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L'Essentiel du Sup - édition spéciale Semaine du Management

Quels sont les 10 Grands défis de l'Enseignement en gestion ? C'est la question que pose ce numéro spécial de l'Essentiel du Sup en partenariat avec la FNEGE pour la Semaine du Management 2018. Vous n'étiez pas présent lors de cet événement ? Alors lisez ce numéro !

Quels sont les 10 Grands défis de l'Enseignement en gestion ? C'est la question que pose ce numéro spécial de l'Essentiel du Sup en partenariat avec la FNEGE pour la Semaine du Management 2018.
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ENTRETIEN<br />

un métier grâce ou avec les Big Data. On apprend d’abord le private banking, et<br />

les outils. L’enjeu majeur c’est d’apprendre à apprendre à des jeunes qui sont<br />

des professionnels, pas des spécialistes.<br />

O. R : La culture reste donc un élément essentiel de l’apprentissage<br />

dans une formation en gestion ?<br />

M. T : La culture permet de faire le lien entre les connaissances. Comme le<br />

disait Socrate « le pire c’est d’ignorer qu’on ignore ». Pour réfl échir à la supply<br />

chain il faut aussi avoir une épaisseur anthropologique et géographique. Cette<br />

acquisition fait partie de la tradition des classes préparatoires mais la part des<br />

étudiants qui en sont issus diminue. Dans les instituts d’administration des<br />

entreprises (IAE) on trouve des étudiants qui ont un très bon niveau dans un<br />

domaine spécialisé mais n’ont pas toujours ce type de culture.<br />

Or sans cette culture il est diffi cile de se situer dans le temps, d’avoir une vision<br />

diachronique et évolutive <strong>du</strong> monde, de relier les faits à d’autres domaines dans<br />

une vision universelle. Le risque c’est de cocher, un peu bêtement, des cases de<br />

compétences.<br />

O. R : On parle beaucoup de "soft skills", de « compétences douces »,<br />

dans la panoplie de compétences <strong>du</strong> diplômé en gestion. Quelle est leur<br />

importance ?<br />

M. T : On se place là dans le champ comportemental plutôt que dans celui, plus<br />

large, des compétences. Cette importance des "soft skills" tra<strong>du</strong>it une logique<br />

économique pure et <strong>du</strong>re. Les entreprises demandent que les diplômés soient<br />

effi caces et rentables le plus vite possible dans des responsabilités managériales.<br />

Le diplômé est souvent évalué sur le travail des autres sans pour autant<br />

avoir ni titre ni responsabilité.<br />

O. R : Qu’est-ce qu’un établissement d’enseignement supérieur de<br />

gestion devrait considérer comme primordial d’acquérir vis-à-vis des<br />

besoins des entreprises ?<br />

M. T : Dans le monde <strong>du</strong> travail, il faut pouvoir travailler avec des personnes<br />

qu’on n’apprécie pas forcément, dans un univers qui est collaboratif par nature.<br />

Et cela n’est pas inné, ça s’apprend. Cela se voit dans les pratiques culturelles<br />

et sportives : une entreprise préférera souvent embaucher quelqu’un qui a passé<br />

vingt ans dans des clubs de foot que cet autre qui a papillonné d’une activité à<br />

l’autre.<br />

La professeure de management Lynda Gratton s’est intéressée à l’impact de<br />

l’évolution des structures familiales sur le travail. Selon elle, nous serions passés<br />

d’une norme de la famille traditionnelle, un homme, une femme, longtemps<br />

ensemble avec des enfants, à un type de famille, très divers et différent. Dans<br />

la famille traditionnelle vous vivez dans un collectif imposé. Dans la famille non<br />

traditionnelle, la personne peut penser qu’elle défi nit elle-même sa position.<br />

Je le vois particulièrement lorsque je demande à mes étudiants d’écrire leur<br />

biographie. Les « non traditionnels » s’y expriment sous la forme d’un « je »<br />

et racontent un récit au sein <strong>du</strong>quel la famille est un lieu où ils décident leur<br />

parcours.<br />

Mais dans l’entreprise traditionnelle il faut parfois porter des « charlottes »<br />

et respecter des horaires. C’est souvent ce problème d’adhésion à une vision<br />

collective qui con<strong>du</strong>it les jeunes à se lancer dans la création de start-up. Alors<br />

comment développer le sens <strong>du</strong> collectif dans une institution d’enseignement<br />

supérieur ? C’est là qu’il faut s’interroger sur la réponse à donner aux étudiants.<br />

L’enjeu est de les préparer à ce monde collaboratif aux formes tellement<br />

diverses.<br />

O. R : La FNEGE fête ses 50 ans. Cela fait sans doute un peu loin mais<br />

quelle mission pensez-vous qu’elle doive maintenant remplir pour les<br />

cinquante ans qui viennent ?<br />

M. T : Ces 50 dernières années l’enseignement français de la gestion a bien<br />

tenu sa place grâce à des établissements qui ont su conquérir les accréditations<br />

internationales, AACSB et Equis, et s’imposer dans les classements internationaux.<br />

Je pense que la FNEGE y a contribué à la place modeste qui est la sienne.<br />

Pour l’avenir, la FNEGE doit d’abord réfl échir en fonction des besoins de ses trois<br />

grandes parties prenantes.<br />

D’abord les établissements d’enseignement supérieur pour lesquels nous<br />

sommes un lieu neutre. Un lieu où on peut se retrouver et qui n’existe que si<br />

nous proposons des services pertinents et utiles. Tant qu’il y aura un enseignement<br />

supérieur consacré à la gestion nous devrons nous reconstruire pour être<br />

pertinents.<br />

Notre deuxième partie prenante ce sont les enseignants-chercheurs. Une population<br />

sous pression que nous devons épauler pour valoriser leur travail. Il y a<br />

quarante ans nous avons créé une revue, la « Revue française de gestion », et<br />

offert des bourses aux jeunes enseignants pour aller se former aux États-Unis.<br />

Aujourd'hui nous créons la plateforme de diffusion de vidéos FNEGE Médias et<br />

nous labellisons des ouvrages pour faire le pont entre les entreprises et leurs<br />

recherches. Les associations scientifi ques se retrouvent également à la FNEGE<br />

pour coordonner les classements des revues de recherche. Ce sont donc bien<br />

les professeurs de gestion qui le font et pas les universités comme c’est le cas,<br />

par exemple, au Royaume-Uni.<br />

Enfi n il nous faut contribuer à maintenir le lien entre les entreprises et le monde<br />

de l’enseignement. Alors que la gestion concerne 18 à 19 % des étudiants français,<br />

alors que les enseignants pro<strong>du</strong>isent une recherche reconnue, le Baromètre<br />

FNEGE montre que les entreprises ne sont pas toujours au fait de l’utilité<br />

de la recherche en gestion. Ce qui n’est pas le cas <strong>du</strong> côté des études d'ingénieurs.<br />

Nous devons donc nous assurer de la solidité des ponts entre monde de<br />

l’enseignement à la gestion et monde des entreprises. C’était le cas dès la création<br />

de la FNEGE. Le président de la FNEGE est d’ailleurs toujours un dirigeant<br />

ou ancien dirigeant d’entreprise.<br />

O. R : Comment la FNEGE est-elle financée ?<br />

M. T : Essentiellement par nos activités propres. Nous recevons juste quelques<br />

fonds publics dans le cadre <strong>du</strong> PIA pour l’entrepreneuriat-étudiant.<br />

O. R : Vous parliez de relations des établissements supérieurs de<br />

gestion avec les entreprises. L’un des indicateurs de leur bonne<br />

corrélation est le développement de la formation continue. Dans l’étude<br />

que la FNEGE a menée en 2017 sur "Les ressources des écoles de<br />

management" les auteurs semblaient relativement sceptique quant à<br />

son développement.<br />

M. T : Le scepticisme que vous avez pu percevoir dans l’étude vient sans doute<br />

<strong>du</strong> fait qu’il s’agit d’un secteur d’activité différent dans lequel les résultats ne<br />

sont jamais à la hauteur des atten<strong>du</strong>s. Le vrai enjeu de la formation professionnelle<br />

est vis-à-vis des professeurs pour lesquels la formation continue est un<br />

outil de développement professionnel dont il est diffi cile de mesurer l’impact.<br />

Mais peut-on imaginer un enseignement à la gestion dans lequel les professeurs<br />

ne se confronteraient pas régulièrement à l’entreprise et aux professionnels ?<br />

Dans beaucoup de domaines, il faut se confronter avec la réalité au-delà de l’utilisation<br />

de bases de données secondaires.<br />

Reste le problème des locaux qui doivent aussi être différents pour la formation<br />

continue. D’où les investissements dont la rentabilité est parfois diffi cile à<br />

obtenir.<br />

O. R : Vous l’évoquiez : la recherche en gestion doit rester en contact<br />

avec les entreprises. Mais c’est par leur recherche publiable dans les<br />

grandes revues que les enseignants-chercheurs sont essentiellement<br />

évalués. Et cette recherche est parfois très loin de correspondre aux<br />

besoins des entreprises…<br />

M. T : La recherche publiée dans les revues est un élément d’évaluation central<br />

pour les enseignants. À la FNEGE, nous faisons en sorte, avec les livres et les<br />

vidéos par exemple, que toutes les activités des enseignants-chercheurs<br />

puissent être valorisées. n<br />

L’ESSENTIEL DU SUP | NUMÉRO SPÉCIAL | SEMAINE DU MANAGEMENT<br />

7<br />

E 14659 Magazine LEssentiel-<strong>Semaine</strong><strong>Management</strong>-DI-V3.indd 7 03/05/2018 11:01

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