />

de femme-miel neige de blondeurs etc.<br />

Élancements sensuels pour ta très mouvante<br />

1348


et délicieuse volte comme un orgasme enchanteur<br />

Oui, nous en de si nombreuses lignes versées<br />

et renversées pour l'accumulation du rien,<br />

pleurs de pluies de fille gémissante,<br />

je m'emporte avec toi<br />

Puis je tords, je fouette ta chair et<br />

pour des douleurs et des jouissances aussi<br />

Sexe-poésie, poésie-sexe d'écriture tendancieuse<br />

qui est pourtant mienne, fille que je conçois<br />

par l'impossible imaginaire<br />

Toi à personne, en vérité à moi.<br />

1349


Suites / Relances V<br />

Accompagnant tes cendres,<br />

écrit Paul Auster,<br />

Oui, moi, l'Absent avec Autrui m'effaçant<br />

Le banni, l'exclu, l'inutile<br />

Chaque syllabe devient entreprise ardue<br />

L'encre est lourde à déplacer<br />

1350


*<br />

Tout n'est qu'illusions, qu'imperceptibles<br />

froissements d'écumes clairs<br />

Dans le souffle aérien qui s'éloigne<br />

poétique<br />

Vapeurs ou substances comme des gouttelettes<br />

invisibles qui dansent et s'en viennent mourir sue la feuille<br />

Entre mémoire et espoirs, doutes et refus,<br />

poussières à ressouder avec le passage du temps<br />

Et des bribes incertaines circulent encore,<br />

échos annonciateurs des poèmes à écrire...<br />

*<br />

Fragments imperceptibles animés<br />

d'un écho aérien,<br />

Souffles fragmentés par un esprit sourd.<br />

1351


Dans la lumineuse nuit invisible,<br />

l'or fondu en sourdes paroles coule<br />

ses segments incertains.<br />

Tu conçois maigrement en suivant<br />

ce ruisseau.<br />

Passe et repasse dans ta mémoire<br />

une solution d'écriture décevante.<br />

Le message construit n'a nulle emprise<br />

sur ta conscience.<br />

Des bribes que l'on jette comme des semences<br />

douteuses à la volée du vent.<br />

*<br />

1352


Reviens dans l'esprit,<br />

rejets, expulsions et Muse !<br />

Délabrements, exil<br />

avec la nécessité de l'être qui fuit...<br />

[Le savoir-faire pour l'opinion<br />

et la raison pour soi]<br />

Autrui de rien, autrui l'inutile !<br />

Donne-leur ce matin où le poème flotte<br />

où l'idée est soufflée comme étamine claire<br />

Accroche cela au ciel mauvais<br />

de torrents, de tornades et d'éclairs aussi<br />

Accroche cela, oui, avec des flores, des oiseaux<br />

des papillons d'extases et des folles nuitées<br />

Tous ces chaos fuyant dans des violences<br />

de particules - ça prétendrait former<br />

un poème logique de possibilités<br />

à entrevoir !<br />

1353


Te voilà mystifié, grommelant,<br />

homme à la parole coupée avec des yeux<br />

mouillés pour retourner vers l'intérieur.<br />

Parle, parle, poursuis ce monologue<br />

1354


*<br />

De clair arrondi<br />

Sous des poussières taciturnes<br />

Au sortir de l'eau<br />

Avec l'air fluide<br />

Parcourant quelque peu les tempes<br />

Mes adieux :<br />

Voyelles et sonorités interdites<br />

Ceci serait le vrai :<br />

Penser sans la douleur<br />

Par le truchement des verbes animés<br />

Encore chez soi, dans le mot<br />

Et question de question<br />

Pour réponses médusées, détournées,<br />

Obliques<br />

Parlant dans le silence<br />

Yeux ahuris cherchant<br />

Quelque torve lumière<br />

1355


Le vent inutile vient se briser<br />

Sur le front<br />

Flamboiement incertain<br />

Sur les lèvres inventives<br />

*<br />

Traversé d'espaces irréels<br />

Mon deuil<br />

De poètes morts mais présents<br />

L'esprit filant<br />

Pour quelques perspectives de vécus<br />

À la dérive<br />

Aperçu, mon aperçu, entrevu, là<br />

Spirale tourbillonnante pour<br />

L'agencement d'un poème nouveau<br />

Signes et le dire<br />

Sur la variable transparente<br />

Des mots qui s'effacent<br />

L'oeil critique au visage dur<br />

1356


Condamne la trace<br />

Le goût de l'inachevé<br />

Lettre contre lettre<br />

Dans le cristal de l'espoir<br />

1357


*<br />

Oui, accrochée à toi<br />

Par l'invisible lien de la mauvaise réplique<br />

Suppose : dans l'oeil de la vipère<br />

accrochée aux neurones défectueux<br />

- Pour l'élixir, et la soupente mène au Néant.<br />

Poursuis l'explosion délicate et absurde, existe<br />

entre trois balbutiements verbeux.<br />

Il s'asseoit sur son trône, prince ridicule<br />

imbu de soi, mièvre et médiocre - il s'asseoit.<br />

Il prétend : ses victimes, cuisses ouvertes, sexes béants,<br />

trous d'extase - à la naissance de la folie...<br />

Les poignards s'enfoncent dans la chair à critiquer<br />

- Fantômes, ennemies, au-delà - et ce Dieu,<br />

dangereux et puissant - que dira-t-il ?<br />

*<br />

1358


Choses de soie fragiles<br />

Mots plongeant dans l'amertume de la vie<br />

Filiations souterraines d'œuvres en œuvres<br />

coulant dans la lumière invisible<br />

Je tremble couché contre la mémoire<br />

Le souffle multicolore gerboie sa flambée<br />

d'extase, pourpre, hallucinante<br />

Tu ruisselles dans les méandres boueux<br />

de l'interdit<br />

Le message éclaté en rimes de rumeur<br />

se déteste, s'exclut, se vide<br />

Ne reste qu'une trace fluide filant vers l'inconnu<br />

1359


MORCEAUX CHOISIS<br />

TOME IX<br />

ANNÉES 01-02<br />

Pensées sculptées 01<br />

Surgissements 01<br />

Résidences 01<br />

Endormies sur le feu 02<br />

Emergences 02<br />

Lignages 02<br />

1360


Pensées sculptées<br />

ECHOS D'ORGASMES<br />

Il y avait ce moment, goût âcre d'une fraîcheur non démise et<br />

pourtant sensuelle. Une fuite exquise dans la jouissance cérébrale, - il y avait.<br />

liqueurs sexuelles.<br />

Vaguement exquis dans ce dénuement de taffetas et de<br />

Le plaisir somptueux bariolé d'orgasmes enchanteurs, dérivé<br />

sur la haute partie - et soudain, le déchirement.<br />

Vaguement évasif, dans l'évanouissement de l'homme,<br />

d'humeur explosive pour le karma idéal.<br />

vulgaire, il pousse, mugit.<br />

À toute heure, sous la chair, contre la graisse besogneuse et<br />

Mon cher amour, pour quelques spasmes déclencheurs de folie<br />

maîtrisée - et ci - au plus profond - pour rien ? Pour ? Indécelable fonction<br />

génitrice.<br />

1361


Cependant l'autre fuite, vers l'extase saccadée, en rythmes<br />

fougueux - que sais-je ? en parades d'excréments et d'urine, et d'éjacs faciales<br />

pour ton bonheur, ma splendide soumise en porte-jarretelles !<br />

côtés.<br />

Encore moi t'attachant, chaînes pieds et mains, dors à mes<br />

Un vent insignifiant roulait ta chair délicieuse. Faiblement le<br />

bruit des parois dans le matin. La voix désenchantée suppliante, implorante<br />

l'orgasme libérateur.<br />

La quintessence d'une jouissance extrême, folie de feux<br />

explosant - gémissant dans des hurlements de supplices bienheureux.<br />

Toi, constamment et encore - Toi.<br />

de lumière filant et clair.<br />

Soudain, ce dernier rêveur illuminé et nu dans un rai d'élans,<br />

vide. Qui sait ?<br />

Déchirement de squelettes inquiets à la fontaine ombreuse et<br />

Le feu et les œillades tourbillonnant. Mais ton songe complexe<br />

1362


est couleur chaux.<br />

Céleste froissement dans l'arcade de l'élan vert. Et toi, que distu<br />

?<br />

L'imperceptible cillement de lumière, écrit Gracq parmi les<br />

intervalles et les palpitations molles. Est-ce ta carence veineuse ?<br />

L'affaiblissement sexuel, et là-bas hagards les pensers<br />

voltigeant paresseux. Un vent pousse l'orgueil à se taire - à se suffire de rien.<br />

- parfumée de cannelle.<br />

Tu roules ta poitrine égarée, mielleuse et repue d'haleine suave<br />

Une autre pulsion physique.<br />

Très claires, se ravivant dans l'espace, deux chairs dressées,<br />

combat de proue, et vagues infinies fuyant.<br />

supplier encore.<br />

Claire et lente émergence vers le visage taciturne qui semble<br />

Espace et chair, espace qui se remplit d'odeurs âcres et<br />

vagabondes dans l'aurore du plaisir.<br />

1363


de jouir encore.<br />

Nonchalante après le Zénith de l'orgasme suggérant la volonté<br />

L'imperceptible fuite et l'horizon hagard se déplaçant sur ses<br />

nuées d'extase - là-bas, plus loin, ailleurs...<br />

Les flux de lumière s'éteint dans l'air cristallin, la fraîcheur<br />

vive s'exalte dans la fluidité matinale. Quel maître laboureur pour former le<br />

tableau ? Quel ?<br />

Céleste froissant son pourpre dans l'opale interdit ?<br />

ciel chargé; et pourquoi ?<br />

Les boules cotonneuses et jaunes comme suspendues dans ce<br />

1364


*<br />

feu.<br />

Pour oublier, dans la variabilité de la nuit, déjà l'éclair et le<br />

encore.<br />

Avant que la folie ne t'émeuve, avant. L'esprit fluide s'égaie<br />

De l'espoir, au plus bas, - renversée, retournée quand elle<br />

s'essaie à quelque tentative désuète. Et toi, parfois. Avec des circonstances,<br />

des possibilités ocre ou ternes - toi, aigri, filant, justifiant de sombres délires.<br />

il s'interroge encore.<br />

Je m'appuie sur ton souffle. Mon ciel est chargé d'incertitudes,<br />

Poème après poème, contre l'épaule, - l'élévation, dans mon<br />

lointain, et nos orgasmes dévastateurs.<br />

fadeurs extrêmes.<br />

La grasse terre, aujourd'hui - toi et l'entourant, avec quelques<br />

Ce fut un arrêt, un retour, une mégarde - je l'ai franchi, je<br />

t'attendais - dans l'aurore crépusculaire de l'âme - de confusion : je me savais.<br />

1365


Refusé, encore, ici. Et le miroitement indécent du ciel. Je<br />

n'avais pas vu. Je me repose. Quelque chose s'éclaire. Fulgurant !<br />

...Éblouissements.<br />

retournes - voltes sur toi-même.<br />

Dehors ! Et tu demeures dans l'incertitude de ton tourment - tu<br />

*<br />

Dans l'extase - elles s'élèvent, ces filles bleues, avec ruissellements d'orgasmes<br />

- transpirant leur plaisir.<br />

Les touffes jaunes bondissent, des silhouettes élégantes<br />

circulent dans le feu du cristal, et là-bas accrochées à d'autres fluidités, - ce<br />

sont nos orgasmes orgueilleux et moqueurs.<br />

Mais le baiser fondu pour d'autres épreuves, en poussière<br />

d'orange salive quelque peu. Des supports de chair, de filles dangereuses nous<br />

harcèlent parfois.<br />

Éclairé par l'ange dans l'évidence du nuage.<br />

1366


*<br />

Jusqu'à l'ostension de ce résultat<br />

insignifiant - poésie de moi, de rien.<br />

Fustigeant mes figures, fustigeant retournées<br />

que peu les cherche, que peu.<br />

Encore l'éclatement bariolé rempli de saveurs.<br />

J'arrache, tu es devancé, liant les moindres mots -<br />

le mouvement est ajourné.<br />

Qui file sous les pas, - seulement, comme du regard -<br />

j'accueille le nouveau jour.<br />

La pensée, en poudre et lui-même, éclaté éclatements<br />

pour une suspension de l'image.<br />

À travers, dans la fuite, de ce qui donne,<br />

une foule d'humeurs.<br />

flanqué d'une fraîcheur<br />

Mais tu vois, je cours, je dors aspiré par le vent,<br />

1367


*<br />

Sur la fluidité de l'extase, pour l'orgueil des passions, pénétrant<br />

l'interdit, éclairée d'une danse, - et sans fin ! quoi ? D'Eléonore<br />

voyageant exaltée, tourbillonnant encore.<br />

1368


*<br />

À terre, ici, rien<br />

nul gerboiement<br />

nulle apothéose d'aurores<br />

de femmes ou d'élixirs<br />

Collés à l'oeil, - de peu, d'espoirs<br />

de finitudes - inutiles<br />

Pour l'orgasme personnel<br />

la moisson utopique<br />

Et tout ce qui demeure<br />

d'étrangetés<br />

mis en nous, hors de nous<br />

pour l'éclatement des astéroïdes<br />

infiniment peu là caché profondément<br />

Et ricochant encore dans la pensée diffuse,<br />

allègre ou mensongère<br />

réinventant l'écrit,<br />

déplaçant le vrai<br />

1369


Innovations ridicules de maigre littéraire !<br />

Cette non-profondeur et ce non-souffle<br />

Pas de.<br />

Sans. Le rythme sonore s'éclaire<br />

toutefois pour égayer la médiocre ligne<br />

Et toi, enveloppé de feu, d'extase et de phosphore<br />

éclaboussé de poussière invisible,<br />

tu espères pauvrement le miroitement du beau !<br />

Eclaboussé de sang, d'élixirs, de phosphore<br />

et nul souffle ne s'émeut<br />

Il gît là cruellement éteint<br />

Au plus haut de son estime,<br />

dans les bas-fonds du Moi<br />

1370


*<br />

Peut-être nue<br />

Tes vocalises d'orgasme répandues dans la fraîcheur<br />

Le souffle des roses<br />

La chair glisse au point ultime du non-moi<br />

Je fonds dans l'oubli y retrouvant tes aises<br />

Le coeur au fond du gisement espère y chercher<br />

l'émoi répandu<br />

La rumeur de nos haltes, les souffles accélérés,<br />

les murailles<br />

incomprises, et ce subtil parfum qui s'échappe<br />

nonchalamment de nos âmes<br />

Nudité d'orgasmes littéraires inondée<br />

de rumeurs sensuelles<br />

Sur les bords, à l'intérieur se rétractent les flux<br />

de pensers chauds<br />

Nous sommes solitaires au fond de leurs chairs,<br />

1371


prisonniers des muqueuses<br />

Le plaisir illusoire sur des corps élastiques<br />

et la fuite inventive pour des combats nouveaux<br />

Tu vois, j'agonise selon ta félicité<br />

1372


*<br />

En deçà, la lumière bleue parfois vacillante - la mienne,<br />

intermittente qui se love contre l'esprit<br />

Dans la forêt de l'intelligence se répand<br />

une femme douce et généreuse<br />

Pour restituer le chemin à suivre, la lente avancée<br />

avec le doute et ses extrêmes<br />

Bien sûr ! Jamais ne pars, je fonds dans sa trace<br />

pour l'écriture hachurée<br />

Elle s'obscurcit puis s'éclaire par la flèche évocatrice<br />

et s'effondre dans les buissons épineux<br />

Paroles, paroles appliquées comme une gerbe<br />

phosphorescente - c'est une fuite vers l'avenir<br />

Mais quel espoir pour être ?<br />

1373


*<br />

Le surcroît, plus fort dans la construction de l'homme<br />

savant, de l'homme sachant.<br />

Mots appelés, les plus tendres, pour une part,<br />

dans l'éveil.<br />

Aujourd'hui encore, apparition claire, tourbillon<br />

ou écharpe d'inconnue à saisir.<br />

Poussée, au-delà, élégante et aérienne, poudreuse,<br />

je te sais explosante, orgasmique, intermittente.<br />

Ce qui en revanche m'apparaît - dans le dédale<br />

des bas-fonds - à la recherche de l'origine.<br />

C'est certain : quelques lacunes - les miennes,<br />

les tiennes -<br />

en plénitude de mensonges, d'erreurs, de bêtises,<br />

de calomnies.<br />

Le rêve qui se poursuit, ensanglanté dans son apothéose<br />

- le rêve oublié, vomi, rejeté, retranché, exclus.<br />

1374


Chaque fois de se dire : haut mutisme<br />

interdit, soporifique,<br />

fuyant dans l'inutile et pourquoi ?<br />

*<br />

Suspendue, ailleurs, de toi à moi pour ta jouissance<br />

de fille perverse.<br />

L'indice de ton plaisir, fille araignée pulpeuse et<br />

démoniaque quémandant quelque folie sexuelle pour<br />

un orgasme éclatant.<br />

Loin dans cette hauteur de spasmes, j'observe ton vice<br />

ton plaisir, le droit de ton corps, ta chair hélas !<br />

Hurlant dans les soupirs, les mains entravées, les lèvres<br />

balbutiantes, rouge et salive, - tords-toi, gémis, crie, aime et<br />

supplie encore.<br />

De vertiges, d'éblouissements internes, de fuites<br />

permanentes, oui toi dans la quête de la chair inassouvie.<br />

1375


Au peintre Mathieu<br />

Éclairer l'ombre même, le noir inoffensif<br />

Des rais foncés et rouges : l'orgueil des impuissants<br />

Suffis-toi de ces lignes elles circulent, elles éclatent<br />

Lance tes blancs tes crèmes invente des spirales<br />

Poudroie un sacrement qu'il explose à leurs yeux<br />

Condense l'énergie, va dans les fuites claires<br />

C'est encore un spectacle que tu veux inventer<br />

Cette création saura bien les surprendre<br />

Tous ces gestes magiques éclairent nos esprits<br />

Fuites, vitesses, vitesses vitesses encore dans ce<br />

Gerboiement de pensées éclatantes, avec ces flux<br />

Multicolores qui interpellent et nous imposent<br />

À considérer l'activité mentale, cérébrale<br />

Ou d'autres fuites ~ suites imaginatives<br />

1376


*<br />

Demeurée qui éclate figurines explosées expirantes<br />

Danse sur le soleil au proche des catacombes<br />

Pour la lune éblouie et là-bas l'extase<br />

Dans l'or de la voyance pour l'orgasme sexuel<br />

Finitude de plaisir corrompre mes destinées<br />

C'est étrange, cet infiniment et fuir à tout jamais<br />

Regarde, croise le sommet interdit l'élégance<br />

Ce ne sont que des Empires encore la corruption<br />

On te dit d'éclairer l'ombre des sémaphores<br />

Un éveil de phosphores la fille désenchantée<br />

Croître pour ta portée indigne et méconnaître<br />

Avec ce savant mélange qui ruisselle dans la nuit<br />

La folie médusée la haine entrouverte la peur<br />

Qui te dit au lointain que tu conçois encore ?<br />

1377


*<br />

Qui te dit d'expulser cette semence même<br />

Dans la fuite du vent l'élégance s'impose<br />

Eléonore s'élève et la fuite est certaine<br />

Légère en transhumance la belle s'élabore<br />

Contre la sphère pure, elle invente des courbes<br />

Des spirales, des lignes elle invente toujours<br />

Plus loin ce sont des anges dans l'évidence même<br />

Qui s'octroient des baisers de bouches purifiées<br />

Ce sont des robes claires dansant sur des nuages<br />

Sur des songes d'extase quémandant l'idéal<br />

La blanche haleine vole vers les doux précipices<br />

Les sombres arabesques cachées dans les pénombres<br />

Sillonnent nuitamment espérant un exil<br />

Plus loin dans le lointain à l'orée des mensonges<br />

1378


Surgissements<br />

Au-delà du sens, à la recherche d'un autrement,<br />

cassant la matière,<br />

restructurant la syntaxe, déplaçant le vrai,<br />

Et pour quels surgissements ?<br />

Au-delà du sens, ce que peut le non-signifiant<br />

ce qu'il prétend trouver<br />

autrement<br />

Encroûté, insistant, piétinant encore<br />

Contre le sens, le faisant exploser<br />

ou disparaître<br />

Et d'avancer pour aller plus loin<br />

là-bas j'y suis<br />

Prolonger, rajouter, soi sur soi,<br />

sans cohérence, sans organisation réelle<br />

1379


*<br />

De toi à moi<br />

que faire<br />

Ici en deux<br />

que je place<br />

et déplace<br />

À repenser<br />

Encore sur ta hauteur<br />

moi-même à élever<br />

Suspendu dans l'esprit de la réplique<br />

reprenant ton souffle<br />

avec la grâce de l'application<br />

unissant les choses libres et différentes<br />

Ma nuit et ton jour par frottements<br />

pour fluidifier nos différences<br />

et nos contrastes<br />

Ou plonger encore pour la très grande estime,<br />

descendu là dans le profond<br />

1380


Cela sera-t-il proche ?<br />

... Mais la substance qui coule en moi ?<br />

Essaie encore dans les extases<br />

pour les lointains<br />

1381


Résidences<br />

Entremêlées encore<br />

Entremêlées encore, s’accordant des formes vides,<br />

Des espoirs insipides, entremêlées encore pour un<br />

Joug d’écriture nouvelle, les filles s’élancent belles ;<br />

Une et mille, tissées et repensées dans l’éveil<br />

Du matin pâle, bouleversées en songe, oui<br />

Tissées ;<br />

progressivement en germe de romance qui<br />

Jamais ne s’atténue, en germe flottant à<br />

L’abandon et se voulant mourir d’extase.<br />

Le vent défleurit, défeuille là les nuées blanches,<br />

Les filles en volutes d’apparence semblent<br />

Disparaître, les filles supplient quelques gémissements<br />

Plaintifs.<br />

Dans quel arôme de sueurs, dans quels<br />

Tourbillons fluides les ingénues en battements<br />

D’ailes parviendront-elles à m’inspirer un peu ?<br />

1382


La fille bleue<br />

Repensé, calfeutré dans des délires optiques, -<br />

Inadmissibles. Ce souffle lancinant illuminant<br />

Mille grâces. Toujours en soi, cherchant pour<br />

Un ailleurs. L’esprit de fantaisie s’y décèle<br />

Toutefois.<br />

Avançons dans l’obscur avec traces<br />

Bigarrées - champ de tenseurs hautement im-<br />

Probables.<br />

S’en vient la fille bleue agrémentée<br />

D’espoirs, véhiculée sur ces tenseurs ou ces ali-<br />

Gnements incertains. Elle y déploie ses corolles,<br />

Ses zébrures audacieuses - elle y déploie…Et,<br />

Moi supposant, déplaçant, soufflant, rechignant,<br />

Hurlant encore. Accorde, je te prie, quelque zèle<br />

Libérateur à cette lourde main qui trame<br />

L’impossible et toujours se déçoit en sa lutte.<br />

1383


*<br />

De prophétie et prédit en passant à toi,<br />

De<br />

Dit vers le haut<br />

Paul Celan<br />

Reste charitable - dans la tourmente des excréments et dans les<br />

rancœurs de l’impossible - reste charitable !<br />

Bouillonnant dans ta haine, réconcilie-toi un peu, apaise ces folies<br />

excessives - apaise !<br />

Il est vrai que cela dérive à l’infini, que le tout semble capturé audehors.<br />

Lèvre pendante agrémentée de fiels et de folie - il te plaît de baver<br />

quelque chose, et dans ton âme parfois tu souris.<br />

Là ainsi - pour l’autre monde également.<br />

1384


L’une d’entre elles suspendue<br />

Filles saccadées dans l’exorcisme du Mal,<br />

Perçues dans l’œil - filles sifflantes et suppliantes,<br />

L’orgasme est à construire !<br />

Arpentez l’âme,<br />

Traces de vers, enroulée maintenant dans<br />

Votre folie vibrante. À plus jamais, oui<br />

Portées dans l’obscur pour cet immense tissage<br />

Irréel !<br />

L’une d’entre elles suspendue aux neurones<br />

De la conscience. Nous habitons dedans. Respire<br />

Pour qu’elle se détache, conseille Paul Celan.<br />

Voix pénétrantes à l’intérieur, voix pour construire<br />

Et pour se libérer de l’emprise mauvaise, il est doux<br />

D’avoir filles claires élaborées dans son Temps.<br />

Quand une giclée vicieuse venue de l’Inconnu<br />

Déchire le bel ensemble aboli à jamais.<br />

1385


Le feu<br />

Silence comme femmes en fusion, silence<br />

Dans des mains transpirant des cendres chaudes<br />

Elles, bénies sous des flammes de soupirs, gémissantes<br />

De scories, hurlantes dans le feu passionnel<br />

Brûlées et encerclées de flammèches, de che-<br />

Velure volante, habillées et nues, habillées<br />

Par la danse des flammes - toujours en soupirs<br />

Et implorant l’extase de l’orage, mais le feu.<br />

Encore le feu pour les faire jouir - ces lueurs<br />

Rouges et écarlates dans la mouvance du vent<br />

Toi, forgeron sous un flot de vin, effrayante<br />

Fumée d’extase et de délire, te voilà<br />

Calciné dans tes poussières de fantasme, ramassant<br />

Pelletées de femmes irréelles et pourtant vivantes.<br />

1386


Encore qui germe<br />

Encore qui germe ~ formes d’avenir alanguies ;<br />

Des voix, et je parviens vers Toi. Toujours en ma de-<br />

Meure. Mêlées et démêlées, filantes. Il est là,<br />

Il émerge. Cette survivance. Un et mille - je<br />

Vous offre le Tout.<br />

Saisis pour figurer l’oubli,<br />

Esprit, écris - Pensée, éjecte. Pour ces grands<br />

Aveugles - des lignages incessants. Dans l’œil<br />

Du poète, cette lumière assourdissante, bondissante<br />

D’ennuis et d’espoirs.<br />

Les yeux éclaboussés.<br />

La pensée en dedans. L’audace qui voltige.<br />

Sur le bord de l’abîme. La réalité chancelante.<br />

Filles, flores, éternelles, revenez nourrir l’âme<br />

Désinvolte - redressez cette lourde masse de<br />

Chair spirituelle qui ploie fatiguée par les ans.<br />

1387


Le vieil Éros<br />

Lignages<br />

Ô Éros fatigué comme un sexe lointain, nourri<br />

D'odeurs délétères oubliées,<br />

De toutes ces manières sublimes et sensuelles<br />

De pures obscénités sillonnent mon âme.<br />

Une à une, polygamies plantées dans un gouffre<br />

Abyssal, fermetures blondes ou noires.<br />

Déjà la fièvre va se dissipant,<br />

Il semble bon de cultiver sa mémoire :<br />

De grandes beautés inouïes tapissent<br />

Un horizon lumineux, et des jouissances rauques<br />

De sauvages défonçages, de concupiscence<br />

Activent un désir passionné.<br />

Qui vont errant se touchant ces mains miennes<br />

Et tremblantes encore !<br />

Vérités douces d'humus et de lèvres chaudes,<br />

1388


De duvets et de rondeurs intimement aimés<br />

Ou d'agressions heureuses !<br />

Belles en sursauts sporadiques puis de chairs<br />

En décombres, alanguis sur les lits après les<br />

Humeurs défaites !<br />

Ô mes amours, vous supposant, amours de vertiges<br />

Dans mon vaste amphithéâtre périmé !<br />

1389


Les soupes tisanières<br />

Encore, de toi à moi, - qui suis-je ? Excellent<br />

Nœud enchevêtré de circonstances désobligeantes<br />

Et obséquieuses. Gloires modiques et indices de<br />

Suffisance. Échos de redites en déplacés, échos<br />

Perturbateurs et mensongers. Les prémices de la révérence,<br />

C'est l'art de l'esquive dans les soupes tisanières, sorte<br />

De repas de circonstance. " Insistez, venez voir",<br />

Imposent-ils ! Pour réduire, décomposer et limiter<br />

À l'extrême.<br />

Ô forces sublimes, pour laisser un renom !<br />

Se réduire à soi-même sous une ombre ignorée, quel-<br />

Ques rais de culture disséminés ici et là, une<br />

Fugace vie qui s'achève déjà - n'est-ce point la<br />

Raison que l'on doit implorer, bien éloigné de tout<br />

Ce brouhaha confus, inutile et fastidieux ?<br />

1390


Reconstituer la Vérité<br />

Je reste constamment enfermé en moi-même comme si cet espace<br />

insignifiant allait me permettre de reconstituer la Vérité.<br />

Toujours plongé, à la recherche de la lumière où le soleil fond<br />

comme une éclipse. Des labyrinthes épais ouverts sur des portes en<br />

trompe-l’œil. Je cherche pourtant. Je veux fixer l'immobilité du Réel<br />

sachant toutefois que cela est mensonge.<br />

J'avance dans mon silence espérant y entendre le Cri. Encore,<br />

encore je suis immobile. J'impose à mon esprit de mieux penser.<br />

Halluciner est un moyen. Les Temples s'ouvrent devant mes yeux.<br />

Ces espaces, ces espaces pour comprendre. Tu t'es enfoui dans<br />

l'intimité du Moi. La nuit est claire. Elle te nourrit de subtils savoirs.<br />

J'abandonne mes pas poussé par une errance, titubant, titubant,<br />

avançant toutefois, quand une jetée de cendres me recouvre entièrement<br />

pour me plonger dans mon Néant.<br />

1391


Elle ajoute<br />

En purifiant, elle ajoute ~ abstractions,<br />

Symbolisations, simplifications, ~ elle ajoute.<br />

Les procédés ~ se pourfendre dans le vide ~<br />

S'éclairer, s'éblouir dans son Néant. Elle<br />

Précède la lumière, elle anticipe la source.<br />

Isolée, elle organise son désordre, s'invente<br />

Un impossible à atteindre, construit sur l'a-raison<br />

En liberté propre ~ sa liberté !<br />

Alliée<br />

Et solitaire, qui voudrait la caresser ? Qui s'en<br />

Soucierait ?<br />

Comprendre, penser et aller outre en<br />

Sensibilisant autrement le langage, voilà les<br />

Effets à tenir.<br />

Mouvements des ondes créatives<br />

Incomprises et fuyantes, - espaces, espaces<br />

De l'invention où l'énergie doit se déployer.<br />

1392


Promptitude, attention souhaitées<br />

Promptitude, attention souhaitées<br />

Accumulation de points, de signes - ils ont été numérisés<br />

pour passer de paroles ennuyeuses à des applications abstraites<br />

Convertibilité d'images au moyen de rapports<br />

Recherches encore pour la symbiose ou la symbolique déplacée<br />

Créant une structure vide et inutile pour un seul exploitant<br />

Moi toi, tu es là : ta pensée s'ouvre, toi suspendue dans l'espace<br />

que tu conçois déplaçant les stations successives du temps et de la<br />

création<br />

Les distances et les limites forment des cobordismes douteux<br />

1393


Hors lieu en moi<br />

Hors lieu en moi qui déjà s'incline comme une fleur-pensée offerte<br />

doucement - et cette pluie gracile où s'évaporent de tendres baisers -<br />

dans cette pure clairière l'air sylvestre est un enchantement.<br />

Ô sucs, sucs de mon aube déjà mourante, le miroir tremble à<br />

l'approche de l'été. Fugues, fugues lointaines infiniment dormez,<br />

éternités d'espoirs, d'espoirs à oublier.<br />

Là-bas une femme impossible semble apparaître, nue, vêtue d'une<br />

voilure bleue à la chevelure de feu - elle glisse sur le lac invisible.<br />

Tout à coup un flot de sang renverse l'éternel paysage et l'image<br />

enchanteresse disparaît dans mon Néant de poète ignoré.<br />

1394


Sveltes et d'autres<br />

Sveltes et d'autres se sont baissées en demi-tour -<br />

Apparat de leur corps - filles, femmes - seins<br />

Habillés, et de fréquents parfums odorants - laquées<br />

À toutes sortes de sèves salvatrices et génératrices.<br />

Des désirs d'intrusions subis - remerciements - remercie-<br />

Ments - cette chair alourdie par l'éternel<br />

Balancement nonchalant, idéal de rêve.<br />

Encore l'apothéose de deux sculptures endiablées<br />

Par le sang, la salive et les membres.<br />

Et je dois<br />

T'enjamber sur ces coussins bleus et blonds de rêves, de<br />

Dispositions et d'enveloppes de corps - finitudes que<br />

Nous pensons en élixirs d'orgasmes, en butées interdites<br />

Pour retenir cette folie cruelle du temps ou fuir<br />

Ce vieillissement outrageant, insulte à ta beauté.<br />

1395


Finira-t-elle<br />

Finira-t-elle en lèches infinies, en<br />

Si seulement en ~ degré de vassalité de<br />

Toi à moi. À se prendre mutuellement.<br />

Jusqu'à cette toilette nocturne imbibée de<br />

Sécrétions et d'alcools légers.<br />

Seras-tu en<br />

Vieilles friches, en muqueuses éclatant quelque<br />

Sang perdu, en maladroite et noueuse, seras-tu ?<br />

Vers ces crevasses insipides parfois auréolées de poils<br />

Pubiens, vers ~ et comment te nommer ? ~ Pour te<br />

Peindre avec la disjonction de nos appels ~ de ces<br />

Rondeurs interdites qui m'obsèdent. Sur ces<br />

Dérivations normales, il est doux de transgresser pour<br />

Atteindre cette distinction d'orgasmes. Allongée, suant<br />

Et sucée poursuivant les immondices charnels vicieux.<br />

1396


MORCEAUX CHOISIS X<br />

Endormies sur le feu 03<br />

Les roses ensevelies 04<br />

Substances et Distances 05<br />

VARIANCES 06<br />

1397


Endormies sur le feu<br />

Grande pensante<br />

Ô silence, ô silence, dans l'or de l'exploit<br />

Fustigé ! Grande pensante ! Grande pensante !<br />

Qu'en est-il ?<br />

Déjà, là-bas une silhouette fine et désinvolte<br />

Un moi-même ami qui me permet d'écrire,<br />

Un moi-même ami...<br />

Silhouette claire et belle comme une réplique<br />

Mentale, une réplique de l'esprit<br />

Et toi, bariolé d'images inutiles,<br />

Essayant, produisant encore<br />

Pour d'infimes stupidités... stupidités...<br />

J'ai tendance à te suivre,<br />

Je vais dans l'inconnu, ton inconnu<br />

Déglacé, souriant, feignant à l'exalté,<br />

1398


Je persévère ma douce Eléonore<br />

Toujours décidée à me suivre ? Toujours ?<br />

1399


Qui m'amène en ce lieu<br />

Qui m'amène en ce lieu abject et insolent ? Qui<br />

Produit outre quelque substance novatrice, salvatrice,<br />

Qui produit ? Il y a cette grande ambiguïté - elle<br />

Dérange, interroge, - on rejette - on fuit.<br />

C'est la manière - comprenez-moi bien. C'est cette<br />

Manière aberrante, audacieuse, au-delà du pos-<br />

Sible - il ne s'agirait ici de parler de poésie...<br />

Elle crie vers moi : prends-moi. Je suis suppliante,<br />

À genoux, prise, reprise et soumise. Elle quémande<br />

Encore quelque saveur aigre ou vicieuse. Quémande.<br />

Je ne suis pas malade. Que disent-ils? Non. Je suis<br />

À toi (La voilà qui pense dans son délire optique<br />

De femelle prise) -<br />

N'aie crainte. Nous poursuivons -<br />

Te dis-je - Eléonore transpire dans l'air incolore.<br />

1400


De grandes fluidités<br />

De grandes fluidités mauves envahissent l'horizon poétique puis<br />

vont se dispersant sous la tiédeur endormie.<br />

Qui erre ici et là dans l'oubli fatal de l'infortune ? Pour l'amour<br />

infini interdit, es-tu ma délivrance ? Une vive éclaircie dans le lointain espère<br />

quelques flamboiements extrêmes. Sont-ce des illusions du tout au tout, du<br />

supposé possible à la rumeur absurde ?<br />

sporadiques ?<br />

Ou de chastes soupirs ~ de purs alanguissements ~ des sursauts<br />

Vous, dans cette diaspora universelle, ô comètes de l'esprit - je<br />

veux vous rassembler dans la synthèse subtile pour un bégaiement aléatoire.<br />

Qui invoqua ces pseudo répliques mentales, ces intercesseurs de<br />

l'écriture, ces génies de la syntaxe ?<br />

Au plus profond du Moi, quelqu'un y songe à mes dépens.<br />

1401


Pénétrant, et cette fièvre<br />

l'élan<br />

Pénétrant, et cette fièvre pénétrant dans le flou, dans la haine, dans<br />

mais pénétrant encore<br />

de soi à soi<br />

Là, là encore dans les flux et les élans, dans les poussées incolores<br />

Oui, mais en dedans<br />

Mémoire pensée et repensée pour cette fluide ténèbre j'avance<br />

songeant à déplacer, à reconsidérer ce décor de décrépitude<br />

Par mille profondeurs, en d'autres lieux internes te guidant - et tu<br />

réponds par le regard en avançant<br />

D'impossibles, de riens à reculer là ici déplaçant le repos<br />

l'ombre de mon corps<br />

Oui cette forêt de liens indéfaisables puis ramilles légères - dans<br />

fuyantes et ronces<br />

Mélange de lianes, de fougères, d'élans de branches entortillées et<br />

1402


Moi ayant toujours cherché et visitant<br />

Dans le néant de mon extase, je m'illumine encore<br />

1403


La belle obscure<br />

De toi à moi, l'obscur - dans le foisonnement<br />

Intérieur - l'obscur. Que viennent tant d'ombres<br />

Sombres et d'obscurs ! Pour que surgisse la<br />

Lumière claire enchevêtrée d'amoncellements<br />

De synapses dans l'immense luxuriance du don !<br />

Et paix sans l'accomplissement du Moi, paix tandis<br />

Que croît, s'élance et se fortifie la ramifi-<br />

Cation de feuillage obscur ! La belle en glissades<br />

De courbes, en fuites éperdues, en élans in-<br />

Cessants, en délires de dires et pour l'écrire - l'obscur !<br />

Ne te précipite pas, ralentis cette course folle et<br />

Figurative, ou plonge encore dans l'immanence<br />

Insouciante de la raison, dans la vasque remplie<br />

De saveurs et de haine, d'amour et d'infini.<br />

1404


Suspendue dans le feu<br />

Suspendue dans le feu, cette fièvre rougeoyante<br />

Avec flux de pensées, toi ta danse scabreuse<br />

J'avance en songeant, je guide ton génie<br />

Du moins je le prétends. Ta beauté corporelle<br />

De femme lascive soumise et quémandante...<br />

Je te reprends encore<br />

Ta chair, le puits profond,<br />

Corps défait, lié, ma fuite dans ton amertume<br />

Gémis, craintive, gémis avec gène adécoïte<br />

Mon regard désireux espère quelques suppliques<br />

Je m'évanouis en toi, j'arpente tes méandres<br />

Au profond, dans tes labyrinthes, tes issues<br />

Interdites, impossibles, parcourant, parcourant encore<br />

Ainsi je cherche en toi d'impensables secrets,<br />

D'inimaginables délires - l'absolu du poète !<br />

1405


Entremêlées encore<br />

Entremêlées encore, s’accordant des formes vides,<br />

Des espoirs insipides, entremêlées encore pour un<br />

Joug d’écriture nouvelle, les filles s’élancent belles ;<br />

Une et mille, tissées et repensées dans l’éveil<br />

Du matin pâle, bouleversées en songe, oui<br />

Tissées ;<br />

progressivement en germe de romance qui<br />

Jamais ne s’atténue, en germe flottant à<br />

L’abandon et se voulant mourir d’extase.<br />

Le vent défleurit, défeuille là les nuées blanches,<br />

Les filles en volutes d’apparence semblent<br />

Disparaître, les filles supplient quelques gémissements<br />

Plaintifs.<br />

Dans quel arôme de sueurs, dans quels<br />

Tourbillons fluides les ingénues en battements<br />

D’ailes parviendront-elles à m’inspirer un peu ?<br />

1406


À la recherche de l’élixir de grâce<br />

Non à la trace mélodieuse constellée d’esprits<br />

Noirs ~ écriture pensée et non dictée par<br />

Quelque saveur externe,<br />

Douteuse ~ et lisible à quel niveau ?<br />

déplacée dans la supposition<br />

La main s’octroie de fades aberrations et<br />

Prétend y démêler un invisible ~ parmi les<br />

Excès et les audaces.<br />

Consternant ce mur à<br />

Faire exploser en myriades de confettis pour<br />

Reconstruire des guirlandes obscures !<br />

Fait de<br />

Réparations et d’invraisemblances, de déjections<br />

Douteuses et de miasmes ridicules !<br />

Quand donc<br />

Nourrie de sèves salvatrices, régénéré dans<br />

L’autre solaire, parviendrai-je à constituer<br />

1407


Un élixir de grâce pour me faire pardonner mon ignorance<br />

1408


L’une d’entre elles suspendue<br />

Filles saccadées dans l’exorcisme du Mal,<br />

Perçues dans l’œil - filles sifflantes et suppliantes,<br />

L’orgasme est à construire !<br />

Arpentez l’âme,<br />

Traces de vers, enroulée maintenant dans<br />

Votre folie vibrante. A plus jamais, oui<br />

Portées dans l’obscur pour cet immense tissage<br />

Irréel !<br />

L’une d’entre elles suspendue aux neurones<br />

De la conscience. Nous habitons dedans. Respire<br />

Pour qu’elle se détache, conseille Paul Celan.<br />

Voix pénétrantes à l’intérieur, voix pour construire<br />

Et pour se libérer de l’emprise mauvaise, il est doux<br />

D’avoir filles claires élaborées dans son Temps.<br />

Quand une giclée vicieuse venue de l’Inconnu<br />

Déchire le bel ensemble aboli à jamais.<br />

1409


Le feu<br />

Silence comme femmes en fusion, silence<br />

Dans des mains transpirant des cendres chaudes<br />

Elles, bénies sous des flammes de soupirs, gémissantes<br />

De scories, hurlantes dans le feu passionnel<br />

Brûlées et encerclées de flammèches, de che-<br />

Velure volante, habillées et nues, habillées<br />

Par la danse des flammes - toujours en soupirs<br />

Et implorant l’extase de l’orage, mais le feu.<br />

Encore le feu pour les faire jouir - ces lueurs<br />

Rouges et écarlates dans la mouvance du vent<br />

Toi, forgeron sous un flot de vin, effrayante<br />

Fumée d’extase et de délire, te voilà<br />

Calciné dans tes poussières de fantasme, ramassant<br />

Pelletées de femmes irréelles et pourtant vivantes.<br />

1410


Entre l’or et l’ennui<br />

Entre l’or et l’ennui, le feu et la folie ~<br />

La nuit pour oublier, pour écrire ~ une poignée<br />

De syllabes ~ mes semences ~ je songe à la<br />

Volée d’extases inondant des filaments épais.<br />

A toi tes grâces et tes paroles dans le silence<br />

Profond et sinistre ~ dans le sang de l’absence<br />

Nourri de ton venin ~ suspendu à ton espoir<br />

Je suppose la pratiquant grandement. Poursuis.<br />

Encore la pénétrant, l’éclairant de mille audaces.<br />

Et toujours ces besoins de semailles dans l’âme<br />

Claire d’un matin en transis. Poindra-t-elle,<br />

Cette aube nouvelle, se soulèveront-ils ces soleils<br />

Qui émergent dans des océans sans fond ? Entre l’or<br />

Et l’ennui, le feu et la folie surgit l’Esprit !<br />

1411


Encore qui germe<br />

Encore qui germe ~ formes d’avenir alanguies ;<br />

Des voix, et je parviens vers Toi. Toujours en ma de-<br />

Meure. Mêlées et démêlées, filantes. Il est là,<br />

Il émerge. Cette survivance. Un et mille - je<br />

Vous offre le Tout.<br />

Saisis pour figurer l’oubli,<br />

Esprit, écris - Pensée, éjecte. Pour ces grands<br />

Aveugles - des lignages incessants. Dans l’œil<br />

Du poète, cette lumière assourdissante, bondissante<br />

D’ennuis et d’espoirs.<br />

Les yeux éclaboussés.<br />

La pensée en dedans. L’audace qui voltige.<br />

Sur le bord de l’abîme. La réalité chancelante.<br />

Filles, flores, éternelles, revenez nourrir l’âme<br />

Désinvolte - redressez cette lourde masse de<br />

Chair spirituelle qui ploie fatiguée par les ans.<br />

1412


Hors lieu en moi<br />

Hors lieu en moi qui déjà s'incline comme un fleur-pensée offerte<br />

doucement - et cette pluie gracile où s'évaporent de tendres baisers -<br />

dans cette pure clairière l'air sylvestre est un enchantement.<br />

Ô sucs, sucs de mon aube déjà mourante, le miroir tremble à<br />

l'approche de l'été. Fugues, fugues lointaines infiniment dormez,<br />

éternités d'espoirs, d'espoirs à oublier.<br />

Là-bas une femme impossible semble apparaître, nue, vêtue d'une<br />

voilure bleue à la chevelure de feu - elle glisse sur le lac invisible.<br />

Tout à coup un flot de sang renverse l'éternel paysage et l'image<br />

enchanteresse disparaît dans mon Néant de poète ignoré.<br />

1413


Finira-t-elle<br />

Finira-t-elle en lèches infinies, en<br />

Si seulement en ~ degré de vassalité de<br />

Toi à moi. À se prendre mutuellement.<br />

Jusqu'à cette toilette nocturne imbibée de<br />

Sécrétions et d'alcools légers.<br />

Seras-tu en<br />

Vieilles friches, en muqueuses éclatant quelque<br />

Sang perdu, en maladroite et noueuse, seras-tu ?<br />

Vers ces crevasses insipides parfois auréolées de poils<br />

Pubiens, vers ~ et comment te nommer ? ~ Pour te<br />

Peindre avec la disjonction de nos appels ~ de ces<br />

Rondeurs interdites qui m'obsèdent. Sur ces<br />

Dérivations normales, il est doux de transgresser pour<br />

Atteindre cette distinction d'orgasmes. Allongée, suant<br />

Et sucée poursuivant l'immondice charnel vicieux.<br />

1414


Les roses ensevelies<br />

La belle abandonnée<br />

Elle, et encore, elle pour de si clairs<br />

Parfums suaves ~ endormie dans<br />

La pâleur des fleurs<br />

pour cette flottaison blême<br />

Accoudée à la lumière crue qui berce<br />

Ou balance des cordes à l'infini<br />

Dans cette douce solitude exquise, elle de<br />

Lait dévêtue à la peau beige ;<br />

ses formes<br />

Lourdes qui s'étalent dédaigneusement sur le<br />

Sofa fatigué, des formes épanouies chargées<br />

De mémoire, repues d'extase, abandonnées ~ là.<br />

Généreuse, à la chevelure abondante, chatoyante<br />

Respire-t-elle, songe-t-elle aux flots d'orgasmes<br />

Satisfaits, aux nourritures charnelles d'autrefois ?<br />

1415


L'imperceptible frisson d'aile l'éveille tout à coup.<br />

L'ange<br />

Tu flottes mais ne penses guère ; tes envolées<br />

Nocturnes ne sont que des effets trompeurs.<br />

Tu fluidifies ton vrai : l'extase s'enfuit<br />

Dans les méandres de l'inconnu ~ là-bas.<br />

Je touche l'ombre aérienne, et la folie<br />

Tournoie dans l'interdit à pénétrer.<br />

Les formes immortelles poudroient un impossible<br />

Froissement d'ailes - des flots de roses<br />

Envahissent ton âme - tu les respires confusément.<br />

1416


La belle absence<br />

La belle absence de négatifs de il n'est pas il n'est pas venu on ne<br />

l'a pas vu qu'aurait-il montré de quoi aurait-on parlé l'aurait-on<br />

reconnu l'aurait-on méprisé ignoré par dépit rejeté-fatigué je<br />

n'aurais pas lu j'étais ailleurs dans mes plaquettes dans mes revues<br />

La belle absence non, cela était peu tu as vu le blanc bec ce<br />

n'était pas de cette façon moi, j'avais quelque chose lui, n'était rien il<br />

devait aller plus loin<br />

Faut-il constamment se cogner la cervelle contre le repoussoir, aller<br />

au-devant du rejet pour rechercher l'humiliation et le dégoût ?<br />

La poésie est interne, pour soi, en îlotier. Elle n'est ni lue ni achetée.<br />

1417


L'objectif<br />

I<br />

L'objectif, la finalité à atteindre, et les vaines images gazées de<br />

silhouettes claires ~ là-bas<br />

Dans les halos avec musiques aléatoires, ivoires élégants ou encore<br />

des compositions de feuilles rouillées belles toutefois<br />

Donc applications, certitudes, intentions à obtenir, il a pensé ~ c'est<br />

l'évanouissement dans la neige avec fragilité pure ou marbres fabuleux -<br />

le souffle persuasif de nos râles en détresse - il a pensé<br />

Reculez impossibilités poétiques, folies de l'interdit - sang frais<br />

coulant de la bouche d'autrui.<br />

sais-tu ?<br />

Ma force qui rythmes l'audace, quelles sont tes déficiences ? Le<br />

Possibles violences et chocs prohibés - j'y reviendrai plus tard.<br />

1418


II<br />

Oui, mon fils, en toi, en toi ~ cherche à, pense en, investis encore, là<br />

encore, investis<br />

Il faut élucider, faire transparaître au-delà de toute relation poétique<br />

ou littéraire<br />

Le monde indigeste, le monde inutile ~ oui, imagine en.<br />

III<br />

Nous avançons sur des ondes légères<br />

Le vent et la lumière s'échappent tout à coup<br />

La ville à l'infini s'étale incendiaire<br />

Vous voilà convaincues<br />

Concubines gémissantes et aimées ?<br />

1419


Sur-inventer<br />

optique<br />

Non, certes pas, mais sur-inventer ~ sur-inventer dans le délire<br />

Les lignes pensées qui se déploient en pointillés, en préexistences<br />

phénoménologiques, en fluides étirés, en sèves bouillonnantes, en<br />

Sperme-écoulements de ton vrai<br />

Azur co-substantiel azur contre azur vous que j'ai déchirés d'un<br />

bruissement d'aile pour confluer vers mon Néant<br />

En carrefour à plat, en bornes interdites, en recto de verso pour<br />

aplanir la plume qui glisse<br />

Très savant et sensible : signes émouvants, fluidifiez mes envies<br />

appliquées dans l'aléa de l'écriture pour venir féconder de sublimes<br />

connaissances !<br />

Et faillir dans des figures aberrantes, obséquieuses avec cette fille<br />

sale et répugnante, vicieuse et splendide ~ avec ma chienne soumise et<br />

aboyante ~ tu vois, nous cherchons encore.<br />

1420


Radieuses et limpides<br />

Longtemps combattre en soi en déviances et appartenances,<br />

Toujours questionné l’être cher tapi au fond de soi<br />

Avec ses souffles inconnus en plaintives insistances<br />

Quand l'ombre se déploie sur l'esprit éclairé<br />

O filles, filles émerveillées de mes claires plénitudes<br />

Dans le faux crépuscule de ma chair embaumée<br />

Endormies, vous radieuses et limpides espérant<br />

Je ne sais quelque conquête d'or de toison tissée<br />

Encore fraîches et légères sur la sphère azurée<br />

Mon errance se meurt vers l'espoir le plus pur<br />

Pourtant je crains ces noires divagations obscures<br />

Et je baigne ma tête couverte de surdités !<br />

Belles étreintes de phosphores inconnus, présentes en<br />

Saurez-vous à jamais me vouloir éclairer ?<br />

1421


Et tu te plais<br />

Et tu te plais dans ton silence refusant le persiflage et la<br />

surabondance verbale ! Tu demeures, tu es Demeures littéraire insistant<br />

pour construire en toi - pour t'effondrer peut-être !<br />

À la recherche de l’idée pure entouré de spectres agressifs - invasion<br />

du Mal - comment dans ces conditions obtenir l'Idéal parfait ?<br />

Tu subis le vandalisme invisible implorant la saint-Toi - Tu es<br />

résistance acharnée - bruissement poétique, myriades d'extases envolées<br />

etc.<br />

Vas-tu t'effondrer, toitures affaissées, balcons lézardés ou sera-ce le<br />

nouveau Temple où s'épancheront le nard et l'ambroisie, où viendra se<br />

reposer la Beauté sublime, fille de ton plaisir éternel ?<br />

1422


En chairs si douces<br />

Des tenues claires en Ève d'apparat avec de<br />

L'or entre les jambes. A l'infini, puisant et<br />

Remontant. Bel amant présomptueux en subtiles<br />

Tentatives rectales imaginant l'interdit. Pous-<br />

Sières d'orgasmes en jaillissements multicolores.<br />

Bienheureuses après ruts tendres et désirs recom-<br />

Mencés.<br />

Derrières elles, ou sur le flanc, rampant,<br />

Léchant - succulentes goulées nocturnes - ou<br />

Giclées en gelées exquises. À vous de prendre, à<br />

Vous. Quémandez, suppliez et implorez<br />

Encore !<br />

Rendant heureuse l'intime prestation noc-<br />

Turne de vos délires corporels, ensevelissant<br />

L'intelligence ou la réduisant à un état de vas-<br />

Salité féminine, il est bon de mourir en chairs si douces !<br />

1423


À l’unisson du solitaire<br />

Celle-là, celle-là mienne si je puis te contempler<br />

En petits indices de jouissances - en extrapolation<br />

À l'unisson du solitaire. Comment te le dirai-je ?<br />

Je reste avec l'image, avec la spéculation intérieure<br />

De : était-ce possible ? Un réel ailleurs ?<br />

Mini-monologue dans l'univers courtois de la fausse<br />

Indifférence. Allons danser : Ho ! Ces beaux seins,<br />

Ces friandises fessières, ces jambes allongées, ces...<br />

Agrippe, a-grappes en virtuelles de pensées auda-<br />

Cieuses dans le faux : je me perds. Menteur !<br />

Et une et deux, et bouge à côté, et raie et bouton<br />

De : leur plairai-je ? L'autre blonde également.<br />

Dans le vent de la sortie pour le retour du cé-<br />

Libataire animé de fantasmes et d'échecs cuisants.<br />

1424


Suicides en<br />

Suicides en. Et pour quelles formes de saveurs ? Quelles<br />

saturations ? Quelles élévations bannies ou interdites ? A la<br />

limite de se dire : l'acquis. Pour moi, essentiellement.<br />

Ainsi pour le futur. Guère pour l'à-côté.<br />

Les fluides au plus près. Avec l'écoulement des Dieux. La<br />

substance claire, bénie et douce. De ses yeux, perçus mais<br />

rarement compris.<br />

Poursuivre encore avec l'espoir d'un au-delà sauveur.<br />

Tu flottes mais n'espères guère. Tu vas d'avalanches<br />

en délires,<br />

de folies perverses en génuflexions douteuses. Tu vas<br />

et penses mieux produire. Pour quelle allégorie souveraine ?<br />

Quel au-delà conquis ?<br />

Avance, crache et meugle. Prédis la race des vainqueurs.<br />

Reconnais ton principe - il y avait quelque saveur ! Que<br />

prétends-tu obtenir aujourd'hui ?<br />

L'aide est là, au plus profond - engluée<br />

1425


dans sa propre chair.<br />

Elle respire médiocrement, elle s'anime parfois,<br />

se dresse d'un bon et prétend à l'apothéose des douleurs.<br />

- Comment te transmettre ? Comment t'expliquer ? Seras-tu<br />

m'intégrer, m'admettre - admettre que je puisse te dominer,<br />

être en toi mais puissamment supérieur ?<br />

- Inconscient ! lui répliquai-je, comment oses-tu te prévaloir<br />

de telles sornettes ?<br />

Pourquoi te compromettre ? Quelle expertise future ?<br />

Quelles cruelles attentions de critique avertie ? Tu fuis dans<br />

ton mensonge espérant y découvrir l'essence de la Vérité - de<br />

ta Vérité.<br />

L'innocence horriblement malmenée, la jeunesse crucifiée<br />

dans l'ignominie du mal - qu'en sauront-ils ? Ils prétendront au<br />

canular quand d'autres justifieront l'emploi de la violence et<br />

de la cruauté.<br />

1426


Que de<br />

Que de, que de pulsations interdites, de déplacements<br />

obscènes, de folies à satisfaire !<br />

Tant de strass et de spasmes ! D'ondulations<br />

incertaines, de je-les-ai, donnez-les moi toutes !<br />

Mouvements de traverse dans la chair en surabondance de<br />

désirs, de soupirs qui nous porte !<br />

Liberté serrée : elle va, je viens. La chair est peu, n'est-ce<br />

pas ?<br />

De toujours supposer, de ne rien caresser - voilà tout : de<br />

comprendre sans montrer. Point d'éros. Point.<br />

En cultures a-sexuelles de blocages, de honte,<br />

de brimades - je me défends d'éja. Culer.<br />

Voici mon plein, voici ton vide ! Je procréé<br />

dans ce grand éblouissement final n'ayant guère obtenu.<br />

Ou seulement quelques audaces insignifiantes.<br />

1427


Ego cherche<br />

Et par quels procédés, quelles fixations, quelles convergences<br />

~ d'intellectualisation pure ~ pour quelles essences de soi à soi, en<br />

donnant à Autrui ? Quelles fluidités claires ou orageuses à expliquer ?<br />

Mais encore ? Avec du vent stellaire, le tout-possible des aïeux ~ où ?<br />

Quelles dimensions extensives, en quelles rafales de souffles inédits<br />

Ordonnées, désordonnées, d'Alpha jusqu'à Oméga pour exploser en synthèses<br />

inconnues ?<br />

Sublimes véhémences en plénitudes d'acquis avec des poudroiements différenciés dans<br />

des extases lyriques, ~ là encore, encore pour un déluge inconnu à inventer.<br />

Ego cherche, ego vainement en attente insensée pour une aberrante potentialité<br />

universelle que jamais il ne parviendra à espérer.<br />

1428


Ils inspiraient<br />

Ils inspiraient, un à un, jamais ensemble - à la suite - non pas les rues, non pas<br />

les rencontres - les catalogues - ils inspiraient !<br />

Pour mon évolution, et j'espérais - dévot admiratif, je travaillais. Sur toute<br />

chose, dans les applications ! - Leurs génies : mon royaume.<br />

Quand d'autres erraient - à chacun sa méthode, à chacun son système. Ma<br />

pauvre personne tentait d'obtenir des résultats !<br />

Dégueule, et les langues ? Dégrade-toi, cherche et trouve. Avec défaillances ici.<br />

Contre tes hoquets, des feux de joie. À jouir dans l'invisibilité. Échanges<br />

pondérables de soi à soi. Encore dans l'ivresse de l'inconnu.<br />

Et pour te figurer il pleuvait des roses. Avec d'étranges coups de poing.<br />

Échangés en. Je fustigeais mes poses et j'allais dans l'Inconscient.<br />

Fallait-il laisser courir dans la folie les potentialités pensées ? A force de<br />

Narcisses décomposés en moi-même, les propositions s'élaboraient -<br />

médiocrement, maladroitement - je l'accorde, mais elles s'élaboraient.<br />

1429


Eve, Eva<br />

Eve, Eva, fournies, fournies ! On va de<br />

Belles en belles formes. Et toujours alanguies<br />

Sur des sofas dorés - blondes d'abandon en<br />

Parures sexuelles et alléchantes ! A mille vignes<br />

De sevrage titillé ! Entrez au bois et passez<br />

Par le centre !<br />

Concernant le charme : des flèches<br />

Sublimes avec tir à vue en boutonnières, en<br />

Bas pour le superbe !<br />

Vos braises hurlantes en multi<br />

Couleurs de désirs. Adam futur, qu'en dis-tu ?<br />

Multiplie-les par le désir - chairs allongées !<br />

La mourre de beaucoup, retourne-les-en cheve-<br />

Lures rouges ou platines ou noir métal, toisons<br />

Succulentes et poitrines dressées, parais-tu apaisé<br />

Nourri de tes fantasmes en chevauchées rêvées ?<br />

1430


La miséricorde<br />

L'ombre des lointaines - ces silhouettes oubliées<br />

Qui vainement courent en mémoire - empreintes<br />

Grises, vous sillonnez encore dans une âme déserte !<br />

Figurines floues qui appelez là-bas,<br />

Éternelles de temps vous apparaissez parfois !<br />

Dans ces chemins tortueux, écrasés sous des<br />

Brouillards épais, je sais l'appel vers vos<br />

Ténèbres sombres.<br />

Verdissez, verdissez encore<br />

Tiges légères de l'avenir ! Pliez-vous dans<br />

La brise du vent, indiquez-moi la voie<br />

Du lendemain.<br />

L'âme libre, je m'en irai heureux,<br />

Espérant un nouvel exil, espérant et suppliant<br />

Un Dieu de me comprendre avec miséricorde,<br />

Avec mansuétude et pardon - je demanderai.<br />

1431


Le bannissement de l'Élue<br />

S'est effacé insidieusement dans le domaine de<br />

L'Élue - en perspectives tiennes - ce pas aérien<br />

S'épaississait sur d'autres fleurs - les lignes droites<br />

Et les lacis de jambes - balcon et hyperboles,<br />

Mélanges de cheveux, visions bouillonnantes - la<br />

Chair des filles jaunes avec tilleuls et abricots.<br />

J'avoue les vingt ans dans un état d'excitations miennes -<br />

Le colloque de l'aveugle - en vexations d'interdits. Toutes<br />

Ces femmes positionnées en a-saintes de génuflexions<br />

Sexuelles - goulûment salives et sécrétions au plus profond -<br />

Je me défais d'Elle - je soutiens d'autres lourdeurs -<br />

Des vertus triplement visitables. S'est enfui tristement<br />

Dans l'usure de l'impossible, vaines désillusions d'autrefois.<br />

L'espoir est mort seulement encombré d'images inutiles.<br />

1432


Pensée tu verses<br />

Pensée tu verses, et tu t'amoncelles<br />

Vaine et perpétuelle pour fondre dans ta nuit<br />

Sous moi, s'accumulent mille ans<br />

De lâches frilosités et de tentatives aussi<br />

Tu extirpes de stupides banalités - tes essais,<br />

Complices et favorites, voués à l'égarement<br />

De tes sens<br />

Continue et confonds - prête serment<br />

À l'eau, à l'écart en vaine préparation<br />

De rituel, de baptème-tien - mixture<br />

Hétéroclite où l'impur participe à la symbiose,<br />

À la synthèse - je plonge dans ton cru<br />

Pour l'évasement de mon ciel - Pensée, tu verses !<br />

1433


À la Klimt<br />

Pareillement de vous donner l'idée. Je te repeins<br />

En bleu. Ni abjection ni amour. Pareillement.<br />

Dans l'ébahissement de ta vulve luxuriante.<br />

Cette splendide femme à l'Italienne. Son Nu.<br />

De ce triple désir au plus profond d'elle-même.<br />

Encore ses vastes yeux pétillants de malice.<br />

Sa forte chevelure noire sertie de diamants.<br />

Ses seins éblouissants et chastes. Point de coït,<br />

Point de coulissements - enchanté, je me vide.<br />

Et tous ces tissus étalés, entrelacés d'or et<br />

De rouge cru - ces spirales de triangles entremêlés<br />

A la Klimt comme des couvertures d'arrière-plans.<br />

Je me suffis avec cet air de conscience, j'éclipse<br />

Mes désirs et je jouis de cette peinture entrevue.<br />

1434


Œuvre-femme<br />

Ouvre-femme, toi en rebondie, d'hier et<br />

D'autrefois - le souffle de la mémoire<br />

Caresse l'âme fertile...<br />

Toi, oui, en croupe<br />

Arrogante, en génuflexions suppliantes, en<br />

Avalanches de chair - lavée et or, te<br />

Souviens-tu ?<br />

J'arrachais à la divinité<br />

Tous ses sucs intimes et filtrais l'eau claire<br />

De ses entrailles.<br />

Élaborant quelques figures<br />

D'amour, enchaînée, enlacée, la beauté<br />

S'envolait dans la délivrance, offrant ses pieds<br />

Parfaits et sa part de souffrance à ma douceur<br />

Perverse et subtile.<br />

Et ses grands yeux noirs<br />

Où la brune et l'ivresse se confondent gémissaient<br />

D'extase aimant à répéter : " Je comprends mon compagnon."<br />

1435


Les deux sources du désir<br />

Hors de ces tourbillons d'orgasmes et de jouissances,<br />

De ces micro-suicides de chair - éloigné de ces<br />

Appâts aux formes parfaites - à cent<br />

Mille lieues de corps désirables aux beautés a-<br />

Languies.<br />

Vais-je percevoir l'idéal spirituel<br />

Ou converger vers la sanctification du bon<br />

Croyant ? Les deux sources du désir ne s'opposent-elles<br />

Pas ?<br />

L'époux dit : tes seins sont deux faons<br />

Rebondis et succulents. Le sang et le miel, le<br />

Miel du bon lait et le lait se compare au vin.<br />

O boissons, aliments, ambroisie et nectar,<br />

Désirs avides et abondances miraculeuses !<br />

L'amour<br />

Est une affection de chair et d'esprit, Christ et Vénus<br />

Un bas-d'élévation, des soupirs d'intelligence.<br />

1436


La femme effacée<br />

Et ses pas alanguis dans l'esprit qui s'aère<br />

Filant sur des orgasmes de fluidité exquise<br />

Quelque chose de pur dans le mystère mien<br />

Charmant, disparaissant vers l'exil à franchir<br />

J'efface sa douleur sur des vents en délire<br />

J'arrondis son visage et je berce ses traits<br />

Belle mais belle encore, ajournée en demeure<br />

Ou douce détournant sa chevelure claire<br />

Puis des flammes d'azur tombent sur l'horizon<br />

Encombrant de leurs voiles l'infini à décrire<br />

Des poussées d'or s'esclaffent en tintamarre épais<br />

Et là dans mon sommeil sa frêle invitation<br />

M'offre des mots obscurs dans l'espoir à renaître<br />

Je m'allonge hébété ne sachant que penser<br />

1437


Fusionner l'irréel<br />

Absent et incompris - reconnu, méconnu<br />

Et de ressusciter en soi - je suis dans mon espace<br />

Suspendu un instant - le temps me fait défaut.<br />

Encore, et de-là même envisageant ma propre<br />

Eclaircie - je sais me surprendre - le trait,<br />

Le blanc, l'obscurité, - dégageant la profon-<br />

Deur. Du volume pour happer l'air. Altitude.<br />

L'évanoui, l'insaisissable - qui peut se prononcer<br />

Pour moi ? Plus loin, redoublant, se dissipe,<br />

Une fraction de temps, - la pensée incorporée en moi.<br />

Un intervalle pour transformer le sens - toujours<br />

En suspens - recoupant, qui m'emporte. Mais<br />

J'avise, j'hésite, je me renverse, mon appui<br />

Dans mes yeux, sur la main pour fusionner l'irréel.<br />

1438


Encore suspendue<br />

Encore suspendue - elle a dû d'éclipser<br />

Dans son provisoire - je le discerne dans l'ex-<br />

Sangue. A l'extrémité de l'une à l'autre,<br />

Je prétends dessiner un visage. De l'obscurité,<br />

La lumière surgit. Par-dessus, à plonger,<br />

Avec des substances fluides, loin de l'empâ-<br />

Tement qu'inflige le cerveau. Dans la clarté<br />

Avec les yeux du vivant, comment puis-je la<br />

Soutenir ? Dans quelle transparence, avec quelle<br />

Opacité ? Les traits de nouveau se séparent,<br />

J'espère la jonction. Enfuis qui recommence<br />

Et se termine en moi.<br />

Me traversera-t-elle<br />

Pour me vois ? Ayant disparu, s'est-elle éteinte ?<br />

Elle m'enjambe et recompose son inspiration.<br />

1439


Surgies<br />

Flamboiement - rougeoiement - possibilités en<br />

Tout à coup, et surgies dans l'éveil du jour -<br />

Il explose en vérités hallucinantes sans<br />

Ordre logique - accidents dans la<br />

Nuit survenue - accidents de synthèse gerboyant<br />

Pour le dehors.<br />

Où cela apparaît-il ? Devant<br />

L'œil du poète. Sa feuille est une toile. J'aboutis<br />

À l'obscurcissement de la clarté - je découvre des<br />

Fils-miens à tisser et à repenser. Encore des écla-<br />

Boussures de lumière montante. Et ces taches<br />

Soudain dans mon vaste ciel !<br />

Dévoilant, en soi, clair,<br />

Puis une durée tournante qui s'interrompt. Le<br />

Mouvement doit être explicité, en gerbes tombantes<br />

Car l'opaque à l'esprit appelle une éclaircie.<br />

1440


Suinte une source pourtant<br />

Hauteur en soi, de substances répandues, de<br />

Pensées jamais atteintes, laissant la vérité<br />

Pénétrée le mensonge, de là quelque chose<br />

Comme un être nouvellement conçu.<br />

L'échappée<br />

À mesure que la rencontre se suppose là encore.<br />

Ainsi plus claire, de se dire : passe et obtiens<br />

Ce mélange dégagé de toute intrusion ( mais<br />

Est-ce possible ? )<br />

Chose qui avance à la mesure de<br />

Soi, noyant le vertige ou de sillonner vertica-<br />

Lement - la nouvelle présence apparaît, matière<br />

Porteuse de concepts autres médiocrement élaborés.<br />

Sans avenir, la foudre-acier déchire l'espace-mien<br />

Portant l'accompli dans les rencards du Néant.<br />

Dans le noir de l'asphalte suinte une source pourtant... (a)<br />

(a)<br />

(b)<br />

Dernier vers de André du Bouchet<br />

1441


La saisie de substance<br />

Tel ou tel en soi, de se rejoindre en un<br />

Avec une parole déployée qui toujours en<br />

Lui-même se replie pour déborder avec<br />

L'un et l'autre - avec personne, avec autrui.<br />

Et de recommencer dans ses plus purs excès<br />

Afin de découvrir des accidents de langage,<br />

Pour concevoir de nouveaux sens élaborés dans<br />

Une éclaircie.<br />

Se découvre en se pénétrant.<br />

Tu t'interromps et dévoiles la pensée opaque<br />

Qui a l'esprit jaillit ~ source sur d'autres<br />

Mots. Parlant de rien. C’est une saisie de<br />

Substance se déplaçant dans l'orée du Moi.<br />

Pour ta fraîcheur de ciel, la pensée bigarrée<br />

Ondule, bifurque et déplace l'illogisme du vrai.<br />

1442


De je<br />

De je. L'inadmissible en soi. Selon l'apparence<br />

D'être autrement. A la mesure de l'ajourné. De<br />

Toute façon. Similitude - je te dis : distinct<br />

Et semblable.<br />

L'action sublimable de se soustraire<br />

Pour ajouter, alors à deux, en se séparant de toi.<br />

Être peu, de rien, de mieux, avec mais plus loin.<br />

Rejoint et dissocié, dedans pour le dehors.<br />

Somme toute avec faiblesse. Reste ouvert pour<br />

Vous fermer. La lumière t'appellera pour me<br />

Répondre. Encore le rougeoiement. Le tout<br />

Flamboie.<br />

1443


Appellation - poème<br />

Plénitude avec pensée qui l'emporte, porté<br />

Sur sa limite y délaissant quelque sève<br />

Au moment de tracer ~ saisissant le peu<br />

D'une [main] déjà ivre, ~ le crois-tu, il se<br />

Retrouve en toi un objet qui s'éteint.<br />

La paume se remplie de vérités à l'instant de<br />

Mourir. Incertitudes miennes qui déploient leurs<br />

Corolles claires, vagabondes ou nuancées.<br />

A-t-il atteint le presque d'une prise subtile<br />

Abandonnée là comme parole de langage rompu ?<br />

L'espace entrecoupé de chocs se clarifie d'ondes<br />

Légères - le mot après le mot tarde dans son<br />

Tracé et s'écrase sur la feuille de papier.<br />

L'appellation offerte s'apparente au mot poème.<br />

1444


Elle s'ouvrira<br />

Dans ses prolongements à l'infini, suspendu<br />

Mais en leurre, elle se contient, explose, se<br />

Retranche ~ elle va s'édifiant. Ce qui<br />

Éblouit en gain de conscience sur l'instant<br />

Apparaît, ce qui m'emporte et qui s'enfuit hors<br />

De ma portée...<br />

Conçois ce vide avec du vent,<br />

Engendre cet espace, élabore en glissant.<br />

De là-haut, ouvre à plat.<br />

Ceci est une amertume<br />

D'écriture, une matière proposée. Tu dois trembler<br />

En offrant une vaste éclaircie.<br />

C'est le temps<br />

De descente qui régit l'improbable. Par ton souffle,<br />

Exalte tes saveurs, ressoude là où elle<br />

S'est interrompue, précipite-toi dans cette<br />

Descente.<br />

Devant toi, enfin elle s'ouvrira.<br />

1445


Insistances<br />

Ici encore de dire pour plonger en profondeur<br />

D'esprit qui poudroie sa substance, poussière<br />

Également Ici demeure sur la fraction du<br />

Temps d'une parole à l'infini avec fragments<br />

Scintillements avec<br />

Ici fractionné cherchant une<br />

Clarté, suspendu en soi momentané de vol,<br />

Parole fuyante, parole placée au plus juste<br />

De sa pensée, en tous points perceptible, et<br />

Froissée, recomposée<br />

Ici phrase tournée avec relief<br />

Plus haut, pénétrant son centre, indice de saveur,<br />

Murmure de souffle pour accéder au paroxysme<br />

Et d'insister toujours<br />

Ici, certes avec médiocrité<br />

D'applications, avec déceptions, avec espoirs<br />

D'aller outre pour ajouter toutefois<br />

1446


L'éclat de sa beauté<br />

Elle, et l'éclat de sa beauté, déjà basse<br />

Et encore entrouverte, à l'instant de jouir<br />

Avec soleil, champ visuel amoureux que nulle<br />

Pudeur défend...<br />

Le plaisir demeure dans une plénitude<br />

Que je dénude. Je recompose ma pensée sous<br />

Cette architecture de femme, façade et<br />

Corps de bâtiment avec le même souffle qu'autrefois.<br />

Son étendue endormie - le fond du jour l'embrasse,<br />

Parvenu à ses pieds l'air frais la caresse, et moi<br />

J'interprète ces courbes et ces formes, je spécule<br />

Sur la mémoire sensuelle laissée après les débats,<br />

Je réorganise l'appel de sa chair, je conçois<br />

La raison de cette chevelure floue, j'attends le miracle<br />

Du génie sexuel féminin qui s'illumine tout à coup.<br />

1447


En avant de soi<br />

Déviances<br />

Jusqu'à ce fluide libérateur solidifiant les éclats<br />

Déplaçant les vertiges en avant de soi<br />

Là où il s'interrompt, je me rejoins<br />

Plus haut, en arrêt sur le souffle<br />

Voltige et se heurtant au vent<br />

Les spasmes en saccades se fracassent<br />

Suivant la trace, vers l’inertie<br />

D'autres flammes s'immobilisent, encerclent<br />

La poussière, élaborent de nouvelles sculptures<br />

La pensée s'éblouit, je fais corps avec elle<br />

Ce qui me sépare le pied poudreux<br />

Le feu envahissant ma chair, de retour il m'emporte<br />

Hors de nous, enveloppés, il nous effleure<br />

Quand nous cherchons désespérément à rafraîchir<br />

1448


Demeurée au plus haut<br />

Demeurée au plus haut par l'esprit qui inspire<br />

Paroles se justifiant dans l'âme supérieure<br />

Élevée, endormie, conçue par le génie<br />

Sous le silence la fraîcheur de l'exil<br />

...Pour un nouveau poème<br />

Ensorcelée, traversée,<br />

Elle est à naître ~ blancheur qui se défend<br />

D'accéder à sa source ~ poussières d'or dansant<br />

Sur le feu du désir<br />

Le vise est à retenir, il se<br />

Prétend à l'intérieur. Que reste-t-il à<br />

Trouver qui scintille toutefois ? Une paroi<br />

Poudreuse suintant quelques transpirations<br />

Incomprises<br />

Respire dans l'entrevue, imite le<br />

Vertige, nourris-toi de candeurs dans l'absolu du ciel.<br />

La ligne inanimée invente un avenir à poursuivre<br />

1449


Jets and sprits<br />

Jets et sprits dans l'espace-mien. Toujours<br />

En soi. Si cela est penser, je fluidifie mes<br />

Mouvances, j'éclaircis mon Temple. Mais pourquoi ?<br />

Est-ce matrice cérébrale à produire ? Lancées<br />

De l'intelligence ? Il faut dans l'épaisseur, par<br />

Le travers disparaître et aller. Le profond avec<br />

Insistance, dans le temps, calculable, réfléchi.<br />

Encore la nuit. Ce qui importe. Les souffles précédant<br />

L'étendue à survoler. Le Moi veut disparaître<br />

Pour un autre moi : là-quel-monde-à-remplir ? Pour<br />

Encore se rejoindre. Une nouvelle errance et la raison<br />

Perdue. La relation avec la conscience. Ta cendre et<br />

Ta poussière. L'inutile à découvrir peut-être. Les<br />

Froids tirant sur le rien qui d'un trait se refusent.<br />

1450


Les enchaînés<br />

Toi, trace élégante, toi, silhouette dans<br />

Mes voyages nocturnes, nous marchions mot-à-<br />

Mot - j'enjambais tes écarts. Lourd était<br />

Mon corps mais tu m'accompagnais. Dans les<br />

Profondeurs amères des gouffres, je te plongeais,<br />

Je te ressuscitais au-delà de mes eaux. Ta<br />

Danse, tes charmes, par-dessus les chemins, tou-<br />

Jours claire, tu m'invitais à te poursuivre, à<br />

Déplacer ta chair pour combler mes nuits et mes<br />

Néants. Moi, le dépravé dans l'extravagance,<br />

Égarant ta beauté coiffée de lanières bleues,<br />

Nourri ou expulsant ses paroles fangeuses, je<br />

Poursuivais ce parcours de l'invraisemblance, croyant<br />

À notre liberté, avec la fuite impossible des enchaînés.<br />

1451


Élabore toutefois<br />

Élabore près de tes syllabes noires ; dans<br />

L'ombre du poème, se conçoit ce pur échafaudage<br />

De pensées invisibles ; des fluides d'écriture<br />

Circulent dans ton âme désuète. Du phosphore<br />

Pour capturer l'instant. Tu pleures dru sous tes<br />

Hallages impossibles. Une avec ses seins t'envoie<br />

Des messages sexuels. A coups de reins répétés,<br />

La semence se répand. Si dense, profondément<br />

Expulsé - rencontre et capture. Toi, l'écoeuré<br />

Bavant encore tes jets nocturnes, qu'inventes-tu ?<br />

Que prétends-tu ? Rien que de la mélasse insi-<br />

Gnifiante. Agrandis ton gouffre, plonge dans<br />

Ton Néant aberrant.<br />

- Le tien, le monde, a surgi<br />

De rien. Grandis pour des horizons purs et aériens.<br />

1452


a<br />

Nuanciers de filaments, raretés en balance, qui déploient leurs subtils<br />

scintillements dans l'opacité du jour - attends, attends : la folie veut être là pour<br />

propager son doute et dormir sous ses éclats.<br />

Vaporeuse est ta nuit. Tu l'espères sensuelle pour parfaire tes desseins. Embrigadetoi<br />

et va de doux aboiements en crissements impossibles.<br />

b<br />

Petites rafales venimeuses entrecroisées avec éboulements et sources liquéfiées.<br />

Aléas incertains agrémentés de fiels et d'applications obscures. Et toutes ces<br />

paroles entendues, sous-entendues, pour qui ? Tu prêches à merveille dans l'oraison<br />

volatile pour qu'apparaisse enfin l'Idea pure, éblouissement dans ton silence<br />

solennel.<br />

c<br />

Vampe tes chimères, dévale tes audaces. Pour l'énergie appelée, certifie ton vrai.<br />

Oui, prouve-le.<br />

Les substitutions : des machines mentales accordées à ton principe.<br />

1453


A<br />

Fais-moi rêver de quelque idiome rare, exploité dans l'absurde, pour nul vent<br />

mensonger, de fluidité exquise émanée du hasard pour nourrir ton écrit. Car là tu es<br />

à espérer ballottant la folie dans ta mer intérieure. De tirets en tirets, tu pousses des<br />

mots, amorçant quelque espoir vaguement impossible.<br />

B<br />

Déplacer l'engouement pour des secteurs intérieurs. Apparences qui enflent à l'abri<br />

des acquis. Oui, ces bribes infinies produiront un ouvrage nouveau. Instabilitésmiennes<br />

frémissant sur mes lèvres, quel poème se laissera concevoir ? Toujours<br />

l'obscur, mais quels scintillements ?<br />

C<br />

Avançant d'impossibles hypothèses, subissant tout cercle lumineux - gouttes,<br />

scintillements - c'est obscur - à inventer, pour plaire, à qui ? Changeant l'être,<br />

quelle cible visée ?<br />

D<br />

Tes chimies, tes facéties - toutes ces audaces verbales, et ta chair palpitant des<br />

oraisons grasses ? Pour qui ? Toi l'instable exploitant de stupides candeurs,<br />

1454


implose, implose - défenestre-toi, projette-toi dans le vide - tu trouveras.<br />

1455


L'éclat de sa beauté<br />

Elle, l'éclat de sa beauté, la tête impériale<br />

sertie de diadèmes<br />

Cette pensée qui s'ouvre, intelligence caressée<br />

par la brise<br />

La route fuyante, déjà basse s'approfondit<br />

toutefois là-bas<br />

Le mur inventé explose en lambris - ce qui<br />

me sépare de l'autre mur<br />

Le soleil de poussière et ses soupirs piétinés<br />

et froids - moi-même dans l'anéantissement<br />

de la nuit qui roule<br />

La lumière respirée en un souffle jusqu'à la<br />

somnolence de nos âmes<br />

J'ai couru, tu avais disparu - et l'avancée encore<br />

qui m'assaillit jusqu'en mon désespoir<br />

1456


Sans m'atteindre, sur le sol haineux, une foulée<br />

douce encore à l'imprévu<br />

Les chemins de silex habités par la solitude qui se tarit<br />

1457


Nuits obscures<br />

Des haines pourrissent, fascinées et tremblantes<br />

S'aiguisent en idioties de folies meurtrières<br />

Passées fleuries pourries en violences et douceurs<br />

Toutes ces roses qui vous fouettent la gueule<br />

Méchamment<br />

De chacun, en soi-même pour produire dans ses<br />

Nuits obscures<br />

Je me traîne vers l'impossible soucieux d'y découvrir<br />

Quelque trace intéressante<br />

La feuille se dérobe constamment<br />

Écriture vraie-illisible<br />

Esprit-syllabes en devenir peut-être<br />

Qu'as-tu à libérer de chagrin lumineux<br />

L'âme seule se déchire en soi-même<br />

1458


Sphère sublime et bleue<br />

Génie avec très tendre vocalité, pensé là<br />

En cristal endormi, émergeant peut-être<br />

Sous éclats de rayons - du moins gaze léger<br />

Oiseau-plume de senteurs évaporées, brodé<br />

D'attentions délicieuses en souffles aériens,<br />

En traces fines et claires.<br />

Sonne, sonne, sonne<br />

Le cristal qui te met en demeure d'exister. Ou<br />

Sors évanoui en lambeaux poétiques de rien.<br />

Les flux de lumière sont posés à tes pieds, les<br />

Degrés de la pureté t'appellent à la lente<br />

Remontée.<br />

La fixité de la neige, les blondeurs<br />

Irréelles qui dansent sur des images - encore<br />

Évanouies mais espérant un envol inconnu,<br />

Seras-tu sphère sublime, bleue et transparente à la fois ?<br />

1459


I<br />

Adonis pleure.<br />

Alors vint le vent. Les petites folies paresseuses que la blancheur défend. Au large<br />

de la mer qui les assemble.<br />

Quelques barrières à chaque fleur.<br />

Au-delà des labours quand une lumière descend.<br />

Se reposa quarante jours allant venant allant vers les méandres.<br />

Elle encore ouvrit la flamme, ouvrit.<br />

Penche-toi sur l'autel de la compassion, toi mandarin buvant ton écume. Aie de la<br />

puissance pour maîtriser ton ouvrage.<br />

II<br />

Que ma mort garde toute sa lucidité ! Ce petit bruit provient du noir. Plus loin, làbas<br />

c'est l'enfer. La nuit développe ses ombres exubérantes. Remplis-toi de savoir.<br />

Tu ne ressembles à nul humain. Ouvre-toi cette route. C'est le chemin de la<br />

connaissance.<br />

Les bêtes, elles sont abruties par tant de cycles de servitude. Les lampes sont<br />

comme des étincelles pour éclairer ton foyer nocturne.<br />

1460


As-tu mesuré la taille de cette porte ? La flamme rouge décide de l'immensité du<br />

Néant.<br />

III<br />

L'enfer repense rouge près d'Adonis. D'autres feux sillonnent de sinistres galères.<br />

Givres, blancheurs d'écume, petites lueurs : le contraste est saisissant !<br />

La femme là-bas semblant sourire est la dernière croyance - une Muse à pénétrer<br />

en tout endroit.<br />

IV<br />

Pour ta mesure, cette main te porte<br />

Toi blanche Muse ployant sous le joug de cent oliviers<br />

Telle est l'oeuvre du temps, tombant<br />

Aux claires branches en ramille éternelles<br />

Ai-je souci de quelque présence ?<br />

Léger le pas qui n'entame nul doute<br />

Et de planter au plus profond pour en extraire des sucs nourriciers<br />

Fixé, là<br />

1461


V<br />

La lumière dans le fond<br />

La lumière<br />

Puis splendeurs des splendeurs<br />

Que l'ensemble s'efforce de croître dans l'immense dédale intérieur !<br />

1462


À Paul Celan<br />

Pensées de prières, tu étais vert-de-gris<br />

Les tiennes - t'y rejoignant toujours<br />

À l'ami, à la mort : recrache toutes tes semences<br />

L'univers dévoré est petit entre nous<br />

Ton ombre se tient sous ton visage<br />

Inquiète et songeuse attendant le miracle<br />

Moi également,<br />

J'ai préféré la pierre aux mille couleurs<br />

Du bleu topaze à l'acacia étrange<br />

T'es-tu couché près de la fille à la lèvre perverse<br />

Les mers de lait encombraient ta noble tête<br />

L'écorché vif sait te parler de l'autre route aussi<br />

Je suis des décombres, des cadavres de haine<br />

Espérant dans l'au-delà te rejoindre peut-être<br />

1463


Gouffre d'or<br />

Gouffre d'or poussé en toi, au plus<br />

Profond est le silence ! Couronné dans la nuit,<br />

Tes seuls battements entre blasphèmes et prières<br />

Ce sont tes gémissements !<br />

Viens-t’en chez les filles et les putains<br />

Ranimer ton ardeur vulgaire : fondu en elles<br />

La force phallique est encore présage humain !<br />

Avec tes doigts englués de semence,<br />

Où sont les grands calices de ton ère messianique ?<br />

Les chemins sont bordés de tant de morts,<br />

La haine te poursuit constamment !<br />

Pense à Pétrarque, pense aux géants !<br />

Anime quelque peu ton potentiel intime,<br />

Finiront-ils peut-être par comprendre !<br />

1464


Étendu à présent<br />

La cervelle écartelée de part en part<br />

Gelée explosée sphère royale<br />

vint un homme<br />

D'autres formules obscurci dans ta nuit<br />

Comète locale déplacée dans le temps j'avance<br />

Salut au beffroi de la raison, salut !<br />

Sa mémoire l'éternise l'Univers en soi<br />

Le songe perdu dans le fil de la raison<br />

Profondeurs gâtées folies des métaphores<br />

La vérité est entrée cette nuit<br />

La lumière a tremblé clairvoyant, que dis-tu ?<br />

Oeil de loupe assez d'invisibles pour voir !<br />

Tu flottes dans tes airs nuit et sources pensées<br />

Te voilà enseveli endormi presque mort là<br />

Derniers restes : vapeurs, étincelles étendu à présent<br />

1465


A la Pollock<br />

Vers des contre-forces disgracieuses, et sois<br />

décalé en avalanches claires et sombres<br />

Dresse la trouée avec des nuages-foudres<br />

creusées sous des flèches rougeoyantes<br />

Répands la noire semence en égouttage puissant<br />

Ce sont des fluides entortillés qui se répandent<br />

sous des flammèches claires<br />

La plaque de lumière est jaune-or - tableau<br />

à la Pollock avec cicatrices enchevêtrées<br />

1466


Blessé-aiguillonné<br />

Blessé-aiguillonné, écoute la ta sinistre complainte<br />

Rêve de la lune, comme il faut, dans le ventre brûlant où tu te prélasses<br />

Les lances glissent en désordre jaune soufre dans la chair purifiée<br />

Le tout va à l'horloge - accélère le temps - sois le doyen du devenir<br />

Le front explose en mille saccades proposées - la rumeur est aiguë - dedans se<br />

creusent des flux d'or profondément brûlants<br />

Les flammes bondissent bleues, poussent crues et violent la mémoire<br />

Flottant de toi à moi, ivres d'ivresse et buvant abreuvés dans des délices, là étendus,<br />

passe de l'autre bord<br />

Les phrases assoiffées de crimes déploient des sens exaltés de rien, de non-vrai, de<br />

victimes invisibles - mais qui croire ?<br />

Poulie de sang, c'est encore après toi que je m'en retourne. Ca chante, n'est-ce pas ?<br />

- C'est la haine qui resplendit !<br />

1467


Je m'enfonce avec les fidèles - je crois en mon changement. Blessé-aiguillonné,<br />

qu'ai-je donc à espérer ?<br />

1468


D'après Dreaph de Pollock<br />

Ici là en profondeur bleue sombre pénétrant quelque invisible trou de béatitude ou<br />

de nouvelle connaissance, cherchant zone rectale de femme peut-être, du moins<br />

désireux de rentrer.<br />

Devant encore : ouate et blancheur, certitude de douceur, - quelconque assurance<br />

protectrice du vrai, du blanc - plume de soie agrémentée de légères touches jaunes<br />

ici comme se fondant sur de la neige<br />

Et quel futur là-bas, derrière - est-ce autre Néant ? Ces filaments blancs, est-ce<br />

invitation à l'expulsion de semence ? Qu'est-ce ?<br />

1469


Substances et Distances<br />

En lignes pensées<br />

Certes, oui - le vrai - écoulements de certitude en lignes pensées de<br />

petits soldats bien appliqués<br />

En subtils pointillés de peut-être, l'écriture se posera-t-elle là sur le<br />

rectangle vierge ?<br />

Ces minuscules tentatives abandonnées dans le Néant<br />

phosphorescent du Moi, phosphènes transubtantiels pour rien en vérité<br />

Occasions remises, poussées recto verso sur de très savants lignages<br />

qui glissent attachées par la main qui refuse ou accepte<br />

Pour toi, c'étaient des coups ratés que toutes ces propositions<br />

médiocres - il fallait refuser, raturer ou jeter -<br />

Poème-écriture de : pour qui ?<br />

J'ai délaissé, usé et fatigué sans espoir de progrès. Dernières jetées<br />

de sagesse tremblotante dans son désert intime !<br />

Haleines, souffles et frissons obsédants de peu pour féconder des<br />

1470


savoirs supérieurs : pourquoi pas !<br />

L'esprit plein de déception s'en retourne dans sa triste solitude<br />

intérieure sans même l'espoir d'un peut-être<br />

1471


La douceur azurée<br />

d'un été<br />

Où la douceur azurée d'être plus haut dans la brise claire et fuyante<br />

Douces douceurs d'extases suspendues en finitudes d'orgasmes<br />

D'un éternel jamais glorifie-toi, tu es ! Contemple tes dérives,<br />

décline en lassitude<br />

Vers l'évasement d'un ciel poudreux appelant le soir de quelque<br />

subtil murmure, voile tes pénombres - là, endors-toi<br />

Les sources jaillissent sonores, virginités belles et paresseuses<br />

Les limbes d'une beauté limpide s'essoufflent nuitamment. Elles<br />

s'essaient à transluire vers la pâle clarté<br />

D'évanouissement en évanouissement, des filles-ombres, des<br />

femmes-mousseline se nourrissent de vapeurs poreuses tout près, contre<br />

moi<br />

Ombre délivrée de la chair fangeuse, pieuse et suppliante, éveille-toi<br />

enfin et fais s'enfuir l'impossible paysage.<br />

1472


Oui, là éveille-toi<br />

1473


1<br />

Essences et apparences, et quelles<br />

Fuyant la vague morne profondément en soi<br />

L’être, balançant en non-être et déviances sans questionner son infini<br />

Vain centre crépusculaire en lassitudes inassouvies dans la mesure du<br />

déroulement tout en glissant<br />

Quel fameux bruissement d’ailes là-haut emporté par ce vent qui<br />

vivifie tandis qu’une plainte maladive semble encore supplier<br />

Les souffles frôlés s’élèvent insensiblement<br />

Ce qu’il croyait toujours évanoui dans l’ombre de son ombre, en<br />

poussières de lumière, en déchets entassés<br />

l’éther<br />

Et les présences émerveillées qui trament et retrament dans le sein de<br />

Combien encore de marches inutiles, de conquêtes limpides dans le<br />

foyer boréal du Moi !<br />

1474


Endormi sous le charme mensonger de quelque vaine idole et<br />

contemplant les astres parfaitement posés<br />

Je, et quelle fraîcheur claire éparpille mes pas, je léger d’hypnoses<br />

neigeuses, m’élevant encore, là et là-bas dans l’errance où je diverge<br />

immensément ~ elles, sont des féeries dansantes<br />

2<br />

vois : je me désespère<br />

L’impensable dans la sphère pure<br />

mille éclats éclairés de lune affaiblie<br />

s'émerveillant sur le diamant<br />

activant son souffle<br />

en abondance de rêves<br />

là s'y essayant encore<br />

pour le comble du désir<br />

1475


3<br />

qu s'étire vers de vaines directions entremêlées de spasmes<br />

suffocants, fuyant de pâles divagations inconnues<br />

et encore : pour quelles perspectives ?<br />

Finalement aveuglées là dans le tréfonds de l'âme<br />

sublimes oublis espérant malgré tout...<br />

1476


La vieille crécelle<br />

Faible, ensemencée de syntaxe radicale, fausse<br />

Où l'ignorance excelle - produit-bulle d'images<br />

Faciles à tire-larigot - en redondances encore<br />

Recommencées !<br />

Qui vient à percer ? - Mais non - rien !<br />

Tandis que bistre ou bigarrée, elle s'essaie à ses<br />

Poses. Là voilà ivre ou vieille crécelle<br />

Contemplant dans la glace son visage d'autrefois.<br />

Puis d'autres battements syncopés d'ici ou d'ailleurs<br />

Venus, à intégrer ou comprendre - car là est<br />

Le réel avenir - timbre, tintement ou<br />

Tintinnabulement nouveaux avec grasse grammaire<br />

Pour surseoir dans un au-delà littéraire inconnu<br />

Ou plonger dans l'entonnoir du vide et du néant.<br />

Chant du cygne ou renouveau à espérer ?<br />

1477


Herbes-Madames<br />

Aubes, herbes-Madames en petits tas<br />

d'échancrures oubliées<br />

vulgaires<br />

Dans le doute affligé, je discerne un espoir de couleurs âcres et<br />

- des couleurs pourtant<br />

sinueuses<br />

Apprends-moi, apprends-moi à recourir au guet-apens dans les<br />

plaies des immondices<br />

Je te propose un amoncellement de coquillages clinquants très<br />

vite assombris avec ces sur-enchevêtrements<br />

Là oui encore des trahisons, des meurtres répétés, des crues<br />

démoniaques - (il fallait s'y attendre) mais l'idée restante est celle de la<br />

foi<br />

A présent développe-toi, croîs en rapaces, croîs en dents acérées -<br />

alors l'aube pure, idéale de transparence naîtra de ta quête impossible,<br />

audacieuse - impossible vraie toutefois<br />

1478


Autre lune<br />

Cette lumiè blanchâtre encore<br />

À l'aube de lune au-dessus des volcans<br />

Qui claire et mousse s’affaisse lentement<br />

Et s'esquive apaisée et là se consume<br />

Belle de marbre, alanguie pour aller gémir<br />

En poses se déplace et doucement s'incline<br />

Ceux qui prétendent que l'ambigu flou<br />

Est préférable s'y irisent et concluent<br />

Encore à l'effet acceptable - ceux qui.<br />

Mais toi tu m'enseignas l'Éther, en guide.<br />

Élève, j'ai glorifié le Maître, et j'ai<br />

- Suprématie admirable - arraché les cris<br />

À la destinée humaine, appelant le Divin<br />

À m'aimer pour me mieux faire paraître.<br />

1479


Conseils<br />

Mais lui traquait dans des scories horribles<br />

Au printemps, en été attaquait, attaquait<br />

Très efficaces - ces puanteurs fielleuses regorgeant de sang<br />

Vérités-mensonges dans des échos perdus<br />

Plus jamais en soi dépouillés avec amour maléfique - jouis,<br />

initie-toi aux audaces putrides<br />

Même si ce salopard de rossignol merdeux jète ses vocalises à la<br />

gueule hideuse des humains<br />

Rencontre qui tu veux - d'ailleurs il est là - ne défonce pas -<br />

contre la crémaillère, il semble hideux<br />

Additionne ses charades - découvre-toi un titre - sois sobre enfin.<br />

l'excès<br />

Descendez ! Descendez ! Menez la corde jusqu'au sol<br />

Et déjà s'implantent les paroles capiteuses dans les holas de<br />

Please, plize ! (Si tu veux, Andrea)<br />

Et ma pensée polychevauchant les idéales suédoises ou les<br />

brunes abricot ? Est-ce à rire ?<br />

Barbouillis de sexes éclaboussés qui ne savent comment entrer.<br />

1480


Jouis, initie-toi à l'élite crémeuse - deviens un toi-même crucifié<br />

et sucé à demi - merci<br />

Toute brûlée par les transferts de guano, évasive dans les<br />

interdits - là voilà qui aboie invoquant le nombre d'or et les attributs des<br />

chats décadents<br />

Remonteras-tu des profondeurs de l'inconscient ? Produiras-tu<br />

des phrases sensuelles ou sexuelles dépourvues de vice et d'odeur ? Tu<br />

vois, je te quémande des impossibles. Je glose dans ces infâmes à<br />

oublier. En vérité, j'espère.<br />

1481


Les fluidités exquises<br />

Il s'agit de fluidités exquises spontanément inviolables, auréolées de<br />

gloire, fortuites pourtant - les personnages sont nus sous des tréteaux et<br />

la foule rit à intervalles réguliers -<br />

J'observe les longues sérénades et je ris bêtement, - je ris encore -<br />

j'imite la foule.<br />

Qu'est-ce à dire que tous ces abandons de chairs - que toutes ces<br />

promenades en long et en large ?<br />

L'ensemble est guindé toutefois, et la lumière crue vacille sur les<br />

corps - elle semble les lécher nuitamment.<br />

Dans les situations folles, je fais trébucher des marches - j'invite<br />

d'autres créatures - je suis peut-être cet inconnu passant sa langue sur des<br />

rebords étroits. Ma lassitude m'en veut déjà.<br />

Ô beautés ! Ô créatures magiques ! Les divers ébats sont de<br />

lumineuses plaies - mes intentions sont des jouissances !<br />

En tourbillons exquis de lavandes claires, la pensée s'exile sur le sol<br />

infertile et la vérité précoce retrousse ses lèvres pour recueillir les soies<br />

et les poussières à jamais inconnues.<br />

1482


Cette beauté resplendissante d'automne, est-elle matinée pure ? - Je<br />

vous salue, vrai corps - et harpe davidique je mêle mes chants à vos<br />

sublimes sensualités.<br />

Celle-ci vit renfermée - aurai-je le temps de la jouissance et de la<br />

gloire - aurai-je ?<br />

Tant pénétrées dans leurs immenses amandes rousses ou jaunes.<br />

Oui, elles se tournent vers moi.<br />

1483


Éros<br />

De on plaisir qui est de gémir en permanence<br />

Beautés soumises ou diablesses<br />

Ce qu'il faut de philtres et d'orgasme, de fantasmes et de fouets, de<br />

soumissions et de jouissances pour assouvir le Moi parfait<br />

Je me détruis à genoux sur vos cuisses, épuisé dans vos chairs,<br />

léchant les arrières, léchant<br />

Au plus sombre, oui là dans les infinis, baisant les plaies de la<br />

femme en présence de bien-être lascif<br />

Tempête de corps et d'abîme, plongeant dans les sens pour des<br />

clameurs érotiques et de suppliques en soi<br />

Étouffements, ravissements divins sous la conscience avec la butée,<br />

en murmures plaintifs, elle de se donner, elle avec l'ivresse pour le coma<br />

sexuel ~ en<br />

Dans la volupté inconsciente de se dire : ne suis-je que poulain<br />

sevré, elle noueuse et sensuelle et de bras qui s'étendent sur des voiles<br />

1484


nocturnes de soupirs ?<br />

Finira-t-elle au plus profond dans la douceur secrète par mourir<br />

autrement ?<br />

Ta chair m’obsède immensément en toi<br />

C'est du Mozart dit-il dans le chaos de l’hallucination dernière -<br />

délivre-moi au baiser de tes lèvres avec courroies et sangles - mais<br />

qu'est-ce ? Désirs inconnus ? - Qu'est-ce ?<br />

Oui, le parfum de tes seins - en temple de splendeur - seul de<br />

connaître la douceur et la beauté de tes mains claires - je viens vers toi<br />

En mille abordages de transport avec finitude amoureuse déplacée<br />

Vers les cuisses et l'hymen de cette catin endiablée ou en pucelle<br />

d'écolière - en retenue explosive de vice et d'excréments - ô toi ma<br />

lubrique chimérique, m'aimes-tu toutefois ?<br />

1485


Les vertiges<br />

À l'intérieur sont les vertiges<br />

Et cette fille, plus qu'un corps interne<br />

En jouissances de dilatations -<br />

Des ouvertures avec parois épaisses,<br />

Humides et de beaux mamelons souples<br />

La consistance, et cette couleur qu'intimement<br />

Je pénètre - plaqué contre des lointains de phosphore,<br />

J'y pense quelque peu.<br />

Nuit royale et bleue où l'infini est mal inspiré, j'y cueille des<br />

impressions de femelles<br />

en positions pyramidales, proposées à l'envers - belles heures dans<br />

le luxe de mon consentement.<br />

La blonde nymphe invitée au partage de jouissance se tourne<br />

et se retourne - c'est vrai<br />

là appuyée sur les côtés, jouant son protocole pour les labeurs<br />

domestiques.<br />

Pourquoi doit-elle se frotter assidûment en trente-six statues<br />

1486


déifiées ? - Pourquoi ? Avec<br />

la nudité dans les feuillus vers cet impossible savoureux.<br />

Fouette ces déesses avec moult accessoires pour le plaisir de<br />

voir irriguer entre tes mains<br />

des vulves de fournaise qui couleront leur sang bleu comme des<br />

chaleurs d'extase.<br />

Qui s'allonge, s'allonge contre l'ennui des choses avec cette<br />

progression d'enchaînements<br />

Sensuels et sexuels jusqu'au Fini de la mort vers l'éblouissement du<br />

néant.<br />

Elle, de s'élargir en sa somptueuse chevelure,<br />

Elle, léchant les gouttes précieuses,<br />

dans mon désert ~ avec concupiscence, si gourmande et moi<br />

dormant à l'échéance du repu.<br />

De douceur, comment l'aider sans bousculade ; si bien<br />

pensant sur des flotteurs -<br />

avec nuance de mots adorables ?<br />

Elle, de gémir d'aise.<br />

1487


Si bleue et telle<br />

ses rêves illusoires.<br />

Si bleue et telle, la bouche ouverte et suppliante, elle berce<br />

Chairs qui suintent et ruissellent des sécrétions amoureuses<br />

- chairs - inlassablement<br />

accouplées avec silhouettes humides qui nous observent là dans<br />

l'ombre.<br />

Avidité pour la turgescence de mon sexe avec consistance<br />

et odeurs lourdes et chaudes.<br />

Groupes d'hommes et de femmes en position, au couchant<br />

et les plus belles pour des nuits de consentement.<br />

fouetter la gueule.<br />

La sublime nymphe prise et reprise - tu as bien fait de lui<br />

Elle oui, en figurine de jouissance, en nudité, liée, soumise<br />

à des domestiques - je te retrouverai,<br />

tu es admirable, perverse pour le réalisme sexuel.<br />

Sois infiniment délicate et slag avec le stick ces putains de<br />

1488


statues vicieuses qui nous observent<br />

en se branlant frénétiquement.<br />

Avec influence subtile et masochiste, encombrée de ces<br />

grands accessoires - fentes et chaleurs -<br />

tu deviens, c'est chevelure, qui s'étreignent à deux ou à quatre.<br />

Que les corps sont beaux en vaines possibilités interdites !<br />

À ton extrémité, le vit - et toi enclose en toi-même, j'ai pu<br />

te deviner, asservie en plaisirs<br />

audacieux - voici ton luxe !<br />

Et telle autre, grande, fouettée au galop - de me suivre<br />

dans des orgasmes déviés - je la dirige -<br />

temps légers - secousses - j'explose !<br />

1489


Premier livre des rois<br />

Vieillesse de David<br />

1 1 Le roi David était vieux, avancé en âge.<br />

On le couvrait d’habits sans qu’il se réchauffait.<br />

2 Ses serviteurs lui dirent : “ Qu’on cherche pour<br />

mon seigneur<br />

Le roi, une jeune fille vierge, qu’elle se tienne en<br />

présence<br />

Du roi et qu’elle devienne sa gouvernante ! Alors<br />

Elle couchera sur ton sein, mon seigneur le roi<br />

Sera réchauffé. ”<br />

3 Et dans tout le territoire<br />

D’Israël, on chercha donc une belle jeune vierge<br />

Ainsi l’on trouva Abisag, la Suramite,<br />

Qu’on amena au roi. 4 La jeune fille était<br />

Extrêmement belle, elle devint la gouvernante<br />

Du roi, elle fut à son service, le roi ne la<br />

Connut pas.<br />

Le vieux David<br />

1490


Jeune fille, tu mêles à ma saveur une goutte de sperme d'Adam.<br />

Vieux, je suis, vieux je suis exténué subissant jour après jour,<br />

subissant les offrandes de ma bouche.<br />

Mon visage se défait mois après mois. Les cris. Les affres. Les<br />

jouissances pour ces attouchements<br />

~ puis la nausée car j'inventais - et je t'ai prise à rebours déchaussant<br />

mes pieds fébriles vers tes tétons érectés.<br />

Le coq du désir carillonnait encore - moi nu et dénué, demeurant en<br />

plomb, je m'exhibais encore<br />

- j'ai fait grincer ta grande tête blonde...<br />

Je te parle de sommeil et te supplie de venir gémir avec moi.<br />

M'entends-tu - dis-moi ? Et toi, jeune fille,<br />

La dernière fraîcheur, la dernière beauté - car après, que sera-ce ? - Un<br />

imaginaire de fortune, un retour au passé ?<br />

Va vers tant d'hommes - je m'épuise et meurs à présent - et meurs à<br />

présent... Oui, grande tête de beauté claire.<br />

1491


Autre obscur<br />

Pour que gémisse dans ton obscur, pour que soit sublime ton obscur<br />

avec viens dans la plus sombre, avec belles luxuriances, avec langues et<br />

de s'élancer-en,<br />

Avec glissades d'herbes douces, avec bouton, de se mouiller, avec<br />

doigts et mains jamais lasses<br />

- oui, très doux excès de se mouiller vers le séant, de s'enchaîner au<br />

plus profond avec plaisir de faveur prolongé en raffinement de parfums<br />

~<br />

Langue tu te délectes, langue tu te rassasies et bois encore<br />

goulûment à la chair intime, et gland, et gland de "L'aime-trop", "<br />

L'aime-encore", " Allongé " - à se désorienter dans les cavités, fornique<br />

et plais<br />

Là de s'exalter en humide, en exhumations de plaisirs pour<br />

l'évanouissement accompli,<br />

sois belle et tendrement obscure, sombre de délires dans la chair<br />

sublimée.<br />

1492


Valdingué, titubant<br />

Toujours plus pensées et blessantes, qui se veut sur le couchant avec<br />

l'intensité du délire, violées dans l'ombre, oui, avec des interdits. Et ces<br />

éblouissements impossibles - ces soifs et ces rages ? - Pour qui ?<br />

Elle - de se sublimer - introvertie mais jouissant sur le marbre avec<br />

clitoris et anus -avec jambes écartées pour l'apothéose et l'extase - pour...<br />

Encore dans l'Etre avec myriades éclaboussées de soumissions très<br />

fougueuses. Les rouges et les violets en floraisons multiples, en couleurs<br />

violentes - en ténèbres de honte et de scandale.<br />

Jusqu'où seras-tu gémir ?<br />

Je reviendrai dans ces villes gémissant d'en bas - espérant des<br />

transfuges irréels avec perceptions de nuages -déjà-gloire-de-parti-où-jefus.<br />

Telle est ma tentation. Moi, oui, répugnant, rejetant ma maîtresse<br />

par ma haine inassouvi.<br />

En concupiscence, avec vertes moissons, plongeant dans les ports -<br />

je comprenais par intuition. Mais ces cieux disloqués étaient mauvais<br />

présages.<br />

1493


Gloire, entends-tu avec ces singularités ridicules qui se prévalent d'être ?<br />

Irréfléchi - m'en croire exclus de ce drame ! Hors saison la pensée<br />

flambloie encore.<br />

1494


Araignées-reines<br />

Vous m'avez sublimé - de se donner dans l'aube - pour la fuite<br />

incessante de vos orgasmes nus. Ors, sécheresses et nocturnes infidélités<br />

d'araignées-reines succombant dans vos bras.<br />

Ô feu ! Ô fraichissime équilibre de lumière crue dans les<br />

contreverses de la jouissance et de l'interdit !<br />

Mais le tout est à balayer - je vois : cercles profonds ou légers<br />

s'évertuer à naître.<br />

Apprends-moi ! Apprends-moi toutes ces feintises en luxures<br />

cérébrales pour des potentialités hors-limites.<br />

Ou encore avec scintillements, en circonférence, infusés en moi, -<br />

j'ai grincements narcissiques.<br />

Mais vous - est-ce lumineux avec intuitions intellectuelles ? - Tout<br />

en demeurant vide, votre aura conçoit !...<br />

Sous l'ombre ! Sous l'ombre dans le-comprendre - dans laconnaissance<br />

sans l'aveuglé - oui, moi l'excès, moi l'a-peu-près<br />

invoquant l'impossible,<br />

1495


Je plonge dans mon Néant - lumière et infini - j'apprends puis<br />

prétends au plus fécond. Mais qu'est-ce ? Quel tourbillon d'extase en<br />

dénué offert ? Pour quelle splendeur ?<br />

- Répondez-moi.<br />

1496


Autre douleur<br />

La douleur te submerge. Qu'est-elle pour toi ? - Elle est<br />

profondément suave.<br />

Restes, traces, violence, aiguillons profondément enfoncés dans la<br />

chair avec souffrance - hurlements, hurlements sans répits et silence des<br />

autorités divines - silences éternels. Le rouage mécanique qui dit : oui.<br />

Flaques de sang, et là le vide. L'irréparable.<br />

Quelques-uns crucifiés, fouettés, hurlant - très belle figure de<br />

l'horreur s'esclaffe le Mal. Quasi-nus avec mémoire de cette prison.<br />

Victimes et bourreaux - le gardien reconnaît-il le prisonnier ? Je te dédie<br />

encore toutes les atrocités décrites. Et ces innocents qui subsistent et<br />

quémandent la fin de l'immense injustice. Libère. Libère-les enfin. Ceci<br />

est de trop. Ceci ne sert à rien.<br />

Les aberrantes confessions extorquées - mais la torture, est-elle un<br />

problème ? - Il me faut des aveux - les interrogatoires systématiques -<br />

les -La violente pression glorifiée par la sauvagerie physique avec le<br />

vice maniaque apporté au corps. Tout ceci est délire et excès, n'est-ce<br />

pas ? Que folie exubérante de l'imagination ?<br />

Qui sera condamné ? Qui ? Pour aucune torture, n'est-ce pas ? - car<br />

1497


il faut céder. Oui s'acharner et extorquer pour obtenir. Les bourreaux<br />

seront-ils<br />

à la barre ? Seront-ils jugés ?- Qui les animait ? Qui était coupable ?<br />

Qui était l'exécuteur ?<br />

Regarde les prisonniers. Quel est ton sentiment ?<br />

1498


Mystique<br />

Hors lieu en moi suppose ; espère et décline - car rien de vrai ne me<br />

paraît possible.<br />

à l'âme.<br />

Les bégaiements les plus subtils ne sont que de purs efforts inutiles<br />

Je ne possède que le printemps de mon orgasme et meurs<br />

doucement dans la bruyère de ma vérité.<br />

Toi, toi, es-tu délabré ? Je suis si faible - j'ai beau vociférer - ma<br />

plainte est incomprise.<br />

Et cette pluie fine de filles graciles qui plongent dans mon esprit, -<br />

vais-je pouvoir les satisfaire ?<br />

Dans cet amas de silence, les hosties vacillent nuitamment. Ô<br />

grandiose impuissance, quand vais-je pouvoir faire mugir les firmaments<br />

d'été ?<br />

Tout est souillé, renversé, ignoré - ici, le saint quémande et supplie<br />

une extase heureuse. Toi, malheur, tu élèves des porcs et les supplies de<br />

t'instruire.<br />

1499


L'on va d'ossuaires en ossuaires et de bravoure en peur ~ ce sont des<br />

morts qui gesticulent dans l'interdit.<br />

Accepte la clairière qui lentement s'offre et gémit d'extase - là est<br />

l'infini de ta condition.<br />

1500


Les somptuosités claires<br />

Puis étouffa en somptuosités claires - il fit naître. Sans trêve, - lui<br />

pour l'infini. Sinon interdite, pour le feu de l'innocence – du moins, elle<br />

vit. Oui, elle se protège en fresques imaginatives avec amants<br />

présomptueux. Parviendra-t-elle à tenir la distance ? Déroutante,<br />

dégoulinante, - de la poussière de soie sur son visage ! - Il faut préserver<br />

le secret.<br />

Etait. Je t'accompagne en vrai/faux. Avec tous les ors proposés en<br />

sécheresse de corps. Mais oui-va en possibilités fines d'audaces<br />

inadmissibles. Quel suspens ! Poussières, rouilles fuyant les obscénités.<br />

Tu vois, je meurs. Dans ta démesure, là égarée, élaguant les rêves - de<br />

jamais-avais-été et que-deviendras-tu. Mais tout cela est morbide.<br />

Avec silences éclaboussés d'orgasmes sanguinaires et ces nouvelles<br />

enchevêtrées faussement. Oui, moins pensées, enchevêtrées dans le<br />

plaisir, au-delà de la rime, dans les temps séculaires, tu convoites ce qui<br />

n'est plus. Tu vaques à tes fantaisies absurdes en sursauts qui plus jamais<br />

ne se font. Toute pensée pulvérisée échoit en vérité post mentale. À<br />

chacun de se le dire.<br />

Débraillé, insoupçonné en bonheur de chance - est-ce le fameux<br />

Vendredi saint de grâce et de miroirs - pour les fuir ? - Les mois<br />

1501


changent. Mais étais-je au monde ? Je me fragmentais en analyse<br />

superposable. La fureur m'invitait aux folies. Peut-être n'obtiendrais-je<br />

que du vice infecte ?<br />

1502


Le délétère s'évapore<br />

Au plus profond du Moi surgit ma transparence, idéal et désir de<br />

pureté - un Christ et une Vierge sont aspirés vers l'Au-Delà.<br />

J'attends dans l’ombre du miroir.<br />

Libérez-moi de tous mes sangs et excréments de ma dégénérescence<br />

sauvage !<br />

La main délaisse les limites de cette feuille car l'esprit s'échappe.<br />

Derrière les ombres dévore l'alignement obscur des signes.<br />

Faut-il se conformer à ces actes ou penser autrement que ces signes à<br />

produire ? Le geste est-il étroit ? - La pensée peut-elle aller outre ?<br />

Plonger là dans le vide au plus profond - je dois renverser la chute<br />

vers le léger.<br />

Dénué de toute forme, le délétère s’évapore et s'élève vers le baiser de<br />

l’être avant de retomber.<br />

Alors pour retourner la chute, que faut-il inventer ? Ce sont des<br />

espaces de pureté inouïe inclus les uns dans les autres. Même forme<br />

1503


pour l’ouvert à intégrer.<br />

Enveloppée en moi devient une substance. Au versant je dégage<br />

l'opprobre, je fuis les excréments. Que puis-je encore ?<br />

1504


Plonger jusqu'à l'extrême<br />

I<br />

Par une nuit avec l'inexistant, je fus perdu dans le vide<br />

Je plongeais infiniment et poursuivais ma chute sans tomber<br />

L'ultime but de toucher l'effondrement et sa hauteur ~ un moimême<br />

dans sa catastrophe de deuil qui tombe dans son espace de nuit ~<br />

au plus profond, ô sinistre pensée ! - Mais qu'importe ! C'est<br />

l'écoulement et sa fin - c'est ! Soudain glisse ! Et j'atteins le néant ~ je<br />

touche le zéro.<br />

Infiltre-toi dans la substance la plus subtile de l'être - conçois<br />

sur la lumière et fais jaillir la vérité.<br />

II<br />

Plonger dans sa forme sexuelle, la belle, la nouvelle pour<br />

satisfaire sa propre soif - et du négatif-rien comme un introverti faire<br />

exploser l'immensité de son intimité intense. Aller jusqu'au chaos de son<br />

orgasme et gémir dans cette source de plaisir.<br />

Qui doit condamner et pourquoi ?<br />

1505


Plonger là devant soi pour un exil intime, au plus profond<br />

d'une hauteur qui vacille.<br />

1506


Penser autrement<br />

Penser autrement. Le bleu lave de l'ennui. Avant le jour de la grande<br />

possibilité. De vous noyer sur les hanches qui tremblent. Je vous dis la<br />

vérité. Vous croyez-vous ?<br />

De nouveaux fragments viennent déverser leurs flots d'aberration. Je<br />

n'ose mais nous dormons ensemble. Quand tu sillonnes la nuit - la nuit -<br />

j'improvise - j'irrise - j'espère. Mais quel mélange ! Que puis-je espérer ?<br />

Je dévale dans l'oubli. As-tu cent façons pour tout retourner ? Les<br />

sanglots, et je crois mourir. Je ne t'ai pas notée. Je renvoie<br />

l'indisposition. Tu dénouais d'étranges manières dans des mouchoirs<br />

impossibles. Le même et le ciel se déploient. Je vais découper des<br />

tranches de bleu clair. Mes sommeils sont des orgasmes. La nuit est un<br />

idéal à atteindre.<br />

De plus, en tout temps. Je dévale et ai l'audace de te chevaucher. Je<br />

certifie le rouge vif. Ne plus. Ne plus. Avec un autrement. Et je te sais<br />

dans des cendres blanchâtres.<br />

Ne plus défaire l'impossible stupide. Allez outre dans les bagages -<br />

avec scintillements et noirs élancements. Oui, le bel échafaud. Et je crois<br />

déjà mourir. Et toujours ce ciel mat qui semble me contempler.<br />

1507


1508


Les espaces-miens audacieux<br />

Apprivoise l'interdit et renais de ton rire. Fuis - fuis la chute finie.<br />

J'invente une dictature mais c'est pour ton bien-être. Par petits fagots<br />

avec l'air édifiant...<br />

Oui, le contenu avec talon à l'équerre dans la chaleur de la serre...<br />

(Et cette danseuse perverse qui tout à coup offre sa croupe<br />

incendiaire?)<br />

Ma part dans l'Absolu s'affaisse désespérément. Il faut récuser<br />

l'improvisation pour égrener son Moi par l'imagination. Tout converge<br />

vers le Néant - l'idée est une utopie infinie - Incapable de sensibiliser des<br />

pouvoirs - sans ambition - je divague tout pêle-mêle.<br />

Cette mascarade de mioches est inadmissible...Moi qui transpirais<br />

quitte à fuir l'enfance. Et là dans mes vieux viscères jouant encore de<br />

l'harmonica, je me rappelle - je pense et jouis médiocrement.<br />

Tant de caresses pour ton corps affamé ! Quelle transparence ! Quelle<br />

nudité ! Femme, qu'importe ! Je t'entends gémir de l'intérieur.<br />

Je me précipite sur mon souffle. Pas de rumeur - qu'une évasion, à<br />

1509


l'horizon - et pour quelles ombres de poésie-mienne ? Me voilà en<br />

charpie, dénonçant tout étrange mélange. L'épuisement me reprend - je<br />

supplie et gémis<br />

Il y a le à-quoi-bon-tu-penses qui est une façon d'éloigner l'orgueil de<br />

la création pure. Tu vois, je divague et divague encore sur des espacesmiens<br />

audacieux. Mon désespoir semble s'éterniser infiniment.<br />

1510


Or et sanguine<br />

Convoite son galbe une pointe de sein de douceur de myrtille<br />

et l'autre plus belle encore qui l'embrasse, et veut se donner à ta chair<br />

érectée<br />

Oui, lèche lèche langues de velours de pourquoi pas à trois<br />

le plaisir y est meilleur pointes Béchamelle de titillements exquis<br />

Pénétrez-moi à fond je saurais gémir ou pleurer Fouettez !<br />

Pénétrez !<br />

Piétinez encore ! Or et sanguine Que vienne le feu de l'orgasme<br />

et de l'humiliation ! Se confondent l'asservissement de l'homme et les<br />

suppliques de la jouissance affligeante!<br />

Dans le fondu de nos chairs, gémissons encore.<br />

En charpie de blonde claire contre des étoiles incertaines<br />

dans l'incessante mastication du désir interdit Pourtant des fatigues<br />

immenses m'imposent à agoniser - à délaisser l'objet-culte, rare -<br />

implorant toutefois les chairs belles.<br />

Qui inflige contre des haleines infestées, des béatitudes intérieures ? -<br />

1511


Une aube grise déjà s'éveille et je commence à comprendre.<br />

1512


Stupide hypocrisie<br />

Je pense à vous, stupide hypocrisie de Moi à Moi<br />

Je balance sur un vieux Virgile tachant de croire encore en ma pureté<br />

J'exploite de nouvelles distances - je me fusille dans la haine, isolé -<br />

ceci est mon supplice.<br />

Encore eux se taisaient ! Dans l'assourdissante volonté perverse de<br />

l'esprit - je poursuivais mon écriture.<br />

Elle, déjà bavée, crachant encore ses sucs nouveaux - ensemençant<br />

une syntaxe évolutive pour des produits de baisers-bulles, elle chuinte<br />

encore.<br />

Et pour rêver la chimérique sur les fabuleux transports de sexes et de<br />

fièvres - elle gémit, gémit toujours.<br />

Filles, filles attroupées, venez bénéficier de l'exil sublime - venez<br />

m’amouracher pour des délires en fête. (Elles accusent mon audace,<br />

mais s'en viennent toutefois)<br />

Oui, dans l'art du sorcier avec gouttes féroces pour la procréation. Je<br />

t'enferme - tu m'envenimes avec tes mygales sanglantes.<br />

1513


Purge ton cul dans des tonsures de laide-reine, avec salopes<br />

débraillées en dépit de tout ange ~ voilà je l'orgre qui implore toutefois.<br />

Je réécris ton déficit - mon corps est un schéma déréglé - je minore ta<br />

vulgarité de fille-lesbienne mais je t'aime encore.<br />

Voilà tes viscères et nos idées ~ moi, le plus fameux à la ronde,<br />

exploitant des gestuelles d'audaces poétiques !<br />

Zping ! Et commencent les pollens de pureté sur des toiles blanches<br />

pour produire de belles écritures sereines !<br />

1514


Les possibilités mutantes<br />

Disparaît cette transparence en forme désuète<br />

De silence - sans ruptures ni chutes,<br />

Face au cristal qui s'est fait ombre, prétend<br />

Roberto Juarroz. L'asphyxie est moins<br />

Suprenante. La beauté claire se mêle au<br />

Ténèbres.<br />

L'éveil bouleverse toute ombre,<br />

Il se peut que nul ne fende l'Inconnu à percevoir.<br />

Des courants sont comme des fluides qui se répandent<br />

Nuitamment.<br />

L'Être toujours en contraire d'idées<br />

Subit des signes arrogants dans sa vision pensante.<br />

C'est le poids d'une rose qui mugit au fond<br />

De lui.<br />

Il n'y a plus de vérité, - tout plonge<br />

Dans le vide. Là, les filigranes flottant<br />

Qui se mélangent aux choses sont des possibilités mutantes.<br />

1515


Ô habiter<br />

Ô habiter dans le profond du dense en prévision de pensées à<br />

entrevoir, et c'est abandon de présence ! - Abandon pur qui se défait en<br />

murmurer...<br />

- Et là c'est une froide escorte qui crie vers l'Azur. (Personne -<br />

personne n'y croit - nul ne gémit)<br />

Oui, elles dépouillées, assombries, suppliantes toutefois - en douces<br />

cruautés de jouir et d'aimer.<br />

Lèche-moi - lèche-moi encore en saveurs reniflées dans les trous à<br />

aimer - ceci est une belle perversion !<br />

Prends le verbe<br />

1516


Prends le verbe ô avec entéléchies de noires ténèbres - et prétends<br />

t'éveiller avec le sang - de médium à flots de lamelles- sur le torsk - le<br />

verbe est rare.<br />

Soupèse. Erecte. Ce sont des frissons nerveux.<br />

Dans l'ordre des couleurs, tu es à plaindre - de hâte en hâte, souffle<br />

encore. Oui, dénonce.<br />

Tu veux la fusion de deux êtres. On est sur le bord sombre avec<br />

sursauts sporadiques. Ou délires sexuels inconnus - à voir - (Enfin! Libre<br />

le vice!)<br />

Oui, le sentiment des choses et de pleurer jusqu'à ma stupide<br />

demeure. C'est une légitimité plaignante.<br />

Mais qui me comprendra ? Qui m'aimera ?<br />

Je vais finir squelette fouetté contre le feu suppliant auprès de ces<br />

garces de filles un orgasme de souffrance pour mieux gémir encore.<br />

1517


La lumière et le vent<br />

Nous préférons ne pas avoir été dans la lumière - nous préférons<br />

être dans le vent.<br />

Les contrastes se rapprochent - nous allumons des ombres - ceci est<br />

le chemin principal.<br />

Mais nul orage ne s'y oppose - l'ombre est à saisir et peut se<br />

prévaloir d'exister.<br />

Vivre - mourir - jouir - souffrir - ceci est de trop. Moi, je conçois<br />

dans un cauchemar, et mes folies sont des manoeuvres de plaisir. Ainsi<br />

j'admets ma vie.<br />

Mais dans les labyrinthes de l'interdit, parviendrons-nous à trouver<br />

quelque message de la marque du temps ? - Les signes sont vides et se<br />

déploient dans l'espace.<br />

Nulle sortie, hélas. Il se peut que chacun ait sa réponse. A moins de<br />

plonger dans le noir abîme - de l'interface à l'Univers - j'y suis Ceci est<br />

folie et fantasme ! Qu'ai-je dans mon Néant ?<br />

Ombres ? - Avec variabilités incomprises - avec chaos cérébral de<br />

l'infini compris-de-rien ,ou mouvements de l'intelligence qui se<br />

1518


déploient et sèment des pensers nouveaux ?<br />

J'invoque l'ombre et supplie la lumière. Mais caché dans l'infini sans<br />

fin, que vais-je espérer ?<br />

1519


L'immense muet de l'Inconscient<br />

La transparence disparaît et laisse place au silence - belle chute de<br />

cristal clair pour de nouveaux yeux bleus.<br />

Tu seras peut-être plus prêt des choses comprenant les signes et la<br />

transposition, les courants et les subtilités croisés intelligemment.<br />

L'Etre est toujours le contraire de ses idées - la configuration<br />

nouvelle le détruit. Futurs fragments, fleurs qui flétrissent, pure façon de<br />

raisonner.<br />

Il y a cette plongée dans le noir céleste - la pensée s'y répand<br />

effrayamment - absolus, grands absolus, choses mêlées avec filaments<br />

dérivés et flottants, abandons dépouillés - qui peut savoir ? L'âme est<br />

poussée vers le désespoir, vers l'ombre inconnue. Le vide est à aimer.<br />

Poursuivre. Poursuivre. Continuer. Les paroles s'épuisent. Oui,<br />

poursuivre et se taire. La porte du néant est fermée.<br />

Mais à l'intérieur, il y a autre chose à vivre. Dans les élans<br />

successifs, vivre est une nouvelle alternative. C'est encore la beauté et la<br />

transparence qui explosent ici !<br />

1520


Enfin tout se pense dans l'immense muet de l'Inconscient...<br />

1521


Dans l'infini-en<br />

Je plonge là devant moi dans le non-sens - ou je me retourne,<br />

cervelle renversée - à l'agonie et finissant, plongeant toutefois.<br />

Commence par te craindre. Apprends à te méconnaître. Absence de toi<br />

comme si tu étais l'Autre. Visite-toi dans la nuit pour de nouvelles<br />

perceptions !<br />

Ce que je cherche : le vent ou l'idée - à poursuivre - délibérément -<br />

ou tomber dans l'illusion nouvelle pour trouver quelque chose. D'autres<br />

formes apparaissent dans ta nuit claire. Je me nourris de ton absence.<br />

J'élude le vrai où s'achèvent tes pas. As-tu vu entre tes mains s'éveiller le<br />

regard ?<br />

La pensée se déplace et accède aux espaces célestes - ces fous<br />

démantèlent la raison. Il faut émettre de nouveaux sons dans l'univers<br />

fantomatique de l'aberrant. C'est un autre miroir où le temps et la logique<br />

se déploient différemment.<br />

Le bel éphémère accompagné de l'abyssale impossibilité ~ toute<br />

nouvelle vérité doit être supposée auparavant. Poursuis cette idée en exil<br />

de vent comme une pensée incertaine dans l'illusion ou l'expectative. Le<br />

non-vrai se déploie désespérément pour donner raison à une bouture de<br />

vérité. Laisse - laisse croître encore l'idée de l'être, l'exil de la<br />

1522


connaissance s'apaise là - en toute ignorance de réalité future.<br />

1523


Variances<br />

Allégories et catacombes<br />

Allégories et catacombes - je te sais renaître dans ce fer tyrannique pour la<br />

beauté des coups. Je te sais gémir pour l'interdit et l'impuissance - pour le vice<br />

et la cruauté. Pour l'idéal de la perversion. Je te sais : tu gémis - gémis et<br />

soupires de plaisirs.<br />

Voilà ! Coups sur coups. Gémissements sur gémissements, ô mon amour qui te<br />

tords et te retords, tu le sais - je veux te suspendre dans les airs pour des<br />

jouissances inconnues.<br />

Et te voilà interdite, bénéficiant de spasmes aériens - te voilà heureuse, prise et<br />

reprise dans des sangles de cuir - comme suspendue et léchant, suçant l'objet<br />

rare, en érection - en désir de vice et de vomissures... Car tu as envie de vomir,<br />

ma reine.<br />

- Vois, je t'accompagne dans des hoquets de dégueulis légers. Vomis, crache,<br />

pleure et lèche à nouveau. Comme tu es belle ! Comme !<br />

À nouveau, fais-toi prendre et reprendre par derrière. Pour l'éjaculation sublime<br />

dans tes spasmes de vomis avec ta bouche pour lécher encore. Oui, lèche,<br />

1524


lèche, lèche encore.<br />

1525


Ruptures et chutes<br />

La fatigue disparaîtra dans la transparence. A sa place, ce seront ruptures et<br />

chutes, axes transmis sur le seuil des yeux ouverts. S'élèvera inlassablement le<br />

silence accompagné de choses asphyxiantes. Du moins un cristal acéré fendra<br />

de nouvelles ténèbres.<br />

Oui, mais se formera lentement comme dans des contradictions consenties le<br />

génie furtif, prolongeant dans ses mains des formes étroites. Qui faudra-t-il<br />

invoquer ? Les invisibles actifs - les retraits de ses mains ? L'intelligence qui<br />

bouleverse l'ensemble saura répondre à la question.<br />

1526


Disparaît la transparence<br />

Disparaît la transparence pour que s'épanouisse à sa place le silence. Chutes,<br />

ruptures, - tout se fait ou luit face au cristal.<br />

Reste-là. Reste-là avec tes yeux ouverts ou invente un langage propre.<br />

Tu affaiblis ma pensée - tu veux transposer ma réalité. L'inévitable contraire est<br />

validé tout à coup.<br />

Je conçois le possible dans mon esprit. Je suis là où la déflagration se détruit à<br />

tes pieds.<br />

Tu me maudis et m'aimes pour que j'invente et anime un espace nouveau. Mais<br />

je suis caduque, vieil informe qui ne sait ce qui est.<br />

Voilà je t'implore un sublime idéal - tu m'expliqueras la configuration nette, la<br />

perfection à atteindre. Mais l'ombre déjà détruit...<br />

Obscurément sont-ce des briques ou des courants nuitamment liés dans l'ordre<br />

de la construction ?<br />

J'ai besoin d'écrire, de produire, de penser autrement. Crois-tu que tu me<br />

permettras d'extraire des pensées claires aptes à s'intégrer dans le schéma de<br />

l'écriture-mienne ? Je t'aime et veux savoir.<br />

1527


Ce sont des vannes obstruées. - l'Etre ne saurait s'y développer. L'énergie fond,<br />

le Néant s'extasie. Personne ne connaît le poids de la rose. La beauté se déploie<br />

et déploie son contraire.<br />

1528


Le lieu autre<br />

Plonger là oui devant soi pour exploiter un nouvel espace, pour fondre dans un<br />

clair absolu et remplir un autre vide.<br />

Il faut construire ce lieu dépouillé, y exercer une réelle liberté jamais connue.<br />

Ce n'est pas un abîme, c'est un territoire vierge à construire.<br />

Poursuivre et s'enfoncer où cela n'a plus de sens. Aller encore toutefois.<br />

L'être disparaît mais que peut-il trouver ? Il y a descente dans le vide, sorte de<br />

saut retenu par les pensées qui ralentissent la chute.<br />

Il finit par aimer le vide car cette attraction est certitude de lieu autre - lieu<br />

nouveau où l'intelligence pourra se déployer.<br />

Le vol pour plonger dans la transparence, en témoigne cette lumière évidente<br />

obtenue par la vitesse et la fuite. L'on parvient à illuminer l'abîme.<br />

Abîme ! Bel abîme ! Quels seront tes secrets ?<br />

Je persévère dans l'extrémité la plus lente sans parvenir à achever ma chute.<br />

1529


J'ai parfois rêver de me dresser à la verticale pour accéder aux extases célestes.<br />

Mais cela était luxe impossible, que salut inventif, que folle expectative...<br />

1530


Déterminations de profondeur<br />

Déterminations de profondeur et de pénétration pour parvenir à trouver un<br />

nouvel espace.<br />

Supposons que nous possédions cet espace - où se situe-t-il ? Que contient-il ?<br />

N'est-ce pas un autre actif - je veux dire un langage différent avec du matériel<br />

de mots associé dans un ordre déplacé ? Et quel langage ? Car il s'agit de choix,<br />

de prélèvements, de distinctions.<br />

Mais il se peut que l'espace détermine un autre fondement verbal de mots - que<br />

l'ensemble offre un inconnu totalement vierge de toute spéculation cérébrale -<br />

et c'est acte de créativité à l'état pur !<br />

Ou encore une rare vérité d'images - d'extrapolations mentales ou de<br />

symbolisations autres<br />

- que sais-je !<br />

Alors ! Comment déterminer ce nouveau vrai ? - Il faut qu'il soit suffisamment<br />

crédible pour se personnaliser dans l'espace poétique connu. Il faut que la<br />

critique - et quelle critique, - prétende que cet autrement est vrai pour l'intégrer<br />

à sa vérité poétique.<br />

1531


Certes - je suis naïf - mais je crois en la jeunesse - car elle saute les étapes,<br />

passe outre, ignore le passé, compresse, condense dans son présent. Oui, elle<br />

ignore l'expérience mais on peut lui donner la possibilité d'affiner ou de<br />

purifier son application offerte.<br />

1532


Le gouffre-néant<br />

Ce gouffre-néant planté là devant soi gémissant dans le silence espérant<br />

quelques vérités de vie...<br />

Obscur ! Obscur au bord du rien qui pourtant implore l'ultime d'une éclaircie,<br />

je te sais supplier d'extase.<br />

Dans l'entrevoir, je sens les mots se déplacer pour combler ce vide, pour le<br />

nourrir d'ombres légères, de douces fluidités, de sens étranges et d'audaces<br />

inouïes.<br />

Les fumées m'échappent - les larmes antiques de : "N'entre pas car ceci ferait<br />

violence à ta poétique", m'imposent à me comporter autrement.<br />

Déjà je vocifère dans ce rien - j'espère et exploite une cendre nouvelle -<br />

déjà...Pourquoi ? Pour : demeurer en sans découverte aucune, sans espoir de<br />

substance supérieure.<br />

O luxe de rien - me laisseras-tu gémir éternellement pour ce faible feu, pour ce<br />

Néant insignifiant ?<br />

Des larmes chaudes se répandent sur le marbre noir car La Conscience sait<br />

pertinemment qu'elle ne peut obtenir quelconque objet inédit.<br />

1533


L'idéal des irréelles<br />

À l'instant de son impossible, l'idéal des irréelles - des sensuelles outres - des<br />

blondes volubiles - et moi, rêveur à la peau claire, je divague nuitamment.<br />

Elle, dans ses yeux verts, et son éclat est un rêve immortel - je l'espère dans sa<br />

paix - je l'invoque - volcan, braise ou aurore boréale - enfin tout au facile pour<br />

des fiançailles équivoques.<br />

Me mènera-t-elle dans les méandres de cette eau torve où poids et soleil se<br />

concrétisent en ces lieux ?<br />

J'ai le penchant pour un visage parfait qui aime dans ses ravissements et<br />

implore dans sa transe des ivresses folles.<br />

Quant à savoir où j'implore, où je supplie, la censure se déploie encore.<br />

Ce qui était dans son silence abrupt, priant cette beauté insignifiante, ignorant<br />

l'importance, - ignorant.<br />

Laisse brûler le silence - les larmes t'appartiennent.<br />

Beauté, tu es ma grandeur - tu es ma hauteur - immensité, intensité autre - et je<br />

gémis dans l'éternité du néant quémandant les choses pures.<br />

1534


Plus profondément sous le soupir, la paix éternelle, extrémité de brise ardente<br />

implorant d'extase - je t'atteins dans le souffle du désir - toujours je t'appelle et<br />

te supplie dans des extases belles.<br />

Pour entrer dans la joie du prélude prohibé - la beauté s'offre au loin - la baie<br />

bleue de lumière tiède dans l'orifice souple propose une pénombre à pénétrer<br />

très doucement.<br />

1535


Tentatives<br />

1<br />

Pour le principe, il s'exécute - à présent fraîchi, défraîchi, cherche une voix. Y<br />

reviendrai-je avec des accents mêlés d'heures creuses sous une chair ? Est-ce le<br />

monde, est-ce le monde dans sa béatitude de découvertes ou est-ce moi ?<br />

Tu vois, je renâcle et je beugle - je beugle à tour de voix - me voilà dépecé,<br />

désaxé dans l'infini de l'entre-moi.<br />

Je cherche, je cherche - y songez-vous sans rechigner - l'espace est là.<br />

À présent creuse pour ce décomposé, supprime, exalte, exalte-toi. Tout<br />

m'indiffère au fond de ma chair, je reste quoi.<br />

Un espace emporté - pour le bel inconnu, composant un modèle, - j'en active le<br />

jeu.<br />

Le système me conduira dans l'inventé, évinçant les impostures avec une<br />

pensée qui respire en franchissant les paliers.<br />

J'avance exploitant la masse - je suppose : lancer contre un mur - un mur<br />

d'improbables - je pourrais dire : danser dans l'irréel du fantasme.<br />

1536


Je focalise avec des anneaux et mes détentes manquées - j'avance avec cible et<br />

certitude circulaire. Je deviens une figure dévissée implorant l'impossible<br />

principe à atteindre.<br />

2<br />

Avec des rayons, se reformait - c'étaient présences d'ombres hors du commun -<br />

outre et déjouées - avant que par la pensée, tout fut retracé - en avalanches de<br />

couleurs - et soudain, ce fut MOI, MOI dans ma candeur et mon ultime - un<br />

peu en arrière - proposé sous l'épaule. J'étais contre l'échelle - avec des pensées<br />

rouges, l'histoire commençait. Ce fut soudain et maintenant.<br />

Des heures hurlantes pour des possibilités improbables – était-ce allure ?<br />

Obtiendrai-je une surface ?<br />

Après vieille lanterne, l'émoi s'égare et s'oublie dans mon âme.<br />

Et que puis-je affirmer ? Voilà, l'autre, ailleurs tout tremblant et défroqué.<br />

Je me noircis en pièces - à Toi.<br />

1537


Le modèle<br />

a<br />

Je m'applique au modèle assidûment<br />

La feuille pourrait l'enfourcher<br />

Je me jalouse et lèche pour l'inclinée.<br />

Ceci est Syracuse.<br />

Le tout est prononcé dans des délires de fruits,<br />

dans des pensées gustatives ou des élaborations incertaines.<br />

J'aspire toutefois à une bouffée - à une extravagance<br />

de l'esprit qui me permettrait de déplacer de nouvelles cordes.<br />

Ceci est très contemporain et très efficace.<br />

b<br />

Parfois calme en quelques diableries de délires -<br />

de présuppose. Je te parle en enfant débraillé - allant jusqu'à la course -<br />

déplorant des simulacres - espérant des apogées bariolées<br />

Je rejette les carcans étroits, les transes impossibles.<br />

Toutes les invraisemblances sont des aberrations à mes yeux.<br />

- Paupières, cils, prunelles - je n'ai rien vu.<br />

1538


c<br />

La bouche d'argent est un orgasme bleu. Je m'épanouis<br />

dans une apothéose interdite. Je rencontre l'orgasme flamboyant dans des<br />

délires nuptiaux.<br />

Les lèvres frémissent avec les sourcils. Je gémis lentement. La ressemblance<br />

est trompeuse<br />

- je prétends, prétends encore mais autrement. Ce sont de doux yeux pour un<br />

petit exil.<br />

En vérité, je n'ai jamais su. Sur tes ailes, coule mon désir.<br />

Ma belle, ma belle élaborée ressens au plus profond du Moi les extases<br />

inassouvies.<br />

d<br />

C'est face à l'habitacle - c'est dans une maison dorée. L'office s'y répand en<br />

exil<br />

d'appartement. Il faut voir les portes et les pentes inclinées. Tout ceci requiert<br />

un placement poussif ! C'est à vous de décider !<br />

Elles se tiennent lovées - elles murmurent en aphone pour une apothéose<br />

cérébrale<br />

ou sexuelle, que sais-je<br />

e<br />

1539


Je me retiens seule et je murmure en sofa oublié. Suis-je sourde, tête<br />

lourde ? - Non, je sais déployer mes talents, mes lucres et mes aubaines de<br />

fille-vierge,de femme-sensuelle, de salope ??? sexuelle ???. À vous de décider.<br />

Mais juré ! Je me retiendrai...<br />

f<br />

Contre-pensée, contre-plongée - tous ces biens conjecturés ne sont que des<br />

maléfices, qu'une chorale impalpable défiant l'ordre à respecter.<br />

Il y a remise, remise contre le poitrail, mais personne ne semble habilité.<br />

Ce sont des fluides chauds - mais je rêve - je dors en dessinant un idéal<br />

hongrois au-delà de mes vices. C'est tout comme - ceci est un bol d'humeur.<br />

1540


L'avènement de l'Écriture<br />

a<br />

Pour soupirer ce sera long<br />

en finissant par la surprise<br />

Restent en nous ces jours de décadence<br />

déchirant nos ciels à l'extrême<br />

En certitude de sentiments avec<br />

ces débats éventuels pour la clarté<br />

Il est vain de chanter l'interdit<br />

b<br />

Cela signifierait : " En harmonie<br />

avec contraste l'esprit d'un monde<br />

qui est en vous il vous suffit de redescendre<br />

j'entrechoque vos idées "<br />

c<br />

1541


Tout embraser comme pour composer<br />

toute pensée aléatoire ceci doit être dit<br />

en finitudes de lassitudes<br />

Ou là encore dans l'infini des déplacements<br />

dérisoires je sais, tu en ris exploite les procédés<br />

Il déployait, se déployait, dérivant et s'usant<br />

à quelle vitesse, prétends-tu naître ?<br />

d<br />

Je me déploie et j'oublie - je me déploie<br />

à l'inverse par cercles le temps est un aller,<br />

en termes concentriques mais les pensées y sont restées<br />

e<br />

Je conçois pourtant une autre trajectoire fuselée,<br />

libre et sereine - la marche me semble ridicule,<br />

poudreuse, enfouie par moment<br />

1542


f<br />

Vertiges, fragments, plongées - où l'esprit<br />

se déploie, la pensée disparaît avec ces fuites<br />

infinies dans l'interdit, dans l'idéal-Moi<br />

À grands foyers pour te peu, pour te pas,<br />

pour te purifier<br />

J'appelle cela simplement : l'avènement de l'Écriture<br />

Faut-il l'extraire de sa gangue poreuse ?<br />

À toi de les démêler dans le prisme de son nuancier<br />

1543


L’infatigable recherche<br />

a<br />

Durant des heures, élaborant, concevant une écriture nouvelle -<br />

du moins le prétendant<br />

Transformant, déplaçant l'ordre des mots, y injectant des idées<br />

audacieuses<br />

Oui, il a cru - a cru pour une vaine médiocrité infâme accéder<br />

à une forme différente, utile, favorisant l'œil acerbe du critique.<br />

Tout cela était en vain. Dans sa médiocrité, il avançait<br />

stupidement.<br />

"Tremble toute ta peine, homme fadasse et insignifiant !"<br />

b<br />

1544


Le vide à repenser jusqu'à l'extrême de son Néant.<br />

Insistant dans son secret - la pensée mise à plat.<br />

c<br />

Sauf à glaner, sauf modèle en soi<br />

à chanter reste là sur l'autre talus<br />

impensable qui se prétendait au-delà<br />

en toi pourtant instituant quelque sourire nouveau<br />

1545


Imaginaires clairs<br />

Imaginaires clairs à repenser dans le Néant du suc épais<br />

avec avidité et avalanches<br />

Espère désapprenant toutes ces cordes enfouies<br />

dans le délire de ton âme<br />

Sonores - elles sont sonores - et j'exploite nuitamment<br />

la beauté de leurs ressources<br />

J'envisage même quelques séquences fluides en lignes<br />

équivoques et interdites - ce sont des possibilités extrasensorielles<br />

La pensée se fond dans l'horizon où se conçoivent les tentatives<br />

et les esquisses<br />

à l'infini, et s'accordant, se regroupant<br />

au-dessus du blanc, le remplissant, le dévorant,<br />

jusqu'à un certain ordre, un certain aménagement, une<br />

densité<br />

dans le temps, une étape d'une construction<br />

qui se mesure à une lassitude - la mesurer -, à la<br />

1546


saturation du jeu, à son obturation, avec vertige d'un<br />

décompte impossible parmi d'autres, tous ces systèmes<br />

complexes *<br />

L'exploration au fond de l'âme - la pensée<br />

saisie, extraite puis reconnue<br />

* David Lespiau - L'épreuve du Prussien<br />

1547


Nuit<br />

I<br />

Nuit, enfin. Nuit pour ouvrir ? Si long en si peu. Toi, avance.<br />

Se dresse l'abîme au plus profond des ruines, enfouie<br />

dans la mémoire du temps.<br />

Quel avenir pour l'âme ? La certitude s'efface. Dans l'invisible,<br />

il ne reste rien.<br />

Tu prétends au murmuré - d'élan soufflé en volatile insignifiant.<br />

Tu respires une forme qui se meurt sans substance ni matière,<br />

pour une intelligence immobile fuyant la clarté des choses.<br />

Tu vois, je suis indivisible certain que la durée disparaît<br />

dans ce mensonge de création qui n'est pas.<br />

Scintille ici et là dans tes sinistres clairières. Dévore en mon<br />

sein tes futures offenses. Moi, je m'octroie la sublime lumière<br />

qui avive en ma chair la limpide fluivialité - loin des eaux<br />

dégoulinantes de sang et d'excréments.<br />

1548


Tel est l'orgueil du purifié !<br />

II<br />

Le matin clair. Été fondu dans cette idéale de transparence - je sais,<br />

jamais n'explosa en lancées, en éclairs immortels, éternels - oui,<br />

avec poursuites de ne pas, ne pas.<br />

Quel parfait négatif ! Entre en toute joie de rien,<br />

de peu, d'autrement.<br />

Mais qui comprendra ?<br />

III<br />

Cependant épurées, en ivresse d'insomnies avec raretés invisibles<br />

développées dans mon champ - je sais, j'espère et je m'égare.<br />

Mes folies sont diverses. Je suis en attente perpétuelle.<br />

Et toi. Et toi, de dire, quoi ? Dans tes perversités<br />

d'insomniaques, en travail<br />

1549


de prières, que prétendais-tu partager ?<br />

Ce sont des rires loufoques agrémentés d'audaces aberrantes.<br />

Alors vole en éclats l'éphémère insoumis en elle !<br />

I<br />

Quelle limpidité exquise quand elle s'éloigne<br />

de ses brumes offensantes !<br />

Que d'extases elle traverse après ses suppliantes !<br />

Dans ses faux degrés d'ascension,<br />

elle domine cette obscurité étrange où nulle intelligence<br />

ne peut savourer le délice supérieur.<br />

II<br />

Je te sais en perfidie de quintessence, en idolâtrie venimeuse,<br />

en pandelauques antiques, en rien de néant car tu n'exite pas.<br />

Tes gestes de bravoure sont insignifiants, et ta lumière se noie<br />

dans les ténèbres.<br />

Implore quelques aumônes divines ressuscitant<br />

des espoirs poétiques hagards !<br />

1550


III<br />

Elle s'offre à nouveau profane ou indomptable<br />

entre l'éveil et l'inconscient<br />

- très profondément - c'est grande peine de pouvoir la saisir<br />

là où se dressent<br />

les contraires. Qui la retient dans son non-vouloir,<br />

longeant l'absence dans ? Qui ?<br />

1551


Les ombres fragiles<br />

I<br />

Tu frissonnes sous les ombres fragiles - quel ravissement inconnu<br />

éloigné du spasme !<br />

La lumière crue défaille en ton silence, tes orgasmes<br />

absolus semblent meilleurs.<br />

Là-bas vacille la longue stimulation impossible parcourant<br />

toute entière la traverse gémissante.<br />

Quelle splendeur pour le plaisir débutant !Dans le cheminement<br />

de l'impossible, la folie se déploie avec certitude.<br />

II<br />

Sous la clarté, c'est un obstacle qui s'obtient - elle se répand<br />

en flancs volumineux.<br />

Est-elle ombre ? - Qui décide ? Je l'envahis sous mes humeurs.<br />

1552


Le monde s'étale - le monde est une vasque mouvante.<br />

Je la supplie sous ses miroirs.<br />

Apeurée, soumise, quémandante, elle espère encore.<br />

III<br />

Elle est là qui s'élève dans l'idéal inconscient.<br />

Je suis dans des brumes légères, et j'espère là.<br />

Quel cristal de limpidité tout à coup va déployer<br />

de nouvelles extases ?<br />

Que puis-je obtenir de plaisirs interdits ! Ma cervelle substitue<br />

d'incroyables délires à mes dépens !<br />

Quelle pénétration obstinée dans un désir immuable !<br />

Je descends et descends<br />

en degrés espérant de nouveaux spasmes<br />

dans mes ténèbres profondes !<br />

Je réclame une aumône céleste et n'obtiens qu'un désert - désespoir<br />

1553


de gémissements chimériques !<br />

1554


Le jamais clair<br />

Le jamais clair<br />

Le remonté du fond des entrailles<br />

Narguant son accomplissement, et se créant<br />

Pourfendant ses acides, dans son aléatoire vain<br />

Valves et souffleries entourées de magma<br />

La voici, elle ! remontant encore<br />

Elle dévale, l'intrépide et se perd !<br />

Elle embrume sa face étoilée cherchant<br />

dans son Néant l'élixir inconnu<br />

Se targue-t-elle d'objets insolites, de dérisoires<br />

délétères, d'origines infuses ?<br />

Ô puissance du Moi dans sa vaine descendance,<br />

indéfinissable savoir en quête de surnaturel, prétendant<br />

la distance faible entre l'acquis et l'inédit,<br />

Oui, étrange tumulte offrant l'idéal modèle obtenu<br />

et incompris - je te sais parfois naître et renaître dans les folies<br />

1555


de la passion.<br />

Déjà la forme exulte sous le soleil de sa propre lumière<br />

et conçoit l'objet même imperceptible, inconnu, décevant,<br />

unique objet toutefois.<br />

Elle se meurt perpétuellement pour renaître d'une double<br />

abondance - elle rivalise de désirs et de génie entre l'offense<br />

et l'épousée -<br />

Intelligente, elle transmet.<br />

Qui plonge dans son pur Néant ou fuit désespéré, méprisé<br />

de tous ?<br />

Qui renvoie à la fièvre<br />

1556


Dans quelle gravité ?<br />

Génie ? - Dans quelle gravité ?<br />

céleste et incessante dans l'autre monde, ici pensé !<br />

Du vrai interrompu avec méandres et discernements.<br />

À la rencontre du nu, - contre les pensées.<br />

De ce souffle vivifiant en soi-même ~ qui te soulève<br />

au-delà de ta propre hauteur<br />

Mais là plus bas, et tu plonges en surabondances de grâce<br />

et d'humeur claire<br />

Les pensées éternelles toujours vacantes en toi<br />

~ voilà que tu vacilles<br />

Elle s'exténue dans son mensonge à la recherche<br />

de quelque aléatoire impossible<br />

Et pour quel degré suprême de l'intelligence ? - Dans le vrai pur,<br />

aveuglément en soi !<br />

Englouti, englouti au plus loin avec mouvements et immobilités,<br />

1557


- quelles vaines traces d'existence lézardée !<br />

1558


Espace monochrome<br />

Dévalant l'intuition, les formes bien découpées,<br />

se concentrant dans le silence<br />

- espace monochrome à la Klein, pigment et or intense<br />

pour soutenir le bien-vouloir d'un souvenir<br />

Ainsi tu flottes au-dessus, contemplant le silence –<br />

vois : ceci est un subtil déplacement,<br />

tambourinant dans l'espace du rêve - chimère et horreur<br />

Pourtant serein sous cette paix, considérant l'attente,<br />

face à l'équation, j'invoque une forme élaborée, j'espère, j'aspire...<br />

1559


Au plus profond<br />

Qui se déploie au plus profond<br />

dans cette trouée d'étonnements<br />

En vous est le soyeux sans mouvements circulaires<br />

Fit naître le soupir l'opacité du rien en dispositions de désirs<br />

en métamorphoses de formes avec déflagrations de jets<br />

Pratiques accueil souffles<br />

Revendiquez votre plaisir en mille tourbillons d'excès<br />

le rythme est en suspens revient un autre, plus épais, plus large<br />

La durée la descente le resserrement<br />

Je m'octroie des effondrements sirupeux<br />

Le corps est un vaste désastre à chaque sursaut augmente le désir<br />

Pour quelle intensité ? - Je refuse de souffrir, je veux guérir,<br />

se plaint-elle<br />

1560


Écrasée dans l'impossible, au-delà des douleurs,<br />

je cherche le chemin, l'éclair<br />

Vous êtes un philosophe et implorez le soulagement<br />

Moi, je pense éclat, corps dressé, épuisement total<br />

Je m'expose dans des délires fangeux - ceci est<br />

mon expérience - au grand procès de la dépravation, j'exulte encore<br />

Couchez-moi couchez-moi retournez-moi<br />

en plaisirs bigarrés c'est une joie sauvage<br />

L'exposition du rien pour jouir - j'y pense sciemment<br />

Au plus profond de la butée, elles sont fréquentes<br />

Dans chaque trou, si j'ose - en ce lieu est l'ouverture<br />

Pénètre - le visant et la poussée j'aime l'effet que cela procure<br />

Souillée dans mes orifices mais je dors – mort<br />

1561


Gouttes perlées<br />

Gouttes perlées, touffeurs rouges avec sécrétions vaginales<br />

pendant au bout des poils ;<br />

tu dis : belle rouille de fille couinant avec abcès et clitoris ;<br />

à demi-soumise, pleurant dans la poussière ~ oui, ensevelie<br />

là pour la plongée, en gémissant.<br />

Tu fus souillée - au plus profond - avec alliance<br />

de codes pervers soumis au sang,<br />

c'était précieux - ivresse et déversoir de tous côtés.<br />

Qui étreint ? Qui parjure ? - Ces règlements au plus profond.<br />

Revient vicieusement en lui-même - flux et reflux<br />

- dans son abjecte accoutumance.<br />

Immense joie obscure, elle trésaille, elle s'aiguise,<br />

vacille et gémit sous ses tortures et soumissions<br />

Quelque chose lui impose de se redresser<br />

1562


pour ces actes sacrés, quelque chose la transporte.<br />

Toute accumulation de cris et de plaisirs - tout silence<br />

suppliant gémit et implore à renaître.<br />

1563


Les heures feues<br />

Dans cette bleuité ~ à peine se défend-elle<br />

au plus profond avec sa transparence<br />

D'ombre et de soleil inondée par son espace<br />

Sera-t-elle accessible aux heures feues ?<br />

Lointaine, et se mouvant là-bas vers son précipice<br />

je la sais qui m'échappe...<br />

Je capture un songe de femme irréelle<br />

en elle est un sublime nectar<br />

L'or de ses cheveux la nimbe<br />

Suis-je seul à la goûter ?<br />

Autre que moi-même ? Nul être peut-être !...<br />

1564


Je me déploie<br />

Comme de se dire : à quoi, à peine ouvert ?<br />

- La mémoire en suspens<br />

exulte ses saveurs.<br />

Des fois - des fois, contre l'effort - lumière sous les claies.<br />

Mûres et battues - fouettées en pleine saisie - d'insister :<br />

pensée d'angle<br />

et plus y va.<br />

Se proposant contre la coudée - à tire de feuille -<br />

écarte en ton coin, oublié.<br />

Mille ardeurs, encore parlant - pour cette démarche, compromise<br />

Le son, le son est frappé - écoute ignoré. Tu vois,<br />

c'est plié selon. Poussées, presque offertes.<br />

Soudain, en filles épanouies avec délires et règles<br />

de n'être pas, appuyé contre l'eau - de oui meurtrie,<br />

de oui aime-moi encore.<br />

1565


Je jette le champ. Je pense Eléonore. La pierre argentée.<br />

Eaux mortes, eau vidées pour toujours. À jamais je me déploie.<br />

1566


éLéMENTS BIOGRAPHIQUES<br />

<strong>Version</strong> <strong>2018</strong><br />

1567

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